Paul Bourget 70 I Je ne me souviens pas d’avoir jamais senti d’embarras comparable à celui que j’éprouve au moment de parler de l’œuvre et de la personne littéraire de M. […] L’Irréparable, c’est l’histoire d’une jeune fille qui meurt du souvenir d’une souillure.
Il vous souvient du petit Valmoreau qui a suivi miss Capulet jusqu’à Étretat, par fantaisie de libertin désœuvré. […] Souvenez-vous pourtant des déclamations éloquentes qu’elle fulminait contre les résistances du jeune Valmoreau.
Ce rôle de Du Marsais auprès de Mlle Le Couvreur est une moitié de celui que les auteurs de la pièce nouvelle attribuent à Michonnet ; et cela me fait souvenir que l’acteur qui remplit si excellemment ce rôle, M. […] « C’est une mode établie de dîner ou de souper avec moi, écrivait-elle, parce qu’il a plu à quelques duchesses de me faire cet honneur. » Cet honneur avait bien ses charges et entraînait des sujétions, elle nous l’avoue : Si ma pauvre santé, qui est faible, comme vous savez, me fait refuser ou manquer à une partie de dames que je n’aurais jamais vues, qui ne se souviennent de moi que par curiosité, ou, si j’ose le dire, par air (car il en entre dans tout) : « Vraiment, dit l’une, elle fait la merveilleuse !
tu n’es plus qu’un souvenir, qu’une pensée fugitive : la feuille qui vole et l’ombre impalpable sont moins atténuées que toi. […] Barnave, de son côté, repassant dans sa prison les souvenirs de cette époque, a pu dire d’une conjoncture si touchante, « qu’en gravant dans son imagination ce mémorable exemple de l’infortune, elle lui avait servi sans doute à supporter facilement les siennes ».
Ce cri d’alarme, qui échappe aujourd’hui aux modérés même et aux satisfaits d’hier, reporte naturellement le souvenir vers les hommes qui ont poussé ce même cri il y a cinquante ans, qui n’ont cessé de le proférer jusqu’à leur dernier soupir, et qui, dans notre jeunesse, nous semblaient des vieillards augustes et moroses, de lamentables augures. […] Il sortit de là pour être mousquetaire, assista aux derniers moments de Louis XV, reçut un jour, au passage, un regard charmant de la jeune et nouvelle reine Marie-Antoinette : il paraît que ce furent là les plus vifs souvenirs de ce jeune mousquetaire au cœur simple, à la figure noble et pleine de candeur.
Rabelais avait fait l’un de ses contes les plus plaisants sur une religieuse de Brignoles ; tout en réfutant le conte dans sa Notice sur Brignoles, Raynouard se souvient que Rabelais a passé par sa ville natale. […] L’Empereur en a paru convaincu, et a dit qu’ayant été trompé une fois à la lecture d’une tragédie, il n’en laisserait désormais jouer aucune qu’elle n’eût été préalablement représentée sur le théâtre de la Cour. » (Journal et souvenirs de Stanislas Girardin, t.
Michaud avait gardé également de ses souvenirs de Fructidor une aversion bien sincère, et qui devint par moments injurieuse et blessante, pour Mme de Staël. […] Voltaire, en lui répondant sur d’autres articles, avait oublié celui-là : « Je rouvre ma lettre, ajoute-t-il en se le rappelant ; je me suis à grand peine souvenu de ma face ; j’en ai si peu !
Quand on veut apprécier la nature et la forme d’esprit de Montesquieu, il faut se souvenir de ce qu’il écrivait lui-même, vers la fin de sa vie, à d’Alembert qui lui demandait pour l’Encyclopédie certains articles qu’il avait déjà traités dans L’Esprit des lois : « J’ai, disait-il, tiré, sur ces articles, de mon cerveau tout ce qui y était. […] Des personnes qui ont étudié la littérature anglaise aiment mieux que Montesquieu se soit souvenu d’une lettre censée écrite de Londres par un Indien de l’île de Java, et qui se lit dans Le Spectateur d’Addison12.
Flaubert, partagé entre le formalisme et le réalisme, définit très bien la recherche de la sensation choisie, qu’il croit être le but de l’art, mais qui n’en est qu’un des éléments. « Je me souviens, dit-il, d’avoir eu des battements de cœur, d’avoir ressenti un plaisir violent en contemplant un mur de l’Acropole, un mur tout nu ; celui qui est à gauche quand on monte aux Propylées. […] Je donnerais tous les glaciers de la Suisse pour le musée du Vatican. » — « Une chose bien caractéristique de notre être, disent, eux aussi, MM. de Goncourt, c’est de ne rien voir dans la nature qui ne soit un rappel et un souvenir de l’art.
L’arrivée y fut lugubre ; mais, après tout, déclarons-le, le séjour y fut bon, et Marine-Terrace n’a laissé à ceux qui l’habitèrent alors que d’affectueux et chers souvenirs. […] Disons seulement que le plus ancien dont la tradition, la légende peut-être, ait gardé le souvenir, était un romain, Vipsanius Minator, qui employa son exil à augmenter, au profit de la domination de son pays, la muraille romaine dont on voit encore quelques pans, semblables à des morceaux de collines, près d’une baie nommée, je crois, la baie Sainte-Catherine.
Qu’on s’en souvienne, et que personne, parmi les poètes, ne retombe plus dans cette faute. […] Octave-Auguste, le matin de la bataille d’Actium, rencontra un âne que Panier appelait Triumphus ; ce Triumphus doué de la faculté de braire lui parut de bon augure ; Octave-Auguste gagna la bataillé, se souvint de Triumphus, le fit sculpter en bronze et le mit au Capitole.
C’est un album dont la rêverie d’une femme tourne les feuilles ; c’est un appel, sans ordre, à des souvenirs qui s’en viennent vers vous, un à un, évoqués par des paysages ; ce sont enfin les méandres d’une âme qui se replie sur elle-même, dans les mélancolies du passé. […] Son paradis, je m’y retrouve perfectionnée, sanctifiée, avec mon âme et avec mes affections, avec tous mes souvenirs.
Toujours est-il qu’aucun des échassiers connus en fait de style, ni Dubartas, ni Gongora, ni Cyrano de Bergerac, ni aucun des exagérateurs qui ont laissé derrière eux le souvenir de vessies enflées et crevées à force d’être enflées, n’ont empilé à la gloire de personne autant de grands mots vides que M. […] Sans doute, l’Église se souvient des Saints une fois qu’ils sont faits !
La littérature dramatique a été prise au dépourvu ; on lui demande presque le contraire de ce qu’on était accoutumé à désirer d’elle depuis longtemps ; on lui demande des émotions vives, profondes et passionnées, mais pures s’il est possible, et, dans tous les cas, salutaires et fortifiantes ; on lui demande, au milieu de toutes les libertés d’inspiration auxquelles le talent a droit et qui lui sont reconnues, de songer à sa propre influence sur les mœurs publiques et sur les âmes, de se souvenir un peu, en un mot, et sans devenir pour cela trop sévère, de tout ce qui est à guérir parmi nous et à réparer.
On se souvient encore et l’on raconte que, dans son zèle pour la christianisation au moins apparente et officielle de l’Université, Cousin avait, il y a quelques années, rédigé, — oui, rédigé de sa propre et belle plume un catéchisme : cet édifiant catéchisme était achevé, imprimé déjà et allait se lancer dans tous les rayons de la sphère universitaire, quand on s’est aperçu tout d’un coup avec effroi qu’on n’y avait oublié que d’y parler d’une chose, d’une seule petite chose assez essentielle chez les catholiques : quoi donc ?
Thiers d’avoir présenté les choses dans une liaison si parfaite, dans un ordre de génération en apparence si fatal et inévitable, c’est lui reprocher d’avoir éclairci ce qui était obscur, démêlé ce qui était confus, d’avoir en un mot dissipé l’anarchie prétendue de son sujet, qui n’était que celle de nos souvenirs.
Il est curieux de la voir, dans cette correspondance, protester à tout propos contre l’idée qu’on pouvait avoir de son crédit : « Je ne suis qu’une particulière assez peu importante ; je ne sais pas les affaires, on ne veut point que je m’en mêle, et je ne veux point m’en mêler. » Tantôt elle se compare avec pruderie à une ingénue de quinze ans : « Je suis un peu comme Agnès, je crois ce qu’on me dit, et ne creuse pas davantage. » Tantôt elle se vieillit avec une complaisance qui fait sourire : « Si vous me voyiez, madame, vous conviendriez, que je fais bien de me cacher : je ne vois presque plus ; j’entends encore plus mal ; on ne m’entend plus, parce que ma prononciation s’en est allée avec mes dents, la mémoire commence à s’égarer ; je ne me souviens plus des noms propres, je confonds tous les temps, et nos malheurs joints à mon âge me font pleurer comme toutes les vieilles que vous avez vues. » Sans croire tout à fait à ce renoncement absolu au monde, on est pourtant forcé de reconnaître qu’il y a dans ce langage de madame de Maintenon plus de manie que d’hypocrisie, et qu’à force de se faire, en paroles, insignifiante et inactive, elle l’était sur la fin réellement devenue.
On s’étonnera, à la fin, de cette persévérance à ternir une belle réputation, dont les titres, incontestés jusqu’ici, sont l’élévation du sentiment, le culte fervent de l’art, une haute probité critique, une pureté de goût littéraire que les ménagements d’une bienveillance instinctive ne peuvent altérer, et surtout ce désintéressement, cette indépendance qui s’effarouchent, à tort selon nous, des distinctions les plus méritées* [* Voir à ce sujet, dans Souvenirs et Indiscrétions, pages 198 et 203, ce qui se rapporte à cette année même et aux années suivantes dans une Note confidentielle de M.
Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.
Je me souviens que, plus jeune, je me suis grisé autant que personne de ce vin lourd du naturalisme (si mal nommé).
Une douceur en émerge, c’est le lied : restitution d’humanité, définitive en sa musique suave et brève, où chante l’âme de banales et divines aventures plébéiennes ou de ces souvenirs que les héroïsmes, les joies ouïes malheurs séculaires incrustent en le cœur des races ; le lied, dont l’adaptation au verbe français est le bien évident de M.
je vous assure que cette journée sera des meilleures entre celles dont je veux me souvenir.