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283. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Ainsi je me suis tu sur la mort de Louise, que Julio assiste comme prêtre, et à laquelle, après l’extrême-onction, il ose donner ce baiser… que je regarde comme une infamie, et qui ajoute pour la première fois dans ce livre l’abjecte sensation du dégoût à la fade sensation de l’ennui.

284. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 22

Dans son Essai sur l’origine des connoissances humaines, dans son Traité des Sensations, &c. les idées les plus abstraites, les principes les plus subtils, les nuances les plus délicates sont mises à la portée de tous les esprits.

285. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bois, Jules (1868-1943) »

Dans son dernier recueil (Prières), je ne trouve pas assez d’habileté d’art pour séduire mes mauvais instincts de rhéteur, ni les sensations d’humanité et de vie que réclame ma sensibilité naturelle.

286. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jaubert, Ernest (1856-1942) »

Jaubert arrivera à formuler, débarrassé de la lourdeur présente de son style, des sensations d’un art simple et tendre.

287. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leclercq, Paul (1872-1956) »

Octave Raquin Nous donna, en un trop mince reliquaire, Ibis, cette sensation unique, je pense, de passer sans perceptible froissement des vers aux proses, réciproquement, et cela sans nul artifice de transition savante.

288. (1896) Le livre des masques

Verhaeren d’être le poète halluciné. « Les sensations, disait Taine, sont des hallucinations vraies », mais où commence la vérité et où finit-elle ? […] Il faut qu’une œuvre d’art soit nouvelle, et on la reconnaît nouvelle tout simplement à ceci qu’elle vous donne une sensation non encore éprouvée. […] Samain est admirable ; je crois qu’il aurait honte à des variations sur des sensations inexplorées par son expérience. […] Le subjectif puise en lui-même dans la réserve de ses sensations emmagasinées ; et, par une occulte chimie, par d’inconscientes combinaisons dont le nombre approche de l’infinité, ces sensations, souvent d’un très loin jadis, se métamorphosent, se multiplient en idées. […] Il réussit l’arabesque mieux que la figure et la sensation mieux que la pensée.

289. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Ils ne feraient servir toute leur science qu’à la sensation égoïste. Or, la sensation égoïste par excellence, c’est la luxure. […] On conçoit que la recherche contradictoire d’on ne sait quel infini dans la sensation égoïste arrive à « déshumaniser » ceux qui s’y abandonnent tout entiers. […] Et plus leur fureur croît, et plus la sensation s’émousse : et de là une rage par laquelle le désir de sentir se confond enfin avec le désir de détruire. […] Joignez que, les sensations douloureuses étant beaucoup moins fugitives que les sensations agréables, l’homme dont nous parlons, en faisant de la souffrance d’autrui le signe et la condition de son plaisir, s’assure de celui-ci par celle-là ; et que ce plaisir emprunte en quelque façon à cette douleur sa réalité et sa durée. « Ils souffrent, donc je jouis. » Il y a là comme un phénomène d’aimantation, le voisinage de la sensation atroce, dont il est certain, réveillant chez le misérable fou le pouvoir de sentir voluptueusement.

290. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Pas un poncif ; une attention scrupuleuse, maladive, à traduire la sensation immédiate des objets par le moins de mots possibles et par les mots ou les concours de mots les plus expressifs. […] et, bien avant l’heure, un monde énorme affluait autour de Saint-Germain-des-Prés, la circulation interdite (ablatif absolu), les seules voitures d’invités ayant droit d’arriver sur la place agrandie (c’est une sensation que vous avez certainement éprouvée : une place vide, mais entourée d’une foule, paraît beaucoup plus grande ; la sensation est ici notée par un seul mot), bordée d’un sévère cordon de sergents de ville espacés en tirailleurs (cela encore fait image). » Ne raillez point mes commentaires ; ne dites pas que chacune de ces « visions » est assez commune et que vous en auriez été capable.

291. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Je suis persuadé et sûr, quant à ce qui me regarde, que l’influence de la musique nous amena à la perception d’une forme poétique, à la fois plus fluide et précise, et que les sensations musicales de la jeunesse, (non seulement Wagner, mais Beethoven et Schumann) influèrent sur ma conception du vers lorsque je fus capable d’articuler une chanson personnelle. […] Dans un affranchissement du vers, je cherchais une musique plus complexe, et Laforgue s’inquiétait d’un mode de donner la sensation même, la vérité plus stricte, plus lacée, sans chevilles aucunes, avec le plus d’acuité possible et le plus d’accent personnel, comme parlé. […] C’est l’accent d’impulsion et son appropriation à l’importance, à la durée du sentiment évoqué, ou de la sensation à traduire qui en est la déterminante.

292. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Mais abandonner l’idiome natal, traduire soi-même sa sensation et sa pensée, c’est-à-dire laisser aux difficultés et aux différences d’une autre langue le plus pur de son génie, car tout génie est consubstantiel de la langue dans laquelle il est né, ce n’est pas là, certes ! […] Brizeux avait enlevé celle de ce poème, avec une grande légèreté de main, au monde du sentiment et au monde de la sensation, mais ni l’un ni l’autre de ces deux mondes n’y avaient été exprimés de manière à porter dans les esprits, où il éveille d’immortels échos, ce violent coup de l’originalité qui est comme la détonation du génie ! […] Il ne savait pas que dans cet adorable pays qui n’était pas le sien, il ne faut jamais revenir sur une sensation.

293. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Enfant nerveux et maladif, il a dû connaître de bonne heure les souffrances délicates, les sensations déjà artistiques. […] Des sensations nettes et vives se noient tout à coup dans un demi-effacement. […] Il a eu, ce jour-là, et nous a communiqué la sensation de l’infini. […] En quoi plus noble, puisque nos sentiments sont aussi involontaires que nos sensations ? […] Peu à peu la sensation infime s’épanouit en rêve panthéiste ou se subtilise en désenchantement suprême.

294. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Arnaud, Simone (1850-1901) »

Mais la sensation générale qui ressort de la pièce est jeune et héroïque.

295. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Claudel, Paul (1868-1955) »

Remy de Gourmont Relu, Tête d’or m’a enivré d’une violente sensation d’art et de poésie ; mais, je l’avoue, c’est de l’eau-de-vie un peu forte pour les temps d’aujourd’hui ; les fragiles petites artères battent le long des yeux, les paupières se ferment ; trop grandiose, le spectacle de la vie se trouble et meurt au seuil des cerveaux las de ne jamais songer.

296. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumur, Louis (1860-1933) »

Nulle conception qui retienne, nulle évocation qui captive ; ni image séduisante ou belle, ni sensation curieuse, rare ou simplement naïve, d’une charmante naïveté.

297. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Mouël, Eugène (1859-1934) »

Le Mouël, tout en parlant, comme Brizeux, le français le plus pur, nous donne la sensation de la poésie bretonne aussi complète, aussi intense que s’il parlait bas-breton.

298. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Il voulait que les lumières fussent de bon ton, que la philosophie fût à la mode ; mais il ne soulevait point les sensations fortes de la nature ; il n’appelait pas du fond des forêts, comme Rousseau, la tempête des passions primitives, pour ébranler le gouvernement sur ses antiques bases. […] La régularité de la versification donne une sorte de plaisir auquel la prose ne peut atteindre ; c’est une sensation physique qui dispose à l’attendrissement ou à l’enthousiasme ; c’est une difficulté vaincue dont les connaisseurs jugent le mérite, et qui cause même aux ignorants une jouissance qu’ils ne peuvent analyser.

299. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Les métaphores du langage précieux ne sont pas des « images », au sens exact du mot, des réveils de sensations, mais des façons spirituelles de donner à deviner des idées. […] Le Dictionnaire académique vaut pour Racine : il est trop pauvre pour Molière et pour La Fontaine, qui ont besoin de signes moins éloignés et moins dépouillés des sensations naturelles.

300. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Mon savant ami Charles Henry, qui est un mesureur obstiné des sensations, dirait en son jargon que l’exercice de la lecture est dynamogéniquement inférieur à l’audition. […] Sauvegardons la sensation de l’exotique et le frisson du fjord.

301. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Et d’ailleurs, sentimental, attendri, cordial, aimant la famille, un naïf au fond, une bonne pâte d’homme, que la Fantaisie, cette boulangère ravissante, qui a des écus intellectuels et des trésors de sensation, roulera jusqu’au dernier moment dans sa fleur de farine, sous ses roses mains potelées, l’auteur de Si j’avais une fille à marier ! […] Pour mon compte, à moi, je m’attendais à mieux… J’y ai cherché, tout le long de ce livre, qui n’est long que par la sensation, ce danger qu’il cause auquel il devait exposer les sots, et ce bienheureux danger, auquel je m’attendais, je le cherche encore.

302. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

On voit, sous ce pinceau qui n’est jamais une plume, l’Espagne à cette date de 1513 à 1514 ; on la voit, en masse, comme si on y était, ou plutôt on y est, dans cette Espagne dont on partage les sensations, comme le peintre qui, s’il n’en vibrait pas lui-même, ne pourrait pas nous les donner ! […] Jamais l’art des ensembles n’a été plus grand… Nous sommes uniquement ici dans les sensations générales de l’époque et de l’universel milieu.

303. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

à la perfection des choses petites, qui n’est qu’une réussite, un tour de force… ou bien d’adresse, cause d’une sensation très-vive et très-particulière, je le sais, mais qui ne donne pas la suffisante sensation qui nous dit : « Voici le génie ! 

304. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

En ces Idylles qui cachent des élégies, mais des élégies qui pleurent du sang, comme Le Jour des Morts, Les Femmes violées, Les Allemands, Le Jeune Prussien (je ne puis pas tout citer) ; dans ces Idylles où se rencontrent quelques notes simplement touchantes et tendres, ce qui vibre avec le plus de profondeur, c’est la haine, — la haine du Prussien, — et même encore plus (du moins dans ma sensation, à moi !) […] En effet, toutes les pièces de ce recueil d’Idylles sont superbes, et d’un pathétique d’autant plus grand que le désespoir y est plus fort que l’espérance ; qu’il y a bien ici, à quelques rares moments, des volontés, des redressements et des enragements d’espérance, mais tout cela a l’air de s’étouffer dans le cœur et la voix du poète, et on épouse sa sensation… Les hommes sont si faibles et ont tant besoin d’espérer, que c’est peut-être ce qui a fait un tort relatif aux Idylles prussiennes de M. 

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