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2127. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

La colère et l’ironie ne font nul bien ; jamais elles ne vaudront, ni pour l’écrivain dont elles sèchent le cœur, ni pour les lecteurs qu’elles amusent ou qu’elles offensent, le mouvement tendre et humble de la main qui se tend, de la voix qui supplie. […] Les charmeurs, parce qu’ils se promènent et causent avec nous, persuasifs, séduisants, aimables, jamais cuistres, se piquent de n’apporter en critique que des impressions et non des jugements : ils nous tendent simplement un piège de plus, qu’on pardonne à leur malice et qu’on n’impute pas à la naïveté ; mais les autoritaires, assez simples pour croire que leurs jugements sont des vérités objectives, suffisamment soustraites aux impressions et à toutes les influences de leur personnalité, sont les dupes d’une si grande illusion qu’il est presque permis de douter que la faculté critique puisse coexister chez eux avec une aussi profonde ignorance d’eux-mêmes. […] Il y a de la maternité dans le génie, et l’enfantement d’un ouvrage de l’art ou de la pensée a une analogie profonde avec celui d’une créature humaine. « Le génie, dit admirablement Guyau, est une puissance d’aimer, qui, comme tout amour véritable, tend énergiquement à la fécondité et à la création de la vie74. » Quant au bruit enivrant de la renommée, si ce n’est point, si ce ne doit jamais être le mobile souverain de l’artiste, pourtant nous n’aurons garde de commettre le sot et niais mensonge qui affecte d’en faire fi. […] Tant que dura le règne des Précieuses, il eut grand soin de fréquenter les salons de ces beaux esprits et de s’y rendre agréable, « poussant, comme il le fallait, le doucereux, le tendre et l’enjoué ».

2128. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Chez nous la séparation des filles et des garçons se fait dès l’âge le plus tendre ; entre les enfants des deux sexes nulle communauté, même de vertus. […] Elle tend bravement au couteau sa tête ravissante, et si elle n’a pas su être sainte, elle est toute prête à devenir martyre. […] Je sais bien que Cicéron et madame Swetchine, sans compter d’autres écrivains intermédiaires, ont cherché à nous raccommoder avec la vieillesse ; mais Cicéron se doutait peut-être bien qu’il serait immortel, ce qui ôterait beaucoup de la valeur de son témoignage, et quant à madame Swetchine, qui a vanté par la même occasion les avantages de la surdité et même de l’insomnie, il ne faut voir dans sa thèse que le refrain d’une âme tendre et un peu lasse qui se berce elle-même et veut s’endormir pour le grand sommeil dans les bras de l’amour divin. […] « Que les onctions sacrées te brûlent ; qu’elles brûlent tes mains tendues aux présents de l’impie ; qu’elles brûlent ton front où devait rayonner la lumière de l’Évangile et qui a conçu de scélérates pensées ! […] « L’homme disparaît, puis reparaît, il plonge et remonte à la surface, il appelle, il tend les bras, on ne l’entend pas ; le navire, frissonnant sous l’ouragan, est tout à sa manœuvre, les matelots et les passagers ne voient même plus l’homme submergé ; sa misérable tête n’est qu’un point dans l’énormité des vagues.

2129. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il nous dit qu’il est né au milieu des bergers, au milieu des pasteurs : Je suis né parmi les pasteurs ; Enfant, j’aimais comme eux à suivre dans la plaine Les agneaux, pas à pas, égarés jusqu’au soir, À revenir, comme eux, baigner leur blanche laine Dans l’eau courante du lavoir ; J’aimais à me suspendre aux lianes légères, À gravir dans les airs, de rameaux en rameaux, Pour ravir le premier, sous l’aile de leurs mères, Les tendres œufs des tourtereaux. […] Elevé par une mère, par des sœurs très tendres, la maison où a vécu Lamartine, c’est le cadre rêvé à souhait pour une enfance heureuse. […] Vous, les étoiles, les aïeules Des créatures et des dieux, Vous avez des pleurs dans les yeux… » Elles m’ont dit : « Nous sommes seules… Chacune de nous est très loin Des sœurs dont tu la crois voisine ; Sa clarté caressante et fine Dans sa patrie est sans témoin ; Et l’intime ardeur de ses flammes Expire aux cieux indifférents. » Je leur ai dit : « Je vous comprends, Car vous ressemblez à nos âmes : Ainsi que vous, chacune luit Loin des sœurs qui semblent près d’elle, Et la solitaire immortelle Brûle en silence dans la nuit. » Enfin, voici une pièce de vers qui est une des plus harmonieuses et des plus profondément tendres qu’il y ait dans notre poésie ; c’est une pièce que Sully Prudhomme intitule L’Agonie, et il y exprime cette idée qu’il veut, lorsqu’il viendra à mourir, être bercé par un peu de musique : Vous qui m’aiderez dans mon agonie,               Ne me dites rien ; Faites que j’entende un peu d’harmonie,               Et je mourrai bien.

2130. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Les soins les plus tendres, les plus patients, l’environnèrent sans se relâcher jamais.

2131. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Dans une France, même démocratique, comme elle tend de plus en plus à le devenir, l’Académie française mérite de garder son rang et peut avoir son influence utile.

2132. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Du Bellay y met en contraste l’heureux poète qui brille et fleurit en Cour de France et les trois exilés, Magny, Panjas et lui-même, qui, pour s’être attachés à d’illustres patrons, sont comme relégués et échoués au loin sur les bords du Tibre ; il faut citer tout ce sonnet, qui est d’un sentiment tendre et d’une belle imagination : Ce pendant que Magny suit son grand Avanson, Panjas son cardinal, et moi le mien encore, Et que l’espoir flatteur, qui nos beaux ans dévore, Appaste nos désirs d’un friand hameçon, Tu courtises les rois, et d’un plus heureux son Chantant l’heur de Henri, qui son siècle décore, Tu t’honores toi-même, et celui qui honore L’honneur que tu lui fais par ta docte chanson Las !

2133. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Au point où j’en suis de ma carrière, cette considération personnelle n’est pas, croyez-le bien, ce qui me touche le plus ; et, pour moi, ce malencontreux article m’est surtout odieux en ce qu’il tend à altérer et à dénaturer le tempérament de la France.

2134. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Elles coulaient, ces larmes divines, sur des joues où le lis semble mêlé d’une teinte légère d’incarnat ; elles coulaient sur cette peau délicate et tendre, comme ferait un clair ruisseau dans une prairie émaillée de fleurs blanches et roses.

2135. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Les Bourbons, chefs de cette maison, ne pouvaient, sans déshonneur, voir la monarchie d’Espagne s’avilir et tomber, sans lui tendre la main.

2136. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Zola, s’il vous en souvient, s’est efforcé de prouver que la littérature tend, depuis les âges les plus reculés, au naturalisme, lequel en est la fin nécessaire, et que tous les progrès de l’art d’écrire ont abouti fatalement aux Rougon-Macquart.

2137. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Le curé de Meudon tendait aussi la main, par-dessus quarante années de guerre civile, aux auteurs de la Ménippée, lesquels trouvaient, entre l’Église des papimanés et celle des papefigues, l’Église anglicane.

2138. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

La critique, telle est donc la forme sous laquelle, dans toutes les voies, l’esprit humain tend à s’exercer ; or, si la critique et la philologie ne sont pas identiques, elles sont au moins inséparables.

2139. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Edouard Rod, partant de ce principe de Wagner que « chaque art tend à une extension indéfinie de sa puissance, que cette tendance le conduit finalement à sa limite, et que cette limite il ne saurait la franchir sans tomber dans l’incompréhensible, le bizarre et l’absurde » accuse une école poétique contemporaine d’avoir voulu confondre des arts différents : mais la question serait si les poètes de cette école ont franchi ou seulement atteint la limite de leur art, ou, pour mieux dire, quelle est, justement, cette limite de leur art.

2140. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Le dix-huitième siècle, tout en maintenant la pureté classique, tend vers la fin à s’émanciper.

2141. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

S’ils étaient des adeptes de la philosophie de Schopenhauer, ils sauraient dompter la passion qui les ronge, puisqu’ils sauraient que l’amour n’est qu’un leurre tendu par la nature pour la préservation du genre aux dépens de l’individu (Die Welt als Wille… II, 638) ; ils ne se répandraient pas en plaintes interminables, puisque leur maître enseigne qu’il faut bénir les souffrances (1, 468) ; et surtout ils n’appelleraient pas constamment la mort, puisque rien n’est plus contraire aux principes et aux doctrines de l’école.

2142. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Elsa, c’est la femme, curieuse, prompte à l’oubli, tendre cependant, aimante, et fragile d’âme et de corps.

2143. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Le retour de ma santé ; les bontés que j’ai éprouvées de tout le monde ; ce bonheur, si indépendant de tout mérite, mais si commode et si doux, d’inspirer de l’intérêt à tous ceux dont je me suis occupé ; quelques avantages réels et positifs76 ; les espérances les mieux fondées et les plus avouées par la raison la plus sévère ; le bonheur public (on était alors sous le ministère Turgot), et celui de quelques personnes à qui je ne suis ni inconnu ni indifférent ; le souvenir tendre de mes anciens amis ; le charme d’une amitié nouvelle, mais solide, avec un des hommes les plus vertueux du royaume, plein d’esprit, de talent et de simplicité, M. 

2144. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Et moi en pantalon à pieds, je lui tends d’abord doux gros souliers de chasse avec une livre de boue à chaque… Vous concevez le nez qu’elle a fait, ma bourgeoise.

2145. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Il a l’air de porter son passé sur les épaules, avec la gêne et la réserve d’un monsieur qui ne veut tendre la main, que bien sûr d’en trouver une autre au bout, — sympathique après tout, et même vous attristant de pitié.

2146. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

J’ai comme une perte absolue de la mémoire… Je reçois avec l’amical et tendre article de Banville, une lettre d’Angleterre, datée du jour de sa mort, et dans laquelle un éditeur de là-bas nous demande à faire une traduction de l’Histoire de Marie-Antoinette.

2147. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

L’Église catholique est une monarchie, et elle tend de plus en plus à la monarchie absolue42.

2148. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Pour le passer, ce Rubicon formidable, la jeune débutante supplie mademoiselle Mars, qui est sur l’autre côté de la rive, de lui tendre sa main puissante ; mademoiselle Mars a pitié de l’enfant, elle ne veut pas qu’elle soit noyée dans ce trajet difficile, et l’enfant passe.

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