Ces jolis chants et ce lavage de fontaine me donnaient à penser diversement : les oiseaux me faisaient plaisir, et, envoyant s’en aller toute bourbeuse cette eau si pure auparavant, je regrettais qu’on l’eût troublée, et me figurais notre âme quand quelque chose la remue ; la plus belle même se décharme quand on en touche le fond, car au fond de toute âme humaine il y a un peu de limon. » Elle-même, elle se laisse couler sur ce papier qu’elle quitte et reprend souvent ; elle est triste, il lui manque quelque chose, sa tranquillité n’est qu’à la surface ; cela lui faitdu bien d’écrire et lui décharge l’âme de ce triste qui parfois la trouble ; elle se sent mieux après. […] Il n’est que neuf heures, et j’ai déjà passé par l’heureux et par le triste. […] » Son âme reflète le ciel ; elle a l’âme couleur du temps, et elle se le reproche ; car il y a des jours tristes, — les jours de neige « où l’âme se recoquille et fait le hérisson » ; — les jours de pluie, où l’on a envie de pleurer : « Il pleut ; je regardais pleuvoir, et puis je me suis dit de laisser tomber ainsi goutte à goutte mes pensées sur ce papier. […] … » Il y a aussi des jours mêlés, moitié gais, moitié tristes, indécis, d’une teinte indéfinissable ; mais elle sait très bien les définir : « Le 25 mai. — Notre ciel d’aujourd’hui est pâle et languissant comme un beau visage après la fièvre. Cet état de langueur a bien des charmes, et ce mélange de verdure et de débris, de fleurs qui s’ouvrent sur des fleurs tombées, d’oiseaux qui chantent et de petits torrents qui coulent, cet air d’orage et cet air de mai font quelque chose de chiffonné, de triste, de riant, que j’aime… » Ne reconnaissez-vous pas le paysagiste d’instinct, qui se joue et qui s’essaye, sans maître, et auquel il faudrait bien peu de chose, — seulement un cadre, plus grand, — pour devenir, un maître en son genre, et lutter peut-être avec notre grand paysagiste du Berry ?
Vendredi 2 janvier Un triste coup d’œil que mon jardin, ce matin. […] Mercredi 14 janvier Aujourd’hui, je reste toute la journée triste de la visite d’un cousin dans le malheur, qui a le teint des gens qui ne mangent qu’incomplètement, et qui est par là-dessus entouré de je ne sais quoi de piteux des gens, sans chance — et cela avec une espèce de satisfaction de son sort, qui m’agace. […] Il faisait, ce jour-là, une de ces journées d’été sans soleil, et une triste lumière d’un fond de cour lui tombait, par une tabatière, sur la figure, une lumière qu’il voyait sur lui, comme sur un cadavre. […] Zola est triste, triste d’une tristesse qui donne à son rôle de maître de maison quelque chose de somnambulesque. […] Nous étions à quatre heures, à Croisset, dans cette triste maison, où je ne me suis pas senti le courage de dîner.
27, il eut triste, lis. il est triste.
I Si les livres que l’on publie aujourd’hui sont, à bien peu d’exceptions près, des productions assez tristes et assez maussades, — comme, du reste, les gens malades, malsains ou mal faits le sont presque toujours, — la littérature, mère de ces livres, n’en vient pas moins d’écrire une des pages les plus gaies du siècle. […] Mais que nous le disions, nous, ici, que nous disions tristement, car c’est une chose fort triste, que l’intelligence de tout un pays est en danger de s’atrophier sous les sensations dont on l’enivre depuis trente années, et que déjà ce qu’il y avait dans cette intelligence de plus charmant, de plus fin et de plus sonore, — l’esprit, ce chant et ce coup de bec du colibri ! […] Les dîners pour le réveil de l’esprit français seront-ils moins heureux que les dîners du Caveau, qui ne réveillèrent pas non plus la gaîté française, mais qui, du moins, produisirent par mois leur ration de chansons lugubres ; car nous ne savons rien de plus triste que ces flons-flons païens, bachiques et grivois, enfantés par des têtes maniaques dans l’ivresse.
Tel est l’honnête commerce de l’honnête Tchitchikoff ; tel est l’odieux fripon auquel le triste génie de Gogol a cru donner une friponnerie amusante ! […] Triste vie, triste fin, — plus triste livre encore !
Cependant plusieurs pièces déjà sont charmantes, en particulier divers sonnets et pièces fugitives, légers tableaux de tendresse intime, qu’enveloppe un certain vague triste et poétique. […] Elle sort plus belle du creuset terrible ; elle rend maintenant un son de métal, affreusement triste, mais singulièrement pur ; elle s’exprime avec candeur, franchise et simplicité.
Tel est l’honnête commerce de l’honnête Tchitchikoff ; tel est l’odieux fripon auquel le triste génie de Gogol a cru donner une friponnerie amusante ! […] Il n’avait pas quarante-trois ans… Triste vie, triste fin, — plus triste livre encore !
Nous l’allons voir dépouillée, même de cette triste décoration. […] Tel est un morceau sur la cour ; sur ce mélange éternel qu’on y voit des plaisirs et des affaires ; sur ces jalousies sourdes au-dedans, et cette brillante dissipation au-dehors ; sur les apparences de gaieté, qui cachent une ambition si ardente, des soins si profonds, et un sérieux, dit l’orateur, aussi triste qu’il est vain. […] Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine ; pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros ! […] L’idée imposante d’un vieillard qui célèbre un grand homme, ces cheveux blancs, cette voix affaiblie, ce retour sur le passé, ce coup d’œil ferme et triste sur l’avenir, les idées de vertus et de talents, après les idées de grandeur et de gloire ; enfin la mort de l’orateur jetée par lui-même dans le lointain, et comme aperçue par les spectateurs, tout cela forme dans l’âme un sentiment profond qui a quelque chose de doux, d’élevé, de mélancolique et de tendre.
C’est donc avec le sang de son âme qu’il écrivait, lui, ses lamentables variations sur des lieux communs tristes. Au fait, quand ils sont tristes, les lieux communs nous sont toujours neufs. […] Émile Zola, si triste, si troublée, si morose, qui est celle d’un moine tenté, qui semble impliquer le sentiment de quelque chose de défendu et la croyance au péché.
C’est l’Amour parti, par exemple : Il n’est donc plus, ma pauvrette, Ce triste amour souffreteux. […] quelle triste mine Il nous faisait l’autre jour.
. — Les Pensées tristes (1865). — Les Nuits persanes (1870). — Recueil intime (1881). — Les Drames du peuple (1885). […] Armand Renaud, qui venait de publier, chez Dentu, chez Sartorius et chez Hachette, des Poèmes de l’amour, des Caprices de boudoir et des Pensées tristes.
Ferdinand Brunetière Ces vers donnent une impression unique de grâce triste et souffrante. […] Le Goffic, disait Paul Bourget, « donnent une impression unique de grâce triste et souffrante.
du crime affreux dont la honte me suit, Jamais mon triste cœur n’a recueilli le fruit. […] du crime affreux dont la honte me suit, Jamais mon triste cœur n’a recueilli le fruit.
Je soutiens donc que cet amour que tu retrouves si souvent dans les heures les plus tristes et les plus inattendues fait partie de toi-même, et que tu n’en revois alors que le miroir… Celui-là a été ardent. […] C’est bien de la part du Christ que je te le demande, car il est impossible qu’il ne trouve pas tout ceci digne de lui, tant c’est triste ! […] Pauline, n’être que poëte, n’être qu’artiste au milieu de toutes les faims dévorantes des ours et des loups qui courent les rues… J’ai l’âme triste comme la tienne, et je crois que c’est tout dire… » Dans les trois ou quatre dernières années de sa vie, Brizeux avait notablement changé ; après chaque disparition, il revenait autre et presque pas reconnaissable, plus saccadé, plus brusque, plus négligé : ces longues solitudes ne lui étaient pas bonnes. […] … « Hier je voulais te voir en sortant d’une visite fort triste à Béranger. […] Si nous les avons mérités, c’est encore plus triste. — Cette réflexion ne regarde que moi, ma bonne amie.
Connaissez-vous rien de plus triste que cette plaine de mesquine misère et de désolation sans poésie, que l’on traverse en sortant de Paris pour se rendre à Versailles par la rive gauche, cet amas sans ordre apparent de constructions qui ne sont plus urbaines et ne sont pas encore rustiques, ces chaumières (quelles chaumières ! […] bâties de pièces incongrues, arrachées aux démolitions de la grande ville ; ce qui n’empêche pas qu’au milieu de ces tristes cabarets de barrière, de ces maisons qu’on dirait abandonnées ou hantées par le mal, éclatent tout à coup, par endroits, un champ de verdure qui vous sourit, de fraîches cultures que n’atteint pas la vulgarité environnante ? […] M. l’abbé Carton a trouvé moyen, dans cette triste zone de la banlieue parisienne, de créer un véritable paradis, un asile propre, bien bâti, presque gai, où cinquante vieillards des deux sexes sont logés, chauffés, blanchis, habillés et nourris. […] La pauvre fille a été jetée comme une perle au milieu d’un triste monde d’infirmes et d’incapables. […] Son frère, perclus, qui n’a pas un mouvement, reçoit d’elle une instruction et des sentiments religieux qui le consolent ; un vieux grand-père, dans la misère, est adopté ; la mère, devenue paralytique, une jeune sœur, victime d’un accident, sont soignées, remplacées ; l’intempérance du père est limitée ; grâce à Emmeline, tout va pour le moins mal possible dans la plus triste des maisons.
Il était ce soir-là triste, plus triste que jamais. […] Lui demande-t-on : pourquoi il est si triste ? […] 18 avril Tristes, comme des ombres en leurs paysages de la mort, aujourd’hui dans une longue promenade nous avons revu le Bas-Meudon, ces bords de l’eau, où autrefois nous avons été heureux avec du beau temps, des femmes, du vin, — et la santé de notre jeunesse. […] Il monte en moi un apaisement doux et triste, produit par la pensée de le voir délivré de la vie. […] * * * Il me revient ces tristes paroles qui étaient souvent toute notre conversation : — Qu’as-tu ?
j’ai combattu soixante ans pour ta gloire ; J’ai vu tomber ton temple et périr ta mémoire ; Dans un cachot affreux abandonné vingt ans, Mes larmes t’imploroient pour mes tristes enfants : Et lorsque ma famille est par toi réunie, Quand je trouve une fille, elle est ton ennemie ! […] Sais-tu bien qu’à l’instant que son flanc mit au jour Ce triste et dernier fruit d’un malheureux amour, Je la vis massacrer par la main forcenée, Par la main des brigands à qui tu t’es donnée ?
il faudra passer la vie à sentir des désirs non satisfaits, de misérables jalousies, tristes peines ! […] C’était une gaieté triste au fond, un désespoir de verve qui lui donnait la conscience de son prodigieux talent, mais le repentir de l’usage qu’il en faisait. […] … c’est une triste litanie que j’ai à t’envoyer. […] « “Je suis si triste aujourd’hui, qu’il doit y avoir quelque sympathie sous cette tristesse. […] … « “Je m’arrête, je suis trop triste ; le ciel devait un frère plus heureux à une sœur si affectionnée !
Je suis plein du ressouvenir délicieux et triste d’une prodigieuse quantité de sensations très profondes, et j’ai le cœur gros d’un attendrissement universel et vague. […] Et le poète vous insinue peu à peu l’âme qu’il a lui-même, une âme qui serait contemporaine de l’humanité naissante et de l’humanité vieillie, et qui aurait parcouru la surface entière du globe terrestre ; âme amoureuse et triste, toujours inquiète et toujours frémissante. […] Et je n’ai pas besoin de dire que ses descriptions ne sont jamais purement extérieures, qu’il note habituellement du même coup la sensation et le sentiment qu’elle suscite en lui, et que ce sentiment est toujours très fort et très triste. […] Et vous vous rappelez l’abominable dénouement : la bataille des spahis et des nègres, la mort de Jean, de Fatou-gaye et de leur enfant, cette hideuse éclaboussure de sang dans l’enchevêtrement des grands végétaux éclairés à cru et qui ont, eux aussi, l’air vénéneux et féroce… IV De cet exotisme voluptueux et triste dérivent certains sentiments très grands, très simples, éternels, par lesquels se prolongent et s’approfondissent les sensations notées. […] Elle surgit naturellement, toute spontanée et toute nue, et l’effet en est toujours très puissant, car, nous avons beau faire, rien n’est plus triste, ni plus effrayant, ni plus incompréhensible que la mort.
« Ton récit, ô chef des guerriers, est triste et touchant, dit le barde Carril. […] Rassemblez les tristes restes de nos amis et rejoignez Fingal. […] le compagnon des héros ; je suis triste, aveugle et délaissé. […] « — Jeune infortuné, lui dit Fingal, pourquoi, par ces tristes discours, réveilles-tu ma douleur ? […] chante et rappelle à notre mémoire les tristes habitants de la tombe.
À la fin, il s’élève contre cette innovation, qui sous le prétexte des microbes, va enlever les rideaux aux malades, leur retirer ce pauvre petit chez soi, où ils pouvaient cacher aux autres le triste spectacle d’eux-mêmes. […] J’arrive à cette triste habitation, à cette maison qui m’a toujours semblé une maison de malheur. […] Enfin nous persuadons à la malheureuse femme de se coucher auprès de son enfant, resté toute la journée dans ces tristes choses, afin qu’il n’ait pas peur, s’il venait à se réveiller. […] — Était-il gai ou triste ? […] dans le monde, il se prépare, en ce moment, des tristes, et c’est fini de la rigolade de la jeunesse d’autrefois.
N’est-ce pas la Bretagne elle-même, ce cabaret des larmes, voisin de l’église et du cimetière ; voisin de la mer surtout et que pénètre « sa large lamentation » — De « tristes buveurs » s’y attablent et dans l’exil d’une « tristesse morose » s’évadent de la prison aujourd’hui. […] Voici un breton triste qui dit. […] Il trouve chaude la fraîcheur exquise de son teint ; les yeux tristes, tendres et profonds deviennent dans ses litanies brillants et malicieux ; chez la svelte et souple enfant, il vante les qualités majestueuses et le puissant équilibre des matrones. […] Armand Silvestre devait, oubliant sa ridicule comparaison entre Boissier et Heredia, nous faire sentir que nous ne trouverions pas ici derrière un vitrail de musée des statuettes parnassiennes aux lignes immobiles mais sous la désolation fleurie de la lande un vivant grand et triste dont le vent soulève le manteau. […] C’est le vers libre classique, celui qui sourit, rit et ricane dans Amphytrion ; celui qui dans Psyché donne à la vieillesse de Corneille des accents si délicieusement frais et jeunes ; celui qui dans La Fontaine exprime toute la gamme des sentiments humains, depuis les plus gais jusqu’aux plus profondément tristes.
Ils ne voient pas que ces tristes excès les conduisent tout droit à l’abîme, au néant ! […] Le public aime encore les lectures anodines et consolantes, les aventures qui finissent bien, les imaginations qui ne dérangent ni sa digestion ni sa sérénité : ce livre, avec sa triste et violente distraction, est fait pour contrarier ses habitudes et nuire à son hygiène. […] — Ce matin, nous devons faire toutes les tristes démarches. […] Ce livre, j’ai la conscience de l’avoir fait austère et chaste, sans que jamais la page échappée à la nature délicate et brûlante de mon sujet, apporte autre chose à l’esprit de mon lecteur qu’une méditation triste. […] Deux ou trois mois avant la mort de mon frère, à la sortie de l’établissement hydrothérapique de Beni-Barde, tous deux nous faisions notre promenade de tous les matins, au soleil, dans une certaine allée du bois de Boulogne, où je ne repasse plus, — une promenade silencieuse, comme il s’en fait, en ces moments de la vie, entre gens qui s’aiment et se cachent l’un à l’autre leur triste pensée fixe.
Elle cherche le triste pour le triste, elle le choisit. […] Marie a changé de ton ; elle met en avant les grands mots, « ce besoin d’aimer qui ne peut être satisfait par rien » ; ou encore : « Tout ce qui est grand, est triste. » Elle est femme à dire : « Je vous aime de toutes les puissances de mon cœur, et je ne veux pas de votre amour. » Que voulez-vous donc, Marie ? Il perd ses raisons à la réfuter ; il en a pourtant de bien naturelles et d’insinuantes, où il entre du cœur et de l’esprit : « Ce sont là des paradoxes, ne cesse-t-il de lui répéter à propos de ces grands axiomes de tristesse ; je ne crois pas au triste. Le triste n’est pas vrai, car il suffit de le nier.
Il trouve des charmes variés ou les autres n’apperçoivent qu’une couleur triste & uniforme. […] Que les hommes durs la dédaignent ; que les tristes raisonneurs la calomnient ; il la trouve parce qu’il l’invite. […] Au milieu de cette triste & dévorante anarchie, je ne ferai point entendre ma voix, mais je m’adresserai à vous qu’une émulation trop ardente, un amour excessif de la gloire conduisent à dépriser de trop dignes rivaux. […] Distingués du reste des mortels par vos lumières, montez votre ame au ton de votre génie, il en sera plus grand, plus fier, plus sublime, plus cher à la Nation, à l’humanité, & la foule envieuse ne saisira plus le prétexte de vous refuser son hommage pour exercer le triste droit de calomnier vos mœurs, & vous mépriserez les sourds complots du Fanatisme, & de l’ignorance, & affermis sur la colomne inébranlable de la probité jointe à l’honneur, vous verrez vos ennemis réduits à garder un silence qui fera leur supplice & leur honte.
Que tout cela est triste ! […] Un des écrivains monarchiques et religieux était allé chez Chateaubriand au sujet de ces tristes débats d’argent ; et voyant le portrait de Fontanes : « Où est la critique de M. de Fontanes, monsieur le vicomte ?
Les trois pièces, l’Accusé, la Morte, Celles-là, réunies sous le nom d’Histoires tristes, nous révèlent en M. […] La série intitulée : Histoires tristes, annonce déjà les Humbles de M.
Personne mieux que moi ne peut comprendre, ma chère Louise, ce que vous avez dû sentir à Heidelberg ; je ne peux pas y songer sans la plus vive émotion ; mais je ne veux pas en parler ce soir, cela me rend trop triste et m’empêcherait de dormir. […] Quand j’y songe, les larmes me viennent aux yeux, et je suis toute triste. » Elle regrette de voir pourtant des tracasseries ou des persécutions religieuses introduites dans le pays, et de se sentir impuissante à intervenir pour protéger ceux qu’on tourmente. […] Madame, mariée d’une manière si triste et si ingrate, et avec qui il ne fallait que causer, disait-on, quand on voulait se dégoûter à l’avance de cette condition pénible du mariage, n’était pas femme à se rejeter sur le roman pour se consoler de la réalité. […] Chose rare à la Cour, elle aimait la joie pour elle-même : « La joie est très bonne pour la santé, pensait-elle ; ce qui est sot, c’est d’être triste. » Elle rompait la monotonie des formes cérémonieuses, des menuets en tout genre, des longs repas silencieux. […] Si je n’avais eu la fièvre et de grandes vapeurs, madame, du triste emploi que j’ai eu avant-hier d’ouvrir les cassettes de Monsieur, toutes parfumées des plus violentes senteurs, vous auriez eu plus tôt de mes nouvelles, mais je ne puis me tenir de vous marquer à quel point je suis touchée des grâces que le roi a faites hier à mon fils, et de la manière qu’il en use pour lui et pour moi : comme ce sont des suites de vos bons conseils, madame, trouvez bon que je vous en marque ma sensibilité, et que je vous assure que je vous tiendrai très inviolablement l’amitié que je vous ai promise ; et je vous prie de me continuer vos conseils et avis, et de ne jamais douter de ma reconnaissance qui ne peut finir qu’avec ma vie.
Vraiment c’est une chose triste que ce livre, et s’il pouvait me faire concevoir l’ennui de mon ennui, ce serait le seul bien dont il fut capable. […] « Cela est triste ; mais ce qui prouve que c’est vrai, c’est que, cela même, il faudrait le penser et ne pas le dire. […] Mon ami, tout cela est bien cruel, bien triste, bien malheureux et me jette dans un très-grand découragement de la vie et de la société. […] Nous sommes tristes, malheureux, souffrants ; l’amertume nous vient de tous côtés ; nous donnerions le reste des jours qui nous sont comptés pour voir, ne fût-ce qu’une heure, un visage ami, pour presser une main sincère, pour entendre des paroles d’encouragement et de bonté. […] Je suis triste à la mort, et je ne sais pas vraiment si je sortirai de cette affreuse crise du sixième lustre.
Le triste, le terrible, l’étrange et jusqu’au laid lui appartiennent au même titre que le gracieux, l’élégant ou l’admirable. […] Cela est si vrai que, depuis l’origine même de l’art, les écrivains, les musiciens et les peintres n’ont jamais hésité à présenter dans leurs œuvres les spectacles les plus pathétiques, à user des modulations les plus plaintives ; les genres les plus élevés dans l’estime publique sont les genres tragiques ; les plus grandes œuvres que l’art humain a produites, sont des œuvres montrant des images tristes et développant des idées lugubres qui restent grandioses, saisissantes, charmantes et ne font jamais à quelque point qu’on les pousse, de peine nocive, de vrai mal, de mal dont on veuille se défendre6. Cette qualité essentielle des émotions esthétiques, — leur propriété de ne posséder qu’un faible indice de joie et de souffrance, la préférence accordée, de tout temps, à celles qui sont ainsi légèrement tristes, — n’a été aperçue clairement par aucun esthéticien ou psychologue. […] Spencer, d’après laquelle les plaisirs sont des sentiments modérés, et les douleurs des sentiments extrêmes, on apercevra aussitôt la raison pour laquelle les œuvres les plus émouvantes et les plus estimées expriment des spectacles ou des idées tristes. […] L’Hamlet, la Divine Comédie, la symphonie en ut dièse mineur, une cathédrale gothique, le Bon Samaritain de Rembrandt, sont des œuvres excitantes à un haut degré parce qu’elles sont tristes, et dénuées cependant de tristesse, parce qu’elles n’ont de la douleur que le choc et non la blessure.
Je suis très triste et plein des plus douloureux pressentiments. […] Je le retrouve avec sa mélancolie sereine, faisant le triste tableau du triste état de l’Officiel d’à présent. […] Triste ! triste ! triste !
Le soir, chez Zola, que je trouve triste, morose, agité du désir de quitter Paris, « dont il a plein le dos ». […] Au plafond et sur les murs un affreux et triste papier imitant — tout est imitation ici — un cuir naturel, gaufré de petits trèfles, et sur le mur chocolat, dans un cadre une affiche jaune des Enfants d’Édouard, pour la quarante-et-unième soirée littéraire, et à côté une grande et mélancolique aquarelle, représentant Fleuret dans le rôle de Marcasse, offert par le peintre à l’acteur. […] Mais au bout de quelques jours, il trouvait le lumineux du chélidonien, un rien triste. […] Jeudi 21 septembre La princesse était, ce soir, dans les souvenirs mauvais et tristes de sa vie. […] Daudet me disait, ce soir, qu’on était venu le chercher, pour la mort de sa mère, au moment où il était en train de faire le premier feuilleton de L’Évangéliste, et qu’il avait été pour lui très douloureux, de reprendre ce feuilleton, où la fiction de son roman se mêlait à la réalité du triste spectacle, qu’il venait d’avoir sous les yeux.
J’ai été séparé de mes amis ; je n’ai pu conduire les premières années de mes enfants ; et, aujourd’hui, dans le vingt et unième de ces tristes printemps, j’ignore quelle région j’habiterai dans quelques mois et dans quelle autre peut-être sera ma fille. […] Quant à moi, n’est-ce rien que d’avoir été sauvé des dernières extrémités et d’être parvenu jusqu’à ce jour sans flatteries, sans bassesses, sans dépendance, même en général, et sans dettes, ayant reçu des services, mais en ayant rendu, ayant des amis (et choisis) et n’ayant eu ni chefs ni maîtres ; n’ayant pu, il est vrai, remplir ma destination, mais enfin n’ayant rien fait qui en soit précisément indigne ; connu d’un très-petit nombre (ce qui est fort selon mes goûts), mais un peu aimé ou estimé, un peu triste sur la terre et humilié de mes faiblesses, mais sans remords et sans déshonneur, très-mécontent de moi et déplorant le cours rapide d’une vie si mal employée, mais n’ayant point à la maudire ? […] Le défaut de force dans les membres, l’impossibilité de dire : « Je vivrai dans toutes les situations où un homme peut vivre ; » cet assujettissement joint à l’immense difficulté de soutenir une femme, des enfants, sans revenus fixes, sans autres moyens que des débris à recueillir à des époques inconnues, sans état (même très-longtemps sans papiers et sans droits de citoyen), sans dettes, sans aucune intrigue, surtout aussi avec le sort contre soi, avec ce qu’on appelle du malheur (excepté la faveur marquée du sort en 1798 et en quelques autres circonstances rares), tout cela a rendu ma vie morale laborieuse et triste. […] Il en est ainsi de la privation des bras ; cette faiblesse a bien d’autres effets que d’empêcher de faire certains mouvements et de rendre difficiles ou embarrassantes les moindres actions de la vie commune, ce qui serait déjà un mal bien triste par sa continuité ; cette faiblesse ôte toute confiance dans l’avenir, entrave la vie entière, borne toute perspective, assujettit à cent besoins qu’on eût méprisés et, à la place d’un rôle d’homme, vous jette dans une dépendance aussi grande que celle des femmes.
Lisez, par exemple, cette peinture du pécheur mourant : « Enfin, au milieu de ses tristes efforts, ses yeux se fixent, ses traits changent, son visage se défigure, sa bouche livide s’entrouvre d’elle-même, tout son esprit frémit ; et, par ce dernier effort, son âme s’arrache avec regret de ce corps de boue, et se trouve seule au pied du tribunal redoutable193. » À ce tableau de l’homme impie dans la mort, joignez celui des choses du monde dans le néant. […] Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.
Nous avons vu là, entre elles deux, de tristes analogies, et une différence plus triste encore ; car si toutes deux sont sans originalité réelle, sans puissance collective, sans conscience surtout, et par conséquent sans profondeur, la littérature américaine a du moins pour elle le mouvement d’une pensée jeune et enflammée qui se cherche, et la littérature française n’a que la langueur d’une pensée qui ne se cherche même plus.
Elle nous représente encore des hommes, c’est-à-dire des affaires sérieuses et des passions tristes ; elle nous touche de trop près ; son contrecoup est si fort qu’il nous fait mal. […] A présent un bouleau blanchâtre, à l’écorce mince et lisse, qui élève vers le ciel son tronc grêle et ses feuilles frissonnantes, est un être souffrant, délicat et triste que nous aimons et que nous plaignons. […] Nous passons, et nous emportons sans le savoir un sentiment délicat et triste. […] « Triste oiseau le hibou » est, dans La Fontaine, un personnage réfléchi, philosophe, qui construit fort bien les syllogismes quand il s’agit d’une provision de souris. […] Quel ton triste et doux que celui du pauvre agneau !
Mais Delaroche, malgré tout, n’était pas heureux ; même heureux, il avait, on l’a dit, le bonheur triste et craintif. […] Qu’un si triste exemple vous serve d’avis, mon cher Delaroche ! […] Je sens que bientôt il faudra finir, avant que, flétri par la vieillesse, ou d’ennui et par anticipation, la triste solitude ne vienne fermer la boutique. […] La triste et funeste tournée de la Dobrutscha qu’il fit avec l’armée lui avait laissé les plus pénibles impressions. […] Qu’il ne vienne jamais ce temps présagé par de tristes prophètes, où l’on chercherait vainement des talents français en France.
Je sais à présent que les autres souffrent aussi : j’en suis devenue plus triste, mais beaucoup plus résignée. […] Je sais par une triste expérience que ces jeunes et tendres âmes ont besoin de bonheur ou de le rêver, et que leur première nourriture doit être une indulgence inaltérable. […] Après la bénédiction des arbres de la liberté et la lune de miel de la République, le quart d’heure de Rabelais commence : toute révolution amène avec elle son chômage à tous les degrés, depuis le bas jusqu’au faîte, et tout chômage entraîne après soi son déficit et sa pénurie : « (À Mme Derains, 1848)… La triste réalité est que je suis sans aucun argent ; que l’on m’envoie à l’heure même une contrainte pour mes impositions, et que je n’ai reçu ni mon mandat, ni avis sur mon trimestre échu depuis cinq jours.. […] Une seule circonstance heureuse en rompt la note uniforme et triste : le mariage de sa fille Ondine, si tôt suivi d’une fin funeste. « (24 décembre 1849)… Mon bon Richard, si votre amitié n’est pas sans inquiétude sur nous et notre silence, je suis tout à fait de même sur tout ce qui vous concerne ; et quoique je ne sache de quel côté donner de la tête, je prends sur la nuit pour vous écrire, — la nuit de Noël, mon cher Richard, qui changerait les destinées de ce triste monde et la vôtre, si le Sauveur écoutait son pauvre grillon, humblement à genoux dans la cheminée… où il y a bien peu de feu, sinon celui de mon âme, très-fervente, très en peine !
» Et, si j’ai bien compris, il finit par se faire à lui-même cette réponse ou à peu près : « Si la vie a un sens, elle a celui que lui donnent les honnêtes gens et les braves gens, quels que soient, d’ailleurs, l’espèce et le degré de leur culture. » Seulement il a l’air de songer tout le temps : « Peut-être bien que la vie n’a pas de sens du tout. » Et c’est pourquoi son livre est triste, aussi triste, en vérité, que la Course à la mort. […] Car, d’abord, comme je l’ai dit, ce livre, où se déroule une vie humaine si douce, si unie, si exempte de catastrophes et même d’ennuis matériels, est plus triste que s’il y ruisselait des larmes et du sang.
nous faisions, ma rose et moi, une fort triste figure… Au moment où la parure commence, l’amant n’est plus qu’un mari, et le bal seul devient l’amant. » Dans ce charmant chapitre, je relèverai une des taches si rares du gracieux opuscule : redoublant sa dernière pensée, l’auteur ajoute que, si l’on vous voit au bal ce soir-là avec plaisir, c’est parce que vous faites partie du bal même, et que vous êtes par conséquent une fraction de la nouvelle conquête : vous êtes une décimale d’amant. […] Les pins sonores de Savoie Avaient secoué sur son front Leur murmure, sa triste joie, Et les ténèbres de leur tronc. […] Vous ne pouvez vous figurer combien est longue et triste une nuit, etc… » Au lieu de ce cri de nature, la version corrigée lui fait dire : « Oui, je passe bien des nuits sans fermer l’œil et dans de violentes agitations. […] Peut-être un jour dans la campagne, Conduit par tes goûts inconstants, Tu rencontreras deux enfants Qu’une mère triste accompagne : Vole aussitôt la consoler ; Dis-lui que son amant respire, Que pour elle seule il soupire ; Mais, hélas ! […] Leur mère les suivra sans doute, Triste compagne de leurs jeux : Vole alors gaiment devant eux Pour les distraire de la route.
Ce dernier avait critiqué longuement Marivaux et avait parodié son style sous le nom de la Taupe dans le triste roman de Tanzaï. […] Et ici ce n’est point pour sa sincérité précisément que la marquise entend se choquer, notez-le bien : « Mais quand on a le goût faux, lui dit-elle, c’est une triste qualité que d’être sincère. » Ergaste, à son tour, à qui elle se met à dire des vérités, se fâche, et il se rejette vers Araminte, de même que la marquise revient à Dorante, qu’elle veut forcer aussi à lui dire ses défauts : Dorante, en ayant l’air d’obéir, choisit si bien les deux ou trois défauts qu’il lui reproche, que cela devient une flatterie nouvelle et des plus insinuantes. […] Un nouveau siècle était né et avait grandi : Marivaux appartenait à l’époque de transition, à la génération ingénieuse et discrète de Fontenelle, de Mairan, de La Motte, et le monde désormais appartenait à Voltaire régnant, à Montesquieu, à Buffon, à Rousseau, à d’Alembert, à cette génération hardie et conquérante qui succédait de toutes parts et s’emparait de l’attention universelle : Marivaux a eu parmi nous, disait Grimm en 1763, la destinée d’une jolie femme, et qui n’est que cela, c’est-à-dire un printemps fort brillant, un automne et un hiver des plus durs et des plus tristes. […] Son laisser-aller, sa négligence d’homme comme il faut, sa facilité à donner, le réduisirent souvent à de tristes expédients ; il touchait une pension d’Helvétius, une autre de Mme de Pompadour.
De temps en temps je vois le ciel et entends les cloches et quelques passants des rues de Nevers, la triste. […] Je suis toute dans une lettre toujours, tantôt triste, tantôt gaie. […] Vu seule, c’est si triste ! […] Tout me devient d’une même couleur triste ; toutes mes pensées tournent à la mort.
Un charme triste se cachait dans ses livres, fait de conscience qui s’efforce et d’impuissance qui s’avoue presque. […] Les frères Margueritte nous content, d’un accent triste et vaillant, ces efforts malheureux. […] Le style, d’un mouvement toujours lent, souvent incertain, mérite cependant quelques éloges — même en dehors des pages idylliques, — par sa gravité triste et vaillante.
Son imagination grise et froide n’en reçoit ni la chaleur ni le reflet, et par la nature gourde de son esprit, comme dirait Montaigne, il est condamné au triste rôle d’écrire des gaités sans gaîté, le plus fatigant des esclavages ! […] la faute en est exclusivement plutôt au sentiment qui circule, dans ce triste livre, de la première page jusqu’à la dernière, à cette gausserie frivole qui y remplace la sévérité et la majesté du jugement. […] Saint-Bonnet a dit avec son beau style lapidaire : « Triste récit en trois mots : le roi a corrompu la noblesse, « la noblesse a corrompu la bourgeoisie, la « bourgeoisie a corrompu le peuple. » On n’en était pas là encore, mais on partait pour y arriver.
Vaniteux comme un homme d’en bas, il était plus triste encore que spirituel. […] Dieu, qui connaît les mystères des cœurs mieux que personne, a flétri nos tristes mœurs dans leurs tristes fruits, pour nous les interdire, au nom même de nos entrailles, en nous rendant responsables des calamités que nous amassons sur la tête de nos enfants.
C’est, tout au moins, un hurlement triste. Celui des Annamites n’est pas même triste ; impossible d’y attacher un sens : il est affreux et innommable ; je ne sais rien de plus.
Celui-ci est un triste caractère aussi ; il a beau se dire : Déployons un aplomb au-dessus de mon âge ; il a vingt-cinq ans, si je ne me trompe, et, à moins d’être bien peu avancé, on l’a été de tout temps à cet âge beaucoup plus qu’il ne le paraît. […] C’est là du bon style ; mais il est fâcheux encore que toutes les saines pensées et les maximes justes de la pièce se trouvent rejetées dans la bouche de ce triste Féline, et qu’elles s’y trouvent (notez-le), non pas comme des ressorts de son rôle, mais à titre même de choses justes ; il devient ainsi par moments une manière d’Ariste véritable ; c’est Tartufe et Cléante mis en un, s’il est permis d’amener ici ces grands noms
Pauvre et triste temps que cette fin du xe siècle où se fait entendre à nous la voix grêle qui dit la vie et la mort de saint Léger. […] « Le monde d’alors est étroit, factice, conventionnel », la vie est triste, mesquine, limitée et comme emmurée de tous côtés.
C’est un musicien d’originalité étrange, aussi un très sincère et intuitif peintre de la nature, des plaines profondes où l’œil s’hallucine d’infini, des maisons tristes aux tristes hôtes, des banalités inquiétantes d’une ferme ou d’une métairie, du petit monde bourbeux et féroce d’une mare, des grenouilles, des crapauds.
Je ne comprends rien à ces dogmes tristes. […] Le monde est en train de se laisser envahir par des races tristes, qui n’ont jamais su ce que c’est que jouir, races dures, sans sympathie, qui n’ont ni l’amour ni l’estime des hommes.
J’eusse bien voulu le rendre plus complet ; mais, reléguée en ce triste séjour, si voisin de ma douce patrie, vainement j’ai revendiqué ces trésors de génie que mon enfance dévorait, qu’une main chère et jalouse m’arrache, et dont j’espérai si longtemps d’hériter. […] des filz de ta pensée L’eschevelet n’est encor débroillé… Tretouz avons esté, comme ez toy, dans ceste heure ; Triste rayzon que trop tost n’adviendra ! […] Quel feu secret de fécondes chasleurs Va pénétrant sillons, arbres, pascages, Et, mesme entour des tristes marescages, Quel charme espand ces vivaces couleurs ! […] À tout le moinz nous, que la Parque fiert, Espoir avons en la tombe nous suyvre, Qui tost, qui tard : ains trop ne nous hastons : Doulce est encor la coupe de la vie : Faut l’adorner de gracieulx festons ; N’aurons que trop, pour désarmer l’envie, Triste loysir de jongler des Catons. […] L’hiver la rappelle à de plus triste pensées.
Pourtant le soir qui tombe a des langueurs sereines Que la fin donne à tout, aux bonheurs comme aux peines ; Le linceul même est tiède au cœur enseveli : On a vidé ses yeux de ses dernières larmes, L’âme à son désespoir trouve de tristes charmes Et des bonheurs perdus se sauve dans l’oubli. […] Moi, le triste instinct m’y ramène : Rien n’a changé là que le temps ; Des lieux où notre œil se promène, Rien n’a fui que les habitants. […] Le matin, tout est vif et gai ; à midi, tout baisse ; au soir, tout recommence un moment, mais plus triste et plus court ; puis tout tombe et tout finit. […] La bonne fille descendit, en boitant, l’escalier en spirale, et m’accueillit avec une triste et tendre familiarité dans la cuisine basse, où la cendre tiède recouvrait le foyer. […] C’est sur cette frontière neutre entre le cimetière et le jardin, que j’ai bâti (le seul édifice que j’aie bâti ici-bas) un petit monument funèbre, une chapelle d’architecture gothique, entourée d’un cloître surbaissé en pierres sculptées qui protégent quelques fleurs tristes, et qui s’élèvent sur un caveau.
Voici une description de Buffon : Qu’on se figure un pays sans verdure et sans qu’au, un soleil brûlant, un ciel toujours sec, des plaines sablonneuses, des montagnes encore plus arides, sur lesquelles l’œil s’étend et le regard se perd sans pouvoir s’arrêter sur aucun objet vivant ; une terre morte et, pour ainsi dire, écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés, un désert entièrement découvert, où le voyageur n’a jamais inspiré sous l’ombrage, où rien ne l’accompagne, rien ne lui rappelle la nature vivante : solitude absolue, mille fois plus affreuse que celle des forêts ; car les arbres sont encore des êtres pour l’homme qui se voit seul ; plus isolé, plus dénué, plus perdu dans ces lieux vides et sans bornes, il voit partout l’espace comme son tombeau : la lumière du jour, plus triste que l’ombre de la nuit, ne renaît que pour éclairer sa nudité, son impuissance, et pour lui présenter l’horreur de sa situation, en reculant à ses yeux les barrières du vide, en étendant autour de lui l’abîme de l’immensité qui le sépare de la terre habitée : immensité qu’il tenterait en vain de parcourir ; car la faim, la soif et la chaleur brûlante pressent tous les instants qui lui restent entre le désespoir et la mort. […] Enfin dans les deux descriptions j’apercevrai, non pas deux procédés seulement, ni deux arts, mais deux siècles et deux hommes : d’un côté, l’esprit lettré, l’orateur, qui raisonne sa sensation et ne conçoit rien que de triste hors des conditions du monde civilisé et de la vie de société ; de l’autre, le critique, l’artiste, capable de prendre tour à tour l’âme de tous les peuples, acceptant la sensation étrange et même illogique, habile à saisir la beauté dans les moins riants aspects de la nature, dans l’égalité monotone de la lumière. […] Une fois qu’on a dit : je suis joyeux, ou triste, ou irrité, j’aime ou je hais, il semble que vraiment on n’ait plus rien à dire, et de fait on voit souvent des écrivains, de fort grands, se tirer de là par la simple rhétorique, par les périphrases et les comparaisons, par le développement à la Sénèque, qui consiste à inventer cent formes de la même pensée.
L’un d’eux, Jean Bodel, un talent universel, épique, lyrique, dramatique, fut atteint de la lèpre, et obligé, selon le règlement de police qui était en vigueur, d’aller s’enfermer dans une léproserie ; avant de partir, il fit ses adieux au monde, à sa ville d’Arras, à tous ses amis et voisins, en quarante et une strophes de douze vers, triste et le cœur dolent, comme on peut penser, mais trouvant encore la force de sourire, et faisant en somme belle contenance. […] Sans pain, sans feu, de la paille pour lit, entre une femme qui gémit, une nourrice qui veut ses gages, et un propriétaire qui réclame son loyer, voilà en quel état se présente à nous le triste Rutebeuf, qui trouve pourtant moyen de rire. […] Pour dire son triste mariage, le manque d’argent, le froid, la faim, les amis « que le vent emporte, et il ventait devant ma porte », il a des mots pénétrants, de mélancoliques ironies qui vont au cœur.
. — On a voulu faire de lui un poète triste, sans doute pour que notre abandon eût cette excuse d’avoir rendu plus douce et plus profonde sa poésie. […] à propos, dimanche les orphelines ont passé par notre rue, deux à deux, les yeux baissés, bien sages, bien laides et bien tristes. […] Quand le reste de ce groupe, riche en versificateurs et pauvre en poètes, sera effacé, deux resteront quelque temps reconnaissables : l’un, éclatant de force et de passion contenue, viril de puissance immobile, grand d’impassibilité apparente et de profondeur désespérée ; l’autre, triste, délicat et tendre ; l’un stoïquement beau d’une sévérité sans défaillance ; l’autre, charmant et un peu décevant comme un sourire de femme.
Ce roseau pensant de Pascal, qui n’avait pas besoin que la nature s’armât pour l’écraser quand il remuait, lui, l’univers, et qui, comme tous les roseaux, aimait le bord de l’eau, même la plus humble, ce fortuné de renommée qui s’appelait Félicité, le nom le plus mélancoliquement moqueur qui puisse être donné à un homme, ne fut jamais heureux et n’était rien de plus qu’une âme triste dans un corps malade. […] Je suis né avec cela. » Comme tous les tristes, il était né doux : « Bossuet — écrit-il — nous dit que la princesse Palatine fut douce avec la mort. […] Cependant, quelquefois sa raillerie s’éteignait dans une ironie pleine de tristesse, et c’était cette tristesse qui empoisonnait la morsure : « C’est une houlette qu’il lui fallait — (à Charles X) — et il l’aura peut-être, mais il est triste, à son âge, de devenir berger. » Certes !
Rappelez-vous encore les Lettres à une inconnue, du triste Mérimée vieilli, devenu le croquemort de lui-même, et celles à la Princesse, de Sainte-Beuve (Trissotin à la princesse Uranie), et vous sentirez sur-le-champ la différence qui existe entre les lettres intimes de la comtesse de Sabran, écrites en toute vérité de sentiment et sans aucune préoccupation de la galerie, et toutes ces raclures de secrétaire et de chiffonnière que publient, après la mort des gens, des éditeurs intéressés ou badauds. […] Elle aima ce fou gai, avec une folie sérieuse qui devint bientôt une folie triste. […] Pour mon compte, je ne connais point, dans tout le xviiie siècle, un sentiment qui ressemble à l’amour de Madame de Sabran pour Boufflers, à cet amour malheureux qui, tout le temps de la durée de ses lettres et de sa vie, ne songe pas une seule fois à se reprendre à l’homme qui était véritablement pour elle le Destin… Les éditeurs de ces Lettres donnent à croire dans leur Notice que Madame de Sabran épousa le chevalier de Boufflers en émigration, mais cette fin de son triste roman ne dut rien changer à la nature d’un amour qui était la plaie immortelle d’un flanc qui saigne et qu’on lèche sans pouvoir la cicatriser, et que dis-je ?
ce n’était donc pas une vaine affectation que l’incurable mélancolie de Chateaubriand dont se moquait Beyle, aussi triste que lui pourtant, puisque j’en retrouve la désespérance fatiguée dans les yeux de ce ferme soldat, à la martiale candeur et à la tonique ignorance. […] Jean Gigon est triste. […] C’est un Turenne du peuple, sans génie, sans bâton de maréchal resté dans la giberne pour donner raison à Louis XVIII, et aussi sans la piété du grand Turenne, qui lui aurait ôté, s’il l’avait eue, cet air triste qui ne lui va pas, pour mettre à la place l’air serein, le véritable air d’une figure, d’une vie, d’une conscience comme la sienne ; car le scepticisme qui nous déborde, et qui n’a pas fait de foi aux plus grandes âmes, a versé son ombre et sa misère sur les fronts les mieux nés pour être sereins.
— pourquoi le commet-il, ce triste péché ? […] Sa mémoire est triste et charmante. […] Ils sont tristes, tristes ! […] Triste et superbe visage que celui de ce Poëte ! […] Le manque de foi, voilà ce qui fait, à ce trop gai d’antan, une âme aujourd’hui trop triste.
Mercredi 6 janvier Je dis à la princesse que j’ai vu Sainte-Beuve, que j’ai trouvé fatigué, préoccupé, triste. […] Nous le trouvons triste de son état, triste de la politique, triste de l’état de la littérature. […] Une des plus tristes fins du monde, au reste, que la fin de ce comédien de l’insensibilité, claquemuré entre deux vieilles governess, lui rognant le boire et le manger. […] * * * — Parfois, dans la poussière de la grande route, sous les hauts châtaigniers, nous écoutons la douce et triste cantilène d’un paysan d’Auvergne, berçant, assise sur son bras relevé, une petite montagnarde fiévreuse et pâlotte, dont il paraît charmer le mal. […] » Puis elle reprend : « C’est triste, ce château de Saint-Cloud !
Cette jeunesse sérieuse d’alors, qui n’imitait point les exemples dissolus d’alentour, avait pour inconvénient d’être ou de paraître trop triste, trop appliquée, trop particulière, comme on disait. […] Celui-ci aurait voulu que le jeune prince fît face à l’orage, qu’il demeurât à la tête de l’armée jusqu’à la fin de la campagne, qu’il cherchât à prendre quelque revanche sur la fortune ; il le lui disait non plus sur un ton de directeur spirituel et de précepteur, mais sur le ton d’homme d’honneur et de galant homme qui sent la générosité de conduite dans tous les sens : Quand un grand prince comme vous, Monseigneur, ne peut pas acquérir de la gloire par des succès éclatants, il faut au moins qu’il tâche d’en acquérir par sa fermeté, par son génie et par ses ressources dans les tristes événements. […] Les lettres de Fénelon, à cette date, jettent un profond et triste jour sur la décadence de l’esprit public et la détérioration des caractères et de la morale sociale. […] On a de lui une lettre sur la mort de son meilleur ami, l’abbé de Langeron : elle est triste, elle est charmante, elle est légère.
Je me représentai, moi, pauvre diable, ayant manqué dans tous mes projets, plus ennuyé, plus malheureux, plus fatigué que jamais de ma triste vie. […] Je vous dois bien plus, puisque cette vie qui est une si triste chose la plupart du temps, quoi qu’en dise M. […] Je vous l’écrivais de Bâle : je serai chaque jour plus abattu et plus triste ; et cela est vrai. […] En revanche, j’en ai reçu une de mon pauvre père, qui est bien tendre et bien triste. […] Ces dernières paroles pourraient servir d’épigraphe à Adolphe, qui est, en effet, un livre triste et fané, d’une teinte grise.
Un homme triste et réfléchi y est poussé par son naturel ; il y est encore poussé par les mœurs environnantes. […] Il y a là cinq cents longues figures, tristes, roides1347, et au premier coup d’œil il est clair qu’elles n’y sont point pour s’amuser. […] De tous les satiriques, Thackeray, après Swift, est le plus triste. […] Peut-on être triste quand on sert un être aussi supérieur que miss Blanche ? […] Ces difformités calculées n’excitent qu’un rire triste.
Ne serait-ce point que les âmes tendres et tristes sont naturellement portées à se plaindre, à désirer, à douter, à exprimer avec une sorte de timidité, et que la plainte, le désir, le doute et la timidité, sont des privations de quelque chose ? […] En parcourant les tableaux des vicissitudes humaines tracés par Racine, on croit errer dans les parcs abandonnés de Versailles : ils sont vastes et tristes ; mais, à travers leur solitude, on distingue la main régulière des arts, et les vestiges des grandeurs : Je ne vois que des tours que la cendre a couvertes, Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes.
De tout ceci, je conclus que vous êtes malade et ennuyée, et cela me fâche ; vous êtes triste et ennuyée parce que vous êtes malade, et vous êtes malade parce que vous êtes triste et ennuyée. […] Avec cela, vous aimerez peu, mais vous haïrez peu aussi ; vous n’aurez pas de grandes jouissances, mais vous n’aurez pas non plus de grands mécomptes, et vous ne serez plus triste et ennuyée, et malade. […] Vous n’aimez pas que je vous parle de moi ; je vous ennuie, quand je vous communique mes pensées, mes réflexions ; vous avez raison ; elles sont toujours fort tristes.
. — « Otez-nous, m’écrit à ce sujet quelqu’un qui l’a bien connu et qu’indigne cette prétention d’orthodoxie singulière en pareil cas, ôtez-nous ce Béranger cafard à sa manière, triste et bête, ennuyeux comme Grandisson ; rendez-nous ce malin, ce taquin, qui emportait la pièce et offensait tous ses amis, et se les attachait toutefois et leur restait fidèle ; cet homme capricieux, compliqué et faible aussi, plein des passions de la vie, timide par instants, ambitieux par éclairs, souvent redoutable, charmant presque toujours. […] Il est encore tout entier dans cette lettre à un jeune homme triste, souffrant, entravé dans ses goûts, et à qui il dit pour le consoler : « Ne vous laissez pas aller aux longues et secrètes douleurs : Dieu le défend à notre nature… J’ai connu tout cela, Monsieur, voilà pourquoi je me permets de vous en parler. Et moi aussi j’ai été malade, j’ai été profondément triste, et, de plus, j’étais bien pauvre et je n’avais pas reçu d’éducation. […] Et cette page encore (car aux incrédules il faut des preuves), ce début de lettre à Mme Cauchois-Lemaire, pour un autre anniversaire de naissance, le jour où il a ses 54 ans, un bel âge assurément : « J’ai à dîner, ce triste jour, quelques vieux amis, les seuls qui vous pardonnent de vieillir, parce qu’eux-mêmes ne sont plus jeunes.
C’est un vert qui a quelque chose de cassant et, je le dirais, presque de triste. […] Au fond Mme de Gasparin a beau faire, elle n’est pas contrite, elle n’est pas triste ; elle est bonne et compatit aux tristesses ; elle a l’âme noblement ambitieuse, altérée de vie, ayant soif de bonheur, jalouse de le conquérir pour le communiquer, pour le répandre autour d’elle ; c’est une vaillante, une infatigable qui chante son Excelsior en montant toujours le plus haut qu’elle peut sur la montagne. […] Aussi, Eugénie de Guérin et elle, quand elles sont tristes, elles n’ont pas la tristesse elle-même semblable : l’une, tout heureuse qu’elle est, a la tristesse plus rude, poignante, froissante, violente, qui se proclame sur les toits, — qui crie « comme une aigle », — une tristesse ardente, de cœur et d’âme, je le veux, mais aussi de tête, tout d’un coup relevée de joies puissantes et vigoureuses : l’autre, plus atteinte au cœur, a la tristesse plus vraie, plus douce et résignée, continue, non intermittente, calme, profonde et intérieure ; elle est plus une colombe blessée. […] Désert profond, immense nappe d’eau entre des monts immenses, mais nus, abrupts, tristes comme la mort.
En lisant ces lettres de Mme de Staal à Mme Du Deffand, on ne peut s’empêcher pourtant de remarquer, au milieu de cette société la plus civilisée et la plus douce en apparence, de quelle nature triste est cette gaieté dénigrante de deux femmes qui s’ennuient, quel vide intellectuel et moral suppose une telle médisance plus désœuvrée encore que méchante, quelle sécheresse amère et stérile ! […] Pardon, pardon ; mais mon état est horrible… Il y a quinze jours que je ne passais point sans peine deux heures loin de lui ; je lui écrivais alors de ma chambre à la sienne ; et il y a quinze jours que j’ignore où il est, ce qu’il fait ; je ne puis pas même jouir de la triste consolation de partager ses malheurs. […] Ces pénibles impressions purent s’adoucir et se recouvrir durant les années suivantes, quand Voltaire, son premier caprice épuisé, parut être rentré dans le cercle magique de Cirey ; mais il en demeura une conviction triste et acquise au fond du cœur de Mme du Châtelet. […] Mais les cajoleries du roi de Prusse, que Mme du Châtelet avait conjurées de son mieux tant qu’elle avait vécu, revinrent le tenter ; il n’y résista plus, et il alla faire, à l’âge de cinquante-six ans, cette triste et dernière école de Prusse, après laquelle seulement il reparut moins agité et, en apparence, un peu plus sage.
Plus de grandeur ni de puissance ; l’air sauvage ou triste s’efface ; la monotonie et la poésie s’en vont ; la variété et la gaieté commencent. […] La vigne, triste plante bossue, tord ses pieds entre les cailloux. […] Ils se gardent bien, en un sujet triste, de pousser l’émotion jusqu’au bout ; ils évitent les grands mots.
Sons sa brillante surface, ce monde est triste. […] Un triste « à quoi bon ? […] Jamais génie ne fit un plus triste naufrage que le bon Ducis612.
Ce qui suit n’est qu’une phrase nombreuse ; du reste, elle l’est à souhait, et sans affectation ni raffinement, par où elle est un vrai modèle : « Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, | la félicité sans bornes aussi bien que les misères, | une longue et paisible jouissance d’une des plus nobles couronnes de l’Univers, | tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulée sur une seule tête, | qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune ; | la bonne cause d’abord suivie de bon succès | et, depuis, des retours soudains, des changements inouïs, | la rébellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse, | nul frein à la licence ; les lois abolies ; la majesté violée par des attentats jusqu’alors inconnus, | l’usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté, | une reine fugitive qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes | et à qui sa propre patrie n’est plus qu’un triste lieu d’exil, | neuf voyages sur mer entrepris par une princesse malgré les tempêtes, | l’océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers et pour des causes si différentes, | un trône indignement renversé et miraculeusement rétabli. » Cette période est composée de membres de phrase d’une longueur inégale, mais non pas très inégale, de membres de phrase qui vont d’une longueur de vingt syllabes environ à une longueur de trente syllabes environ et c’est-à-dire qui sont réglées par le rythme de l’haleine sans s’astreindre à en remplir toujours toute la tenue, et qui ainsi se soutiennent bien les uns les autres et satisfont le besoin qu’a l’oreille de continuité à la fois et de variété, de rythme et de rythme qui ne soit pas monotone. […] Les nuages y paraissent sans couleur et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d’eau froide y sortent des rochers et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d’herbes ondulées, se mire le ciel. » Je laisse de côté l’effet de peinture qui est étonnant ; mais j’appelle l’attention sur l’effet rythmique ; il est dans l’opposition, légère du reste, et qu’il serait inepte de marquer comme un contraste, mais dans l’opposition cependant, des sons étouffés, sourds, des tons tristes « mousses marines… au fond des baies solitaires…, nuages sans couleur » et des sons plus clairs, plus chantants, sans avoir rien d’éclatant, de triomphant ni de sonore, « yeux de jeune fille…, vertes fontaines. ., se mire le ciel ».
les plus minutieux détails sur les jeux, les occupations et les distractions de ce petit Roi, triste déjà comme un vieux homme, et qui resta triste et petit.
En écrivant ces tristes paroles, nous avons sous les yeux le relevé des dernières publications. […] Un jour Guizot, qui a le triste génie des coalitions, et dont la tête d’homme d’État rêve des fusions qui ne seraient que des coalitions encore, avait écrit que le catholicisme et les diverses communions protestantes devaient unir leur effort contre ce socialisme qui menace la société moderne telle qu’après tant de siècles la voilà faite par le génie de la double Rome, la Rome politique et la Rome chrétienne.
Maeterlinck, vraiment, nous prend, nous point et nous enlace, pieuvre faite des doux cheveux des jeunes princesses endormies, et au milieu d’elles le sommeil agité du petit enfant, « triste comme un jeune roi » ! […] Le temps triste a fleuri ses heures en fleurs mortes, L’An qui passe a jauni ses jours en feuilles sèches ! […] Par eux on descend le long de la montagne triste jusqu’en la cité dolente des Fleurs du Mal. […] Mais cela est peu important, car l’esprit souffle où il veut, et, quand il souffle sous la peau des grenouilles et les rend démesurées, c’est pour se distraire, car le monde est triste. […] L’ombre d’une tempête abondante en naufrage Pour nos cœurs est moins triste à suivre dans l’azur.
Triste, abbé ? — Vous avez le vin triste ? […] Ô ma bien-aimée, tu ne me reprocheras jamais les deux heures si tristes que nous avons passées. […] C’est pourquoi la lecture de son œuvre poétique laisse triste. […] L’enterrement eut lieu par un temps triste et humide.
Quoique d’un caractère inflexible et d’airain, il est, si on ne l’atteint pas au fond, doux, tolérant, facile à vivre, surtout inoffensif ; ceux qui le connaissent veulent bien l’aimer, ou du moins s’intéresser à lui ; tout ce qu’ils lui peuvent reprocher, c’est d’être excessivement timide, peu parleur et triste. […] En nous parlant de cette Révolution dont il adorait les principes et dont il admirait les hommes, combien de fois il lui arrivait de s’écrier avec lord Ormond dans Cromwell : Triste et commun effet des troubles domestiques ! […] Un soir, je lui trouvai de moins vives couleurs : Assise, elle rêvait : sa paupière abaissée Sous ses plis transparents dérobait quelques pleurs ; Son souris trahissait une triste pensée. […] Mais une pièce étrange, et cependant au fond très originale, très belle et très triste, intitulée les Rayons jaunes, attira sur ce remarquable volume les regards et les moqueries des critiques du temps. […] Vous étiez plus doux, plus modeste, plus triste que moi dans vos perspectives !
Melchior de Voguë était devenu triste, comme devant une antique sépulture royale. […] que le Doumic est triste, le soir !) […] C’est une belle âme et — je dois me rendre à l’évidence — je suis un bien triste sire. […] Pourtant, hier, je le trouvai triste. […] Ce qu’il plaignait surtout, dans la France, c’est qu’elle était devenue triste, tout d’un coup, triste et morne.
Il y a quelque temps, nous avons eu à relever une bien triste déchéance dans Esther ; voici qu’il nous faut aborder un sujet plus triste encore dans Modeste Mignon. […] N’est-ce pas dans ce triste hasard que le vulgaire a puisé ses opinions sur l’obscurité indispensable des vers et sur l’ennui qu’ils doivent causer ? […] Il est triste que M. […] Ce qui est triste, c’est que M. […] Janin ont été entachées de beaucoup de ridicule, et ce n’est pas lui qui apportait la plus forte part dans ce triste pique-nique.
que la plaine est triste autour du boulevard ! […] Est-il triste décidément, ou est-il gai, cet homme extraordinaire ? […] Encore un coup, est-il gai, ce sage, ou est-il triste ? […] Il a la pensée triste et l’esprit plaisant. […] Il y en a de tristes, il y en a surtout d’extrêmement brutaux.
Ce sont de tristes fiançailles. […] Et, à coup sûr, il est triste de voir tromper la confiance qu’on avait dans autrui. […] Alfred de Musset était triste. […] Tristes, pourquoi ? […] Et ces étoiles lui répondent : « Oui, nous sommes tristes, mais nous sommes tristes, parce que nous sommes seules.
la note à la fois douce et triste de ce reproche, je l’ai toujours dans l’oreille. […] Ils ne sont pas tristes, mais ils ont en eux une sorte de passivité, de résignation à la fois mélancolique, et un peu stupide. […] Je suis curieux de reconnaître les endroits de nos tristes promenades de tout le printemps dernier. […] Jules souffrait du foie, et nous étions tristes, comme ce triste jour. […] Je vais, à travers le triste abatis, à des arbres, sous lesquels je me suis assis avec mon frère, sous lesquels je l’ai vu si triste.
On commença par le vague et on finit par le triste. […] À l’exception de quelques pages savoureuses et fortes de Balzac, le grand pantagruéliste, le plus étoffé des enfants de ce géant qu’on appelle Rabelais, et des adorables chansons de Désaugiers, — car Béranger est triste à porter en terre le diable auquel il ne croit pas, — tout fut empesté de mélancolie. […] À la littérature, qui n’est même plus triste, à la littérature du vide et de l’ennui ! […] Pascal, le triste Pascal, qui savait pleurer, mais qui avait de l’âcreté dans les larmes, voulut rire une fois en sa vie, et contre les Jésuites. […] Singularité triste, mais qui n’étonne plus quand on y pense.
Ici, dans ses confidences politiques de chaque jour, il s’abandonne, il parle non seulement sa langue, mais celle qui se parle autour de lui, et, au milieu de ces révélations trop vraies et dont les tristes parties appelleraient le burin d’un Tacite, il a de ces mots qui trahissent le jargon des boudoirs de Bellevue ou de Babiole6, écaniller, trigauder, brûler la chandelle par les deux bouts, etc. […] J’excite un peu d’élévation dans le pouls, et puis la léthargie recommence ; on ouvre de grands yeux tristes, et tout est dit. […] Je passe des nuits affreuses et des jours tristes. […] Quant à l’état de la France en ces funestes années et en ces pires instants de Louis XV, les lettres de Bernis sont une révélation bien triste, et il est honorable pour lui d’avoir du moins ressenti et exprimé tout le premier cette profonde tristesse qu’elles sont faites pour communiquer encore aujourd’hui.
Mais l’homme, mais l’être sensible, on lui demande mieux, et nous le retrouvons dès le surlendemain, lorsque après une journée de marche dans la première plaine du sud, après une nuit passée au plus triste bivouac, au bord d’un marais vaseux et fétide, il décrit de la sorte l’impression qu’il reçoit de ce pays sans caractère et sans nom, qui n’est ni la vraie plaine, ni le vrai désert, et où il n’y a de vie que ce qu’il en faut pour mieux faire sentir la mort et l’abandon : « Était-ce fatigue ? […] Je passai une heure entière couché près de la source à regarder ce pays pâle, ce soleil pâle, à écouter ce vent si doux et si triste. […] Sénancour, le grand paysagiste triste, est plein de ces mots trouvés qui peignent avec profondeur la physionomie des lieux. […] A cette dernière limite si triste et si indécise, qui représente comme des limbes intermédiaires, aux formes languissantes, il éprouve cependant encore une sensation exquise, d’une nature particulière, et qu’il excelle à exprimer : c’est celle du silence.
René resta son premier ouvrage, triste comme la forêt humaine, religieux comme l’infini de la passion, éternellement retentissant comme la solitude du cœur. […] Parmi les végétaux supérieurs, il s’égare volontiers sous ces arbres dont les sourds mugissements imitent la triste voix des mers lointaines ; il affectionne cette famille américaine qui laisse pendre ses branches négligées comme dans la douleur ; il aime ce saule au port languissant, qui ressemble, avec sa tête blonde et sa chevelure en désordre, à une bergère pleurant au bord d’une onde. […] L’ébauche d’un impuissant n’est pas le génie d’un grand homme ; cette vérité triste fut l’éternel remords de Chateaubriand. […] Joubert avant de mourir, comme une harpe éolienne qui rend quelques beaux sons, et qui n’exécute aucun air. » C’était triste et vrai.
Ce curieux est un analyste et un pessimiste (un « triste », si vous préférez). […] Et cela est triste. […] Et ainsi de suite Et, si ces diverses façons de voir et de sentir sont fort mélancoliques par elles-mêmes, l’analyse qu’on fait de chacune d’elles en redouble la tristesse en nous la montrant incurable Bref, connaître, c’est être triste, parce que toute connaissance aboutit à la constatation de l’inconnaissable et à celle de la vanité de l’être humain. […] Cet homme d’aujourd’hui offre une combinaison singulière d’esprit scientifique, de sensualité fine et triste, d’inquiétude morale, de compassion tendre, de religiosité renaissante, de penchant au mysticisme, à une explication du monde par quelque chose d’inaccessible et d’extra-naturel.
C’est qu’aujourd’hui, plus que jamais, la jeunesse est pauvre ; et, chose plus triste, elle a souci de sa pauvreté. […] C’est un triste intérieur que celui de madame Huguet. […] Car il est l’enfant du siècle, dont le plus grand philosophe a donné du mariage cette définition redoutable : « Le mariage est une société de commerce instituée pour supporter en commun les frais de la vie. » De temps en temps, sa jeunesse matée se cabre, s’insurge, se remet à jeter la gourme et le feu ; mais la triste raison de sa mère le ramène bientôt dans l’étroite ornière. […] Il faut céder, obéir, s’en rapporter à ce triste oracle.
Vieille, triste et presque ridicule histoire ! […] Par un contraste inexplicable, il a choisi Hegel, le triste Hegel et son monstrueux prosaïsme, — Hegel l’antipoète, l’antechrist de toute poésie, qui a osé écrire que « la nature n’est rien en soi, qu’il n’y a rien de réel en elle que le mouvement de l’idée », et qui, répliquant à Kant préoccupé d’un soleil central pour les étoiles que l’astronomie devait un jour découvrir, ne craignit pas de répondre : « Il n’y a point de raison dans les rapports des étoiles entre elles ; elles appartiennent à la répulsion formelle. […] II17 Pendant que nous parlions de Henri Heine18 avec le détail que mérite ce charmant génie, — cette rose à mille feuilles de facultés différentes, — qui fut poète, philosophe, historien et critique, encyclopédique comme Voltaire, triste et gai comme Sterne, et sceptique comme le xixe siècle tout entier, l’éditeur Lévy publiait sous le titre : De tout un peu, un volume de plus qu’il ajoutait aux livres déjà publiés des Œuvres complètes. […] Mais, tous, ils ont cette couleur inouïe, rose et triste, quoique rose, que Heine met partout et qui est son charme… De telles pages sont signées de cela qu’elles sont écrites.
Pendant que la joyeuse Galilée célébrait dans les fêtes la venue du bien-aimé, le triste Jean, dans sa prison de Machéro, s’exténuait d’attente et de désirs. […] Mais, en un sens plus général, Jean resta dans la légende chrétienne ce qu’il fut en réalité, l’austère préparateur, le triste prédicateur de pénitence avant les joies de l’arrivée de l’époux, le prophète qui annonce le royaume de Dieu et meurt avant de le voir.
Et ce mur, composé de tout ce qui croula, Se dressait, escarpé, triste, informe. […] Le jour triste y semblait une pâle sueur ; Et cette silhouette informe était voilée D’un vague tournoiement de fumée étoilée.
Comme toutes les grandes affections, elle a quelque chose de sérieux et de triste ; elle nous traîne à l’ombre des cloîtres et sur les montagnes. […] ……………………………………………… Seigneur, de vos bontés il faut que je l’obtienne, Elle a trop de vertu pour n’être pas chrétienne ; Avec trop de mérite il vous plut la former Pour ne vous pas connoître et ne vous pas aimer, Pour vivre des enfers esclave infortunée, Et sous leur triste joug mourir comme elle est née !
Au premier plan, une triste hutte, maigrement découpée sur le fond, si gai et si riche, des arbres élevés, et à droite une fontaine sous un massif de verdures amoncelées. […] Il y a une sorte de grandeur triste et recueillie répandue dans ce paysage, dans l’éclairage de cette scène, autour de laquelle on sent monter la fraîcheur de l’aube, du lac et les senteurs de la forêt. […] Cette vision, d’une harmonie triste, ne s’accentue que lors des gestes désordonnés d’Amfortas. […] Quand il s’en va, ainsi que Guruemanz, le temple reste dans sa nudité triste, portant l’empreinte d’une désolation, à la chute du jour. […] Il s’incline et prie ; mais sa prière n’est plus désespérée comme au second acte, au contraire, c’est avec une foi ardente et triste qu’il regarde la lance sacrée.
Proudhon, malgré ses prétentions à la philosophie, n’est pas un philosophe, même politique, — la plus triste espèce de philosophes. […] Que le passé (trépassé) soit un million de fois plus conceptualiste que le présent (triste présent !) […] Triste destinée ! […] » Ce sont là de tristes et abjectes bouffonneries, que l’expression même n’orne pas. […] Venu dans des temps plus menaçants et plus terribles, il aura peut-être l’affreux mérite d’allumer les torches des pétroleurs de l’avenir ; mais, un jour, le monde, las d’être brûlé, soufflera sur ces torches et les éteindra avec colère, et la triste gloire de les avoir allumées s’éteindra avec elles.
Que ces esprits indifférens sur le désordre qui ne les touche pas, que ceux dont la foible prudence méconnoit cette vertu supérieure à toute crainte, l’appellent un insensé, ou le regardent comme un misantrope qui se livre au triste plaisir d’exercer une censure amere ; ce n’est pas à eux de sentir qu’il est impossible à l’homme vertueux de garder le silence, tandis que les cris plaintifs des victimes de l’oppression retentissent à son oreille & frappent son cœur sensible, tandis que les droits éternels de la Justice sont violés pour satisfaire quelques monstres avides, tandis qu’un peuple entier vit dans les larmes, ayant tout perdu jusqu’au droit lamentable d’élever ses soupirs ; ah ! […] A ce mot je vois frémir les ames foibles qui redoutent la vie ; ames infortunées qui n’existent plus dès que les molles voluptés les abandonnent ; tristes victimes de leur lâcheté, dévouées à la crainte & nées pour l’impuissance ; sans doute elle ne sont point faites pour connoître ce courage mâle qui émousse la pointe de l’infortune, résiste aux revers, triomphe des evénemens, & met au rang des plus précieux trésors l’indépendance & l’honneur. […] Je sçais que la Philosophie oblige les Rois de porter pendant toute leur vie le triste fardeau du Sceptre qu’un destin fatal leur a imposé ; je sçais qu’elle leur défend d’oser s’élever à un état plus heureux, mais elle est aussi trop severe.
Il a été coupable de cette triste chose, l’outrage aux vaincus, et il a fait pis encore. […] Tristes abeilles, menacées de perdre dans cette ombre jusqu’au souvenir des fleurs ! […] Les tristes soirs, — les petites bottines aimées oubliaient quelquefois le chemin de l’escalier, — les tristes soirs, avant les lendemains plus tristes ! […] Mais si nous étions tristes, nous n’étions pas désespérés. […] Elle pleure ; l’air est ancien Et triste jusqu’à la folie.
Et je le revois, son doux et triste visage, avec les changements de physionomie, que ne donne pas un portrait, dans trois ou quatre circonstances, laissant en vous, on ne sait comment, un cliché de l’être aimé, en son milieu de ce jour-là. […] voici la pauvre bête, dans sa souffrance ayant besoin qu’on soit près d’elle, et elle vous suit de ses deux grands yeux tristes, quand on s’éloigne, et elle vous salue d’un petit miaulement, quand on revient, et elle vous remercie de votre caresse, par un petit ronronnement tout doux. […] Daubigny n’est qu’un Corot triste. […] Ce soir l’ironique, le gouailleur, le blagueur, est tout triste. […] Les acteurs arrivent un peu tristes, parce qu’ils ne font pas d’argent, mais pas découragés.
— Plus triste que jamais. — Qui donc es-tu ? […] que d’amertumes effroyables mêlées à ces tristes et courtes joies ! […] Ce n’est plus là de la fantaisie, elle est trop triste. […] Rien n’est triste comme un cauchemar. […] Si jeune et déjà si triste !
Charles et Goupil20 en sont restés tristes toute la journée, et nous n’avons pu avoir d’autre conversation. » D’autres, je le sais, décriraient cette mosquée de fous avec impartialité, avec une froideur impassible et désespérante, que dis-je ? […] Du Caire, il se dirige vers l’Asie en longeant le Delta, et cette triste route monotone est décrite avec une fidélité vive, précise, et sans charge : « Pour arriver à El-Arich, nous n’avons, pendant douze jours, rencontré qu’un groupe d’Arabes à cheval, qui, sans doute, nous ont trouvés trop bien disposés, et qui se sont contentés de nous suivre pendant deux lieues à peu près. […] Je me dépêche de te parler de ce fatal accident avant que la raison me revienne et que mon enthousiasme pour tout ce dont je viens d’être témoin ne fasse place à la triste et funeste pensée qu’involontairement, sans doute, je suis cause de la mutilation de ces malheureux. […] Les officiers eux-mêmes, plus ou moins pris par la diarrhée, offraient le spectacle le plus triste de l’obéissance passive.
(Rouen), bien près de toi, comme tu vois, chez de vieilles amies et parfaitement ignoré, bien doucement, bien choyé, tel qu’il faut qu’il soit pour que je n’aie point à m’inquiéter, mais dans un état moral si triste, si accablant, que je ne puis sortir d’ici que pour me rendre à ses côtés. » C’est en ce sens qu’elle entend les fers qu’il lui faudrait reprendre et dont elle ne ferait que changer, — les chaînes du devoir ! […] Vous embellissez le plus triste séjour, vous faites régner au fond des cachots un bonheur après lequel soupire quelquefois vainement l’habitant des palais. […] Pour le moment, elle se plaît à lui faire de la vie qu’elle mène en ce triste lieu une description reposée et presque attrayante : on l’y voit à merveille, dans cette cellule assez large à peine pour souffrir une chaise à côté du lit, devant la petite table où elle lit, écrit ou dessine, avec le portrait de son ami sous ses yeux ou sur son sein, pour tout ornement de son réduit ayant un bouquet de fleurs que Bosc lui fait envoyer chaque matin du Jardin des Plantes : c’est un joli coin de tableau, que j’appellerais flamand s’il n’était si net et si clair de tout point ; le clair-obscur n’est point le fait de Mme Roland. […] Elle donne à entendre qu’il ferait une assez triste figure s’il avait à comparaître en personne.
Ces sveltes amazones rencontrées dans les bois, si capricieuses et si énigmatiques ; ces jeunes hommes si beaux, si tristes et si prompts aux actes héroïques ; ces vieilles châtelaines et ces vieux gentilshommes si dignes, si polis et si fiers ; tout ce monde supérieurement distingué de ducs, de comtes et de marquis, cette vie de château et cette haute vie parisienne, ces conversations soignées où tout le monde a de l’esprit ; et, sous la politesse raffinée des manières, sous l’appareil convenu des habitudes mondaines, ces drames de passion folle, ces amours qui brûlent et qui tuent, ces morts romantiques de jeunes femmes inconsolées…, amour, héroïsme, aristocratie, Amadis, Corysandre et quelquefois Didon en plein faubourg Saint-Germain, tout cela me remplissait de l’admiration la plus naïve et la plus fervente, et m’induisait en vagues rêveries, et me donnait un grand désir de pleurer. […] C’est alors le don de ne point voir les choses comme elles sont, tristes, décevantes, brutales et immorales, et d’attendre toujours de la vie plus qu’elle ne peut apporter. […] Ce plaisir, on le trouve un peu puéril et on a quelque peine à le goûter tout d’abord quand on s’est laissé corrompre par d’autres livres où le besoin de la vérité, même triste, surtout triste, s’étale avec quelque chose de maladif et d’outré ; mais, avec un peu d’effort, on s’affranchit de cette impression première ; on sent se réveiller au fond de son âme, sous les tristesses d’une expérience morose, sous le positivisme et le pessimisme acquis, cet amour des fables et des fictions, ce goût de l’irréel qu’apporte tout homme venant en ce monde.
Il est fait d’un mélange d’esprit charnel et de chair triste et de toutes les splendeurs violentes du bas-empire ; il respire le fard des courtisanes, les jeux du cirque, le souffle des belluaires, le bondissement des fauves, l’écroulement dans les flammes des races épuisées par la force de sentir, au bruit envahisseur des trompettes ennemies. […] Les tristes cheminées d’usines barraient l’horizon. […] Alcanter de Brahm et moi, seuls de ses anciens collaborateurs, suivîmes, par un temps gris, son cercueil à travers les rues tristes de l’extrême Montmartre, vers la barrière de Saint-Ouen. […] « Un certain nombre de jeunes gens, las de lire toujours les mêmes tristes horreurs, dites naturalistes, appartenant d’ailleurs à une génération plus désabusée que toutes les précédentes, mais d’autant plus avide d’une littérature expressive, de ses aspirations vers un idéal, dès lors profond et sérieux, fait de souffrance très noble et de très hautes ambitions, — injustement, sans doute, un peu dépris de la sérénité parnassienne et de l’impassibilité pessimiste d’un Leconte de Lisle, d’ailleurs admiré, s’avisèrent un jour de lire mes vers, écrits pour la plupart en dehors de toute préoccupation d’école, comme je les sentais, douloureusement et joyeusement poétiques encore, et pleins, j’ose le dire, du souci de la langue bien parlée, vénérée comme on vénère les saints, mais voulue aussi exquise et forte que claire assez.
Et c’est gai, pur, un peu triste aussi comme quand on regarde l’étendue des campagnes, ou la mer, ou le ciel. […] J’ai vu un livre qui à un tel sembla de pur sensualisme, incliner un autre lecteur à des vues métaphysiques et un autre à des pensées seulement tristes. […] L’amour de la vie toute bonne et simple est triste comme le regard d’un chien. […] comm’ t’es pâle… comm’ t’as l’air triste… Ah ! […] Bataille, encore épars, ne semblent pas contrarier cette impression : il y demeure le rêveur nerveusement triste, passionnément doux et tendre, ingénieux à se souvenir, à sentir, à souffrir.
« Oui, c’est un triste, mais un beau sujet de poésie que toutes ces folies trempées de sang ! […] Ils font de la république un épouvantail. 93 est un triste asticot.
Les anciens avaient des hommes pour amis, et ne voyaient dans leurs femmes que des esclaves élevées pour ce triste sort. […] qu’on a de peine à repousser ces tristes rapprochements !
Une teinte, un voile triste, obscur et monotone est tombé rapidement sur la scène. […] C’est l’instant du jour, la saison, le climat, le site, l’état du ciel, le lieu de la lumière qui en rendent le ton général fort ou faible, triste ou piquant.
La tyrannie d’un colon d’Amérique est moins cruelle ; la condition du nègre moins triste… qu’objecterez-vous au siècle de Rome pauvre, à ce siècle où des hommes à jamais célèbres cultivaient la terre de leurs mains, prirent leurs noms des fruits, des fonctions agrestes qu’ils avaient exercées, où le consul pressait le bœuf de son aiguillon, où le casque et la lance étaient déposés sur la borne du champ, et la couronne du triomphateur suspendue à la corne de la charrue ? […] L’éléphant se gonfla pour accroître sa taille, le bœuf imita l’éléphant ; la grenouille eut la même manie, qui remonta d’elle à l’éléphant ; et, dans ce mouvement réciproque, les trois animaux périrent : triste, mais image réelle d’une nation abandonnée à un luxe, symbole de la richesse des uns, et masque de la misère générale du reste.
Si Topffer, cet instituteur d’enfants, enfant lui-même, charmant d’innocence, pénétrait l’homme davantage, il serait plus triste, soyez-en sûr ! […] Si les enfants qui rapportent de leurs promenades, à leurs vieux parents restés à la maison, des fleurs cueillies pieusement pour parer et parfumer leur triste vieillesse, méritent des bénédictions attendries, Genève doit bénir son Topffer, son joyeux flâneur de montagnes, qui lui en a rapporté des pages aussi fraîches que des fleurs.
Prise dans son ensemble, bien entendu, la littérature qui ne grandit pas s’amoindrit ; et la nôtre, depuis la mort de Chateaubriand, de Ballanche, de Balzac, de Stendhal-Beyle, depuis des vieillesses plus tristes que la mort même, et dont nous ne nommerons pas les titulaires, puisqu’ils vivent encore, la nôtre a trop rappelé sans interruption ce que devint la littérature anglaise après la resplendissante époque des Byron, des Burns, des Coleridge, des Crabbe, des Sheridan, des Shelley et des Walter Scott. […] Triste mérite, dans tous les cas ; car s’ils sont bons on regrette de n’avoir pas eu à lire davantage, et s’ils sont mauvais, c’est encore trop !
Ce soupeur de la Maison-d’Or, qui s’enivrait de son esprit comme on s’enivre de la poudre, et qui le brûlait, comme la poudre, au milieu de toutes les furies et de tous les délires de cet esprit dont il abusait, retrouvait parfois, insensé superbe, même dans l’orgie, tout à coup, ce soupir de flûte que Monselet le viveur a aussi, cette note triste et irrésistible qui est pour moi la note fondamentale du poète… J’ai assisté quelquefois au triomphe de la note divine. […] Elle est ici, et, je l’ai dit, non pas partout, mais à beaucoup de places, cette note triste qui s’en vient du fond de la gaieté comme un soupir impossible à étouffer.
Parmi les traits qui le distinguent, il en est un malheureusement général chez le peuple russe ; c’est un dédain, un mépris pour les femmes qui rend le sort de celles-ci des plus tristes. […] Je promenai mes regards dans la chambre : le spectacle qu’elle offrait m’affecta profondément : rien de plus triste que l’intérieur d’une isba de paysan pendant la nuit. […] Je me mis de nouveau à examiner l’intérieur de l’isba ; il me parut encore plus triste qu’avant. […] La pluie continuait toujours ; j’attendais impatiemment le dénouement de cette triste scène. […] Lorsque tu pris congé de tes amis, ton émotion était profonde ; de tristes pressentiments t’agitaient.
Quel que soit le plaisir qu’on se promette d’un grand voyage, il y a toujours dans le paysage qu’on va quitter une voix prudente et un peu triste qui semble vous dire par chaque rayon de soleil, par chaque ombre d’arbre, par chaque rayon du soir qui se couche : « Pourquoi me quitter ? […] Qu’il lui jette la première pierre, celui qui n’a jamais désespéré de ce triste monde, et qui n’a jamais replié son manteau pour partir avant l’heure, en emportant ailleurs son œuvre méconnue ici, et en disant à ses contemporains : « Je vous méprise, adieu ; voilà mon œuvre, jugez-moi ! […] L’onde triste hésita dans l’urne des fontaines ; Le haut du mont trembla sous les pins chancelants, Et l’aquilon roula dans les gorges lointaines L’écho des grands soupirs arrachés à tes flancs. […] Car j’ai pour les forêts des amours fraternelles ; Poète vêtu d’ombre et dans la paix rêvant, Je vis avec lenteur, triste et calme, et, comme elles, Je porte haut ma tête et chante au moindre vent. […] Les montagnes du Forez, cette Auvergne du Midi, berceau de son enfance, les scènes de la vie agricole, vrai cadre de toute poésie, les fenaisons, les moissons, les vendanges, les semailles, les mille impressions douces, fortes, tendres, tristes, rêveuses, qui montent au cœur de l’homme agreste dont le goût n’est pas encore blasé par la vie artificielle des cités, tous ces évangiles des saisons qui chantent Dieu par ses œuvres dans le firmament comme dans l’hysope, sont les textes de ces délicieuses compositions.
» C’est une jeune fiancée Que, le front ceint du bandeau, N’emporta qu’une pensée De sa jeunesse au tombeau : Triste, hélas ! […] Rien n’était triste alors dans ma vie, rien vide dans mon cœur ; un soleil répercuté par les cimes dorées des rochers m’enveloppait ; les ombres des cyprès et des vignes me rafraîchissaient ; l’écume des eaux courantes et leurs murmures m’entretenaient ; l’horizon des mers m’élargissait le ciel, et ajoutait le sentiment de l’infini à la voluptueuse sensation des scènes rapprochées que j’avais sous les pieds ; l’amitié, l’amour, le loisir, le bonheur, m’attendaient au retour à la villa Ludovisi. […] Encore une fois, qu’y avait-il là de triste et de funèbre ? […] c’est une longue et triste histoire ; monsieur, me dirent-ils tous à la fois ; le bon Dieu et la Madone l’ont sauvé par miracle, et il nous a sauvés avec lui, mais cela n’importe pas plus que le nid de corneilles qui a été sauvé, ce soir-là, avec l’arbre, et dont les petits seraient tombés à terre avec lui. […] — Avant cette mort et avant celle de mon mari, poursuivit-elle d’une voix affaissée par de tristes souvenirs, nous étions trop heureux ici, mon mari, moi, Hyeronimo, mon fils, que je portais encore à la mamelle, Antonio, ma sœur et la petite Fior d’Aliza, qui venait de naître.
Le petit bouvier rattela ses bœufs au timon fleuri ; on s’embrassa sur les marches de la prison, et le cortège s’en alla sans moi, plus triste qu’il n’était venu, par les sombres rues de Lucques. […] La zampogne n’était pas encore tout à fait désenflée du vent de la noce ; elle rendit sous mon pied un reste d’air ni joyeux ni triste, mais clair et perçant, semblable au reproche d’un chien qu’on écrase, en marchant par mégarde sur sa patte endormie. […] L’air finissait et recommençait par cinq ou six petits soupirs, l’un triste, l’autre gai, de manière que cela semblait ne rien signifier du tout, et que cependant cela faisait rêver, pleurer et se taire comme à l’Adoration devant le Saint-Sacrement, le soir, après les litanies, à la chapelle de San-Stefano, dans notre montagne, quand l’orgue joue de contentement dans le vague de l’air. […] De temps en temps je m’arrêtais, l’espace d’un soupir seulement, pour écouter si l’air roulait bien entre les hautes murailles qui faisaient de la cour comme un abîme de rochers, et pour entendre si aucun autre bruit que celui de l’écho des notes ne trahissait une respiration d’homme au fond du silence ; puis, n’entendant rien que le vent de la nuit sifflant dans le gouffre, je menais l’air, de reprise en reprise, jusqu’au bout ; quand j’en fus arrivée à cette espèce de refrain en soupirs entrecoupés, gais et tristes, par quoi l’air finissait en laissant l’âme indécise entre la vie et la mort du cœur, je ralentis encore le mouvement de l’air et je jetai ces trois ou quatre soupirs de la zampogne, bien séparés par un long intervalle sous mes doigts, comme une fille à son balcon jette, une à une, tantôt une fleur blanche détachée de son bouquet, tantôt une fleur sombre, et qui se penche pour les voir descendre dans la rue et pour voir laquelle tombera la première sur la tête de son amoureux. […] CLXXIX Le bargello m’enseigna la manœuvre dans le premier cachot vide que nous rencontrâmes, à droite, en entrant dans cette triste cour.
Dans une lettre à Saint-Vincens, après la maladie de ce dernier, et en réponse à un récit que le convalescent paraît lui avoir fait de ses dispositions et impressions en présence de la mort, on lit : Je ne suis point surpris de la sécurité avec laquelle tu as vu les approches de la mort ; il est pourtant bien triste de mourir dans la fleur de la jeunesse ! […] J’ai toujours regardé comme un bien d’avoir des marques indubitables de ton amitié ; bien loin qu’elles m’aient été à charge pendant ces froideurs apparentes, elles m’en ont consolé, et je m’estimais heureux de trouver cette ressource contre mes tristes soupçons. […] Pour certaines natures sensibles et fières, la condition d’homme de lettres a cela de triste qu’elle est la seule chance d’être exposé à de certaines railleries publiques, à de certaines insultes contre lesquelles tout citoyen, autrement, est garanti et se sait inviolable.
M. de Corcelles avait été frappé de cette sorte de contradiction qu’il y avait entre le tableau vraiment assez triste de cette démocratie moderne, présente ou future, et les conclusions du livre qui tendaient à l’acceptation et à l’organisation progressive de cette même démocratie. […] Ce n’est pas seulement le découragement de moi-même, mais des hommes, à la vue chaque jour plus claire du petit nombre de choses que nous savons, de leur incertitude, de leur répétition incessante dans des mots nouveaux depuis trois mille ans, enfin de l’insignifiance de notre espèce, de notre monde, de notre destinée, de ce que nous appelons nos grandes révolutions et de nos grandes affaires… Il faut travailler pourtant : car c’est la seule ressource qui nous reste pour oublier ce qu’il y a de triste à survivre à l’empire de ses idées, etc. En ces endroits tristes, mais non plus amers, et que je voudrais plus fréquents, il s’est détendu, il a mûri, il a gagné à être roulé dans le courant des choses ; il n’est plus là si affirmatif ni si absolu.
Trois ou quatre jours auparavant, le maréchal de Belle-Isle, ministre de la guerre, ayant reçu un courrier du comte de Clermont, qui n’apportait que des détails sur la position de l’armée, jugea pourtant devoir en rendre compte immédiatement au roi ; il le trouva dans la cour du château, déjà en carrosse, prêt à partir pour le pavillon de Saint-Hubert, et il n’hésita pas à faire arrêter le carrosse pour donner les lettres à lire : « Cela dura un demi-quart d’heure, nous dit M. de Luynes, et fit un spectacle, car il n’est pas ordinaire de voir un secrétaire d’État, ni qui que ce soit, faire arrêter les carrosses du roi, et c’est peut-être la première fois que cela est arrivé, au moins depuis longtemps. » Une victoire, en effet, eût été un grand soulagement après une aussi triste campagne, et, sans réparer les fautes, elle les eût couvertes ; l’honneur du comte de Clermont eût été sauvé. […] Des bois et des haies qui étaient sur notre front auraient dû être fouillés et gardés : il n’en fut rien, et dans la journée du 23 juin, dans ce triste combat de Crefeld, le jeune Gisors, à la tête des carabiniers, eut à charger de l’infanterie qu’il perça avec une valeur incroyable ; mais il fut atteint à mort d’un coup de feu à la haie44. […] On peut voir, au chapitre IX du Traité des grandes opérations militaires par Jomini (4e édit., 1851, tome II, pages 1-38), le jugement définitif que la science militaire et l’histoire ont porté sur cette campagne de 1758, qui a immortalisé dans le plus triste sens le nom du comte de Clermont.
Je ne m’attendais pas que parler de Léonard pût redevenir une occasion qu’il fallût saisir au passage, un rapide et triste à-propos. […] L’un d’eux, dans son triste abandon, Se déchaînait contre sa rive, Et tous les échos du vallon Répondaient à sa voix plaintive. […] Dans cette triste inquiétude On passe ainsi la vie à chercher le bonheur : A quoi sert de changer de lieux et d’habitude, Quand on ne peut changer son cœur ?
On sait avec quelle force Gabriel Charmes a dénoncé les sophismes accumulés comme à plaisir dans une des discussions les plus tristes de la triste législature de 1878-1882. […] Nous faisions triste figure dans le monde, en ces années moroses. […] la Vie est triste, souillée, décevante ; elle est dure aux délicats, inclémente aux purs. […] s’écrie à bout d’illusions son triste héros, le professeur Gustave Bruchstaedt, la femme est mobile comme la plume au vent. […] Clemenceau lui-même a mis à profit les tristes circonstances que nous traversons.
L’homme est placé, par toutes ses affections, dans cette triste alternative ; s’il a besoin d’être aimé pour être heureux, tout système de bonheur certain et durable est fini pour lui, et s’il sait y renoncer, c’est une grande partie de ses jouissances sacrifiées pour assurer celles qui lui resteront, c’est une réduction courageuse qui n’enrichit que dans l’avenir. […] Quelles tristes pensées, ces analyses ne font-elles pas naître sur la destinée de l’homme !
Il est sain, il est vrai ; il est triste, il est fortifiant. […] Cependant les luttes mesquines de ces tristes années ont développé l’énergie d’André, lui ont donné le goût de l’action.
À certaines heures la folie est utile, généreuse, et sans elle on se réduit à la plus triste des médiocrités. […] Mais de nos jours combien d’hommes, tristes fanfarons de scepticisme, se font un jeu cruel d’ébranler toutes les convictions, « Ubi soliludinem faciunt sapientiam appellant. » Le mot terrible de Tacite suffit à les définir ces artisans de ruines qui ne s’arrêtant devant aucun objet de croyance se gardent bien de ménager le culte du génie : race éternelle des iconoclastes en qui je reconnais ces soldats d’Alarik qui, violents contemplateurs des Phidias et des Praxitèle, trouvaient leurs plus doux plaisirs à décapiter les marbres des dieux.
Si sa pensée habituelle est triste, sombre et noire, s’il fait toujours nuit dans sa tête mélancolique et dans son lugubre atelier, s’il bannit le jour de sa chambre, s’il cherche la solitude et les ténèbres, n’aurez-vous pas raison de vous attendre à une scène vigoureuse peut-être, mais obscure, terne et sombre ? […] L’artiste triste ou né avec un organe faible produira une fois un tableau vigoureux de couleur ; mais il ne tardera pas à revenir à son coloris naturel.
Mais que diront mes petits-enfants, lorsqu’ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce riant, mignon, efféminé, vieux coquet-là ? […] J’étois serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste.
Il y a je ne sais quoi du Job de la Bible sous l’armet du chevalier de la Triste Figure. […] triste figure, en effet, mais pour tous ceux qui ont gardé un peu d’idéal dans leur pensée, n’écrase-t-elle pas de sa hauteur et de son originalité la face vulgaire de Sancho, l’un des fils de cette mère Gigogne qu’on appelle la Sagesse du Monde, dont tous les enfants se ressemblent, qu’ils se nomment Sancho ou Panurge, Falstaff, Chrysale, Figaro, Pangloss, et même Méphistophélès ?
Ne venons donc plus, après cela, leur parler de devoir ; de beau, de choses tristes, d’hommes graves et de femmes pâles. […] Et c’est moi, presque vieux, malade, infirme, et vaguement découragé de vivre, qui écris aujourd’hui ces lignes tristes, bien tristes je vous l’assure. […] Passons bien vite sur les tristes, n’est-ce pas ? […] Ô le triste sic nos non vobis criant, c’est ici que l’on combat à cuirasse découverte ( ?) […] Ô triste, triste était mon âme À cause, à cause d’une femme.
même après la triste révolution, le feuilleton s’occupait des grandes machines de la poésie et des beaux-arts ! […] Je vous écris ceci étant bien triste, car j’ai peur que toutes les beautés de cet ouvrage ne disparaissent sous tant de mauvais vouloir. […] Sganarelle est tout aussi bien le pendant inévitable de Don Juan, que Sancho Pança est l’indispensable compagnon du chevalier de la triste figure. […] C’est une belle œuvre, et plus grande même que le poète ne l’avait rêvée, mais singulièrement triste, désolée et désolante. […] En voilà un qui est jaloux, qui est triste, qui est gai, qui est pensif, qui est amoureux pour tout dire !
Mais alors par quel singulier goût a-t-il fait choix, pour l’analyser, de ce triste et honteux penchant qui fermente au cœur d’Amaury ? […] Il faut bien l’avouer, de toutes les conditions qu’une langue peut subir dans les temps de rénovation littéraire, celle-là serait la plus irrémédiable et la plus triste. […] Sainte-Beuve n’est pas toujours dans les nuages ; les aventures qu’il se charge de raconter, les tristes habitudes et les passions de son héros le ramènent à chaque instant sur la terre. […] Comme chez toutes les nations dont la conquête et le pillage ont épuisé la sève, ses mœurs sont douces, sa physionomie est triste. […] Elle dort… Saint-Julien s’approche, mais son triste courage l’abandonne ; il ne sait que baiser respectueusement la main de la princesse.
A partir de ce jour-là, l’humanité dépouilla sa robe virile et entra dans les années de deuil et de triste expérience. […] Il est triste comme un Ancien venu trop tard. […] Mais ton visage, à moi, ne m’offrait sa lumière Que trembante, à travers le voile de mes pleurs, Car ma vie était triste et vouée aux douleurs. […] combien nous est cher Le souvenir présent, en sa douceur obscure, Du passé, même triste, et du malheur qui dure ! […] D’eux tous mon triste cœur n’a rien qui se soucie, Ou je les fuis plutôt et d’eux je me défie.
Une tradition unanime de Ferrare accuse le prieur de l’hôpital Sainte-Anne, nommé Mosti, d’avoir aggravé par sa dureté et par son mépris la triste situation du malade. […] Il put y recevoir de rares visiteurs ; le voyageur français Montaigne, en contemplant cette triste ruine, s’apitoya sur la dégradation du génie. […] Si jamais un fidèle amant vient reposer sous votre ombre, sa pitié s’éveillera à la vue de mes tristes aventures ; il dira sans doute : Ah ! […] Ces tristes et douloureux accents retentissent au cœur de Tancrède, le pénètrent, éteignent son courroux et de ses yeux arrachent des larmes involontaires. […] « En vérité », dit-il, « la vie est un triste pèlerinage, et je suis maintenant au terme du mien !
Les Tristes, ou Mélanges tirés des tablettes d’un Suicide, 1806. […] Je demande pardon de remuer de si tristes frénésies ; mais il le faut, puisque c’est de la généalogie littéraire. […] Les Tristes, écrits dans des quarts d’heure de vie errante, ne sont qu’un recueil de différentes petites pièces (prose ou vers), originales ou imitées de l’allemand, de l’anglais, et qui sentent le lecteur familier d’Ossian et d’Young, le mélancolique glaneur dans tous les champs de la tombe. Toujours mêmes couleurs éparses, mêmes complaintes égarées, même affreuse catastrophe, L’inconnu, auteur supposé des Tristes, se tue d’un coup de lime au cœur, comme Charles Munster (le peintre de Saltzbourg) se noyait dans le Danube, comme Gaston dans Adéle se fait, je crois, sauter la tête. […] C’est dans cet intervalle qu’il produisit les Tristes, et même le Dictionnaire des Onomatopées, singulière inspiration chez un proscrit romanesque, et bien notable indice d’un instinct philologique qui grandira.
Le mot, le terme, type venu on ne sait d’où, a la force de l’invisible, l’aspect de l’inconnu : De quelque mot profond tout homme est le disciple ; Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux, les mots sont les « passants mystérieux de l’âme ». […] Comme tout ce qui vient de l’âme, la poésie des Stances et des Vaines tendresses est un peu triste, très douce, toute de nuances, et pour ainsi dire voilée à la façon d’un paysage les jours de brume : — brume légère, il est vrai, où l’on voit filtrer partout la lumière des grands cieux clairs. […] Ô grand Zenon, patron de ces héros sans nombre Accoudés sur la mort comme on s’assied à l’ombre Et n’offrant qu’au devoir leur pudique amitié, Tu fus le maître aussi du divin Marc-Aurèle, Celui dont la douceur triste et surnaturelle Etait faite à la fois de force et de pitié ! […] Ailleurs encore : Triste comme un beau jour pour un cœur sans espoir. […] Je suis triste et n’y vois goutte.
Or, ne vous y méprenez pas, le fantastique dans l’histoire ne veut pas dire le faux dont tout le monde a la triste puissance ou plutôt la triste infirmité, mais c’est le faux qui fait l’effet du vrai, tant le talent lui a communiqué de mouvement, de couleur et de vie ! […] Triste spectacle, en vérité, qu’un tel spectacle, que cette décapitation de la pensée d’un homme de talent sous la guillotine morale d’un parti qui a tué sous lui, comme des chevaux de bataille, ses plus affreux grands hommes, et qui tuera aussi intellectuellement ses écrivains. […] Oui, c’est là un triste spectacle, et qu’il est inattendu, lorsqu’on se reporte aux premiers écrits de M. […] « Robespierre, dit-il, ailleurs, avait du prêtre dans sa nature… Né dans une ville de prêtres, élevé par les prêtres, qui même dès qu’il fut homme le prirent encore à eux et le firent juge d’église… dépassé par la Commune dans la question religieuse (la Commune, c’étaient Chaumette et la fête de la Raison), il devint l’homme d’Arras et de ses tristes précédents. […] Triste procédé qui pourrait dispenser la Critique de s’occuper d’un ouvrage dont le fond est déjà connu, si, d’un autre côté, le nom de l’auteur, le titre du livre et les quelques points de suture qui tiennent les morceaux dont il est composé, rapprochés, ne révélaient pas suffisamment l’éternel dessein de propagande contre lequel on ne saurait mettre trop en garde les esprits faibles sur lesquels M.
Il se mit à marcher gaiement devant eux en laissant la pauvre Fior d’Aliza, un pied levé, tout étonnée et toute triste de ne plus pouvoir continuer la danse, par un si beau matin d’automne. […] Mais, excusez-moi, le reste est si triste, qu’une pauvre femme comme moi ne pourrait plus vous le raconter sans pleurer. […] Moi, j’étais bien triste aussi, mais je me raisonnais en me disant, à part moi : Ils ne partageront du moins ni ma sœur ni sa fille, ni mon enfant, ni mon pauvre chien. […] Ma belle-sœur rentra triste et pensive à la maison ; elle me raconta l’air et les propos de l’avocat. […] Comme Jephté, dans la Bible, monsieur, qu’on dit qui alla se pleurer elle-même sur les collines, nous ne pûmes nous empêcher de nous pleurer nous tous : Fior d’Aliza, sur son beau pré vert et sur les bords fleuris de son bassin au bord de la grotte, dont elle aimait tant la chute de la source, gaie et triste, dans le bassin ; Hyeronimo, sur ses tiges presque mûres de maïs, dont il embrassait des lèvres les plus belles quenouilles en leur disant adieu dans sa pensée ; Magdalena, dans la plantation des mûriers dont les feuilles ne gonfleraient plus son tablier pour les rapporter à ses petites bêtes fileuses comme elle ; moi, sous le châtaignier qu’on nous avait coupé en quatre sur le papier, dont nous n’aurions plus que l’ombre d’un côté, et ce que l’automne fait tomber par charité sur notre herbe, et dont je n’aurais pas même une branche en toute propriété, à moi, pour m’y tailler une bière !
Un rêveur, un apôtre croit rendre service à une famille qui vivait tranquillement dans un déshonneur inconscient, en lui révélant son ignominie, en essayant d’éveiller en elle la conscience morale : et cela n’aboutit qu’aux plus tristes et aux plus inutiles catastrophes Et, de même, dans Solness le constructeur, il nous fait voir l’orgueil intellectuel induisant un homme de génie à manquer de bonté, à faire souffrir tout autour de lui, et le poussant finalement à une mort ridicule et tragique. […] Charles Bovary, après la mort d’Emma et ses tristes découvertes, dit exactement ce que dirait à sa place le moujick de Tolstoï : « C’est la faute de la fatalité. » Le moujick mêlerait peut-être à cela l’idée et le nom de Dieu. […] Quoi de plus triste dans leur sérénité que les maximes d’un Marc-Aurèle affirmant sa soumission aux lois inéluctables de la nature ? […] « L’inquiétude du mystère », mais elle est jusque dans la petite âme sensuelle et triste d’Emma Bovary. « L’inquiétude du mystère », elle est dans l’âme simple et lourde de Charles Bovary quand il dit : « C’est la faute de la fatalité ». — Et, si ce n’est l’inquiétude du mystère, c’est donc la résignation à ne pas le comprendre en somme, un sentiment consécutif à cette inquiétude, et non moins humain, et non moins navrant qui pénètre la dernière conversation, à petites phrases brèves et mornes, de Frédéric et de Deslauriers, quand ils se rappellent leur vie, et comment ils l’ont manquée, et que cela leur est presque indifférent parce qu’ils la mesurent, sans le dire, à quelque chose qu’ils ne sauraient nommer ; et quand, s’étant remémoré une anecdote honteuse et naïve de leur enfance, ils disent tranquillement et désespérément : « C’est peut-être ce que nous avons eu de meilleur » ; de meilleur, puisqu’ils n’ont eu que le rêve, et que ce rêve était le premier. […] Ils peuvent bien nous montrer le monde infiniment triste et pitoyable : ils hésitent à le montrer simplement dégoûtant, ce qu’il est pourtant aussi, ne le pensez-vous pas ?
Tout n’y est pas de cette jolie triste couleur de robe de femme qu’on appelle cendre de rose ! […] ce n’est pas toutes ces gaîtés de l’œil, de l’oreille, de l’esprit et du style, mais c’est l’impression profonde qui sort de tous ces autres contes, si tristes au fond : La Cervelle d’or, qu’on dirait de Heine ; Les Deux Auberges, qu’on ne dirait de personne que d’un homme qui sait l’horreur de l’abandon ; La Sémillante, ce récit poignant et sombre, La Sémillante, — qui ne sémille plus, engloutie avec son vieux berger, « encapuchonné et lépreux », qui lève avec sa main sa lèvre, tombant sur sa bouche muette, pour raconter l’affreux naufrage ; — L’Île des Sanguinaires, enfin, le plus original de tous ces contes, non pas le plus terrible, — car ce gracieux Daudet se permet le terrible, comme vous venez de le voir ; — L’Île des Sanguinaires, où se trouve exprimée, toute seule, la mélancolie physique de la solitude. […] Triste généalogie ! […] les idées des Jeunes, à ce triste moment de la littérature et des arts, et contre lesquelles protestait la distinction de sa nature. […] Ceci est moderne, absolument moderne… et cette triste histoire est le livre de Daudet.
Bien étroite et bien triste manière pour un prince de comprendre l’humanité et la société! […] L’admiration de Marais pour Boileau est absolue d’ailleurs, et n’excepte pas les derniers fruits de sa veine et les œuvres de sa vieillesse, pas même la triste Satire de l’Équivoque, si critiquée à sa naissance et si tombée depuis, conception étroite et bizarre, où toute l’histoire de l’humanité est renfermée dans celle de la casuistique ; l’amitié, en ceci, abuse Marais et lui fait d’étranges illusions : « J’ai vu l’Équivoque manuscrite, écrit-il à une amie (mars 1711) ; c’est un chef-d’œuvre non seulement de la poésie, mais de l’esprit humain. […] Ce qui est triste pour nous et ingrat, ce qui est terne et gris, leur paraissait relativement gai, riche, fin et incomparable. […] Par malheur, cette vignette, gravée par Picard, avait été faite au moment où le Système était florissant : on y voyait, à gauche, la France triste et affligée portant une corne d’abondance vide, d’où sortaient de maigres et secs billets ; mais, à droite, on avait figuré la Banque royale assiégée de la foule, avec une France triomphante et des Génies tenant une corne d’abondance d’où sortaient des espèces en quantité, des flots d’or et d’argent.
Triste stylite de la servitude, une dure consigne l’enchaîne à sa plate-forme. […] Les Grecs divinisèrent plus tard cette triste martyre des dieux et des hommes, mais son culte resta lugubre comme sa destinée. […] Toute chaude du souffle divin, je m’étendrai bientôt sur la terre. » Le Chœur se plaint de l’obscurité de ses prédictions ; elle lui répond par cette triste et gracieuse image, où brillent les larmes de la vierge qui ne connaîtra pas les joies de l’hymen : — « Eh bien ! […] Son langage redevient naturel et simple, elle répond aux questions du Chœur avec un triste abandon.
Jeudi 16 janvier Triste, triste cette journée, comme l’un de ces matins de sa jeunesse, où, au sortir du bal masqué, l’on a couché avec une femme, qui n’avait pas de drap à son lit, et où, au jour levant, on est entré voir l’enterrement d’un pauvre, dans l’église en face. […] Dans un retour triste sur mon frère, je ne peux m’empêcher de dire à Lafontaine, rencontré dans un corridor : « Ce n’est pas le public d’Henriette Maréchal. » Tout est accepté, claqué, et seuls, au dernier tableau, deux ou trois coups de sifflet, timides, peureux : c’est toute la protestation dans l’enthousiasme général. […] Vendredi 20 juin Je revenais du cimetière — c’est le jour de l’anniversaire de la mort de mon frère — et j’allais un peu vague, au milieu de gens lisant les journaux en marchant, et auxquels je ne prenais pas garde, quand, dans la rue Richelieu, un homme — c’était Camille Doucet, — élève au bout de son bras, d’un geste triste, un morceau de papier, et me le tend.
Cela ne pouvait convenir au caractère ni au génie de La Fontaine, et ici nous avons son avis a lui-même, il n’a pas caché son opinion : il n’a pas voulu que ses contes fussent jamais tristes, et vous savez qu’on lui a même reproché de les avoir faits un peu trop joyeux. […] On peut encore en alléguer de particulières et défendre… » Ce n’est donc pas son avis que le conte soit sentimental jusqu’au point d’en être triste et mélancolique. Le sien ne l’est jamais ; quelque-fois sentimental, mais jamais triste. […] Un roman, dites-vous, pourrait vous égayer, Triste chose à vous envoyer !
Celui qui devait être le plus animé et le plus contrasté de ses ouvrages est devenu insensiblement le plus triste et le plus funèbre. […] Mais, avant que le mal ait pris le dessus et que la manie s’en mêle, quand l’art tient encore chez lui le gouvernail, il se rend très bien compte de l’effet ; c’est un effet triste et assombri, il le veut tel ; c’est bien un jour d’hiver qu’il veut faire régner sur l’ensemble, et avec lequel il saura mettre en accord toutes les figures : J’aime bien voir là (à Venise) le caractère d’un jour d’hiver ; je ne veux pas faire de la neige, c’est trop froid ; mais je voudrais donner l’idée d’un de ces jours qui ont une poésie si je puis dire, et qui laissent dans l’âme une mélancolie profonde. […] Ils seront vus en même temps avec plus d’intérêt que si je les expose séparément ; car le caractère de celui qui m’occupe paraîtrait triste et monotone, si on ne pouvait faire de comparaison avec un autre où j’aimerais à exprimer le bonheur.
À la verdure près, c’est l’hiver, avec l’affligeant contraste de plus ; et même quand il y a splendeur, l’été, jusque dans ses jours de solennité, a toujours, il le sent, « quelque chose de triste, de voilé, de borné. […] Dans ses excursions par le pays et quand il traverse les landes, c’est bien alors que la nature lui apparaît maigre et triste, en habit de mendiante et de pauvresse ; mais pour cela il ne la dédaigne : il a fait sur ce thème des vers bien pénétrants et où l’âpreté du pays est rendue au vrai ; il la comprend si bien, cette âpreté, il la serre de si près qu’il en triomphe. […] Nous perdons par notre faute une partie, et la plus grande, des bienfaits du Créateur ; il nous environne de ses dons, et nous refusons d’en jouir par je ne sais quelle triste obstination à nous tourmenter nous-mêmes.
Il avait montré comment une bonne armée se crée et s’organise, il nous montre aujourd’hui comment elle se fond et se défait ; on sait mieux, après l’avoir lu, ce qu’il faut entendre par ces mots de corruption et de décadence ; on s’en fait une trop juste idée, en même temps qu’on sait aussi faire la part des exceptions, de la valeur, du désintéressement et de l’intégrité, qui se personnifient en quelques nobles figures, même aux plus tristes moments de cette monarchique histoire. […] Je n’ai pas envie d’y revenir : on ne repasse pas deux fois à plaisir sur ces tristes tableaux. […] 70 La triste bataille de Crefeld (23 juin), où les troupes firent si bien leur devoir, mais où elles furent si mal commandées, est exposée de point en point ; et, quoique le hasard de la guerre soit aveugle, on a quelque peine à ne pas mettre sur le compte du général en chef et de ses conseillers ou, comme on disait ironiquement, de M. l’abbé et de ses novices, cette mort du comte de Gisors qui n’était plus alors colonel de Champagne, mais qui venait d’être promu au commandement des carabiniers.
Il sera lyrique aussi, bien qu’avec moins de grandeur et de gloire, celui qui, vivant dans les loisirs de l’abondance et à la cour des tyrans, chantera les délices gracieuses de la vie et les pensées tristes qui viendront parfois l’effleurer dans les plaisirs. […] Or, sans faire d’hypothèse gratuite, sans demander aux hommes plus que leur siècle ne comporte, on conçoit, ce me semble, dans cette atmosphère de souvenirs et d’affections, une âme tendre, chaste, austère, effrayée de la contagion croissante et du débordement philosophique, fidèle au culte de la monarchie de Louis XIV, assez éclairée pour dégager la religion du jansénisme, et cette âme, alarmée, avant l’orage, de pressentiments douloureux, et gémissant avec une douceur triste ; quelque chose en un mot comme Louis Racine, d’aussi honnête, et de plus fort en talent et en lumières. […] Rousseau dit : J’ai vu mes tristes journées Décliner vers leur penchant ; Au midi de mes années Je touchois à mon couchant.
« Enfin le bon Voltaire, dit-elle, vint à midi ; il parut fâché jusqu’aux larmes de l’état où il me vit ; il me fit de vives excuses ; il me demanda beaucoup de pardons, et j’eus l’occasion de voir toute la sensibilité de son âme. » Depuis cet instant, Voltaire fit tout pour qu’elle oubliât la triste scène dont il était bien honteux. […] Mais, à partir de ce jour, le charme de Cirey fut tout à fait rompu et détruit pour la triste voyageuse : elle ne s’y considéra plus que comme en prison et dans une véritable geôle, jusqu’à l’heure où elle put en sortir. […] Les dernières pages de ces lettres de Cirey sont tristes, et démentent bien les premières.
Thérèse Raquin était un drame bourgeois, sombre et violent, sans nuances, dont j’ai entendu dire par une dame, à cette époque éloignée : « Ce serait bien ennuyeux, si ce n’était pas si triste. » Le don d’apitoyer par l’horreur se montrait déjà. […] Les personnages de Zola sont des abstractions encore plus vides, vivifiées par un rêve triste de matérialiste grossier, au lieu de l’être par le rêve bleu d’un idéaliste en extase. […] Le pessimisme et la misanthropie romantiques, si nobles chez la plupart des grands hommes de 1830, sont devenus chez lui une passion chagrine de dénigrement systématique, une passion d’horreur à l’endroit de l’humanité, qui a quelque chose de haineux, d’entêté, d’étroit, de sombre et de triste comme une manie, et qui en vérité chez Zola n’est qu’une manie d’aveugle ou de myope.
Aux générations frivoles de l’Empire, éprises de gaudrioles et de flonflons, succédait une génération sérieuse, triste et concentrée ; Mallarmé commentait Wagner, éveillait un frisson nouveau. […] Ma Triste, les oiseaux de rire Même l’été ne volent pas Au Mutisme de mort de glas Qui vint aux grands rameaux élire, Tragique d’un passé d’empire, Un seul néant dans les amas, Plus ne songeant au vain soulas Vers qui la ramille soupire.
Hors du bas-relief, à droite, contre un pilastre, une figure de ronde-bosse tenant une balle dans la main, foulant du pied une couronne, son autre bras ramené sur son ventre, y soutenant sa draperie, ce qui lui donne l’air d’une fille grosse, et je ne voudrais pas jurer qu’il n’en fût quelque chose, car elle est triste. […] C’est celle qui verse aux dieux l’ambroisie, ce breuvage qui alume dans les âmes divines une joie éternelle, et elle est ennuyée et triste.
Le premier volume dégoûtera de ceux qui vont suivre, et c’est la gloire de Madame Sand qui paiera les frais de cette triste spéculation. […] Elle se plaint de son mari, « triste comme un bonnet de nuit ».
Quand on a lu ce triste et traître morceau, impossible de se méprendre sur l’incurable faiblesse d’esprit d’un homme qui a osé écrire au front de son livre les mots d’histoire et de philosophie religieuse et qui, précisément dans ces deux grands ordres d’idées, ne procède que par sophismes vulgaires et a démontré qu’il n’y avait en lui que la pauvreté de l’erreur. […] Taillandier, qui est un professeur et un lettré, n’a pu rester en de si profondes ignorances ou tomber dans des oublis si légers, et je sais bien quel mot la Critique pourrait lui infliger, si elle ne savait aussi la triste faculté de se faire illusion qu’ont les hommes, et ceux-là même dont la tête a le moins de fécondité !
Triste et impuissante mascarade, qui n’est justifiée ni par l’exemple de Goethe vieillissant et chez qui la forte inspiration tarissait, ni par celui de M. […] Mais quel triste destin pour un poète d’être comparé même à de grands peintres dont il n’est jamais avec les mots que le pâle reflet !
Qui ne sait que la plus triste et la plus basse réaction s’est faite contre lord Byron, contre son génie et sa gloire ? […] Le Clown triste, la Nostalgie de la Croix, les Vers à l’auteur des Va-nu-pieds, Michel-Ange, les Vers écrits à Florence, et enfin ceux qui terminent le volume : À Leconte de Lisle, sont réellement des vers.
Charles Fuster Il n’y a dans ce livre que de l’amour, amour heureux et fidèle, puis amour triste, mais fidèle encore.
Certaines pièces plus personnelles, — comme Sur mes vers — ont un bel accent triste et contenu.
Charles Fuster Ce livre a été écrit sous les toits, devant un ciel triste, par un poète qui souffre, qui souffre véritablement et dont un mal cruel rend la voix plus étrangement suave… []
Ce vers & demi de Boileau, Qu’on vit, avec Faret, Charbonner de ses Vers les murs d’un Cabaret, est le seul monument qui nous reste de sa triste célébrité : il a été cependant Poëte, Traducteur, Historien, Académicien.
Julien Leclercq Des drames qui sont des poèmes et des poèmes qui sont des drames chants, chœurs de cœurs où le sien, triste et sage, s’impose et organise.
Le Deuil, Crispin Médecin, le Cocher supposé, sont restées au Théatre, & servent quelquefois à dédommager le Parterre de nos lugubres Pantomimes, tristes enfans de la Comédie larmoyante.
Quand mourut son triste mari, elle manqua perdre la raison, et on entendait ses cris dans la rue. […] Byron a trouvé la sienne, qui est celle des sentiments tendres et tristes ; c’est une lande, et pleine de ruines, mais il est chez lui, et il est seul. […] Triste héros, qui pour toute œuvre parle, a peur, étudie les nuances de ses sensations et se promène ! […] » Elle parle, quelle triste et douteuse réponse ! […] Nous étions tristes comme eux, et enclins comme eux à la révolte.
Était-ce le résultat de sa vie incessamment passée dans les forêts face à face avec la triste et sévère nature de ces déserts ? […] comme tout était morne et triste ! pas seulement triste, mais muet et menaçant. […] Et Lavretzky ne put s’arracher avant le soir à la contemplation de cette vie qui s’écoulait ainsi ; les tristes souvenirs du passé fondaient dans son âme comme la neige du printemps. — Et, chose étrange ! […] Triste consolation !
Il a cru sans doute l’emporter, par le volume, sur son prédécesseur ; triste avantage qui ne fait pas oublier les défauts de critique & de style, qui, au contraire, les fait mieux sentir & moins pardonner.
Des commencemens foibles ne doivent pas toujours tirer à conséquence ; mais quand le génie poétique manque de vigueur dans la jeunesse, c’est un triste préjugé pour la suite.
Indiana est une créole de l’île Bourbon, une créole triste et pâle, qui a du sang espagnol dans les veines ; une Indienne malade du mal d’Europe, menue, frêle et fluette (gracilis) ; âme souffrante, étiolée, avide d’un amour qu’elle attend et qu’elle n’espère plus ; organisation débile, défaillante par elle-même, peu sensuelle, tout éthérée, toute soumise à l’âme, et capable, quand il le faudra, des plus robustes épreuves. […] La triste Indiana s’ennuie comme toujours et garde le silence ; sir Ralph s’ennuie peut-être, mais on le dirait impassible sous son masque vermeil et fleuri.
C’est pourtant Bossuet qui a dit : « Calvin a le style triste ». […] Mais Calvin est moins « triste » que Bourdaloue.
Une totale indifférence pour la vie extérieure et pour le vain appareil de « confortable » dont nos tristes pays nous font une nécessité, était la conséquence de la vie simple et douce qu’on menait en Galilée. […] L’Évangile, de la sorte, a été le suprême remède aux ennuis de la vie vulgaire, un perpétuel sursum corda, une puissante distraction aux misérables soins de la terre, un doux appel comme celui de Jésus à l’oreille de Marthe : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes de beaucoup de choses ; or une seule est nécessaire. » Grâce à Jésus, l’existence la plus terne, la plus absorbée par de tristes ou humiliants devoirs, a eu son échappée sur un coin du ciel.
Cela est vrai ; et quand on le possède, on n’est pourtant qu’un rieur, un plaisant, et c’est un triste rôle. […] Vous m’êtes en dormant un peu triste apparu.
C’est que le talent de cette femme qui a eu sa minute de célébrité ne fut pas assez grand pour l’arracher à cette triste et vulgaire condition de bas-bleu, dans laquelle reste toute femme égarée dans les lettres, qui n’a pas nettement du génie. […] » Et enchantée de cette idée, bonne tout au plus pour une comédie de société, elle ajoute plus bas : « Il n’est pas de grand talent, de grand personnage plus choyé que l’homme ridicule dont la manie doit occuper et divertir une société entière, toute une réunion de moqueurs… » Mais s’il y a d’autres ridicules que des ridicules gais, s’il y en a de tristes, par exemple, sa thèse à l’instant même s’ébrèche sur le bonheur des gens ridicules qui rappelle, du reste, un peu trop un autre livre, le livre de M.
Triste production et triste résultat !
………………………………………………… J’ai marché devant vous, triste et seul dans ma gloire, Et j’ai dit dans mon cœur : Que vouloir à présent ? […] que le son du cor est triste au fond du bois !
C’est un buveur doux, et triste, et rassis. […] la douceur résignée, soit dans la joie, triste joie !
C’est un Arioste triste, aussi féerique et aussi délicieusement fou que l’autre Arioste, qui montait l’hippogriffe ! […] — exilé comme l’homme de Florence, mais qui a des manières de parler de sa patrie encore plus tristes que celles du Dante, sous cette gaieté, mensonge et vérité, qui lui étreint avec une main si légère et des ongles si aigus le cœur !
C’est bien là le paradis charmeur foulé par les pieds de Lilith, plein de perversités, débordant de joie et que le mensonge triste n’a pas encore fané.
Malheureusement pour lui, le milieu dans lequel il se trouva plongé dès son arrivée à Paris l’entraîna vers les tristes voies de la politique, qui fit de lui le rédacteur en chef et l’inspirateur du Père Duchêne pendant les journées sanglantes de la Commune.
Bastide a subi un si triste sort ?
Elle est vêtue d’une espèce de deuil violet, dans lequel l’élégance de sa personne a une grâce sévère, une grâce triste. […] Il y a déjà chez lui un mourant qui ne se réveille un peu et ne s’échappe de son triste et concentré lui-même, que quand il entend parler vers et poésie. […] Il nous dit que quand il est triste, mal disposé, vingt vers du poète Pouchkine le retirent de l’affaissement, le remontent, le surexcitent : cela lui donne l’attendrissement admiratif qu’il n’éprouve pour aucune des grandes et généreuses actions. […] Enfin presque invisiblement descend sur lui, l’enveloppe, et touche à ses attitudes, à ses gestes, à son dire, sans qu’on puisse bien la définir par des mots, la triste humilité particulière à l’enfance des vieillards. […] — Oh, tout au plus à un Anacréon triste !
Si je la niais, l’histoire du genre humain tout entier serait là devant moi, comme elle est là devant les progressistes indéfinis, pour me donner le triste démenti des réalités aux imaginations. […] Triste titre à l’estime et à l’amour des peuples incendiés, et livrés, après l’œuvre des Érostrates, à la merci des Marius du Nord ou du Midi ! […] ce n’est pas moi qui vous réponds ici ; c’est une triste date. […] Non, d’une robe, au bal, tu tombas de toi-même Sous les pas distraits des danseurs, Dans une nuit d’ivresse, ô triste et pâle emblème De ces fleurs vivantes, tes sœurs ! […] Triste mort pour celui que l’on croyait un grand homme !
Comme Tarquin, je sais abattre d’une main courageuse ces fleurs de la vie qui s’élèvent au-dessus des autres, et ce triste nivellement m’est devenu si familier, que je remplis ma tâche sans murmure et sans plainte. » Il faut partir de là avec elle, sans quoi on est arrêté à tout instant et on ne la suit pas. […] Une femme d’esprit, Mmede Lambert, a bien écrit quelque chose pour elles et à leur intention ; mais ce n’est que sage et d’une sagesse un peu triste, qui n’est que philosophique et humaine. […] Je me suis rappelé Homère, indiquant toujours comme le signe dela triste humanité, de n’avoir pu trouver « de remèdeni contre, la vieillesse ni contre la mort. » Je me suisrappelé ce cri échappé du milieu de ses triomphes augénéral victorieux de l’armée d’Italie, en présence d’uneépidémie caniculaire : « Misérables humains que nous sommes, nous ne pouvons qu’observer la nature, mais non la surmonter !
Une voix pure, mélodieuse et savante, un front noble et triste, le génie rayonnant de jeunesse, et, parfois, l’œil voilé de pleurs ; la volupté dans toute sa fraîcheur et sa décence ; la nature dans ses fontaines et ses ombrages ; une flûte de buis, un archet d’or, une lyre d’ivoire ; le beau pur, en un mot, voilà André Chénier. […] Il compare sa muse jeune et légère à l’harmonieuse cigale, amante des buissons, qui, De rameaux en rameaux tour à tour reposée, D’un peu de fleur nourrie et d’un peu de rosée, S’égaie… et s’il est triste, si sa main imprudente a tari son trésor, si sa maîtresse lui a fermé, ce soir-là, le seuil inexorable, une visite d’ami, un sourire de blanche voisine, un livre entr’ouvert, un rien le distrait, l’arrache à sa peine, et, comme il l’a dit avec une légèreté négligente : On pleure ; mais bientôt la tristesse s’envole. […] Cela ne sera vu que de moi, et je suis sûr que j’aurai un jour quelque plaisir à relire ce morceau de ma triste et pensive jeunesse. » Oui, certes, Chénier relut plus d’une fois ces pages touchantes, et lui qui refeuilletait sans cesse et son âme et sa vie, il dut, à des heures plus heureuses, se reporter avec larmes aux ennuis passés de son exil.
Richepin se croit obligé d’être triste. […] D’ailleurs il ne sait pas être triste. […] Quel triste monde M.
Malheureusement, dans la vie de la pensée, c’est aussi triste que dans celle du cœur : on ne retrouve pas ce qu’on a laissé, même quand on y revient. […] Alfred de Vigny n’est point désespéré pour les raisons sentimentales et romanesques qui font les désespérés de la terre ; mais pour une raison d’une tout autre noblesse, pour une raison métaphysique, une raison qui est une idée, et du mutisme de laquelle, quand il l’a sans cesse interrogée, il ne prit son parti jamais… Pour vous en convaincre, lisez cette page si triste et si belle, triste comme tout ce que Pascal a écrit.
Aujourd’hui je suis triste. […] …………………………… Je ne puis oublier que je suis seule ici, Que je suis triste et que je n’aime qu’une morte. […] ce cœur triste, ce cœur fou, Que ne puis-je, comme un caillou, Le saisir, l’arracher d’un coup Et le lancer je ne sais où ! […] Pourquoi n’es-tu jamais triste ? « Si tu m’aimais, tu serais triste, comme moi je suis triste depuis que je t’aime, parce qu’on veut, on veut quelque chose, on ne sait pas ce qu’on veut. » La campagne, qu’elle sait décrire d’une façon spontanée et personnelle, lui fait songer aux Charmettes et à Mme de Warens ; les meubles de sa chambre sont « lourds et ornés comme on en voit sur la scène dans les comédies de Molière ».
poëte au triste front, Tu rêves près des ondes, Et tu tires des mers bien des choses qui sont Sous les vagues profondes !
Comme Barbey d’Aurevilly, Baudelaire et Villiers de l’Isle-Adam, il fut triste après avoir consenti aux déchéances de la chair. […] Il regarda la Butte Montmartre et les tristes Batignolles avec une tendresse amusée. […] Ailleurs, quelle triste halte sur la berge de la Seine ! […] La beauté de la vierge est séduisante et un peu triste, presque décourageante, étant si tendre, si frêle. […] Nous avons l’imagination vive, et, pour nous, le Devoir tout nu a une triste figure.
Henri Degron Qu’ajouter, sinon dire de relire ses poèmes empreints du charme triste qui semble prédestiné à ceux qui vont partir, et ces pages d’une beauté sûre d’un écrivain déjà maître de sa langue, qui sont Un portrait du duc d’Albe, et les Trianons d’automne.
Et dire à tous, devant ton œuvre triste et pure, En me portant garant de ta sincérité : « Vous entendez le cri ; moi, j’ai vu ta blessure !
« Le lendemain, à la cérémonie, écrit l’ambassadeur, je m’aperçus d’étranges nuages de physionomie entre elle et son mari, ce qu’elle me voulut excuser en me disant que, si je la voyais triste, c’était pour ce qu’elle n’avait pas sujet de se réjouir, ne désirant que la mort ! […] Cette demeure féodale était solennelle et triste comme l’heure de la mort qui s’approchait. […] — Je n’aurai donc que mon Seigneur Jésus pour consolateur », reprit-elle avec une fermeté triste ; et elle les congédia. […] Certainement vous ne refuserez ni à moi ni à eux cette triste satisfaction. […] Ses filles lui rendirent ces tristes soins en pleurant.
Du reste, l’oubli que nous prédisons à ces tristes poésies sera du respect encore. […] Et encore : Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nécessaires, Seigneur, quand on a vu dans sa vie, un matin, ………………………………………………… Apparaître un enfant, tête chère et sacrée, Petit être joyeux, Si beau qu’on a cru voir s’ouvrir à son entrée Une porte des cieux ; Que c’est la seule joie ici-bas qui persiste De tout ce qu’on rêva, Considérez que c’est une chose bien triste De le voir qui s’en va ! […] Cela est triste à dire, mais cela est mérité. […] et nous nous dîmes que ce serait là un triste spectacle, une triste chose à constater d’une manière définitive.
Dans le dernier surtout, il s'éleve, avec raison, contre cette manie de basse plaisanterie, qui ne sauroit être qu'un triste reste de la barbarie où nous avons vécu si long-temps.
] né à Besançon, Auteur de plusieurs Drames médiocres qui n’ont eu aucun succès, malgré le goût de la multitude pour les tableaux tristes & déchirans.
La malade présente tour à tour deux états, l’un triste, l’autre gai ; dans l’état gai, elle se rappelle tous les états antérieurs, gais ou tristes ; dans l’état triste, elle ne se rappelle que les états tristes, elle n’a aucun souvenir des états gais.
Comme conseil de style, on n’a qu’à renvoyer à l’auteur ses propres paroles : « Un écrivain qui a quelque souci de la postérité, dit-il dans sa remarquable préface, cherchera sans cesse à purifier sa diction, sans effacer toutefois le caractère particulier par lequel son expression révèle l’originalité de son esprit ; le néologisme n’est d’ailleurs qu’une triste ressource pour l’impuissance. […] Cette impuissance d’expression dont on a conscience est triste, mais souvent inévitable.
» Ce Job de la diplomatie savait tenir contre la misère avec la gaité de Beaumarchais, mais il ne savait plus qu’être triste devant l’abandon d’un gouvernement, stupide de cœur comme de tête, qui ne lui donnait ni mission réelle, ni instructions, et, en échange d’admirables conseils demandés pour ne pas les suivre, lui renvoyait d’ordinaire d’ineptes duretés… Ah ! […] C’est là l’histoire de Joseph de Maistre que ces lettres ne nous racontent pas en se passionnant, mais montrent avec une éloquence inouïe, gaie ici, triste là, ironique plus loin, mais toujours aimable et respectueuse !
Le triste miroir que Thureau-Dangin leur apporte, ils ne s’y regarderont pas ! […] Et le gouvernement multiple et anarchique des Assemblées, le gouvernement unitaire, — insulté quarante ans, chose grotesque et triste !
Félix Rocquain est un triste glorificateur de la Révolution française. […] C’est un triste glorificateur de la Révolution française !
II Et ce serait une intéressante page de biographie à écrire et qui éclairerait la Critique… M. l’abbé Gorini, au doux nom italien, est un prêtre de Bourg qui a passé la plus longue partie de sa jeunesse et de sa vie dans un des plus tristes pays et une des plus pauvres paroisses du département de l’Ain, si pour les prêtres qui vivent, les yeux en haut et la pensée sur l’invisible, il y avait, comme pour nous, des pays tristes et de pauvres paroisses, et si même la plus pauvre de toutes n’était pas la plus riche pour eux !
Triste façon, allez ! […] Pour celui-ci, en effet, il lui suffira de l’abandonner à l’ennui qu’il inspire et qui doit accabler ceux qui liront son triste drame.
Il fait partie de la coterie des tristes ; car il y a sous Napoléon III la coterie des Tristes, comme sous Louis XIII il y avait celle des Importants.
C’est un nuptique, certes, et c’est même l’adepte des très hautes sciences qu’une triste mode est de railler sans les connaître.
La gloire qui en résulte est préférable à la triste célébrité qu’on acquiert par de grands talens, & qu’on obscurcit par de grands abus.
Il est vrai que la maniere de penser, de disserter, de moraliser, est un titre assuré pour plaire aux tristes Penseurs de notre temps ; mais encore faudroit-il savoir assaisonner ses pensées, ses dissertations, sa morale, les embellir des graces du style, & les présenter ainsi parées au Lecteur, qui n’estime que ce qu’il peut goûter.
Nous ignorons ce détail, mais en serions bien triste. […] Suis-je pas triste d’elle ? […] Aux sensualités sublimes succèdent les heures tristes que tourmentent les alarmes de la réflexion. […] Or il est triste et même une sorte d’âpre désespoir traverse ces strophes égales. […] Il y a dans ces poèmes un charme triste et mortel.
Et le triste jour, reflété par cette triste peinture, tombe morne et glacé sur les crânes d’en bas. […] Aussi, quand on parle d’aller à un bal à Bougival, je m’enfuis et traverse Paris, me cognant à la joie et à l’ivresse des foules, revenant du Grand Prix, et je marche là-dedans, triste, triste, triste. […] Il m’a semblé en interrogeant mon triste cerveau, que je n’avais plus en moi la puissance, le talent de faire un livre d’imagination, et j’ai peur… d’une œuvre que je ne commence plus avec la confiance que j’avais, quand lui, il travaillait avec moi. […] Vendredi 10 décembre Jamais je n’ai vu un spectacle plus triste : une femme en cheveux blancs, une aïeule mendiant près de tous, dans la boutique de Dentu, des réclames, dit la malheureuse, pour se faire un nom.
Ainsi nul œil, Ulric, n’a pénétré les ondes De tes douleurs sans borne, ange du ciel tombé ; Tu portes dans ta tête et dans ton cœur deux mondes, Quand le soir, près de moi, tu viens triste et courbé.
Ce n’est ni l’imagerie charmante de Max Elskamp, ni la gravité triste de Verlaine.
Nous ne croyons pas aggraver, par cette expression, le sort de cette triste famille, destinée à vivre peu de temps, étant le fruit d’une Muse froide, foible & décharnée, dont la postérité ne pouvoit être qu’éphémere.
. — Expansion du naturel énergique et triste. […] Beaucoup sont des viveurs, des viveurs tristes, sortes de Musset et de Murger, qui s’abandonnent et s’étourdissent, capables des rêves les plus poétiques et les plus purs, des attendrissements les plus délicats et les plus touchants, et qui, néanmoins, ne savent que miner leur santé et gâter leur gloire. […] Elle chante — les plus tristes choses que jamais une oreille ait entendues, — puis soupire et chante encore. […] Il n’est que profond et triste ; la source de la vie est tarie, voilà tout ; elle ne vit plus, parce qu’elle ne peut plus vivre ; tout s’en va par degrés, la santé, la raison, puis l’âme ; au dernier moment, elle délire, et on la voit venir échevelée, les yeux tout grands ouverts, avec des paroles entrecoupées. […] — Je suis capable de vous pardonner avant que vous le demandiez. — En vérité, j’en suis capable, car c’est fait. » Quelqu’un peut-il résister à ce sourire si doux et si triste ?
Triste plaisir ! […] Quelle triste aventure cependant, et quel spectacle malheureux ! […] Elle est plus triste que celle de Ninon de Lenclos. […] Ce brillant Versailles était devenu si lourd, si triste, si pédant, si cagot ! […] En effet, quelle triste et insipide comédie !
Baour-Lormian est un de nos meilleurs versificateurs ; son style n’est cependant remarquable par aucun de ces efforts, aucune de ces tentatives qu’on observe dans celui de la plupart de nos poètes à la mode, tout est naturel et simple dans les vers de M. de Lormian… Le fond sur lequel roulent ces Veillées est bien triste et bien sombre : il ne peut plaire qu’aux âmes sensibles et mélancoliques qui aiment à entendre les Muses soupirer des plaintes sublimes et moduler de tendres regrets ; elles y trouveront, dans de beaux vers, l’expression la plus parfaite des sentiments dont elles se nourrissent, et chériront le poète aimable dont les chants mélodieux s’accordent si bien avec cette voix secrète de douleur qui retentit toujours au-dedans d’elles-mêmes.
En sortant de la Chambre des horreurs de son livre, on emporte cette pensée triste, et consolante à la fois, que le vice et le crime connaissent la souffrance, et que les monstres sont à plaindre.
Parmi ses Impressions de nature et d’art, elle a jeté, comme des fleurs entre les pages, des vers d’une grâce triste, d’une couleur fine, d’une facture minutieuse et savante, délicatement ouvragés.
Charles Guérin J’estime l’Âme antique, parce que c’est un livre simple et de formes sereines ; il n’apaisera point ceux qui sont tristes, pas plus qu’il n’inquiétera ceux qui sont calmes, mais il flattera les esprits classiques qui aiment la nature vue à travers les bons auteurs.
Raynaud n’a noté le charme triste du souvenir.
Léon Barracand Les âmes mélancoliques ont une heure, une saison qu’elles préfèrent, — l’heure où se lève l’astre des nuits, la triste et douce saison d’automne.
Je ne me verrai plus, par un triste réveil, Exposée à sentir les tourmens de la vie.
N’allons pas nous figurer cependant sous un trop triste aspect le grand empereur du xvie siècle, au moment où il sortait de cette séance de renonciation solennelle et attendrissante. […] Triste marque d’influence ! […] Cet enfant qui promettait un héros ne paraît pas avoir égayé un instant cette triste demeure.
N’isolent-ils point comme à plaisir ce qui est extrême et pénible dans l’impression causée, ce qui est exclusivement vrai d’une vérité triste, nue, affreuse ? […] Et cette idée me rend triste. » Si j’avais à tracer une histoire de l’élégie et de l’amour, je ne voudrais pas d’exemple plus piquant pour montrer où en vient l’imagination qui caresse en tout son rêve d’art ; que le cadre domine, et que la manière enchante. […] Senac de Meilhan n’eût pas désavoué leur triste et amère pensée sur la vie : « Qu’est-ce que la vie ?
Il était triste encore quand, après la foire, où il avait rempli sa petite bourse en portant des paquets, il la donnait à sa mère, et qu’il voyait celle-ci la prendre avec soupir en disant : « Pauvre enfant, tu viens bien à propos. » La pauvreté s’annonçait ainsi par de rares pensées, que bientôt dissipait la légèreté de l’âge. […] Jasmin seul reste pensif et cherche à s’assurer de ce qu’il soupçonne à travers le triste sourire de sa mère. […] Enfin on est à l’église ; le temps s’est levé, il fait soleil, et pourtant il pleut ; la noce arrive : Angèle, toujours étourdie et ne pensant qu’à sa croix d’or ; Baptiste, muet, triste comme la veille.
Mais le lendemain le lévrier fidèle et couché ne lui laissait aucun doute et la poursuivait de tristes et amères langueurs. […] Elle voudrait la lettre heureuse pour lui, et elle la craint heureuse ; elle est déchirée si elle l’a vu sourire aux premières lignes (car en ces cas d’attente il décachetait brusquement), et s’il lui semble plus triste après avoir parcouru, elle demeure triste et déchirée encore.
Une absence complète du sentiment de la nature, aboutissant à quelque chose de sec, d’étroit, de farouche, a frappé toutes les œuvres purement hiérosolymites d’un caractère grandiose, mais triste, aride et repoussant. […] Le plus triste pays du monde est peut-être la région voisine de Jérusalem. […] C’est, je crois, la « Vallée des pleurs », ou des eaux suintantes, chantée comme une des stations du chemin dans le délicieux psaume 201, et devenue, pour le mysticisme doux et triste du moyen âge, l’emblème de la vie.
Mme Du Deffand en était là, aveugle, ayant un appartement dans le couvent de Saint-Joseph. rue Saint-Dominique (quelques chambres du même appartement qu’avait occupé autrefois Mme de Montespan, la fondatrice) ; elle avait soixante-huit ans ; elle vivait dans le très grand monde, comme si elle n’était pas affligée de la plus triste infirmité, l’oubliant tant qu’elle le pouvait, et tâchant de la faire oublier à tous à force d’adresse et d’agrément ; se levant tard, faisant de la nuit le jour ; donnant à souper chez elle ou allant souper en compagnie, ayant pour société intime le président Hénault, Pont-de-Veyle, le monde des Choiseul dont elle était parente, les maréchales de Luxembourg et de Mirepoix, et d’autres encore dont elle se souciait plus ou moins, lorsque arriva d’Angleterre à Paris, dans l’automne de 1765, un Anglais des plus distingués par l’esprit, Horace Walpole : ce fut le grand événement littéraire et romanesque (pour le coup, c’est bien le mot) de la vie de Mme Du Deffand, celui à qui nous devons sa principale correspondance et tout ce qui la fait mieux connaître. […] D’autres fois elle est triste, amère, et jette sur la vie un coup d’œil désespéré : Ah ! […] Le fidèle secrétaire Viart, qui venait de l’écrire, ne put la relire tout haut à sa maîtresse sans laisser éclater ses sanglots ; elle lui dit alors ce mot si profondément triste dans son naïf étonnement : « Vous m’aimez donc ?
Il y veut de la joie, de la légèreté, de la douceur ; il en bannit la tristesse et l’âpreté : « La piété, disait-il, n’a rien de faible, ni de triste, ni de gêné : elle élargit le cœur ; elle est simple et aimable ; elle se fait tout à tous pour les gagner tous. » Il réduit presque toute la piété à l’amour, c’est-à-dire à la charité. […] Je finis par un acte de protestation tiré de votre ami Pline le Jeune : Neque enim amore decipior… C’est-à-dire : « L’affection ne m’aveugle point, il est vrai que j’aime avec effusion, mais je juge, et avec d’autant plus de pénétration, que j’aime davantage. » Cette correspondance de Fénelon avec le chevalier Destouches nous montre le prélat jusque dans ces tristes années (1711-1714) se délassant parfois à un innocent badinage et jouant, comme Lélius et Scipion, après avoir dénoué sa ceinture. […] Apprenant la mort de la princesse, qui précéda de si peu celle de son élève, Fénelon écrivait à Destouches (18 février) : Les tristes nouvelles qui nous sont venues du pays où vous êtes, monsieur, m’ôtent toute la joie qui était l’âme de notre commerce : Quis desiderio sit pudor… Véritablement la perte est très grande pour la Cour et pour tout le royaume.
« Je suis un triste oiseau, dit avec raison Beaumarchais, car je n’ai qu’un ramage, qui est de dire, depuis cinq mois, à tous les ministres qui se succèdent : Monsieur, finissez donc l’affaire des armes qui sont en Hollande ! […] Le triste motif qui m’y ramène est l’opposé de celui qui me la fit construire, le besoin d’économie. […] Si la conversation roulait sur ses ennemis, d’ordinaire il coupait court : Nous avons, disait-il à son ami Gudin, un meilleur emploi à faire de nos conversations : elles deviendraient tristes, au lieu d’être amusantes ou instructives. — Ils font leur métier, faisons le nôtre, disait-il encore.