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794. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Chaque siècle a son ton de galanterie et d’enjouement. […] Quoi qu’il en soit, voici ce qui me paraîtrait le plus vraisemblable : Louise Labé, jeune et libre, aurait aimé et chanté ses ardeurs, comme il était permis alors, et sans trop déroger par là aux convenances du siècle. […] Les mœurs de chaque siècle sont si à part et si sujettes à des mesures différentes, qu’il serait, après tout, très-possible que Louise, en sa qualité de bel-esprit, se fût permis, jusque dans le sein du mariage, ces chants d’ardeur et de regret, comme une licence poétique qui n’aurait pas trop tiré à conséquence dans la pratique. […] Tout ceci soit dit pour montrer que Louise Labé a pu s’émanciper quelque peu dans ses vers sans trop déroger aux convenances d’un siècle infiniment moins difficile que le nôtre. […] En prenant aujourd’hui parti, à la suite de plusieurs bons juges, pour sa vertu, ou du moins pour son élévation et sa générosité de cœur, nous ne craignons pas le sourire ; nous nous souvenons que des débats assez semblables se raniment encore après des siècles autour des noms d’Éléonore d’Este et de Marguerite de Navarre, et, pourvu que le pédantisme ne s’en mêle pas (comme cela s’est vu), de telles contestations agréables, qui font revivre dans le passé et qui se traitent en jouant, en valent bien d’autres plus pressantes.

795. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Le clocher, en flèche aiguë de granit bruni et moussu par les siècles, porte sa date de 1300 dans ses ogives. […] La muse de Laprade était la plus divine des statues, mais une statue ; le poète était le grand statuaire de notre siècle, un Canova en vers, taillant la pensée en strophes, un sculpteur d’idées. C’était un assez beau partage dans un siècle où tant de poètes avaient voulu chercher la perfection dans l’art, au lieu de la chercher dans son élément éternel, le beau ! […] Ce caractère de l’honnête dans le beau n’est pas seulement un signe de vertu dans l’homme, il est un gage d’immortalité dans le poète ; car on peut corrompre son siècle, mais la postérité est incorruptible, et, si le vice peut donner quelquefois l’engouement, il ne donne jamais la gloire. […] On voit, dès les premiers vers de cette éloquente inspiration contre son siècle, que le grand poète partage au fond notre répugnance à employer la grande poésie aux petits usages de la vie civile.

796. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Tout tombe en quelques mois de ce qui avait été bâti et cimenté par les siècles. […] De toutes les forces d’un grand homme sur son siècle, il ne lui manque que l’honnêteté. […] Toute la dépopularisation de la royauté en France, toutes les fautes des administrations précédentes, tous les vices des rois, toutes les hontes des cours, tous les griefs du peuple, avaient pour ainsi dire abouti sur sa tête et marqué son front innocent pour l’expiation de plusieurs siècles. […] « Cette jeune reine semblait avoir été créée par la nature pour attirer à jamais l’intérêt et la pitié des siècles sur un de ces drames d’État qui ne sont pas complets quand les infortunes d’une femme ne les achèvent pas. […] Ce foyer actif de la pensée d’un siècle fut nourri, pendant toute sa durée, par le vent des plus continuels orages politiques.

797. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Car ces écrivains, que l’admiration de trois siècles a fixés dans une sorte de majesté hiératique, c’étaient les « jeunes » de ce temps-là, et jeunes ils étaient vraiment et d’allure et d’esprit. […] Mais il y a la différence des siècles et des mœurs : le xviie  siècle est encore plus robuste qu’élégant ; il a plus de sève et de fougue que de raffinement et de mièvrerie. […] C’est l’éloge que lui donna le comte de Broussin, un des fins gourmets de ce siècle qui fut classique même à table, un jour que Boileau l’avait traité avec le duc de Vitry, Gourville et Barillon. […] Mais s’il y a excès ou mensonge dans l’éloge qu’il fait du roi, c’est à son siècle, et non à lui, qu’il faut faire le procès. […] Racine, ici, n’est pas plus vif que Boileau, c’est un trait des mœurs du siècle.

798. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Les livres l’irritaient ou l’enchantaient, selon qu’ils se rapprochaient ou s’éloignaient de sa conception de l’art et de la vie, qui était celle des grands créateurs de tous les siècles de la Renaissance en particulier. […] Tout l’Ancien régime est construit sur une idée fausse exprimée par un mot ridicule, l’esprit classique, mot qui désigne la culture, la pensée et l’art si variés de deux siècles ! […] Sophie Arnould, cette charmante femme, qui était la joie, l’esprit, la gaieté de son siècle, est devenue, en passant par le cabinet de travail de M. de Goncourt, plus agaçante qu’une religieuse janséniste. […] Espérons toutefois que nous n’attendrons pas un siècle pour pouvoir lire Nietzsche en paix sans avoir devant nous un imbécile qui nous crie : « J’ai découvert le monde !  […] » Il dit encore : « Ce que les hommes et les femmes de race ont de supérieur aux autres et ce qui leur donne un droit indéniable à une estime plus haute, ce sont deux arts perfectionnés de siècle en siècle par héritage : l’art de savoir commander et l’art de l’obéissance fière.

799. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Et qu’il cherche l’Art et la Vérité ; qu’il montre des misères bonnes à ne pas laisser oublier aux heureux de Paris ; qu’il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de charité ont le courage de voir, ce que les Reines autrefois faisaient toucher de l’œil à leurs enfants dans les hospices : la souffrance humaine, présente et toute vive, qui apprend la charité ; que le Roman ait cette religion que le siècle passé appelait de ce vaste et large nom : Humanité ; — il lui suffit de cette conscience : son droit est là. […] Nous avons acquis depuis le commencement du siècle, il me semble, le droit d’écrire pour les hommes faits, sinon s’imposerait à nous la douloureuse nécessité de recourir aux presses étrangères, et d’avoir comme sous Louis XIV et sous Louis XV, en plein régime républicain de la France, nos éditeurs de Hollande. […] Mais cette jeune fille était à peindre par Balzac, aux temps de la Restauration ou du règne de Louis-Philippe, — et plus en ces années, où le monde légitimiste n’appartient presque pas, on peut le dire, à la vie vivante du siècle. […] Oui, je crois, — et ici, je parle pour moi bien tout seul, — je crois que l’aventure, la machination livresque a été épuisée par Soulié, par Sue, par les grands imaginateurs du commencement du siècle, et ma pensée est que la dernière évolution du roman, pour arriver à devenir tout à fait le grand livre des temps modernes, c’est de se faire un livre de pure analyse : livre pour lequel — je l’ai cherchée sans réussite — un jeune trouvera peut-être, quelque jour, une nouvelle dénomination, une dénomination autre que celle de roman. […] Non, le romancier, qui a le désir de se survivre, continuera à s’efforcer de mettre dans sa prose de la poésie, continuera à vouloir un rythme et une cadence pour ses périodes, continuera à rechercher l’image peinte, continuera à courir après l’épithète rare, continuera, selon la rédaction d’un délicat styliste de ce siècle, à combiner dans une expression le trop et l’assez, continuera à ne pas se refuser un tour pouvant faire de la peine aux ombres de MM. 

800. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Dans un siècle qui est avant tout le siècle de l’histoire, où les littératures, les arts, les philosophies, les religions nous intéressent surtout comme les manifestations successives de l’évolution humaine, Ernest Renan a eu au plus haut degré les dons et l’art de l’historien. […] Il est probable qu’au bout d’un siècle, une pareille opinion aura quelque influence, sur les Chambres, sur le Gouvernement. […] Nous en souffrirons probablement encore pendant un siècle et peut-être davantage. […] Il a cru y voir le signe de la décadence de la France, l’explication et la conséquence des bouleversements politiques survenus il y a un siècle. […] Michelet est sans contredit un des trois ou quatre plus grands écrivains du siècle.

801. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Par la conception de l’art, par la recherche philosophique, il appartient tout entier à l’avenir, et ne s’enchaîne au passé par aucun préjugé d’école ; mais en même temps, c’est au passé surtout étudié positivement et avec impartialité, qu’il demande ses conjectures et ses espérances sur la destinée du siècle. […] Or, les esprits qui jugent de la sorte, ont un rôle à jouer dans l’effort commun ; ils ont à exciter ceux qui doutent d’une issue, à tempérer, à ne pas suivre ceux qui voient à chaque pas un labarum ; ils ont à multiplier les points de vue de l’histoire, les documents de l’érudition, les variétés réelles, innombrables, qui déconcertent les unités étroites et factices ; ils ont aussi à rappeler, d’autres fois, le but futur, la grande unité sociale, vague encore, complexe, et inégale toujours, où évidemment le siècle s’achemine. […] Les temples sont déserts et les trônes s’en vont ; à toi de saluer dans le linceul immense Le siècle nouveau né qui porte un signe au front !

802. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Le grand mouvement qui animait les littératures étrangères durant les trente premières années du siècle, et qui se fit si vivement sentir en France sous la Restauration, s’est graduellement calmé, comme tant de choses, et il ne présente plus à l’intérêt qu’une surface immense que sillonnent en tous sens des voiles empressées, mais où ne se signale de loin aucune escadre imposante, aucun pavillon bien glorieux. […] »  On comprend mieux, après la lecture de cette nouvelle, les inimitiés profondes de religion et de nationqui séparent, depuis des siècles, certaines branches de la famille slave. […] Il y a là, derrière la Pologne catholique, un fanatisme héréditaire dont nous n’avons pas assez idée, et qui pourtant n’éclate que trop encore de nos jours par des scènes dignes du siècle de Tarass.

803. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Voici enfin nos siècles classiques ; les mots familiers s’effacent, la langue s’ennoblit ; le théâtre prend pour public et pour modèles les gens de salon et les seigneurs. […] Rois et nobles, courtisans et bourgeois, il y a dans ses fables une galerie de portraits qui, comme ceux de Saint-Simon et mieux que ceux de La Bruyère, montrent en abrégé tout le siècle. Vous voyez qu’il a tiré de ce siècle toutes les idées qu’il en pouvait prendre, et qu’il y a tout feuilleté, les livres et les hommes.

804. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

I Qu’il a bien fait de ressusciter cette vieille forme du conte, du dialogue, du drame philosophique, si fort en honneur au siècle dernier, et comme cette forme convient à son esprit ! […] Mais cela n’empêche point le grand prêtre Antistius de parler et de penser, vingt-cinq siècles à l’avance, comme M.  […] V Au siècle dernier, le Prêtre de Némi eût été, avec toutes les différences que vous devinez sans peine, un conte philosophique de vingt pages intitulé : Antistius, ou Toute vérité n’est pas bonne à dire.

805. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Ils sont spéciaux à notre siècle, les poètes esthètes, c’est vrai ; mais n’y ont-ils pas, de par Edgar Poe, Wagner et Baudelaire, droit de cité ? […] Telle m’apparaît, Monsieur, la morale à déduire de l’histoire littéraire do nos trois derniers siècles. […] Au commencement du siècle, le Romantisme, qui fut un peu factice et postiche, vécut d’une « religion littéraire » dont nos plus modernes catholiques duChat Noir nous donnaient la parodie.

806. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Dans ce long carnaval de Venise que le mystérieux et hiéroglyphique Orient joue depuis des siècles à l’Occident intrigué, la Chine, cachée sous ses éventails, tapie derrière ses écrans, roulée en boule sous ses ombrelles, est le masque le plus impénétrable, et le plus impatientant à deviner. […] Mais des documents inconnus sur le Céleste-Empire, et des considérations supérieures à celles que deux siècles d’incertitudes et de travaux poursuivis plus ou moins à tâtons par les Quinze-Vingts de nos Académies des sciences ont mis en circulation dans le monde savant européen, nous en avons vainement cherché la trace. […] Deux opinions, comme on le voit, assez dissemblables et hostiles, qui s’entrechoquent comme des sœurs ennemies depuis qu’on s’occupe de la Chine, et que le livre de Pauthier et Bazin ne pacifiera pas en nous montrant ce qu’il nous faut définitivement penser de ce pays, à fantasmagorie et à mirages, qui nous applique, depuis deux siècles, la moralité de la fable des Bâtons flottants, jouée par lui avec ses bambous !

807. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Eh bien, c’est cet esprit-là, — l’esprit historique, — si rare dans ce siècle, où le passé est traité insolemment de vieille barbe et de vieille guitare par des polissons qui auraient méprisé le sénat romain dans sa majesté, comme les Gaulois leurs ancêtres ! […] comme un outrage à cette magnifique nature humaine, qui est en train de remplacer Dieu, et, dans un siècle où toutes les législations s’énervent et où l’homme veut échapper à toutes les contraintes, paraîtra peut-être, aux ignorants contempteurs de l’histoire, quelque chose comme un stupide esclavage et comme un radotage affreux de la barbarie du passé ! […] Mais, historien comme je l’ai dit, — historien à esprit historique, — il est allé, un jour, vers la fin des précieux fragments qu’on publie, jusque-là où vont tous les esprits sous la poussée d’un siècle aveugle, et il s’est demandé ce que, par ce temps de démocratie, deviendrait la guerre de demain.

808. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Mais Saint-Bonnet, qui vient de mourir et dont la mort a fait un trou dans le siècle, que personne, du reste, ne voit, ne se résigna pas comme Brucker, et ses Œuvres, malgré tout ce que j’en ai crié, sont à peine lues, même par les lettrés. […] Hello serait franchement et chaudement admirée — je n’en doute pas — si elle y était seule, et si elle n’avait pas à côté d’elle une autre puissance, qui paraît aux sagesses de ce siècle une infirmité. […] Mais, malheureusement pour la sagesse et l’orgueil des hommes, l’auteur à l’enthousiasme sacré du livre Les Paroles de Dieu, cette perle jetée sur le fumier du siècle aux porcs qui ne la ramassent pas, restera le mystique Hello, dans sa nuit invisible de flamme, avec son amour, son enthousiasme et sa foi !

809. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Dans les premières années de ce siècle, deux hommes de génie, mais d’un génie qui finissait en rêverie, comme la flamme la plus pure finit en fumée, Ballanche et Niebuhr, frappèrent, avec des préoccupations diverses, au cœur même de la chose romaine ; mais l’exactitude de leurs travaux plus illuminés que lumineux, n’est-elle pas une question encore ? […] Thiers n’a pas mieux vu dans notre temps, au xixe  siècle, ce que Champagny n’a pas vu au siècle d’Auguste. […] Maintenant, un seul mot de conseil : Que ceux-là qui, depuis un siècle, troublent la France, la nouvelle Europe romaine, d’utopies demandées à l’antiquité grecque, lisent l’œuvre de Lerminier.

810. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Les luttes de ce pays qui a offert à lui seul presque autant de combats entre ses barons et ses rois que le Moyen Âge tout entier, ses guerres civiles des Roses, l’implication effroyable de ses droits de succession, l’entrechoquement des partis et les brouillards de tant de sang versé qui s’étendent sur toute son histoire comme les autres brouillards sur son sol, la législation anglaise, avec ces mille coutumes qui peuvent dormir des siècles, mais qu’on n’abolit pas, et l’esprit public enfin, l’esprit public qu’on n’entendait, certes ! […] Cette injustice de l’Angleterre, qui charge la mémoire de Jacques après deux siècles, et qui prouve bien l’acharnement du sentiment protestant contre lui, il appartenait peut-être à un homme aussi éclairé que Macaulay de la réparer. […] N’est-ce pas lui, Macaulay, qui, dans un de ses plus beaux travaux de critique historique, en nous parlant de Machiavel11, le vieux calomnié de Florence, ce vieux bronze oxydé par les crachats de toutes les générations, lança ce mot, qui est une vue, sur les décimés de l’Histoire, sur ces grands Sacrifiés à qui la renommée fait payer les vices de leur siècle.

811. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Mais, fusillée ainsi depuis des siècles, et restée debout, martyre immortelle, l’Église catholique répond aux coups par les tranquilles rayons qu’elle envoie dans les yeux de ceux qui la frappent, et qui, pour les éviter, voudraient maintenant la retourner contre le mur et la fusiller par derrière comme un otage ! […] Il prend des airs très fats… « J’ai fait ce roman — dit-il — pour ceux qui aiment à rire (et on sait ce que le mot de ce siècle : “histoire de rire”, peut signifier !) […] C’est toujours, pour preuve que la légende de la Papesse Jeanne est une histoire, c’est toujours les mêmes interpolations des copistes à la marge des manuscrits originaux, écrites, après coup, d’une autre main que celle qui a écrit le texte, et, la première fois, à quelques siècles de distance.

812. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Après trente ans de luttes affreuses et de sang versé par torrents, le Catholicisme est miraculeusement resté debout par une miséricorde de Dieu, qui a considéré, sans doute, que la France avait cru en lui et agi pour lui pendant quatorze siècles. […] Le seul homme du siècle qui, peut-être, aurait pu nettoyer la France des Valois et fonder une quatrième dynastie, était François de Guise. […] Pendant les guerres du xvie  siècle, le Protestantisme, par le fait même des influences qui s’en échappaient, avait assez décatholicisé la France pour que, du Royalisme et du Catholicisme qui n’avaient fait qu’un pendant tant de siècles, on pût arracher l’un à l’autre sans que le Royalisme en mourût.

813. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Buffon, qui pourrait bien, si on y regarde, n’avoir pas d’esprit du tout, est pourtant fort au-dessus de ces deux hommes, bien plus vantés que lui, et par la seule raison qu’ils ont plus troublé la moralité de leur siècle. […] … Buffon, l’homme aux manchettes, qu’il mettait pour lui seul, est presque un solitaire dans son siècle. […] Flourens a voulu nous peindre, consacrant à l’homme un talent très vif de biographe et au savant une science qui a l’accroissement de presque un siècle de plus.

814. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

S’il n’ébranla pas en lui les robustes certitudes de sa foi, c’est que le Saint préservait l’homme des doutes du métaphysicien ; mais si le danger ne fut pas pour lui, il est pour d’autre, à cette heure, et dans un siècle ou l’obéissance en toutes choses cherche vainement des saint Anselme qui foulent aux pieds leur propre pensée, lorsqu’il s’agit d’obéir. […] Une individualité aussi élevée que celle de saint Anselme devait se rattacher à ces faits, et elle s’y rattachait non pas en vertu de son génie qui l’antidatait de plusieurs siècles, mais en vertu de ses vertus. […] M. de Rémusat a trop d’esprit pour insulter à cette surhumaine humilité, que Voltaire aurait traitée… nous savons comment ; mais sous le sérieux indulgent qu’il garde, M. de Rémusat ne cache pas autre chose que la vue mesquine et erronée d’un philosophe qui comprend tous les préjugés d’un siècle et d’un grand homme et qui ne les leur reproche pas.

815. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

pour rappeler au monde ignorant et frivole un des plus grands esprits de ce siècle, — à présent disparu ! […] Je l’ai dit plus haut : à ce triste moment du siècle, Brucker, cet esprit ardent, ce Don Juan intellectuel, qui avait cherché dans toutes les idées de son temps, comme l’autre Don Juan dans toutes les femmes du sien, un infini qui n’y était pas davantage, avait tué raide l’auteur en lui. […] Eh bien, c’est cette force de la Paternité, dont Brucker n’avait pas seulement que l’idée dans la tête, mais dont il avait aussi le sentiment dans la poitrine, c’est cette force de la Paternité qu’il résolut de réapprendre au monde, en la lui peignant… Et puisqu’il avait accepté la forme du roman dans son ouvrage, il y introduisit un père comme on n’en connaissait plus, un père qui relevait la Paternité de tous les avilissements qu’elle subissait, depuis des siècles, dans les mœurs et dans les comédies !

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