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36. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Je n’ai, moi, qu’à dire ici la valeur historique et littéraire de ce livre, lequel, littérairement, est nul, et historiquement incomplet et sans précision. […] … On lui cherche partout des importances historiques… Et, d’ailleurs, il faut bien en convenir, il y a, dans l’histoire des peuplades de l’Amérique, — chez les Astèques, par exemple, les Mexicains, les Incas, à Quito, — de ces choses qui méritent bien pour les libres penseurs ce grand nom de civilisation, la flatterie moderne ! […] … IV Mais laissons ces sornettes historiques ! […] Qu’importe à nous autres, et même à la science historique, de savoir, par exemple, si l’origine des Othomis est inconnue ? […] Études philosophiques et historiques sur les civilisations (Constitutionnel, 22 juin 1874).

37. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

— encore plus historique qu’il n’est historien. Car il ne faut pas s’y méprendre, et on s’y méprend tous les jours, il est tel historien — et c’est le plus grand nombre des historiens de l’heure présente — qui n’a pas l’esprit historique, et qui ne touche à l’histoire que pour misérablement la troubler. […] C’est une fonction qu’on choisit et qu’on se décerne ; mais, si l’on n’a pas ce que j’appelle « l’esprit historique », c’est une fonction qui se retourne contre celui qui ose la remplir avec des facultés indignes d’elle. […] C’est qu’en lui, Michelet, comme dans tous les autres, l’esprit historique n’était pas assez fort pour maîtriser et gouverner l’historien. Eh bien, c’est cet esprit-là, — l’esprit historique, — si rare dans ce siècle, où le passé est traité insolemment de vieille barbe et de vieille guitare par des polissons qui auraient méprisé le sénat romain dans sa majesté, comme les Gaulois leurs ancêtres !

38. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

I Ce livre : La Papesse Jeanne, « roman historique, accompagné d’une importante (sic) Étude historique », m’est arrivé dagué à mon adresse pur l’éditeur. […] Ce sujet, en effet, n’est plus qu’une vieille loque historique percée par la science et répudiée par le mépris. […] Le Childebrand dont Boileau se moque ne m’a jamais fait peur… La Papesse Jeanne, tout erreur, mensonge et haillon historique délaissé qu’elle puisse être, pouvait trouver son romancier, qui l’eût transfigurée. […] La chose à lire, au contraire, c’est la dissertation historique sur la Papesse Jeanne. […] Mais la chose importante, qui va à fond, le trait à emporter, c’est la dissertation historique qui établit, ou qui tente d’établir, un point de fait qu’on croit déshonorant pour l’Église romaine, et avec lequel il s’agit de la déshonorer.

39. (1886) De la littérature comparée

Malgré la richesse de ses aperçus et la subtilité de ses analyses, Sainte-Beuve s’en est toujours tenu, en somme, à l’étude des documents historiques, des individus ou des groupes d’individus. […] Dans son « Introduction à l’histoire de la littérature anglaise », il explique avec une clarté parfaite sa méthode et son but : les documents historiques, parmi lesquels il compte les œuvres littéraires et les œuvres d’art, ne sont pour lui « que des indices au moyen desquels il faut reconstruire l’individu visible ». […] Cet homme, sur lequel les documents historiques nous ont renseigné, n’est pas un être isolé : ses actions, ses sentiments et ses pensées ont des causes en dehors de lui, qui sont « certaines façons générales de penser et de sentir ». […] Mais avec la méthode historique et psychologique, le problème est tout autre : il s’agit de rattacher le cours à quelque idée générale, de s’en servir pour arriver à la démonstration de quelqu’une de ces lois que la pensée moderne s’efforce de préciser, ou tout au moins pour suivre dans ses diverses phases un grand mouvement intellectuel. […] On peut affirmer ce fait avec d’autant plus de certitude, que le triomphe du mouvement auquel on a donné le nom de « romantisme » se trouve correspondre à peu près avec le grand élan national de l’Allemagne au commencement du siècle et avec la période historique où, à la suite de Waterloo, l’influence anglaise a été le plus solidement établie.

40. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Quant à ces deux volumes pris en eux-mêmes, l’auteur n’a qu’un mot à en dire : le genre humain, considéré comme un grand individu collectif accomplissant d’époque en époque une série d’actes sur la terre, a deux aspects : l’aspect historique et l’aspect légendaire. […] Qu’on ne conclue pas de cette dernière ligne ― disons-le en passant ― qu’il puisse entrer dans la pensée de l’auteur d’amoindrir la haute valeur de l’enseignement historique. […] Tous ces poëmes, ceux du moins qui résument le passé, sont de la réalité historique condensée ou de la réalité historique devinée.

41. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Comme toute la politique du Correspondant et comme celle de la Revue européenne, le livre de M. de Carné s’adresse particulièrement aux hommes qui formaient le parti de droite ; c’est d’eux surtout et des lumières propres à les ramener qu’il se préoccupe ; c’est à leurs préjugés historiques ou théoriques qu’il oppose, en chacune de ses pages, une plus juste raison des faits ou une argumentation qui tend à concilier avec les grands principes de la tradition catholique et romaine les résultats acquis de la civilisation moderne et de la révolution de 89. […] Ier, page 280) presque dans le sens mystique et apocalyptique qui avait cours parmi les écrivains de droite, et que ne saurait accepter une plume aussi ferme et aussi historique que la sienne. […] Cet homme s’appelle La Fayette, et il est le dernier des anciens hommes de l’Europe en qui vit encore l’esprit de sacrifice ; débris de l’esprit chrétien. » Dans le livre de M. de Carné, bien que le fond et le tissu en soient véritablement historiques et politiques, l’idée religieuse domine et rabat souvent les autres considérations à un ordre tout secondaire. « Plus les événements marcheront, dit-il, et mieux on comprendra que la question purement politique perd chaque jour de son importance, qu’elle s’amoindrit à vue d’œil, à mesure que se dessine et grandit la question de la régénération morale. » L’auteur s’est attaché surtout à démontrer que la réforme de 89 fut chrétienne dans son principe, bien qu’elle ne dût malheureusement s’accomplir qu’à travers une apostasie, au moins temporaire, du dogme religieux. […] La session de 1815 forme la partie historique la mieux traitée et la plus instructive du livre : les personnes honnêtement royalistes, qui se sont laissé prendre aux théories et à l’ancien droit français de la Gazette, ne pourront guère s’y maintenir après avoir lu le chapitre de M. de Carné. Les autres portions historiques sont moins précises, moins complètes, quoique semées de vues sagaces et neuves.

42. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Bernis, tout méconnu qu’il ait été, avait, après tout, étoffe d’histoire, et l’étoffe même était opulente, mais l’inconnu que voici n’a pas laissé derrière lui le moindre petit chiffon historique qu’on puisse ramasser ! […] II Eh bien, cette histoire qui paraissait impossible, cette histoire sans personnage historique, — ce qui ne s’était jamais vu, — Frédéric Masson l’a entreprise, et, qui plus est, il l’a faite, et il l’a faite intéressante ! Il a tiré son marquis de Grignan de sa poussière de marquis, et il nous a montré le rien historique de cet homme, qui ne fut rien par lui-même, quoique par sa naissance, son éducation, tout son être, et par la plénitude de son dévouement au roi du monde d’alors, il fût parfaitement apte à être tout, et qui vécut si peu, a dit éloquemment Frédéric Masson dans les admirables pages qui commencent son livre, qu’on ne peut pas dire qu’il mourut, mais qu’il décéda : une manière silencieuse de s’en aller et de disparaître ! […] Cette histoire n’est pas une histoire sur quelque grand homme célèbre, ou même ignoré, mais qui a vécu, et elle n’a pas non plus le ton historique qui généralement est élevé et sévère. […] Du moins, il a fait un tableau du mariage du marquis de Grignan et du supplice de la malheureuse qu’il a épousée, et qui, pour l’avoir sauvé de la ruine, passa sa vie dans l’abandon et dans le mépris ; et ce tableau, digne d’un romancier, semble en promettre un… Quoiqu’il en puisse être, ces facultés d’imagination et d’observation dont le livre que voici a révélé l’existence dans un auteur qui avait paru moins brillamment et moins richement doué, ces facultés, qui ont donné à ce livre nouveau un genre de piquant qu’on n’était pas accoutumé de trouver en un livre d’histoire, prendront-elles assez de développement et de place dans la tête du mâle auteur du Cardinal de Bernis, pour l’entraîner un jour hors d’une voie marquée par un livre si ferme et si exclusivement historique, ou continuera-t-il de les consacrer à l’histoire ?

43. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

L’antiquaire et l’artiste se combinaient en Champagny dans la mesure heureuse qui est une harmonie, et nous nous disions que, voué à l’histoire, il préciserait encore davantage par l’étude un talent déjà si précis et si net ; car les Césars sont plus peut-être de la numismatique historique que de la peinture. […] Enfin, comme appoint à ces trois dissertations historiques, l’auteur de Rome et la Judée finit son volume par un coup d’œil sur les hérésiarques et les imposteurs païens, sur le caractère des manifestations qu’ils provoquèrent, et sur l’Église, lieux communs qu’il n’a pu renouveler. Quoique la spécialité biographique, l’art de faire bomber ou creuser un visage, soit ce qui a le plus résisté dans le talent fin et curieux de Champagny, qui fut plutôt, autrefois, dans son meilleur temps, un graveur historique qu’un historien, et qu’on ait reconnu sa pointe, malgré son émoussement, dans les profils qu’il trace d’Othon, de Vespasien et de Vitellius, il est moins heureux cependant avec des têtes comme celles d’Apollonius, de Simon le Magicien et de Cérinthe, que Suétone et Tacite ne lui ont pas préparées, marquant avec l’ongle, leur ongle coupant et terrible, les endroits où le burin devait appuyer ! […] — je ne sais quelle grâce méprisante qui l’empêchera de tomber jamais dans les hautes niaiseries du pédantisme contemporain : « Cela est assez ignoble pour être historique », est un mot qui le révèle. […] Dans ce grand sujet de Rome et la Judée, dans ce vis-à-vis énorme, mais si facile à la rhétorique et aux déclamations, du monde de l’ancien Testament aboli, de la Synagogue dispersée par l’épée romaine, et de la chaire de Saint-Pierre érigée debout, dans l’apocalypse d’un monde nouveau, il aurait fallu une touche si mâle et si ferme, il aurait fallu quelque reflet surnaturel de saint Paul et de saint Jean réunis, formant le rayon d’une inspiration plus que pittoresque et plus que littéraire, et, au lieu de cela, nous avons un peintre grêle de salon, — presque un feuilletoniste d’histoire, quelque chose comme un Pontmartin historique ; car Champagny, dans ce dernier livre, a beaucoup de Pontmartin !

44. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Mais il ne faut pas imputer à la forme de sa pensée historique les perversités et les scélératesses de son esprit. […] Les fragments historiques cités plus haut sur certaines phases de la Révolution française, l’attestent, par les qualités dont ils brillent. […] Mais c’est là de la tragédie dans l’histoire s’il en fut jamais, et non pas de cette comédie que l’auteur d’Ombres et vieux murs a su y trouver, et qu’il y a mise dans les trois autres morceaux historiques que nous avons signalés. […] IV Mais, encore une fois, si cette biographie d’un homme qui a droit, sinon à la statue en pied de l’histoire au moins à la médaille de la biographie, si tout ce travail sur François Suleau est très élevé de renseignement, de vue et d’accent, et si l’écrivain qui l’a publié y a montré des aptitudes et des facilités vers l’histoire, grave ou tragique, telle qu’elle est le plus généralement conçue et réalisée par MΜ. les historiens ordinaires, je ne m’en opiniâtre pas moins à croire, ainsi que je l’ai dit au commencement de ce chapitre, que le vrai génie spécial de l’auteur Ombres et vieux murs, que son originalité la plus vive, serait, son genre d’esprit donné, la mise en scène ou en saillie de l’élément comique ou ravalant qui ne manque pas dans l’histoire, et qu’il saurait fort bien en dégager, ainsi que l’attestent les excellentes variétés historiques qu’il nous a mises sous les yeux, titres réveillants en tête : La Lanterne, Le Rhum et la Guillotine, Le Lendemain du massacre, etc., tous épisodes ou mosaïques d’anecdotes dont il faut juger par soi-même en les lisant et dont l’analyse, d’ailleurs, ne donnerait qu’une très imparfaite idée. […] Il ne nous a donné là que des variétés historiques, mais je suis sûr qu’il pourrait nous donner une fort rare variété d’historien.

45. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Consultée méthodiquement, tant par la déduction psychologique que par l’induction historique, la sociologie a livré sa réponse : c’est que les formes sociales, propres à la civilisation occidentale sont aussi les plus favorables au succès des idées égalitaires. […] Or, en matière historique — sans parler de la rareté avec laquelle se montrent des rapports constants entre deux phénomènes — qui ne sait combien il est difficile de dire avec précision quand commence ou, quand finit chacun d’eux, et d’établir, par suite, celui qui est apparu le premier ? […] C’est en partant de la notion de la densité, ou de l’homogénéité, ou de l’unification sociales que nous avons abouti à celle de l’égalité, et non réciproquement : à défaut de l’antériorité historique, nous avons fixé une antériorité psychologique. — Mais qui sait, après tout, si ces déductions psychologiques elles-mêmes ne se laisseraient pas convertir ? […] Nullement, s’il est vrai que les rapports « réversibles » sont presque de règle en matière historique. […] Ces brèves indications suffisent à notre but : dans leur pauvreté même, elles révèlent la multiplicité des recherches qu’il faudrait entreprendre pour rassembler, des quatre coins de l’horizon historique, toutes les conditions des transformations sociales que nous avons classées.

46. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

L’Angleterre a eu Byron, comme Chateaubriand désolé et voyageur, pathétique et pittoresque, mais de plus ironique, satanique, et surtout poète en vers ; elle a eu Walter Scott, qui, rejetant le costume épique et les sujets antiques, vulgarisait toutes les nouveautés des Martyrs, le romanesque historique, le paysage historique, la couleur locale. […] Tout cela précède la Préface de Cromwell et les Orientales : pour le romantisme historique et pittoresque, les peintres ont donné des modèles aux poètes. […] Cette forte histoire est la démonstration historique d’un dogme : ce qui y manque le plus, c’est le sens historique. […] Abel Hugo,Romances historiques (en prose), in-12. 1823. […] Pichot,Voyage historique et littéraire en Angleterre et en Ecosse, 3 vol. in-8 (réimpr. 1826, 3 vol. in-12 ; il y a des chapitres sur le pays, les peintres, le théâtre depuis Shakespeare, Cowper, les Lakistes, Moore, Byron, W.

47. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schuré, Édouard (1841-1929) »

Henry Bérenger Visiblement, le symbolisme légendaire où atteignit Wagner dans ses plus belles œuvres a été l’atmosphère génératrice du symbolisme historique réalisé par Schuré dans son Théâtre de l’âme. […] De même que « Richard Wagner n’est pas entré dans la légende en savant ou en curieux, mais en créateur », de même que Richard Wagner, « rejetant les aventures sans fin et tous les accessoires du roman, se place du premier bond au centre même du mythe et de ce point générateur recrée de fond en comble les caractères et l’organisme de son drame », de même enfin « qu’en restituant au mythe sa grandeur primitive, son coloris original, il sait y approprier les passions et les sentiments qui sont les nôtres, parce qu’ils sont éternels, et subordonner le tout à une idée philosophique », — de même Édouard Schuré dégage d’une époque historique ses éléments essentiels, lui recrée une émouvante jeunesse, et la fixe en cet état dans l’imagination humaine. […] Dans le mythe, au contraire, de grands types se dessinent en traits plastiques, leurs actions glorifient l’essence de l’humanité, et les vérités profondes reluisent à travers le merveilleux comme sous un voile étincelant de lumière. » Pour extraire de l’histoire le même diamant que de la légende, pour en dégager « l’essence de l’humanité », il faut donc des alambics plus puissants, un foyer plus concentré, une transmutation plus énergique… Il n’y a donc pas lien de confondre le symbolisme historique du Théâtre de l’âme avec le symbolisme légendaire du drame wagnérien.

48. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Le Clerc a exprimé une vue historique très-séduisante et très-ingénieuse ; c’est que, sous Vespasien, il y eut un renouvellement d’études, et, pour tout dire, une véritable rénovation des travaux historiques : « Cet empereur, renonçant le premier aux traditions patriciennes de la famille des Césars qui venait de finir dans Néron, lorsqu’il reconstruisit le Capitole incendié par les soldats de Vitellius ou par les siens, ne craignit point d’en faire un musée historique où se dévoileraient, aux yeux de tous, les mystères de l’antiquité romaine….. […] Enfin ce fut un peu comme aujourd’hui, où, grâce à la passion des recherches historiques, on revient à mieux savoir le moyen âge et l’époque mérovingienne que durant les trois derniers siècles. […] C’est bien moins encore, on le conçoit, à la rénovation historique du temps de Vespasien qu’à la nôtre même, en sa légère exagération, que je me permets d’opposer ce sous-amendement respectueux. […] Le Clerc indique, en passant, une quantité d’éphémérides historiques des Grecs qui ne sont pas plus des journaux proprement dits, destinés aux nouvelles publiques, que la Bibliothèque de Photius n’est un journal littéraire. […] Dans les trois morceaux suivants, où le critique aborde des ouvrages plus ou moins historiques, il se disposait insensiblement à en venir aux portraits de quelques historiens contemporains.

49. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il tendait à substituer aux jugements passionnés et contradictoires une critique relative, proportionnée, explicative, historique enfin, mais qui n’était pas dénuée de principes ; loin de là, une sorte d’austérité y mesurait à chaque moment l’indulgence. […] Cependant la pratique historique laissait de ce côté à désirer ; malgré l’élévation de l’enseignement, malgré ce talent de narrateur dont il devait faire preuve à son tour dans son Histoire de la Révolution d’Angleterre, M. […] Il a osé lutter avec le roman historique, alors dans toute sa fraîcheur et sa gloire, il l’a osé presque sur le même terrain, avec des armes plutôt inégales, puisque la fiction lui était interdite, et il n’a pas été vaincu. […] En un mot, s’il m’est permis de reprendre une image déjà employée, une fois entré en lice avec le roman historique, et le tournoi ouvert aux yeux des juges, il fallait tenir la gageure et ne pas recourir aux armes défendues. […] Sœur Marguerite se trouve au tome III des Mélanges historiques et littéraires de l’auteur (1835).

50. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

L’idée d’appliquer la poésie française au récit des faits historiques germa de divers côtés : surtout en Angleterre, où la présence d’une langue vaincue, vile et méprisée, comme le peuple qui la parlait, conférait au français un peu de cette noblesse qui chez nous appartenait seulement au latin. Le goût des compositions historiques semble avoir été très vif chez les rois anglo-normands et dans leur entourage : du xiie au xvie  siècle, on les voit éclore en grande abondance. […] Désormais toute œuvre qui appliquera le vers épique aux faits historiques sera un accident et comme un phénomène de rétrogradation dans l’évolution du genre. […] Mais ce furent surtout les faits contemporains, les grandes crises ou les grands hommes de l’Église qui firent le passage de la légende poétique à la biographie historique. […] À consulter : la Vie de saint Thomas le Martyr, étude historique, littéraire et philologique, par Étienne, Paris, 1883.

51. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

. — découverte historique de m. monmerqué. — une longue suite de rois illégitimes en france. — le petit roi jean ier. — scepticisme historique. — badauds comme des byzantins. — propos de table de luther. — poetæ minores. […] Monmerqué a lu ou plutôt a dû lire (le temps l’en a empêché) une dissertation historique assez piquante sur le sort du petit roi Jean Ier. […] Voilà un beau champ ouvert aux amateurs du scepticisme historique.

52. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Victor Cousin dans l’intelligence historique des philosophies, M. […] Fauriel est trop équitable pour ne point rendre à tout personnage historique la part qui lui revient, et pour sacrifier aucun aspect de son sujet. […] C’eût été là l’objet d’une dernière œuvre historique qu’il se proposait de mener à terme, et dont l’inachèvement ne saurait trop se regretter. […] C’est déjà le principe éclectique moderne dans son application historique. […] Le morceau de Schlegel est reproduit dans son volume d’Essais littéraires et historiques (Bonn, 1842).

53. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

La tendance constante de l’esprit humain, quant à l’exposition des connaissances, est donc de substituer de plus en plus à l’ordre historique l’ordre dogmatique, qui peut seul convenir à l’état perfectionné de notre intelligence. […] Cette considération aurait à mes yeux, beaucoup de poids, si elle était réellement un motif en faveur de l’ordre historique. Mais il est aisé de voir qu’il n’y a qu’une relation apparente entre étudier une science en suivant le mode dit historique, et connaître véritablement l’histoire effective de cette science. […] Dans l’étude de chaque science les considérations historiques incidentes qui pourront se présenter auront un caractère nettement distinct, de manière à ne pas altérer la nature propre de notre travail principal. […] On voit, en effet, que, quelque parfaite qu’on pût la supposer, cette classification ne saurait jamais être rigoureusement conforme à l’enchaînement historique des sciences.

54. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Pour les premiers, par conséquent, l’histoire n’est qu’une suite d’événements qui s’enchaînent sans se reproduire ; pour les seconds, ces mêmes événements n’ont de valeur et d’intérêt que comme illustration des lois générales qui sont inscrites dans la constitution de l’homme et qui dominent tout le développement historique. […] Mais on échappe à cette alternative une fois qu’on a reconnu qu’entre la multitude confuse des sociétés historiques et le concept unique, mais idéal, de l’humanité, il y a des intermédiaires : ce sont les espèces sociales. […] Le développement historique perd ainsi l’unité idéale et simpliste qu’on lui attribuait ; il se fragmente, pour ainsi dire, en une multitude de tronçons qui, parce qu’ils diffèrent spécifiquement les uns des autres, ne sauraient se relier d’une manière continue. […] Une fois posée cette notion de la horde ou société à segment unique — qu’elle soit conçue comme une réalité historique ou comme un postulat de la science — on a le point d’appui nécessaire pour construire l’échelle complète des types sociaux. […] On y trouve classées, non des espèces sociales, mais, ce qui est bien différent, des phases historiques.

55. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Les retracer fidèlement, mais sous l’impression de ce coup porté à l’esprit, qui doit toujours le féconder, semble une chose aisée ; et cela l’est si peu, néanmoins, que, depuis Hérodote jusqu’à nos jours, on trouve bien sur son chemin quelques bons romans historiques et quelques essais (good historical romances and good historical essays), mais, dans toute la rigueur du mot, pas une irréprochable histoire. » Et, pour mieux creuser sa pensée, le critique anglais ajoutait : « Dans les sciences, il est des œuvres qu’on peut appeler parfaites. […] Dépendant également de la Raison et de l’imagination, l’Histoire tombe alternativement sous la seule et absolue domination de l’une ou de l’autre, tantôt fiction, tantôt théorie, souvent toutes les deux. » Nous en demandons bien pardon à Macaulay, mais si la difficulté de la composition historique ne venait que de l’accord qu’il faut savoir établir entre l’imagination et la Raison, elle ne serait que celle de tous les genres de composition littéraire, qui n’existent pas plus que l’Histoire sans la fusion harmonieuse de ces deux grandes facultés. […] Nous n’avons pas lu son livre dans sa langue, mais dans la traduction élégante et pure que Porchat nous en a donnée, et même dans cette traduction écrite avec soin, nous n’avons jamais vu, sur un sujet plus opulent et plus ample, livre plus pauvre et plus étriqué que cette histoire, — bien moins une histoire qu’une dissertation historique comme on doit en lire beaucoup par année à l’Académie de Berlin. […] Historiquement et religieusement, trop de choses nous séparent de l’historien allemand pour que nous puissions mêler une critique historique ou religieuse à notre critique littéraire, sans en diminuer la largeur. […] Nous laisserons donc là notre appréciation historique, et, acceptant tout entier Léopold Ranke pour ce qu’il est sous une forme vainement désintéressée, nous dirons que, littéralement et au point de vue du talent, nous préférons de beaucoup vingt pages d’Agrippa d’Aubigné sur les événements de son époque, à toute cette histoire inanimée de Ranke.

56. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Quatre périodes historiques y sont plus particulièrement traitées : 1° La période de la philosophie orientale, dans laquelle les spéculations de la philosophie brahminique et chinoise sont exposées par une plume très au courant des plus récentes connaissances ; 2° la période de philosophie grecque, fort complète aussi, et embrassée avec une sérieuse intelligence des grands systèmes ; 3° la période chrétienne qui comprend les Pères des cinq premiers siècles ; 4° le moyen âge dans ses philosophes contemplatifs ou scolastiques. […] Des biographies, des notes, des rapprochements et éclaircissements accompagnent les traités et complètent la perspective historique de ce temps-là. […] Damiron s’interdit peut-être un peu trop dans sa manière actuelle, plus scientifique et plus sobre qu’autrefois, les développements et applications historiques ou littéraires dont le bon Dugald Stewart orne et quelquefois recouvre son chemin ; mais nulle lecture n’est plus saine à l’âme, plus doucement pénétrante et persuasive, plus satisfaisante à tout esprit honnête et reposé que ce volume de M.  […] En restant fidèles et exacts dans les exposés historiques, MM. 

57. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Ce discours, prononcé le 29 août dernier, à la séance d’inauguration solennelle d’une Société historique locale et accueilli avec une sympathie si marquée par toute la population d’un département et d’une province, est de nature à faire naître plusieurs réflexions. […] Il faut rendre à M. de Persigny cette justice qu’il a dans le cœur ce je ne sais quoi d’élevé qui répond bien à un tel sentiment, qui y sollicite et peut y rallier même des adversaires, qui va chercher en chacun ce qui est vibrant, et que le sentiment napoléonien historique et dynastique tel qu’il le conçoit dans son esprit et dans son culte, tel qu’on l’a entendu maintes fois l’exprimer avec une originalité saisissante (toute part faite à un auguste initiateur), est à la fois ami de la démocratie, sauveur et rajeunisseur des hautes classes, animateur de la classe moyenne industrielle en qui il tend à infuser une chaleur de foi politique inaccoutumée. […] Et c’est ainsi que dans cette salle des anciens États du Forez, sauvée, grâce à lui, de la ruine et consacrée désormais à la Société historique de Montbrison, sous ces voûtes et entre ces murailles toutes chargées d’armoiries et d’emblèmes, M. de Persigny a fait que chacun pût y jeter les yeux sans trop d’orgueil et sans trop d’envie. Mais il y a dans ce discours une autre idée toute pratique, et qui mérite qu’on la mette en vue et en saillie ; c’est ce que j’appellerai l’idée de centralisation historique provinciale : réunir dans un seul et même local tout ce qui se rapporte à l’histoire de la province sous forme graphique, c’est-à-dire tout ce qui est écrit ou tout ce qui peut se dessiner ; et pour être plus précis, j’emprunterai les termes de M. de Persigny lui-même : « fonder une sorte de cabinet historiographique où soient réunies toutes les sources d’informations ; par exemple, une bibliothèque de tous les livres ou manuscrits qui peuvent concerner le pays ; une seconde bibliothèque de tous les ouvrages faits par des compatriotes ; un recueil des sceaux et médailles de la province, ou fac-similé de ces objets ; une collection de cartes géographiques et topographiques du pays, de plans, dessins, vues, portraits des grands hommes ; des albums photographiques pour la reproduction des monuments archéologiques ; un cabinet de titres, chartes, actes authentiques, originaux ou copiés, et surtout un catalogue suffisamment détaillé de tous les documents qui peuvent intéresser la province, dans les collections publiques ou particulières, dans les archives, bibliothèques, musées et cabinets de Paris, des départements et de l’étranger. » Voilà l’idée dans son originalité, et elle peut trouver son application ailleurs.

58. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Quoi qu’il en soit, quand on ne veut pas faire une épopée historique et classique dans le genre de Lucain, mais une épopée qui ait en soi du sacré, du merveilleux et du populaire, essayons de voir quel parti on peut tirer de Napoléon. […] Du reste, dans cette épopée, la partie d’imagination populaire serait remise à sa place ; elle pourrait se faire jour par endroits, ou circuler dans le tout avec art, mais sans masquer jamais les événements réels et les situations historiques. […] » A-t-on droit de transfigurer ainsi à bout portant les hommes historiques en symbole ? Comme ces empereurs romains que la mort incontinent faisait dieux, suffit-il à nos personnages historiques de mourir pour être faits tout aussitôt idées ? […] Non pas que le livre des Niebelungen ait rien de vague, pris en lui-même ; mais le vague a lieu par rapport aux personnages historiques qui y figurent.

59. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Renan, qui s’est montré, lui aussi, dans son œuvre historique, un créateur et un peintre d’une merveille puissance, me paraît surtout grand pour avoir, avec une pénétration et une sincérité sans égales, déterminé les vrais caractères et les vraies conditions de la critique historique. […] Il voulait entreprendre quelque grand travail de synthèse et de reconstitution historiques. […] Partout ailleurs elle a pour but unique de fournir des éléments à une généralisation historique. […] La vocation qui m’a poussé vers les études historiques, c’est à lui que je la dois. […] En 1831, il avait été nommé chef de la division historique aux Archives nationales.

60. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Les catholiques avaient suivi les réformés sur ce terrain ; et l’on avait vu Bossuet, dans son Histoire des Variations, démontrer par la méthode historique le développement continu et divergent des doctrines réformées. […] Tout ce qui, dans l’œuvre des théologiens depuis cent cinquante ans, pouvait servir à la démolition de la religion, se ramassa dans les écrits de Pierre Bayle et surtout dans son Dictionnaire historique et critique 467. […] Son Dictionnaire historique et critique est un amas d’observations faites sur les erreurs ou les omissions d’un dictionnaire, celui de Moréri. […] Le dictionnaire de Bayle fut un des livres essentiels du xviiie  siècle ; il fit les délices de Voltaire, de Frédéric II, de tous les incrédules ; c’est le magasin d’où sortit presque toute l’érudition philosophique, historique, philologique, théologique, dont les philosophes s’armèrent contre l’Église et la religion. […] On l’y avait appelé en 1681. — Éditions : Dictionnaire historique et critique, Rotterdam, 1697, 2 vol. in-fol., 3e édit. 1720, 4 vol. in-fol. ; Oeuvres diverses, 2° éd., la Haye, 1738, 4 vol. in-fol. ; Choix de la Correspondance inédite de P.

61. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Quitard Dictionnaire des Proverbes ; Étude sur les Proverbes, historique, littéraire et morale. […] Je n’y crois à aucune époque de l’histoire, mais je n’y crois pas surtout à l’origine des sociétés, au premier moment perceptiblement historique. […] Son Dictionnaire 18 était précédé, en 1842, d’une préface dans laquelle on voyait très bien qu’il sentait l’importance de la science à laquelle il s’était dévoué, mais son Étude sur les proverbes, historique, littéraire et morale 19, prouve beaucoup mieux qu’il sait penser sur ce qu’il aime et ajouter à ses recherches des manières de voir toujours sensées et souvent fines… Or, c’est précisément pour cela, c’est à cause de ses perspicaces facultés historiques, qui dominent les autres chez Quitard, que je m’étonne de rencontrer dans son livre une opinion sur l’origine des proverbes plus générale qu’examinée, et plus badaude que vraiment digne de la sagacité d’un historien. […] En lisant son Étude historique, littéraire et morale, sur les proverbes, qui est un véritable traité ex professo sur la matière, et cet amusant Dictionnaire, que le duc de Richelieu n’aurait pas fait lire à son fils comme celui de l’Académie quand il le mettait en pénitence, on regrette vivement que le tempérament — sinon les connaissances — ait manqué.

62. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

profonde inaptitude politique, en contraste avec des qualités d’intelligence que nous aimons à reconnaître, et qui prouve une fois de plus qu’en matière historique, comme en toutes choses, les connaissances les plus étendues ne peuvent suppléer à l’instinct ! Et, en effet, un écrivain doué de l’instinct politique qui manque à Weiss, et n’ayant, pas plus que lui les passions aveuglantes du sectaire, aurait frappé au cœur même de la question historique qui domine tout son livre, et eût essayé de la résoudre au lieu de la prendre des mains de tout le monde toute résolue, et résolue comme tout le monde résout les questions ! […] Charles Weiss, qui est passé tout près de cette belle question historique et politique, ne l’a point touchée. […] Assurément, nous ne préjugeons point témérairement ici les conclusions d’un tel travail, mais nous disons qu’il est possible, et que, pour l’honneur de la littérature historique du xixe  siècle, il est nécessaire qu’il soit fait. […] Obligé, par le sujet même de son livre, de parler d’hommes qui n’eurent jamais nulle part, à l’exception de quatre ou cinq d’entre eux peut-être, ce haut pavé historique qui agit tant et tout d’abord sur l’imagination du lecteur, il n’a pas, selon nous, assez contenu son récit entre ces quelques hommes vraiment dignes du regard de l’histoire, et il est tombé dans les infiniment petits d’une longue suite de biographies.

63. (1904) Zangwill pp. 7-90

Cette affirmation que je fais emplira de stupeur, sincère, un assez grand nombre de braves gens qui modestement ; du matin au soir, jouent avec l’absolu, et qui ne s’en doutent jamais ; comment, diront-ils en toute sincérité, comment peut-on nous supposer de telles intentions ; nous sommes des petits professeurs ; nous sommes de modestes et d’honnêtes universitaires ; nous n’occupons aucune situation dans l’État ; nous sommes assez maltraités par nos supérieurs ; nous n’avons aucun pouvoir dans l’État ; nous ne déterminons aucuns événements ; nous sommes les plus mal rétribués des fonctionnaires ; nul ne nous entend ; nous poursuivons modestement notre enquête sur les hommes et sur les événements passés ; par situation, par métier, par méthode, nous n’avons ni vanité ni orgueil, ni présomption, ni cupidité de la domination ; l’invention des méthodes historiques modernes a été proprement l’introduction de la modestie dans le domaine historique. […] Par de tels retours suivies historiens antérieurs, notre ami Pierre Deloire croyait bien signifier que les historiens d’aujourd’hui, dont il est, sont devenus modestes ; et peut-être a-t-il raison ; peut-être les historiens, personnellement et comme historiens, sont-ils devenus modestes ; mais je me demande justement si tout l’ancien orgueil ne s’est pas réfugié dans la méthode, agrandi, porté à la limite, à l’infini ; je demande s’il n’est pas vrai que les méthodes scientifiques modernes, transportées en vrac dans l’histoire et devenues les méthodes historiques, exigent de l’historien des facultés qui dépassent les facultés de l’homme. […] Nos modernes rompent sans effort les réalités qu’ils étudient ; reste à savoir si les réalités historiques s’accommodent de ce traitement. […]   Telle est non point la caricature et la contrefaçon des méthodes historiques modernes, mais leur mode même, leur schème, l’arrière-pensée de ceux qui les ont introduites avant nous, de ceux qui les pratiquent parmi nous ; assistez à une soutenance de thèse historique ; la plupart des reproches que le jury adresse au candidat reviennent à ceci : que le candidat n’a point épuisé toute l’indéfinité, toute l’infinité du détail ; je ne dis pas que les membres du jury l’épuisent dans leurs propres travaux ; mais ce que je dis, si vous assistez à une soutenance de thèse et que vous entendiez bien, que vous interprétiez les critiques du jury, c’est qu’elles reviennent généralement à cela ; il faut avoir épuisé l’infinité du détail pour arriver au sujet ; et dans le sujet même il faut, par multipartition, avoir épuisé une infinité d’infinité du détail ; la manière dont on traite le sujet, quand on est parvenu au sujet, revient en effet à le traiter lui-même comme un chemin, comme un parcours, comme un lieu de passage indéfiniment détaillé, comme un circuit lui-même, à faire en définitive comme s’il n’était pas le sujet, à faire qu’il ne soit pas le sujet. […] Telle est bien la pensée de derrière la tête de tous ceux qui ont fondé la science historique moderne, introduit les méthodes historiques modernes, c’est-à-dire de tous ceux qui ont transporté en bloc dans le domaine de l’histoire les méthodes scientifiques empruntées aux sciences qui ne sont pas des sciences de l’histoire : une humanité toute maîtresse de toute son histoire ; une humanité ayant épuisé tout le détail de toute son histoire, ayant donc parcouru toute une indéfinité, toute une infinité de chemins indéfinis, infinis, ayant donc littéralement épuisé tout un univers indéfini, infini, de détail ; une humanité Dieu, ayant acquis, englobé toute connaissance dans l’univers de sa totale, mémoire.

64. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Quant au roi, il tira sa montre vers l’heure de l’exécution, et dit nonchalamment à ses courtisans : « Je crois que cher ami fait à présent une vilaine mine. » Certes, il y a bien là matière à un roman historique ; ou plutôt il est tout fait dans les Mémoires de ce temps-là, et il ne s’agit que de l’en extraire. […] Tous les personnages qu’il emploie sont historiques ; c’était une loi, une nécessité, et même on pourrait croire un bonheur de son sujet. […] Loin que ces hommes-là soient fondus d’un seul et même jet comme dans la vie, ils se composent d’une suite de paroles qu’ils ont dites, d’actions qu’ils ont faites, auxquelles se joignent les intercalations trop peu graduées de l’auteur : ils ne sont guère, en un mot, que des pièces de marqueterie historique. […] Moreau, l’éditeur des Mazarinades (voir la Revue des Questions historiques, cahier d’avril 1868).

65. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « César Cantu »

César Cantu4 Etre un puissant raisonneur historique, c’est un reproche que l’on n’adressera pas à César Cantu, dont Amédée Renée, l’auteur de Louis XVI et le continuateur de Sismondi, vient de traduire et traduit encore son Histoire de Cent ans 5. […] Quelques phrases suffisent-elles maintenant pour prendre position d’historien dans l’historique patrie de Machiavel ? […] Or, Renée, le continuateur de Sismondi et qui nous a donné cette solide et brillante Histoire de Louis XVI qu’aucun de ceux qui aiment l’Histoire n’a oubliée, Renée était d’une raison trop haute et trop sobre, il était d’une conscience historique trop pure, pour laisser passer sous sa plume le courant de faits sans critique et sans choix qui viennent s’entasser et se cahoter dans le récit diffus de Cantu.

66. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Il est des hommes qui passent obscurs dans la vie, et qui seraient grands si l’occasion historique leur venait. […] L’auteur des Nièces de Mazarin est un Aristophane historique discret, qui s’arrête à temps, et qui vous enlève une figure sans la faire grimacer jamais. […] , une telle page est un modèle de tenue dans la gaîté railleuse, et de caricature historique. […] L’auteur, qui est un esprit très littéraire, a rencontré de la littérature dans son remue-ménage historique. […] Beaucoup de duperies historiques y tombent devant le renseignement inattendu.

67. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

La vérité historique, cette chose vivante, n’est point la vérité de l’exactitude, cette chose morte ; et peut-être se dégage-t-elle plus encore de l’ensemble fortement exprimé des choses que du soin apporté à la description des détails. […] L’auteur y a concentré heureusement, dans l’intérêt de la vérité historique, agrandie par son propre effort, à lui, et par sa recherche, les deux livres modernes qui ont versé le plus de jour sur les hommes et les faits d’une époque qu’il retrace à sa manière, je veux dire les Mémoires de Mignet sur la succession d’Espagne, et les Mémoires militaires du général Pelet, aussi intéressants que les premiers, mais moins connus. […] Alors on sent profondément ce que sont les Mémoires, même les plus passionnés, même les plus suspects, pour la complète intelligence de la réalité historique, et on conçoit nettement tout ce qui manquerait si on ne les avait pas. […] Après la valeur constatée de l’œuvre historique, il y a les jugements personnels de l’historien, son coup d’œil, à lui, promené hardiment sur les choses rassemblées et groupées par sa main. […] Confusion et déplacement funestes, qui doivent troubler la limpidité du courant historique pour des siècles, car, si les hommes se trompent sur la nature des fautes qui ont produit les abaissements ou les calamités d’une époque, ils ne se trompent pas dans cet instinct qu’ils ont gardé depuis la Chute et qui leur fait mettre toujours des fautes partout où il y a du malheur !

68. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Cette publication, chez un libraire, historique par le nom, porte un autre nom historique. […] Ces Mémoires du duc de Luynes sont des papiers de famille comme ceux du duc de Saint-Simon, cette immense trouvaille historique qui a donné à la France un homme de génie de plus, un homme de génie aussi inconnu jusque-là qu’un crapaud dans un caillou ! […] … II Franchement, c’est à ne pas y croire, qu’une telle publication, on ne sait pourquoi de douze volumes qui, si j’en juge par les quatre — que je viens de lire avec le soin et l’attention qu’on met à étudier les insectes… lorsqu’on les aime, — ne contiennent pas douze pages, et peut-être douze lignes de renseignement véritablement nouveau et historique ! […] Didot, le dernier conspirateur de cette conspiration à quatre contre le public à qui on tend, sous prétexte historique, cet affreux piège à ennui, dans lequel la Critique ne doit pas souffrir que ceux qui lisent encore se prennent.

69. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Il voulait impérieusement ses quatre grands hommes chrétiens, comme il dit, et n’en voyant pas chez lui, pour la contredanse historique qu’il rêvait, il est venu les prendre chez nous, non pas de nuit, mais en plein jour d’histoire. […] Singulier arithméticien historique ! […] Faure, qu’il prouve péremptoirement, dans une excellente page, malgré Bossuet, Daunou et Guizot, son protecteur, que la Pragmatique sanction, dans laquelle les philosophes et les gallicans avaient vu avec tant, de joie une opposition au Saint-Siège, n’est qu’un cancan et un préjugé historique, il est vrai que Guizot n’est point de cet avis ; il résiste à l’opinion justifiée de son lauréat. […] Cependant, la vie privée d’un homme historique appartient à la postérité. […] Je l’ai dit déjà : excepté l’idée du quadrille historique, qui est une idée de maître à danser, il n’y a rien dans le livre de Guizot qui soit vraiment de Guizot, qui ait coûté une noble peine, un vigoureux effort à Guizot !

70. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

« Cette médaille, dit Audin, suffirait pour démontrer que le crime de la Saint-Barthélemy fut un crime tout politique », et c’est sur ces deux faits de si peu d’épaisseur qu’il appuie sa thèse historique. […] Il n’a pas enfermé son buste dans l’orbe majestueux d’un cadre historique, et il ne l’a pas placé dans cette perspective qui impose au plus ferme regard. […] Après avoir retracé les vastes mouvements d’une scène historique, Audin a retourné la toile et nous a donné un tableau d’intérieur et de genre, mariant dans un mélange inattendu, qui est presque une invention, la biographie à l’histoire. […] Le Luther d’Audin, ou, pour mieux parler, toutes ses œuvres historiques sont des œuvres armées. […] Quoique chaque détail historique soit très soigné chez Audin comme chez toute intelligence artiste, néanmoins, c’est principalement par l’ensemble et par l’ampleur de ses travaux qu’il sera classé dans la littérature contemporaine.

71. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

C’est un doute historique qui vaudrait la peine d’être discuté. […] Ivanhoë est le roman historique confinant à l’épopée, et un roman qui est presque de plain-pied avec nous encore. L’Antiquité, au contraire, ne comporte pas, de notre part, le roman historique proprement dit, qui suppose l’entière familiarité et l’affinité avec le sujet. […] Je dirai donc : son ouvrage est un poème ou roman historique, comme il voudra l’appeler, qui sent trop l’huile et la lampe. […] Le roman historique est un moule suspect et ambigu, qui ne peut nous rendre, en telle matière, qu’une médaille en grande partie fictive et controuvée.

72. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

. — Travaux historiques ; renommé  conquise. — Services et carrière du côté de la Russie. — Importance d’action et d’influence par ses écrits […] On trouvera, dans la seconde partie de la Notice colonel Lecomte, la liste aussi complète que du possible (et elle est difficile à faire complète) de ces divers opuscules de circonstance, mais qui tous sont d’un extrême intérêt, même historique ; il s’y rencontre des faits et des particularités marquées qu’on ne retrouverait pas ailleurs. […] On a remarqué que la Suisse aussi tient une grande place, et un peu disproportionnée peut-être, dans ce vaste tableau historique ; et c’est même par un appel à ses concitoyens suisses qu’il a jugé à propos de le terminer. […] La campagne de Waterloo, qui avait été un peu écourtée et brusquée à la fin de ces quatre volumes, devint pour Jomini l’objet d’une publication à part en 1839 ; il reprit cette fois la forme vraiment historique et rejeta tout appareil étranger67. […] Si je ne commençais (et les lecteurs sans doute eux-mêmes) à sentir vivement le besoin de finir et de conclure, je n’aurais pas de peine à montrer que les deux tiers de ce Traité sont à la portée de tous les lecteurs, même les moins guerriers et les plus civils ; qu’ils sont à lire et à consulter pour la quantité de résultats historiques et de faits curieux qu’ils renferment.

73. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Il a donc rempli, jusqu’ici du moins, en toute rigueur, sa sorte de mission historique. […] Si parfois pourtant il s’est attaché à quelques individus et a paru les distinguer avec plus de soin, ce n’est pas toujours qu’il leur accorde une importance personnelle beaucoup plus prononcée, et qu’il prenne plaisir à se surfaire leur valeur historique. […] Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, la face de la terre eût été changée. » Gardons-nous toutefois d’exagérer : en n’appréciant que les forces morales et les circonstances historiques, M.  […] de ces deux solutions si conformes mais si diversement exposées du même problème historique, l’une figure à mon esprit le spectacle de ces constructions géométriques, à la fois élégantes et hardies, qui sont nées comme de toutes pièces dans la tête de l’inventeur ; l’autre plutôt me rappelle ces mouvements gradués d’une analyse moins ambitieuse, ces transformations qu’on quitte et reprend à son gré, et auxquelles, chemin faisant, l’esprit se complaît si fort, qu’il ne se souvient du but qu’à l’instant où il l’atteint.

74. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

., etc. » Sir Walter Scott, en opposant le mot de Bonaparte à celui de Murad-Bey, a voulu faire une sorte d’antithèse, très-plaisante apparemment ; il est dommage que la vérité historique ne s’y prête pas. […] Et nous nous disions : Si, au lieu d’une Vie de Napoléon Bonaparte, Walter Scott avait eu l’idée d’écrire un roman historique où ce personnage eût joué un rôle, s’il avait saisi cette occasion pour peindre des scènes de la Révolution française et pour montrer en action quelques-uns des caractères principaux qui s’y rencontrent, il eût fait un ouvrage plus intéressant à coup sûr que son histoire, mais également plein de vues fausses, de descriptions superficielles, et de portraits de fantaisie : et pourtant Walter Scott a eu sur cette période contemporaine autant et plus de renseignements que sur les époques d’Ivanhoë, de Quentin Dthrward, d’Élisabeth, de Cromwell et des Puritains. Que penser donc de cette extrême fidélité historique qu’on a trop exclusivement célébrée dans ses admirables romans ? […] Entendu de cette façon, il nous semble que le talent fécond, brillant et pittoresque de Walter Scott, abordant le genre austère de l’histoire, a bien pu s’égarer, comme il l’a fait, à la merci de passions mesquines et de préjugés aveugles ; égarement miraculeux et de tout point incompréhensible, si l’on reconnaît à l’auteur cette intelligence profonde des époques et ce sens historique pénétrant dont on l’a jusqu’ici trop libéralement doué.

75. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

On attribuait ces difficultés alors à des gènes extérieures, à la censure qui interdisait certaines représentations historiques sur la scène et qui n’aurait point toléré certaines familiarités avec les grands personnages royaux ou ecclésiastiques. […] quand la scène sera libre, nous verrons bien. » Au commencement de 1830, Hernani vint apporter du mouvement et comme un éveil de prochain espoir ; c’était étrange, c’était peu historique, c’était plus qu’humain et assez surnaturel, mais enfin il y avait éclat, poésie, nouveauté, audace. […] Le faux historique, l’absence d’étude dans les sujets, le gigantesque et le forcené dans les sentiments et les passions, voilà ce qui a éclaté et débordé ; on avait cru frayer le chemin et ouvrir le passage à une armée chevaleresque, audacieuse mais civilisée, et ce fut une invasion de barbares.

76. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

On m’avait souvent accusé d’avance d’une lâche palinodie historique. […] On se croit capable de ce qu’on rêve, et ce que je rêvais n’était-il pas en effet le plus beau drame historique des temps connus ? […] J’y montai en esprit, pour prendre de là mon panorama historique. […] Ce n’est point là de l’histoire, mais de la conjecture morale qui n’a aucune valeur positivement historique, mais qui ne fut jamais interdite aux historiens non pour falsifier, mais pour vivifier leur récit. […] Voilà dans quel esprit de répulsion instinctive contre votre idole et d’impartialité historique dans l’histoire je viens recueillir vos souvenirs.

77. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Chez nos voisins d’outre-Rhin comme chez nous, c’est encore le mouvement historique qui domine dans les études de philosophie morale. […] Et c’est parce que l’analyse psychologique ne confirme pas absolument l’expérience historique sur le point de la religiosité qu’il reste au moins un doute à ce sujet. […] C’est là du moins l’explication qui nous semble la plus conforme tout à la fois à l’expérience historique et à l’expérience psychologique. […] Mais une pareille définition dépasse trop la portée de l’expérience historique pour n’avoir pas son origine et son principe dans l’analyse psychologique. […] Comment se reconnaître dans cette psychologie si concrète qu’on appelle l’histoire, si l’on n’a pas d’autre flambeau que l’expérience historique elle-même ?

78. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

qui ose aujourd’hui l’histoire, a consacré à la Femme (genre et espèce), sa puissance de talent et ses travaux historiques… Elle a déjà écrit la Femme de l’Inde, la Femme de la Bible, la Femme grecque et la Femme romaine, et elle nous promet la Femme chrétienne, la Femme du moyen âge et la Femme moderne. […] Qualités véritablement historiques, qui pouvaient être fécondes, mais qui, sous cette plume de femme, n’ont rien donné de neuf ni par le fond ni par la forme, et ont, — il faut bien le dire, — avorté. III Certainement les quatre livres sur la femme indienne, biblique, grecque et romaine de Mlle Clarisse Bader expriment la volonté d’être une histoire, et une histoire particulièrement intéressante, puisque c’est l’histoire d’une influence et de la plus puissante des influences sur les hommes ; mais cette histoire reste toujours à faire, et celle-ci n’est guère qu’un placage historique, plus ou moins industrieusement exécuté. […] Son livre, — car ses quatre livres n’en forment qu’un par le sujet — est une espèce de tapisserie historique qui suppose plus de patience et d’attention que d’inspiration et d’émotion passionnée. […] … Elle a écouté à, la porte des livres pour venir me commérer ce qu’il y a dedans… Mais je préfère à cette commère historique la moindre femme de chambre à la Dorine, qui écoute à la porte du salon de ses maîtres et qui me vient dire ce qu’elle y a entendu, avec ce brio de langue affilée que la pauvre Mlle Clarisse Bader ne connaît pas.

79. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

En ce temps-là, par le fait de cette passion qui emportait tout, passion hors de sens pour la Grèce, plus concevable pour Rome (nous dirons tout à l’heure pourquoi), dès qu’il fallait aller au fond des choses la science historique glissait dans l’erreur. […] … Ainsi, excepté quelques aperçus tout-puissants d’un grand écrivain oublié, de ce Saint-Évremond tué et enterré par Montesquieu en vertu de la loi cruelle qui veut que le génie tue toujours celui qu’il a pillé, excepté la préface si hardie des Études historiques de Chateaubriand et quelques pages profondes, majestueuses et amères de Bonald dans ses Mélanges de littérature, on n’avait rien de jugé, de satisfaisant, rien de conclu sur Rome par la raison moderne, quand le livre de Champagny parut. […] Les indiquer, ne sera-ce donc pas continuer, à notre manière, la forte éducation historique que Champagny nous a donnée sur le monde romain ? […] La famille impériale, qui était réellement la famille romaine, n’était sans doute pas encore suffisamment préparée à sa fonction, c’est-à-dire assez élevée au-dessus des volontés accidentelles de ses chefs, pour être devenue, comme la famille l’est aujourd’hui, une base permanente et stable, une espèce de môle historique dans lequel peut s’enfoncer et tenir le premier anneau de la tradition. […] Par-là, il aurait répondu péremptoirement aux hommes de cette école historique qui n’était que philosophique et révolutionnaire, et qui cherchèrent, au xviiie  siècle, par exemple, à établir des parentés républicaines, entre nous et Rome, et il leur aurait démontré que si nous tenons autant à Rome que nous tenons peu à la Grèce, ce n’est pas, certes !

80. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Ce chien anthropophage m’a toujours fait rêver au cochon historique qui se soûlait impudemment du sang de l’infortuné Fualdès, pendant qu’un orgue de Barbarie exécutait, pour ainsi dire, le service funèbre de l’agonisant. […] J’imagine devant les Caprices un homme, un curieux, un amateur, n’ayant aucune notion des faits historiques auxquels plusieurs de ces planches font allusion , un simple esprit d’artiste qui ne sache ce que c’est ni que Godoï, ni le roi Charles, ni la reine ; il éprouvera toutefois au fond de son cerveau une commotion vive, à cause de la manière originale, de la plénitude et de la certitude des moyens de l’artiste, et aussi de cette atmosphère fantastique qui baigne tous ses sujets. […] C’est là ce qui marque le véritable artiste, toujours durable et vivace même dans ces œuvres fugitives, pour ainsi dire suspendues aux événements, qu’on appelle caricatures ; c’est là, dis-je, ce qui distingue les caricaturistes historiques d’avec les caricaturistes artistiques, le comique fugitif d’avec le comique éternel. […] Les derniers travaux de quelques médecins, qui ont enfin entrevu la nécessité d’expliquer une foule de faits historiques et miraculeux autrement que par les moyens commodes de l’école voltairienne, laquelle ne voyait partout que l’habileté dans l’imposture, n’ont pas encore débrouillé tous les arcanes psychiques. […] Je ne puis le comprendre ni en déterminer positivement la raison ; mais souvent nous trouvons dans l’histoire, et même dans plus d’une partie moderne de l’histoire, la preuve de l’immense puissance des contagions, de l’empoisonnement par l’atmosphère morale, et je ne puis m’empêcher de remarquer (mais sans affectation, sans pédantisme, sans visée positive comme de prouver que Brueghel a pu voir le diable en personne) que cette prodigieuse floraison de monstruosités coïncide de la manière la plus singulière avec la fameuse et historique épidémie des sorciers.

81. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Tous, selon moi, remontent au premier siècle, et ils sont à peu près des auteurs à qui on les attribue ; mais leur valeur historique est fort diverse. […] Quant à, l’ouvrage de Luc, sa valeur historique est sensiblement plus faible. […] On comprend maintenant, ce semble, le genre de valeur historique que j’attribue aux évangiles. […] Les traditions sur Mahomet, cependant, n’ont pas un caractère historique supérieur à celui des discours et des récits qui composent les évangiles. […] Une commission composée de physiologistes, de physiciens, de chimistes, de personnes exercées à la critique historique, serait nommée.

82. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

C'est aujourd’hui un ouvrage tout à fait historique, un ouvrage sérieux et profond qu’il publie. […] Le comte de Saint-Priest, qui fut ambassadeur à Constantinople, puis ministre de Louis XVI en 89, puis ministre et confident de Louis XVIII pendant l’exil, prêtait par sa longue carrière à une sorte de résumé historique et à coup d’œil rétrospectif sur toute cette époque de la Révolution. […] Cela constitue en France un genre nouveau de littérature : l’Essai historique dans tout son sérieux et tout son développement.

83. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 28, de la vrai-semblance en poësie » pp. 237-242

Il est permis aux poëtes comme aux peintres qui traitent les faits historiques, de supprimer une partie de la verité. […] Comme rien ne détruit plus la vrai-semblance d’un fait que la connoissance certaine que peut avoir le spectateur que le fait est arrivé autrement que le poëte ne le raconte : je crois que les poëtes qui contredisent dans leurs ouvrages des faits historiques très-connus, nuisent beaucoup à la vrai-semblance de leurs fictions. […] Mais nous ne reglons pas notre croïance touchant les faits sur leur vrai-semblance métaphysique, ou sur le pied de leur possibilité : c’est sur la vrai-semblance historique.

84. (1881) Le naturalisme au théatre

Je ne puis faire l’historique des phases qu’il a parcourues. […] Mais il fait sur le drame historique des réflexions qui m’intéressent. […] Donc la vérité historique est impossible au théâtre ; il n’y faut admettre que la convention historique. […] Oui, si l’on veut ; mais comme nous sortons aujourd’hui de toute convention historique, notre but doit donc être de dire la vérité historique au théâtre. […] Mais qui a jamais demandé de la vérité historique pareille ?

85. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Entre ces styles divins, trois surtout se font remarquer : 1º Le style historique, tel que celui de la Genèse, du Deutéronome, de Job, etc.  […] Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double, et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant, dans ses aventures, tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité violée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre91 ; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. » Deus autem rex noster ante sæcula. C’est dans Job que le style historique de la Bible prend, comme nous l’avons dit, le ton de l’élégie. […] Le troisième caractère sous lequel il nous resterait à envisager le style historique de la Bible, est le caractère pastoral ; mais nous aurons occasion d’en traiter avec quelque étendue dans les deux chapitres suivants.

86. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Mais les petits, ils ont pullulé de toutes parts… Et à ce point que les esprits qui ont le sentiment de la convenance des choses et de leur harmonie ont dû souvent être importunés jusqu’à l’impatience de toute cette quantité de traîne-fétus historiques qui s’imaginent être des colosses parce qu’ils remuent leur activité d’insecte dans les cendres du colosse du xixe  siècle, et tracassent sa grandiose histoire. […] Il y a dans le titre seul de cette histoire quelque chose de fastueux, d’étalé, de gonflé, qui sent son petit Tuffière historique en herbe, et qui dispose mal la critique en faveur d’un livre annonçant plus qu’il ne peut tenir. […] … À côté de ce superbe cadre d’événements dans lequel peut tenir cette fresque historique à tant de groupes (la vie de Napoléon, sa famille, son époque), on pourrait être beaucoup plus grand que lui et paraître petit encore… Mais, franchement, ce n’est pas même sous le coup terrible du contraste qu’il se rapetisse, se fond et disparaît. […] Il s’agit enfin de s’opposer une fois pour toutes à cette irruption d’écrivains qui, sans la vocation du talent et le droit de l’intelligence, touchent à un sujet historique réservé à la main des Maîtres.

87. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Vous lirez avec plus de plaisir les Discours historiques, critiques, théologiques & moraux sur les événemens le plus remarquables de l’ancien & du nouveau Testament, par Mrs. […] L’article du fameux Abailard commence la nomenclature historique, & celui de Zuingle la termine. […] Grégoire le Grand, le traité historique de l’établissement & des prérogatives de l’Eglise de Rome, & de ses Evêques, & l’histoire de la ligue. […] Il peut non-seulement contribuer à l’édification des simples fidéles par les exemples de vertu & les maximes de sainteté qu’il contient ; mais encore à l’éclaircissement des faits historiques, qui font l’objet des utiles recherches des savans. […] Le quinziéme tome est terminé par une justification sommaire, mais suffisamment étendue de cet abrégé historique contre quelques critiques injustes.

88. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Il y a plus de choix dans le Tableau historique des gens de lettres, par M. l’Abbé de Longchamps, 1767. […] C’est plûtôt un recueil d’éloges historiques des gens de lettres, des savans & des artistes du dernier siécle, avec un catalogue de leurs ouvrages. […] Le Necrologe des hommes célébres qu’ils publient tous les ans, renferme les éloges historiques des gens de lettres & des artistes morts dans l’année.

89. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Xenophon donna aussi plusieurs autres ouvrages sur des sujets historiques. […] Le style n’est nullement historique. […] L’auteur a partagé toute la matiere de son ouvrage en plusieurs branches historiques. […] C’est son chef-d’œuvre dans le genre historique. […] Les détails purement historiques l’arrêtent peu ; des objets plus intéressans attirent son attention.

90. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Les yeux toujours à demi clos, il ruminait confusément l’affranchissement des nationalités, l’établissement d’une démocratie un peu socialiste et pourtant césarienne et, par là, l’achèvement historique de la Révolution française : grands desseins dont les moyens d’exécution se précisaient mal dans son imagination de doux fataliste qui, ébloui par un destin prodigieux dont il était l’heureux jouet et dont il se croyait le héros, comptait indolemment sur la vertu de son étoile. […] Il était lui-même, par sa foi philosophique et sa conception de la cité, un Français de la Révolution, mais muni d’expérience historique, et de prudence et d’obstination romaines : quelque chose comme un idéologue pratique (je vous prie de donner au premier de ces deux mots son plus beau sens). […] Habitué par ses travaux historiques aux lenteurs des transformations sociales, M.  […] C’est autant peut-être par ce souci moral que par amour de la vérité vraie qu’il évite de faire trop large la part des personnages historiques, même des plus séduisants. […] Elles rappellent aux âmes inquiètes que, entre les croyances confessionnelles et le doute ou la négation, il reste à la conscience des refuges ; qu’il est toute une vénérable tradition de postulats moraux, sur qui l’on peut dire que, depuis les temps historiques, ont vécu tous les hommes de bien : car ceux mêmes d’entre eux qui n’y croyaient pas ont agi comme s’ils y croyaient, et ceux, qui croyaient à quelque chose de plus croyaient donc à cela aussi.

91. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Je dirai la même chose du travail, très riche en matériaux, qui traite de la légende d’Alexandre le Grand, de la transformation de cette grande figure historique en fable chez la plupart des peuples. […] J’aurais aimé à ce qu’il établît quelques-unes des conditions, essentielles qui s’appliquent à tout fait, à tout phénomène historique du même genre. — Mon Dieu ! […] Ses amis, devenus ministres après 1830, le nommèrent professeur ; on put d’abord regretter que ces fonctions nouvelles le détournassent des grands travaux historiques qu’il poursuivait depuis des années : en y songeant mieux pourtant, je ne sais s’ils ne lui rendirent pas service, à lui et à nous, dans tous les sens. […] Deluc ayant, en 1837, préparé un ouvrage où il discutait les questions historiques qui se rattachent aux Évangiles, Guillaume Favre le détourna de le publier, et, dans une belle lettre adressée à l’auteur, il exposa ses motifs, qui sont ceux d’un vrai sage en même temps que d’un chrétien éclairé. […] Toutes les fois qu’on voudra citer les hommes qui ont eu le goût passionné de la lecture, de l’étude, de la critique historique désintéressée, de l’érudition en elle-même, à la suite de ces noms fameux et toujours répétés des Huet, des Gabriel Naudé, des président Bouhier et de tant d’autres, lorsqu’on arrivera à notre siècle si rare en esprits de ce genre, en esprits aussi avides de savoir que peu empressés de le dire, on ne pourra s’empêcher de nommer Guillaume Favre.

92. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Eh bien, un des livres les mieux faits dans le sens même que l’Académie veut imprimer aux œuvres historiques sur le paganisme de l’ancien monde, est ce livre de M.  […] Ses dogmes ne seraient alors que des outrages à la raison, et il tomberait jusqu’à n’être plus qu’une religion de cérémonies et de rites comme le furent les religions païennes, ou, comme chez les Romains, une antiquité historique et la consigne des ancêtres. […] Rien d’oublié dans le cercle historique que M.  […] l’expliquer, l’atténuer, le simplifier, en faire un événement historique comme un autre, ayant ses origines dans des événements antérieurs presque semblables à lui, et coulant sur des pentes douces et souterraines dans l’Histoire bien avant qu’on l’y voie en plein, voilà le but que l’auteur de cette Religion romaine s’est proposé, et plus il avance dans son livre, plus l’intention d’abord cachée, la visée hostile, se dégagent des faits papelardement articulés. […] Gaston Boissier lui-même, cet arrangeur habile, ce décorateur, ce prestidigitateur historique, qui veut escamoter, en le réduisant à n’être qu’une muscade, un boulet de la force du Christianisme, qui a brisé et fait sauter en morceaux le terrible monde ancien avec ses résistances, M. 

93. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

Nous-mêmes, qui ne haïssons pas cependant les béguines, nous n’aurions peut-être jamais parlé du livre de celle-ci sans la circonstance très moderne d’une critique historique qui recherche depuis quelque temps, avec un instinct de satyre dans les deux sens du mot, l’odeur de la femme (odor di femina) dans l’histoire. Après nous avoir donné récemment les Filles du régent, cette Critique historique vient de les faire suivre des Six Filles de Louis XV, et nécessairement parmi ces dernières, plus ou moins insultées, elle a dû toucher surtout à celle-là qui, elle ! […] La critique historique, ayant fatuité d’érudition, a donc gratté le papier contre Louise de France, la Carmélite. […] Et c’est même par ce pédantisme, dont je suis fâché, car il y détonne, qu’il finit sa chosette historique, qui n’est point pédante ailleurs, qui nulle part n’est bien méchante, et qui n’a pour toute ambition que d’avoir de la désinvolture. […] Ses sœurs, restées des porphyrogénètes, sans action historique hors de leur palais dans une monarchie encore salique à son déclin, n’ayant pas, ne pouvant pas avoir à leur service ce soufflet écrasant de la gloire sur les joues de ceux qui la nient, auront seulement pour les défendre, quand ils ne les accuseront pas, les Mémoires du temps, — les Mémoires des filles de chambre qui les volèrent, des femmes de la cour qui les envièrent, et des grands seigneurs qui voulurent peut-être devenir leurs amants et qui se vengèrent de ne l’être pas !

94. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Le lecteur fera de lui-même la reflexion que Venus, l’amour, Mars et les autres divinitez du paganisme, sont des personnages historiques dans l’éneïde. […] Ces divinitez sont même des personnages historiques dans les poëmes des écrivains modernes qui choisissent leur scene et leurs acteurs dans les tems du paganisme. […] Celles que des écrivains à qui personne ne refuse de l’esprit, ont hazardées en ce genre-là, n’ont pas autant réussi que celles où ils avoient bien voulu être moins ingenieux et traiter un sujet historique.

95. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Première ébauche de l’art historique. […] Depuis six cents ans, la France ne s’est pas moins reconnue à ces hauts faits d’armes qu’à la simplicité, à la probité historique du narrateur. […] Les héros d’Homère ne font pas non plus de spéculations historiques sur les causes et les conséquences de la conquête de l’Asie par la Grèce. […] Première ébauche de l’art historique. — Les Mémoires de Philippe de Comines. […] Les noms historiques de ce temps disent assez ce qu’était la morale.

96. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

Sans préjuger si j’y parviendrais, le désir me fait complètement défaut de composer sur Goncourt le grand article historique et critique. […] On entrevoit très bien qu’avec un peu plus de paresse et moins de conscience ce gentilhomme cultivé eût pu s’en tenir au plaisir honorable des études historiques par lesquelles il avait débuté. […] Ses écrits historiques ne sont pas impérissables : les arrière-neveux ne se soucieront pas de son goût de Watteau, ou de Hok’saï ; même ses prétentions à écrire les chapitres d’une clinique sociale laisseront profondément indifférent, Mais il demeurera bien un ou deux de ses romans, choisis au petit bonheur de la postérité.

97. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Je ferai ici une simple observation sur la critique qui a été faite le plus souvent de mon style historique par des historiens mes émules ou mes rivaux. C’est l’abondance et la minutieuse exactitude des portraits de mes personnages historiques. […] Car quel est l’objet du portrait historique ? […] Ce qu’il faut alors au lecteur, ce n’est pas le portrait, c’est le jugement historique et moral sur le rôle héroïque ou odieux de cet homme, c’est l’épitaphe lapidaire de son nom. […] Lisez ici l’explication de ma pensée historique.

98. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

De même, pour tomber d’une très grande chose à une très petite, ce drame, dont nous venons d’indiquer le sens historique, offrirait une tout autre figure, si on le considérait d’un point de vue beaucoup plus élevé encore, du point de vue purement humain. […] Si l’auteur de ce livre a particulièrement insisté sur la signification historique de Ruy Blas, c’est que, dans sa pensée, par le sens historique, et, il est vrai, par le sens historique uniquement, Ruy Blas se rattache à Hernani.

99. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Il n’enfonce point et ne pose pas dans la psychologie le point de départ de son Histoire de la Satire, et voilà pourquoi il pousse tout droit devant lui, dès les premières pages, ce petit trot historique qui fait son bonheur sans danger, à travers les causes secondes et troisièmes sur lesquelles il a chance encore de se tromper. […] … Le brid’oisonisme historique, s’il était conséquent, s’abstiendrait de juger, mais alors il ne serait plus cette chose moderne et ineffable, le brid’oisonisme. […] Or, comme il n’est pas d’idée plus familière et plus chère à l’école historique, qui a fondé la théorie des classes moyennes dans l’histoire pour la réaliser dans le gouvernement, que l’invincible et l’inévitable supériorité de la bourgeoisie, M.  […] de la sobriété historique, de cette vertu qui empêche et prévient la dangereuse soif de l’originalité, laquelle certainement n’est pas défendue, comme l’absinthe, pour cause de santé, aux jeunes professeurs.

100. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

C’est une observation qui n’a pas été faite, que les gloires espagnoles manquent de la grande popularité historique, et lorsque l’exception a eu lieu, comme pour Charles-Quint, Philippe II et Fernand Cortez, c’est qu’ils s’épanchèrent par la puissance et par les armes et qu’ils furent plus Européens qu’Espagnols. […] Léopold Ranke, un Français de Berlin pour le vif sentiment de la réalité historique, nous donnait dans une histoire, au fond protestante, une étude magnifique sur Ignace de Loyola, le fondateur de l’ordre le plus impopulaire, et qui contraignait les plus insolents à baisser les yeux devant la beauté morale de ce chevalier qui fut un saint. […] L’historien qui a essayé de reproduire cette forte et sévère image peut avoir le sentiment de la vie historique, mais, à coup sûr, il n’en a pas la puissance. […] C’est le parallèle historique.

101. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Et puisque nous sommes en pleine couleur espagnole, je me permettrai cette image : le taureau anglo-saxon a regardé sans fureur tout le rouge du règne de Philippe II, qui aurait mis hors de sens des têtes moins solides que celle de ce Front-de-Bœuf historique. […] et il ne prend pas feu une seule fois, il ne mugit pas une seule fois, ce Front-de-Bœuf historique. […] Prescott ne tient pas à nous exhiber cette grande marionnette historique. […] C’est l’Américain encore et son ferme poignet historique, qui brise pour jamais une autre création allemande, le don Carlos du romanesque Schiller, sous le don Carlos de l’Histoire.

102. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Chastel, Doisy, Mézières Études historiques sur l’influence de la Charité durant les premiers siècles chrétiens et considérations sur son rôle dans les sociétés modernes, par Étienne Chastel, professeur à Genève ; Assistance comparée dans l’ère païenne et l’ère chrétienne, par Martin Doisy ; L’Économie ou Remède au paupérisme, par L.  […] Encore une fois, tel fut alors le mérite de l’Académie, et nous voulons le reconnaître, car il y a un autre mérite que nous lui aurions souhaité et qui lui manqua… Après cet éclair de bon sens, rare à l’époque où il brilla, et qui lui fit mettre au concours une question historique dont elle discernait très bien la portée, elle retomba bientôt sous la paralysie des préjugés ambiants et l’empire de cette philosophie dont elle repoussait les dernières conséquences, il est vrai, mais dont elle acceptait les premières, comme si la roue de l’inflexible logique, une fois en branle, s’arrêtait ! […] Son livre, qu’il intitule : Études historiques sur l’influence de la Charité durant les premiers siècles chrétiens, est toujours, au point de vue des faits et très souvent à celui des appréciations, un travail remarquable de science, de calme et d’horizon. […] Chastel dans les généralités historiques qui ne touchent pas le sol embrasé, le sol volcanisé que nous sentons frémir sous nos pieds… Lui, le catholique, qui n’a pas de liaison d’idées avec l’ennemi, qui ne met point, plus ou moins, sa main dans la sienne, est discret, agressif, incompatible avec les doctrines socialistes contemporaines, et il ajoute souvent un trait à tous ceux qui les ont percées de toutes parts.

103. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Pour ma part, je ne crois pas du tout que le livre de Barthélemy Saint-Hilaire ait été simplement inspiré par les recherches et les travaux de Muir, Sprenger et Caussin de Perceval, les modernes historiens de Mahomet, rencontrés au courant des vastes lectures de l’auteur, dans une flânerie critique ou historique quelconque. […] II C’est le dernier siècle, surtout, — ce charmant xviiie  siècle, dont la Critique historique d’aujourd’hui ose bien se vanter d’être la fille, — qui a été dur pour ce pauvre Mahomet jusqu’à la calomnie, et jusqu’à la caricature dans la calomnie ! […] Et n’a-t-il pas fallu, et seulement en ces derniers temps, un voyant historique comme Thomas Carlyle, pour nous prouver que ce grand homme, qui n’a qu’une tache sur toute une gloire immense, fut, comme Mahomet, un être de la plus noble et de la plus profonde sincérité ? […] À la place de ces caricatures historiques, il y a la figure du grand homme, doux et inspiré, qui apprit aux Arabes la miséricorde et l’aumône, et dont le cimeterre, qu’il a fini par tirer dans les intérêts de sa foi, n’a pas aveuglé de son éclat Barthélemy Saint-Hilaire, puisqu’il a écrit fermement cette parole vraie : c’est que le livre du Coran a fait plus que le sabre pour la domination du monde.

104. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Desjardins n’a pas prétendu, dit-il, faire un ouvrage, mais un essai ; il a pris un sujet de thèse historique, comme il était naturel de le concevoir à un homme qui s’est particulièrement occupé de cet immense et incommensurable champ de l’histoire. […] Il s’est donc attaché à notre grand tragique, et il s’est complu à démontrer en lui une âme et une intelligence essentiellement historique, pleine de prévisions et de divinations : non qu’il ait jamais supposé que le vieux poète, en s’attaquant successivement aux divers points de l’histoire romaine pendant une si longue série de siècles, depuis Horace et la fondation de la République jusqu’à l’Empire d’Orient et aux invasions d’Attila, ait eu l’idée préconçue d’écrire un cours régulier d’histoire ; mais le critique était dans son droit et dans le vrai en faisant remarquer toutefois le singulier enchaînement qu’offre en ce sens l’œuvre dramatique de Corneille, et en relevant dans chacune de ses pièces historiques, même dans celles qu’on relit le moins et qu’on est dans l’habitude de dédaigner le plus, des passages étonnants, des pensées et des tirades dignes d’un esprit politique, véritablement romain. Lorsqu’on aura rabattu, çà et là, de quelques assertions hasardées et de quelques interprétations trop subtiles du critique, il restera en définitive, dans le souvenir du lecteur qui l’aura suivi dans son excursion, une plus haute idée de la faculté historique instinctive du grand Corneille. […] Quand on parle de l’intuition historique de Corneille, il faut l’entendre dans ce sens-là, dans le sens large et non étroit. […] Desjardins que Corneille, en matière historique ancienne, tout instinctif qu’il était et à la merci de sa verve, méditait certainement et réfléchissait plus qu’on ne le suppose.

105. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Il y a un point où l’histoire se réduit à l’archéologie, qui se confond à son tour dans l’anthropologie ; et la curiosité historique, qui est un des caractères de ce temps, a valu des lecteurs inattendus à des travaux tout à fait techniques926 . […] Pour la métaphysique et la psychologie, un homme qui reste amateur en philosophie choisira, parmi la multitude des essais historiques, dogmatiques ou critiques, les forts écrits de M.  […] Arvède Barine931, par une création synthétique que dirige un remarquable sens psychologique, rend de pâles figures historiques aussi vivantes, aussi réelles que des personnages de roman. […] Quelles que soient les réserves des érudits, il a établi sur des raisons d’ordre purement scientifique, historique, philologique, la relativité, l’humanité des religions. […] Divers recueils de Notices et Éloges historiques.

106. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

L’auteur y avait joint un appendice qui en était peut-être la partie la plus intéressante ; cet appendice se compose de sept cents notes, la plupart extraites des mémoires, des recueils historiques ou satiriques du temps, et contenant des anecdotes sans nombre, quelques-unes tout à fait drôles et scabreuses, sur les mœurs et les habitudes de nos pères. […] L’idée positive et la conclusion pratique de M. de Laborde est celle-ci : Que le palais Mazarin est en lui-même un monument historique très digne d’être conservé, que la Bibliothèque y est bien placée, mieux qu’elle ne le serait ailleurs, et qu’il faut l’y laisser, sauf à réparer, à améliorer l’édifice au-dedans, et à le restaurer, à l’orner au-dehors, pour qu’il n’attriste pas le brillant quartier qui le possède. […] Mignet le premier, dans l’introduction qu’il a mise en tête des Négociations relatives à la succession d’Espagne (1835), rencontrant tout d’abord Mazarin, lui a rendu une éclatante justice, et a tracé de lui un grand portrait historique en pied qui restera. […] Bazin, dans les deux volumes qu’il a consacrés à l’Histoire de France sous le ministère du cardinal Mazarin, s’est attaché à dégager le récit historique des séductions qu’y avaient jetées les peintures du cardinal de Retz, et il l’a fait, même au risque d’y éteindre quelque peu la vivacité et l’intérêt. […] Je ne réponds pas, et aucun lecteur circonspect ne saurait répondre de la vérité et de l’exactitude historique de la plupart des récits que nous offrent les Mémoires de Retz ; mais ce qui est évident et qui saute aux yeux, c’est quelque chose de supérieur pour nous à cette exactitude de détail, je veux dire la vérité morale, la fidélité humaine et vivante de l’ensemble.

107. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Après sa sortie de France et ses voyages à l’étranger, Mme de Genlis, rentrée à l’époque du Consulat, publia, de 1802 à 1813, quelques ouvrages qui tiennent à sa veine sentimentale et romanesque plus qu’à sa veine pédagogique, et dont quelques-uns ont obtenu un vrai succès : les Souvenirs de Félicie, première esquisse agréable, qu’elle a délayée depuis dans ses intarissables Mémoires ; une nouvelle qui passe pour son chef-d’œuvre, Mademoiselle de Clermont, et quelques romans historiques, La Duchesse de La Vallière, Madame de Maintenon, Mademoiselle de La Fayette : ce fut son meilleur moment. […] Ne pouvant se priver de son goût pour le théâtre, elle imagina de mettre en action et de leur faire jouer dans le jardin, où les décorations artificielles se combinaient avec la nature, les principales scènes de l’Histoire des voyages de l’abbé Prévost, abrégée par La Harpe, et en général toutes sortes de sujets historiques ou mythologiques. […] En repassant les œuvres de Mme de Genlis, il me semble que Louis-Philippe est son côté véritablement historique, le seul par lequel elle continuera de mériter quelque attention sérieusea. […] VIII (3e éd.), p. 546 :] De plus (au tome III, p. 34, même édition dernière), à l’article de « Mme de Genlis », un correcteur, croyant bien faire, a tout à fait altéré ma pensée et l’a rendue inintelligible : « En repassant les ouvrages de Mme de Genlis, il me semble (me fait-on dire) que Louis-Philippe est de son côté véritablement historique, le seul par lequel elle continuera de mériter quelque attention sérieuse. » Or, j’avais dit : « En repassant les ouvrages de Mme de Genlis, il me semble que Louis-Philippe est son côté véritablement historique, etc… » C’est ainsi qu’au xviie  siècle, Madame (mère du Régent) écrivait dans une de ses lettres : « La Montchevreuil est le bel endroit de la Maintenon, et le seul que je trouve louable en elle. » En vertu d’une locution analogue, on peut dire que Louis-Philippe est le côté véritablement historique de Mme de Genlis.

108. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 196

Des Etrennes, des Epîtres, des Fables, des Eloges, des Mémoires historiques, des Vies, des Essais sur divers sujets, des Anecdotes, des Dissertations, des Journaux, des Tablettes, des Lettres, des Histoires, des Bibliotheques, des Dictionnaires, une Traduction en Prose de Perse, & une imitation en Vers de ce même Poëte : tant de Productions seroient plus que suffisantes pour faire vivre un Auteur dans la postérité, si elles n’étoient mortes dès à present. Malgré cela, les Secrétaires des différentes Académies dont il est Membre, ne manqueront pas de rappeler tout ces Ecrits, & de leur prodiguer des Eloges ; mais les Eloges historiques mourront, comme les Productions médiocres qu’ils auront préconisées.

109. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 108

Tous ces différens Ouvrages sont historiques & ont pour objet des choses curieuses. L’Abbé Desfontaines appeloit M. l’Abbé Lebeuf, le Pausanias, le Suidas du Siecle, & comparoit ses Observations historiques aux Observations physiques de Galilée, de Malpighi, & de Newton.

110. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Mais nous appellerons son attention sur le vrai caractère de l’histoire et des personnages historiques. […] Pour donner à son livre une couleur historique, M.  […] Ainsi conçu, le roman historique manque évidemment d’animation et d’unité. […] Passant de l’excellence historique à l’excellence politique, il a fait de M.  […] L’emploi de l’histoire au théâtre n’est-il pas soumis à des lois très différentes des lois du récit historique ?

111. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Si relatif, si particulier qu’il soit, description, portrait ou fait historique, quelles que soient les circonstances de lieu, de temps et de personne qui le limitent, il y a toujours au fond quelque intérêt universel. […] Dégageant des circonstances particulières la thèse générale, il n’a pas examiné la question historique et la situation de Rome. […] Et c’est ce sentiment monarchique, si peu romain, si peu conforme à la vérité historique, qui, dans la tragédie, commence à relever Auguste aux yeux du spectateur, et à faire oublier Octave.

112. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Le christianisme se présente comme un fait historique surnaturel. […] Ce n’est point par un raisonnement à priori que nous repoussons le miracle, c’est par un raisonnement critique ou historique. […] Cousin ; un autre, qui avait des études historiques assez étendues, nous disait Augustin Thierry ; un troisième venait de l’école de MM. de Montalembert et Lacordaire. […] Ma foi a été détruite par la critique historique, non par la scolastique ni par la philosophie. […] Je fus entraîné vers les sciences historiques, petites sciences conjecturales qui se défont sans cesse après s’être faites, et qu’on négligera dans cent ans.

113. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

A l’établissement du sens littéral se rapporte l’éclaircissement de toutes les obscurités ou difficultés qui se rencontrent dans le détail de l’expression, celui des allusions de toute sorte, historiques, biographiques ou autres, qui peuvent embarrasser un lecteur moyennement cultivé. […] Je veux dire qu’il faut essayer de mettre en lumière l’intérêt ou psychologique, ou philosophique, ou historique (principalement pour l’histoire des idées, du goût, de la civilisation) du texte choisi, et d’en faire sentir la valeur esthétique, la beauté. […] On ne doit jamais négliger l’explication grammaticale ni l’explication historique ; mais on peut n’y voir qu’une préparation, n’y prendre que des points d’appui, soit pour une étude de goût, une analyse de sensations esthétiques, soit pour une recherche de l’usage et des applications actuelles de l’œuvre étudiée. […] Le XIXe siècle, animé d’un esprit historique, se rendit compte que la langue changeait, que les idées, la sensibilité, le goût évoluaient, et que pour entrer dans le sens de Marot et de Montaigne, ou même de Corneille et de Pascal, il fallait de l’attention, du savoir, et de l’étude. […] Si la culture des Universités ou des Collèges prépare l’homme à la vie dans son milieu et dans son temps, il ne suffit pas de connaître la valeur historique des textes ; il faut en rechercher la valeur présente.

114. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 21

Nous ne dirons pas, d’après le Gazetier Ecclésiastique, comme les Auteurs du Nouveau Dictionnaire historique des Hommes célebres, que l’Histoire de la Constitution UNIGENITUS de M. […] Au contraire, nous dirons qu’on y trouve le vrai, qui doit être la base de tout Ouvrage historique, & avec le vrai, de l’ordre, de la clarté, du développement, un style noble, convenable à l’Histoire, & une modération dont on ne doit jamais s’écarter.

115. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Ce qui nous distingue éminemment, c’est, comme nous disons aujourd’hui, notre tendance historique. […] Ces trois vérités philosophiques répondent à autant de faits historiques : institution universelle des religions, des mariages et des sépultures. […] À cette division répond celle des temps obscur, fabuleux, historique. […] Le plus considérable des morceaux que nous n’avons pas cru devoir traduire, est une explication historique de la mythologie grecque et latine. […] Défense historique des lois grecques venues à Rome contre l’opinion moderne de M. 

116. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 187

Quoique les faits y soient détachés, ils sont présentés avec tant de clarté, développés par des réflexions si judicieuses, qu’on peut regarder ces Livres comme les meilleures Collections historiques que nous ayons. […] C’est le jugement qu’en portent les Auteurs du Nouveau Dictionnaire historique.

117. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 67

COURTILS, [Gratien Sandras de] né à Montargis en 1644, mort à Paris en 1712, est connu par plusieurs Ouvrages historiques, où l’on remarque beaucoup de facilité, mais peu d’exactitude. […] Trop de confiance dans ces sortes d’Ouvrages, est le vrai moyen de perpétuer les erreurs, & nous n’en avons déjà que trop en matiere historique.

118. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

La critique n’éprouve devant ces sortes de phénomènes historiques aucun embarras. […] Il est impossible surtout de savoir si les circonstances choquantes d’efforts, de frémissements, et autres traits sentant la jonglerie 740, sont bien historiques, ou s’ils sont le fruit de la croyance des rédacteurs, fortement préoccupés de théurgie, et vivant, sous ce rapport, dans un monde analogue à celui des « spirites » de nos jours 741. […] Ce serait manquer à la bonne méthode historique que d’écouter trop ici nos répugnances, et, pour nous soustraire aux objections qu’on pourrait être tenté d’élever contre le caractère de Jésus, de supprimer des faits qui, aux yeux de ses contemporains, furent placés sur le premier plan 761. […] Si l’on part de ce principe que tout personnage historique à qui l’on attribue des actes que nous tenons au XIXe siècle pour peu sensés ou charlatanesques a été un fou ou un charlatan, toute critique est faussée.

119. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Ils ont vraiment péché aux faits dans les trois pieds d’eau qu’ils ont pris pour un océan historique, et le fretin qu’ils ont rapporté est assez joli, et ressemble à ces poissons rouges qu’on met en bocal. […] N’ayons pas peur de l’affirmer, ce n’est point là l’idée vraie, l’idée historique, l’idée que doivent avoir les hommes qui écrivent cette belle, délicate et vaste histoire de la société de leur pays. […] Il vous reste juste leur livre : des miettes historiques tombées de quelques corbeilles, de quelques pamphlets, de quelques journaux, — des miettes historiques, des atomes, de la poussière de documents qui en eux-mêmes ne sauraient changer le caractère jugé de la Révolution, mais que de grands artistes broieraient seulement dans les couleurs de leur palette pour donner plus d’éclat et plus de vie à cette grande fresque d’une histoire qu’on ne fera jamais au pointillé.

120. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Au milieu de la cacophonie d’un ouvrage où le récit croise la correspondance et la correspondance le dialogue, ce qui plane, ce qui domine et ce qui choque, c’est je ne sais quel ton cavalier dont le dessous et le vrai nom sont le sans-façon et l’impertinence historiques, — deux défauts et deux ridicules que la Critique ne peut laisser passer, du moins sans avertir ! […] II En effet, l’espèce de galerie historique élevée aujourd’hui par Blaze de Bury à la vieille famille des Kœnigsmark, si célèbre autrefois en Suède et en Allemagne, ne contient guères qu’un seul portrait qui vaille la peine qu’on s’y arrête ; mais ce portrait est tout un poème, et ses accessoires en font un tableau. […] Blaze de Bury n’a été ni assez historien, ni assez moraliste, ni assez poète, pour traiter ce sujet, révélé dernièrement par des curieux allemands et anglais, des alchimistes historiques qui cherchent l’inconnu et le trouvent parfois. […] Ces deux têtes historiques, aux méplats creusés et noirs, plus difficiles à fouiller que le marbre, il faudrait une espèce de Michel-Ange pour les sculpter dans un livre d’histoire magistral.

121. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

II C’est, en effet, une bonne fortune, — et même la meilleure de toutes les fortunes, — pour qui se sent en soi le moindre génie historique, que de rencontrer sous sa main de ces figures très rares, à caractère ambigu ou à double caractère, qui exercent la sagacité et donnent un prix plus grand encore au mérite de la justice. […] Eh bien, c’est ce phénomène qui saute aux yeux dans la vie de Gustave III, c’est cet hermaphrodisme de son personnage historique, qu’il eût été intéressant d’étudier et de mettre en valeur dans le récit qu’on eût fait du règne de cet homme qui avait, à la fois, trop et trop peu pour être cette simplicité équilibrée et toute-puissante que l’on appelle un grand homme ! […] je ne blâme pas ces voyages entrepris dans un but de renseignement historique. […] Ce chef-d’œuvre de bonne humeur dans l’audace et l’exécution, qui refit un roi en Suède, rétablit la tradition historique, et arracha le pays aux oligarques corrompus qui le vendaient, morceau par morceau, aux enchérisseurs étrangers, fut la grande leçon donnée pour jamais aux Pouvoirs faibles qui savent oser… Et ce restera la gloire de Gustave III de l’avoir donnée, cette leçon.

122. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Le sens moral des faits est dans la moralité historique de l’écrivain. […] D’ailleurs ce système historique, préconisé comme exclusif par M.  […] Nous croyons donc le système historique de M.  […] Cette faute historique le poursuivra partout dans le cours de son récit. […] Ce patriotisme peut être populaire, mais il n’est pas historique.

123. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 479-480

La République des Lettres lui doit l’excellente Description historique, géographique & physique de l’Empire de la Chine, en quatre vol. […] Le style en est simple, judicieux, coulant ; tel, en un mot, qu’il convient à une Description historique.

124. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

On a, quand on parle de Gibbon, même en France, une prévention défavorable à vaincre ; c’est que lui-même a parlé du christianisme dans les 15e et 16e chapitres de son premier volume avec une affectation d’impartialité et de froideur qui ressemble à une hostilité secrète, et qu’à ne voir les choses que du simple point de vue historique, il a manqué d’un certain sens délicat, tant à l’égard du fond de l’idée chrétienne que par rapport aux convenances qu’il avait à observer envers ses propres contemporains. […] Ses idées favorites de gouvernement concordent avec celles d’Horace Walpole ; il a placé volontiers, comme ce dernier, son âge d’or historique dans cette merveilleuse période et cette ère élyséenne du siècle des Antonins, « dans laquelle le monde vit cinq bons monarques se succéder sans interruption77 ». […] Dans son premier écrit (l’Essai sur l’étude de la littérature), et quinze ans avant de publier sa grande composition historique, il décelait déjà sa préférence pour ce grand tout continu et pacifique de l’Empire romain ; il le place presque au niveau de ce que l’Europe est devenue depuis ; il fait remarquer de plus, à l’avantage de cet ancien état du monde, que des pays, aujourd’hui barbares, étaient éclairés alors et jouissaient des bienfaits de la civilisation : Du temps des Pline, des Ptolémée et des Galien, dit-il, l’Europe, à présent le siège des sciences, l’était également ; mais la Grèce, l’Asie, la Syrie, l’Égypte, l’Afrique, pays féconds en miracles, étaient remplis d’yeux dignes de les voir. […] Il lisait durant ce temps un peu au hasard tous les livres qui lui tombaient sous la main, et où se prenait sa curiosité déjà excitée ; elle l’était de préférence toujours dans le sens des connaissances historiques, et un instinct de critique aussi le dirigeait plutôt vers les sources. […] Il s’arrêtait aux difficultés de détail qui se présentaient, soit philologiques, soit historiques, cherchait à les résoudre, et il entra dès lors en correspondance avec plusieurs savants, Crevier à Paris, Breitinger à Zürich, Gesner à Göttingen ; il leur proposait ses doutes ou ses idées, et il eut le plaisir de voir plus d’une de ses conjectures accueillie.

125. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

C’était bien là, du reste, la pensée que devait avoir sur l’erreur l’écrivain qui, en 1827, tirait l’innocence de Machiavel de la culpabilité universelle de son époque, et qui, en 1833, réduisit cette impudente thèse historique en axiome, quand il dit dans son Robert Walpole, innocenté comme Machiavel et encore mieux, car il était whig : « qu’on ne peut pas blâmer un homme de ce qu’il n’est pas supérieur à son siècle par sa vertu… » Certes ! […] III Ainsi, vous le voyez, quoiqu’il ne s’agisse ici que des Œuvres diverses de Lord Macaulay et non de ses travaux spécialement historiques, il n’est pas cependant possible d’écarter cette idée d’Histoire qui revient toujours dans Macaulay, qui le hante, le tente, le possède, et a fini un jour, comme un démon, par l’emporter ! […] Ouvrez, en effet, ces deux volumes, qui certainement ne contiennent pas la moitié des travaux de Macaulay à la Revue d’Édimbourg, et vous trouverez sur onze articles, en totalité, que renferment ces deux volumes, cinq essais entièrement historiques : Les deux Walpole, William Pitt, Lord Clive, Hastings, et Frédéric. […] Guillaume Guizot a aussi traduits, sous le titre d’Essais historiques et biographiques. […] Intérieur et extérieur, également embrassés, de l’ouvrage qu’il veut faire connaître, influences subies ou repoussées, époques reproduites à grands traits, individualités pénétrées, manière toute-puissante et presque magique de grouper les faits dans laquelle il est passé maître, vues ingénieuses et profondes, preuves historiques resplendissant d’exemples à l’appui de ses opinions, et, quand il n’est pas dans la vérité absolue, mirages historiques si bien faits que les plus savants peuvent y être pris, voilà les forces vives du genre de critique qui est la gloire de Macaulay !

126. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

II Figurez-vous donc qu’au lieu du précieux, compendieux et sérieux Armand Baschet, qui ne rirait pas pour un empire, nous eussions ici affaire à quelque génie plein d’abandon et de sincérité, à quelque grand caricaturiste historique, — car un caricaturiste peut être un historien, puisque la caricature n’est qu’une certaine manière de regarder la vérité, — figurez-vous donc, par exemple, un esprit comme Thomas Carlyle, que je regarde comme l’Hogarth de l’Histoire, tombant sur l’histoire de Baschet, le Dangeau posthume de Louis XIII, et demandez-vous quels effets grotesques et charmants et quelle conclusion de savoureuse moralité humaine il aurait tirés de ce conte de La Fontaine historique, qui fut une réalité, et, pour les gens intéressés à l’achèvement de ce mariage resté en l’air, la plus plaisante des mélancolies ! […] Un autre moins respectueux que lui aurait donné une tout autre tournure à cette comédie historique, qui divertit trois ans l’Europe, comme un intermède grotesque, entre le meurtre d’Ancre et les tueries de Richelieu.

127. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

On nous apprenait autrefois dans un morceau mémorable « comment les dogmes finissent. » En définitive, il n’y a pas beaucoup d’exemples historiques de la chute d’une religion. […] Il n’y a rien d’absurde à ce qu’une religion déjà existante, ayant une tradition historique, associée aux habitudes et aux mœurs d’une société, continue à vivre en se dépouillant successivement de toute superstition. De même que les philosophes ne peuvent pas fonder une société, mais peuvent rendre de plus en plus philosophiques les sociétés existantes, de même qu’ils ne peuvent créer des langues (au moins en dehors de la science), mais qu’ils peuvent rendre les langues usuelles de plus en plus claires, logiques, analytiques, en un mot philosophiques, de même ils ne peuvent créer des religions, mais ils peuvent transformer les religions historiques. […] Au fond, c’est une seule et même chose ; mais la différence est que la religion naturelle est une création a priori, sans racines dans les habitudes des hommes, tandis que le christianisme est un fait historique dans lequel presque tous nous avons été élevés.

128. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Toute l’époque d’alors, très tournée au furetage historique, accueillit avec la curiosité d’une commère, friande de détails et de médisances de toutes sortes, ce bavardage de portier qu’un bourgeois cynique avait recueilli dans un langage digne de la chose. […] Sans l’histoire, en effet, sans l’intérêt de la vérité historique, qui, comme le blé, sort souvent du fumier le plus infect, il n’y aurait guères à reprendre aujourd’hui le livre de Tallemant des Réaux. […] À ne le prendre que pour ce qu’il est, un anecdotier, moitié perroquet et moitié pie, un caquet-bonbec historique qui fit toute sa vie métier et marchandise de propos libertins et de sales nouvelles, il n’y a trace ni d’imagination ni de goût dans sa façon de raconter l’anecdote. […] Il y a pis pour un homme que de ne pas savoir gravera à l’eau-forte ou sur acier la vignette historique de l’anecdote ; il y a pis que l’absence d’esprit et de talent : c’est l’absence complète d’idées nobles, élevées, religieuses.

129. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

On était alors en plein doctrinarisme historique. […] Un autre petit homme dans l’Histoire avait, comme Carlyle, écrit précisément celle de la Révolution française, n’ayant souci de rien que de se montrer révolutionnaire dans cette histoire, — le long de laquelle il passa à travers toutes les opinions, comme le singe de la Fable à travers son cerceau, avec les souplesses d’un esprit que le scepticisme rend plus souple encore ; — Thiers, qui grimpe sur toutes les idées comme il en dégringole, avec la même facilité, n’est que l’écureuil de la Politique et de l’Histoire ; mais quelle que soit l’alacrité des mouvements de l’écureuil, son genre historique, sobre de couleur, n’en a pas moins la gravité, il faut bien dire le mot, d’un homme qui est souvent un Prud’homme littéraire. […] Eh bien, je vous laisse à penser l’effet que produisit, dans un temps de pareille littérature historique, l’histoire de Carlyle, de ce singulier humouriste anglais qui ne se gênait pas, qui se permettait tout en fait de sans-gêne britannique ; de Carlyle, le hoax anglais incarné, mais incarné dans le vrai, et qui ressemblait, par sa gaieté funèbre, en piochant les tombes de l’Histoire, au fossoyeur de Shakespeare. […] … Mais quoi qu’il soit de ces défauts que je relève et de quelque manière qu’on les juge, Carlyle est un peintre d’histoire, qui a créé je ne dirai pas un genre en peinture historique, — je ne crois pas aux genres et je méprise les Écoles : pour moi, les imitateurs les plus forts ne sont jamais que les assassins de ceux qu’ils imitent et les frappent, comme Néron Agrippine, au ventre qui les a portés, — mais Carlyle a fait le premier une chose qu’avant lui on n’avait pas faite.

130. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Dans une analyse sincère de ce célèbre Discours de Bossuet, on est aujourd’hui entre deux écueils : ou bien l’on entre absolument dans la vue de l’auteur, on se place à son point de perspective historique surnaturelle, on y abonde avec lui, et l’on choque alors l’esprit de bon sens qui prévaut généralement dans l’histoire et qui a cause gagnée chez la plupart des lecteurs ; ou bien l’on résiste, au nom de ce bon sens, on s’arrête à chaque pas pour relever les hardiesses de crédulité, les intrépidités d’assertion sortant et se succédant d’un air de satisfaction et de triomphe, on se prend à discuter cette série d’explications miraculeuses acceptées sur parole, imposées avec autorité, avec pompe, et l’on se met par là en dehors du plan de l’auteur et des conditions du monument. […] Il parle ensuite des deux empires d’Assyrie ; mais tout cela est trop conjectural encore, et ce n’est qu’avec la Grèce que l’historique proprement dit commence. […] Mais les Romains sont proprement le triomphe historique de Bossuet ; c’est un peuple qui naturellement lui va : il a de lui-même la suite. […] Ce qui les forme, ce qui les achève, ce sont des sentiments forts et de nobles impressions qui se répandent dans tous les esprits et passent insensiblement de l’un à l’autre… Durant les bons temps de Rome, l’enfance même était exercée par les travaux ; on n’y entendait parler d’autre chose que de la grandeur du nom romain… Quand on a commencé à prendre ce train, les grands hommes se font les uns les autres ; et si Rome en a porté plus qu’aucune autre ville qui eût été avant elle, ce n’a point été par hasard ; mais c’est que l’État romain constitué de la manière que nous avons vue était, pour ainsi parler, du tempérament qui devait être le plus fécond en héros. » La guerre d’Annibal est très-bien touchée par Bossuet ; et quand il a bien saisi et rendu le génie de la nation, la conduite principale qu’elle tint les jours de crise, et le caractère de sa politique, il ne suit pas l’historique jusqu’au bout, comme l’a fait et l’a dû faire Montesquieu. […] Il eût été, en effet, bien difficile à Bossuet de poursuivre sa tâche pour les âges suivants ; la critique et l’érudition historique n’avaient pas assez aplani les voies.

131. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

En d’autres termes, si considérable qu’elle soit, la valeur relative, historique, de Dante, à laquelle les philologues s’attachent si fort, n’est plus qu’un détail, comparée à la valeur absolue ; chez lui la réponse est moins significative que la question ; les mots de la prière moins beaux que le geste des mains jointes. […] L’épopée n’a plus une œuvre digne d’être mentionnée ici, et le théâtre en reste à l’édification spirituelle, sans connaître cette fermentation qui donne au théâtre français, dès le xive  siècle, son importance historique. […] Pétrarque n’est pas un homme d’action comme Dante ; il n’est pas épique et ne touche pas à la profondeur des vérités éternelles ; il n’est pas une synthèse, il est une foi nouvelle ; il est divinateur, essentiellement lyrique. — L’œuvre latine de l’humaniste Pétrarque est trop peu connue du public cultivé ; son importance historique dépasse pourtant celle du Canzoniere ; d’autre part aussi les poètes pétrarquistes ont fait du tort à leur modèle ; or, il importe de noter ce fait : chez Pétrarque, l’humaniste et le poète ne sont qu’un seul et même homme. […] L’explication de ce phénomène est dans la fatalité historique que j’ai esquissée au commencement de ce chapitre. […] Le même état d’âme se retrouve dans les romans historiques de Massimo D’Azeglio, de Guerrazzi, de Nievo, dans les tragédies de Manzoni, de Niccolini, et même encore dans ce chef-d’œuvre épique : I promessi sposi.

132. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

.), romans historiques enfin (Latréaumont, Jean Cavalier). […] » J’en viens aux romans historiques de l’auteur. — Au moment même où, dans la préface de Latréaumont, M. […] C’est peut-être un des droits piquants du roman historique que de risquer ces revirements soudains de jugements. […] Cet inconvénient perce surtout dans l’introduction historique, et s’y trahit par de certains anachronismes d’expression, comme lorsque, par exemple, l’auteur nous dit qu’à cette époque le clergé français, sauf quelques exceptions, était profondément déconsidéré. […] La belle Isabeau, qui joue un si grand rôle à ses côtés, est un autre personnage historique ; mais, par une licence très-permise, l’auteur ici a rapproché des temps un peu différents.

133. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fournier, Édouard (1819-1880) »

. — Souvenirs historiques et littéraires du département du Loiret (1847). — Album archéologique de l’église abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire (1851) […] — Le Livre d’or des métiers (1851). — Le Roman du village, comédie en vers, en un acte (1853). — Paris démoli (1853). — Les Lanternes (1854). — L’Esprit des autres (1855). — Variétés historiques et littéraires (1855-1863). — L’Hôtesse de Virgile, comédie en un acte et en vers (1859). — Le Vieux neuf (1859). — Énigmes des rues de Paris (1860). — Histoire du Pont-Neuf (1862). — Corneille à la butte Saint-Roch, comédie en un acte et en vers (1862). — La Fille de Molière, comédie en un acte et en vers (1863). — L’Espagne et ses comédiens (1864). — L’Art de la reliure (1864). — Racine à Uzès, comédie en un acte et en vers (1865). — La Valise de Molière, comédie en un acte et en prose (1868). — Gutenberg, drame en cinq actes et en vers (1869). — Le Théâtre et les pauvres (1869). — Les Prussiens chez nous (1871). — Le Théâtre français au xvie  et au xviie  siècle (1871). — La Farce de Maître Pathelin, avec traduction en vers modernes (1872). — Histoire de la butte des Moulins (1877). — Le Mystère de Robert-le-Diable, transcrit en vers modernes (1879)

134. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 113-114

LELONG, [Jacques] Bibliothécaire & Prêtre de la Maison de l’Oratoire, né à Paris en 1665, mort en 1721 ; Auteur laborieux & utile, à qui nous devons deux Bibliotheques, l’une sacrée, écrite en Latin, l’autre historique & écrite en François, dans laquelle il a rassemblé tous les Ouvrages qui ont rapport à notre Histoire. […] Quand même on en croiroit sur ce point les Auteurs du Nouveau Dictionnaire historique, qui ont copié, à cet égard, les autres Lexicographes ; la réalité de ces connoissances importeroit peu au Public, qui ne fait cas que de celles qui ont pu contribuer à la perfection des Ouvrages qu’on lui présente.

135. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Si le coup d’œil historique sur les révolutions de la peinture laisse infiniment à désirer et peut compter à peine en ce qui concerne l’Italie, que M. […] La vivacité du sens historique s’y substitue presque partout à la sévérité morale des jugements ; sur ce point il n’y a pas de système, il y a de l’oubli. […] En général, savoir lire les pièces, c’est là un des secrets de l’originalité historique de M. […] Quant à la partie historique, qui lui paraissait irréprochable, il en disait : « M. […] 10 et 19 janvier 1826, 28 avril et 12 mai 1827 ; je n’en sépare pas un article corrélatif au sujet du Tableau historique de M.

136. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

4º Enfin un volume que je ne mentionne que pour ne pas être incomplet, un roman historique intitulé : La Cour de Marie de Médicis, mémoires d’un cadet de Gascogne (1830). […] Sans avoir épuisé la double tâche qu’il s’était proposée, la peinture d’une époque historique et d’un grand homme, M.  […] Bazin, quand il rencontre un lieu commun de haine ou de faveur populaire qui s’attache à de certains noms historiques célèbres (tels que ceux de Concini, de Sully, de Henri IV ou de tout autre), est de déranger ce lieu commun, de le mettre à jour et de le réduire. […] Je résumerai le défaut littéraire de la manière historique de M.  […] Le détail de ce procès historique serait à examiner de très près.

137. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Notice historique sur M.  […] Il n’y a de poétique que l’idée d’avoir mis en scène ce sujet abstrait et d’en avoir attribué le développement à un personnage historique. […] Il n’inventa rien, mais il rompit cette ennuyeuse lignée des tragédies antiques et mythologiques, et il eut l’air, comme de Belloy, d’ouvrir une veine et de créer un genre, le genre historique national. […] Cette observation préalable sur le sujet, et sur la manière dont Raynouard l’a envisagé, est très juste et le paraîtra à tous ceux qui reliront la tragédie et les preuves historiques qui y font cortège. […] Il aurait pu, sans s’écarter de la vérité historique, faire l’application de ce principe au grand maître des Templiers ; mais il a voulu le représenter comme un modèle de perfection idéale, et cette perfection idéale sur le théâtre est toujours froide et sans intérêt.

138. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Ces groupements sont des faits historiques qui ont eu lieu à une certaine époque, mettons il y a quinze ou vingt mille ans, tandis que l’origine zoologique de l’humanité se perd dans les ténèbres incalculables. […] Les langues sont des formations historiques, qui indiquent peu de choses sur le sang de ceux qui les parlent, et qui, en tout cas, ne sauraient enchaîner la liberté humaine quand il s’agit de déterminer la famille avec laquelle on s’unit pour la vie et pour la mort. […] Les premières ont favorisé, les secondes ont limité les mouvements historiques. […] Ce point a été développé dans une conférence dont on peut lire l’analyse dans le bulletin de l’Association scientifique de France, 10 mars 1878 : Des services rendus aux Sciences historiques par la Philologie.

139. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

C’est donc dans le passé qu’ils vont chercher la légitimité de leur politique, et comme le passé de l’Angleterre est peut-être le plus orageux passé historique qu’il y ait dans l’Histoire, ils croient l’y trouver, ou, sans le croire peut-être, ils affirment qu’on doit l’y chercher. […] Car Charles Ier appartenait à la cruelle destinée des hommes historiques qui périssent aussi bien par ce qu’ils font que par ce qu’ils ne font pas. […] N’est-ce pas lui, Macaulay, qui, dans un de ses plus beaux travaux de critique historique, en nous parlant de Machiavel11, le vieux calomnié de Florence, ce vieux bronze oxydé par les crachats de toutes les générations, lança ce mot, qui est une vue, sur les décimés de l’Histoire, sur ces grands Sacrifiés à qui la renommée fait payer les vices de leur siècle. […] Il n’y a pas longtemps encore que l’effroyable et froide hypocrisie de Cromwell était passée en force de chose jugée historique, et Thomas Carlyle, qui n’a pas eu besoin de son génie pour cela, a démontré, preuves en main, que s’il fut jamais un homme convaincu de ses idées religieuses, un homme vrai, sincère et croyant, c’était ce vieux diable d’Olivier Cromwell !

140. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Ce grand spectacle de l’ensemble et de l’unité de l’Europe aurait replacé, pour l’historien des Pyrénées, dans leur véritable perspective les hommes, les événements et les choses de cette encoignure historique, qu’il nous a grossis parce qu’il les a regardés de trop près, et il n’eût pas fait l’honneur d’une si longue et si pieuse histoire à ces bouillonnements de peuplades, écumant ici ou là, un instant, aux avant-postes des vraies nations, de ces nations aux pieds de marbre qui constituent l’Europe actuelle, et qui n’ont point passé entre deux soleils ! […] La Critique, qui est aussi une sentinelle, doit le dire à tous ceux qui s’occupent d’histoire : dans l’état présent des travaux historiques, qui sont réels, avancés, l’heure est sonnée pour les esprits robustes d’aller aux ensembles et aux résumantes individualités historiques, et de planter là les monographies et ce qu’on peut appeler la petite histoire, l’histoire oubliée. […] Cénac-Moncaut avait bien le droit, lui, de se dévouer au service de leur mémoire ; mais, doué de talent et de science comme il l’est, il est fait certainement pour autre chose que pour écrire une histoire provinciale, qui n’est jamais, après tout, que l’équarrissage d’un bloc historique plus considérable et plus beau.

141. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Fidèle aux traditions qui la gouvernent, cette maison, historique elle-même, a voulu que le plus beau sujet historique qu’il y eût dans l’histoire de France fût traité avec une magistralité si grandiose et un ensemble si complet qu’après ce livre il n’y eût plus à revenir sur ce sujet, et que la matière en fût épuisée. […] Il a fait rentrer l’histoire de France, de cette monarchie fondée par des évêques — disait Gibbon — et cultivée et civilisée par des saints, dans sa vérité historique, qui est catholique autant que politique et militaire.

142. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVI » pp. 183-185

Villemain, est précédé d’un très-bel et très-complet historique de ce genre d’enseignement sous l’ancienne monarchie. […] Après tant d’essais fastueux plus ou moins avortés et tant de théories vaines, on conçoit que la littérature du xixe  siècle suscite cette critique tout historique et positive.

143. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface de janvier 1823 »

Ce n’est que tout à l’heure, au moment où, selon l’usage des auteurs de terminer par où le lecteur commence, il allait élaborer une longue préface, qui fût comme le bouclier de son œuvre, et contînt, avec l’exposé des principes moraux et littéraires sur lesquels repose sa conception, un précis plus ou moins rapide des divers événements historiques qu’elle embrasse, et un tableau plus ou moins complet du pays qu’elle parcourt ; ce n’est que tout à l’heure, disons-nous, qu’il s’est aperçu de sa méprise, qu’il a reconnu toute l’insignifiance et toute la frivolité du genre à propos duquel il avait si gravement noirci tant de papier, et qu’il a senti combien il s’était, pour ainsi dire, mystifié lui-même, en se persuadant que ce roman pourrait bien, jusqu’à un certain point, être une production littéraire, et que ces quatre volumes formaient un livre. […] Il se bornera seulement à faire remarquer que la partie pittoresque de son roman a été l’objet d’un soin particulier ; qu’on y rencontre fréquemment des K, des Y, des H et des W, quoiqu’il n’ait jamais employé ces caractères romantiques qu’avec une extrême sobriété, témoin le nom historique de Guldenlew, que plusieurs chroniqueurs écrivent Guldenloëwe, ce qu’il n’a pas osé se permettre ; qu’on y trouve également de nombreuses diphtongues variées avec beaucoup de goût et d’élégance ; et qu’enfin tous les chapitres sont précédés d’épigraphes étranges et mystérieuses, qui ajoutent singulièrement à l’intérêt et donnent plus de physionomie à chaque partie de la composition.

144. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Le christianisme rehausse nécessairement l’éclat des peintures historiques, en détachant, pour ainsi dire, les personnages de la toile, et faisant trancher les couleurs vives des passions sur un fond calme et doux. […] Un mot échappé à Voltaire, dans sa Correspondance, montre avec quelle vérité historique, et dans quelle intention, il écrivait cet Essai : « J’ai pris les deux hémisphères en ridicule ; c’est un coup sûr. » An 1754, Corresp. gén.

145. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Et en effet, les « races » de l’Europe moderne ne représentent que des formations historiques, dont les littératures ne sont pas tant l’expression que l’un des multiples « facteurs ». […] Ajoutons même ici que, de n’avoir été précipitée ou contrariée dans son mouvement par aucune intervention du dehors ni par aucun caprice individuel, c’est ce qui fait le grand intérêt historique de la littérature du Moyen Âge. […] Comme d’ailleurs cet élément fabuleux flatte plus agréablement les imaginations des hommes, il ne tarde pas à usurper sur l’élément historique, auquel même on le voit servir d’explication, jusqu’à ce qu’il prenne enfin toute la place, dans les Romans de la Table-Ronde par exemple, où l’histoire ne sert plus que de prétexte au trouvère pour exercer la fertilité de son invention ; — et le roman se détache ainsi de l’épopée. […] D’un autre côté, à mesure que l’on conçoit mieux la grandeur purement humaine des événements historiques, l’épopée se change en chronique, comme dans la Chanson de Bertrand du Guesclin. […] Meyer-Lübke, Grammaire des langues romanes, traduction Rabiet et Doutrepont, Paris, 1890-1895 ; — les Grammaires historiques de Brachet, Darmesteter, Brunot ; — les Dictionnaires étymologiques de Diez, Scheler, Körting ; — et les Dictionnaires historiques de Forcellini pour le latin classique ; du Cange pour le bas-latin ; La Curne de Sainte-Palaye et F. 

146. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 111-114

Cet Ecrivain n’a d’autre mérite que celui de la méthode, de la simplicité, de l’exactitude, & de la clarté ; mais M. de Voltaire, en bon Juge du style historique, n’auroit-il pas dû préférer ces qualités au brillant, à l’enthousiasme, à l’esprit de systême, qui forment précisément les mauvais Historiens ? […] Daniel auroit faits lui-même, s’il eût vécu assez de temps pour tirer parti des nouveaux secours historiques qui ont facilité & enrichi le travail de son Editeur.

147. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 474-476

Ses Recherches historiques & physiques sur les maladies épizootiques, publiées par ordre du Gouvernement, ne sont pas de notre ressort, quoiqu’écrites d’un style qu’un homme de Lettres ne désavoueroit pas ; mais son Histoire de la petite vérole, en 2 vol. […] Telle est la fin louable que l’Auteur s’est proposée dans ses Recherches historiques.

148. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Argument » pp. 1-4

Principes de la mythologie historique. […] La science nouvelle est une démonstration historique de la Providence ; elle trace le cercle éternel d’une histoire idéale dans lequel tourne l’histoire réelle de toutes les nations.

149. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

On en retrouve le regret en même temps que l’expression en plus d’une page des Mémoires de M. de Ségur ; car combien, sous cette plume facile, d’aperçus historiques profonds et vrais ! […] Ce voyage romanesque et même mensonger, tout rempli d’illusions et de prestiges, eut des résultats positifs et des effets historiques. […] En 1801 enfin, il contribua au rétablissement des saines notions historiques et au redressement de l’opinion par deux publications importantes et qui méritent d’être rappelées. […] Une autre publication de M. de Ségur, qui date de la même année (1801), est sa Décade historique, ou son tableau des dix années que comprend le règne du roi de Prusse Frédéric-Guillaume II (1786-1797). […] M. de Ségur ne l’a jamais eue si ferme, si franchement historique.

150. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Ce que Chateaubriand, dans un de ses meilleurs écrits (la préface de ses Études historiques), a fait uniquement pour la guillotine, pour les équarrissages de chair humaine, pour ces grands hommes à piédestaux d’ossements qui domineraient jusqu’à l’Histoire elle-même, sur leur sanglant juchoir de cadavres, si on ne les en renversait, Cassagnac l’a fait à son tour, mais avec quelle étendue, quel détail, quelle recherche ! […] Quant aux réformes elles-mêmes, le jugement qu’en porte Cassagnac est plus favorable que je ne l’aurais pensé à l’avance, venant d’une si haute intelligence historique et si libre des préoccupations contemporaines. […] Et voilà, pour moi, ce qui donne surtout une haute portée à ces études, qui ne sont pas seulement des monographies successives, et qui ferment, comme un musée de portraits historiques, le livre de Cassagnac. […] Cassagnac a le génie trop historien pour ne pas savoir quel parti il convenait de tirer de la solidarité positive entre les diverses périodes historiques et les hommes qui les gouvernèrent, — solidarité dont on se détourne à présent avec le dédain d’une immoralité si profonde qu’on ne la sent plus. […] Telle est, en résumé, cette mise à nu de la Révolution française, tel est le livre vigoureux, savant et pensé, que Cassagnac a posé, comme une négation qui sera entendue de l’avenir, à l’encontre des publications historiques sur le même sujet.

151. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

On mesure dans cette déclaration la valeur des idées que lentement, sourdement, sur le regard indulgent des puissances séculière et religieuse, par les soins des plus inoffensifs régents, la culture classique fera couler pendant deux | siècles au fond des âmes, y préparant la forme que les circonstances historiques appelleront au jour. […] Homme d’une époque tardive et raffinée où s’amalgamaient en une civilisation hybride et Rome et la Grèce et l’Orient, moraliste plus attentif au fonds humain qu’à la particularité historique, et, quand il cherche la variation et la singularité, plus curieux de l’individu que des sociétés, Plutarque offrait déjà les temps anciens dans l’image la plus capable de ressembler aux temps modernes. […] Tant par le détail que par la couleur générale de sa traduction, il modernise le monde gréco-romain, et par ce travestissement involontaire il tend à prévenir l’éveil du sens des différences, c’est-à-dire du sens historique.

152. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Le Naturalisme historique, tout aussi faux et tout aussi plat que le Naturalisme littéraire qu’il a précédé, s’attesta en des livres comme Julien l’Apostat, de M.  […] Ernest Renan a écrit le volume de son Histoire des Origines du Christianisme intitulé : Marc-Aurèle, et s’il l’a moins employé que dans sa Vie de Jésus, c’est qu’il a fait plus de critique historique que de biographié. […] Ernest Renan n’a renouvelé ni modifié sa méthode, je ne dirai pas d’investigation, mais d’effacement historique. […] Là encore, dans son livre de l’Antechrist, il rabaisse celles de saint Paul et de saint Jean, en les opposant l’une à l’autre, en cela, comme en tout, ne pensant qu’à faire sa petite charpie historique avec son étirante érudition. […] Le petit et inquiet chercheur historique qui se mêle à tout dans M. 

153. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chateaubriand, François René de (1768-1848) »

Chateaubriand, François René de (1768-1848) [Bibliographie] Essai historique sur les révolutions (1797). — Atala (1801). — Le Génie du christianisme (1802). — René (1807). — Les Martyrs (1809). — Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811). — De Buonaparte et des Bourbons (1814). — Réflexions politiques (1814). — Mélanges de politique (1816). — De la Monarchie selon la Charte (1816). — La Vie et la mort du duc de Berry (1820). — De la Restauration (1831). — Du bannissement de Charles X (1831). — Sur la captivité de la duchesse de Berry (1833). — Les Natchez (dans les Œuvres complètes de 1826-1831). — Aventures du dernier des Abencérages (dans les Œuvres complètes de 1826-1831) […] [Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française depuis 1789 (éd. de 1834).]

154. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

C’est, au fond, ce que Taine a voulu faire dans ses remarquables et téméraires essais de critique historique. […] Elles me paraissent devoir, jusqu’à nouvel ordre, fixer les cadres d’un ouvrage historique qui veut avoir la marche sûre et prudente de la science.

155. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

Ses Ouvrages historiques sont ceux qui ont eu plus de succès. […] On ne peut pas dire que ces Discours soient mauvais, mais ils sont bien inférieurs à ses Elémens historiques.

156. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Histoire et archéologie historique, origines de la monarchie, des institutions, de la langue, de la littérature, actualités historiques et littéraires, tout cela, plus ou moins négligemment classé et distribué, c’est la matière des Recherches et des Lettres. […] Un certain goût, une certaine humeur, enfin une nature d’homme apparaît sans cesse, qui court à son plaisir, suit une curiosité personnelle dans la prise de telle matière, dans ce libre vagabondage à travers tout l’inexploré des sciences historiques et philologiques. […] Et ce vieux capitaine a tant de finesse native, tant d’expérience accumulée, il a tant fait pendant soixante ans pour faire jouer les ressorts des âmes de ses soudards, pour saisir ses supérieurs aussi par les propriétés de leur humeur, qu’en racontant sa vie, il dépasse sans y songer la couche superficielle des faits historiques ; il plonge à chaque moment dans les consciences, les découvre dans les actes, les gestes, les paroles ; il se découvre lui-même à nous jusqu’au fond de son être intime.

157. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Dans ce sens-là, c’était, s’il est permis d’écrire le mot de réhabilitation dans la splendeur du nom de Colomb, une espèce de réhabilitation historique. […] Il a donc accepté cette diminution historique de Colomb par M. de Humboldt, mais pour y répondre. […] Et précisément, en acceptant tout cela, l’historien a fait saillir davantage le côté inspiré d’un homme qui n’avait pas la science, disent les savants, et qui a toujours agi comme la science et une science infaillible aurait agi ; et c’est ainsi que sur les diminutions historiques de la grandeur humaine de Colomb il a élevé et plus solidement établi l’homme providentiel ! […] Roselly de Lorgues les expose comme les autres faits historiques de son récit.

158. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Quels que soient, d’ailleurs, les titres différents que M. de Coulanges donne à ses ouvrages, ils ne sont tous, si j’en saisis bien le sens et la portée, que les chapitres écrits d’un livre qui se continue, que les parties échafaudées d’un ensemble historique embrassé de haut, comme on embrasse tout un pays du sommet de ses montagnes. […] Le travail d’ensemble historique qu’il prépare ne peut donc pas avoir dit le dernier mot sur lequel on le jugera. […] Fustel de Coulanges, c’est le raisonnement historique, c’est le sens critique qu’il porte dans l’interprétation de tous les faits contemporains de son histoire. […] Il a compris que, pour se débarbouiller des idées historiques de ces derniers temps, il fallait se plonger aux sources, et il s’y est plongé.

159. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Est-ce réellement et sans arrière-pensée un but de fidélité historique et de docte impartialité ? […] Qu’on ouvre où l’on voudra les pages passionnées et souvent irritées qu’il nous donne pour une histoire, et qui ne sont qu’une plaidoirie, et on doutera malgré soi du but purement et uniquement historique de l’auteur. […] La loi que la critique, qui veut conclure, selon l’instinct naturel à l’homme, doit appliquer aux historiens, est la même que les historiens appliquent aux hommes historiques, et cette loi, c’est le résultat ! […] Quand il s’agit des hommes historiques, il faut laisser la biographie aux curieux, mais ne s’en rapporter qu’aux grands et indéniables faits de l’histoire.

160. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan me paraît le plus certainement atteint et convaincu de déisme latent, quoi qu’on en dise, c’est qu’il conçoit l’œuvre de l’humanité comme sainte et sacrée, qu’il y admire et y respecte, dans la suite des développements historiques, un ordre excellent, — non pas cet ordre tel quel, qui résulte nécessairement, fût-ce après coup, des rapports et de la nature des événements en cours et des éléments en présence, mais un ordre préétabli, et qui a tout l’air d’avoir été conçu quelque part dans un dessein supérieur et suprême. Du moment qu’on déclare que l’humanité, dans ses diverses manifestations historiques, a tout fait, mais en même temps a tout bien fait, et qu’on se révolte, comme si c’était un sacrilège, à l’idée qu’elle a pu commettre en masse quelque grosse sottise, il est difficile de ne pas admettre un plan auquel, même à son insu, elle obéit : il y a un Dieu là-dessous. […] Renan voudrait avoir en main, ces matériaux primitifs et originaux, ce fût pour les publier tels quels, en les interprétant : non, s’il les avait en sa possession, et après sa première soif de curiosité apaisée, sa seconde ambition, j’imagine, serait de refaire lui-même un monument historique, un monument cimenté à neuf et supérieur de qualité et de construction à l’ancien. […] Ferrari, s’arrêtant sur le rôle et la fonction historique de la Rome moderne, et cherchant en vain à se la représenter sous une figure nouvelle digne de son passé, il va jusqu’à la vouer à jamais à la destinée mélancolique et pittoresque de gardienne des tombeaux ; il est poëte et peintre à outrance ce jour-là, ni plus ni moins que Chateaubriand : « Pour moi, s’écrie-t-il, je ne puis envisager sans terreur le jour où la vie pénétrerait de nouveau ce sublime tas de décombres. […] Livet, il cherche et trouve des raisons subtiles et profondes à une institution et à une durée mémorable dont il ne me convient pas assurément de vouloir amoindrir le prestige ; mais il semble croire qu’il en est de l’Académie comme de Rome, qu’elle est vouée à l’éternité ; « Qu’on essaye, dit-il, de se figurer un pouvoir, quelque autorisé à tout faire qu’on le suppose, qui ose porter atteinte à ce chiffre de quarante, devenu sacramentel en littérature ; on n’y réussira pas. » Grâce à Dieu, l’Académie n’est pas et n’a jamais été bien menacée de nos jours ; mais pour cela je ne crois pas que ce chiffre de quarante ait une telle vertu historique.

161. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Le second argument de l’auteur, celui qu’il développe le plus et avec le plus de soin, c’est l’argument historique et biographique. […] On peut, sans doute, confirmer par des fails historiques bien attestés certaines lois démontrées déjà par l’observation et par l’expérience, mais établir des lois médicales sur de simples anecdotes historiques me paraît un procédé des moins rigoureux. […] Ajoutez à cela que tous ceux qui connaissent la critique historique savent à quel point il faut se défier des anecdotes, surtout dans l’antiquité, combien de traditions n’ont qu’une valeur conventionnelle et légendaire. Ainsi, les Vies de Plutarque, par exemple, admirable poème de la vertu antique, sont d’une autorité assez médiocre comme documents historiques.

162. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

L’ode et l’épopée ne le contiennent qu’en germe ; il les contient l’une et l’autre en développement ; il les résume et les enserre toutes deux. » Cette théorie de Victor Hugo frappe tout d’abord par l’énormité de certaines affirmations, par la simplification excessive des faits historiques, je dirai même par le mépris de la chronologie. […] Il me serait facile de citer un grand nombre de cas typiques ; toutefois cette discussion nous mènerait à l’esthétique pure, et je ne veux faire, ici, qu’une esquisse historique. […] Il ne faut pas que les œuvres de ces ouvriers, de valeur relative, nous soient un prétexte pour publier de l’« inédit », faire de l’érudition, encombrer de fatras les manuels et les mémoires ; non, il faut les mettre à leur rang, dire leur vraie valeur, qui n’est pas esthétique mais historique et génétique ; ces œuvres doivent se résumer en lignes d’évolution ascendante ou descendante, et contribuer à une synthèse d’idées. […] Du point de vue historique que je développe ici, les œuvres de valeur relative ont leur grande importance ; elles reflètent les mœurs et les goûts de leur époque avec une fidélité particulière ; elles eurent souvent un succès plus grand que les œuvres de valeur absolue ; chez celles-ci, c’est l’individu en ce qu’il a d’éternel qui l’emporte ; chez celles-là, c’est l’esprit général d’une époque disparue ; il faut donc en tenir grandement compte pour l’histoire des genres littéraires qui sont en rapport intime avec le développement politique et social de la nation ; la démonstration de ce rapport sera un des résultats essentiels de mon étude. […] Poussée par la manie d’être complète, indifférente à la beauté, la philologie moderne a constitué un vaste bazar de textes et de « documents », au détriment de l’art et du sens historique.

163. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

On attachera peu d’importance aux écrits historiques, qu’il a dictés à Sainte-Hélène expressément pour la postérité. […] Ils ramènent dans leurs filets tout un capital d’idées européennes et historiques qui sont entièrement étrangères à Geoffroy et à La Harpe. […] Ni le théâtre de Scribe, ni le roman de Paul de Kock ne sont classés monuments historiques. […] Elle a une valeur historique capitale, mais cette doctrine résolument collectiviste n’est plus celle de Saint-Simon lui-même. […] Il ne s’agit pas seulement ici de l’effort plus ou moins réussi par lequel le roman historique, le drame historique, Alexandre Dumas ou Victor Hugo, ont habitué le public à s’intéresser d’une manière pittoresque et vivante aux choses du passé.

164. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 56-59

La multitude de connoissances historiques que ces Mémoires supposent, l’art avec lequel l’Auteur les a mises en œuvre, l’ordre & la sagacité qui regnent dans ses discussions, font regretter qu’il n’ait pas entrepris d’écrire l’Histoire de la Lorraine. […] L’Eloge lui en tiendra lieu, & nous ne craignons pas d’ajouter que ce monument historique, gravé dans la mémoire des Lorrains, est encore plus flatteur, & ne sera pas moins durable que le marbre & l’airain, pour nous servir de l’expression d’Horace.

165. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Il ne pensa jamais à être de pied en cap un historien… Il est mort même sans avoir publié ces notules historiques, qu’il avait peut-être préparées pour d’autres plumes que la sienne, tout en se contentant d’initier les autres, de les renseigner, de les instruire, de venir en aide à quelque bon travail futur, et, par ce côté-là encore, éternellement professeur ! […] Ses Souvenirs de l’Insurrection normande en 1793 34 ne sont pas de l’histoire, dans leur forme brisée, laconique, à peine appuyée, — des linéaments historiques ! […] Beaucoup d’esprits, et de bons esprits, parmi nous, rêvent la décentralisation à cette heure, mais la décentralisation relative ; car toute autre irait plus loin que notre constitution historique ou nationale ne pourrait le comporter.

166. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

DAUNOU96 (Cours d’Études historiques.) […] En 1810, il publia, par ordre également, son Essai historique sur la Puissance temporelle des Papes. […] En érudition, il raillait volontiers les Saumaise, et il accordait un peu trop de crédit historique à Marmontel. […] A un certain moment, la génération qui surgissait vers 1822, surtout la jeune école historique, venait à M. […] Daunou en des termes pleins de sympathie et d’élévation : on peut lire l’article reproduit dans les Dix Ans d’Études historiques.

167. (1842) Discours sur l’esprit positif

La philosophie théologique ne pouvait réellement convenir qu’à ces temps nécessaires de sociabilité préliminaire, où l’activité humaine doit être essentiellement militaire, afin de préparer graduellement une association normale et complète, qui était d’abord impossible, suivant la théorie historique que j’ai établie ailleurs. […] La saine philosophie, toujours obligée d’apprécier le mode nécessaire suivant lequel chacune des grandes phases successives de l’Humanité a effectivement concouru à notre évolution fondamentale, rectifiera soigneusement ces injustes préjugés, qui empêchent toute véritable théorie historique. […] Leurs transformations historiques consistent surtout, au contraire, en une désuétude croissante, soit mentale, soit sociale, sans que les questions agitées aient jamais pu faire aucun pas réel, à raison même de leur insolubilité radicale. […] La loi fondamentale de cet ordre commun, de dépendance dogmatique et de succession historique, a été complètement établie dans le grand ouvrage ci-dessus indiqué, et dont elle détermine le plan général. […] Cette prépondérance nécessaire de la science astronomique dans la première propagation systématique de l’initiation positive est pleinement conforme à l’influence historique d’une telle étude, principal moteur jusqu’ici des grandes révolutions intellectuelles.

168. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 94-98

Cet excellent Discours qui présente les révolutions de notre Littérature depuis son origine jusqu'à présent, est tout à la fois un Tableau historique des Productions du génie, un Code abrégé des regles du bon goût, & une habile Critique des travers de nos Littérateurs actuels. […] Ses Remarques Littéraires & Critiques sur les Bibliotheques de la Croix du Maine & du Verdier, ses Mémoires historiques sur la vie & les Ouvrages de la Monnoye, offrent des traits fréquens de zele & de réclamation contre les attentats de la Philosophie.

169. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

La conduite de la Restauration, durant la première année, lui révéla tout un ordre historique dont il n’avait pas eu clairement conscience jusque-là. […] Ballanche parle de la légitimité dans l’Essai, il s’agit, non point du droit divin tel qu’on l’entend vulgairement, mais d’une légitimité historique que nul publiciste spiritualiste ne conteste aujourd’hui. […] Jusque dans ses conceptions en apparence les plus arbitraires, il y a des divinations historiques pénétrantes. […] Le plan, dès lors arrêté, de sa Palingénésie consista en trois poëmes ou épopées : 1° il résolut de faire pénétrer le génie historique, tel qu’il le sentait, dans la région qui précède l’histoire. […] Ce fut l’article de début de M. de Feletz ; on peut le trouver recueilli dans ses Jugements historiques et littéraires (1840).

170. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Nous allons à regret nous séparer de son sens historique dans deux graves circonstances très bien racontées, mais mal jugées par lui, selon nous : le Concordat de 1801 et la mort du duc d’Enghien. […] Thiers lui-même sur ce sujet, et remarquez de combien de contradictions inaperçues son sophisme historique se compose sous l’apparente justesse des paroles. […] Thiers le juge sévèrement, mais avec justice ; c’est un des portraits les plus vrais et le plus vigoureusement historique de son tableau. […] Thiers n’est pas le premier des poètes historiques de cette époque, mais il est le premier des compositeurs. […] Arrêtons-nous à cet apogée de sa gloire, qui n’est pas encore l’apogée du mouvement historique de M. 

171. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Celui-ci est donc une force historique et de premier ordre. […] C’est un palais ou un temple quelconque, où, pour effacer toute empreinte historique et personnelle, une convention uniforme importe des façons et des costumes qui ne sont ni français ni étrangers, ni anciens ni modernes371. […] Et le public ne s’en étonne point ; il n’a pas le sentiment historique ; il admet que l’homme est partout le même ; il fait un succès aux Incas de Marmontel, au Gonzalve et aux Nouvelles de Florian, à tous les paysans, manœuvres, nègres, Brésiliens, Parsis, Malabares, qui viennent lui débiter leurs amplifications. […] Condorcet, Esquisse d’un tableau historique de l’esprit humain, neuvième époque. […] Voir le Tableau historique présenté à l’Institut par M. 

172. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Guizot était purement politique, je le laisserais passer sans le croire de mon ressort, fidèle à mon rôle et à mon goût, qui sont d’accord pour s’en tenir à la littérature ; mais ce Discours n’est politique que par le sens et par le but ; il est purement historique de forme et d’apparence, et, comme tel, je ne saurais le négliger sans paraître manquer à une occasion et presque à une opportunité. […] Tombé hier, il relève aujourd’hui son drapeau ; seulement, il le relève sous la forme historique. […] Il faut voir comme, au nom de cette prétendue expérience historique qui n’est plus que de la logique, chacun s’arroge avec présomption le présent et revendique comme sien l’avenir. […] Guizot n’avait garde de s’embarrasser trop longtemps dans ces formules historiques où serait à jamais demeuré un professeur allemand. […] À l’autre extrémité de la chaîne historique, c’est tout le contraire pour M. 

173. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan, après ces deux années d’Issy, vint, pour son cours de théologie, au séminaire de Paris, et c’est là qu’en voyant se dérouler crûment et carrément devant lui la théologie scolastique, cette vieille doctrine de saint Thomas « remaniée et triturée par vingt générations sorboniques », son sens critique, déjà éveillé, se révolta : il n’y put tenir ; tant d’objections imprudemment posées, et qu’une logique robuste ou subtile se flattait à tout coup d’abattre, tant et de si rudes entorses données à la vérité historique le venaient relancer, malgré sa prudence, et le forcèrent enfin à sortir de derrière ses retranchements. […] Renan fit ses dernières réflexions ; toutes les études historiques et critiques de l’année précédente avaient donné une forme précise et arrêtée aux objections qui flottaient auparavant dans son esprit. […] La vocation, c’était évidemment, quant au but, l’histoire religieuse ; quant à la méthode, c’était d’étudier chaque forme, chaque production du génie humain, historiquement, non dogmatiquement ; et, dans cette étude historique, de ne pas s’en tenir au fait en lui-même, ni à la série et au recueil des faits, mais d’envisager le tout sous l’aspect de production et de végétation vivante continue, depuis la racine, depuis la germination sourde, et à travers tous les développements, jusqu’à la fleur. […] En général, le procédé de critique qu’il applique en toute branche d’étude, et qu’il a élevé jusqu’à l’art, est celui-ci : Il s’attache à tirer la formule, l’idée, l’image abrégée de chaque pays, de chaque race, de chaque groupe historique, de chaque individu marquant, pour l’admettre à son rang, à son point, dans cette représentation idéale que porte avec elle l’élite successive de l’humanité.

174. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Une puissance de création médiocre ; un peu de jalousie, de malignité à l’égard des grands contemporains, où l’on sent un dépit de n’avoir pas percé soi-même au premier rang ; un excès de sévérité pour les vaincus du combat politique qui ne sont pas satisfaits de leur défaite, une insistance à les convertir, où le journaliste officiel, payé, protégé, se découvre trop, et qui fait que des Lundis, à les lire tout d’une suite, émane un déplaisant parfum de servilité ; certain goût de commérages et d’investigations scabreuses, où l’on devine que, sous prétexte d’exactitude historique, se satisfait une imagination inapaisée de vieux libertin : voilà le mal qu’on peut dire de Sainte-Beuve857 . […] L’auteur nous a présenté un groupe historique, nullement une espèce morale : il y a là autant d’espèces que d’individus. […] La littérature est déterminée par trois causes générales, la race, le milieu (physique ou historique), le moment (poids du développement antérieur, pression de ce qui est sur ce qui veut être). « Il n’y a ici comme partout qu’un problème de mécanique : l’effet total est un composé déterminé tout entier par la grandeur et la direction des forces qui le produisent866. » Ainsi, la littérature anglaise est le produit de la race anglaise, sous tel climat, dans telles circonstances historiques, telles croyances religieuses : Shakespeare, Milton, Tennyson, sont des « résultantes », qui représentent diverses forces appliquées en divers points.

175. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Tout ce qui peut intéresser la curiosité s’y trouve rassemblé ; mœurs anciennes & modernes, monumens, coutumes, religions, gouvernemens, commerce, histoire, physique ; tout cela est embéli par des traits historiques assez agréables, par de petites aventures romanesques, par des réfléxions & par des peintures singulieres. […] Quoique cet ouvrage soit fort historique, il y a néanmoins bien des choses qui concernent la Géographie & la description de cette partie du monde. […] Piganiol de la Force a donné une description historique de la France qui laisse peu à désirer. […] La Description historique & critique de l’Italie ou Nouveaux mémoires sur l’état actuel de son gouvernement, des sciences, des arts, du commerce, de la population & de l’histoire naturelle, par M. l’Abbé Richard, en six volumes in-12. 1766. , est un livre infiniment curieux, rempli de goût, d’érudition, de sagacité, de critique.

176. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Comte, il est vrai, ne l’a pas jugée suffisante ; il a trouvé nécessaire de la compléter par ce qu’il nomme la méthode historique ; mais la cause en est dans sa conception particulière des lois sociologiques. […] Telle est la raison d’être de cette méthode que Comte appelle historique et qui, par suite, est dépourvue de tout objet dès qu’on a rejeté la conception fondamentale de la sociologie comtiste. […] De la diversité de ces milieux spéciaux résultent, pour chacun de ces ordres de faits, de nouvelles séries de variations, en dehors de celles que produit l’évolution historique. […] Quand, au contraire, il s’agit d’une institution, d’une règle juridique ou morale, d’une coutume organisée, qui est la même et fonctionne de la même manière sur toute l’étendue du pays et qui ne change que dans le temps, on ne peut se renfermer dans l’étude d’un seul peuple ; car, alors, on n’aurait pour matière de la preuve qu’un seul couple de courbes parallèles, à savoir celles qui expriment la marche historique du phénomène considéré et de la cause conjecturée, mais dans cette seule et unique société.

177. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Ainsi il admire l’Hôpital et Coligny, ses héros d’opinion, et il admire avec autant de passion sincère le grand François de Guise, par exemple, qui est le héros de l’opinion opposée à la sienne, mais il ne jugera plus avec cette haute et radieuse libéralité les travaux du Concile de Trente, et quand il aura dit des Jésuites « qu’ils eurent le génie de la politique et la passion religieuse », cet écrivain généreux, quand il s’agit de tel homme historique, se croira quitte envers la justice et la vérité. […] Dans cette histoire, écrite d’enthousiasme et avec une générosité que je ne reproche pas à son auteur, qui non seulement aime le grand xvie  siècle, mais qui en est enivré, ce portrait du chancelier de l’Hôpital, envahissant presque toute la toile historique du siècle, et la conception de son personnage historique agrandie jusqu’à l’absolu, sont les deux plus grandes prodigalités d’imagination, d’attendrissement et même de talent qu’il y ait dans le livre de M.  […] C’est une espèce de marquis de Posa historique, mais qui ne rêve plus, quand il a congédié l’avenir et circonscrit son regard aux hommes et aux choses qu’il veut peindre.

178. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 220-226

Cette méthode, quoi qu’en dise M. de Voltaire, n’est point celle qui convient à la marche historique, qui exige une narration non interrompue. […] Après avoir donné plusieurs Ouvrages utiles sur des matieres de Jurisprudence & d’Administration, il a publié des Mémoires historiques, qui lui assurent le droit de figurer parmi les Littérateurs estimables de ce siecle.

179. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Ainsi il y aurait, entre les esprits, des liens électifs plus libres et plus vivaces que cette longue communauté du sang, du sol, de l’idiome, de l’histoire, des mœurs qui paraît former et départager les peuples ; ceux-ci ne seraient pas divisés par d’irréductibles particularités comme l’école historique moderne s’est appliquée à le faire admettre ; la France, l’Allemagne plus encore, dont la littérature est grecque et cosmopolite, aurait conservé intacte une sorte d’humanité générale et large, toute à tous, sensible à l’ensemble des manifestations spirituelles de l’espèce, payant cet excès de réceptivité par quelque défaut de production originale, le compensant en universelle intelligibilité, réduite à emprunter souvent et à ouvrer pour ainsi dire à façon, mais travaillait pour le monde, plutôt foyer de réflexion, de convergence et de rayonnement que flambeau proprement et solitairement éclatant. […] Ce sera là faire en quelque sorte le contraire en méthode historique de ce qu’a tenté M. 

180. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

L’abbé Galiani disait : « Il y a des États qui ne sont jolis que dans leur décadence. » Le petit médaillon historique de Law, peint par Cochut, est un livre de ces sortes d’États à leur déclin, ce qui ne veut pas dire, du reste, que nous soyons le moins du monde « jolis » en tombant comme nous le faisons. […] Par suite de ses préoccupations d’économiste, sans doute, Cochut a voulu surtout tracer l’idée nette du système, et il l’a pris à part, l’isolant de tous les faits généraux et ne l’expliquant que par l’état où les prodigalités de Louis XIV avaient mis les finances et la monarchie ; et, pour parler la langue économique, il s’est très bien tiré de ce dix-huitième d’épingle historique.

181. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

[Précis historique et critique de la littérature française (1895).] […] Pour un coup de maître, il a créé dès son premier essai le drame historique et populaire : Henri III et sa cour. […] Parigot, une tragédie manquée dans Charles VII chez ses grands vassaux, qui me paraît être, malgré les vers, un des meilleurs drames historiques de Dumas).

182. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Les faits et les notions historiques ne sont pas ici les broderies du livre. […] Cette puissance du retrouvé et du rendu dans la peinture historique, personne parmi les écrivains modernes ne la possède à un plus haut degré que Saint Victor, si ce n’est Michelet. […] Ce chef-d’œuvre de pure peinture historique n’est gâté (s’en étonnera-t-on ?)

183. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Il y témoigne au catholicisme la vénération historique, qui n’est pas encore, il est vrai, celle de la foi et de l’amour, mais qui peut y conduire. […] Demogeot a mis… ou n’a pas mis de lui-même et de ses propres opinions dans le fragment d’histoire qu’il vient de publier, l’agrément d’un pareil morceau de littérature historique est surtout dans les citations, et ces citations y sont faites avec beaucoup de discernement et de choix. […] Jacques Demogeot nous semble fait pour mieux que pour exécuter, dans un petit panneau de boiserie historique, des petits médaillons littéraires.

184. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

de l’Histoire, qui est bien le caractère de la pensée historique de notre temps. […] mais il me semble qu’il y a dans ce choix une profondeur inaccoutumée, une admirable intuition de la vraie source historique, une faculté de démêlement qui est plus que de la sagacité. […] Involontairement, on se demande si dans cette souveraineté calme du regard historique de Guizot il n’y aurait pas un peu de cette indifférence dont il parle avec tant de majesté, quand il dit quelque part : « Les longues grandeurs amènent l’indifférence. » Oui !

185. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Au regard de ceux qui vont au fond de cette femme, peut-être plus profonde qu’on ne croit, Marie-Antoinette, cette reine de Trianon avant d’être la reine de France et la reine du Temple, Marie-Antoinette, qui fut un instant si frivole d’apparence avant d’être si sublime de réalité, ne semblait-elle pas avoir un côté historique bien tentant pour les statuaires en pâte tendre ? […] La Marie-Antoinette de MM. de Goncourt n’est pas certainement le portrait définitif, la toile historique irréprochable de cette femme, qui attendra longtemps un peintre digne d’elle. […] Nul penseur historique n’a pesé, sur aucun document, ce qu’un tel souvenir a eu d’influence sur la destinée de Marie-Antoinette ; mais l’Histoire s’arrache aussi du fond des âmes !

186. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Au regard de ceux qui vont au fond de cette femme, peut-être plus profonde qu’on ne croit, Marie-Antoinette, cette reine de Trianon, avant d’être la reine de France et la reine du Temple, Marie-Antoinette, qui fut un instant si frivole d’apparence, avant d’être si sublime de réalité, ne semblait-elle pas avoir un côté historique bien tentant pour les statuaires en pâte tendre ? […] La Marie-Antoinette de MM. de Goncourt n’est pas certainement le portrait définitif, la toile historique irréprochable de cette femme, qui attendra longtemps un peintre digne d’elle. […] Nul penseur historique n’a pesé, sur aucun document, ce qu’un tel souvenir a eu d’influence sur la destinée de Marie-Antoinette ; mais l’histoire s’arrache aussi du fond des âmes !

187. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

déshonoré en l’écrivant… Un immense mensonge s’est étendu sur elle, comme la nuée, pleine de feu, qui devait pleuvoir sur Sodome… L’auteur des Ruines de la Monarchie française — de cette histoire d’où il ressort pour conclusion la thèse historique de la vérité absolue de la Monarchie — ne sera pas même discuté par les petits traîneurs de fétus qui fourmillent dans le journalisme contemporain. […] Dans son énorme livre, dont l’énormité est une raison de plus ajoutée à tant d’autres pour ne pas être lu par les superficiels de cet âge d’ignorance frivole ; dans ce livre qui est tout à la fois une histoire et une théorie, il a mis en présence la Monarchie et la Révolution comme elles n’y avaient, je crois, été mises jamais, du moins avec cette largeur de vue historique, cette prodigieuse abondance de détails, cette implacable impartialité… Beau, mais désespérant spectacle ! […] C’est un Colisée historique, dans lequel ceux qui aiment l’histoire et la gloire de leur pays se promèneront avec mélancolie.

188. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Eugène Hatin Histoire politique et littéraire de la Presse en France, avec une introduction historique sur les origines du journal et la bibliographie générale des journaux depuis leur origine. […] La presse est « aujourd’hui dans un de ces moments de torpeur qui, par une loi que l’on retrouve partout dans la nature, succède toujours aux grandes agitations ». — voilà les idées dont se paie le penseur historique qui vient se colleter avec cette terrible histoire du journalisme, et qui croit en légitimer les ambitions dévorantes ! […] Avant de créer sa gazette, il avait innové en médecine au point de s’attirer déjà beaucoup d’inimitiés, qui éclatèrent plus tard, après son succès comme gazetier, et parmi lesquelles brille au premier rang celle du fameux et violent Guy Patin, doué plus que personne de cette force de haine corporative qui semble avoir plusieurs cœurs pour mieux détester… Renaudot, qui était chimiste, avait introduit la chimie en médecine, et peut-être ceux qui sont friands de ces rapprochements historiques en feront-ils un jour comme un précurseur de Hahnemann.

189. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Du reste, dans sa conception politique, l’auteur du Tableau historique des progrès n’a pas dépassé Montesquieu. […] Si une telle pensée, par exemple, s’était emparée de l’esprit de l’auteur du Tableau historique des progrès et qu’il eût examiné à sa lumière les doctrines et les hommes dont il fait la revue dans son livre, ses appréciations auraient à l’instant même revêtu un caractère d’originalité et de profondeur qu’elles n’ont pas. […] Tableau historique de la philosophie politique, suivi d’une étude sur Sieyès, par M. 

190. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Entraîné vers les études historiques par tous les instincts de sa pensée, Francis Lacombe, qui prépare depuis longtemps un grand ouvrage sur la bourgeoisie, a dû nécessairement se préoccuper de cette question qui n’est pas d’hier, quoi qu’elle envahisse tout aujourd’hui. […] Lacombe a exposé avec une clarté savante et une force de déduction qui font, selon nous, un grand honneur à son intelligence et à son éducation historique. […] Lacombe, c’est qu’elles sont profondément historiques, c’est qu’elles ne partent pas d’une lettre d’algèbre pour arriver à l’inconnu, c’est qu’elles portent l’auréole d’une expérience faite et qui a déjà réussi.

191. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Le premier, qui est achevé d’imprimer47, contient les comédies historiques, déjà connues, et quelques pièces qui ne le sont pas, des comédies normandes et de campagne qui montrent une finesse d’observation jointe à une veine de gaieté franche. Le volume suivant contiendra les mémoires historiques sur Louis XII, François Ier, et le Mémoire sur la société polie qui, dans la pensée de l’auteur, n’en était que la continuation et le couronnement. […] Il m’a été permis, grâce à l’obligeante confiance de M. le baron Roederer, d’en prendre à l’avance une idée, et de pouvoir ainsi dessiner avec quelques traits nouveaux une figure historique dont le rang est marqué dans la littérature sérieuse et dans la politique honorable. […] On avait beau lui faire lire Loysel, Mézeray à l’article Avocat de son Dictionnaire historique, il répugnait à ces travaux sur des objets de contestation la plupart si ingrats ou si minces. […] Quand l’heure sera venue, il contribuera avec lui, et à côté de lui, à détrôner ce pouvoir directorial usé, qui était bien véritablement l’anarchie, rien que l’anarchie ; et il pourra, après le 18 Brumaire, dire avec orgueil ce mot qui résume les deux grands moments de sa vie historique : « J’ai passé auprès de Louis XVI la dernière nuit de son règne, j’ai passé auprès de Bonaparte la première nuit du sien. » 47.

192. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

La lecture du théâtre de Shakespeare, qu’on traduisait alors, donna au président l’idée d’un Nouveau Théâtre français, et de pièces historiques où se retraceraient en dialogues animés les principaux événements de nos annales : c’était une idée, et le président n’en manquait pas. Ce qui lui manquait, c’était le travail qui creuse, l’attention qui concentre, c’était la puissance de talent qui réalise : Tout rappelle à notre esprit, disait-il dans la préface de son François II, les objets où il se plaît davantage ; et comme je m’occupe assez volontiers de l’histoire, je n’ai presque vu que cela dans Shakespearei… En voyant la tragédie de Henri VI, j’eus de la curiosité de rapprendre dans cette pièce tout l’historique de la vie de ce prince, mêlée de révolutions si contraires l’une à l’autre et si subites qu’on les confond presque toujours, malgré qu’on en ait… Et tout à coup, oubliant que je lisais une tragédie, et Shakespeare lui-même aidant à mon erreur par l’extrême différence qu’il y a de sa pièce à une tragédie, je me suis cru avec un historien, et je me suis dit : Pourquoi notre histoire n’est-elle pas écrite ainsi ? […] S’il n’y avait dans l’édition à laquelle est attaché le nom d’un arrière-neveu de l’auteur que des inexactitudes légères, en si grand nombre qu’elles fussent, j’aimerais à les passer sous silence : malheureusement toute la partie historique en est atteinte et compromise, ainsi qu’on va en juger. […] Or, dans les Mémoires du président tels qu’on nous les donne il est dit (p. 203) : « Le contrôle général fut donné à M. de Suselly, si connu par ses grands talents et par etc., etc. » Suit tout un portrait de ce nouveau personnage historique, M. de Suselly, auquel s’entremêle bizarrement et d’une manière inintelligible le nom de M. de Séchelles (p. 204) comme d’un personnage distinct, lorsque ce dernier nom est plus lisible sur le manuscrit. […] [NdA] Les amateurs de la bonne littérature historique apprendront avec plaisir que M. 

193. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

L’esprit qui tendait à prévaloir abolissait le sens historique par l’attention exclusive qu’il donnait à la commune et immuable essence de l’humanité. Si l’homme est le même dans tous les temps, l’histoire est chose bien mince, et la vérité historique n’est plus perçue. […] Enfin les Mémoires sont les œuvres historiques qui satisfont le mieux des esprits curieux avant tout de la vie et de l’homme. Deux œuvres mettent alors en lumière l’avortement du genre historique : d’abord l’admirable corps d’Histoires du président de Thou259, si exact, si informé, si impartial, et qui, écrivant en latin avec les mots et la couleur de Tite-Live, n’arrive qu’à faire un pastiche ; en second lieu la célèbre Histoire Romaine de M.  […] Thierry, Lettres sur l’Histoire de France et Dix Ans d’études historiques.

194. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Le soir des jours d’émeute, comme le soir des jours où il avait combattu de sa plume au National à côté de Carrel, il se reposait dans sa mansarde en préparant une édition d’Hippocrate, ou en traduisant les œuvres les plus importantes de la critique moderne, ou en rassemblant les matériaux de cet admirable Dictionnaire historique de la langue française qui sera, sans doute, un jour surpassé, si nous finissons le nôtre… Grandes et fortes natures de l’âge héroïque de notre race ! […] Ici la discussion historique retrouve tous ses droits. […] Les religions se donnent comme des faits et doivent être discutées comme des faits, c’est-à-dire par la critique historique. […] Aucun fait historique de ce genre n’est prouvé ni dans le présent, ni dans le passé, — j’entends prouvé sérieusement, d’une de ces preuves qui excluent toute chance d’erreur, — d’une de ces preuves comme celles que M.  […] Croyez-moi, Monsieur, la critique historique a ses bonnes parties.

195. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

En lisant les mémoires historiques qu’on avait depuis François Ier, il conçut presque dès l’adolescence, l’idée de consigner par écrit à son tour et de faire revivre après lui tout ce qu’il verrait, avec la résolution bien ferme d’en garder, sa vie durant, le secret à lui tout seul, et de laisser dormir son manuscrit sous les plus sûres serrures ; prudence rare dans un jeune homme, et qui est déjà un grand signe de vocation. […] Son seul coin d’action historique est à ce moment. […] Mais si c’est un jugement impartial, désintéressé et historique, que M. de Noailles a prétendu porter, comme cela était si digne de son esprit, je me permets de croire qu’il n’a pas rendu à Saint-Simon l’éclatante justice que ce grand observateur et peintre mérite à tant d’égards, et particulièrement pour la bonne foi, pour la probité, pour l’amour de la vérité qui se fait jour jusque dans ses erreurs et ses haines, et pour un certain courage d’honnête homme dont on ne voit pas que, jusqu’en ses excès, il ait manqué jamais. […] Or, ce mélange intime du moraliste et du peintre avec l’historien constitue l’originalité de Saint-Simon, et se démontre de soi-même dans l’immense fresque historique qu’il nous a laissée. […] Son œuvre est comme une vaste kermesse historique dont la scène se passe dans la galerie de Versailles.

196. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Quant aux autres ouvrages politiques et historiques de Richelieu, leur destinée fut plus singulière encore. […] Ainsi donc, pour qui veut connaître aujourd’hui et avoir sous la main tous les écrits politiques et historiques de Richelieu (je ne parle pas de ses écrits de controverse comme évêque et théologien dans son diocèse), il convient d’avoir : 1º son Testament politique, précédé de la Succincte narration (édition de 1764)31 ; 2º ses Mémoires, imprimés dans la collection Petitot (1823), et depuis dans celle de MM.  […] Il les a distribuées par ordre chronologique ; il y a joint les notes et éclaircissements qu’on peut désirer, une introduction historique où il envisage le caractère et le rôle du personnage, et une préface où il rend compte du procédé matériel de l’écrivain. […] Richelieu, dans de très belles pages historiques et morales, en nous développant le caractère de ce maréchal qui était vain et présomptueux avant tout, et qui tenait à paraître puissant plutôt qu’à l’être en effet, a bien marqué en quoi ce ministère, qui passait pour être tout au favori, ne lui était point cependant inféodé, et on sent à merveille que, si Luynes ne fût venu à la traverse, et que si le maréchal eût vécu, la lutte se serait engagée dans un temps très court entre Richelieu et lui pour l’entière faveur de la reine mère. […] On a les instructions qu’il donne à Schomberg et qui sont un résumé historique aussi fort qu’habile de la situation de la France, une justification des mesures de son gouvernement, et un premier tracé de la politique nouvelle ; elles débutent en ces mots : La première chose que M. le comte de Schomberg doit avoir devant les yeux est que la fin de son voyage d’Allemagne est de dissiper les factions qu’on y pourrait faire au préjudice de la France, d’y porter le nom du roi le plus avant que faire se pourra, et d’y établir puissamment son autorité, etc.

197. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Toute une œuvre historique, écrite par un homme qui a prouvé, par ses fameux Mémoires, qu’il est un des plus éclatants génies d’écrivain que la France ait jamais eus, va sortir de l’engloutissement dans lequel on la tenait, le croira-t-on ? […] D’un autre côté, quoiqu’on ait rendu justice au peintre, au Titien historique qu’il fut, on a souvent trouvé dans les magnifiques peintures de ses Mémoires ce qu’on appelle vulgairement des « ombres au tableau ». […] … C’est cette violation du droit monarchique dont Saint-Simon a été le témoin indigné, lui, l’homme historique par excellence, l’homme monarchique jusque dans les moëlles, — comme il dirait, — c’est cette violation dont il a vu, de son œil d’aigle, les conséquences mortelles, qui lui a fait écrire ces deux splendides Mémoires, — l’un sur les bâtards légitimés de Louis XIV, l’autre sur la renonciation à la couronne de France, quand Philippe V prit la couronne d’Espagne. […] C’est de cette hauteur historique qu’il va tomber, comme la foudre, sur les prétentions des bâtards. […] Les deux Mémoires que voici ne sont plus que des curiosités historiques.

198. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Quant au Dictionnaire historique de l’Académie, il n’est encore connu du public que par un premier fascicule qui a été bien accueilli, mais qui n’a guère été pris qu’à titre de gage et d’arrhes. […] Ce faisceau chez lui est un peu dense et compacte à la vue, tandis qu’il paraît du lâché dans le Dictionnaire historique de l’Académie. […] Littré, tout est réglé, prévu, pondéré et sentencieux ; on marche de loi en loi, on est dans la philosophie historique du langage. […] Dans l’autre, — je ne parle pas de l’ancienne préface mise en tête du Dictionnaire de 1835 et due à la plume du secrétaire perpétuel, préface élégante et frêle, — mais dans celle du Dictionnaire historique, qui date de cinq ans à peine, que fait-on ? […] Les Dictionnaires étant réellement différents et le grand Dictionnaire historique de l’Académie commençant à peine, je m’étais dit, et plusieurs autres avec moi, que l’Académie et M. 

199. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Je les emprunterai de préférence aux sciences historiques ou philologiques, qui me sont seules familières, et aux quelles est d’ailleurs spécialement consacré cet essai. […] Or cette intuition vraie de l’humanité, qui n’est au fond que la critique, la science historique et philologique peut seule la donner. […] Quel résultat historique que la classification des langues en familles, et surtout la formation de ce groupe dont nous faisons partie et dont les rameaux s’étendent depuis l’île de Ceylan jusqu’au fond de la Bretagne ! […] Elle est toute à deviner : ni chrétiens, ni juifs, ni païens ne nous ont transmis rien d’historique sur cette première apparition ni sur le principal héros. […] L’admiration, pour n’être point vaine et sans objet, doit donc être historique, c’est-à-dire érudite.

200. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

On peut noter avec la vogue du roman historique un retour au roman héroïque. […] Depuis Démétrios, les personnages du roman historique restent nos contemporains. […] Nous savons bien que dans cette reconnaissance du roman historique, il faudrait peut-être faire hommage à MM.  […] Certes, j’admire autant que vous les autres formes du roman (psychologique, social, historique, etc.), et je n’en méconnais point le très grand intérêt. […] G. de la Rochefoucauld dont l’Amant et le Médecin a dû son succès autant à sa valeur propre qu’à la notoriété historique et mondaine de son auteur.

201. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

« Je n’étais occupé, dit René Chateaubriand dans son Essai historique, qu’à rapetisser ma vie pour la mettre au niveau de la société. » Cette existence dangereuse ne pouvait lui convenir ; il émigre, assiste au siège de Thionville, c’est du moins sa narration, mais je soupçonne, d’après certains passages de l’Essai historique, qu’il fut réquisitionné, embrigadé dans l’armée du Rhin et qu’à la première occasion, il déserta. […] Les Chevaliers du Cygne, conte historique et moral, de Mme de Genlis, en trois volumes de 400 pages chacun (1796). […] — On pourrait de la sorte mettre à presque toutes les phrases de René et d’Atala un commentaire historique, qui prouverait combien intime était la communion de sensations et d’idées entre Chateaubriand et son public. […] Une œuvre littéraire, alors même qu’elle n’aurait aucune valeur artistique, acquiert une haute valeur historique, du moment que le succès l’a consacrée ; le critique matérialiste peut l’étudier avec la certitude de saisir sur le vif les impressions et les opinions des contemporains. […] Ces détails prosaïques qui déparent mais qui expliquent le poétique et mélancolique René, sont puisés dans l’Essai historique, politique et moral sur les révolutions, etc., écrit à Londres et imprimé en 1797.

202. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

. — En un seul point Wagner ne s’est point conformé à l’exactitude historique, — c’est en faisant célébrer le mariage de Lohengrin et d’Elsa à l’église ; l’action de Lohengrin se passe au commencement du dixième siècle, or ce n’est guère que vers les onzième et douzième siècles que l’église parvint à imposer le mariage religieux, et dans les descriptions de mariages avant cette époque il n’est jamais question de cérémonies religieuses. […] 2° J. van Santen Kolff : Considérations historiques et esthétiques sur le motif de Réminiscence (Suite). […] Initié déjà aux grandes conceptions de Richard Wagner, le public a pu pénétrer dans le détail de certaines œuvres et de certaines théories ; les questions historiques nous ont aussi préoccupés, et nous avons fait au « document » la part la plus large possible. […] Ainsi, sans interrompre aucunement nos travaux théoriques et historiques, nous promettons à nos lecteurs une critique assidue et hautement impartiale des grands faits Wagnériens imminents, en même temps que des manifestations artistiques qui directement ou indirectement relèvent de la rénovation Wagnérienne.

203. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il y a encore en lui l’artiste amateur qui, dans les genres à la mode qui passent, en saisit un, l’essaie, s’y exerce, s’y déploie et y réunit peut-être plus qu’il n’ose croire : c’est ainsi que M. de Rémusat a fait, depuis près de trente ans, plusieurs drames historiques, philosophiques, qui enlevèrent les applaudissements du monde d’élite qui en entendit la lecture, et dont l’un au moins, le drame d’Abélard, obtiendrait, j’en suis certain, le suffrage du public des lecteurs, si l’auteur se décidait à le publier. […] Nous le verrons ainsi entrer en lutte avec la royauté qu’il respecte et qu’il aime, et s’exposer en toute humilité à jouer un rôle historique. […] Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.

204. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Retenant ce fait que les divisions de races sont loin de correspondre aux divisions de nations, et rejetant par suite la confusion de la race « historique » avec la race « biologique », ils se font forts de reconnaître les éléments anthropologiquement différents, jusque dans les sociétés où ils sont actuellement mêlés, et d’établir, en comparant par exemple les indices céphaliques aux situations sociales, aux caractères, aux idées mêmes, que ces différents phénomènes varient en fonction de caractères anatomiques. […] Par une double opération, inductive et déductive, historique et psychologique, nous l’aurions non seulement constatée, mais vraiment expliquée. […] Supposons, par exemple, que la coïncidence historique de l’égalitarisme avec la centralisation ne se révèle que très rarement ; si du moins nous saisissons clairement, sur ces exemples rares, les processus en vertu desquels les esprits exposés à l’action d’un régime centralisé doivent être portés vers les idées égalitaires, nous jugerons légitimement que la coïncidence en question cache une loi : la psychologie peut suppléer aux insuffisances de l’histoire pour conférer aux propositions sociologiques toute la vraisemblance dont elles sont aujourd’hui capables. Si nous voulons donc résoudre le problème que nous posions tout à l’heure, notre méthode devra être, conformément à ces principes, d’essayer tour à tour, dans les chapitres qui vont suivre, l’induction et la déduction, — c’est-à-dire, dans l’espèce, les constatations historiques et les démonstrations psychologiques.

205. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Des hommes estimables pensent que les meilleurs modèles de ces sortes d’ouvrages sont ou les vies des hommes illustres de Plutarque, ou les éloges des savants de Fontenelle ; c’est-à-dire, qu’ils voudraient un simple éloge historique, mêlé de réflexions, sans qu’on se permît jamais ni le ton, ni les mouvements de l’éloquence. […] Mais ne peut-on pas répondre que ces sortes d’ouvrages étant moins des monuments historiques, que des tableaux faits pour réveiller les grandes idées ou de grands sentiments, il ne suffit pas de raconter à l’esprit, il faut, si l’on peut, parler à l’âme et l’intéresser fortement ? […] Sera-ce après la lecture d’un éloge froidement historique que l’on tombera dans cette rêverie profonde qui accompagne les impressions fortes ? […] Et si votre âme est ainsi affectée, pourrez-vous vous restreindre au détail historique des faits, et à quelques réflexions inanimées ?

206. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Et d’abord je m’abstiendrai de tout rapprochement entre Walter Scott et M. d’Arlincourt ; une comparaison entre ces deux hommes serait une dérision, et presque une profanation : j’indiquerai seulement ce qu’a fait sous le rapport historique l’auteur de l’Étrangère. […] De telles citations ne tariraient pas ; c’en est assez pour montrer comment l’auteur traite le roman historique ; car il paraîtrait qu’il a eu la prétention d’en faire un, et de préluder ainsi à l’histoire, dont l’étude, nous dit-on, l’occupera désormais tout entier, mais on ne dit pas s’il écrira l’histoire de France.

207. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Les femmes chrétiennes, les héroïnes historiques du Christianisme, mises en regard des héroïnes de la Révolution, c’était là un spectacle et c’était là une leçon ! […] En trois mots, voilà toute la question de la femme historique, et à ces trois termes nous défions d’en ajouter un de plus !

208. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Il s’était hautement déclaré pour le comité de Salut public, dont, admirablement guidé cette fois par sa logique, il avait aperçu le grand rôle historique : conserver la France, indépendante et une, contre les convoitises de l’étranger et les factions de l’intérieur. […] Il se faisait journellement à la tribune de vastes leçons de philosophie historique ou politique. […] Lorsque les tendances de la monarchie se précisèrent dans la résistance égoïste, les instincts de Lamartine se déterminèrent aussi vers l’opinion démocratique : il écrivait son Histoire des Girondins (1817), si peu historique, toute chaude d’éloquence, illuminée de portraits prestigieux, et qui emplit les âmes d’un vague et puissant enthousiasme révolutionnaire. […] Guizot, toujours froid, maître de lui-même, le même dans sa chaire et dans ses livres, se représentera bientôt à nous quand nous étudierons le mouvement historique. […] Puis il reprit ses travaux littéraires, qui l’occupèrent jusqu’à sa mort (1874), avec le gouvernement de l’église calviniste française, où il se montra sévèrement orthodoxe. — Il épousa en 1812 Pauline de Meulan (1773-1827), en 1828 Mlle Dillon (1804-1833), nièce de sa première femme.Éditions : Pour l’œuvre historique de Guizot, cf. p. 1000.

209. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

On lui doit la liberté de la scène, l’éclat des costumes, premier pas vers l’exactitude historique, la pompe des décorations. […] On n’y sent pas la vérité historique. […] Les traditions religieuses, les fables même, par leur conformité avec le cœur humain, ont autant de réalité historique que les faits de l’histoire proprement dite. Certains héros de la Grèce primitive, certains saints du moyen âge, en qui la critique s’évertue à chercher des mythes, sont historiques, parce que nous nous reconnaissons dans leurs pensées, dans leurs actions, dans leur grandeur même, pour peu qu’elle ne soit pas inaccessible. […] Il ne fallait que de l’esprit pour imiter la légèreté de ces conceptions, l’artifice de ses effets de scène, ses personnages romanesques qu’il ne réussit pas à rendre historiques, ses personnages historiques qu’il rend romanesques, Il ne fallait qu’un peu de talent pour attraper quelque chose de sa manière brillante.

210. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Si donc il était vrai que le développement historique se fit en vue de fins clairement ou obscurément senties, les faits sociaux devraient présenter la plus infinie diversité et toute comparaison presque devrait se trouver impossible. […] Les principales causes du développement historique ne se trouveraient donc pas parmi les circumfusa ; elles seraient toutes dans le passé. […] Les événements actuels de la vie sociale dériveraient non de l’état actuel de la société, mais des événements antérieurs, des précédents historiques, et les explications sociologiques consisteraient exclusivement à rattacher le présent au passé. […] Si, en effet, on se représente l’évolution historique comme mue par une sorte de vis a tergo qui pousse les hommes en avant, puisqu’une tendance motrice ne peut avoir qu’un but et qu’un seul, il ne peut y avoir qu’un point de repère par rapport auquel on calcule l’utilité ou la nocivité des phénomènes sociaux. Il en résulte qu’il n’existe et ne peut exister qu’un seul type d’organisation sociale qui convienne parfaitement à l’humanité, et que les différentes sociétés historiques ne sont que des approximations successives de cet unique modèle.

211. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Examinons d’abord la question au point de vue historique. […] Schelling et Hégel glorifient, aux yeux du philosophe, la recherche du développement historique, en posant l’identité de l’ordre logique et de l’ordre historique. […] Il introduit l’idée de loi historique. […] Quels sont les principaux moments de son développement historique ? […] Le trait essentiel de l’esprit historique, aimait à dire M. 

212. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Quelles que soient les différences réelles et historiques qui séparent la civilisation des États-Unis de la civilisation européenne, il faut convenir maintenant que la première de ces civilisations est très avancée, très développée, et fort capable en mainte question de jeter un grand jour sur la seconde, de laquelle elle peut sembler à beaucoup d’égards comme un cas particulier simplifié et anticipé. […] « Il est un pays dans le monde, se dit-il, où la grande révolution sociale semble avoir à peu près atteint ses limites naturelles ; elle s’y est opérée d’une manière simple et facile, ou plutôt on peut dire que ce pays voit les résultats de la révolution démocratique qui s’opère parmi nous, sans avoir eu la révolution elle-même. » Il nous emmène donc avec lui en Amérique pour y étudier le principe dominateur et générateur des sociétés modernes, l’égalité des conditions ; pour l’y contempler en ce vaste espace, où ni les souvenirs historiques, ni les décombres d’anciennes institutions ne l’ont comprimé ; pour l’y voir en jeu et vivifié de toute sa moralité, grâce à l’esprit religieux qui, là, s’est trouvé uni dès le début à l’ardeur laborieuse. […] Beaucoup de faits et de détails historiques rejetés dans les notes auraient pu, en se mêlant dans le texte, le rompre, le diversifier heureusement, comme il arrive dans cette grande manière de l’Esprit des lois.

213. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Il n’était pas le résultat de ces accidents historiques toujours obscurs pour l’historien, et que trop souvent il explique comme le grand Frédéric expliquait ses accidents de bataille… par Sa Majesté le Hasard. […] Il démontre, par le récit des faits, l’impossibilité qu’il y avait, les circonstances historiques d’alors étant données, à ce que l’Église ne se constituât pas politiquement un jour, et n’accouchât pas de ce gouvernement temporel qu’elle portait au fond de ses entrailles comme le frère jumeau de son gouvernement spirituel. […] Je n’avais, moi, à propos du livre de M. de L’Épinois sur le gouvernement temporel de la Papauté, qu’à rappeler à ceux qui l’incitent perfidement à renier son passé et son origine en donnant d’une seule fois sa démission de toutes ses couronnes, le principe de son existence historique, et, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, la grandeur morale — quand elle fut la plus politique — de son action.

214. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Un homme, un champion de la vérité historique comme M. l’abbé Gorini, ne désarme que quand il n’y a plus le moindre petit mauvais texte à tuer. […] Ce dut être quelque publication d’alors qui lui montra, comme un éclair, latente au fond de son esprit, sa vocation de critique historique, car il le devint, malgré sa position isolée, éloignée des villes, de toute source intellectuelle, de tout renseignement ; impuissant en tout ! […] Défense de l’Église contre les erreurs historiques de MM. 

215. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Je ne sache rien de plus facile et de plus misérable que ces sortes de placages, répétés par Flaubert dans sa Tentation de Saint Antoine, et qu’on pourrait appeler de l’imagerie historique et dramatique je ne sache rien qui soit au-dessous de ces compositions hybrides, dont la monstruosité est précisément de n’avoir pas de composition. […] C’est toujours la même toile de fond, le Moyen Âge usé de Victor Hugo et d’Alexandre Dumas, la même vieille tapisserie historique, les mêmes bonshommes de cartes à jouer ! […] Et, pour ne parler que de son drame, regardez de quelle odieuse détrempe historique il y a barbouillé le concile de Sens !

216. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Ce n’est pas non plus une question pour une nation historique qui sait, comme la nôtre, par son histoire, que le mariage indissoluble est une affaire de race, de tempérament, de mœurs et de siècles. […] Seulement, pour nous qui ne voulons pas la discuter et qui savons l’histoire ; pour nous qui avons appris, en la lisant, où se trouve la politique pour les peuples, demandons-nous si la France, à cette heure, était assez chrétienne, assez historique, assez politique pour repousser cette question du divorce, qui, de ce qu’elle est posée comme elle l’est, devait incontestablement triompher ! […] IV Si ce qu’il a fait avait été du moins un beau livre, si la discussion à laquelle il s’était livré avait, à défaut de vérité sur le fond, montré les qualités d’un esprit fécond et vigoureux, je l’aurais signalé, malgré mon désespoir historique, parce que je parle ici littérature.

217. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Elle se sait de ce vieux xixe  siècle, profondément et presque exclusivement historique, comme tous les vieillards, qui n’ont plus d’autre fonction dans le monde que de raconter le passé, et c’est la science historique, la science même du siècle, qu’elle vient dresser, dans la plus monstrueuse de ses négations, contre la divinité de Notre-Seigneur. […] Elle a, dans les doctrines d’application et d’exécution de ce socialisme, le dernier enfant de ses entrailles, introduit avec une satanique profondeur de dessein une fausse figure historique du Sauveur des hommes, croyant sans doute qu’il resterait assez d’irrésistibles séductions dans la tête divine — défigurée par elle — pour fasciner les âmes et les entraîner à ses fins.

218. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

On se rappelle toutes les interprétations historiques qu’on a essayé de donner des types du Gargantua et du Pantagruel de Rabelais, et celles des Caractères de La Bruyère, dans lesquels on n’avait voulu voir qu’une galerie de portraits. […] L’auteur de l’Énigme d’Alceste, qui est plus janséniste à sa façon que l’Alceste janséniste qu’il invente, a de l’intelligence historique. […] Gérard du Boulan, qui rêve sur Alceste, ne rêve pas sur le xviie  siècle… Quand il s’agit de faits, d’idées et de mœurs, l’épigraphier de Cousin se moqué de Cousin, qui imite Bossuet en le sécularisant, et il n’a pas pour le faiseur d’oraisons funèbres plus de respect historique qu’il ne faut.

219. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Je ne sais pas, dans le moderne, de plus frappant désaccord entre la tradition ou, si l’on aime mieux, la légende littéraire et poétique et la vérité historique, de plus éclatant démenti donné par celle-ci à l’autre que l’histoire de don Carlos, fils de Philippe II. […] Saint-Réal a commencé et a écrit, dans ce genre spécieux de la nouvelle historique, un petit roman aussi faux dans son genre que les grands romans de Mlle de Scudéry, mais qui avait cela de plus insidieux d’être court, vraisemblable, insinuant, et de marcher d’un style sage et vif, qui n’eût pas craint la comparaison avec celui de Mme de La Fayette. […] En arrivant à Tolède, la nouvelle reine fut reçue par don Carlos, et, à la vue de ce jeune prince déjà malade de la fièvre et tout exténué, cette jeune femme fut saisie d’un mouvement de compassion et de tendre pitié qui se peignit sur son visage et dans son regard : don Carlos le sentit, fut touché de son accueil, et « dès ce moment il conçut pour elle des sentiments de respect et de déférence qui ne se démentirent jamais depuis. » C’est à cette limite qu’il convient de s’arrêter, et rien de ce que les romanciers et poètes ont imaginé d’un sentiment mutuel entre la reine et son beau-fils n’a le moindre fondement ni même le moindre prétexte historique. […] Ce portrait, qui se compose tout entier de mots et de traits originaux rapportés, me donne au plus haut degré le sentiment de la vérité et de l’équité historique, et ceux qui ont une fois goûté à ce genre sobre et sain sont guéris à jamais du clinquant, du flambant, du faux enthousiaste, du faux pittoresque, du faux lyrique. […] Ces personnages historiques célèbres et tout entiers en lumière que vous prétendez faire agir et parler à votre guise, ces Charles-Quint, ces Louis XIV, ces Richelieu en pied et debout, nous savons comment ils parlaient et surtout comment ils ne parlaient pas.

220. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

François Barrière, qui, dans le Journal des Débats les a payés de deux années de veilles, et qui a bien voulu donner à leur travail historique l’autorité d’une critique compétente et presque d’un témoignage contemporain. […] Et lors même que cette histoire prendra pour cadre la biographie des personnages historiques, l’unité de son sujet ne lui ôtera rien de son caractère et ne diminuera rien de sa tâche. […] [Addition de l’édition en trois volumes (1878)] Cette biographie des Maîtresses de Louis XV 43, écrite il y a bien des années, quand je me suis mis tout dernièrement à la relire et à la retravailler, m’a semblé manquer de certaines qualités historiques. […] Les historiens s’en sont écartés comme d’une étude compromettante pour la considération et la dignité de leur œuvre historique. […] Les Mémoires de Sophie, — ils ne vont malheureusement, ces Mémoires, que de sa naissance à son enlèvement, — ont pour nous la même authenticité historique.

221. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Que l’on conçoive un travail psychologique, historique, littéraire de cette sorte, accompli parfaitement pour l’art, les artistes et les admirateurs dans une époque, dans un peuple ; que l’on sache celui-ci divisé par un procédé approximatif, en une série de types intellectuels et de similaires, à constitution déterminée par termes scientifiques précis : que ces types soient connus et posés comme des hommes vivants et en chair, ces foules comme des agrégats tumultueux, vivants, animés, logés, vêtus, gesticulant, ayant une conduite, une religion, une politique, des intérêts, des entreprises, une patrie, — qu’à ces groupes ainsi déterminés et montrés, on associe, si l’histoire en porte trace, cette tourbe inférieure ne participant ni à l’art ni à la vie luxueuse ou politique communeee, et dont on peut vaguement soupçonner l’être, par le défaut même des aptitudes reconnues aux autres classes ; que l’on condense enfin cette immense masse d’intelligence, de cerveaux, de corps, qu’on la range sous ses chefs et ses types, on aura atteint d’une époque ou d’un peuple la connaissance la plus parfaite que nous puissions concevoir dans l’état actuel de la science, la plus profonde pénétration dans les limbes du passé, la plus saisissante évocation des légions d’ombres évanouies. […] Augustin Thierryef l’un des premiers, parti de l’idée confuse que les événements comprennent dans leurs causes d’autres facteurs que leur auteur principal, et exagérant l’effet de ces facteurs secondaires, a attribué une importance excessive à l’influence des masses dans les faits historiques. […] Il serait difficile de trouver une conception plus fausse et plus facilement admise que celle de la séparation des deux éléments qui contribuent à tout événement historique, — les chefs et la masseeh, — et de la prépondérance du second sur le premier. […] Dans l’esthopsychologie des littérateurs, dans la psychologie biographique des héros, ces hommes sont mis debout analysés et révélés par le dedans, décrits et montrés par le dehors, reproduits à la tête du mouvement social dont ils sont les chefs, érigés, eux et leurs exemplaires, un et plusieurs, individus et foules, en des tableaux qui, basés sur une analyse scientifique nécessitant le recours à tout l’édifice des sciences vitales, et sur une synthèse qui suppose l’aide de toute la méthode historique et littéraire moderne, peuvent passer pour la condensation la plus haute et la plus stricte de notions anthropologiques que l’on puisse accomplir aujourd’hui. L’esthopsychologie, la science des œuvres d’art considérées comme signes, accompagnée de la synthèse biographique et historique que nous venons d’esquisser, dépeint des hommes réels, des hommes de fortune médiocre ou élevée, ayant vraiment vécu dans un entourage véritable, ayant coudoyé d’autres hommes en chair et en os, étant enfin des créatures humaines, avec, pour parler comme Shylock, des yeux, des mains, des organes, des dimensions, des sens, des affections., des passions, tout comme les vivants que l’on rencontre aujourd’hui sous nos yeux.

222. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

C'est là que, se débattant contre des difficultés inextricables, le savant auteur quitte à la fin le terrain historique, et, transportant la question au milieu des nuages, il recourt aux voies étranges, mystérieuses, inconcevables de la Providence, qualifiant de miraculeuse une découverte qu’avait amenée fortuitement, deux fois de suite41, la pioche d’un maçon. Quand on en vient là, toute discussion est superflue ; et, en vérité, du moment qu’il croyait nécessaire d’implorer le Deus ex machina, contre la règle de l’art, Nec Deus intersit, il aurait mieux fait de couper court tout de suite aux difficultés historiques, en admettant que le cœur de saint Louis, s’envolant miraculeusement de Monréale à Paris, à travers les airs, était venu s’enterrer lui-même dans la Sainte-Chapelle, à l’insu de tout le monde, gardant un incognito que personne ne pouvait violer. — On voit qu’avec un peu d’aide, quelque chose d’analogue à la Sainte Ampoule pouvait nous être rendu ; et, à l’heure qu’il est, il y a des gens qui ne me pardonnent pas d’y avoir mis obstacle. » On a là un échantillon de la manière piquante et incisive de M.

223. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. […] Il se répandit jusque dans le style historique, comme on le remarque dans la collection appelée la Byzantine, et surtout dans les histoires de Procope.

224. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Peu importe au théâtre la vérité historique : « les raisons historiques ne sont jamais assez fortes pour vaincre la persuasion que l’on puise au sein de sa nourrice ». […] On n’écrivait ses mémoires que quand on avait été mêlé à des événements historiques. […] C’est la comédie historique, Ici il faut encore commencer par dire que la comédie historique existait avant 1815. […] De 1815 à 1830, la comédie historique se met à abonder. […] La comédie dramatique était un drame mitigé ; la comédie historique était une tragédie mitigée.

225. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Cette réflexion est la première qui s’offre quand il s’agit de l’écrivain dont je voudrais aujourd’hui donner une juste idée ; Ramond, mort le 14 mai 1827, membre de l’Académie des sciences, objet d’un éloge historique de Cuvier, apprécié de tous les savants comme historien et géographe des montagnes, mais non assez estimé et prisé des littérateurs comme peintre et comme ayant heureusement marié les couleurs de Buffon et de Rousseau aux descriptions précises des De Luc et des Saussure. […] Il ne faudrait pas croire cependant que toutes les notes du voyage de Ramond soient de ce ton, qui deviendrait fatigant à force de sublimité ; il proportionne son langage à ses sujets ; il a ses anecdotes piquantes ; et, quand il traite une question historique ou physique, il y est tout entier. […] Je lui parlai de cette étonnante conformité, il me fit cette modeste et remarquable réponse : « Il ne manquerait rien à ma gloire si je ressemblais en tout à M. de Voltaire ; mais peut-être serait-il plus heureux s’il me ressemblait davantage. » — Bodmer fit présent à Ramond du recueil de ses Tragédies historiques et politiques, dont la lecture lui prouva que le genre dans lequel le président Hénault avait échoué n’en était pas moins, dit-il, un genre excellent. Aussi le vit-on bientôt s’y exercer lui-même par un drame intitulé La Guerre d’Alsace (1780), et en tête duquel il invoquait comme autorités et comme précédents les tragédies historiques de Shakespeare, les tragédies politiques de Bodmer, et surtout le Goetz de Berlichingen de Goethe.

226. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Vitet, déjà prêt par ses voyages antérieurs, devenu inspecteur général des monuments historiques après Juillet 1830, homme de verve et de science, donnait à ce genre d’études une impulsion nouvelle, en l’éclairant d’une vue plus générale et en traçant, le premier, avec vérité et largeur le cadre des époques : il a eu l’initiative. […] Guizot, en 1835, du Comité historique de la langue, de la littérature et des arts près le ministère de l’Instruction publique, donna un point d’appui et de ralliement aux travaux ultérieurs. Je ne parle pas du Comité, bien autrement essentiel, des monuments historiques, institué près le ministère de l’Intérieur, et qui y aidait, qui y subvenait tout directement ; je ne dirai que ce que je sais. Le Comité historique de la langue et des arts était plutôt une chose de luxe et de surcroît, une réunion où l’agrément avait sa bonne part.

227. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Elle n’a pas de « sensations d’art » : ce qui l’attache, ce sont les souvenirs historiques, les idées auxquelles les choses servent d’appui ou d’occasion. […] Ainsi à l’idéal absolu de Boileau se trouve substituée une pluralité de types idéaux, relatifs chacun au caractère national et au développement historique de chaque peuple : la tyrannie des règles éternelles est rejetée. […] Et dans ces phrases fécondes vous voyez se lever l’idée du romantisme français avec ses effusions pseudochrétiennes, ses restitutions historiques, et son individualisme lyrique. […] Elle ruine les unités, en plaçant ailleurs la vraisemblance ; elle recommande les sujets historiques ; elle goûte le mélange du lyrique au dramatique : « Le but de l’art n’est pas uniquement de nous apprendre si le héros est tué, ou s’il se marie ».

228. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Dans quelque temps que ce pût être, cette grande figure historique, enfoncée et comme perdue en des chroniques qu’on ne lit plus, mais entrevue d’abord et finalement déterrée, aurait passionné de sa beauté singulière toute imagination qui serait restée poétique sous les formes sévères et sobres de l’histoire et de l’érudition. […] C’est là un jugement des plus fermes, des plus vaillamment clairs et des plus rares dans l’état actuel de l’opinion historique. […] Parce qu’il a voulu tout d’abord écrire l’histoire de cette Mathilde qui a été comme sa sirène historique, et qu’il l’a écrite en réalité, il n’a pas renfermé le Grégoire qu’il nous donne dans le cadre de guerre et de résistance contre l’Empire où Mathilde et le grand pape se sont unis de patriotisme et d’effort.

229. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

I Le plus grand service que la critique historique pût rendre à l’Histoire et, ce qui importe bien davantage, à la moralité contemporaine, serait d’enseigner correctement le Moyen Âge à ceux qui l’ignorent. […] Que peut-on croire, en effet, de la vérité de ses conclusions historiques quand on se rappelle qu’entre dans des idées nouvelles au moment où il allait sortir de la vie, il se proposait de reconstruire, de fond en comble, l’édifice qu’on nous avait donné, depuis tant d’années, comme un monument inébranlable ? […] Nous connaissons le poids de son opinion historique.

230. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

I Ce volume, très intéressant, est moins une histoire qu’une dissertation historique sur ce grand événement dont le monde moderne est sorti, — la Réforme. […] Un tel résultat, dans l’état présent des connaissances historiques, ne se discute plus, tant il est visible, mais il peut s’éclairer encore. […] « Ce qui ressortira de tout ce travail avec une certitude historique, — écrit Segretain, — c’est que Henri n’a pas cessé un seul instant d’associer à l’idée de son couronnement (qui fut l’idée de toute sa vie) l’abjuration de ses erreurs protestantes. » Avec la nouvelle foi de sa mère, et cette grande et populaire figure de Henri de Guise, jetant sur le trône l’ombre de son éclat, Henri de Béarn, qui craignait que ses droits à la succession des Valois ne fussent ni assez puissants ni assez assurés, crut, dit spirituellement Segretain, « que le chemin de traverse de la Réforme était le seul qui pût le conduire au Louvre… et il fit ce crochet stratégique… ».

231. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

… Le livre commence par une anecdote, non d’invention, mais historique. […] Il a donc développé avec beaucoup de soin, dans l’introduction de son livre, les conditions de son programme : « Nous prenons — dit-il — l’engagement de démontrer dans une foule de cas physiologiques, psychologiques, historiques et physiques, l’intervention très fréquente de ces agents mystérieux que nous appelons des forces intelligentes, autrement dit des esprits. […] L’auteur y examine d’abord l’influence des lieux fatidiques ou du domaine privilégié des esprits, les hauts lieux, les lieux déserts, certaines sources, les béthyles ou les pierres mystérieuses élevées en commémoration des faits merveilleux, les animaux subissant, dans certains lieux fatidiques, la même influence que ceux qui les guident ; et sur toutes ces questions, prises à revers des solutions de la science moderne, le terrible savant ne cesse de marcher au flambeau allumé de la critique historique.

232. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

C’est pourquoi nous ne nous proposons pas d’épuiser les causes diverses de ce phénomène historique qui est le succès des idées égalitaires : parmi les séries de conditions qui peuvent concourir à sa production, nous en choisissons une, moins étudiée que les autres, mais non moins importante, pour mesurer l’influence qui lui revient ; et c’est la série des phénomènes proprement sociaux. — En un mot, des problèmes scientifiques de l’égalitarisme, déjà séparés en bloc des problèmes pratiques, nous ne retenons que le problème sociologique. […] — Autant de questions que les différentes sciences des phénomènes historiques n’abordent pas directement, et, qui méritent cependant d’être traitées à part. […] En un mot, indépendamment de leur matière, il y a lieu de classer les formes des sociétés, de déterminer les relations qu’elles peuvent soutenir avec les différents ordres de phénomènes historiques, de fixer ainsi les faits qui les précèdent ou ceux qui les suivent régulièrement : c’est-à-dire qu’il, y a place, à côté des différentes sciences sociales, pour une science de ce qui est spécialement social, la sociologie proprement dite.

233. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

C’est par l’effet de ce défaut de réflexion, qui rend les barbares incapables de feindre, que Dante, tout profond qu’il était dans la sagesse philosophique, a représenté dans sa Divine Comédie, des personnages réels et des faits historiques. […] Le public moderne, d’accord en cela avec l’ancien, veut que les opéras dont les sujets sont tragiques, soient historiques pour le fond ; et s’il supporte les sujets d’invention dans la comédie, c’est que ce sont des aventures particulières qu’il est tout simple qu’on ignore, et que pour cette raison l’on croit véritables. — 8.

234. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Il y aurait surtout à y rechercher la répercussion du tourment social contemporain, répercussion plus ou moins étroitement associée au réveil des études historiques, ainsi qu’à l’examen des forces qui, à travers les temps, ont pesé sur les sociétés : la fortune du roman de mœurs sociales et collectives s’explique par-là merveilleusement. […] René Doumic, ici même, a caractérisé le roman collectif en disant qu’il emprunte au roman historique son cadre et sa matière. […] Il ouvre devant elle un vaste champ inexploré et vierge encore ; il peut rendre au roman historique la vitalité et la fécondité, en y faisant pénétrer une psychologie jadis tout à fait négligée ou sacrifiée au décor. […] Des études purement historiques, où la psychologie s’est introduite pour les transformer, la préoccupation des ensembles, la hantise des sentiments collectifs et celle des phénomènes de l’esprit de corps ont passé dans le roman. […] Les Amitiés françaises relèvent du traditionalisme seul, tandis que la trilogie des Déracinés, de l’Appel au soldat et de Leurs figures, — qui forment le « roman de l’Énergie nationale », — apporte une contribution importante non seulement au roman collectif et social, mais encore au roman historique.

235. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

À la grandeur historique et réelle de Napoléon il faut donc ajouter le prestige de l’éloignement. […] Cet élément nouveau qui domine l’élément historique, la popularité, est, à coup sûr, une donnée épique. […] La chanson, selon lui, a seule une valeur historique parmi les ouvrages d’imagination. […] C’est là, si je ne me trompe, un trait de caractère qui fait honneur au savoir historique de M.  […] Ce premier point éclairci, il sera temps de savoir à quelle nation, à quelle période historique ils appartiennent.

236. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Voici le texte du roman historique dans lequel, comme un sculpteur dans un bloc de marbre, Shakespeare a taillé la sienne. […] Peut-être cette fidélité historique a-t-elle causé la froideur des critiques de Shakespeare sur la tragédie de Jules César. […] Aussi paraît-il que les Joyeuses Bourgeoises ont été composées après Henri V, quoique dans l’ordre historique il faille nécessairement les placer avant. […] Au reste, il serait superflu de chercher à établir d’une manière bien solide l’ordre historique de ces trois pièces ; Shakspeare lui-même n’y a pas songé. […] Malone, entre autres, la chronologie théâtrale de ses six drames historiques : 1º Première partie du roi Henri VI (roi de 1422 à 1461), composée en 1589.

237. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Mais il semble d’abord qu’à part cette juxtaposition chronologique, tout autre rapprochement entre cet homme et ce peuple doive être plus ingénieux que réel, plus académique qu’historique, l’apparition et la fortune de Bonaparte, en effet, se rattachent à des causes toutes modernes et très générales, à la Révolution française, à la disposition de l’Europe. […] Ainsi rien de plus étranger en apparence sous le rapport historique que l’homme de l’empire et les Hellènes ; et si le côté moral ou poétique semble plus fécond, il faut convenir que, sans l’appui de quelques faits, des pensées brillantes, mais nécessairement un peu vagues, ne suffiraient pas à un livre.

238. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Dans ce livre, qui tout de suite le classa comme intelligence historique, on trouva bien encore çà et là l’homme de la thèse et de la jeunesse, que la nouveauté de l’aperçu tentait… et qui succombait à la tentation. […] Jusque-là, en effet, personne, parmi les écrivains qui avaient voulu raconter ou expliquer la Révolution française, n’avait eu, comme l’historien qui s’élevait alors, le coup de pinceau historique. […] Il en a utilisé les pierres, en les jetant bravement à la tête des trois grandes gardiennes de la langue française et de l’enseignement historique : l’Université, l’École des Chartes et l’Académie. […] C’est le journaliste qui fera bomber, sur son fond d’œuvres, le relief de sa médaille historique. […] Il y eut l’intérêt d’une cause et d’une cause sacrée, cause historique et française de la monarchie.

239. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Vers ce même temps de 1823, de mémorables travaux historiques, appliqués soit au Moyen-Age par M.  […] Ses premiers essais à l’École attestaient une lecture immense, et particulièrement des études historiques très-nourries. […] Cette première année se passa pour eux à des exercices historiques et littéraires ; il fallait la révolution de 1814 pour qu’une spécialité philosophique pût être créée au sein de l’École par M.  […] Il cherchait à tirer des antécédents historiques, des conditions géographiques et de l’esprit religieux des peuples, la loi de leur mouvement et de leur destinée. […] Cousin son Antechrist. — Qu’il nous suffise de répéter ici que, nonobstant toutes les variations subséquentes, cet historique du Globe reste d’une parfaite exactitude.

240. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Passons à la petite Italie, à l’Italie du moyen âge, à l’Italie d’hier : qui prétendez-vous ressusciter dans ces huit ou dix Italies incohérentes, formées des lambeaux de l’Italie historique ? […] Oubliez-vous que l’Espagne catholique de Charles-Quint et de Philippe II, dont l’infanterie disposait de l’Europe au service de la Rome papale, n’est plus qu’une puissance de huit millions d’hommes, qui ne compte plus en Europe que par son grand nom et par le caractère resté entier de sa chevalerie militaire ; puissance historique plus que politique aujourd’hui dans les combinaisons des nations ? […] Il y a sept ou huit Italies, voilà la vérité historique. Or, mentir à la vérité historique, est-ce faire de la politique italienne ? […] Une fois l’Italie libre, une constitution fédérale de tous les États divers existants en Italie, théocraties, royautés, républiques, duchés, municipalités politiques, une constitution nationale est donc infiniment plus conforme à la nature et aux habitudes historiques de cette grande race des fils de Brutus, comme dit Dante.

241. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Gogol, en effet, paraît se rattacher avant tout à la fidélité des mœurs, à la reproduction du vrai, du naturel, soit dans le temps présent, soit dans un passé historique ; le génie populaire le préoccupe, et quelque part que son regard se porte, il se plaît à le découvrir et à l’étudier4. […] Il avait disparu sans laisser de trace. » Le petit roman historique de Tarass Boulba se termine véritablement ici ; le chapitre suivant n’est qu’une conclusion horrible et sanguinaire. […] Gogol, en ne faisant que peindre un coin du passé, ouvre là-dessus des jours historiques qui expliquent jusqu’à un certain point le présent.

242. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

A la vue des merveilleuses créations des âges de foi, deux impressions également funestes à la bonne critique historique s’élèvent dans l’esprit. […] Les idées étroites qui se sont répandues de nos jours sur la folie égarent de la façon la plus grave nos jugements historiques dans les questions de ce genre. […] Les deux Gémares empruntent la plupart de leurs données sur Jésus à une légende burlesque et obscène, inventée par les adversaires du christianisme et sans valeur historique.

243. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Au xviie siècle, elle a mystifié lord Macartney, et le livre du pauvre lord nous dit, avec la candeur d’une dupe accomplie, dans quelles superbes proportions la mystification eut lieu… Si un jour elle a permis aux Jésuites, ces admirables enjôleurs pour le compte de la vérité, de soulever son loup et de la regarder au visage, elle s’est bien vite repentie de cette minute d’abandon qui allait faire de sa personnalité historique le Secret de la Comédie pour le monde entier. […] Ils ont rapproché des travaux épars çà et là, et ils ont formé de ces détails une espèce de synchrétisme historique où la confusion des faits entassés produit quelque chose de très chinois, car cela manque entièrement de perspective et de cette clarté qui est la vie des livres écrits en français. […] si le scepticisme historique n’existe pas dans notre Europe, la Chine l’aurait pondu tout exprès pour nous au bord de son Fleuve Jaune ou de son Fleuve Bleu.

244. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Puisqu’on a songé à le donner aux divers écrits de Daumas, qu’on nous permette de dire quelques mots sur cette espèce de panoplie littéraire, faite avec des livres beaux et étincelants comme des armes, et qui devront tenir une si noble place dans la littérature historique et militaire de notre temps. […] Ce premier ouvrage était une suite d’études géographiques, statistiques, historiques, sur la région au sud des établissements français en Algérie. […] En effet, il n’y avait pas dans cet ouvrage que des détails de mœurs à animer, des faits à grouper et à décrire, enfin de la tapisserie historique à nous dérouler avec ses premiers plans et ses perspectives ; il y avait aussi de véritables questions d’histoire à toucher, à pressentir ou à résoudre, d’autant plus difficiles et plus hautes, ces questions, que l’histoire qu’écrivait Daumas n’était pas faite, mais qu’elle se faisait, et qu’il fallait pour récrire la sagacité des historiens contemporains, — les premiers des historiens quand ils sont un peu supérieurs, — qui jugent les événements et leurs résultats dans le coup de la mêlée, tandis que les historiens d’une époque finie les jugent tranquillement après coup.

245. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

C’est un de ces infortunés historiques plus hauts que leur destin, et qui sont malheureux jusque dans la mémoire qu’on en garde. […] Si le style est l’homme, Lecoy de la Marche doit être un grisailleur de cette école historique rationaliste et ratiocinante, doctrinaire et morne, dont le fondateur fut Guizot. […] Et, non contente de le peindre ainsi, jusque par la main soi-disant historique du romancier Walter Scott, le bric-à-brackiste d’Abbotsford, qui avait les mêmes manies que le Roi René, elle a fini par l’accuser d’avoir abandonné, pour muser dans quelque Musée, le soin de ses états, même contre une rente viagère !

246. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

mais, pour aujourd’hui, vous n’aurez qu’un recueil d’essais historiques très jolis (vous voilà bien malade !) […] , Mirabeau donc, à qui l’on venait d’opposer une raison historique, s’écria qu’il méprisait l’Histoire, quand de Bonnay — un Rivarol de la droite — lui lança, d’une voix qui vibra comme une flèche : « Elle vous le rendra bien, monsieur de Mirabeau !  […] Aucun des côtés, déformés par la Calomnie, de cette honnêteté héroïque (le mot y est et l’épithète aussi), n’a échappé à Hippolyte Babou, qui a redressé et rectifié les lignes de cette majestueuse et touchante figure abîmée par d’imbéciles iconoclastes historiques, et qu’il a rétablie dans sa beauté première… J’espère bien qu’après cela on n’y touchera plus !

247. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Or, comme ce système nous ne l’entrevoyons encore qu’à la lumière de ces prodromes, nous ne pouvons dire exactement à quelle hauteur de monument il s’élèvera, et quelle place définitive il assignera au nouveau philosophe de cet Oratoire dont le nom fut illustré déjà par Malebranche ; mais ce que nous savons, c’est que la tendance en est profondément rénovatrice, — historique deux fois, d’abord parce qu’elle nous fait sortir de l’abstraction intellectuelle pour entrer en pleine réalité humaine, et ensuite parce qu’elle reprend la tradition de méthode qui a été la vraie force de la philosophie, depuis Aristote jusqu’à saint Thomas d’Aquin, et depuis saint Thomas d’Aquin jusqu’à Leibnitz. […] Historique par le but, comme on vient de voir, le traité de la Connaissance de Dieu est historique aussi par sa méthode.

248. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Peu importe que le fond de ces deux ouvrages soit, sous deux noms différents, le même prétexte ou le même procédé pour nous faire voir le monde merveilleux ou historique des légendes et nous réverbérer, en le concentrant dans notre âme, ce prodigieux panorama ; mais il importe fort pour le mérite du poète et son progrès, pour l’intérêt et pour l’émotion du lecteur, que la forme et la manière de l’un ne soient pas par trop identiquement la forme et la manière de l’autre ! […] Les personnages nécessaires et importants de ce long récit ne seraient pas nombreux, si, dans cette mêlée historique et panthéistique, tous les êtres ne devenaient pas personnages ; si tous les peuples de la terre, les oiseaux des airs, les fleurs des champs, ne parlaient pas et ne jouaient pas leur bout de rôle, au gré du poète. […] Seulement, ne vous y trompez pas, l’objet unique d’un pareil poème n’est pas de nous montrer, comme on pourrait le croire, dans un cadre colossal, les ombres chinoises ou les marionnettes historiques.

249. (1864) Études sur Shakespeare

Un personnage historique ou allégorique se charge d’expliquer ces emblèmes et de moraliser la pièce, c’est-à-dire d’en faire jaillir la vérité morale qu’elle contient. […] C’est dans la vérité dramatique, non dans la vérité historique, qu’il établit son domaine. […] De là aussi la différence de conception qui se fait remarquer entre ses pièces historiques et ses tragédies. […] L’intervention du peuple, qui porte une si lourde part du poids de l’histoire, est assurément légitime, au moins dans les représentations historiques. […] Ni lui ni son éditeur n’ont cherché à leur donner un intérêt historique par la désignation des personnes à qui ils furent adressés ou des occasions qui les inspirèrent.

250. (1890) Nouvelles questions de critique

C’est de se rendre insensible à ce que les productions de la littérature ou de l’art ont en soi d’esthétique, pour n’y faire attention qu’à ce qu’elles ont d’historique. […] Le Petit s’est trop soucié de la valeur vénale des livres, et pas assez de leur valeur ou de leur importance historique, plutôt encore que littéraire. […] Il a paru de 1778 à 1887, deux volumes, ou à peu près, du Dictionnaire historique de l’Académie. […] Il pourrait être bon dans une histoire de la littérature, il ne vaut rien pour un Dictionnaire historique. […] Elles ne sont que moins humaines, moins voisines de la nature, et, n’étant pas historiques, elles ont de plus ce grand désavantage, de n’avoir pas existé.

251. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Je n’ai point assez examiné toutes les faces de ce problème historique pour me permettre d’avoir un avis et pour dire si la question est aujourd’hui bien positivement résolue : seulement on ne saurait traiter le récit ou plutôt l’interprétation de M.  […] Daru, et qu’il donne seulement à titre de conjecture, elle pourra être réfutée et démontrée fausse, elle n’en est pas moins dans les termes les plus stricts de la discussion historique et n’a rien du roman. […] Avec les hommes de sa génération et de son école historique, M.  […] Sa capacité de travail, sa facilité prodigieuse à de grands emplois, resteront mémorables et seront toujours citées comme type dans l’espèce, à la faveur du cadre historique lumineux où elles se sont produites et d’où elles provoquent l’étonnement.

252. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Si c’est là en effet le dernier mot de l’incrédulité, il faudra désormais autant et plus de foi pour croire à ces conséquences dites philosophiques ou historiques, à ces conjectures écloses et nées d’un seul cerveau, qu’à nous, chrétiens, pour continuer de croire à la tradition, à l’Église, au miracle visible d’un établissement divin toujours subsistant, au majestueux triomphe où l’évidence est écrite, au consentement universel tel qu’il résulte du concert des premiers et seuls témoins… » J’abrège. […] Aux esprits que le surnaturel n’étonne pas et ne repousse pas, il paraîtra toujours plus facile et plus simple de croire à ce qui est transmis et enseigné par la tradition, que d’entrer dans l’explication tout historique et nécessairement laborieuse d’un passé si imparfaitement connu. […] Il poursuivra avec vigueur son œuvre, son exposition désormais plus appuyée, plus historique et scientifique ; tous les cris et les clameurs ne le feront pas dévier un seul instant de son but. […] Renan, avec ses réserves qui font partie de sa force, me paraît être le champion philosophique le mieux approprié à cette seconde moitié du XIXe siècle, de cette époque dont le caractère est de ne point s’irriter ni se railler des grands résultats historiques, mais de les accepter et de les prendre à son compte, sauf explication.

253. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Sir Henry Bulwer, homme d’État et étranger, moins choqué que nous de certains côtés qui ont laissé de tristes empreintes dans nos souvenirs et dans notre histoire, a jugé utile et intéressant, après étude, de dégager tout ce qu’il y avait de lumières et de bon esprit politique dans le personnage qui est resté plus généralement célèbre par ses bons mots et par ses roueries ; « L’idée que j’avais, dit-il, c’était de montrer le côté sérieux et sensé du caractère de cet homme du XVIIIe siècle, sans faire du tort à son esprit ou trop louer son honnêteté. » Il a complètement réussi à ce qu’il voulait, et son Essai, à cet égard, bien que manquant un peu de précision et ne fouillant pas assez les coins obscurs, est un service historique : il y aura profit pour tous les esprits réfléchis à le lire. Mais, en regard et à côté, il est indispensable d’avoir sur sa table le terrible article Talleyrand, de la Biographie-Michaud, article qui est tout un volume, et qui constitue la base la plus formidable d’accusation, le réquisitoire historique permanent contre l’ancien évêque d’Autun. […] Cette lettre, qui a été montrée depuis à plusieurs personnes, dont quelques-unes encore existantes, disait en substance ce que Menéval lui-même a résumé dans ses Souvenirs historiques (tome III, page 85). […] Ces mots historiques voyagent jusqu’à ce qu’ils aient trouvé, pour les endosser, le nom auquel ils conviennent le mieux.

254. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Le goût des— lecteurs y poussait : les médiocres romans historiques que donnent les imitatrices de Mme de la Fayette497, les méchants mémoires apocryphes que fabrique Sandras de Courtilz498, plaisent par l’apparence vraie, par la prétention d’être vrais, par la conformité des faits qu’ils racontent avec les faits communs de la vie réelle, et même avec les faits particuliers de l’histoire. […] Ajoutons les autres romans picaresques, Guzman d’Alfarache, Estebanillo Gonzalez, etc., les innombrables comédies, toutes les richesses enfin de la littérature narrative et dramatique de l’Espagne : ajoutons le Voyage de Mme d’Aulnoy, les Recherches historiques et généalogiques des Grands d’Espagne d’Imhof, l’État présent de l’Espagne de Vayrac, des mémoires politiques et des pamphlets relatifs aux règnes de Philippe III et Philippe IV, des cartes géographiques. Nous trouvons là l’explication de tout ce qu’il y a d’espagnol dans Gil Blas, exactitude topographique, vérité historique, connaissance des mœurs, couleur locale. […] Son œuvre, vaste et improvisée, sent la copie entassée pour vivre : ce sont des compilations historiques et géographiques, des romans romanesques, parfois sombres et mélodramatiques, toujours sentimentaux et moralisateurs à outrance.

255. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Ils auraient montré à cette jeunesse, que de faux déclamateurs enivraient, ce que c’est que le vrai talent littéraire et historique quand il s’est encore aguerri dans la pratique, même incomplète, des affaires, et dans l’expérience de la vie. […] Guizot deux grands ouvrages qui représentent son enseignement historique de 1820 à 1822, et de 1827 à 1830. […] Guizot songe toujours à la politique d’à côté : Si j’appliquais aujourd’hui à ces études historiques de 1820, dit-il dans sa préface de 1851, tous les enseignements que, depuis cette époque, la vie politique m’a donnés, je modifierais peut-être quelques-unes des idées qui y sont exprimées sur quelques-unes des conditions et des formes du gouvernement représentatif. […] Guizot, depuis deux ans, n’a cessé, indépendamment de ses écrits historiques, de recueillir et de publier, en les revoyant, d’anciens morceaux très distingués15, qui vont former toute une bibliothèque morale et littéraire : Méditations et études morales ; — Études sur les beaux-arts en général ; — Shakespeare et son temps ; — Corneille et son temps.

256. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Celui-ci reprocha à Lasserre un manque complet d’objectivité et une absence fâcheuse de sens historique. […] Par ses grandes évocations décoratives il inaugure la poésie et la rêverie historiques. […] Ses personnages romanesques ou historiques sont de véritables chaos d’impossibilités morales. […] Il n’y a rien de politique ou d’historique dans les mobiles ni dans les conséquences du crime qui sert de point de départ à tout. […] Il n’y a non plus rien d’historique ni de politique dans les ressorts de la vengeance.

257. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Le cheik n’admet pas les distinctions que la critique historique nous conduit à faire dans ces grands faits complexes qui s’appellent empires et conquêtes. […] Dans ma conférence, j’ai voulu seulement traiter une question historique.

/ 1834