En province, à Paris même, si l’on n’y est pas plus ou moins mêlé, on ignore ce que c’est au fond que la presse, ce bruyant rendez-vous, ce poudreux boulevard de la littérature du jour, mais qui a, dans chaque allée, ses passages secrets. […] Des aiguillons respectables s’en mêlent. […] Desnoyers, qui a su conserver dans la mêlée la plus active des intentions droites et des habitudes élevées de caractère. […] Cette littérature en un mot, qu’on est fâché d’avoir tant de fois à nommer industrielle quand on sait quels noms s’y trouvent mêlés, a eu le vouloir et les instruments d’innovation, les capitaux et les talents, elle a toujours tout gaspillé : l’idée morale était absente, même la moindre ; la cupidité égoïste d’un chacun portait bientôt ruine à l’ensemble. […] Pour conclure : deux littératures coexistent dans une proportion bien inégale et coexisteront de plus en plus, mêlées entre elles comme le bien et le mal en ce monde, confondues jusqu’au jour du jugement : tâchons d’avancer et de mûrir ce jugement en dégageant la bonne et en limitant l’autre avec fermeté.
Eynard et les pièces qu’il produit, de ce besoin et aussi de ce talent inné de Mme de Krüdner, et combien elle s’entend de bonne heure à la mise en scène du sentiment : j’en suis presque effrayé à certains endroits, quand je songe à combien de choses cet art secret a pu se mêler insensiblement depuis, sans qu’elle-même s’en rendît peut-être bien compte. […] Je travaillerai auprès de Bernardin de Saint-Pierre, de Chateaubriand, d’une foule d’étrangers de ma connaissance, et nous réussirons, car les intentions pures réussissent toujours. » Là est surtout ce qui me choque, le jargon de pureté et de piété qui se mêle à de tels manèges. […] Dès cette époque, elle avait l’habitude de mêler Dieu à toutes choses, à celles même auxquelles sans doute il aime le moins à être mêlé. […] Eynard s’autorise, à cet endroit, du témoignage de M. de Gérando, qui avait conduit Mme de Krüdner à Saint-Lazare, et il me réprimande doucement du sourire que j’ai mêlé à mon éloge ; mais cette critique, qu’il le sache bien, ce n’est pas moi qui l’ai faite : c’est M. de Gérando lui-même, qui, interrogé par moi, me répondit en ce sens. […] Les médecins, quand ils se mêlent d’être charlatans, ne le sont pas à demi ; ils connaissent mieux que d’autres la trame humaine.
Cet idéal, c’était de fonder une espèce de colonie qui aurait tenu de l’idylle, et où il aurait régi, non sans y mêler quelques sons de la flûte antique, des hommes dociles et heureux. […] Ces harmonies qu’il ne pouvait réaliser sur la terre dans l’ordre politique et civil, il les demanda à l’étude de la nature, et il en raconta avec consolation et délices ce qu’il en entrevoyait : « Toutes mes idées ne sont que des ombres de la nature, recueillies par une autre ombre. » Mais à ces ombres son pinceau mêlait la suavité et la lumière ; c’est assez pour sa gloire. […] Dès le début, qui répond au beau moment des amours du jeune officier d’aventure avec la belle princesse Miesnik, à Varsovie, on le trouve racontant les fêtes et les bals de cette vie somptueuse à laquelle il est mêlé : au sortir de là, en rentrant chez lui à trois heures du matin, il ne rêve que Lignon, dit-il, et Arcadie. […] Je pourrais citer d’autres délicieux petits tableaux tout à côté, notamment celui qui commence par ces mots : « Si jamais je travaille pour mon bonheur, je veux faire un jardin comme les Chinois… » Malgré ces touches heureuses, il manquait pourtant au Voyage de l’île de France, et à son exactitude complète, cette vie intime et magique que Bernardin, en y revenant, saura mêler plus tard à ces mêmes peintures, quand il les reverra de loin, non plus dans l’ennui de l’exil, mais avec la tendresse du regret et avec la vivacité de l’absence. […] Il y a bien de charmantes choses mêlées à ces lettres et qui sont faites pour attendrir.
Frédéric II s’en mêle. […] Il y mêle, quand bon lui semble, le charme, ce charme auguste des forts, aussi supérieur à la douceur faible, à l’attrait grêle, au charme d’Ovide ou de Tibulle, que la Vénus de Milo à la Vénus de Médicis. […] L’arabesque est incommensurable ; il a une puissance inouïe d’extension et d’agrandissement ; il emplit des horizons et il en ouvre d’autres ; il intercepte les fonds lumineux par d’innombrables entrecroisements, et, si vous mêlez à ce branchage la figure humaine, l’ensemble est vertigineux ; c’est un saisissement. […] Quelle que soit l’abondance, quel que soit l’enchevêtrement, même brouillé, mêlé et inextricable, tout ce qui est vrai est simple. […] L’inspiration étant prodige, une stupeur sacrée s’y mêle.
On louait tantôt avec délicatesse, tantôt avec pompe ; et ces courtisans polis, sous un gouvernement qui avait de l’éclat, mêlaient de la dignité dans leurs hommages, et honoraient par l’éloquence les maîtres qu’ils flattaient. […] On sait que dans ces grandes émigrations, tous les peuples, et par conséquent toutes les langues se mêlèrent. […] Souvent les causes étaient mêlées à des affaires d’état ; souvent il s’agissait de juger des hommes qui avaient gouverné une partie du monde : des députés de l’Afrique et de l’Asie sollicitaient au nom de l’univers. […] De là, souvent notre espèce d’incrédulité pour les mouvements extraordinaires et passionnés de l’âme ; de là, surtout, dans l’éloquence comme au théâtre, cette facilité à saisir les petites teintes de ridicule qu’une circonstance étrangère mêle quelquefois aux grandes choses, et qui, surtout, sont si voisines du pathétique que l’on cherche. […] On peut demander pourquoi les peuples sauvages, dans la sorte d’éloquence qu’on leur remarque quelquefois, n’ont jamais de mauvais goût, tandis que les peuples civilisés y sont sujets ; c’est sans doute parce que les premiers ne suivent que les mouvements impétueux de leur âme, et qu’aucune convention étrangère ne se mêle chez eux aux cris de la nature.
Mais essayerons-nous de marquer le caractère de cette poésie, contemporaine de l’époque où les chants du Psalmiste hébreu entraient dans la langue grecque et étaient familiers à cette foule de Juifs, recrue de l’armée des Lagides, ou mêlés à la population grecque et indigène d’Alexandrie ? […] Dans Callimaque, soit qu’il s’agisse d’un libre chant médité par le poëte, ou d’un hymne destiné à quelque fête de l’ancien culte, aux Thesmophories, à l’inauguration des Bains de Pallas ou aux processions de Délos transplantées sur les bords du Nil, le langage est plus abstrait et plus austère, la croyance plus pure et mêlée d’une influence nouvelle. […] Mêlés par le commerce, le partage de la milice, le service public des princes, à toute la vie du peuple conquérant, ils adoptèrent des idées, des systèmes de philosophie qu’ils exposèrent à leur tour dans la langue nouvelle dont ils se servaient pour l’exercice même de leur culte : ainsi, beaucoup de leurs croyances durent se répandre autour d’eux et se communiquer au dehors. […] Essayons de marquer ces nuances dans nos faibles proses, et de montrer au moins sur le papier les linéaments et les contours de la fleur desséchée : « Dans Sparte, jadis, près du blond Ménélas, les vierges, portant le vert hyacinthe mêlé dans leur chevelure, s’étaient arrêtées, formant un chœur, devant la chambre nuptiale peinte à neuf. […] Comme le sillon s’est avancé dans la campagne, ou le cyprès dans le jardin, ou le coursier thessalien à la tête du char, ainsi Hélène, au teint de rose, est la parure de Lacédémone. » En vain les souvenirs helléniques se mêlent à ces vers, et plus loin, les noms de.
Le Semeur est inconséquent quand il soutient les doctrines de Quinet et de Michelet qui mènent à la non-liberté de l’enseignement, lui Semeur qui veut l’entière séparation de l’Église et de l’État : mais c’est ainsi qu’on fait toujours ; on est pour la doctrine absolue jusqu’à ce que la passion ou l’intérêt s’en mêlent : alors on fléchit tout doucement. […] Les chefs de collége, à leur exemple, sont plutôt des administrateurs, des espèces de préfets qui font plus ou moins exactement leur devoir, mais tout cela sans que le sang circule et que le cœur s’en mêle.
Les mélancolies de l’esprit se mêlèrent aux souffrances du corps. […] Le réel s’y mêle à l’imaginaire. […] Il l’exile en lui-même au lieu de le mêler à tous. […] Ils ont été mêlés à la vie de ce qui n’est plus. […] Le lyrisme et l’ironie se mêlaient en lui.
Pour peu qu’il vive à l’une des époques décisives de la civilisation, l’âme de ce qu’on appelle le poëte est nécessairement mêlée à tout, au naturalisme, à l’histoire, à la philosophie, aux hommes et aux événements, et doit toujours être prête à aborder les questions pratiques comme les autres. […] L’écrivain qui parle ici se donna donc en toute conscience et en tout dévouement au grave travail qui surgissait devant lui ; et, après trois mois d’études, à la vérité fort mêlées, il lui sembla que de ce voyage d’archéologue et de curieux, au milieu de sa moisson de poésie et de souvenirs, il rapportait peut-être une pensée immédiatement utile à son pays. Études fort mêlées, c’est le mot exact ; mais il ne l’emploie pas ici pour qu’on le prenne en mauvaise part. […] Ces deux voyages mêlés l’un à l’autre, voilà ce que contiennent ces lettres.
Hugo était alors dans son premier éclat de lyrisme, et il avait déjà écrit la préface de Cromwell ; il avait des admirateurs très vifs dans la famille qui régnait aux Débats, et plus d’un allié dans la place : Armand Bertin, un peu plus mûr et de nature volontiers sceptique, mêlait bien, je le crois, à ses applaudissements quelques légères plaisanteries et quelques réserves ; mais son frère Édouard, le peintre au pinceau sévère, ce Schnetz du paysage, mais Mlle Louise, nature poétique et profonde, étaient tout gagnés aux idées et aux enthousiasmes de la génération à laquelle ils appartenaient et faisaient honneur par leur talent. […] Il en résulta, en effet, un peu de chimère et d’illusion, une sorte d’optimisme, mêlé aux pensées de réforme qui animèrent les généreux esprits du xviiie siècle. […] Condorcet lui-même, dont le nom se présente d’abord comme celui de l’apôtre puni de son zèle et le plus cruellement déçu dans son ardente poursuite, ne s’est pas tant trompé qu’il semble, et quoiqu’il se mêlât à sa foi dans l’avenir un fanatisme que je n’aime nulle part, il n’a pas désespéré du progrès en mourant, et il a bien fait. […] Avant 89, il y a un but, il se mêle presque toujours à l’observation un élément dogmatique, polémique, une intention et une arme de combat ; c’est qu’on a en effet des ennemis à vaincre, à mettre en déroute : on est à la guerre, on marche à une conquête. […] Mais qu’on n’aille pas dire, à cause de cette inévitable imprévoyance mêlée à tant d’espérances légitimes et depuis justifiées, que le xviiie siècle, dans son ensemble comme dans son élite, ne reste pas incomparablement supérieur à la seconde moitié du xviie siècle par les lumières et la connaissance de l’homme vrai, de l’homme moderne en société, de l’homme civil, religieux, politique, tel qu’il sort et se prononce dans les cahiers des États-Généraux, et tel qu’il se retrouve, somme toute, après le naufrage même, au temps du Consulat : ce serait substituer un préjugé littéraire à un fait positif, à une vérité historique incontestable.
Aux époques de loisir, on y mêlait beaucoup de superflu ; nous l’avons réduit au strict nécessaire. […] Son aîné, M. de Plassac-Méré, s’était aussi mêlé de bel-esprit, et il correspondait avec Balzac : c’est ce même M. de Plassac qui prétendait corriger le style de Montaigne. […] On n’est jamais tout à fait honnête homme que les dames ne s’en soient mêlées ; cela est encore plus vrai du galant homme. […] et ne m’avouerez-vous pas que nous sommes dans un temps où l’on ne se doit pas trop mêler d’écrire ? […] Je trouve aussi que ces plaisirs sensuels sont grossiers, sujets au dégoût et pas trop à rechercher, à moins que ceux de l’esprit ne s’y mêlent.
Le bruit de leurs armes qui se choquent monte dans les airs : leurs dogues animés y mêlent leurs longs aboiements. […] Tels dans l’automne deux orages s’élancent l’un contre l’autre du haut de deux montagnes opposées, ou tels qu’on voit deux torrents tombant de leurs rochers se mêler, se combattre et mugir, confondus dans la plaine : ainsi se heurtent et se mêlent les armées de Loclin et d’Inisfail. […] La mort élève toutes ses voix à la fois et les mêle au son des boucliers. […] — Comment raconter toutes les morts qui signalèrent nos armes dans cette affreuse mêlée ? […] Élève, ô Ullin, élève la tombe du fils de Mathon, et mêle dans tes chants son nom au nom d’Agandecca, d’Agandecca qui fut si chère à mon cœur !
L’opposition est toujours mêlée de déférence et de respect. […] Que dire de cette chimère de cinq sortes d’amour, dont les quatre premières sont mêlées, dans des proportions décroissantes, d’intérêt personnel, et dont la dernière seulement est pure de tout motif humain ? […] Il se mêle d’ailleurs aux aveux de Fénelon sur sa dureté cette constante préoccupation de plaire, dont parle Saint-Simon. […] Sans cesse mêlés parmi les mortels, on les attendait comme des hôtes, et l’on croyait quelquefois saluer un dieu dans l’étranger qu’un visage noble, un air de majesté distinguaient des autres hommes. […] Ce n’était, après tout, que de la morale divine mêlée à de l’excellente morale.
Fiches relatives à l’invention, aux idées nouvelles ; fiches relatives à la disposition, au plan, à la manière dont l’auteur conduit ses idées ou conduit son récit, ou mêle ses idées à son récit ; fiches sur le style, sur la langue ; fiches de discussion enfin, c’est-à-dire sur les idées de l’auteur comparées aux vôtres, sur son goût comparé à celui que vous avez, sur ses idées encore et son goût comparés à ceux de notre génération ou à ceux de la génération dont il était, etc. […] Or lire en critique n’est pas un plaisir ou du moins est un plaisir très particulier, mêlé de beaucoup de sécheresse.
Cependant la faute est connue au ciel, une sainte tristesse saisit les anges ; mais that sadness mixt with pity, did not alter their bliss ; « cette tristesse, mêlée à la pitié, n’altéra point leur bonheur » ; mot chrétien et d’une tendresse sublime. […] Cependant Milton lutte ici sans trop de désavantage contre cette fameuse allégorie : ces premiers soupirs d’un cœur contrit, qui trouvent la route que tous les soupirs du monde doivent bientôt suivre ; ces humbles vœux qui viennent se mêler à l’encens qui fume devant le Saint des saints ; ces larmes pénitentes qui réjouissent les esprits célestes, ces larmes qui sont offertes à l’Éternel par le Rédempteur du genre humain, ces larmes qui touchent Dieu lui-même (tant a de puissance la première prière de l’homme repentant et malheureux !) […] Milton s’est emparé, avec beaucoup d’art, de ce premier mystère des Écritures ; il a mêlé partout l’histoire d’un Dieu qui, dès le commencement des siècles, se dévoue à la mort pour racheter l’homme de la mort.
Il sent bien que ses talents sont peu de chose, surtout si on les compare à ceux de tant de célèbres orateurs : « Mais dans un combat, dit-il, au milieu du son des clairons et des trompettes, on mêle aussi quelquefois le son de la flûte. » Après ce début il entre en matière. Il est étonné que son héros, avec si peu de forces, ait tenté une guerre si importante : « Assurément, lui dit-il, vous avez quelque intelligence secrète avec l’âme universelle et divine, qui daigne se manifester à vous seul, tandis que nous, ce sont des dieux subalternes et du second ordre qui sont chargés de nous conduire. » Ensuite il ne peut comprendre qu’il se soit trouvé dans l’univers des hommes qui aient eu l’audace de résister à Constantin : « Eux qui auraient dû, lui dit-il, céder, je ne dis pas à la présence de votre divinité, mais en entendant seulement prononcer votre nom. » Bientôt après, ce lâche orateur fait un crime à son héros d’avoir combattu lui-même, et de s’être mêlé au milieu des ennemis, d’avoir par là, dit-il, presque causé la ruine de l’univers. […] C’est bien le moins, quand on fait la guerre pour se disputer un trône, de combattre soi-même, et de se mêler, dans sa propre cause, à ceux qui veulent bien combattre et mourir pour elle.
Phèdre est sous le joug de la fatalité, les sensations inspirent Anacréon, Tibulle mêle une sorte d’esprit madrigalique à ses peintures voluptueuses, quelques vers de Didon, Ceyx et Alcione dans Ovide, malgré la mythologie, qui distrait l’intérêt en l’éloignant des situations naturelles, sont presque les seuls morceaux où le sentiment ait toute sa force, parce qu’il est séparé de toute autre influence. […] Racine, ce peintre de l’amour, dans ses tragédies, sublimes à tant d’autres égards, mêle souvent aux mouvements de la passion des expressions recherchées qu’on ne peut reprocher qu’à son siècle : ce défaut ne se trouve point dans la tragédie de Phèdre ; mais les beautés empruntées des anciens, les beautés de verve poétique, en excitant le plus vif enthousiasme, ne produisent pas cet attendrissement profond qui naît de la ressemblance la plus parfaite avec les sentiments qu’on peut éprouver.
. — L’Épopée humaine : La Mort des Dieux (1866) ; la Mêlée des races (1874) ; la Genèse universelle (1890) ; le Premier Pontife (1890) ; les Races (1890) ; Premier cycle des civilisations : Sardanapale (1891) ; Deuxième cycle de la civilisation : Jésus (1899). — Charlemagne (1893). — La Pallas des peuples (1893). — Abeylar (1894). — La Loi de l’histoire (1894). — Jeanne d’Arc (1895). — Borgia (1896). — Jésus et l’Ère de la science (1896). — Philippe le Bel (1896). — Don Juan (1897). — Pascal et Descartes (1897). — Rabelais (1897). — La Religion de la science et l’Esprit pur (1897). — Ultimum Organum (1897). […] Nous doutions-nous, au milieu des agitations stériles de notre vie artificielle et tourmentée, qu’un homme extraordinaire, isolé depuis plus de quarante années dans le silence et la méditation, avait su élever un monument qui, par sa splendeur et sa vérité, domine la mêlée de nos passions, de nos luttes et de nos médiocrités tapageuses, comme les Pyramides surplombent de leur hauteur écrasante les sables mouvants et les simouns du désert ?
Jupiter déclare aux Immortels qu’ils peuvent se mêler au combat, et prendre parti dans la mêlée.
Il a mêlé tous les tons, tous les sujets, tous les genres. […] Elle s’unit à la nature par une sympathie profonde, elle aime partout la vie, elle mêle son âme aux choses : sa description, pittoresque et poétique tout à la fois, emplit l’œil et le cœur, nous livre à la fois l’objet et le sujet, le peintre ajouté et comme fondu dans son modèle. […] Sans doute, il ne fait pas de psychologie profonde ; il ne s’attache pas au travail intérieur qui fait ou défait une âme ; il n’essaie pas d’isoler et de peser tous les éléments qui se mêlent dans une volonté, dans un désir. […] Tous les défauts disparaissent dans la grandeur de l’ensemble, et lorsqu’on feuillette le Répertoire de la comédie humaine, on a besoin de faire effort pour distinguer les personnages fictifs des individus historiques qui sont mêlés parmi eux. […] Il mêle des réflexions, des dissertations d’archéologue à ses récits ; il nous rappelle ainsi de temps à autre, de peur que nous ne l’ignorions, que ce n’est pas son affaire de faire un roman, et qu’il ne s’est mis ci conter que par accident, pour nous faire plaisir.
C’est pour cela qu’ayant à parler de leurs écrits, on me verra mêler les restrictions aux éloges, et plus habituellement sur la défensive que dans l’abandon. […] On n’aurait pas l’appui des espérances de l’avenir, ni des illusions qui s’y mêlent, et l’on s’exposerait à être désavoué par le présent dont les idées ne sont souvent que des intérêts respectables. […] Sa gloire se fait sans aide, et son nom égale tout à coup les plus grands, sans que personne s’y emploie, ni que la mode s’en mêle. […] Quels hommes furent plus mêlés aux affaires de leur temps ? […] On les vit partout mêlés de leur personne aux révolutions qui ôtaient ou donnaient l’empire.
La seule chose qu’il y aurait injustice à ne pas reconnaître, c’est une certaine grandeur dans la pensée première, et ce qu’il y a eu de généreux dans les illusions qui s’y mêlèrent et dans la passion qui la mit à fin. […] La gloire des explications hardies, des vues fécondes mêlées d’erreurs réparables, est restée tout entière à Buffon. […] Il suffit de mêler à la pensée religieuse quelque souvenir éloigné et comme épuré des plaisirs qui nous viennent par les sens, dans la contemplation ou dans l’usage des choses de la nature. […] En perdant la mélancolie de René, il perdrait cette paix qui s’y mêle à la fin, et ce repos au terme de la lutte, plus doux que celui du vieux soldat qui se délasse des fatigues des longues guerres au foyer du pays natal. […] Par moments, René mêle à cette tristesse farouche son sentiment si vrai de l’imperfection des choses humaines, et partout où René a passé il reste une trace ineffaçable.
Les deux bruits tantôt alternaient et tantôt se mêlaient, l’un aigu, sautillant et moqueur ; l’autre grave et en harmonie avec ce paysage rustique où devait sonner parfois le mugissement d’un taureau. […] Au temps où parurent les Misérables, Louis Veuillot, après avoir fait les réserves les plus légitimes, les plus nécessaires, reconnaissait, dans le roman de Hugo, ce qu’il appelle « un souffle de justice, un souffle de foi chrétienne, et catholique par conséquent, souffle court et mêlé, mais brûlant, parfois sublime ». […] Nous sommes à Waterloo ; nous voyons les campagnes plates avec les villages et les fermes aux noms fameux, les moulins, les fossés ; nous voyons l’armée de Napoléon au repos, l’armée de Wellington au repos, et puis les estafettes qui partent, le premier coup de canon, la mêlée, les charges, l’héroïque jeunesse qui tombe ou qui s’élance, la Vieille Garde qui donne, la vie et la mort qui s’affirment, l’une et l’autre, avec la plus effroyable énergie, dans l’espace le plus restreint et dans le temps le plus court, c’est-à-dire l’objet des plus fortes impressions et des plus durables souvenirs qui puissent se graver en nous. […] ils ont, de plus, la certitude d’être entendus lorsqu’ils élargissent l’horizon terrestre et qu’ils expriment un sentiment religieux ; entendus non pas d’une élite, mais du peuple encore pénétré de christianisme, et qui conserve, de ses origines, un idéal divin mêlé à tous les appétits humains. […] Il ne resta de leur passage qu’une poussière mêlée de rayons, et qui trembla longtemps, nuage unique et doré, dans l’air admirablement pur où mourait la lumière.
Vous remarquerez que, pour l’achever et la couronner, il a cru essentiel de mêler à son idée de l’homme aimable un sentiment d’humanité, d’affection, et presque de détachement sincère au milieu du succès : c’est qu’il sait bien que l’écueil de ce qu’on appelle ordinairement l’amabilité dans le monde et de l’usage exclusif de l’esprit, c’est la sécheresse et la personnalité. […] Bien qu’il s’élève quelquefois contre la templomanie, il y mêle encore un peu trop d’autels, de statues et d’allégories selon le goût du temps ; mais il y a, dans les jolis dessins où il se joue, des plans et des devis tout naturels et pour toutes les fortunes : Je ne voudrais point, dit-il, faire venir l’ombre et l’eau dans mon jardin, que j’abandonnerais pour les chercher ailleurs. […] C’est bien là l’esprit de société tel qu’il se mêlait, au xviiie siècle, au goût des jardins. […] Il y en a un sur le choix des semences aux environs des parcs ; le prince suppose toujours qu’ils ne sont point enclos de murailles et que la vue s’étend à l’entour par des éclaircies bien ménagées : il soigne alors les nuances diverses des semences dans les plaines, et veut assortir « le petit vert du lin, le mêlé, le tacheté du sarrasin, le petit jaune du blé, le gros vert de l’orge, et bien d’autres espèces que, dit-il, il ne connaît pas encore », toutes ensemble faisant le fond du tableau et qui deviennent le plaisir des yeux. Tout cela est dit d’un rien, avec une légèreté négligente et piquante, mêlée d’un certain aveu d’inexpérience, et comme par un Hamilton qui en serait venu à aimer sincèrement les champs.
On préférera toujours un sentiment mêlé à la pure peinture, quelque chose comme ce qu’ont fait Virgile et Lucrèce parlant de ces mêmes animaux. […] On y voit le sentiment humain mêlé aux paysages, même à ceux où l’homme semble absent. […] Ils sont loin d’ailleurs d’être toujours des réalistes purs ; ils ont de la fantaisie, et ils savent y mêler du sentiment. […] Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant.
Rousseau parut : le jour où il se découvrit tout entier à lui-même, il révéla du même coup à son siècle l’écrivain le plus fait pour exprimer avec nouveauté, avec vigueur, avec une logique mêlée de flamme, les idées confuses qui s’agitaient et qui voulaient naître. […] Rousseau n’est pas seulement un ouvrier de la langue, apprenti avant d’être maître, et qui laisse voir par endroits la trace des soudures : c’est au moral un homme qui, jeune, a passé par les conditions les plus mêlées, et à qui certaines choses laides et vilaines ne font pas mal au cœur quand il les nomme. […] Les deux natures, celle de René et celle de Rousseau, ont un coin malade, trop d’ardeur mêlée à l’inaction et au désœuvrement, une prédominance de l’imagination et de la sensibilité qui se replient sur elles-mêmes et se dévorent ; mais, des deux, Rousseau est le plus vraiment sensible, celui qui est le plus original et le plus sincère dans ses élans chimériques, dans ses regrets, dans ses peintures d’un idéal de félicité permise et perdue. […] « Rousseau avait l’esprit voluptueux. » a dit un bon critique ; les femmes jouent chez lui un grand rôle ; absentes ou présentes, elles et leurs charmes, elles l’occupentc, l’inspirent et l’attendrissent, et il se mêle quelque chose d’elles à tout ce qu’il écrit : Comment, dit-il de Mme de Warens, en approchant pour la première fois d’une femme aimable, polie, éblouissante, d’une dame d’un état supérieur au mien, dont je n’avais jamais abordé la pareille…, comment me trouvai-je à l’instant aussi libre, aussi à mon aise que si j’eusse été parfaitement sûr de lui plaire ? […] Quel dommage que l’orgueil misanthropique s’y mêle, et que des tons cyniques fassent tache au milieu de tant de beautés charmantes et solides !
Sans aller jusque-là avec quantité de vers qui en sont peu dignes, il est bien certain qu’il faut commencer par aimer la poésie avant de se mêler de la juger. […] Arsène Houssaye, mêle à son inspiration française une veine de poésie allemande ; il a un sentiment domestique et naturel qui lui est familier, et l’on dirait qu’il a eu autrefois une des sylphides des bords du Rhin pour marraine. […] Le poète, en se promenant, entend le coup de fusil d’un chasseur, et cela réveille en lui aussitôt un souvenir d’enfance, un remords qui se mêle à toute une image de joie et de fraîcheur : L’aube sur l’herbe tendre avait semé ses perles, Et je courais les prés à la piste des merles, Écolier en vacance ; et l’air frais du matin, L’espoir de rapporter un glorieux butin, Ce bonheur d’être loin des livres et des thèmes, Enivraient mes quinze ans tout enivrés d’eux-mêmes : Tel j’allais par les prés. […] Des poètes sérieux, consciencieux, élevés, y travaillent, et, si le public n’est pas familiarisé avec leurs noms, c’est qu’en France ce n’est que par le sentiment et la passion dramatique, et aussi par un coin d’esprit qu’on y mêle, que le public peut accepter, j’ai presque dit, peut pardonner la poésie : à l’état pur, elle n’existe guère que pour les poètes entre eux. […] Sous le tranquille azur du plus doux des climats, Une humble maisonnette aux bords de la Dumas ; Une humble maisonnette aux persiennes blanches, Sous un réseau fleuri de liane et de branches, Où je puisse, à midi, rêvant au bruit des eaux, Mêler ma poésie aux rimes des oiseaux ; À droite, une rizière où le bengali chante ; D’un vieil arbre à mon seuil l’attitude penchante, Où, tous les ans, viendront les martins au bec d’or Suspendre leurs doux nids et couver leur trésor ; Un jardin clos d’un mur où rampe la raquette ; Une ruche, et des fleurs dont l’oiseau vert becquette La poudreuse étamine et l’odorant émail ; Des buissons d’orangine aux perles de corail ; Un parterre où toujours j’aurai de préférence Des roses du Bengale et des muguets de France ; Une verte tonnelle à l’ombre des lilas, Dont la fleur m’est si douce et meurt si vite, hélas !
À ces Souvenirs, qui ne sont pas d’elle, mais sur elle, on a, il est vrai, mêlé des lettres, et je suis bien sûr que ce ne sont pas les plus curieuses de la collection, celles-là, par exemple, qui exprimèrent avec le plus d’éloquence les sentiments que cette femme délicieuse et vertueuse sut, à ce qu’il paraît, toujours désespérer. […] Mais, quand on ne grasseye ou qu’on ne zézaie plus ces fadeurs et qu’on se mêle d’écrire, il faut dire quel était ce charme, quelle était cette vertu, quelle était cette grâce, qui faisaient de Madame Récamier : « Madame Récamier », parmi tous les charmes, toutes les grâces et toutes les vertus ! […] Fétides sous le Directoire, mais tonifiées et bonifiées par la gloire, ces mœurs étaient telles encore que Napoléon, ce génie romain, ce grand pater familias de son empire, avait besoin de toutes ses impériales sévérités pour ramener aux vertus de la famille ses généraux mal disciplinés à ces vertus, mais dont c’était la seule indiscipline… Eh bien, au plus brûlant et au plus entraînant de ces mœurs qui avaient en tout l’emportement de la mêlée et de la victoire, voilà qu’apparut cet être étrange et ravissant, et alors, comme depuis, si chastement inviolable, que, malgré toutes les qualités qui éveillent l’envie, jamais la calomnie n’eut le courage d’envoyer même sur ses pieds immaculés une gouttelette de boue. […] Vraie supériorité de femme que chacun sentit et que personne ne jugea, parce qu’elle charmait trop ceux qui se mêlèrent à sa vie, elle n’était peut-être pas plus belle qu’elle n’était spirituelle, cette femme à qui Canova n’avait qu’à poser une couronne sur les cheveux pour en faire la Béatrice du Dante, et que tous ils ont dite si belle, dans une si grande unanimité d’illusion, que cela équivaut à une réalité pour l’Histoire.
Il fut tour à tour un chef attaqué par la foule et un banni protestant contre la dictature ; et, dans ces vicissitudes qui remplirent sa vie, il mêla l’invective à la guerre, la poésie aux armes, les plaisirs aux entreprises hardies, et devint à la fois le héros et le poëte d’une longue guerre civile. […] Nul doute, comme nous le voyons par Horace, que l’influence de cette vieille et libre poésie ne se soit mêlée à l’art alexandrin, dans les premières leçons d’élégance grecque et de poésie qu’un Lucrèce, un Gallus, un Catulle, rapportaient de Grèce et d’Égypte. […] Car aucun nom n’était plus mêlé à toutes les œuvres de l’art. […] Puis, en avant des roues, elle a placé d’autres Amours aux ailes et à la ceinture dorées, conduisant le char et agitant des torches élevées. » La louange des époux se mêlait à ces gracieuses images.
Ce sont les mœurs du Paris des boulevards, du Paris cosmopolite, mais quand même le Paris du travail s’en mêlerait provisoirement, il aurait, pour excuse de fêter la croix de la Légion d’honneur qu’il vient de recevoir36. […] Les civilisations disparues y revivent mêlées à la nôtre et nous offrent leur plus gracieux sourire, leurs richesses et toutes leurs tentations. […] Je n’ai effleuré dans ce livre le mouvement roman qu’en tant qu’il fut mêlé à l’aventure symboliste, me réservant de lui consacrer ailleurs une étude spéciale.
Ce mouvement rétrospectif, reconnaissant, réfléchi, qui nous fait revenir sur de grandes œuvres éclatantes ou replacer dans une juste lumière des ouvrages oubliés ou méconnus, doit être d’autant plus encouragé par la Critique qu’il n’est pas dans la nature du Génie français, lequel, en toutes choses, se porte en avant avec sa proverbiale furie, et mêle si joliment l’ingratitude à ses distributions de gloire. […] Si nous consultons les mémoires de son temps, qui n’en parlent pas assez, ce grand Spectateur ne se mêla guères à l’action de son époque, et voilà pourquoi il la vit si bien ! […] Leur style est mêlé de fiel et d’absinthe.
La belliqueuse Espagne, cette contrée qu’une affinité méridionale avait mêlée de bonne heure au génie de ses maîtres italiques, célébrait sur la lyre latine le culte nouveau. […] La parabole est ici mêlée d’une sorte d’indécence mystique. […] « Qui me donnera les ailes de la colombe, pour me mêler vite à ces chœurs, dont les voix, à ton exemple, célébreront le Christ Dieu ?
Il ouvrirait leurs ouvrages avec un respect mêlé de frayeur. […] Ces vices, dans le siècle de Louis XIV, se composaient avec la religion et la politesse, maintenant ils se mêlent à l’impiété et à la rudesse des formes : ils devaient donc avoir dans le dix-septième siècle des teintes plus fines, des nuances plus délicates ; ils pouvaient être ridicules alors : ils sont odieux aujourd’hui.
Remarquez, en effet, le caractère des mots nouveaux qui se mêlent, à cette époque, au vocabulaire latin. […] Dans cette pièce, écrite en latin barbare, sont mêlés plusieurs termes de la langue romane. […] La croisade n’y paraîtra pas toujours une guerre sainte ; mille idées profanes se mêleront au zèle religieux. […] D’autres éléments venaient s’y mêler. […] Il combattit souvent près de lui, et fut mêlé à tous les grands périls.
Désir de fuite perpétuelle vers un ailleurs, où elle pourra être elle-même, celle en qui des hérédités différentes ont mêlé l’ardeur de l’Orient et la mélancolie des âmes occidentales. […] Désir de tendresses mêlées qui fait son chant s’élever comme une prière avec les volutes des vagues. […] Elle percevra mieux le bruit de son cœur, mêlé à l’orchestration de toutes les autres palpitations de la nature. […] Elle a écrit elle-même à propos de Sapho : « Les Lesbiens avaient l’attrait bizarre et un peu pervers des races mêlées. […] Elles entrelacent leurs bras et leurs rires, elles mêlent leurs lèvres et leurs aveux, et font la nique au génie de l’espèce.
Si la poésie fut son occupation souveraine, la comtesse de Noailles a été mêlée activement à l’existence de son temps. […] Ils attestaient chez leur auteur un esprit singulièrement biscornu où l’hermétisme se mêlait à la bouffonnerie. […] Chez Forain, la cruauté du propos se mêlait parfois à une certaine gaminerie. […] Des arbustes rares y mêlaient leurs feuillages métalliques et vernissés. […] Je n’eus, en la louant, aucune tentation de mêler à la louange que je faisais de lui quoi que ce fût qui l’atténuât.
Les vagues, pour se grossir, se mêlent, et les idées, pour se grandir, débordent l’une sur l’autre. […] « Ce monde est un brouillard, presque un rêve », « Tout est mêlé de tout. » Création ! […] Pour nous, toute la question est dans la quantité de pensée qui se mêle à la prière. […] Hugo, Littérature et philosophie mêlées, Ier volume, p. 217. […] Littérature et philosophie mêlées, Ier volume.
Il ne nous appartient pas — et il serait sans doute infructueux — de rechercher ce qui nous est parvenu du sang ou de l’humeur de nos aïeux celles et gaulois, dans quelle mesure précise, de quelle façon la conquête romaine et l’immigration franque ont modifié le tempérament de la race, où s’étaient déjà mêlés plusieurs éléments. César et Strabon nous font un portrait des Gaulois de leur temps, où certains traits nous permettent de nous reconnaître : le courage bouillant et inconsidéré, le manque de patience et de ténacité, la soudaineté et la mobilité des résolutions, l’amour de la nouveauté, un certain sens pratique, et la pente à se mêler des affaires d’autrui pour la justice, le goût de la parure et de l’ostentation, celui de la parole et de l’éloquence, tout cela est français, si l’on veut, autant que gaulois.
Quand un artiste introduit dans une composition un saint embrasé de l’amour de Dieu et prêchant sa loi à des peuples et qu’il lui met un bonnet carré à la main, comme à un homme qui entre dans une compagnie et qui la salue poliment, je lui dirais volontiers, Vous vous mêlez d’un métier de génie et vous n’êtes qu’un butor. […] Comment saurez-vous le visage qu’il doit avoir, et l’impression qui se doit mêler dans les visages de vos auditeurs, avec l’attention ?
Dans l’un des côtez du tableau l’on voit des hommes saisis d’une peur mêlée d’étonnement à l’aspect du desordre nouveau, où paroît le ciel, sur lequel leurs regards sont attachez. Leur épouvante fait un contraste avec une crainte mêlée d’horreur, dont sont frappez d’autres spectateurs, au milieu desquels un mort sort tout-à-coup de son tombeau.
Il faut, disoit ce prince, en se servant de la langue latine, dont le bel usage permettoit alors aux personnes polies, de mêler quelques mots dans la conversation. […] Toutes les personnes qui ont quelque lueur d’esprit, ou quelque teinture des lettres, veulent se mêler de faire des vers, et pour le malheur des poëtes, elles deviennent ainsi des juges qui prononcent sur tous les poëmes nouveaux, avec la séverité d’un concurrent. […] On ne se mêle point de composer des remedes, quand on n’a pas étudié la vertu des simples.
Ils étaient gais et poignants tout ensemble, amers et légers, et il les dit, ce rebondi à la face d’abbé de Lattaignant mêlé de Chaulieu, avec un accent inconnu à tous les abbés du xviiie siècle, — un accent d’Alfred de Musset étouffé ! […] Ici se révèle, mêlée à ses qualités ordinaires, une supériorité de sensibilité et de sérieux qui ne s’était jamais produite, même dans les meilleures inspirations de Monselet, avec cette netteté, et qui nous a causé presque de la joie. […] Or bien, voilà que tout à coup le poète, qui n’est plus celui de l’Amour et du Plaisir, mais de la douleur, venue enfin, comme elle vient toujours, par la vie, s’est mêlé, en ce livre de Portraits, au critique de la réflexion, et tout cela dans une si heureuse mesure qu’on se demande maintenant si le Monselet du pâté de foie gras n’était pas un mythe… ou un mystificateur, qui nous jouait, avec sa gastronomie, une comédie littéraire, et qui avait mis, pour qu’on ne le fît pas trop souffrir, son cœur derrière son ventre, mais non dedans !
je sais bon gré à Francis Wey des pointes d’anglais qu’il a mêlées à son omelette française, à ce livre de causerie et d’observation sur la France, pour en relever le goût et en augmenter la saveur. […] Wey nous en a donné encore de curieuses sur les Templiers (Philippe le Bel et Clément V dans le souterrain de Poitiers), mêlées à des renseignements non moins curieux, tirés du chartrier poitevin. […] j’ai toujours cru qu’on ferait un fameux écrivain avec seulement quatre styles, qu’on mêlerait adroitement : le style d’Alceste, de Philinte, des deux Marquis et de Célimène.
Sans doute Alcman, esclave étranger venu de Lydie, ou né d’une Lydienne dans la maison du Spartiate Agésilas, en gardant de son origine le goût et le charme de l’art, sut y mêler l’accent qui plaisait aux âmes belliqueuses de Sparte. […] On se demande comment des allusions peu philosophiques, non pas même aux plaisirs de la médiocrité dorée,-mais aux excès du luxe, pouvaient se mêler à des chants accueillis dans cette société sobre et pauvre, d’où Lycurgue avait banni jusqu’aux métaux précieux. […] Elle se souvint que Lycurgue avait recueilli les poëmes homériques, malgré les peintures gracieuses qui s’y mêlent à l’horreur des combats, et qu’il avait fait régler dans sa ville le chant et l’harmonie par un musicien de l’ile de Crète.
Hénault naquit à Paris, le 8 février 1685, d’un père fermier général, homme riche, qui aimait les lettres, et même assez particulièrement pour prendre le parti de Corneille contre Racine, et pour se mêler à cette petite guerre que soutinrent Thomas Corneille et Fontenelle. […] Le président Hénault pourtant allait peu à peu devenir un homme sérieux ; mais là encore, et lorsqu’il se trouvera mêlé aux choses plus importantes, il y entrera du jeu et de la représentation plus que du fond. […] Ce qui lui manquait, c’était le travail qui creuse, l’attention qui concentre, c’était la puissance de talent qui réalise : Tout rappelle à notre esprit, disait-il dans la préface de son François II, les objets où il se plaît davantage ; et comme je m’occupe assez volontiers de l’histoire, je n’ai presque vu que cela dans Shakespearei… En voyant la tragédie de Henri VI, j’eus de la curiosité de rapprendre dans cette pièce tout l’historique de la vie de ce prince, mêlée de révolutions si contraires l’une à l’autre et si subites qu’on les confond presque toujours, malgré qu’on en ait… Et tout à coup, oubliant que je lisais une tragédie, et Shakespeare lui-même aidant à mon erreur par l’extrême différence qu’il y a de sa pièce à une tragédie, je me suis cru avec un historien, et je me suis dit : Pourquoi notre histoire n’est-elle pas écrite ainsi ? […] Je ne puis vous exprimer quel effet m’ont fait ces pièces… » Voltaire eut toute une discussion avec le président au sujet de ce François II : « Je voudrais que, quand il se portera bien, disait-il, et qu’il n’aura rien à faire, il remaniât un peu cet ouvrage, qu’il pressât le dialogue, qu’il y jetât plus de terreur et de pitié, etc. » Bons conseils à suivre lorsque le démon intérieur s’en mêle. […] Monmerqué possède d’autres mémoires du président Hénault, qui sont d’un intérêt sérieux en ce qu’ils traitent des affaires du Parlement dans lesquelles le président fut très mêlé comme négociateur officieux pour le ministère et pour la Cour.
» Le paysage de cette contrée mitoyenne, un peu en-deçà du Midi et y confinant sans en être encore, qui tient de la Vendée et de l’Anjou, qui mêle l’air salin de la mer et la fraîcheur du bocage, et que Henri IV avait déjà décrite dans une charmante lettre à Gabrielle, datée de Marans, trouve en M. […] Dominique, à la veille de quitter les Trembles et se sentant arraché lui-même du lieu où il a pris racine et où il a mis tout son cœur, avait mêlé de ses sentiments à ceux du héros carthaginois, et il avait écrit cette composition scolaire les yeux tout baignés de larmes ; la nature lui parlait plus haut qu’Annibal en ce moment et par cette belle après-midi d’automne, où il essayait de le mettre en scène et de le traduire : « La pierre qui me servait de pupitre était tiède ; des lézards s’y promenaient à côté de ma main sous un soleil doux. […] Un attendrissement subit, impossible à motiver, plus impossible encore à contenir, montait en moi comme un flot prêt à jaillir, mêlé d’amertume et de ravissement. […] Ce charme d’un amour adolescent se mêle et se confond pour lui avec l’amour de la nature au printemps, et avec une vague inspiration poétique qui depuis longtemps couvait et qui éclate enfin. […] L’ignorance de Dominique et son imprévoyant bonheur durent quelque temps encore : il ne cesse de mêler à ses impressions la nature ; cette fin d’été lui suggère des descriptions pittoresques non moins touchantes que ne l’avait fait le printemps ; mais je remarque que chacune de ses journées heureuses, de ses promenades champêtres, se termine par des vers, par quelque chose d’écrit.
À un moment (en septembre 1551), il joua même un certain rôle, ayant été envoyé par son ambassadeur au concile de Trente pour y porter les lettres de protestation du roi : mais il ne faut pas s’exagérer le rôle d’Amyot, qui ne fut que très secondaire en cette rencontre comme en toutes les occasions politiques auxquelles il se trouva mêlé. […] Sans prendre à la lettre les imprécations de d’Aubigné sur le roi qui eut le malheur d’attacher son nom à cette nuit funeste, on conviendra qu’il y avait au moins de l’illusion de précepteur et de père nourricier dans Amyot. — Quant au petit roi, il jugeait son bon maître tout en le comblant : on rapporte qu’il le raillait parfois sur son avarice et sa parcimonie, et enfin, lui qui se connaissait en vers et qui en faisait même d’assez bons, il se permettait de trouver durs ceux qu’Amyot mêlait à ses traductions : Amyot, très peu poète en cela, ne l’en trouvait pas moins aimable. […] L’ordinaire d’Amyot est, sans contredit, le simple langage délié et coulant de la narration, ou encore ce langage mêlé et tempéré qui s’adresse aux passions plus douces : mais là où son modèle l’exige, il sait atteindre à « ce langage plus haut, plein d’efficace et de gravité, et qui, courant roide ainsi qu’un torrent, emporte l’auditeur avec soi ». […] Amyot, au contraire, entre dans le récit bonnement, avec plus de rondeur ; il lie les phrases, il y mêle de petits mots explicatifs, qui en rompent le rythme par trop régulier et affecté. […] Boileau raillait Tallemant, qui se mêlait de traduire Plutarque, en l’appelant le « sec traducteur du français d’Amyot ».
Le mobile qu’il comprend le mieux, le seul même qu’il semble admettre, c’est l’intérêt : pourtant le sentiment, la fidélité, la reconnaissance, des parties suffisantes d’honnête homme s’y mêlent ; il a bon cœur. […] Pour lui, Gourville, il sent bien que, s’il lui arrivait quelque accident dans une si chaude mêlée où il n’a que faire, cela ne lui attirerait que des railleries. […] Les troubles civils, qui mêlent toutes les conditions, et qui mettent le savoir-faire et l’industrie de quelques-uns en lumière, l’aidèrent fort à se produire. […] À côté des portraits de ces grands ministres, il mêle assez singulièrement et philosophiquement ceux de ses quatre ou cinq laquais et domestiques qui ne le quittent pas depuis qu’il garde la chambre : c’est que, depuis lors, ces cinq derniers personnages tenaient autant et plus de place dans sa vie. […] Je me suis arrêté avec plaisir sur cette figure naturelle et vive, qui est celle d’un Gil Blas supérieur, d’un Figaro sans mauvais goût et sans charge, venu avant que la philosophie et la littérature s’en soient mêlées.
Enfin, pour justifier ce parallèle, le troubadour du douzième siècle, celui que devait un jour citer et imiter le Dante, avait su plier sa langue naissante à tous les artifices de la mélodie, mêler dans ses sanglants tableaux les teintes graves et douces, être élégiaque enfin comme il était lyrique. […] Des chefs de parti, des hommes mêlés aux factions de Florence, vainqueurs ou dans l’exil, chantaient les douleurs et les joies d’une passion qu’on pourrait souvent croire imaginaire, tant les expressions en sont discrètes jusqu’à l’obscurité. […] Il appellera Comédie son œuvre immense, mêlée, turbulente comme le moyen âge. […] L’ensemble de la Divine Comédie nous offrirait souvent des marques de ce progrès du temps et du génie, malgré les accessoires barbares qui s’y mêlent. […] De ce contraste même entre le poëme et l’homme, entre les contemplations de la pensée religieuse et les épreuves de la vie soufferte, de ce contraste sort le pathétique humain qui se mêle à cet idéal.
Il suppliait son frère de faire cesser un tel scandale, et bien des voix à Rome se mêlaient à la sienne. […] Il y avait donc un mois environ que mes jours s’écoulaient heureux et pleins, sans qu’il s’y mêlât d’autre pensée amère que celle-ci, déjà si horrible : Un mois encore, un mois au plus, et il faudra nous séparer de nouveau. […] Ne vous mêlez donc pas des triomphes de ce peuple et de la ruine de nos bienfaiteurs. […] Les éléments très mêlés de la société qui se réunissait chez eux étaient à demi révolutionnaires, à demi royalistes, en mesure ainsi avec les deux partis qui luttaient dans la nation. […] « Je n’ai jamais été, je ne suis pas royaliste ; mais ce n’est pas une raison pour que j’aille me mêler à cette clique.
Et puis, à côté de la noble et légitime ambition, la nécessité s’en mêle : il faut vivre, il faut se soutenir, et la muse seule n’y suffit pas. […] Il n’est pas de ceux qui, blessés du trait sacré, jettent au ciel la poussière mêlée dans leur sang, et qui versent avec clameur, comme dit Ballanche, leurs entrailles sur la terre. […] On commence par une sorte d’abandon, de vivacité et d’ardeur plus ou moins mêlée d’inexpérience, mais rachetée par bien des qualités primitives. […] De grand cœur, ami, je vous le donne ; Mais gardez, en l’offrant, d’y jeter votre sel ; Assez pour la table bretonne Mêlent au pur froment un levain criminel.
C’est que La Fontaine a un égoïsme d’une qualité particulière, cet égoïsme des enfants, qui n’est que l’instinct naturel, que l’éducation n’a pas entamé ni complété, et dans lequel la civilisation n’a point mêlé ses complications corruptrices. […] La Fontaine ne mêle point de religion, ni de panthéisme, ni même de dynamisme dans son amour de la nature : il jouit des formes qu’elle offre, des sensations qu’elle procure, sans rien chercher au-delà. […] Il mêle tous ces emprunts dans le courant limpide de son style, et les plus vertes expressions, les plus triviales, et qui sentent la canaille ou l’écurie, n’étonnent ni ne détonnent chez lui, tant elles sont à leur place, et justes, naturelles, nécessaires. […] Mais ces mondains mêmes subissaient, sans trop se rendre, compte de leur impression, le charme complet de cette poésie qui, en leur parlant toujours de l’homme, leur faisait voir toute la nature, l’immense, la multiple nature, et qui mêlait l’effusion lyrique à la précision narrative ou dramatique.
Né en 1613, entré dans le monde dès l’âge de seize ans, il n’avait pas étudié, et ne mêlait à sa vivacité d’esprit qu’un bon sens naturel encore masqué d’une grande imagination. […] Il me la donna tout entière, mais il se repentit… » L’attrait s’en mêla sans doute ; l’imagination et le désir s’y entr’aidaient. […] Jusqu’alors elle s’était assez peu mêlée de politique : Miossens avait pourtant tâché de l’initier. […] Dans l’amour même, à le prendre au vrai, et si quelque vanité étrangère ne s’y mêle, on est beaucoup plus sensible à ce qu’on y porte qu’à ce qu’on y trouve. […] Rousseau n’a écrit qu’après cette seconde folie et a continuellement mêlé les deux en un même reflet.
Cependant il y a quelques poèmes où apparaissent plus distinctement les linéaments de l’antique épopée, où la matière primitive, dans une forme qui n’est pas primitive, n’est pas trop mêlée d’éléments hétérogènes et adventices. […] Les mœurs sont féroces : non pas de cette férocité de décadence, par laquelle les héros deviendront des ogres et des fous furieux ; mais d’une saine et fière férocité, qui reste humaine, et se mêle encore de loyauté et de bonté naturelles. […] Cependant l’amour apparaît : un amour simple, intime, domestique, l’amour de Bègue et de sa femme, tendresse mêlée de protection chez l’un, de tremblement et d’admiration chez l’autre. […] Choses et bêtes s’en mêlent ; voici le cor d’Auberon qui est fée, et voici le bon cheval Bayard, qui est fée aussi. […] Vivien a son petit frère qui demande à le venger, et l’enfant Guibelin, au siège de Narbonne, assomme son maître pour aller se jeter dans la mêlée, où il est tué par les Sarrasins42.
Parfois la conscience de l’honnête homme reprenait sa respiration, tant il y avait de malaise dans cet air où les sophismes se mêlaient aux vérités. […] Mais Goethe a exagéré la note ; Chateaubriand y mêle trop de lamentations mélancoliques ; Bernardin de Saint-Pierre, quoique parfait et modeste, a été obligé d’aller chercher la source des larmes dans les îles de l’océan Indien, et d’emprunter leur émotion aux plus grandes tragédies de la nature : les tonnerres, les tempêtes, les naufrages, agents de ce drame qui n’avait eu jusqu’à lui aucun modèle dans l’antiquité. […] Les arbres s’étaient baissés vers les ronces, les ronces étaient montées vers les arbres, la plante avait grimpé, la branche avait fléchi, ce qui rampe sur la terre avait été trouver ce qui s’épanouit dans l’air, ce qui flotte au vent s’était penché vers ce qui traîne dans la mousse ; troncs, rameaux, feuilles, fibres, touffes, vrilles, sarments, épines, s’étaient mêlés, traversés, mariés, confondus ; la végétation, dans un embrassement étroit et profond, avait célébré et accompli là, sous l’œil satisfait du Créateur, en cet enclos de trois cents pieds carrés, le saint mystère de la fraternité humaine. […] Les éléments et les principes se mêlent, se combinent, s’épousent, se multiplient les uns par les autres, au point de faire aboutir le monde matériel et le monde moral à la même clarté. […] Elle avait toutes les peurs des enfants et toutes les peurs des religieuses mêlées.
On y voit même l’opposition ; mais ce qui en perce dans les confidences de Mme de Sévigné ressemble un peu à l’opposition qu’on faisait à Racine par amour pour Corneille : c’est le regret du passé, mêlé de je ne sais quel dépit d’avoir à admirer et à aimer ce qui le remplace. […] Saint-Simon est un exemple d’un homme très honnête et très capable qui ne se mêle guère que de politique, et qui n’y réussit pas. […] Saint-Simon ne fut pas exempt de ce travers ; il n’était pas content de sa vertu s’il ne s’y mêlait un peu de dépit contre les vices des autres ; il ne pouvait pas s’estimer sans mépriser quelqu’un. […] Il se commet, à son insu, dans plus d’un récit, parce qu’au lieu d’avoir vu les choses de la galerie, il y a été mêlé de sa personne, et qu’il a sa part du ridicule qu’il observait. […] Quel honneur ne fait-elle pas à notre pays, même au prix de tout le mal qui s’y mêle au bien !
Il dit : Je t’établis pour être la lumière des nations ; ainsi parle l’Eternel à celui qu’on méprise. » On peut dire de la haute pensée philosophique et morale ce que Victor Hugo a dit de la nature même : elle mêle Toujours un peu d’ivresse au lait de sa mamelle. […] Le bien est toujours mêlé de mal. […] de Littérature et philosophie mêlées, pp. 211, 212. […] Encore est-il que le peu de choses éloquentes mêlées à sa rhétorique sont des choses qu’il a crues, des expressions de croyances au moins négatives. […] Victor Hugo, Littérature et philosophie mêlées, IIe vol., p. 60.
Seulement bien des questions se présentent : l’art aura-t-il gagné à ce changement de toutes choses, ne court-il pas risque de se diviser, de s’amaigrir en une multitude de courants et de canaux, dès qu’il se mêlera davantage à cette société tout industrielle et démocratique ? […] ou bien mêlé à tout sans s’y confondre, ramené à pleins flots sur le terrain commun et poussé vers un terme immense et inconnu, réfléchissant avec harmonie dans ses eaux les spectacles et les formes de ses rivages, deviendra-t-il dorénavant plus profond, plus large que jamais, surtout moins inaccessible ? […] Grâce à eux, à leurs théories et à leurs travaux, l’art, qui ne se mêla pas encore au mouvement général de la société, acquit du moins, pendant cette retraite en commun, une conscience distincte et profonde de sa personnalité ; il s’éprouva lui-même, reconnut sa valeur, et trempa son instrument.
Ce corps eut une enfance, une jeunesse, un âge mûr souvent, une vieillesse parfois ; il fut un homme, lit partie d’une famille, naquit et vécut dans une patrie, eut tels parents, tels amis, tels contemporains ; la carrière de cet être fut mêlée d’infortunes et de joies, de hasards et d’habitudes ; il subit et exerça des influences spirituelles ; il reprit l’œuvre artistique à un point donné et en porta le progrès à tel autre point ; cette entité intellectuelle dont on a désigné d’abord la configuration totale et générale, avec toutes ses acquisitions et toute son innéité, eut une évolution, fut jetée dans le compromis de résistances et d’adaptations qu’est la vie, fut fait d’originalité et d’imitation comme tout individu vivant, mêla sa tâche de redites et de trouvailles. […] Il faut pour entreprendre la restitution d’un de ces grands êtres intellectuels qui sont, dans l’ordre de la pensée et de la sensibilité pures, comme les initiateurs d’une espèce morale, qui concentrent et qui exaltent en eux toute l’émotion et la réflexion excitée dans la foule mêlée de leurs admirateurs, remonter des parties éparses de son esprit à leur enchevêtrement et leur engrenage dans le tout, replacer cet esprit ainsi particularisé dans chacune de ces facultés et dans leur association, en un corps dont il sera nécessaire de connaître les représentations graphiques et dont les habitudes ressortiront des témoignages des contemporains : ce corps même et cet esprit, il faudra le prendre dans ses origines, la famille, la race, la nation, — dans son milieu premier, le lieu de naissance et d’enfance, le climat, le paysage, le sol : il faudra le suivre dans son développement et ses relations, de son enfance à sa jeunesse, de ses amitiés à ses liaisons, de ses lectures à ses actes, tracer le cours de ses productions, connaître les joies et les amertumes de sa vie, le conduire enfin à ce déclin et ce décès qui si rarement, pour les grands artistes, sont glorieux, ou fortunés ou paisibles.
« Boileau — a-t-il dit quelque part — était idolâtre des Anciens, et devait l’être, sans doute, par goût et par reconnaissance ; mais il se mêle toujours de la superstition dans tous les cultes, et sa délicatesse en est une preuve. » Fréron, cet inconnu au xixe siècle, était une imagination puissante, réglée par une raison plus puissante encore, et qui comprenait la critique comme Louis XIV le gouvernement. […] V Il eut contre lui les sots, et même les spirituels, — qui sont plus sots encore que les imbéciles quand ils s‘en mêlent… Mais, comme Gilbert, cet autre accablé du xviiie siècle qui opposait à tout : L’estime de Grillon, sa vie et le silence ! […] M. de Barthélemy a mêlé aux citations qu’il fait de Fréron la vie de ce Stator de la Critique, qui résista et combattit jusqu’au brisement de sa plume et de son cœur, et cette vie de Fréron, chaudement racontée, est de la même unité que ses écrits.
Parce qu’il y avait eu, mêlé à cette fétide séduction d’une élève par l’homme chargé de l’instruire, d’une jeune fille par presque un prêtre, un crime terrible en expiation et en vengeance d’un crime odieux, nous avons cru longtemps qu’une passion immense, une rareté effrayante, mais belle peut-être à force d’impétuosité, de profondeur et de flammes, devait reposer, comme le Léviathan dans l’abîme qu’il a troublé, au fond de toute cette vase de sang et de larmes qui semble n’avoir pas séché encore. […] voilà enfin le dernier mot de cette orgueilleuse empoisonnée par la science, et que la Philosophie, qui se mêle d’ausculter les cœurs, nous donne pour le type le plus tendre et le plus élevé de l’amour ! […] Elle dit qu’elle n’est pas « maîtresse de sa rhétorique », que la déclamation l’emporte, et peu s’en faut que le mépris de la femme ne se mêle, chez cette historienne du xixe siècle, à l’admiration traditionnelle et obligée qu’elle témoigne à Héloïse.
Parce qu’il y avait eu, mêlé à cette fétide séduction d’une élève par l’homme chargé de l’instruire, d’une jeune fille par presque un prêtre, un crime terrible en expiation et en vengeance d’un crime odieux, nous avons cru longtemps qu’une passion immense, une rareté effrayante, mais belle peut-être à force d’impétuosité, de profondeur et de flammes, devait reposer comme le Léviathan dans l’abîme qu’il a troublé, au fond de toute cette vase de sang et de larmes qui semble n’avoir pas séché encore. […] voilà enfin le dernier mot de cette orgueilleuse empoisonnée par la science et que la Philosophie, qui se mêle d’ausculter les cœurs, nous donne aujourd’hui pour le type le plus tendre et le plus élevé de l’amour ! […] Elle dit qu’elle n’est pas « maîtresse de sa rhétorique », que la déclamation l’emporte, et peu s’en faut que le mépris de la femme ne se mêle chez cette historienne du xixe siècle à l’admiration traditionnelle et obligée qu’elle témoigne à Héloïse.
Alors, oui, Dieu, les anges, les démons seront objets si présents à notre pensée et que nous sentirons à tout instant si voisins de nous, que les voir en un poème mêlés aux affaires humaines, et même sur la scène mêlés aux personnages, ne nous étonnera nullement. […] Au 2 Décembre, il renonça à la politique, et ne s’en occupa dès lors non plus que s’il ne s’en était jamais mêlé. […] Le bien est toujours mêlé de mal. […] Au 2 décembre 1851 il se mêla au mouvement de résistance, et dut prendre la route de l’exil. […] Il a mêlé un peu de Pythagore et de Jean Reynaud à tout cela ; mais cela est le fond.
Comment se mêlent les courants ? […] Jamais d’interférence, jamais les rayons ne se mêlent. […] L’analyse deviendra pittoresque et mêlera l’objet au sujet. […] Richelieu se mêla à la cour des cardinaux, aux intrigues. […] Un maladif rayon d’amour féminin se mêle à cet amour pour l’humanité.
Je reviens au cardinal de Bernis que je n’avais pas songé d’abord à prendre si politiquement, ni d’une manière si grave ; je reviens au caractère général qui m’avait d’abord attiré vers sa personne et dont je ne me laisserai plus détourner même par les grandes affaires et les controverses très vives où son nom se trouve mêlé. […] Voltaire, quand il vit Bernis devenu cardinal, archevêque, et engagé dans les hautes dignités de l’Église, était disposé à toutes les coquetteries et à toutes les louanges à son égard, à condition d’y mêler plus d’une malice, et, si on le laissait faire, plus d’une impertinence religieuse. […] La singulière douceur de cette philosophie tout horatienne demande grâce, un moment, pour la légèreté qui s’y mêle encore, et qui continuera de s’y mêler longtemps. […] Je n’ai point vu de magnificence surpasser la sienne… Et après maints détails où elle se complaît, et qui prouvent à quel point l’hôte splendide savait mêler à ses pompes et à ses largesses romaines cette qualité française, la précision, Mme de Genlis ajoute : « Le cardinal de Bernis donna à Mme la duchesse de Chartres de magnifiques conversations, c’est-à-dire des assemblées de deux ou trois mille personnes.
Il n’y eut pas moyen d’entendre ce qu’il ajoutait, en tremblant, que l’Assemblée serait peut-être étonnée des censures que l’auteur mêlait à ses hommages. […] La justesse de son esprit lui faisait apercevoir tout ce qu’exigeait sa position ; mais la faiblesse de son caractère ne lui permettait aucune mesure forte et décisive ; et la reine entretenait son indécision par l’exagération de ses espérances dans l’influence et les plans de l’empereur son frère et du roi de Prusse, quoique Louis xvi eût de l’inquiétude sur le résultat de leur intervention et beaucoup de répugnance à mêler les étrangers aux affaires de la France. […] … » La dose de constitutionnalisme qu’il mêlait toujours à ses conseils écartait Malouet de tous les projets et complots intimes, et on le laissait en dehors. […] Vous ne lui laisserez pas ignorer que je suis mécontent de voir qu’après avoir coopéré à la ruine de l’ancienne monarchie, il continue, à son âge, par inconduite et folie d’esprit, à se mêler encore d’intrigues qui ne peuvent avoir aucun résultat, et qui montrent seulement que les hommes sont incorrigibles. Comment un homme qui a vécu si longtemps chez les Anglais, et à qui je dois supposer des relations très étendues dans ce pays, au lieu de reconnaître tous les bienfaits dont je l’ai comblé, de prendre leçon de tout ce qu’il a vu depuis trente ans, au lieu de marcher droit, se mêle-t-il de pratiques et de menées qui ne le regardent pas ?
Mais quand la pensée et l’âme y tiennent la place qui convient à ce nom d’amour, quand les souvenirs déjà anciens et en mille façons charmants se sont mêlés et pénétrés, quand les cœurs sont restés fidèles, un accident, une froideur momentanée ne sont pas irréparables. […] On y avait mêlé, avec non moins de zèle, l’enregistrement de la Bulle. […] Il s’y mêlait vite une sorte de tristesse qui en augmentait peut-être le charme, mais qui en dérobait l’éclat. […] Un peu plus d’attention, de volonté, s’y mêla sans doute départ et d’autre, mais pour unir tout et sans rien refroidir. […] On discuta à perte de vue ; mais on en était généralement à adopter la pensée de La Bruyère dans le tour plus épigrammatique de Mme du Deffand, quand Madame du Maine, s’adressant à Mlle de Launay qui ne s’était pas mêlée aux propos : « Et vous, Launay, que décidez-vous ?
Une secrète horreur se mêlait à l’admiration qu’il inspirait. […] XI Nous touchons au dénouement de ce drame, le plus grand qui se soit joué sur la terre entre les idées justes et les idées fausses, la vertu mêlée de préjugés, le crime mêlé de vertus, la liberté entachée d’oppression, l’émancipation accomplie par la tyrannie, les martyrs déshonorés par les bourreaux, la raison déshonorée par les supplices. Robespierre, qui a personnifié en lui cette mêlée d’abord sublime, puis hideuse, des pensées et des passions, des philosophies et des fureurs, des principes et des sophismes, des moralités privées et des atrocités publiques, va périr sous la main non de ses ennemis, mais de ses complices. […] Les révolutions ne sont pas, comme on l’a dit, l’interrègne de la conscience, elles en sont l’épreuve, et elles ne succombent que pour avoir mêlé dans leur œuvre le crime et la vertu.
Ce bruit ne m’inspirait aucune envie de m’y mêler. […] Quelquefois j’arrivais un peu trop tôt, et je trouvais quelque homme ou quelque femme célèbre, achevant la conversation commencée avec la personne qui m’attirait seule, et s’étonnant de la présence de ce mélancolique jeune homme qui saluait respectueusement, mais qui mêlait rarement un mot court et convenable à l’entretien. […] L’énigme de l’auteur se mêlait à l’énigme de l’ouvrage. […] Les vraies larmes sont celles que fait couler une belle poésie ; il faut qu’il s’y mêle autant d’admiration que de douleur. » C’est Priam disant à Achille : « Juge de l’excès de mon malheur, puisque je baise la main qui a tué mes fils. » C’est Joseph s’écriant : « Je suis Joseph votre frère que vous avez vendu pour l’Égypte. » Voilà les seules larmes qui doivent mouiller les cordes de la lyre et en attendrir les sons. […] L’âge même ne peut ravir aux Sachems cette simplicité joyeuse : comme les vieux oiseaux de nos bois, ils mêlent encore leurs vieilles chansons aux airs nouveaux de leur jeune postérité.
Toutes ces scènes chez l’archevêque sont admirables de naturel, et respirent une douce comédie insensiblement mêlée à toutes les actions de la vie. […] Gilles et Fagotin auront là un bon maître : Apollon avait un fort mauvais écolier. » Voltaire avait trop d’esprit pour ne pas louer Gil Blas, mais il l’a loué le moins possible, et il a mêlé à son éloge une imputation de plagiat inexacte et tout à fait malveillante. […] Tout en le donnant comme tiré d’un manuscrit espagnol, il y mêla les mœurs françaises, celles de nos petits abbés, classe inconnue en Espagne ; et en même temps, pour ce qui est de la description des mœurs du Mexique qu’on trouve dans la seconde partie du Bachelier, il la prit, sans le dire, dans la relation d’un Irlandais, Thomas Gage, qui avait été traduite en français bien des années auparavant. Mais tous ces emprunts, ces pièces de rapport, et les choses qu’il y mêlait de son invention, se fondaient et s’unissaient comme toujours dans le cours d’un récit facile et amusant. […] La mort remit bientôt Lesage à son rang, et celui qui n’avait rien été de son vivant, et de qui on ne parlait jamais sans mêler à l’éloge quelque petit mot de doléance et de regret, se trouve aujourd’hui classé sans effort dans la mémoire des hommes, à la suite des Lucien et des Térence, à côté des Fielding et des Goldsmith, au-dessous des Cervantes et des Molière.
Les poètes sont une race à part, une race des plus intéressantes quand elle est sincère, quand l’imitation et la singerie (comme il arrive si souvent) ne s’y mêlent pas ; mais, dans aucun temps, cette race délicate ou sublime n’a paru se distinguer par une connaissance bien exacte et bien pratique de la réalité. […] Il fallait à Hégésippe Moreau, comme à tous les poètes doux et faibles, sauvages et timides, tendres et reconnaissants, il lui aurait fallu une femme, une sœur, une mère, qui, mêlée et confondue avec l’amante, l’eût dispensé de tout, hormis de chanter, d’aimer et de rêver : Cependant, avec la santé qui lui revenait, la nécessité, et aussi le génie ou le démon qui ne pardonne pas, le ressaisirent. […] La faiblesse tendre qui a besoin d’appui, la souffrance et le martyre d’un être délicat, se retrouvent mêlés à de l’espièglerie et à de la lutinerie gracieuse dans La Souris blanche ; c’est le plus joli conte de fées et le plus attendrissant ; c’est moins naïf que Perrault, mais aussi aimable, aussi léger, et cela ne se peut lire jusqu’à la fin sans une larme dans un sourire. […] J’ai tâché, en le peignant, de dégager sa figure poétique et naturelle des questions brûlantes et des déclamations de parti auxquelles on a tout fait pour le mêler. […] Ses premiers vers furent consacrés à célébrer Provins, la Voulzie, les traces d’Hégésippe Moreau ; il y mêlait volontiers les souvenirs du Rhône et de la Saône, des vertes saulées où avait joué son enfance.
Payé à vingt-quatre ans de ce service par un bon évêché, de la familiarité du cardinal et du jeu de la reine, Cosnac, par tempérament, par goût et par esprit d’intrigue (je mets toujours le mot comme lui-même, indifféremment), se mêlait alors de beaucoup de choses, et on l’y jugeait propre. […] L’évêque de Valence était un homme politique et utile : l’estime de Mazarin l’avait désigné d’avance à celle de Louis XIV, qui n’avait fait que le sacrifier pour un temps à la colère de Monsieur, mais sans y mêler rien de personnel. […] L’abbé de Cosnac, moins par scrupule que par un éloignement naturel, évite de se mêler à ces sortes d’intrigues, qui sont, au contraire, l’élément même et le triomphe de Sarasin : Pour moi, nous dit l’abbé, je ne cherchais à me mêler que des affaires du parti, non seulement dans la vue de me rendre utile et nécessaire, mais encore parce que je les trouvais plus conformes à mon inclination, qui me portait autant à l’ambition qu’elle m’éloignait de l’amour. […] Ce qui tempérait l’effet de ces brusqueries et les empêchait de tourner autant qu’elles auraient pu contre celui qui se les permettait, c’est qu’il s’y mêlait de la gaieté, de la jovialité, et (je demande pardon du mot) un peu de turlupinade.
Les terreurs que les deux femmes qui l’élevaient contradictoirement mêlaient à l’envi aux contes du coin du feu paraissent lui en a oir ôté tout le charme, et on ne voit jamais trace chez lui d’un tendre regard en arrière vers les années de son enfance. […] Après quelques incertitudes sur le choix du lieu, il se détermina pour l’Orient, pour ce berceau des antiques religions ; il se mêlait bien encore à son dessein quelque chose de la philosophie curieuse et destructive dont il était fils : cette fois du moins, dans l’exécution, cet esprit négatif ne se donna point carrière comme plus tard. […] Napoléon, qui a ouvert sa relation de la campagne d’Égypte par des descriptions de ce genre, a renchéri encore, s’il est possible, sur la brièveté et la concision de Volney ; mais il y a mêlé de soudains éclairs. […] Il semble, à la manière dont il débute, qu’il a senti toute la majesté du spectacle ; que, lui aussi, il va prendre l’essor, qu’il va embrasser de l’aile le champ de la nature, de la poésie et de la tradition, dût-il s’y mêler pour lui quelques nuages. […] Par ces côtés positifs, Volney était un membre utile de l’émancipation de 1789 ; mais il y mêlait une passion philosophique singulière, et, entre toutes celles du même genre qui éclataient alors, la sienne se distinguait par un caractère aigu et ardent.
Un arc est beau, lançant sa flèche ; le bouclier d’Ajax avec ses sept peaux de bœuf était beau dans la mêlée, arrêtant comme un mur tous les projectiles ; les poulies compliquées, des puits de Vérone, près du vieux palais des Scaliger, prennent une certaine beauté lorsqu’on les voit soulever le seau ruisselant jusqu’aux plus hautes fenêtres du palais ; un levier semble beau aussi quand il soulève un rocher, et ensuite, si on le regarde au repos, on ne lui refusera plus un certain caractère, esthétique par, la vision anticipée de son effet. […] Mais il s’y mêle, d’habitude beaucoup d’autres plaisirs d’un caractère plus sensitif : en effet, l’image intérieure fournie par le souvenir se trouve ravivée au contact de l’image extérieure, et devant toute œuvre de l’art nous revivons une portion de notre vie. […] L’industrie, après avoir été ainsi l’art primitif des hommes, s’est subtilisée toujours davantage : elle a travaillé sur des matériaux de moins en moins grossiers, depuis le bois et le silex, façonnés par l’artisan des premiers âges, jusqu’aux couleurs mêlées de nos jours sur la palette du peintre ou aux phrases arrangées par le poète et l’écrivain. […] Il y a aussi, dans l’art, un élément de plaisir tiré d’une antipathie mêlée parfois de crainte légère, que compense le sentiment de l’illusion. […] Alors se crée un milieu moral et mental où nous sommes constamment baignés et qui se mêle à notre vie propre : dans ce milieu, l’induction réciproque multiplie l’intensité de toutes les émotions et celle de toutes les idées, comme il arrive souvent dans les assemblées, où un grand nombre d’hommes réunis sont en communication de sentiments et de pensées.
Dans tout cet art où la fantaisie du visionnaire se mêle à la force évocatrice du réaliste, apparaît la dernière et la plus puissante des influences que Heine a subies, celle des chants populaires. […] Du charme au désespoir, de la mélancolie à la dérision, du gai au grave, de l’admiration au mépris, il existait dans l’esprit de Heine de rapides transitions, des passes soudaines qui mêlaient et heurtaient le sombre au gai, comme succède l’obscur au clair dans un ciel fouetté de nuages. […] Heine se mêla de trop d’aventures et vibra de tant de passions que l’inanité même de ce qu’il s’était indigné de ressentir ne put lui échapper. […] Jusque dans cette épreuve finale qui vide et retourne l’homme du dedans, l’approche de la mort, il fut aussi amer et aussi spirituel, aussi prêt à mêler les choses tragiques et badines, que dans ses plus merveilleuses pages d’humour. […] En roule, j’ai rencontré le Dieu des panthéistes, mais je n’ai su qu’en faire, ce pauvre être étant vague et tout mêlé au monde ; il y est emprisonné, et vous bâille au nez, sans volonté et sans pouvoir.
En allant de ce fossé vers la gauche, le terrain s’élève et l’on voit à terre des drapeaux, des tymballes, des armes brisées, des cadavres, une mêlée de combattans formant une grande masse où l’on discerne un cavalier blanc à demi-renversé, mort et tombant en arrière vers la croupe de son cheval ; plus sur le fond, de profil, un cavalier brun dont le cheval se cabre et qui meurt. à la fumée, et à la lueur forte et rougeâtre qui colore cette fumée, on reconnaît l’effet d’un coup de canon. […] De droite et de gauche, des mêlées séparées, des corps particuliers de troupes engagés, s’éteignant, s’étendant sur le fond, perdant insensiblement de la grandeur et de la lumière, s’isolant de la masse principale, et la chassant en devant. […] Sur la droite, un de ces précipités isolé, et cherchant à se raccrocher au bâtiment. à gauche, sur le fond, et fesant l’effet des petites actions ou mêlées ou latérales aux deux combats de terre, autres vaisseaux couverts de combattans, éloignés, éteints, et chassant en devant le bâtiment du milieu. […] Sur un troisième plan plus sur la gauche, et tout à fait sur le devant, c’était un homme accroupi, mais il commence à se lever et à jetter ses regards mêlés d’inquiétude et de curiosité vers la gauche et le devant de la scène ; il a entendu. […] Voilà les scènes qu’il faut savoir imaginer quand on se mêle d’être un paysagiste.
Alors que, dans une vicissitude continue, il tombait, se relevait, retombait encore, au bruit de mille voix je n’ai pas mêlé la mienne. […] À ces impressions du premier âge et de la guerre, aux vicissitudes de la vie privée, allaient se mêler, pour cette forte imagination, les grands spectacles de la fortune et les dernières convulsions de la gloire. […] L’onde est quelquefois plus mêlée, plus trouble dans son cours ; mais elle sort toujours d’une source profonde et brûlante, dont le poëte a pu dire sans trop d’orgueil : Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire ou briller mon âme de cristal, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout, comme un éclat sonore. […] Devant l’Etna et ses jets de feu nocturnes enflammant au loin la mer de Sicile, Pindare ne songe pas à lui-même ; il ne mêle pas les mécomptes de l’orgueil poétique à ces terreurs de la nature. […] Là ne se bornent pas les emprunts de cette muse étrangère que notre poésie nouvelle était allée chercher sous ces palmiers indigènes et dans les nuits étincelantes du tropique : d’autres vers de Lamartine et de Victor Hugo, une pièce même de Parny, tout innocente il est vrai, se trouvent mêlés aux inspirations de dona Gomez.
Entre tous ceux qui l’ont loué, je prendrai le moins connu aujourd’hui, mais qui me semble avoir parlé de lui le plus naturellement et sans oublier de mêler aux couleurs quelques légères ombres : Avant de dire ce qu’il a fait pour la nature, disait le médecin Lafisse dans un éloge de Vicq d’Azyr prononcé en 1797, voyons ce qu’elle fit pour lui. […] Quoiqu’il eût de la fermeté dans le caractère, il s’y mêlait quelque faiblesse : aimant les louanges, il paraissait les négliger ; sensible aux contrariétés, il avait l’art de se contraindre, mais sa rougeur le trahissait, et les impressions étaient durables. […] Tant que la Société de médecine fut peu considérable, et qu’elle ne consista qu’en une commission de huit médecins, établie pour correspondre avec les médecins des provinces sur tout ce qui avait rapport aux maladies épidémiques et épizootiques (arrêt du Conseil du 29 avril 1776), on la laissa faire ; mais dès qu’on s’aperçut qu’elle prenait de l’extension, et que cette société, créée originairement pour s’occuper des bêtes, en venait à se mêler non moins activement de ce qui tient à la santé des hommes, la faculté de médecine de Paris prit l’alarme, et fit ce que feront toujours les vieilles corporations en face des institutions nouvelles. […] Compagnie écumée, bon grain mêlé à l’ivraie.
Elle ne satisfait point l’homme de sensibilité et de goût, comme le font les stances de Racan sur La Retraite ou l’ode de Maynard À Alcippe ; elle a cependant son charme et sa grâce par une touche large et naïve, bien qu’il s’y mêle des tons déplaisants et même incohérents. […] C’est une mythologie à peu près inévitable qui se mêle à tous les paysages de ce temps-là, et qui tend à les gâter par le convenu. […] Boileau, à ce sujet, a dit de Saint-Amant : Ce poète avait assez de génie pour les ouvrages de débauche et de satire outrée, et il a même quelquefois des boutades assez heureuses dans le sérieux : mais il gâte tout par les basses circonstances qu’il y mêle. […] Il n’y mêle aucune idée morale ni aucun sentiment fait pour toucher, et lorsqu’il s’écrie en terminant : Oh !
Presque tous les vrais artistes ont été pauvres au début de leur carrière ; mais ils se sont toujours arrangés pour travailler, payer leurs couleurs ou leur marbre avec l’argent que Marcel dépense chez Momus, et ils ont toujours considéré cette pauvreté comme un état transitoire d’où il fallait sortir à force de labeur, et qui avait cette belle conséquence morale de leur faire comprendre les dessous navrants de la mêlée humaine et d’éprouver la solidité de leur conviction et de leur talent. […] Il le compromet aux yeux du public, pastiche ses œuvres, bénéficie de son honneur et profite, pour lui imposer ce rebutant compagnonnage, de l’indulgence et de la pitié mêlées d’une certaine faiblesse qui entraînent souvent l’artiste vrai à se laisser « rouler » dans la vie tout en s’en apercevant. […] Nous concevons aujourd’hui tout autrement notre rôle ; l’artiste, parmi la dislocation des castes, des partis et des hiérarchies, va être le circulateur d’idées, le « quatrième pouvoir » mêlé à tout, influant sur tout. […] En outre, la presse s’empare du moindre scandale où ils sont mêlés : elle centuple l’importance de leurs désordres par le tapage qu’elle en fait, et cette odieuse surveillance de la presse, cette corvée de la vedette eût dû retenir bien des artistes dans le désordre de leur vie.
Dans l’histoire de notre littérature on trouve de la morale mêlée à presque tous les écrits populaires ; on en trouve même des traités complets, sous forme de codes de conduite. […] L’un est mêlé à toutes les agitations d’une époque d’intrigues et de guerres civiles ; l’autre mène une vie silencieuse et inconnue, dans une ville de province d’abord, puis dans les communs de M. le Duc. […] Bien différent de Retz, qui semble amuser sa vieillesse du récit de toutes ces complications où il avait été si activement mêlé, La Rochefoucauld se travaille pour leur donner les proportions d’événements généraux et il écrit des mémoires sur le ton de l’historien. […] Peut-être même s’y mêla-t-il un peu de vengeance.
Les ministres et pasteurs presbytériens s’en mêlèrent. […] Dès ce jour, outragée, ulcérée dans son honneur et dans son affection, elle conçut contre Darnley un redoublement de mépris mêlé d’horreur, et jura de se venger des exécuteurs violents du meurtre. […] Le mot était lâché, il ne s’agissait, pour Marie comme pour son frère Murray, que de regarder à travers ses doigts, selon l’expression vulgaire, et de laisser faire sans se mêler de rien. Elle dut s’en mêler pourtant ; elle dut attirer dans le piège, par un feint retour de tendresse, Darnley, alors convalescent de la petite vérole.
De retour dans sa patrie, dans la philosophique et opulente Angleterre, à l’époque même où les lettres accréditées y conduisaient au pouvoir, où les hommes d’État étaient de grands orateurs, William Pitt, Fox, Burke, où les lettrés se mêlaient partout aux affaires, Gibbon, Shéridan, Glover, Macpherson, il vécut loin du parlement, loin du monde, dans la modeste chambre d’un collège, où il semblait perpétuer la vie laborieuse d’étudiant, et d’où il s’échappait quelques mois, chaque année, pour voyager dans son pays, en étudier les beautés naturelles, les vieux monuments, et renouveler en soi la religion de la patrie comme celle de la science. […] La glaire bruyante et mêlée de Byron, sa personnalité mixte de modèle et de peintre, ses aventures et son génie, ses velléités d’héroïsme, ses caprices effrénés d’abandon et de licence, Child-Harold, Lara, le Corsaire, son épopée sardonique de Don Juan et son Mystère de Caïn, n’effaceront pas l’Ode au collège d’Eton, l’Ode à l’Adversité, le Barde, les Fatales Sœurs, et l’Élégie écrite dans un cimetière de village. […] Cette forme admirable de l’imagination, l’enthousiasme mêlé au récit, la brièveté tout à la fois dans le sublime et dans le pathétique, la poésie passant comme un météore sur un lieu, sur un nom qu’elle illustre à jamais, cette ambition ne pouvait manquer dans les rares et studieux efforts du poëte anglais. […] Dans le milieu est une beauté divine ; son œil la proclame de descendance bretonne, et son port de lion, son visage commandant le respect, et mêlé avec douceur d’une grâce virginale.
Aux xve et xvie siècles, on retrouvait d’hier cette Antiquité ; on sy mêlait, on ne s’en dégageait pas : on ne la jugeait pas d’une seule vue et avec netteté. […] En France, où s’est passé le fort du débat, on commence à le dater de Desmarets de Saint-Sorlin, vers 1670 ; les manifestes de cet esprit un peu extravagant, et qui mêlait quelques bonnes idées à beaucoup de chimères, devancier de Chateaubriand en théorie et qui faisait mieux que pressentir la veine de poésie propre au christianisme, se prolongèrent jusqu’en 1675. […] Il s’ensuivit pendant deux années une mêlée des plus vives et des plus générales, qui se termina par un souper de réconciliation entre La Motte et Mme Dacier, sous les auspices de M. de Valincour (1716).
Dans la Mer, la sincérité éclate, mêlée à nous ne savons quelle explosion d’extase pour les choses qui représentent le mieux la Beauté. […] Je voudrais y voir aussi une petite amende honorable au public qui n’a pas fait aux beaux poèmes de la Mer, très mêlés, je sais bien, mais où l’on trouve des choses exquises, de véritables petits chefs-d’œuvre, un accueil aussi empressé qu’ils le méritaient. […] Il a l’âme ouverte à tous les sentiments de la vie, et il les mêle — et fougueusement — à ses peintures.
Ce plaisir, nous devons le dire, a été mêlé de regret pour une nombreuse partie de l’auditoire ; on écoutait, on saisissait quelques mots, on sentait que quantité de choses justes, délicates et fines passaient tout près de là ; on les devinait au sourire même de celui qui parlait, et à la satisfaction de tous ceux qui se trouvaient assez voisins pour en jouir ; on était bien sûr de ne pas se tromper en joignant ses applaudissements aux leurs, mais on éprouvait, en réalité, un peu du supplice de Tantale. […] Une fois, dans ce qu’il y mêlait d’affectueux et de trop flatteur, il s’interrompit en ajoutant cette touchante parole : « Je m’arrête, car vous pourriez croire que je suis un candidat en nécrologie. » Mais encore une fois, si j’ai contracté envers lui une dette, ce n’est point le moment de la payer.
Et puis, aujourd’hui, sur les pentes du Calvaire de France, Israël est mêlé aux enfants du Christ. […] Ils mêlaient leurs rêves, leurs plaintes, leurs plaisanteries et tout le répertoire de leurs chansons.
Dans les batailles, c’était presque toujours une lutte d’homme à homme ; tout guerrier était chargé de sa propre défense ; aujourd’hui, chaque force se mêle et se confond dans la masse générale des forces ; alors chaque force était isolée, et ne protégeait qu’elle-même. […] C’est là encore que l’on voit le génie de ce peuple, qui mêlait à ses plaisirs mêmes des leçons de grandeur ; là, tous les arts étaient asservis à la politique, et la musique même, qui ailleurs n’est destinée qu’à réveiller des idées douces et voluptueuses, ou à irriter une sensibilité vaine, célébrait dans Athènes les grandes actions et les héros.
Callimaque, où les lyriques mêlaient aux odes triomphales le cri violent de leurs haines et de leurs sarcasmes… Les nouvelles strophes de M. […] Il vint à Paris et, avide de gloire, ambitieux d’amitiés célèbres, se mêla fiévreusement à tous les groupements.
Pour donner une couleur vraie, il faut mêler aux teintes sombres l’or, l’argent, l’azur, la joie. […] Après les avoir vus à l’œuvre deux ans sous les obus, à Reims, le cardinal Luçon leur rend ce témoignage : « Mêlés à leurs camarades dans le rang, les Jeunes Catholiques ont certainement exercé par leurs discours et leurs exemples un véritable apostolat et secondé très efficacement celui du prêtre soldat. » Rares seront les survivants, constate l’un de leurs chefs, et relevant avec fierté une phrase effroyable, il dit : « Il est trop vrai que la jeune génération catholique est enterrée dans les tranchées.
D’après cela, nous distinguerons à plus juste titre que Varron, trois espèces de théologie : théologie poétique, propre aux poètes théologiens, et qui fut la théologie civile de toutes les nations païennes ; théologie naturelle, celle des métaphysiciens ; la troisième, qui dans la classification de Varron est la théologie poétique42, est pour nous la théologie chrétienne, mêlée de la théologie civile, de la naturelle, et de la révélée, la plus sublime des trois. […] Si Varron la distingue de la théologie civile et de la théologie naturelle, c’est que, partageant l’erreur vulgaire qui place dans les fables les mystères d’une philosophie sublime, il l’a crue mêlée de l’une et de l’autre.
Les manœuvres alors se développent, les charges se croisent, les péripéties de la mêlée se nouent et se dénouent sur mille champs de carnage à la fois. […] se mêler aux gémissements des mourants. […] Une affreuse mêlée s’engage entre eux et les fantassins russes. […] Lannes reçut avec une sorte de satisfaction convulsive les étreintes de son maître, et exprima sa douleur sans y mêler aucune parole amère. […] Les scènes de Fontainebleau, entre Napoléon, Joséphine et ses enfants, ont des accents domestiques qui se mêlent, avec un pathétique contraste, à la solennité des négociations et des victoires.
Il était large d’épaules ; ses cheveux étaient mêlés d’une teinte grise ; ses jambes étaient longues, son visage effrayant, sa démarche imposante. […] Le plus jeune fils de dame Uote se jeta aussi dans la mêlée. […] Laissez-moi sortir de la salle et quitter en paix cette rude mêlée avec ma suite. […] Ils ne voulaient point se mêler de la lutte, et ils ordonnèrent à leurs hommes de ne point rompre la paix. […] Combien de temps pourrions-nous résister dans cette mêlée ?
Le héros d’un festin est égal au héros qui, dans la guerre, dirige les mêlées terribles, là où si peu demeurent inébranlables et soutiennent de pied ferme le choc de Mars impétueux. […] … » — Toute une philosophie sociale va se mêler insensiblement à cet élan du poëte, et nous voilà bien loin de la gaieté. — M. de Laprade, à son tour, célébrant la Coupe, dans une pièce pleine de beaux vers, a dit : Des hautes voluptés nous que la soif altère, Fils de la Muse, au vin rendons un culte austère, Buvons-le chastement, comme le sang d’un Dieu. […] La mode s’en mêla, comme elle se mêle de tout : on se fit un rôle de gastronome et d’épicurien ; Oui, nom d’un chien ! […] Depuis mars 1799, où il donnait au théâtre des Jeunes-Artistes le Testament de Carlin, on le trouverait sans interruption mêlé à une foule de petites pièces de tout genre, opéras-comiques, vaudevilles, tantôt comme auteur unique, tantôt et le plus ordinairement comme collaborateur pour une moitié ou pour un tiers. […] A lire, par exemple, la jolie chanson intitulée les Inconvénients de la Fortune (1812), se douterait-on de ce demi-ton de tristesse, de ce filet de mélancolie qui se mêle si bien au refrain chanté ?
L’homme ne peut entendre ces concerts sans y mêler lui-même sa voix. […] Écoutez comme le laboureur, en gouvernant le double manche de sa charrue, distrait ses bœufs et se distrait lui-même par des notes qui se mêlent aux mugissements de son attelage et au bruit criard et monotone de ses roues ! […] Je ne manquais jamais de me mêler à ces rondes, et je bondissais de joie naïve et précoce, en tenant par mes deux mains les mains complaisantes des plus jeunes et des plus jolies faneuses du pays. […] À la danse des veillées, dans le grand vestibule, le petit Didier n’osait pas même se mêler aux rondes ou prendre la main de la Jumelle. […] La vieille mère de de Lisle, royaliste et religieuse, épouvantée de la voix de son fils, lui écrivait : « Qu’est-ce donc que cet hymne révolutionnaire que chante une horde de brigands qui traverse la France et auquel on mêle votre nom ?
Ils ne comprennent pas que pour un curieux de ma sorte, un enthousiaste, un fanatique de style qui se trouve content et satisfait, si par hasard il rencontre en quelque tarte narbonnaise, un mot vrai, un mot trouvé, le commun des lecteurs, le commun des martyrs, rassasié de ces folies du style en délire, aussitôt les rejette et n’en veut plus entendre parler, une fois qu’il a porté à ses lèvres ce breuvage frelaté où se mêlent sans se confondre les plus extrêmes saveurs. […] — La péritonite s’est mêlée à la maladie de poitrine. […] La porte s’entrouvre au bout de quelque temps, et il en sort une tête de garçon boucher, le brûle-gueule à la bouche : une tête où le belluaire se mêle au fossoyeur. […] » Une passion, des passions à la fois de toute la tête, de tout le cœur, de tous les sens, et où se mêlaient toutes les maladies de la misérable fille, la phtisie qui apporte de la fureur à la jouissance, l’hystérie, un commencement de folie. […] — et j’ai fait cette fois de l’imagination dans du rêve mêlé à du souvenir.
Ceci l’enflammait, car cette vérification que son intelligence avait saisie au milieu des mêlées les plus tragiques corroborait une des lois les plus vraies et les plus aimées des doctrines qu’il révérait tant. […] Les fatigues avaient encore aminci son visage, et la lumière lunaire en exagérait la pâleur, et les lignes si fortes, si jeunes et si mâles, de sorte qu’à l’image tragique du héros se mêlait je ne sais quelle âpreté ascétique. […] À leur perfection se mêle une goutte d’amertume. […] Nous avions jadis le Royal-Champagne, le Royal-Auvergne ; nous y voici un peu revenus, et le recrutement régional, c’est quelque chose de plus tendre qu’un recrutement de cinq millions d’hommes mêlés. […] S’il se mêlait à leur émulation des ferments d’hostilité, je dirais que celle-ci contribue encore à l’amitié française.
Maintenant le bien et le mal sont mêlés comme l’ivraie et le bon grain dans un champ. […] Mais il n’avait pas dit encore : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Bien des ténèbres se mêlaient à ses vues les plus droites. […] Ce que Jésus a fondé, ce qui restera éternellement de lui, abstraction faite des imperfections qui se mêlent à toute chose réalisée par l’humanité, c’est la doctrine de la liberté des âmes.
C’était là un de ces éléments d’utopie comme il s’en mêle toujours aux grandes fondations, et dont le temps fait justice. […] La troupe élue offrait en effet un caractère fort mêlé et dont les rigoristes devaient être très surpris. […] Il n’appréciait les états de l’âme qu’en proportion de l’amour qui s’y mêle.
L’autre raconte qu’ayant un jour invité les dieux, et voulant les tenter ou les honorer, il égorgea son jeune fiIs Pélops, dépeça ses membres, et leur servit, mêlée à d’autres viandes, cette chair palpitante. […] L’obscurité s’y mêle à l’atrocité, l’énigme s’ajoute aux ongles du Sphinx. […] Ils se penchent pour écouter le dialogue, avec des gestes de connivence et des sursauts d’attention ; ils passent la tête entre les meurtriers qui complotent et mêlent des chuchotements funèbres à leurs voix tragiques.
Car, là il y avait, certes, l’occasion d’une création majestueuse ; on pouvait, dans un sujet pareil, mêler à la peinture d’une famille féodale la peinture d’une société héroïque, toucher à la fois des deux mains au sublime et au pathétique, commencer par l’épopée et finir par le drame. […] Ici, ce que l’auteur voulait placer et peindre, au point culminant de son œuvre, entre Barberousse et Guanhumara, entre la Providence et la fatalité, c’était l’âme du vieux burgrave centenaire Job le Maudit, cette âme qui, arrivée au bord de la tombe, ne mêle plus à sa mélancolie incurable qu’un triple sentiment : la maison, l’Allemagne, la famille. […] La comédie même, quand elle se mêle au drame, doit contenir une leçon, et avoir sa philosophie.
Cette incroyable amitié fit un bruit du diable, — et du diable attrapé, car il ne s’y mêla pas un grain de scandale, le musc du temps ! […] L’éditeur de ces lettres, qui prend les choses de très haut, et qui ne s’étonne pas d’un état social où les classés commençaient à se mêler comme des numéros de loto dans leur sac, n’appuie pas beaucoup sur la question de savoir quelle fut la circonstance qui créa, de par un sentiment, une situation presque officielle en Europe, et sans exemple dans l’Histoire, depuis la nymphe Égérie, entre une marchande de glaces et le prince étincelant qui devait devenir Stanislas-Auguste. […] Que me fait, à moi, si ce n’est une affreuse pitié parce qu’elle est mêlée de mépris, la nation qui avait trop tout pour être capable de rien, et qui s’est fait couper en deux par des races inférieures à elle, mais qui, du moins, avaient la cohésion de l’obéissance sous des chefs.
Quinet fait toujours toutes choses comme quelqu’un), la personnalité de l’auteur se mêle souvent à celle du héros, je trouve ces lignes parfaitement nettes sous leur emphase : « D’autres peut-être seront loués plus que moi dans leurs pièces détachées. […] Les personnages nécessaires et importants de ce long récit ne seraient pas nombreux, si, dans cette mêlée historique et panthéistique, tous les êtres ne devenaient pas personnages ; si tous les peuples de la terre, les oiseaux des airs, les fleurs des champs, ne parlaient pas et ne jouaient pas leur bout de rôle, au gré du poète. […] Au travers de ce style inouï qui fait abus des fleurs qui parlent et des oiseaux bleus, commissionnaires de l’Amour, il y a cependant quatre vers qui reviennent sans cesse, mêlés à la prose de M.
» Un sentiment élevé et délicat s’y mêlait, ce charme intérieur attaché à l’étude toute désintéressée des lettres et dont nul n’a joui plus que lui. […] Ce n’est point en trempant sa plume dans la couleur vénitienne, c’est avec la seule correction du dessin français et l’espèce de réflexion raisonnable qui s’y mêle, qu’il a exposé cette suite de tableaux. […] Daru, tout se mêlait de politique en Italie. […] On sentait l’homme qui, en tout, allait au fait, qui savait le prix d’un instant, qui dans sa vie avait beaucoup ordonné et beaucoup obéi : la bonté qui s’y mêlait dans les relations habituelles en avait plus de valeur.
C’est-à-dire que, de ces hommes plus sages, les uns rient, et les autres pleurent : les uns se moquent et prennent tout par le ridicule, les autres penchent du côté de la plainte ou de la crainte, n’osent parler que bas et à demi-bouche ; ils déguisent leur langage ; ils mêlent et étouffent leur pensée ; ils ne parlent pas sec, distinctement, clairement : Je viens après eux et au-dessous d’eux, ajoute Charron ; mais je dis de bonne foi ce que j’en pense et en crois, clairement et nettement. […] Il accorde beaucoup à la piété, à la véritable, qu’il distingue soigneusement et en traits vigoureux d’avec la superstition ; puis il ajoute un avis nécessaire, dit-il, à celui qui prétend à la sagesse, qui est, d’une part, de ne point séparer la piété de la vraie prud’homie, et d’autre part, et encore moins, de ne les confondre et mêler ensemble : « Ce sont deux choses bien distinctes et qui ont leurs ressorts divers, que la piété et la probité, la religion et la prud’homie, la dévotion et la conscience : je les veux toutes deux jointes en celui que j’instruis ici… mais non pas confuses. » Le père Buffier, d’ailleurs très équitable envers Charron, a relevé ce passage en disant : « Une probité sans religion serait une probité sans rapport à la divinité et indépendante de la loi de Dieu. […] Toutefois, sa pensée et sa recommandation, pour être appréciées comme il faut, ne doivent point se séparer des temps où il écrivait : qu’on se reporte, en effet, à ce lendemain des guerres civiles et des fanatismes sanglants, à ces horreurs récentes exercées des deux parts au nom de la religion et d’une fausse piété, et l’on concevra tout le sens et l’application de cet endroit ; il redoute la confusion si facile à faire quand un zèle excessif s’en mêle ; il craint à bon escient et par expérience que l’on ne traite comme malhonnêtes gens et criminels tous ceux qui ne pensent point en matière de foi comme nous-mêmes, et il cherche, en émancipant moralement la probité, à bien établir qu’il y a des vertus respectables qui peuvent subsister à côté et indépendamment de la croyance. […] S’il se mêle de parler, ce seront de longs discours, des définitions, divisions d’Aristote : Ergo, etc.
Or, au moment où s’essaya Ronsard, la tradition du Moyen Âge chez nous était toute dispersée et rompue, sans qu’il eût à s’en mêler ; ces grands poèmes et chansons de geste, qui reparaissent aujourd’hui un à un dans leur vrai texte grâce à un labeur méritoire, étaient tous en manuscrit, enfouis dans les bibliothèques et complètement oubliés ; on n’aurait trouvé personne pour les déchiffrer et les lire. […] En tout il est plus grec et français que latin. — Je laisse de côté bien d’autres aménités dont on le gratifia dans cette querelle de littérature et de théologie mêlées ; il y eut de ces fines injures qui allaient jusqu’à la moelle, et dont le xvie siècle, sur la matière que Fracastor a célébrée, n’était jamais avare. […] [NdA] M. de Falloux dans son Histoire de saint Pie V, a rendu cette circonstance en des termes assez singuliers : « Pie V, dit-il, ne dédaigna pas non plus d’adresser des encouragements aux hommes lettrés qui prenaient un rang honorable dans la mêlée des intelligences, Ronsard ayant armé les muses au secours de la religion, le pape l’en remercia hautement par un bref. » M. de Falloux est certainement un homme poli : on vient de voir ce que c’était que cette mêlée des intelligences.
Je n’en pensais pas plus que je n’en ai dit alors sur les défauts mêlés aux mérites, et, ces réserves faites, ces correctifs apportés, et, si l’on veut, ces malices rendues, je restais dans ma mesure d’admiration et de respect pour le caractère de l’homme et pour le talent du poëte. […] Les passions royalistes de 1816 avaient opéré en lui en sens inverse : tant de violences mêlées à tant de ridicules avaient suscité sa gaîté vengeresse. […] Mais il est un autre rôle qui lui échut et dont il s’acquitta exemplairement jusqu’à la fin, celui de solliciteur universel, d’homme serviable, honoré sous tous les régimes, et qui venait, tant qu’il pouvait, en aide à tous ceux qui le réclamaient, sauf toutefois à mêler un grain de plaisanterie dans son obligeance : c’était son revenant-bon, à lui, et ses petits profits. […] Rouget de Lisle avait eu, à un moment, une idée funeste, où il se mêlait du bizarre.
Lundi 21 et mardi 22 avril 1862 De ce que j’ai beaucoup aimé autrefois la poésie, de ce que je l’ai aimée comme on doit l’aimer quand on s’en mêle, c’est-à-dire trop, ce n’est pas une raison aujourd’hui pour n’en plus parler jamais. […] Ce sont des chœurs soudains, des chansons infinies, Un long gazouillement, d’appels joyeux mêlé, Ou des plaintes d’amour à des rires unies ; Et si douces, pourtant, flottent ces harmonies, Que le repos de l’air n’en est jamais troublé. […] Dois-je, débris stérile aux tristesses croissantes, Mêler ton vierge rêve à mon aridité ? […] t’offrant ses plus doux lits, A pour toi choisi l’herbe et retiré la pierre ; On dirait qu’une main a modelé la terre Et sur la forme humaine en a moulé les plis De symboliques fleurs autour de toi rappellent Que les hommes parfois aux dieux se sont unis : Sur le sol fécondé par le sang d’Adonis, Près des eaux, l’anémone et la rose se mêlent.
» A ces conseils mêlés de reproches, Deleyre ne restait pas sans réponse : il avait été croyant, il ne l’était plus ; il ne s’estimait pas, disait-il, moins vertueux aujourd’hui qu’alors. […] Je donnerai ce préambule ; mais qu’on veuille bien distinguer et dégager la vérité de l’accent, sous ce qui nous semble aujourd’hui un peu déclamatoire et qui appartient au langage du siècle ; il n’est pas mal, d’ailleurs, de voir le sentiment des malheurs publics se mêler si intimement aux infortunes personnelles du rêveur ; les générations qui souffraient ainsi, et dont les âmes se soulevaient avec de tels gémissements sous toutes les sortes d’oppressions, méritaient de vivre assez pour assister et coopérer à la délivrance de 89. […] mon cher ami, s’écriait-il, vous avez bien raison : sur ce grand fleuve de la vie, parmi tant de barques qui le descendent rapidement pour ne le remonter jamais, c’est encore un bonheur que d’avoir trouvé dans son batelet quelques bonnes âmes qui mêlent leurs provisions avec les vôtres et mettent leur cœur en commun avec vous. On entend le bruit de la vague qui nous dit que nous passons, et l’on jette un regard sur la scène variée du rivage qui s’enfuit. » Ces charmants passages de Ducis m’en rappellent de tout pareils dans les lettres de Béranger : même philosophie riante et résignée, mêmes images poétiques à la fois et naturelles ; mais, chez Ducis le tragique, il s’y mêle bientôt des tons plus sombres et qui montent.
On sait le beau passage de l’Iliade (chant XII) lorsque Sarpédon, venu de Lycie au secours des Troyens, se jette dans la mêlée et prête la main à Hector au moment où il est en train de forcer le camp des Grecs. […] Il est juste que nous soyons aussi au premier rang dans les, combats, afin que chacun des nôtres dise, en nous voyant : S’ils font la meilleure chère et boivent le vin le plus doux, ils ont aussi l’énergie et la force quand ils combattent à notre tête. » — Et il ajoute, dans un sentiment bien conforme à l’héroïsme naïf de ces premiers temps, avant l’invention du point d’honneur chevaleresque : « Ô mon cher, si nous devions, en évitant le combat, vivre toujours jeunes et immortels, ni moi-même je ne combattrais au premier rang, ni je ne t’engagerais, toi aussi, à entrer dans la mêlée glorieuse ; mais maintenant, puisque mille chances de mort sont suspendues sur nos têtes, sans qu’il soit donné à un mortel ni de les fuir ni de les éviter, allons, soit que nous devions fournir à d’autres le triomphe, soit qu’ils nous le donnent ! […] Après avoir parlé de la race née aux confins de la terre des monstres, dans la limoneuse vallée du Nil, et de l’autre race dite sémitique, habitante du désert et de l’antique Arabie, après les avoir définies l’une et l’autre, et les avoir montrées fléchissant de respect et de superstitieuse terreur, ou comme anéanties sous la main souveraine en face d’un ciel d’airain, il ajoute, par un vivant contraste, en leur opposant la race aryenne venue du haut berceau de l’Asie, et de laquelle est sortie à certain jour et s’est détachée la branche hellénique, le rameau d’or : « Une autre race encore s’éveille sur les hauteurs, aux premières lueurs du matin ; les yeux au ciel, elle suit pas à pas la marche de l’aurore, elle s’enivre de ce mobile et merveilleux spectacle du jour naissant ; elle mêle une note humaine à cette immense symphonie, un chant d’admiration, de reconnaissance et d’amour ; c’est la race pure des Aryas ; leur première langue est la poésie ; leurs premiers Dieux, les aspects changeants du jour, les formes multiples de la sainte lumière. […] Psyché parut, plus brillante et plus belle ; L’Amour la vit, l’Amour brûla pour elle : L’Amour, bientôt, la mit au rang des dieux… C’est ce même rimailleur soi-disant classique qui, dans une pièce critique et satirique de 1825, qu’il s’est bien gardé de perdre et qu’il a tenu à conserver, débutait par ces mots : Et j’ai dit dans mon cœur : « Notre ami Lamartine Définitivement a le timbre fêlé… » Et ce sont les auteurs de pareilles inepties et platitudes qui se mêlent de juger à première vue les plus délicats d’entre les poètes de l’Éolie et de l’Ionie !
Aux purs chefs-d’œuvre du roman, auxquels, lorsqu’on y réussit à ce point, nul genre (il est bon de le maintenir) ne saurait être dit supérieur, il s’est mêlé des essais plus ambitieux dans des sphères moins définies, de ces recherches qu’une pensée ardente et immortelle n’a pas le droit non plus ni le pouvoir de s’interdire. […] Dans la jeunesse, elle se recèle sous l’art, sous la poésie ; ou, si elle veut aller seule, la poésie, l’exaltation s’y mêle trop souvent et la trouble. […] L’instituer largement et avec ensemble en littérature, l’appuyer à des exemples historiques positifs qui la fassent vivre et la fertilisent, la mêler, sans dogmatisme, à une morale saine, immédiate, décente, ce serait, dans ce débordement trop général d’impureté et d’improbité, rendre un service public et, j’ose dire, social. […] Mêlés aux nouveaux, ils rejoindraient et exciteraient ceux d’autrefois qui n’ont pas quitté.
La tradition antique, déjà si incertaine dans les deux siècles précédents, se mêle de fables grossières qui font de Cicéron deux personnages, et de Virgile un magicien. […] Cette théologie est pure encore dans saint Bernard, lequel n’y mêle rien d’étranger. […] Froissart en mêle trop rarement à ses charmants récits mais là composition est elle-même une idée générale d’un ordre supérieur. […] Les mœurs locales défrayent tous les genres, depuis les romans qui en mêlent la peinture satirique à leurs fictions, jusqu’aux petits poèmes qui ne sont que des anecdotes de la vie contemporaine.
Voici un sujet que je m’étais proposé depuis longtemps pour un jour de fête, pour une Fête-Dieu ou pour une fête de Marie ; car il y entre de la sainteté, de l’onction, de la grâce mêlée à la science, et un pieux sourire. […] L’auteur commence par rechercher historiquement les idées générales, universellement répandues dans l’Antiquité, de sacrifice, d’offrande, de désir et de besoin de communication avec un Dieu toujours présent, qui ont servi de préparation et d’acheminement au mystère ; mais, au milieu des digressions historiques et des distinctions dogmatiques fines ou profondes, il mêle à tout moment de belles et douces paroles qui sortent de l’âme et qui sont l’effusion d’une foi aimante. […] Partout il est le même : figurez-vous une démarche longue et lente, un peu penchée, dans une paisible allée où l’on cause à deux du côté de l’ombre, et où il s’arrête souvent en causant ; voyez de près ce sourire affectueux et fin, cette physionomie bénigne où il se mêle quelque chose du Fléchier et du Fénelon ; écoutez cette parole ingénieuse, élevée, fertile en idées, un peu entrecoupée par la fatigue de la voix, et qui reprend haleine souvent ; remarquez, au milieu des vues de doctrine et des aperçus explicatifs qui s’essaient et naissent d’eux-mêmes sur ses lèvres, des mots heureux, des anecdotes agréables, un discours semé de souvenirs, orné proprement d’aménité : et ne demandez pas si c’est un autre, c’est lui. […] L’abbé Gerbet, à ces mérites élevés que je n’ai pu que faire entrevoir, mêle une douce gaieté, un agrément naturel et fleuri, qui rappelle, jusque dans les jeux de vacances, l’enjouement des Rapin, des Bougeant et des Bouhours.
Les usurpations, par exemple, jouent un tel rôle dans la construction des royautés au moyen-âge, et mêlent tant de crimes à la complication des investitures, que l’auteur a cru devoir les présenter sous leurs trois principaux aspects dans les trois drames : le Petit Roi de Galice, Eviradnus, la Confiance du marquis Fabrice. […] Il mêle quelquefois à l’homme, il heurte à l’âme humaine, afin de lui faire rendre son véritable son, ces êtres différents de l’homme que nous nommons bêtes, choses, nature morte, et qui remplissent on ne sait quelles fonctions fatales dans l’équilibre vertigineux de la création.
Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d’une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux. […] À la chose la plus hideuse mêlez une idée religieuse, elle deviendra sainte et pure.
Ici toutefois un autre désir se mêle à la curiosité, et la réflexion y a sa part ; il se sent à l’aise avec l’écuyer Crystède, et il le presse plus peut-être qu’il ne ferait un autre : Je veux, lui dit-il, vous demander une chose qui ne laisse pas de me faire grandement émerveiller, et que j’aimerois à apprendre de vous si vous la savez ; et vous en devriez savoir quelque chose : c’est la manière dont ces quatre rois d’Irlande sont venus sitôt en l’obéissance du roi d’Angleterre, tandis que le roi son aïeul, qui fut si vaillant homme, si craint et partout si renommé, ne les put soumettre et les a toujours eus pour ennemis. […] Il y a une bien forte peinture de la mêlée à ce moment : Là eut grand froissis et grand boutis, et maints hommes renversés par terre. […] Il avait accompli son vœu, escorté de ses quatre écuyers, toujours en avant, entrant le premier au plus épais de la mêlée ; si bien que blessé au corps, à la tête et au visage, il lui fallut céder et renoncer à plus faire ce jour-là : Doncques, sur la fin de la bataille, le prirent les quatre écuyers qui le gardoient, et l’emmenèrent tout foible et tout blessé hors des rangs près d’une haie, pour le rafraîchir un petit et l’éventer ; et le désarmèrent le plus doucement qu’ils purent, et se mirent à bander et lier ses plaies et à recoudre les plus dangereuses. […] Mais Froissart, qui s’est écarté, rentre bientôt après dans son sujet, et par une réflexion assez piquante : « Ainsi adviennent souvent, dit-il, les fortunes en armes et en amours, plus heureuses et plus merveilleuses qu’on ne les pourroit ni oseroit penser et souhaiter. » Il se répète sensiblement en cet endroit, et a quelque peine à se remettre en train ; il recommence plus d’une fois à reprendre haleine ; on dirait qu’on est avec lui dans le flux et le reflux de la mêlée. […] Il ne manque pas non plus à cette comparaison d’offrir, du côté du prince de Galles, je ne sais quoi de mélancolique qui se mêle dans le lointain à la splendeur de la victoire.
Mais, quelles que soient la sévérité et l’exigence qu’apportent les nouveaux venus dans la recension des textes et dans l’épluchure des moindres scolies, il me semble que tous sont encore virgiliens, en ce sens qu’ils ne se mangent pas trop entre eux et qu’ils ne font pas comme les homérisants qui, quand ils s’en mêlent, ont de vraies querelles à mort, des colères d’Achille et d’Ajax. […] Avec les légers défauts qu’une critique minutieuse y peut relever, les Épilogues de Virgile restent charmantes ; il ne faut point leur demander sans doute l’entière et expressive rusticité des Idylles de Théocrite, ni la réalité du cadre et de la composition ; mais ce serait une autre erreur que de les considérer comme un genre factice, allégorique, parce qu’il s’y mêle de l’allégorie et de l’allusion. […] En se cherchant dans la mêlée, les deux héros immolent à l’aveugle tout ce qui se présente devant eux : des guerriers qui avaient jusque-là échappé y trouvent le terme de leur destin. […] Au chant XX de l’Iliade, chant terrible et sublime où Jupiter déchaîne les dieux, leur donne toute licence de se mêler aux guerriers et de les protéger selon leurs prédilections et leurs caprices, sauf à lui de rester assis en spectateur au sommet de l’Olympe, dans ce chant XX où bouillonne toute l’âme de l’Iliade, Achille à la colère duquel Neptune vient de soustraire Énée, Achille exaspéré exhale sa fureur en menaces ; il parle de tout massacrer, et de son côté Hector essaye de rassurer les Troyens, et d’une voix puissante il les exhorte à marcher contre Achille : « Achille, s’écrie-t-il, ne mettra pas à effet toutes ses paroles. […] Le poète supprime les superfluités : il ne fait pas dire à Turnus ce que Turnus ne peut savoir et ce qu’il n’aurait guère le temps de rappeler au fort de la mêlée.
Des changement secrets s’accomplissent en eux, au sein de leur génie, et quelquefois le transforment ; ils subissent ces changements comme des lois, sans s’y mêler, sans y aider artificiellement, pas plus que l’homme ne hâte le temps où ses cheveux blanchissent, l’oiseau la mue de son plumage, ou l’arbre les changements de couleur de ses feuilles aux diverses saisons ; et, procédant ainsi d’après de grandes lois intérieures et une puissante donnée originelle, ils arrivent à laisser trace de leur force en des œuvres sublimes, monumentales, d’un ordre réel et stable sous une irrégularité apparente comme dans la nature, d’ailleurs entrecoupées d’accidents, hérissées de cimes, creusées de profondeurs : voilà pour les uns. […] Nous sommes pourtant loin de reconnaître que, même en ceci, tout l’avantage au théâtre soit du côté de Racine ; mais, lorsqu’il parut, toute la nouveauté était pour lui, et la nouveauté la mieux accommodée au goût d’une cour où se mêlaient tant de faiblesses, où rien ne brillait qu’en nuances, et dont, pour tout dire, la chronique amoureuse, ouverte par une La Vallière, devait se clore par une Maintenon. […] Nourri des livres sacrés, partageant les croyances du peuple de Dieu, il se tient strictement au récit de l’Écriture, ne se croit pas obligé de mêler l’autorité d’Aristote à l’action, ni surtout de placer au cœur de son drame une intrigue amoureuse (et l’amour est de toutes les choses humaines celle qui, s’appuyant sur une base éternelle, varie le plus dans ses formes selon les temps, et par conséquent induit le plus en erreur le poëte). […] Au reste, comme nul sentiment profond n’est stérile en nous, il arrivait que cette poésie rentrée et sans issue était dans la vie comme un parfum secret qui se mêlait aux moindres actions, aux moindres paroles, y transpirait par une voie insensible, et leur communiquait une bonne odeur de mérite et de vertu : c’est le cas de Racine, c’est l’effet que nous cause aujourd’hui la lecture de ses lettres à son fils, déjà homme et lancé dans le monde, lettres simples et paternelles, écrites au coin du feu, à côté de la mère, au milieu des six autres enfants, empreintes à chaque ligne d’une tendresse grave et d’une douceur austère, et où les réprimandes sur le style, les conseils d’éviter les répétitions de mots et les locutions de la Gazette de Hollande, se mêlent naïvement aux préceptes de conduite et aux avertissements chrétiens : « Vous avez eu quelque raison d’attribuer l’heureux succès de votre voyage, par un si mauvais temps, aux prières qu’on a faites pour vous.
Jean de Tînan l’éprouve, qui suppose : « Il n’y a sans doute que la débauche de vraie, parce que c’est elle qui laisse le moins de rancœur. » Il en vient à « souhaiter le charme des sens… de l’ivresse bestiale quand la pensée ne s’y mêle plus ». […] car dans les vers que j’ai chantés, La prière se mêle au cri des voluptés : J’ai baisé tes pieds nus comme une chair de femme, Et posé sur ton cœur ouvert un cœur infâme. […] Il dit « le poison de son charme illusoire » : La haine sourdement mêlée à ses transports, La jalouse fureur qu’on nomme sa victoire, Et les cœurs séparés quand s’enlacent les corps. […] Or, à ne l’envisager qu’à ce dernier point de vue, on peut dire que l’Amour ne fut jamais si mêlé d’aigreurs, de fiel, de troubles et de remords qu’à l’âge symboliste. […] Les hurlements recommencent, mêlés de pleurs et de soupirs nostalgiques, selon que l’écrou se visse ou se détend.
Certes tu t’es trouvé souvent au milieu du carnage, entouré de morts, dans la terrible mêlée, mais tu aurais gémi dans ton cœur de voir cela. […] Au dehors, tout est fête, splendeur, allégresse ; de cime en cime, une Victoire immense vient de se poser sur Argos, ses ailes de flamme se mêlent aux feux de l’aurore ; des hymnes portés sur des nuées d’encens montent vers le ciel. […] Un air d’antiquité se mêle, dans le drame même, à sa majesté. […] Ses yeux ont vu ce que les yeux humains ne reverront plus : des dieux combattant parmi les mortels, des déesses fuyant la mêlée, dans un nuage d’or, avec un guerrier blessé dans leurs bras. […] » — Les crimes anciens se mêlent aux crimes annoncés ; les enfants tués se réveillent, elle les entend pleurer et vagir dans la vapeur de l’affreux banquet.
Ainsi, aux inversions imitées du latin se mêlent déjà beaucoup de phrases directes ; et les inversions elles-mêmes semblent être choisies parmi celles qui se rapprochent le plus du langage uni. […] A la foi qui entraînait les seigneurs en Orient, se mêlait un vague espoir de changer l’écu de chevalier contre les armes impériales. […] Il mêle quelques jugements à ses récits. la différence du maréchal de Champagne, qui va toujours en avant, où les événements le mènent ne se recueillant pas un moment pour les prévoir ou pour les juger, Joinville s’est quelquefois interrogé sur les hommes et sur les choses. […] Les mémoires sont les souvenirs personnels d’un homme qui a été mêlé aux événements qu’il raconte ; les chroniques peuvent être l’ouvrage d’un historien de cabinet, lequel ne fait que mettre en récit les souvenirs d’autrui. […] Il mêle des réflexions au récit de la chute, et de la mort du roi d’Angleterre, Richard, fils du prince Noir.
Cette image piquante nous offre le critique respectueux et minutieux dans ses proportions vraies, et le doux air d’espièglerie qui s’y mêle n’y messied pas. […] Il mêlait volontiers à son enseignement des préceptes évangéliques qui rappelaient la manière morale de Bernardin de Saint-Pierre : il prêchait l’amour des hommes et l’indulgence, comme il convenait à l’ami de Collin l’optimiste, du bon Ducis, et au peintre d’Helvétius.
Elle n’est pas plus vraie, plus forte, plus naturelle, pour être exprimée gauchement, puérilement, par des images étranges, par des symboles ridicules, mêlés de niaiseries inattendues et de plats coq-à-l’âne. […] Shakespeare, au fond, a procédé de même ; à la peinture extérieure des émotions il mêle des mots, des traits, des couplets qui nous font pénétrer au-delà du trouble grossier et confus des sens, qui organisent ce désordre, nous le débrouillent et nous font comprendre le jeu régulier de ces ressorts que le hasard seul semblait d’abord mettre en branle.
En pratique, il croit que l’obstacle à la réalisation de cet idéal est, non point dans la nature humaine elle-même, partout mauvaise ou fort mêlée, mais dans l’égoïsme, la dureté, la cupidité, les vices, les crimes volontaires et prémédités d’une seule classe sociale. — Comme les héros des chansons de gestes voyaient le monde divisé en deux camps : les chrétiens, qui sont les bons, et les païens, qui sont les méchants ; ou comme saint Ignace, dans un de ses « exercices », partage l’humanité en deux armées : celle du bien et celle du mal, ou celle des amis des Jésuites et celle de leurs ennemis, ainsi pour l’esprit révolutionnaire la nation se divise exactement en prolétaires et en bourgeois. […] Je me souviens de l’avoir sentie très nettement, à Paris, pendant le premier mois de la Commune, à lire les affiches et les journaux enfiévrés, à voir flamber dans les rues le drapeau rouge, à me mêler, sous le grand soleil, aux cohues démentes de la place de l’Hôtel-de-Ville ; et pourtant j’étais un enfant très raisonnable. — Bref, je conçois, sans nul effort que cet homme, l’autre jour, soit monté sur cette table et qu’il y ait chanté cette chanson assassine contre une classe pleine de vices et d’égoïsme assurément (comme toutes les classes sociales sans exception), mais où il y a aussi de braves gens, et dont il se pourrait que la très modeste moyenne de vertu et de bonté ne fût pas trop inégale à la bonté et à la vertu de ceux qui réclament du plomb contre elle.
L’auteur, dit encore Patru, a mêlé ces histoires de fictions pour les rendre plus agréables, et les a, pour ainsi dire, romancées. […] Toutes ces circonstances étaient propres sans doute à mettre en vogue la première publication de L’Astrée, sans que personne s’en mêlât.
Or, ce besoin de conformer le monde à soi expose à toutes sortes de paradoxes, où ce qui peut percer de naturel est mêlé de je ne sais quoi de factice qui n’échappe pas à un œil exercé. […] Une puissance naturelle, qui se plaît de relever ce que les superbes méprisent, s’est répandue et mêlée dans l’auguste simplicité de ses paroles. […] Il y mêlait la lecture des écrivains profanes, gardant entre les deux études une inégalité de convenance et de goût. […] Tantôt la morale vient à la suite du commentaire ; tantôt elle s’y mêle, ne laissant voir des choses humaines que ce que les religieuses pouvaient n’en pas regretter. […] Il n’y a pas de débat ni d’hésitation ; les bonnes raisons viennent à lui toutes seules, tandis qu’à tant d’autres elles viennent mêlées de mauvaises.
Tel le Songe qu’Atossa raconte, mêlé d’étrangeté orientale et de beauté hellénique : il donne l’idée d’une sculpture persépolitaine que l’art grec aurait retouchée. — Deux femmes richement vêtues, l’une de la tunique dorienne, l’autre de la robe persane, lui sont apparues, plus belles que les femmes qui vivent maintenant, au-dessus d’elles par la majesté de leur taille. […] Au fort des mêlées, une image agreste métamorphose subitement les armées aux prises, « en un essaim abondant de mouches qui bruissent autour de l’étable du berger, lorsque le lait coule dans les vases ». […] Un long roucoulement se mêle à ses râles ; le golfe sanglant reflète un vol de ramiers effrayés, qui s’égrène dans l’azur de l’air. […] Il y a de la cendre mêlée à ses paroles, l’amère poussière que recèlent, comme les fruits de la Mer Morte biblique, les grenades qui croissent dans les jardins de l’Hadès. […] Mais le risible se mêle à l’horrible, et le poète grec, tout en élevant à la grandeur lyrique ces mômeries barbares, raille évidemment le roi méprisable qui s’étourdit avec leur vacarme.
» Plus tard, se ressouvenant de cet amour malheureux, loin de retrouver aucun mouvement de trouble ou de regret, il ressent plutôt de la fierté (mêlée de quelque surprise) d’avoir été capable une fois d’un si pur et si exalté sentiment. […] Vers ce temps, comme s’il sentait qu’il doit commencer à se réconcilier avec l’idiome natal et à se diriger vers le but où l’appelle son secret talent, il se remet à lire les auteurs anglais, et surtout les plus récents, ceux qui, ayant écrit depuis la révolution de 1688, unissent à la pureté du langage un esprit de raison et d’indépendance, Swift, Addison ; puis, lorsqu’il en vient aux historiens, il est beau d’entendre avec quelle révérence il parle de Robertson et de Hume auxquels on l’adjoindra un jour : La parfaite composition, le nerveux langage, les habiles périodes du docteur Robertson m’enflammaient jusqu’à me donner l’ambitieuse espérance que je pourrais un jour marcher sur ses traces : la tranquille philosophie, les inimitables beautés négligées de son ami et rival, me forçaient souvent de fermer le volume avec une sensation mêlée de plaisir exquis et de désespoir. […] Selon Gibbon, les Géorgiques de Virgile ont eu un grand à-propos sous Auguste, un but politique et patriotique mêlé à leur charme : il s’agissait d’apprivoiser aux travaux de la paix et d’attacher à la culture des champs des soldats vétérans devenus possesseurs de terres, et qui, avec leurs habitudes de licence, avaient quelque peine à s’y enchaîner : « Qu’y avait-il de plus assorti à la douce politique d’Auguste, que d’employer les chants harmonieux de son ami (son ami est une expression un peu jeune et un peu tendre) pour les réconcilier à leur nouvel état ? […] L’obligation principale qu’il eut à la milice fut de se mêler aux hommes, de les mieux connaître en général et ses compatriotes en particulier ; ce fut de redevenir un Anglais (ce qu’il n’était plus), et d’y apprendre ce que c’est qu’un soldat.
Il mérite que Mme d’Épinay, étonnée, lui dise : « Vous, monsieur, qui êtes poète, vous conviendrez avec moi que l’existence d’un Être éternel, tout-puissant, souverainement intelligent, est le germe d’un plus bel enthousiasme. » Au reste, Saint-Lambert a lui-même exposé dans sa vieillesse, et sans plus y mêler la mousse du champagne, la série et le système complet de ses réflexions sur tous sujets dans ce fameux Catéchisme universel qui parut une œuvre philosophique si morale sous le Directoire. […] Son tort, à lui, est plutôt dans son style, dans sa manière de dire ; il est trop imbu des fadeurs sentimentales du siècle ; il a trop de Greuze en lui et sous sa plume, sans la couleur, mais avec le luxe de vertu et de sentimentalité qui s’épanche ; et surtout quand il mêle des vers à sa prose, cela se gâte aussitôt. […] Ce noble et bon vieillard a écrit dans ses dernières années d’admirables lettres où respire la poésie de la solitude, de la campagne, de la famille regrettée et perdue, de l’amitié toujours accueillie, et de la patrie céleste de plus en plus prochaine et souhaitée ; mais le même homme, qui a sous sa plume en prose des paroles douces et fortes comme le miel des déserts, ne trouve plus dans ses vers de la même date que des couleurs mêlées, inégales, et où le talent se relâche trop dans la bonhomie : ici, c’est l’art et l’originalité de forme qui a manqué. […] Passez donc sans retard à des scènes plus actives, rassemblez les vérités éparses que glane l’étude ; mêlez-vous au monde, mais à ce qu’il a de plus sage ; ne donnez plus tout votre cœur à une idole, votre cœur ne lui appartient pas, il ne vous appartient pas à vous-même… Il décrit aussi, et pour l’avoir trop cruellement éprouvée, la manie maladive et la mélancolie funeste se cachant dans la solitude et y méritant toutes les tendres sympathies de la pitié ; puis les délices d’une convalescence où l’on jouit avec attendrissement de chaque beauté de la nature comme à un réveil du monde.
On se souvient encore des acclamations qui accompagnèrent la promulgation de cet acte éminent en sociabilité autant que hardi de la part de celui qui osa le tenter : acclamations qui, interprètes sincères de l’opinion publique, étouffèrent les cris des mécontents et les fureurs concenirées que le rétablissement de la religion fit naître dans quelques cœurs. » La suite, on le sait trop, répondit mal à de si heureux débuts, et sans même que les événements politiques survenus peu après en Italie eussent besoin d’y mêler leur complication, il y avait dans la seule situation intérieure bien des germes de difficultés futures. […] Tout cela se retrouve ou devrait se retrouver en nous, vers la fin de la vie, avec un rafraîchissement et un ravivement de souvenirs mêlés d’une secrète tendresse. […] S’il faut qu’il y ait une mêlée, choisissons d’autres noms pour les frapper ; car, tous ceux-là, ils ont été vraiment contemporains au sens de Lamartine : ils se doivent quelque chose entre eux. Aussi il a fallu, en ce qui est du célèbre dominicain, qu’on le tirât de son cadre, qu’on l’amenât, bon gré, mal gré, dans l’arène académique (c’est trop souvent une arène aujourd’hui), pour que je me permisse de mêler quelques restrictions de forme et de fond aux hommages que je me suis plu toujours à rendre à ses talents92.
On a déjà dit qu’il pleuvait, et puis le Diable en personne s’en était mêlé ce jour-là, et du moment que le Diable s’en mêle, c’est assez. […] Elle y mêle parfois un peu de Montaigne, mais pas à dose suffisante pour servir de correctif. […] Son bonheur d’ailleurs, lorsqu’elle s’accorde des instants, est toujours inquiet, agité, mêlé de craintes.
On sent que, par tournure d’esprit comme par position, ils sont bien plus voisins de la France d’avant Louis XIV, de la vieille langue et du vieil esprit français ; qu’ils y ont été bien plus mêlés par leur éducation et leurs lectures, et que, s’ils sont moins appréciés des étrangers que certains écrivains postérieurs, ils le doivent précisément à ce qu’il y a de plus intime, de plus indéfinissable et de plus charmant pour nous dans leur accent et leur manière. […] La Fontaine et Mme de Sévigné, sur une scène moins large, ont eu un sentiment si fin et si vrai des choses et de la vie de leur temps, chacun à sa manière, La Fontaine, plus rapproché de la nature, Mme de Sévigné plus mêlée à la société ; et ce sentiment exquis, ils l’ont tellement exprimé au vif dans leurs écrits, qu’ils se trouvent placés sans effort à côté et fort peu au-dessous de leur illustre contemporain. […] On a beaucoup flétri les excès de la Régence ; mais, avant la régence de Philippe d’Orléans, il y en eut une autre, non moins dissolue, non moins licencieuse, et plus atroce encore par la cruauté qui s’y mêlait ; espèce de transition hideuse entre les débordements de Henri III et ceux de Louis XV. […] Certes, une femme qui, mêlée dès sa jeunesse aux Ménage, aux Godeau, aux Benserade, se garantit, par la seule force de son bon sens, de leurs pointes et de leurs fadeurs ; qui esquive, comme en se jouant, la prétention plus raffinée et plus séduisante des Saint-Évremond et des Bussy ; une femme qui, amie, admiratrice de Mlle de Scudéry et de Mme de Maintenon, se tient à égale distance des sentiments romanesques de l’une et de la réserve un peu renchérie de l’autre ; qui, liée avec Port-Royal et nourrie des ouvrages de ces Messieurs, n’en prise pas moins Montaigne, n’en cite pas moins Rabelais, et ne veut d’autre inscription à ce qu’elle appelle son couvent que Sainte liberté, ou Fais ce que voudras, comme à l’abbaye de Thélème ; une telle femme a beau folâtrer, s’ébattre, glisser sur les pensées, et prendre volontiers les choses par le côté familier et divertissant, elle fait preuve d’une énergie profonde et d’une originalité d’esprit bien rare.
Parmi ces orateurs de la chaire moderne, dont quelques-uns, dont l’un du moins (M. de Ravignan) pourrait lutter avec lui de chaleur vraie, de sympathie et d’onction, il n’en est aucun qui, par la hardiesse des vues et l’essor des idées, par la nouveauté et souvent le bonheur de l’expression, par la vivacité et l’imprévu des mouvements, par l’éclat et l’ardeur de la parole, par l’imagination et même la poésie qui s’y mêlent, puisse se comparer au père Lacordaire. […] Il mêlait à tout cela des vers, quelques-uns même, dit-on, assez plaisants. […] Quand la publication de L’Avenir, empreinte de talent et de générosité, mais si mêlée d’imprudences et de hasards, eut provoqué, de la part du Saint-Siège, un jugement de désapprobation, tous les rédacteurs se soumirent dans le premier instant ; mais, tandis que le maître indigné se soumettait en frémissant, d’une soumission impatiente et qui ne devait pas durer, M. […] J’indique là les parties simples, touchantes : les grands mouvements de l’éloquence s’y mêlent à propos.
On peut sourire aujourd’hui de cette première lettre toute gauche encore et plus qu’à demi tudesque, dans laquelle Frédéric mêle son admiration pour Wolff à celle qu’il a pour Voltaire, et où il parle à celui-ci au nom de la douceur et du support « que vous marquez, lui dit-il, pour tous ceux qui se vouent aux arts et aux sciences ». […] Les réflexions par lesquelles Frédéric termine son récit de la guerre de Sept Ans ressemblent très bien à une page de Polybe : « À deux mille ans de distance, c’est la même façon de juger les vicissitudes humaines, et de les expliquer par des jeux d’habileté mêlés à des jeux de fortune. » Seulement l’historien-roi est, en général, plus sobre de réflexions. […] Je crois être plutôt resté en deçà du vrai, quand j’ai dit que l’attrait de l’esprit entre ces deux hommes survécut même à l’amitié ; car il est évident, à lire de bonne foi toute la suite et la fin de cette correspondance, que l’amitié elle-même n’est pas morte entre eux, qu’elle a repris avec un reste de charme mêlé de raison, et qu’elle se fonde, non pas seulement sur l’amusement, mais sur les côtés sérieux et élevés de leur nature. […] Dans une édition choisie des Œuvres de Frédéric qui se ferait à l’usage des bons esprits et des gens de goût, pour ne pas tomber dans le fatras dont le voisinage gâte toujours les meilleures choses, je voudrais n’admettre que ses histoires, deux ou trois de ses dissertations tout au plus, et ses correspondances : ce serait déjà bien assez des vers qui se trouvent mêlés à ses lettres, sans y ajouter les autres.
Les nôtres, au contraire, soit prudes, soit galantes, soit vieilles, jeunes, sottes ou habiles, veulent se mêler de toutes choses. […] — Grâce à Dieu, répondit peu galamment don Louis (je ne me fais pas garant de ce qu’il dit, et j’en demande au contraire bien pardon aux dames espagnoles d’à présent), les nôtres sont de l’humeur dont vous les connaissez : pourvu qu’elles manient de l’argent, soit de leurs maris, soit de leurs galants, elles sont satisfaites, et je suis bien heureux de ce qu’elles ne se mêlent pas d’affaires d’État, car elles gâteraient assurément tout en Espagne comme elles font en France. […] Malgré son nom et son rôle à l’étranger, Mme des Ursins était toute Française, du sang de La Trémoille, fille de M. de Noirmoutier, si mêlé aux intrigues de la Fronde et si lié avec le cardinal de Retz, dont les Mémoires finissent par une plainte sur son infidélité. […] Mme de Maintenon, en effet, qui, avec son bon esprit, se tourmentait et se lamentait toujours, lui faisait un perpétuel éloge de cette tranquillité naturelle qu’elle enviait, de ce courage mêlé d’aimable humeur, de cette douceur et de ce beau sang qui ne laissait rien d’âpre et de chagrin en elle .
Son père l’avait emmené en Guyenne en bas âge ; là, dans son château de Bonnefons, il plaça près de lui un jeune précepteur, qui devint plus tard un prédicateur assez célèbre, l’abbé Anselme, sujet excellent, homme sensé et distingué, d’une piété éclairée, d’une morale exacte, qui donna à son élève les meilleurs préceptes et lui laissa les plus pures impressions : « Ce n’est point sa faute, dit M. d’Antin, si je n’ai pas l’esprit et le cœur faits comme je devrais l’avoir ; il n’y a rien oublié de sa part, ses paroles et ses actions étant toujours de concert. » Mais la nature avait mêlé dans cette âme délicate et molle des goûts de séduction qui ne demandaient que l’éveil. […] À la mort de Mansart, surintendant des Bâtiments, il demande au roi sa place, « sur le pied, dit-il, de m’être toujours mêlé de jardinage et d’avoir un peu de goût pour les maisons ». […] Il sent autant que personne la fragilité des choses et le néant de l’ambition ; il se dit tout ce qu’on peut dire, et il rencontre même certains accents élevés et d’éloquence : J’ai vu par là, dit-il (après l’énumération des malheurs de 1712), j’ai vu culbuter mille et mille projets, les soins et les peines de vingt années, mille fortunes mêlées à cela ; la désolation de la première famille du monde ; un deuil universel. […] La goutte, les rhumatismes, les fatigues de la guerre, tout attaque la bonne santé dont j’ai toujours joui ; je vois le vide de la vie que je mène ; je ne désire aucune fortune plus que celle que j’ai ; je n’ai aucune démangeaison de me mêler des affaires publiques, et cependant je demeure courtisan, et je m’y ruine par toutes sortes de dépenses, plus encore pour satisfaire mon goût que pour plaire au roi, quoiqu’il en soit le prétexte.
Lui, il est le contraire de ces natures-là ; il est le plus doux, le plus égal, le plus actif à la fois et le plus pacifique des cœurs, le plus adroit à tout convertir en mieux ; il se mêle à ceux des autres pour y verser la consolation et l’amour ; il est amoureux des âmes pour les guérir ; il s’y insinue pour y faire entrer cette « dévotion intérieure et cordiale, laquelle rend toutes les actions agréables, douces et faciles ». […] L’objet principal de son livre, qu’il adresse à Philothée, c’est-à-dire à une âme amie de Dieu, est de faire voir en exemple encore plus qu’en préceptes comment la piété peut se mêler aux nombreuses occupations de la société, et doit être différemment exercée selon les conditions diverses, par le gentilhomme, par l’artisan, par le valet, par la femme mariée, par la veuve, et toujours d’après le même esprit qui répand la vie et la joie au-dedans. […] Franklin, lui aussi, est riant, il est aimable, il est badin dans son bon sens ; il a bien de l’esprit et de l’imagination dans son expression ; mais, au milieu de toutes ses lumières physiques et positives supérieures, il y a une lumière qui lui manque ou qui semble presque absente, non pas celle qui brille et qui serait fausse, mais celle qui échauffe en rayonnant, une fleur d’éclat qui ne vient pas de la surface, mais du foyer même, une douce, légère et divine ivresse mêlée à la pratique bien entendue des choses, et qui communique son ravissement. […] Pour donner à saint François de Sales tout son beau sens, il suffit souvent de dégager la pensée morale des emblèmes trop nombreux et des comparaisons trop jolies auxquelles il la mêle.
On a publié ses Lettres avec beaucoup de soin52 ; dans l’édition qu’on a donnée des Poésies de François Ier 53, elle s’est trouvée mêlée presqu’autant que son frère, et elle a contribué pour sa bonne part au volume. […] Elle mêle et varie mainte fois tous ces noms de maître, de frère et de roi, qu’elle accumule en lui, et qui ne suffisent qu’à peine à exprimer son affection si pleine et si sincère : « Quoi que ce puisse être, jusques à mettre au vent la cendre de mes os pour vous faire service, rien ne me sera ni étrange, ni difficile, ni pénible, mais consolation, repos et honneur. » Ces expressions, qui seraient exagérées chez d’autres, ne sont que vraies dans la bouche de Marguerite. […] C’est ainsi qu’à deux ou trois reprises elle essaya de sauver le malheureux Berquin, gentilhomme artésien, qui se mêlait de dogmatiser, et qui, malgré tous les efforts de la princesse auprès du roi son frère, finit par être brûlé en Grève, le 24 avril 1529. […] Montaigne relève ce propos et se demande à quoi pouvait servir, en un tel moment, cette idée de protection et de faveur divine : « Ce n’est pas par cette preuve seulement, ajoute-t-il, qu’on pourrait vérifier que les femmes ne sont guère propres à traiter les matières de la théologie. » Aussi n’était-ce pas une théologienne que Marguerite : c’était une personne de piété réelle et de cœur, de science et d’humanité, et qui mêlait à une vie grave un heureux enjouement d’humeur, faisant de tout cela un ensemble très sincère et qui nous étonne un peu aujourd’hui.
Par un de ces hasards comme il y en a dans la vie, il avait été mêlé à cette famille de Montijo dans laquelle l’Empereur avait choisi si romanesquement une Impératrice, et, petite fille alors obscure, il lui avait (détail qu’il nous donne dans ses Lettres à Panizzi) quelquefois fait manger des gâteaux chez le pâtissier. […] Stendhal, qu’il a imité et qu’il n’égala jamais d’aucune manière, Stendhal, qui s’était mêlé aux polémiques du temps et qui venait de publier son étrange chef-d’œuvre de Rouge et Noir, avait eu pour lui les bontés que le génie a pour le talent, mais l’homme qui travailla le plus, dans ce temps-là et depuis, à le faire célèbre, fut, nous l’avons dit plus haut, Gustave Planche, presque oublié maintenant, mais qui tenait alors, à la Revue des Deux-Mondes, le bâton haut d’une critique redoutée. […] C’est parce qu’il est, dans tout ce que nous abhorrons le plus, — la haine et la négation des choses religieuses, — un esprit des plus bas, quand Stendhal garde encore, dans cette haine et dans cette négation, une âme élevée… Stendhal, qui est sorti par les années bien plus du xviiie siècle que Mérimée, Stendhal, qui avait été soldat de l’empereur Napoléon, a pour le catholicisme qu’il n’a pas étudié et qu’il ne connaît pas, mais qu’il aurait adoré s’il l’avait connu, un mépris soldatesque mêlé de voltairianisme ; mais dans ce mépris et dans cette haine, Stendhal n’a jamais été un goujat, tandis que Mérimée, sans excuse, en a été un d’expression et de pensée qui aurait répugné à la noblesse fondamentale de l’âme de Stendhal ! […] Mais Mérimée, dans ses Lettres à Panizzi, n’a plus l’âge qui fait pardonner leur impertinence aux gamins de la rue et de la libre-pensée : il est vieux, il a l’âge d’être grave, et, comme un vieillard affaibli, il bave sur le catholicisme à faire mal au cœur à ceux même qui pensent comme lui sur le catholicisme, parce qu’il faut de l’esprit à ceux-là mêmes qui se mêlent de nous insulter !
Ce qu’il y avait, par moment, d’énergique grandeur était trop mêlé de mal et de crime pour laisser à la pensée son pur éclat poétique : une fureur turbulente et souvent factice en prit la place, et parut en avoir la puissance. […] Est-ce de te mêler aux rois dans l’abjecte convoitise du pouvoir, d’aboyer à la même chasse et de partager la proie, de profaner le sanctuaire de la liberté en y recélant les dépouilles arrachées à des hommes libres, et ces hommes, de les tenter, puis de les trahir ? […] Coleridge, excessif dans ses opinions, inégal et rêveur dans sa vie, était un élève de la Muse allemande : il en avait aimé le tour vague et mystique, l’abondance descriptive, avant d’y mêler les passions de la liberté. […] On le sent, aux cris de douleur qui lui échappent sur les vices inhumains mêlés à l’idolâtrie des Hindous, et sur tous les maux dont il faudrait les guérir pour les élever jusqu’à la foi.
Nous ne parlons pas politique ; nous ne nous mêlons pas de leur gouvernement. […] Faire son devoir, le faire avec distinction sans se mêler des partis, voilà le vrai patriote, l’homme estimable ; et voilà bien pourquoi je ne me soucie guère d’une grande charge où l’on est entraîné dans les partis, ou du moins l’on est entraîné à des liaisons qui décident souvent de votre sort, avec des gens qui ne peuvent exister sans troubler l’État par des opinions exclusives. […] Qu’il suffise de dire que Joubert, avec sa division, a été comme le centre et le noyau de Rivoli, qu’il a porté le premier poids de l’affaire, qu’elle a roulé longtemps sur lui, qu’il avait commencé la veille, qu’il a été chargé d’achever le lendemain de la victoire ; que dans l’immortelle journée, au moment le plus critique de la mêlée, quand on était tourné au revers de la chapelle de San Marco et qu’on allait être cerné, quand pendant deux heures d’horrible confusion et de refoulement les charges étaient alternatives ainsi que les déroutes, quand chacun sur son point et par où il pouvait, faisait rage (Berthier, Masséna, Leclerc, Lasalle), lui, il redevint grenadier, chargea à pied le fusil à la main, et reprit à la baïonnette les ouvrages de Rivoli.
Parmi les jeunes et ceux qui briguent la palme dans un prochain avenir, je suis forcé de négliger un groupe de jeunes amis : Catulle Mendès que son prénom oblige et qui ne paraît pas d’humeur à y déroger, qui se fait un jeu de mêler dans ses composés subtils Gautier, Musset et Benserade, nectar et poison ; — Emmanuel des Essarts que son nom oblige aussi, fils de poëte, un de mes élèves à moi (car j’en ai eu à l’École normale), et qui sait allier la religion de l’antiquité aux plus modernes ardeurs : qu’il ne les sépare jamais ! […] Abel Jeandet (de Verdun), prend soin de nous expliquer dans une introduction avec le zèle et la sympathie d’un compatriote ; je parcours le recueil : c’est tout un monde bourguignon, des souvenirs du cru, des amitiés d’enfance, des paysages naturels, de riches aspects qu’anime la Saône ; puis le combat, la lutte et la mêlée, la souffrance, bien des amertumes, des injustices même éprouvées ou commises, le fouet de la satire qui siffle, et finalement une sorte de tristesse grave et de découragement austère ; — toute une vie, enfin, de quinze années qui se reflète dans des vers inégaux, rudes parfois, vrais toujours et sincères, et dont quelques-uns attestent une force poétique incontestable. […] Il a corrigé la monotonie qui s’ensuivrait bientôt, par de jolis sonnets où se mêle la pensée ou la fantaisie ; celui qui a pour titre Sous bois est un bijou, un petit cadre hollandais, ou tout simplement un cadre français moderne.
Les conteurs limitent leur ambition et leur effort : entre la bouffonnerie épique, l’universalité scientifique de Rabelais, et la gauloiserie satirique sans portée des anciens couleurs français, ils déterminent une voie moyenne : Noël du Fail205, surtout, mêle le réalisme pittoresque de la description des mœurs à la satire particulière des divers caractères de l’homme et des divers états de la vie. […] Le même enthousiasme d’helléniste se mêla dans son dévouement au français vulgaire. […] Il y a aussi dans Palissy un observateur sans illusions comme sans amertume, qui, par sa chimie morale, isole les éléments simples des âmes, et ces principes constitutifs qui sont les passions égoïstes : il y a même en lui un poète sensible aux impressions de la nature, aux formes des choses, et qui mêle aimablement dans son amour de la campagne un profond sentiment d’intime moralité et de paix domestique.
Derrière la strophe où tu ris De mêler l’ortie aux pervenches, On voit, en écartant les branches, Régnier embrasser Lycoris. […] Aristophane, mêlé dans Théodore de Banville au lyrique Pindare, a semé dans l’œuvre nouvelle plus d’une scène joyeuse et cent morceaux piquants ? […] Edmond Pilon Ô toi dont la geôle est pareille à la source Qui coule nue et vive entre les cailloux clairs, Banville, jeune dieu des époques de lumière, Poète dont la voix tour à tour grave et douce Disperse le sourire, la joie et la lumière, Banville, sois béni entre les dieux du vers… Ta statue est bâtie au palais des oiseaux, Auprès des massifs frais de buis et d’anémones, Le socle dans la mousse et le front aux couronnes Que tressent les branchages et que mêlent les rameaux ; D’antiques marbres blancs se cachent sous les saules’ Où rêve ton sourire, où de sur ton épaule Chante le rossignol, face à face à tes eaux, Banville, dieu des strophes, du rire et des oiseaux !
Les créatures inférieures, ténébreuses, misérables, imbécilles, brutales et perverses, qui sont le fond commun de l’humanité et se mêlent au jeu de son action, et le troublent et le souillent ou l’empêchent, je les cherche en vain dans ce livre, où je ne vois que des étoiles… Livre plus orageux et plus passionné, il est vrai, mais aussi chimérique, aussi fabuleux que le livre de l’Astrée, et, comme on ne s’intéresse pas à l’impossible, tout aussi vide d’intérêt que lui ! […] Elle est très moderne et très de son pays, cette slave, cette polonaise mêlée de russe, et elle fait beaucoup d’honneur à l’ethnographie de Gobineau, qui n’a pas voyagé et qui n’est pas diplomate pour des prunes ; car ce n’est pas une prune que cette femme-là ! […] » Tel est le style de Gobineau quand il se mêle d’être misanthrope.
L’observation morale, mêlée à l’appréciation littéraire, n’est pas tenue de suivre, d’une marche inflexible, la chaussée romaine de l’histoire. […] Je ne prends donc plus à cet égard ombre de détermination, surtout négative ; je laisse ma série ouverte, heureux d’y ajouter à chaque propos (toujours avec soin), le plus qu’il me sera possible, et de ces Portraits, puisque la veine s’y mêle, je ne dis même plus : Je n’en ferai que cent25.
Pausanias dit que ceux qui venaient exprès dans la plaine, pour épier cette mêlée de Mânes, étaient frappés par des épées invisibles, mais que le passant qui l’apercevait par hasard était épargné. […] Les « Chasses Noires » et les « Chasses Furieuses » de la mythologie germanique traquaient les bûcherons et les pâtres embusqués derrière les taillis pour les voir passer et souvent elles mêlaient leurs membres à la curée des fauves poursuivis.
Doudan, une sorte de Henri Heine français par l’imagination et la fantaisie mêlées à la plus fine critique, écrit à M. […] Don Diègue Ne mêle point de soupirs à ma joie. […] Tout se passe sous les yeux du spectateur, moins la mêlée, que décrit le berger poltron monté sur l’arbre. […] Ne mêlons point de pareilles difficultés parmi nos différends. […] Quel nom prendre cependant, lorsque l’on croit devoir mêler le ton familier à l’héroïque et mettre en scène des personnages autres que les princes ?
La chose importante, c’est le point de vue personnel d’où l’on voit, l’angle sous lequel le monde visible apparaît et, il faut bien le dire, la manière selon laquelle l’invisible que chacun porte en soi se mêle au visible. […] On laisse cela derrière soi, et pourtant ces riens se mêlaient à vos plus douces émotions ; c’était quelque chose d’amer qui, au lieu de rester au fond de la coupe, s’évapore au contraire dès qu’elle est bue. […] On n’a jamais relevé la note réaliste qui existe dans Paul et Virginie, mêlée à une poésie d’un souffle déjà romantique ; elle existe pourtant, et c’est cette note qui déplut surtout à M. de Buffon et au salon de Mme Necker. […] Il faut que notre vie se mêle à celle des choses, et celle des choses à la nôtre. […] Pour ma part, je ne me rappelle guère de paysages auquel je n’aie intimement mêlé mes pensées ou mes émotions, qui n’ait pris pour moi un sens, ne m’ait suggéré quelque retour sur moi-même ou sur le monde.
Seulement elle n’y mêlait plus rien de sanglant et de profane. […] Clément d’Alexandrie, ce chrétien érudit qui mêlait à la tradition hébraïque une vaste connaissance de la philosophie et de la poésie grecques, composa dès le second siècle des hymnes à la fois dogmatiques et familiers. […] Mais un autre hymne au même Dieu a dû, par la rapidité du mètre et la simplicité des images, se mêler dans le culte public aux chants populaires de l’Église. […] La piété même, le regret du bien à faire ; de la foi à défendre, venaient au secours des faiblesses de l’orgueil humain et s’y mêlaient pour les couvrir, s’il en restait encore dans cette âme enthousiaste et candide. […] Seulement deux choses se mêlent sans cesse à cette théologie, un souvenir, un regret de la poésie païenne, toujours présente, quoique abjurée, un spiritualisme néo-platonicien qui pénètre le dogme et l’enveloppe tout entier.
Comme l’arrangement léger de cet art, dont il faut mêler le secret à toute idéale jouissance, n’ôtait rien à l’effet sincère et complétait l’harmonie des sentiments ! […] Et puis, comme dans le Louis XIV, un fonds de droit sens mêlé même au faste, de la mesure et de la proportion dans la grandeur. […] Noble vie, magnanime destinée, à coup sûr, que celle qui se trouve tout naturellement et comme forcément amenée à produire l’épopée de son siècle en se racontant elle-même, tant elle a été mêlée à tout, à la nature, aux catastrophes, aux hommes, tant son rôle extérieur a été grand, bien qu’elle ait gardé plus d’un mystère ! […] Un Horace non châtié et le livre des Confessions mal faitestombèrent aux mains du jeune homme ; il entrevoyait d’une part la volupté flatteuse avec ses secrets incompréhensibles, de l’autre la mysticité délirante apprêtant des flammes et des chaînes. « Si j’ai peint plus tard avec vérité, dit-il, les entraînements de cœur mêlés aux syndérèses chrétiennes, je l’ai dû à cette double connaissance simultanée. » Le quatrième livre de l’Énéide, les volumes de Massillon où sont les sermons de l’Enfant prodigue et de la Pécheresse, ne le quittaient pas. […] L’effet est souvent heureux, de ces mots gaulois rajeunis, mêlés à de fraîches importations latines, et encadrés dans des lignes d’une pureté grecque, au tour grandiose, mais correct et défini.
Les secousses souvent contradictoires, les espérances précipitées suivies de découragement, puis de nouveau reprises avec ferveur, les jugements excessifs, passionnés, lancés dans la colère, et que plus tard elle mitigera, le bon sens fréquent qui s’y mêle, la sincérité invariable, tout contribue à faire de ces pages sans art un témoignage bien honorable à celle qui les écrivit, en même temps qu’une utile leçon, suivant nous, pour ceux qui cherchent dans la réflexion du passé quelque sagesse à leur usage, quelque règle à leurs jugements en matière politique, quelque frein à leurs premiers et généreux entraînements. […] Necker ; quoiqu’il y ait au commencement des tournures ministérielles et un peu de ce pathos qui lui sont assez ordinaires, cependant on y trouve généralement un ton qui ne nous semble pas le sien, et quelquefois une touche de sentiment qu’il n’a jamais su mêler avec son apprêt et ses tortillages. » Cette prévention radicale contre M. […] Ses Mémoires contiennent de brillants et véridiques portraits de ses amis, un peu à la Plutarque ; mais il est plus curieux de les retrouver saisis par elle dans l’action même et sous le feu de la mêlée, confidentiellement et non plus officiellement, dans le privé et non pour la postérité. […] Excellent homme, empressé, exalté, un de ceux que la Révolution saisit du premier coup et enleva dans les airs comme des cerfs-volants, jusque-là d’une grande utilité domestique, l’idéal du famulus, il voulut plus tard agir et penser par lui-même et perdit la tête dans la mêlée, — c’est l’esprit que je veux dire ; car Marat, pour comble d’injure, Marat, son ex-confrère en médecine et qui l’avait apprécié sans haine, le fit rayer de la liste fatale, comme simple d’esprit81. […] Mme Roland a nommé une foi Mme de Staël dans une lettre qui s’est trouvée mêlée aux papiers de Brissot, mais qui ne s’adresse pas à lui, car la date (22 novembre 89) ne permettrait pas entre eux la familiarité de liaison qui s’y voit : « On nous fait ici (à Lyon), dit Mme Roland, des contes sur Mme de Staal (sic) qu’on dit être fort exacte à l’Assemblée, qu’on prétend y avoir des chevaliers auxquels de la tribune elle envoie des billets pour les encourager à soutenir les motions patriotiques ; on ajoute que l’ambassadeur d’Espagne lui en a fait de graves reproches à la table de son père.
A propos de la mort de M. le Duc (1710), il nous dit avec ce feu qui mêle tout, et qui fait tout voir à la fois : « Il étoit d’un jaune livide, l’air presque toujours furieux, mais en tout temps si fier, si audacieux, qu’on avoit peine à s’accoutumer à lui. […] Il ne se maria jamais : « Un homme libre, avait-il observé, et qui n’a point de femme, s’il a quelque esprit, peut s’élever au-dessus de sa fortune, se mêler dans le monde et aller de pair avec les plus honnêtes gens. […] Mais Vauvenargues lui-même n’a pas l’estime et l’autorité qui devraient appartenir à un écrivain qui participe à la fois de la sage étendue d’esprit de Locke, de la pensée originale de Montesquieu, de la verve de style de Pascal, mêlée au goût de la prose de Voltaire ; il n’a pu faire ni la réputation de La Bruyère ni la sienne. » Cinquante ans de plus, en achevant de consacrer La Bruyère comme génie, ont donné à Vauvenargues lui-même le vernis des maîtres. […] Puis l’imprévu s’en mêle à tout moment, et, dans ce jeu continuel d’entrées en matière et de sorties, on est plus d’une fois enlevé à de soudaines hauteurs que le discours continu ne permettrait pas : Ni les troubles, Zénobie, qui agitent votre empire, etc. […] La mode s’était mêlée dans la gloire du livre, et les modes passent.
« Moy, s’empresse d’ajouter le malin, je les aime bien, mais je ne les adore pas. » Ce fut cette sorte de culte que François Ier naturalisa en France, et si un peu de superstition s’y mêla d’abord (comme cela est inévitable pour tous les cultes), dans le cas présent elle ne nuisit pas. […] On se rappelle involontairement la belle lettre, de dix ans antérieure, que le roi écrivait à sa mère au lendemain de Marignan, et dans laquelle respire l’ardeur de la mêlée. […] Sans doute, la poésie alors était fort mêlée, et confuse ; pourtant, dès qu’un vrai talent se rencontre, il sait se faire sentir, et lorsqu’à travers les pièces de François Ier il s’en glisse quelqu’une de Marot, de Mellin de Saint-Gelais, ou même de la reine Marguerite, le ton change notablement, le courant vous porte, et l’on est à l’instant averti. […] En un mot, on est tenté de mettre le petit nombre de bons vers du roi sur le compte du valet de chambre favori, ou plutôt encore sur la conscience de l’aumônier-bibliothécaire (Saint-Gelais), qui s’y trouve mêlé si fréquemment. […] De telles expressions de mysticité se mêlent perpétuellement à la profession de sa tendresse pour son frère.
ces drôles-là s’en mêlent aussi559 ! » Encore faut-il remarquer que, le plus souvent, beaucoup d’entre eux se tenaient cois. « Mon père et moi, écrit plus tard l’avocat Barbier, nous ne nous sommes pas mêlés dans ces tapages, parmi ces esprits caustiques et turbulents. » — Et il ajoute cette profession de foi significative : « Je crois qu’il faut faire son emploi avec honneur, sans se mêler d’affaires d’État sur lesquelles on n’a ni pouvoir ni mission. […] Désormais ils acceptent la familiarité pour avoir le sans-gêne, et sont contents « de se mêler sans faste et sans entraves à tous leurs concitoyens » Certes, l’indice est grave, et les vieilles âmes féodales avaient raison de gronder. […] Or, à présent que la société est mêlée, de pareilles épreuves sont fréquentes et faciles.
Jamais ces deux prestiges mêlés ne composèrent un tel breuvage pour des imaginations malades. […] Du temps de Dante, bien que les crédulités populaires du poëte toscan fussent mêlées aux cynismes populaires de Florence et de Pise, le fond était ignoble, mais vrai pour les rues de ces villes. Le Tasse, plus tard, mêlait avec génie les vérités du catholicisme, religion nouvelle du monde, aux fables divines ou infernales de son époque. […] « Plus on a aimé les poëtes sous cette forme idéale qu’ils nous ont donnée d’eux-mêmes, plus on regrette qu’ils ne l’aient pas réalisée en tout dans leur vie, et qu’ils se soient tant mêlés ensuite à la poussière et aux bruits de la terre. […] Vois : la mousse a pour nous tapissé la vallée ; Le pampre s’y recourbe en replis tortueux, Et l’haleine de l’onde à l’oranger mêlée, De ses fleurs qu’elle effeuille embaume mes cheveux.
Il alla au Niagara, descendit l’Ohio jusqu’à sa rencontre avec le Kentucky : on peut croire, si l’on tient à lui faire plaisir, qu’il descendit le Mississipi et vit la Floride ; les lambeaux de son journal de voyage, mêlés d’extraits de ses lectures, laissent entendre qu’il parcourut d’immenses espaces. […] Aux arguments baroques, il mêle de rares maladresses. […] Il demande à Calliope, dans un mouvement virgilien, de lui dire le nom du premier Natchez qui périt dans une mêlée. […] Un poison inconnu se mêlait à tous mes sentiments… Je suis un pénible songe… Je m’ennuie de la vie ; l’ennui m’a toujours dévoré ; ce qui intéresse les autres hommes ne me touche point… En Europe, en Amérique, la société et la nature m’ont lassé. » Eudore nous révèle encore et toujours la même personnalité, assez délicatement localisée à l’aide des Confessions de saint Augustin, où Chateaubriand trouvait une forme historique appropriée à son âme inquiète : mais à chaque instant la fiction se déchire, et Eudore découvre l’auteur. […] Et les Mémoires d’outre-tombe, si mêlés, à travers tant de fatras, n’ont guère pour se relever, outre l’intérêt documentaire, qu’un certain nombre de tableaux où le vieux maître s’est retrouvé tout entier : la vie de Combourg, le camp de Thionville et le marché du camp, la garde de Napoléon faisant la haie à l’impotent Louis XVIII, les impressions de Rome662, etc. ; tout ce qui est sensation pittoresque n’a pas vieilli d’un jour dans toute son œuvre.
Selon les uns, il aurait commis des actes de friponnerie ; selon d’autres, il aurait mêlé au vin des moines des substances aphrodisiaques ; d’autres disent que dans une fête de village où il s’était enivré, il avait prêché le libertinage ; d’autres, qu’il s’était mis à la place de la statue de saint François, qu’il y avait reçu les adorations des paysans, et que du fond de sa niché il avait fait comme Gargantua du haut des tours de Notre-Dame. […] Platon lui faisait aimer les belles pensées, la grâce et la variété de ces peintures de la vie, qu’il excelle à mêler aux plus hautes spéculations de l’esprit. […] Tant de savoir dans des ordres d’idées si divers, tant de langues mêlées ensemble, tout cet amalgame de l’ancien et du moderne, de la matière et de l’esprit, de l’universel et du particulier, produisit dans cette tête vaste et active une sorte de fermentation d’où naquit cet ouvrage extraordinaire, dans lequel l’érudition est une ivresse, et le génie une débauche d’esprit. […] Platon n’a jamais plus de séduction qu’alors qu’il descend des hauteurs de la spéculation la plus sublime à des peintures familières de la vie, ou qu’il mêle un sourire aimable ou railleur aux plus graves entretiens, faisant couler l’âme, pour ainsi dire, d’un ton à un autre, par un mouvement si insensible et si naturel, qu’elle ne s’aperçoit pas du passage. […] Ils se mêleront plus tard et leur union fera la perfection même de l’esprit français.
Don Juan d’Autriche avait disposé lui-même l’ordre du combat et parcouru l’avant-garde et les côtés de la flotte, debout sur un esquif, un crucifix à la main, exhortant du geste et de la voix tous les confédérés, dont il avait mêlé les pavillons, pour ne faire qu’un seul peuple ; puis, remonté à son bord, où l’entourait une élite de jeunes nobles castillans et de soldats sardes, après que les grands navires vénitiens eurent porté les premiers coups et fait une large trouée, il s’acharna lui-même à l’attaque du vaisseau amiral turc, et, par cette prise et la mort de l’amiral, hâta la victoire. Comme il était arrivé jadis aux Romains, dans leurs premiers combats de mer contre Carthage, les galères des deux partis se heurtant et s’accrochant avec des crampons de fer, le combat était devenu souvent un duel de pied ferme et corps à corps, où les vieilles bandes d’Espagne, les Italiens et les Grecs vainquirent, après cinq heures de mêlée. […] Malheureusement il y mêle un ingrat et injuste anathème contre cette race grecque décimée par la servitude, mais dont une partie alors même combattait les barbares. […] quelques strophes semblent surchargées ou faibles, malgré de grandes beautés ; la rouille du siècle se mêle encore au rayon naissant de la poésie ; et comme si, par une rencontre bien rare, le mouvement commun de la langue et des esprits, l’élan donné, à partir de Henri IV, au génie français, apportait plus à l’âme du poëte que le froid des années ne pouvait lui ôter, c’est vingt ans plus tard, et déjà tout vieux et tout chenu, que Malherbe enfantera, pour l’honneur de Louis XIII et de Richelieu, la belle ode. […] Ces tons élevés et purs, rencontrés par Malherbe, allaient susciter d’autres accents pareils ; Racan, Maynard et d’autres oubliés aujourd’hui trouvaient çà et là, dans quelques vers, la douceur et la majesté du mode lyrique, et cette mélodie, cette voix émue de l’âme solitaire, qui, moins naturelle au dix-septième siècle que l’éloquence du drame, devait cependant s’y mêler, pour jeter parfois sur cette éloquence d’admirables éclairs.
L’intuition (art) peut se mêler de notions, mais non pas nécessairement ; tandis que, au contraire, l’intellect (science) se mêle forcément d’intuitions. […] Sans doute, le lyrique se mêle souvent à l’épique, ou au dramatique, et il y a tout dans tout, mais il y a aussi un élément qui domine. […] Flaubert mêlait aussi le lyrisme à l’épopée, mais sans confondre ces deux éléments ! […] La tragédie grecque n’est donc pas un bloc ; elle est une forme qui évolue et qui mêle le relatif à l’absolu ; forme spontanée et adéquate en son temps. […] A-t-on assez proclamé la nécessité de « mêler le rire aux larmes », pour avoir la « vie totale » !
Car de songer que trois cents jeunes filles qui y demeurent jusqu’à vingt ans, et qui ont à leur porte une cour remplie de gens éveillés, surtout quand l’autorité du roi n’y sera plus mêlée ; de croire, dis-je, que de jeunes filles et de jeunes hommes soient si près les uns des autres sans sauter les murailles, cela n’est presque pas raisonnable. […] Elle se mêlait aux classes, aux exercices, aux moindres services de la maison, n’en estimant aucun au-dessous d’elle : Je l’ai vue souvent, dit une de ces modestes historiennes citées par M. […] — Ces temps heureux, cet âge d’or, ce sont comme toujours les débuts, les commencements, l’époque où tout n’est pas rédigé encore, et où une certaine liberté d’inexpérience se mêle à la fraîcheur première des vertus. […] Dans le bien qu’elle avait fait à Saint-Cyr, elle comptait pour beaucoup les soins qu’elle avait pris de la récréation : C’est là, disait-elle, ce qui met l’union dans une maison et en ôte les partialités ; c’est là ce qui lie les maîtresses avec leurs élèves ; c’est là qu’une supérieure se fait goûter et épanouit le cœur de ses filles en leur donnant quelques plaisirs ; c’est là qu’on dit des choses édifiantes sans ennuyer, parce qu’on les mêle avec de la gaieté ; c’est là qu’en raillant on jette de bonnes maximes.
dans le fond, la Massoure où se sont perdus et enfoncés à bride abattue ces brillants aventureux de l’avant-garde ; des groupes partout épars dans la plaine, la mêlée engagée sur plus d’un point ; d’un côté cette masure et muraille où s’appuient Joinville et ses amis harcelés d’un essaim de Turcs ; dans le fond opposé, le canal ou fleuve dans lequel Sarrasins et chrétiens et leurs chevaux sont précipités pêle-mêle, noyés ou à la nage ; et au premier plan saint Louis, apparaissant sur une levéev, dans ce glorieux appareil de combat. […] Mais prenez-y garde : la seconde chevalerie est déjà néey, la chevalerie mondaine, courtoise et galante, laquelle n’était pas incompatible sans doute avec la première, avec la chevalerie dévote et sainte, et y avait toujours été mêlée, mais qui s’en dégagera désormais de plus en plus. […] Et aux félicitations qu’on essayait d’y mêler sur le succès de la journée, le roi répondit « que Dieu en fût adoré de tout ce qu’il lui donnait. […] La famine, la contagion s’en mêlent ; on n’a plus à enregistrer que des maladies et des morts.
Ce qui est plus certain, c’est qu’il avait passé les dix années qui avaient suivi sa sortie du Parlement, tantôt à la Cour et mêlé à plus d’une négociation, tantôt dans son château à composer ses Essais. […] Jusque dans les brouilleries politiques où il se trouve mêlé, il réserve, la santé et clarté de son entendement. […] La seconde période devint moins facile ; l’agitation politique s’y mêla aux soins des intérêts de la ville. » Ce fut durant cette seconde mairie que Montaigne plus exposé montra à un moment beaucoup de zèle, bien de l’habileté et de l’activité, et aussi, vers la fin, quelque faiblesse ou du moins quelque lassitude. […] Plusieurs, parmi les magistrats municipaux, hésitaient à y paraître ; Montaigne donna le conseil très sage de ne témoigner aucune crainte, « de se mêler parmi les files, la tête droite et le visage ouvert », de demander même aux capitaines de faire faire à leur monde « les salves les plus belles et les plus gaillardes qu’il se pourrait en l’honneur des assistants, et de n’épargner la poudre. » La prudence ici consistait à se montrer hardiment.
Nous avons aussi nos infortunes d’Ilion, et, à ce sujet, notre curiosité n’est jamais à bout ; mais c’est sous forme moderne qu’elle se marque, c’est surtout à l’occasion de documents historiques retrouvés, de lettres inédites ; notre manie s’y mêle. […] … » C’est à elle de parler, de raconter tout ce voyage avec les impressions qu’elle y mêle et avec cette vivacité, ce mouvement de jeune fille qui était alors une des grâces et l’un des enchantements de sa personne : « Les grandes scènes ont commencé au Rhin ; on m’a conduite dans une île où j’aurais été bien heureuse d’être un peu seule comme Robinson pour me recueillir, mais on ne m’en a pas laissé la liberté ; on m’a comme emportée dans une maisonnette dont un côté était censé l’Allemagne, l’autre la France ; à peine m’a-t-on laissé le temps de faire une prière et de penser à notre bonne chère maman et à vous tous, mes bien-aimés du petit cabinet ; les femmes se sont emparées de moi, — m’ont changée des pieds à la tête. — Après cela, sans me laisser respirer, on a passé dans une grande salle, on a ouvert le côté de France, et l’on a lu des papiers : c’était le moment où mes pauvres dames devaient se retirer ; elles m’ont baisé les mains et ont disparu en pleurant. […] Que sera-ce plus tard quand les haines politiques s’en mêleront et que l’on criera sans cesse à l’Autrichienne ? […] Ici le cœur s’en mêle ; il y a image ; l’expression s’est colorée au souffle de l’âme.
Coulmann ne se souvient pas assez de lui-même ; il mêle trop à ses propres souvenirs ceux des autres et ceux même de ses lectures. […] Coulmann me plaît, dans ses Mémoires, par ce côté même d’absence de toute originalité : il est l’expression honnête et facile du milieu où il vit, et il nous en marque la température assez exacte, sans y mêler la résistance ou le surcroît d’un caractère trop individuel. […] Coulmann retombe à son état d’opposant ; il en est quitte pour se mêler des élections et pour être, avec les jeunes hommes de son âge, de toutes les parlottes et les conférences parlementaires de ces chaudes années. […] J’ai dit le bien, j’ai indiqué le naturel ; pourquoi s’y mêlait-il de la roideur classique qui en gâte pour nous le charme ?
Elle parle du futur Louis XVIII comme d’un caractère faux, dissimulé, cauteleux, mêlé par goût dans des intrigues et y mêlant sa femme qui, « peur, bêtise ou inclination », le suit. […] Marie-Thérèse, ayant à guider de loin, à conseiller dans toutes ses démarches une si jeune dauphine, puis une si jeune reine, qui trouve si peu d’aide auprès de soi, mêle sans cesse dans ses lettres les recommandations d’une bonne mère à celles d’une impératrice. […] Les éloges se mêlent aux réprimandes, car on sent qu’elles sortent d’un cœur tendre et qui n’a en vue que le bonheur des siens : « Je suis toujours sûre du succès, si vous entreprenez une chose, le bon Dieu vous ayant douée d’une figure et de tant d’agréments, joint avec cela votre bonté, que les cœurs sont à vous si vous entreprenez et agissez ; mais je ne puis vous cocher pourtant ma sensibilité : il me revient de toutes parts et trop souvent que vous avez beaucoup diminué de vos attentions et politesses à dire à chacun quelque chose d’agréable et de convenable, de faire des distinctions entre les personnes. […] La religion, les mœurs, si nécessaires pour attirer la bénédiction de Dieu et pour contenir les peuples, ne sont pas oubliées ; enfin je suis dans la joie de mon cœur, et prie Dieu qu’il vous conserve ainsi pour le bien de vos peuples, pour l’univers, pour votre famille et pour votre vieille maman que vous faites revivre. (16 juin 1774.) » Elle y mêle de sages avis, de ne rien précipiter, de tout voir de ses propres yeux, de ne rien changer à la légère ni par un premier entraînement.
L’été vient et dévore ces ruisseaux furieux ; ils gisent à sec sur le sol, tandis que les sources délivrées reprennent leur courant ; et le mythe voit dans cette survivance le meurtre des époux tués par les vierges auxquelles ils s’étaient violemment mêlés. […] » — Un vœu touchant sur ces bouches de vierges, est celui qu’Artémis, la chasseresse, patronne des couches heureuses, « visite les épouses, au jour de l’enfantement ». — La gloire poétique n’est même pas oubliée dans ces sorts propices jetés sur Argos ; les Danaïdes lui promettent le sourire des Muses et le chant des lyres : — « Que les chanteuses divines accordent ici leurs voix, et que le son de la cithare se mêle harmonieusement au son de leurs bouches sacrées ! […] » lui diront encore les jeunes filles, et c’est bien de l’écume mêlé à l’injure qui sort de sa bouche. — « Hâtez-vous ! […] — Des paroles s’y mêlent, folles et décousues, comme celles qu’on crie dans l’épouvante d’un rêve accablant : — « L’araignée m’enveloppe !
Sociabilité, finesse et moquerie, tels étaient les principaux traits de ce charmant esprit, qui y mêlait, dans la pratique, de cette bonté facile et de cette indulgence assez ordinaire à ceux qui n’ont point placé trop haut l’idéal de la nature humaine. […] Pour que cela prît du corps et de la portée, pour que l’aiguille devînt une flèche ou un aiguillon, il fallait pourtant qu’un peu de passion s’y mêlât, et elle vint précisément s’y mêler dès cette époque que j’ai notée et à partir de 1820, quand les excès du parti ultra et de la Congrégation piquèrent au jeu les esprits sensés et indépendants. […] Cependant les intentions politiques, qui commençaient à se mêler vers 1824 à presque tous les proverbes de M.
Cette raison saine, cet esprit sensé, mêlé à l’enjouement et au charme, il l’avait trouvé chez Ninon, et ce coin du portrait d’Émilie n’était pas du tout une pure idée imaginaire. […] qu’elle s’était acquise, le nombre et la distinction de ses amis et de ses connaissances, continuèrent à lui attirer du monde quand les charmes eurent cessé, et quand la bienséance et la mode lui défendirent de plus mêler le corps avec l’esprit… Sa conversation était charmante. […] Vous mêlez même les vertus à tous vos charmes, et, au moment qu’un amant vous découvre sa passion, un ami peut vous confier son secret. […] L’appétit est quelque chose dont je jouis encore… Cette idée d’appétit revient souvent entre eux et se mêle assez naïvement aux plus vives tendresses même de l’amitié : Que j’envie ceux qui passent en Angleterre, écrit Ninon, et que j’aurais de plaisir à dîner encore une fois avec vous !
Courier commença à s’en mêler, non pas tout à fait, comme il le dit, le premier et « seul au temps de 1815 », mais à la fin de 1816. […] Il y mêlait du pathétique, et il y a, tout au milieu, un vrai mouvement oratoire : « Justice ! […] Un lecteur attentif de Courier me fait remarquer combien il y a de vers tout faits mêlés à sa prose, par exemple dès les premières lignes du Discours sur Chambord : Nos chemins réparés, nos pauvres soulagés… Notre église d’abord, car Dieu passe avant tout… De notre superflu, lorsque nous en aurons… Mais d’acheter Chambord pour le duc de Bordeaux, Je n’en suis pas d’avis et ne le voudrais pas… Et en tournant le feuillet : Mais quoi ! […] Selon lui, l’Antiquité jusqu’ici nous a toujours été présentée plus ou moins masquée ; une copie de l’antique, en quelque genre que ce soit, est encore à faire ; la langue de cour, la langue d’académie s’est mêlée à tout et a tout gâté.
Si l’on excepte le parti encyclopédique auquel il était trop mêlé pour en parler avec indépendance, mais dont encore il savait le faible, nul d’alors n’a mieux vu que lui en tout ce qui est de ses contemporains. […] Il eut de bonne heure de l’esprit de conduite, et il en eut besoin : Rousseau est le seul qui l’ait accusé d’y mêler de la fausseté. […] Il mêle le calme et la réflexion à la finesse. […] Grimm, dans les Mémoires de Mme d’Épinay, se montre constamment à nous comme au-dessus des tracasseries, évitant de s’y mêler, mettant au besoin peu d’aménité dans ses conseils, et gardant quelque réserve, même dans l’intimité ; non point par arrière-pensée ni par manque de confiance, mais simplement « parce qu’il n’aime ni les raisonnements ni les combinaisons inutiles ».
Il a pour M. de Suhm une haute estime mêlée de sympathie et de tendresse, et, pour l’exprimer, il semble emprunter quelque chose aux dialogues des anciens : Vous savez, sans que j’aie besoin de vous le répéter, que la connaissance des perfections est le premier mobile de notre plaisir dans l’amour et dans l’amitié qui est fondée sur l’estime. […] Il voit dans l’ami ce que sera le monarque, et mieux qu’il ne sera, parce que, tout en voyant juste, il y mêle les effusions et les ingénuités d’une nature aimante. […] On lit à la suite de la correspondance tous ces détails affectueux et même pieux, tristes pourtant en ce qu’on sent qu’à mesure que le temps marche et que le souvenir s’éloigne, le philosophe et le roi, tout en faisant son devoir, n’y mêle plus rien de la flamme première. […] La correspondance de Frédéric est supérieure toutes les fois qu’il n’y mêle pas de vers.
Après des années, c’est par cet ouvrage sur son pays, sur l’Allemagne, que Henri Heine, mûri par la réflexion et par la souffrance, nous introduit à ses œuvres complètes, à l’ensemble de ses pensées, et voilà que nous trouvons, mêlés à un talent suprême, de telles modifications, de tels changements dans le fond même des choses et de l’intelligence, que la Critique — cette jaugeuse des forces spirituelles, qui met la main sur la tête et le cœur des hommes à travers les œuvres, — est obligée de s’y arrêter. […] Touchantes en plus d’un endroit, il s’y mêle encore cependant un peu du satyre rieur de Vico, un peu de Scarron purifié, ennobli, idéalisé. […] Ce sont les fragments retrouvés de ces correspondances et de ces articles, mêlés à quelques impressions d’un voyage dans les Pyrénées, qu’on a réunis et qu’on a eu raison de recueillir. […] Et quand on songe que de tels supplices sont mêlés, dans cette Correspondance, à d’ignobles questions d’argent, à des possibilités ou à des perspectives de misère pour la femme qu’il aime, quand il ne sera plus, à des débats honteux d’affaires et de famille, toute cette prose abjecte jetée à travers la poésie de ces nobles et grandioses souffrances, le cœur se soulève, il semble que toute cette Correspondance soit, par toutes ces basses horreurs, profanée !
Et le triste de l’affaire, c’est qu’on est beaucoup plus intolérant pour défendre les opinions que l’on a héritées ou que l’on accepte comme le mot d’ordre d’un parti que pour soutenir celles qu’on a essayé de se faire tout seul : car alors on sait par expérience ce qui s’y mêle d’incertitude… Ah ! […] C’est avec cette pensée et cet espoir (mêlé d’envie) que je bois affectueusement à l’Association générale des Étudiants de Paris.
Autrefois il y avait place pour ce petit rôle assez innocent du savant de la Restauration ; rôle demi-courtisanesque, manière de se laisser prendre pour un homme solide, qui hoche la tête sur les ambitieuses nouveautés, façon de s’attacher à des mécènes ducs et pairs, qui pour suprême faveur vous admettraient au nombre des meubles de leur salon ou des antiques de leur cabinet ; sous tout cela quelque chose d’assez peu sérieux, le rire niais de la vanité, si agaçant quand il se mêle aux choses sérieuses ! […] Il est même bien rare qu’à l’exercice le plus élevé de la raison ne se mêle un peu de ce plaisir, qui, pour n’avoir aucune valeur idéale, n’en est pas moins utile.
Né dans une coupe, comme il convenait à sa destinée, il personnifia la libation des sacrifices mêlée au feu — Agni — qu’elle alimente, ne faisant plus qu’un avec lui, allant porter au ciel, dans un tourbillon d’étincelles, les prières de l’homme et sa propre essence que boiront les dieux. […] Danses effrénées, brandissements de thyrses, promiscuités violentes comme des mêlées, rondes tournoyantes qui font trembler les plateaux du Tmolos et du Cythéron. […] Au fort des mêlées, il chasse les guerriers qui l’assaillent, comme les moustiques de leurs jungles, en les éventant d’une longue fleur. […] Les femmes, en costume de bacchantes, les cheveux épars, le thyrse au poing, la nébride au flanc, couraient par troupes vers le Tibre, et y plongeaient des torches ardentes qu’elles retiraient allumées encore, parce que le soufre vif y était mêlé à la chaux. Symbole du dieu pris pour le soleil, qui descend dans les ténèbres, pour reparaître flamboyant au jour. — Les affiliés se mêlaient ensuite, pêle-mêle et aveuglément dans la nuit.
Si l’étude réfléchie s’y mêla un peu plus peut-être, s’il surveilla un peu plus du coin de l’œil ce qui avait d’abord ressemblé à de pures distractions, on ne s’en aperçut pas auprès de lui : il demeura l’homme du foyer, de l’institution domestique, le maître et l’ami de ses élèves. […] On peut juger des Réflexions et menus propos qui s’y mêlaient et qui donnaient le motif, par le morceau de Topffer sur le paysage alpestre, inséré dans la Bibliothèque de Genève vers ce temps270. […] Comment il s’intéresse au premier aspect à ces deux jeunes personnes étrangères, comment il les remet dans leur chemin qu’elles avaient perdu, comment il les rencontre de temps en temps et se trouve peu à peu et sans le vouloir mêlé à leur destinée : tout cela est raconté avec une simplicité et un détail ingénu qui finit par piquer la curiosité elle-même.
Dans les cinquante ou soixante mille lignes qu’un journaliste écrit tous les ans, ce qui lui appartient en propre, ce qui le signale et le distingue se trouve perdu dans ce qui le confond et le mêle, dans tout ce qu’il a laissé s’écouler de lui sans y apporter d’attention et sans y attacher de prix. […] Le trait caractéristique de don Juan, c’est l’émotion auprès de celles-ci, émotion profonde, naïve, sincère, égale et peut-être supérieure en intensité à l’émotion réglée des hommes qui mêlent l’idée du devoir aux choses de l’amour, encourant par là le juste anathème du poète ! […] Il a montré, presque avec émotion et en condamnant sur ce point les railleries vulgaires, ce qu’il y a de touchant dans l’amour, des femmes qui ont un peu dépassé l’âge de l’amour, des amantes mûries et meurtries, qui s’attachent à leur dernière passion avec fureur et avec mélancolie, parce qu’après il n’y aura plus rien, et qui, pour se faire pardonner, pour s’absoudre elles-mêmes et sans se douter du sacrilège, mêlent à leur suprême amour de femme un sentiment d’équivoque maternité.
L’humanité est comme une mêlée de masques. […] Mais, si peut-être un peu de tremblement se mêle à son ingénue et violente sympathie pour les damnés, c’est avec pleine sécurité et c’est d’un amour sans mélange qu’il aime, qu’il glorifie les grands mondains, les illustres dandys, les viveurs profonds, les insondables dons Juans : Ryno de Marigny, le baron de Brassard, Ravila de Ravilès, et combien d’autres ! […] C’est pourquoi, depuis Baudelaire, beaucoup de poètes et de romanciers se sont plu à mêler les choses de la religion à celles de la débauche et à donner à celle-ci une teinte de mysticisme.
Camille Mauclair Verlaine a apporté ici le lied, créé une littérature d’ingénuité sentimentale, ennobli l’aveu individuel, mêlé la musique à l’émotion des lettres, donné l’exemple d’un génie se jouant librement, lumineux, tragique ou tendre, puéril et profond, énonçant le moi avec une multiplicité verbale inattendue. […] Un grand poète est celui qui mêle sa personnalité si profondément à la Beauté, qu’il imprime à celle-ci une attitude nouvelle et désormais éternelle. […] Il lui prit la main, la conduisit vers son œuvre et la mêla aux personnages de ses drames et de ses romans.
Obéron s’y mêle. […] On y sent l’horreur sacrée de l’art, et la terreur toute-puissante de l’imaginaire mêlé au réel. […] Tout cela expire et rampe, n’ayant pas même la force d’aimer ; et, à leur insu peut-être, tandis qu’ils se courbent et se résignent, de toutes ces inconsciences où le droit réside, du sourd murmure de toutes ces malheureuses haleines mêlées, sort on ne sait quelle voix confuse, mystérieux brouillard du verbe, arrivant syllabe à syllabe dans l’obscurité à des prononciations de mots extraordinaires : Avenir, Humanité, Liberté, Égalité, Progrès.
Un certain baron, Walef, rimailleur subalterne, s’étoit mêlé de faire réussir, en Espagne, une négociation, & avoit présenté, au cardinal Albéroni, un Mémoire plein de visions & d’extravagances, dans lequel cette princesse étoit compromise. Elle en fut indignée, & s’écria : « Il est tombé absolument en démence ; accident si ordinaire aux gens qui, comme lui, se mêlent de faire des vers, que j’aurois dû le prévoir, & ne pas souffrir qu’un pareil homme pût se vanter d’être connu de moi. » On en appelloit aux autres nations qui font plus de cas que nous des poëtes, & qui ne dédaignent pas quelquefois de les mettre à la tête du gouvernement. […] On est révolté de voir les augustes vérités de la religion mêlées avec les absurdités du paganisme dans la Lusiade ou dans la Jérusalem délivrée.
Comme on ne peut se mêler à la vie sans en affronter les combats, M. […] Il reconnaît d’ailleurs qu’une part humaine s’est mêlée à l’élaboration de ceux-ci. […] Sans vouloir mêler ici prématurément la critique à l’exposition, il est impossible cependant de ne pas être frappé de cette imprudence, au moins apparente, qui fait reposer le dogme fondamental de la religion et l’espoir de l’humanité sur une opinion toute scientifique.
C’est ainsi qu’on a vu un poète célèbre dont on représentait une pièce, mêler ses acclamations aux cris du public, oubliant également et le théâtre, et les spectateurs, et lui-même. […] C’était là le grand objet de toutes les nations ; et il se mêlait tantôt sourdement, tantôt avec éclat, aux malheurs de la guerre et aux fureurs politiques. […] L’intérêt, qui veut traîner le peuple aux autels, peut bien se mêler aux sacrifices, dans les fêtes et les cérémonies publiques ; mais l’intérêt ne joue pas l’enthousiasme religieux, tous les jours, tous les instants, et dans tous les détails de la vie.
Mêlé de très près au mouvement artistique, littéraire et musical de ces trente dernières années, M. […] L’air était imprégné d’une fine odeur d’encens et d’essence de rose à laquelle se mêlait le parfum léger du tabac. […] La fumée du tabac s’y mêle à celle de l’opium. […] Ne lui eût-il pas paru plus littéraire qu’il n’était besoin, par là, le mêler à des gens qu’il ne prisait guère ? […] Des myrtes luisants et des houx vernis se mêlent à des hortensias roses et à des capucines.
Ce n’est point sans l’aveu de tous les dieux habitant l’Olympe que cet homme vient se mêler aux Phéaciens pareils aux immortels. […] Je blâmerais moi-même toute autre qui agirait ainsi, et qui, du vivant de son père et de sa mère chéris, se mêlerait sans leur consentement à la société des hommes, avant le jour de son mariage public. […] J’aime mieux l’innocence que le pouvoir ; je me suis repenti souvent de m’être mêlé des affaires des hommes, mais jamais de leur avoir donné le bon exemple de l’abnégation et de l’humiliation volontaire au lieu du crime. […] Cette détonation inattendue de gaieté cruelle et d’agonie mêlées ensemble fait frissonner la peau et peint le siècle. […] — Il ne faut pas que cela vous étonne, me dit-il, nous autres Provençaux, nous mêlons Dieu à tout, surtout à nos passions et à nos tendresses.
Les mémoires commencent à l’enfance de la princesse, mêlée à l’enfance du prince Napoléon. […] La maison est égayée par un enfant intelligent et beau, sur la figure duquel, se trouve, joliment mêlée, la ressemblance du père et de la mère. […] C’est d’autant plus merveilleux, que ces hommes reçoivent la défense d’aller au café, de se mêler à la vie de leurs concitoyens, et qu’il leur est ordonné, en même temps, de savoir ce qu’ils font, ce qu’ils disent, ce qu’ils pensent. […] C’est le seul milieu, où un semblant de fantastique se mêle à la vie réelle. […] Elle parle en phrases douces, et non comédiennes, du désagrément de se séparer, de l’ennui de ne pas toujours continuer cette vie commune, et elle bâtit bientôt dans le rêve et l’impossible humain, une espèce de phalanstère, où l’on mêlerait ses existences jusqu’à la mort.
Aujourd’hui que toutes les classes sont mêlées et confondues, que tous les angles sont polis et usés, le bon goût, le simple usage empêche qu’on ne ressente ou qu’on ne témoigne les colères ou les préjugés de son état : en a-t-on autant qu’autrefois toutes les convictions et les vertus ? […] Renaudot, revenant sur cette condition imposée à ses fils et expliquant comment on pouvait tenir le Bureau d’adresses et d’annonces sans se charger pour cela des détails confiés à des commis, reconnaît qu’en effet ses fils ont déclaré devant la Faculté « qu’ils ne se mêlaient point et ne s’étaient jamais mêlés des négociations dudit Bureau ». […] Puis après il demanda justice à la Cour pour les usures du Gazetier et pour tant d’autres métiers dont il se mêle, qui sont défendus.
Il a sur notre nation et sur notre caractère des observations très originales, et s’il dit des vérités aux autres peuples, il nous en adresse assez à nous-mêmes les jours d’éloges, pour qu’on puisse tout citer sans faire de jaloux : On ne le croirait pas, dit-il, la nation française est, des nations de l’Europe, celle dont les peuples ont communément plus de jugement mêlé avec le plus d’esprit. […] Chacun peut dire de soi : Mais ce n’est pas là l’âme de ce corps-là, — surtout quand on est à jeun et qu’on s’est modéré aux repas (d’Argenson mêle toujours la matière et les sens à ses considérations). […] On dirait que c’est une divinité renfermée dans une chatière (d’Argenson mêle toujours du trivial à son élevé et à son pittoresque). […] Il est vrai que c’est une folie, de là vient que les philosophes ne sont pas propres à la guerre, au lieu que les gens à passions y sont propres ; les jeunes gens, les sanguins, s’y dévouent légèrement et franchement, mais tout philosophe qui réfléchit mûrement trouve que le plus grand bien est de vivre, et le plus grand mal du monde est l’anéantissement ; car les gens à passions trouvent, disent-ils, la vie plus mêlée, de maux que de biens, au lieu que les philosophes trouvent le contraire et ont raison, la vie leur est délicieuse.
» Dans la quantité de félicitations qu’il reçoit, il faut distinguer celles de l’abbé de Fénelon, non archevêque encore : « Je viens de lui faire réponse à une lettre toute des plus obligeantes qu’il m’a fait l’honneur de m’écrire, où ton nom est mêlé : il paraît bien qu’il t’aime ou pour mieux dire, qu’il te chérit. » Croisilles, fort pieux et d’une piété tendre, était un des fils spirituels de Fénelon. […] L’exposé de cette campagne de 1693 et de tout ce qui s’y mêla d’accessoire ou d’essentiel sous-main dépasserait ce que nous pouvons nous permettre ici. […] Elle a jusqu’à présent tout le crédit qu’une jolie femme peut avoir ; elle a dans l’esprit tout l’enjouement et l’amusement qui peut plaire, menteuse avec un air naïf, n’aimant rien, point de vues pour l’avenir, hardie, ordurière, nulle teinture de modestie, livrée aux présents de M. le prince d’Orange, prenant de l’Empereur et du roi d’Espagne, et ce qu’il y a de beau, c’est que M. de Savoie le sait et qu’il trouve en cela le ménagement d’un méchant cœur ravi que sa maîtresse rencontre dans la libéralité d’autrui ce qu’elle ne pourrait pas trouver dans la sienne… Il redit tout à sa maîtresse, et sa maîtresse redit tout aux alliés… Dans tout cela Mme la Duchesse Royale ne fait qu’aimer son mari, le servir, vouloir ce qu’il veut et ne se mêler de rien ; Madame Royale (la mère) n’ose parler, et M. et Mme de Carignan sont dans une circonspection si craintive que, si M. de Savoie meurt, vingt-quatre heures après ils craindront qu’il n’en revienne. » Toute cette correspondance de Tessé que nous connaissons par des extraits de M. […] Les ennemis avaient mêlé des escadrons de distance en distance, surtout en front de bandière.
Longtemps mêlée à ces orages des partis, à ces cris d’enthousiasme ou d’anathème, sa jeunesse n’avait pourtant rien à rayer de son livre ni à désavouer de sa vie ; le témoignage qu’il se rendait dans la pièce citée plus haut, il peut le redire après comme avant ; nul ne lui contestera ce glorieux jugement porté par lui sur lui-même. […] Cette jeune vie s’harmonisait déjà par des rapports anticipés et fortuits avec la grande destinée qu’elle devait célébrer un jour ; ce frêle écheveau invisible se mêlait déjà à la trame splendide, et courait obscurément au bas de la pourpre encore neuve dont plus tard il rehaussa le lambeau. […] Deux ans après, comme Hugo passait la soirée chez un académicien fonctionnaire mêlé à l’administration secrète, celui-ci, à propos d’un incident de la conversation, le plaisanta sur ses intelligences avec les conspirateurs, et lui fit une leçon de prudence. […] Voilà jusqu’à ce jour les principaux faits de cette vie du poëte ; il nous reste seulement à en caractériser plus en détail deux portions qui se mêlent intimement à la chronique fugitive de notre poésie contemporaine : ce sont les deux périodes que j’appellerai de la Muse française et du Cénacle.
Cela est difficile à trouver178. » Il ajoute encore : « Les artistes sont les juges compétents de l’art, il est vrai ; mais ces juges compétents sont presque tous corrompus… Il y a environ trois mille ans qu’Hésiode a dit : Le potier porte envie au potier, le forgeron au forgeron, le musicien au musicien. » Sans doute un artiste, sur l’objet qui l’occupe et qu’il possède, aura des vues, perçantes, des remarques précises et décisives, et avec une autorité égale à son talent ; mais cette envie, qui est un bien vilain mot à prononcer, et que chacun à l’instant repousse du geste loin de soi comme le plus bas des vices, il l’évitera difficilement s’il juge ses rivaux ; sa noble jalousie (appelons ainsi la chose) le tiendra éveillé aux moindres défauts, et il sera prompt à voir et à noter ce qu’involontairement il désire ; ou bien, si la générosité du cœur s’en mêle, il ira au-devant du défaut, il passera outre et tombera alors dans des indulgences extrêmes, dans des libéralités qui ne sont plus d’un juge. […] Que si nous osions mêler un conseil au travers d’un travail si médité, et auprès d’un esprit par lui-même si averti, ce serait de borner à un certain moment la recherche, de clore son siége, et de se jeter à l’œuvre avec toute la richesse amassée et en s’occupant surtout à la dominer par l’idée, à la classer d’une volonté un peu impérieuse. […] Et si le style s’en mêle, si l’agrément a touché ces humbles pages d’autrefois, elles ont aussi pour qui les rouvre après des années, un certain parfum. […] Pourtant, encore une fois, c’est moins au nom de cette perspective, toujours si pâle et si mêlée d’ombres, qu’il faut s’adresser au vrai critique et le convier à ne pas cesser ; la vérité voilà ce qui l’inspire, la vérité littéraire, le plaisir de la dire avec piquant ou avec détour, l’amour d’une étude courante et animée.
A l’expression simplement réaliste des choses extérieures et communes, Boileau a mêlé ses malices de bourgeois indévot, ses épigrammes de polémiste littéraire : il a tâché le plus souvent de mettre des idées, de l’intelligence dans ses vers, d’en pénétrer ou d’en entourer ses sensations. […] On ne trouve d’examen impartial que chez Corneille, parlant de ses propres pièces, et chez D’Aubignac, qui mêla dans sa Pratique du théâtre la critique à la théorie. […] La part marquée, aussi grande que possible, aux imperfections de l’Art poétique, il y reste une grande et forte doctrine, faite de deux pièces finement ajustées : elle combine le rationalisme moderne avec l’esthétique gréco-romaine ; elle mêle les deux courants du cartésianisme et de l’humanisme. […] La Renaissance et le xviie siècle, par conséquent Boileau, mêlent la théorie ancienne et l’idée moderne.
Il s’y mêlait, chez M. […] Et Sylvestre Bonnard devait aimer aussi les créatures qui sont douces, bonnes, vertueuses ou héroïques sans le savoir, ou plutôt sans y tâcher et parce qu’elles sont comme cela : Mme de Cabry, l’adorable Jeanne Alexandre, la petite Mme Coccoz, plus tard princesse Trépof, même l’oncle Victor, encore que son héroïsme soit mêlé d’abominables défauts, et Thérèse, la servante maussade et fidèle, abondante en locutions proverbiales, riche de préjugés, de vertu et de dévoûment. […] Si peut-être ces petits récits font songer, par quelques-unes des réflexions qui y sont mêlées, au Voyage sentimental de Sterne, au moins sont-ils composés avec soin et les digressions ne sont-elles qu’apparentes. […] Sentez-vous comme chaque petit tableau s’agrandit et comme l’univers vient s’y mêler tout entier ?
» Portant donc la parole pour cette lanterne le lendemain de la nuit du 4 août, au milieu de beaucoup d’éloges décernés aux membres de l’Assemblée et aux Parisiens, il lui fera dire : Il est temps que je mêle à ces éloges de justes plaintes. […] Peut-être, dans la prise d’assaut de l’Ancien Régime et pour le renversement complet de la Bastille féodale, fallait-il qu’il y eût de ces fifres étourdis et de ces enfants perdus en tête des sapeurs du régiment ; mais le bon sens, aujourd’hui qu’on relit, paraît trop absent à chaque page ; la raison ne s’y mêle jamais que dans des trains de folie. […] Mirabeau, avec sa supériorité, comprit d’abord le parti qu’on pouvait tirer de ce jeune homme ardent, et la nécessité du moins de ne pas s’en faire un ennemi ; il le prit avec lui à Versailles, l’eut pendant une quinzaine pour secrétaire, Je soignai ensuite à distance, et lui imprima tellement l’idée de son génie, que, plus tard, tout à fait émancipé et en pleine révolte, Camille respecta toujours le grand tribun, alors même qu’il mêlait à l’admiration quelque insulte inévitable. […] » et il continue de mêler le nom de Jésus dans son invective.
Un peu d’ironie se mêle, on le voit, à cette esquisse bienveillante. […] Grimm, de même, relève chez lui « cette amertume de plaisanterie qui, mêlée aux apparences d’une douceur et d’une bonhomie inaltérables, l’a fait appeler, dans la société même de ses meilleurs amis, le mouton enragé ». […] Ouvertement ou sourdement, Condorcet, au contraire, ne cessa de se mêler à ces combats, et ne négligea rien de ce qu’il fallait pour les envenimer. […] André Chénier, témoin des mêmes actes, et jugeant Condorcet dans la mêlée comme un transfuge de sa cause, de la cause des honnêtes gens, s’écriait : C…, homme né pour la gloire et le bien de son pays, s’il avait su respecter ses anciens écrits et su rougir devant sa propre conscience ; homme dont il serait absurde d’écrire le nom parmi cet amas de noms infâmes, si les vices et les bassesses de l’âme ne l’avaient redescendu au niveau ou même au-dessous de ces misérables, puisque ses talents et ses vastes études le rendaient capable de courir une meilleure carrière ; qu’il n’avait pas eu besoin, comme eux, de chercher la célébrité d’Érostrate, et qu’il pouvait, lui, parvenir aux honneurs et à la fortune, dans tous les temps où il n’aurait fallu pour cela renoncer ni à la justice, ni à l’humanité, ni à la pudeur.
Dans ce cas, le public est toujours de moitié pour le moins dans l’épigramme ; quand il se mêle une fois d’être malin, il l’est impitoyablement. […] Mais, au lieu d’en conclure qu’après s’être si violemment trompé, il n’avait rien de mieux à faire qu’à se repentir et à se taire, La Harpe ne songea pas seulement à s’imposer cette mortification du silence, la plus pénible de toutes pour l’amour-propre, et on le vit, au sortir de sa prison, se lancer avec plus de ferveur que jamais dans toutes les mêlées ; son ardeur n’avait fait que changer de signal et de drapeau. […] Quand je dis pour rien, ce n’est pas que nous ne nous en mêlions toujours un peu ; mais il est reçu qu’on ne s’en prend pas à nous, et notre sexe… » — « Votre sexe, mesdames (c’est Cazotte qui parle), ne vous en défendra pas cette fois ; et vous aurez beau ne vous mêler de rien·, vous serez traitées tout comme les hommes, sans aucune différence quelconque. » On voit la suite de la scène et dur dialogue.
De même, sur le goût, il n’a guère à produire que des généralités incontestables : pourtant il y mêle des pensées des anciens, et c’est ici que le mérite et l’utilité se font sentir. […] Au lieu de s’en tenir aux préceptes serrés et brefs, aux prescriptions techniques, à la Poétique d’Aristote ou aux Partitions oratoires de Cicéron, auxquelles Gibert en revenait toujours et dont le siècle n’avait que faire, le bon Rollin s’abaissait et s’oubliait aux exemples, et même aux digressions ; s’il disait avec surabondance des choses inutiles, il y mêlait une variété de beaux endroits qui empêchaient l’ennui. […] Rollin lui-même désarme quand il déclare en commençant et qu’il répète en toute occasion n’aspirer à rien de plus, dans son Histoire, qu’à être « un bon compilateur. » On passe donc sur son absence continuelle de discussion et de critique, heureux de trouver chez lui un beau cours naturel de narration et un parfum de moralité salubre qui s’y mêle. […] Il en donne des preuves touchantes en toute occasion, et notamment dans ses lettres, soit que, correspondant avec Jean-Baptiste Rousseau, il se montre continuellement en peine sur l’état de l’âme de ce poète, et sur la sincérité de son repentir au sujet de certains vers, que lui, Rollin, confesse n’avoir jamais lus ; soit qu’écrivant à Frédéric, au moment de son avènement au trône, il lui adresse des conseils de religion, et y mêle une prière à Dieu : « Qu’il lui plaise, dit-il à ce roi philosophe, de vous rendre un roi selon son cœur !
IV, chap. 15] Le Dante a répandu quelques beaux traits dans son Purgatoire ; mais son imagination, si féconde dans les tourments de l’Enfer, n’a plus la même abondance quand il faut peindre des peines mêlées de quelques joies. […] À Dieu ne plaise, répond ce grand homme, que je mêle la sagesse humaine à la sagesse du Fils de Dieu ; c’est la volonté de mon maître, que mes paroles ne soient pas moins rudes, que ma doctrine paraît incroyable224 : Non in persuasibilibus humanæ sapientiæ verbis… Saint Paul rejette tous les artifices de la rhétorique. […] Une puissance surnaturelle, qui se plaît de relever ce que les superbes méprisent, s’est répandue et mêlée dans l’auguste simplicité de ses paroles. […] Les ombres, d’un rouge mêlé de noir, sont également épaisses depuis le haut jusqu’au bas de la figure, et conséquemment ne font point fuir les objets.
Flottez sur l’aile des nuages, Mêlez-vous aux vents, aux orages, Au tonnerre, au fracas des flots ; L’homme en vain ferme sa paupière, L’hymne éternel de la prière Trouvera partout des échos ! […] Toujours un pressentiment douloureux s’y mêle.
L’un des maîtres de l’humanisme français, Budé, enfermé dans son grec et sa philologie, donne déjà des exemples de prudence et d’abstention, que tous ses successeurs ne suivront pas : pendant tout le siècle on rencontrera des natures réfractaires à la spécialisation, ou qui mêleront toutes les passions du temps dans leur activité scientifique ; mais le mouvement se fait en sens contraire. […] Le Contr’un, s’il n’est pas une traduction, est un écho : on y voit la passion antique de la liberté, l’esprit des démocraties grecques et de la république romaine, des tyrannicides et des rhéteurs, se mêler confusément dans une âme de jeune humaniste, la gonfler, et déborder en une âpre déclamation.
En France, Godefroi de Bouillon, chef de la seule croisade qui ait réussi ; Charles VIII, qui conquit et perdit le royaume de Naples avec la même rapidité ; Louis XII, qui fut tour à tour dupe de ses amis et de ses ennemis, mais à qui on pardonna tout, parce qu’il était bon ; François Ier, qui, à beaucoup de défauts, mêla des qualités brillantes ; le maréchal de Trivulce, sur la tombe duquel on grava : Ici repose celui qui ne reposa jamais ; le maréchal de Lautrec, également opiniâtre et malheureux ; Gaston de Foix, si connu par son courage brillant et par la bataille de Ravenne qu’il gagna et où il perdit la vie ; enfin, ce connétable de Bourbon, si terrible à son maître, et dont l’âme altière eut à la fois le plaisir et le malheur d’être si bien vengé. […] Partout les intérêts religieux se mêlaient aux intérêts politiques et les crimes aux grandes actions ; tel était l’esprit de ce temps ; et parmi ces dangers, ces espérances, ces craintes, il dut naître une foule d’âmes extraordinaires dans tous les rangs, qui se développèrent, pour ainsi dire, avec leur siècle, et qui en reçurent le mouvement, ou qui donnèrent le leur.
Alors toute cette joie, et ce luxe, et ces amours, tout cet esprit mêlé à ces scandales parés à la mode des dernières chevaleries célébrées par Cervantès, s’en vont à la suite du spectre. […] Le cœur de son amant est desséché pour elle ; alors enfin, elle dit adieu au monde ; elle part… mais cette fois Louis n’ira plus la chercher ; alors il faut que Bossuet s’en mêle ; il faut que l’éloquence chrétienne descende dans l’âme de cette pauvre femme, afin d’en remplir le vide. […] madame de Montespan mêlée à la conversion de mademoiselle de La Vallière ! […] À la voir, ainsi parée à la mode de son pays, la dentelle mêlée à la soie, le corail mêlé aux diamants, on eût dit une apparition de l’ancienne Espagne, quand toutes les Espagnes frémissantes battaient des mains à ce fier gentilhomme, à cet ardent amoureux, à cet impétueux duelliste, à ce chercheur d’aventures amoureuses, à ce damné Don Juan. […] C’est-à-dire que Don Juan, qui n’est pas un docteur, qui ne dispute avec personne, parce que le faux et le vrai, le juste et l’injuste, tout lui est égal, laisse parler Sganarelle avec ce dédain mêlé d’indifférence qui a inspiré à M. de Lamennais un si beau livre.
L’Automne de Baudelaire se mêle aux intrigues et aux artifices du cœur. […] ouvrage d’un dieu, maudit est celui qui te traverse d’un souffle mêlé de sang. […] Paul Souday fit publier là-dessus mêle l’utile au doux. […] Ceux qui sont à terre tirent sur les cordes ; tout le monde s’en mêle, jusqu’aux moutards. […] dis-je, vous mêlez Dante et Hugo et La Fontaine.
Nous l’appelons âme et nous disons qu’il se mêle à la nature entière et qu’il lui donne tous les mouvements que nous y voyons. […] Ils sont toujours incomplets, par suite toujours mêlés du regret que l’on a qu’ils soient incomplets, toujours mêlés du regret que l’on a de ce qui leur manque. […] Si l’on appelle plaisir vrai celui qui ne naît pas d’une souffrance, il est plus vrai, nous le voulons bien, mais il est plus mêlé. […] L’âme, en nous, est ce qui n’est pas tout à fait mêlé à nos contingences et à nos éphémères ou instantanés. […] L’agréable est mêlé de désagréable, toujours, et le bon n’est pas mêlé de mauvais.
Nous n’aimons pas, pour le dire en deux mots, qu’on mêle la religion et la littérature. […] Mais j’ose bien affirmer que rien de tout cela n’aura lieu si la volonté ne s’en mêle. […] Les « jeunes », avec une vivacité mêlée d’aigreur, accusent les… autres, d’encombrer ou d’accaparer la scène, et ainsi d’immobiliser l’art. […] Jean Jullien les a mêlés tous les quatre ensemble. […] Et, en effet, est-il bien vrai que dans la vie le comique et le tragique se mêlent aussi communément qu’on le disait jadis ?
Mais ce qui semble moins nécessaire et ce qui est une richesse tout à fait heureuse chez Vicq d’Azyr, ce sont les vues morales qu’il mêle continuellement à ses récits. […] Vicq d’Azyr, selon la remarque de Grimm, prit, en louant Buffon, le parti le plus sûr et le plus fait pour être approuvé généralement ; ce fut de l’analyser avec suite, avec étendue ; il y mêla de l’éclat, et en quelques endroits il sut s’élever sur les pas de son modèle. […] Cependant la scène change ; dans cette existence d’un éclat croissant et d’une gloire jusque-là facile, les ombres vont s’introduire et se mêler par degrés et de plus en plus au tableau.
Priez Dieu qu’il inspire tous ceux qui s’en mêlent. […] Aujourd’hui, avec le nouvel état du monde, dans une société plus également morale en son milieu, nous qui ne sommes pas près de Versailles (dans le sens où l’était Saint-Cyr), il nous semble qu’il est quelquefois permis de se récréer d’un chant, d’une fleur, d’une joie d’imagination, mêlée aux choses du cœur, dans une éducation même de l’ordre le plus moral. […] Par le souvenir de notre prière tant de fois mêlée, par toutes nos larmes qui, en se mêlant aussi, avaient leur douceur, par notre dernière espérance, victorieuse du désespoir, — parle !
À leur exemple, beaucoup de nos contemporains se mêlent de maléfices et de conjurations. […] Il sue et pâlit sur les vieux grimoires, les parchemins noircis, les in-folios poussiéreux, mêlés de signes cryptographiques et de pentacles. […] Aux adeptes se mêlent les poètes.
Mme Récamier, jeune, eut besoin de cet ange à côté d’elle et en elle, car le monde qu’elle traversa et où elle vécut était bien mêlé et bien ardent, et elle ne se ménagea point à le tenter. […] Mais, dans la jeunesse, cette enfance de sentiments, avec le gracieux manège qui s’y mêlait, amena plus d’une fois (peut-on s’en étonner ?) […] Que dans ce procédé habituel il n’y eût quelques inconvénients à la longue, mêlés à un grand charme ; que dans cet air si tiède et si calmant, en donnant aux esprits toute leur douceur et tout leur poli, elle ne les amollît un peu et ne les inclinât à la complaisance, je n’oserai le nier, d’autant plus que je crois l’avoir, peut-être, éprouvé moi-même.
Parlant, il y a quelque temps, d’Horace Walpole dans la Revue des deux mondes, et jugeant le roman et la tragédie que s’avisait de composer à un certain jour cet esprit distingué, M. de Rémusat y reconnaît bien quelques mérites d’idée et d’intention, mais il n’y trouve pas le vrai cachet original, et il ajoute avec je ne sais quel retour sur lui-même : « Le mot du prédicateur : Faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais, est l’éternelle devise des esprits critiques qui se sont mêlés d’inventer. » Si M. de Rémusat a, en effet, pensé à lui-même et à ses essais de drames en écrivant ce jugement, il a été trop sévère ; je suis persuadé que, pour être artiste, c’est-à-dire producteur d’ouvrages d’imagination, pleins d’intérêt, il ne lui a manqué que d’être un peu moins nourri dès son enfance dans le luxe fin de l’esprit, et d’être aiguillonné par la nécessité, cette mère des talents. […] Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.
Des hommes estimables pensent que les meilleurs modèles de ces sortes d’ouvrages sont ou les vies des hommes illustres de Plutarque, ou les éloges des savants de Fontenelle ; c’est-à-dire, qu’ils voudraient un simple éloge historique, mêlé de réflexions, sans qu’on se permît jamais ni le ton, ni les mouvements de l’éloquence. […] Nos plaisirs, comme nos peines, sont composés ; l’idée principale en attire à elle une foule d’autres qui s’y mêlent, et en augmentent l’impression. […] Osez mêler un ton mâle aux chansons de votre siècle ; mais surtout ne vous abaissez point à d’indignes panégyriques : il est temps de respecter la vérité ; il y a deux mille ans que l’on écrit, et deux mille ans que l’on flatte ; poètes, orateurs, historiens, tout a été complice de ce crime ; il y a peu d’écrivains pour qui l’on n’ait à rougir : il n’y a presque pas un livre où il n’y ait des mensonges à effacer.
Rome était bien loin de ce progrès et de cet accord heureux des arts, lorsqu’elle commença d’imiter la poésie grecque, et d’introduire, après les jeux sanglants du cirque, ou parfois à leur place, quelques chants mêlés à des scènes dramatiques. […] » Il avait entendu ces vers, mêlés sans doute à la terreur de la prédiction qui tout à coup éclatait dans le palais de Priam : HÉCUBE. […] « Sur la nouvelle du sénatus-consulte de rappel, qui venait de passer au sénat réuni dans le temple de la Vertu, ce grand artiste, dit Cicéron165, toujours au niveau des premiers rôles dans la république comme sur la scène, les yeux en pleurs, avec un rayon de joie mêlé de douleur et de regret, défendit ouvertement ma cause, par des paroles plus puissantes que je n’aurais pu en trouver moi-même.
Aux paysages qu’il peint, aux fictions qu’il imagine, aux sentiments même qu’il éprouve, se mêlent, plus ou moins réalisées, les conceptions des penseurs. […] La prose y est mêlée aux vers, ou du moins chaque partie de l’ouvrage s’ouvre par un court poème, en prose, à la manière un peu des Illuminations de Rimbaud, et qui résume l’impression des poèmes suivants. […] Leur voix se mêle à celle des cloches, à celle des cloches de l’horizon, différemment distantes ; et quand une des cloches a battu, les autres cloches bientôt s’éveillent, — les âmes aussi. […] Une intense mélancolie, mêlée de terreur, l’oppresse. […] Ces odelettes d’amour ont un charme triste, une grâce précieuse, émouvante dans sa ténuité fragile ; elles ont la touchante beauté de ce qu’on sent qui va mourir : La tendresse en est douloureuse, la mélancolie pénétrante, la douceur mêlée de larmes.
Chaque coup de lance dans la mêlée retentit comme un écho dans le vers. […] « Il dit et presse les coursiers du fouet retentissant ; les coursiers, obéissant à la main qui les flagelle, entraînent sans effort le char au milieu de la mêlée des Troyens et des Grecs. […] Achille, sans vouloir encore se mêler aux Grecs pour prévenir la mort de tant de chefs odieux, permet à Patrocle d’aller, avec les seuls Thessaliens, éteindre l’incendie des vaisseaux. […] L’excès des scènes de guerre donne à ce milieu du poème la confusion et la satiété d’une éternelle mêlée. […] En vain leur conducteur nouveau, Automédon, les presse du fouet rapide, les encourage par de flatteuses paroles ou les intimide par des reproches ; ils ne veulent ni retourner au bord du large Hellespont, ni se rejeter dans la mêlée contre les Grecs.
On y sent à toutes les pages l’imitation ; et puisque les défauts seuls s’imitent, c’est tour à tour la complication d’amours croisées, les raisonnements, la galanterie mêlée de politique, qu’emprunte à Corneille le jeune Racine. […] Racine, la reçoit comme un aveu, de la conscience même de ces hommes chez qui le mal est mêlé de bien, au-dessous du nombre infiniment petit des héros, au-dessus de cette foule sans nom, qui se conduit par l’imitation, et à qui n’appartiennent ni ses vertus ni ses vices. […] Cette diversité de passions et de caractères produit un langage où se mêlent toutes les expressions et toutes les nuances, et où ne domine aucun tour particulier. […] Clytemnestre, l’épouse indifférente, qui sera bientôt l’épouse adultère, mêle à sa tendresse pour Iphigénie d’autres passions qui couvent dans son cœur, et la violence d’une lutte domestique. […] Mais, dans Josabeth, il s’y mêle du doute et de l’inquiétude ; n’étant pas mère de Joas, ses entrailles ne lui crient pas qu’il ne peut pas périr.
Fils de parents mêlés au monde, « lié de bonne heure avec tout ce que les arts, les sciences, la politique, avaient de noms éminents, André Chénier fut un homme considéré à son époque, et presque considérable. […] Nous apprenons aussi que Chénier était, avec ses amis les Trudaine, des soupers de La Reynière, où il y avait compagnie amusante et fort mêlée, et c’est à cette rencontre que l’on doit de le retrouver, non sans quelque étonnement, mentionné et nommé dans les œuvres dernières de cet ignoble Rétif de La Bretonne.
messieurs les prélats, à commencer par le plus haut de tous, mêlons-nous donc chacun de ce qui nous regarde, et faisons chacun notre métier : ne parlons, s’il vous plaît, que de ce que nous savons. Est-ce que je vais me mêler, moi critique littéraire, de la manière d’assembler les prochains conciles ?
Cette brièveté de la vie, dont Horace mêle sans cesse le souvenir à ses peintures les plus riantes, cette pensée de la mort, qu’il ramène continuellement à travers toutes les prospérités, rétablissent une sorte d’égalité philosophique, à côté même de la flatterie. […] Des réflexions morales se mêlent à leur poésie descriptive ; on croit apercevoir des regrets et des souvenirs dans tout ce que les poètes écrivaient alors ; et c’est sans doute par cette raison qu’ils réveillent plus que les Grecs une impression sensible dans notre âme.
Un jour heureux, un être distingué rattachent à ces illusions, et vingt fois on revient à cette espérance après l’avoir vingt fois perdue ; peut-être à l’instant où je parle, je crois, je veux encore être aimée, je laisse encore ma destinée dépendre toute entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n’a pu vaincre sa sensibilité, n’est pas celui qu’il faut moins croire sur les raisons d’y résister ; une sorte de philosophie dans l’esprit, indépendante de la nature même du caractère, permet de se juger comme un étranger, sans que les lumières influent sur les résolutions, de se regarder souffrir, sans que sa douleur soit allégée par le don de l’observer en soi-même, et la justesse des méditations n’est point altérée par la faiblesse de cœur, qui ne permet pas de se dérober à la peine : d’ailleurs, les idées générales cesseraient d’avoir une application universelle, si l’on y mêlait l’impression détaillée des situations particulières. […] Enfin, deux amis d’un sexe différent, qui n’ont aucun intérêt commun, aucun sentiment absolument pareil, semblent devoir se rapprocher par cette opposition même ; mais si l’amour les captive, je ne sais quel sentiment, mêlé d’amour propre et d’égoïsme, fait trouver à un homme ou à une femme liés par l’amitié, peu de plaisir à s’entendre parler de la passion qui les occupe ; ces sortes de liens ou ne se maintiennent pas, ou cessent, alors qu’on n’aime plus l’objet dont on s’entretenait, on s’aperçoit tout à coup que lui seul vous réunissait.