L’observateur doit être le photographe des phénomènes, son observation doit représenter exactement la nature. […] L’idée formulée par les faits représente la science. […] Les mathématiques représentent les rapports des choses dans les conditions d’une simplicité idéale. […] Les théories qui représentent l’ensemble de nos idées scientifiques sont sans doute indispensables pour représenter la science. […] Mais elles seront plus tard remplacées par d’autres qui représenteront un état plus avancé de la question, et ainsi de suite.
Un mot est une abstraction ; l’art littéraire ne peut être que l’art des abstractions ; un mot ne représente pas un objet, il représente une généralisation ; le mot « arbre » est un mot abstrait, étant collectif, le mot « grandeur » est abstrait, étant qualificatif ; un « arbre » n’existe pas plus que de la « grandeur », il ne désigne à l’esprit rien de concret ; car quelle espèce d’arbre exprime-t-il ? […] Très multiples, très divers, très spéciaux, les bruits de la nature se sont fixés aisément dans la mémoire humaine ; les chants d’oiseaux, le vent, le roulis de la mer, l’orage, tout cela est chez les peuples sauvages (et les civilisés) l’objet d’imitations ; et ces imitations, quelque approximatives qu’elles fussent, sont devenues dans les esprits les évocations des bruits primitifs, et tel rythme, telle mélodie, tel timbre peu à peu purent représenter des bruits connus. Mais représenter un bruit, que voulait cela ? […] impossibilité ; mais ce que représentaient ces primordiaux rythmes, ces mélodies, ces timbres, ne pouvait rien être que l’impression incitée dans l’âme par les bruits. […] La musique va être le langage du « sentiment humain » ; et Richard Wagner tâche maintenant à représenter, à expliquer ; par le langage de la musique, l’homme sensationnel qu’il était.
Je ne me représente pas plus spontanément l’espace que je ne sens spontanément une colique ou un mal de tête. […] A tout cela nous ne faisons jamais attention, ayant des sens beaucoup plus commodes pour nous représenter l’étendue ; nous oblitérons ainsi, grâce au manque d’usage, le côté des sensations auditives, olfactives, etc., qui serait propre à nous donner une représentation de l’étendue, de même que l’homme qui a des yeux se représente l’espace sous la forme visuelle et laisse s’oblitérer les représentations tactiles. […] On n’a point d’abord une impression représentée à l’esprit et non localisée en soi, puis une seconde sorte d’objet représenté, l’espace, — ou même non représenté ni représentable, selon quelques-uns, — avec lequel on mettrait l’impression en rapport, pour l’y situer comme un livre sur le rayon. […] Nous sommes obligés de construire et de dessiner nous-mêmes, par nos mouvements de réaction, la forme des objets, et c’est le rapport entre ces mouvements successifs de réaction qui nous permet de nous représenter le rapport des éléments sensitifs transmis sous la forme passive de pures sensations rétiniennes.
Tandis que la France et, récemment la Russie se sont partagés le mérite de composer les grands romans réalistes de notre temps, Dickens a continué à représenter, seul et probablement le dernier, la tradition des conteurs anglais du XVIIIe siècle. […] Quelque terne que soit le signalement qu’il donne, quelque bizarre et hors nature le type qu’il entend représenter, d’une phrase, d’un monologue, d’un récit rapporté et interjeté, la nature morale particulière qu’il veut montrer apparaît dans tous les détails de sa configuration individuelle. […] Son domaine est circonscrit au grotesque, au malfaisant, au mystérieux, et ce qu’il s’attache à représenter, il ne peut s’empêcher de le modifier de mille manières dont nous venons d’étudier les principales, qui sont celles d’un humoriste, qui sont celles encore d’un caricaturiste. […] Rien de plus odieux que le Carker de Dombey et fils, de plus fortement ridiculisés que les soi-disant gens du monde qui remplissent les salons du grand négociant, et que Dickens s’attache sans cesse à représenter comme des êtres aussi imbéciles, avides et prétentieux, que secs et méchants. […] Quand il lui faudra donc représenter ses semblables, il les décrira par leurs gros côtés, des tics, des grimaces, des paroles, et outrera immanquablement ce par quoi ils l’ont attiré ou repoussé, s’arrangeant d’ailleurs de façon qu’on ne puisse se tromper sur le jugement que l’auteur porte sur eux et qu’ainsi le lecteur s’en forme une opinion aussitôt qu’il les aperçoit.
C’était Molière qui avait fait représenter les premières tragédies de son ami sur son propre théâtre, en répondant, pour ainsi dire, au public, de la chute ou du succès de ces tragédies. […] Ce genre était admirablement approprié à la scène moitié royale, moitié monastique, sur laquelle Esther était destinée à être représentée, et aux jeunes actrices qui devaient la représenter devant le moderne Assuérus. […] « Esther fut représentée un an après la résolution que Mme de Maintenon avait prise de ne plus laisser jouer de pièces profanes à Saint-Cyr. […] « Jusque-là il n’avait point été question de moi, et on n’imaginait pas que je dusse y représenter un rôle ; mais me trouvant présente aux récits que M. […] Cependant, ayant appris, à force de les entendre, tous les autres rôles, je les jouai successivement, à mesure qu’une actrice se trouvait incommodée : car on représenta Esther tout l’hiver ; et cette pièce qui devait être renfermée dans Saint-Cyr, fut vue plusieurs fois du roi et de toute la cour, toujours avec le même applaudissement.
Voilà, nous en devons convenir, ce qu’on n’oserait ni représenter ni traduire devant des Français, et ce qui fait pourtant fondre en larmes les habitués de Covent-Garden. […] Changez d’art, faites un roman ; je souffrirai bien volontiers que vos héros voyagent ou vieillissent, parce que je lirai un récit, et que je n’assisterai point à une tragédie représentée, ou plutôt accomplie devant moi. […] Venons pourtant au principal reproche que nous adressent les partisans de la tragédie romantique, c’est que la nôtre ne représente pas l’histoire avec assez de vérité ; mais sur ce point écoutons d’abord Johnson : « Shakespeare, dit-il, n’avait aucun égard à la distinction des temps et des lieux ; il attribue sans scrupule à un âge, à un personnage, les opinions, les mœurs, les institutions d’un autre pays et d’une autre époque, aux dépens non seulement de la vraisemblance, mais de la possibilité. » À ce jugement si formel et si précis, on répondra qu’au moins, dans Shakespeare, et encore plus dans Schiller, les faits matériels sont littéralement extraits des chroniques ; que Mézerai n’est pas plus exact, qu’il ne l’est même pas toujours autant. […] Si l’épopée admet des apparitions, c’est qu’elle raconte et ne représente point : les conditions d’un spectacle sont incomparablement plus rigoureuses que celles d’un récit. […] Alexandre Hardy a composé à lui seul plus de 600 pièces de théâtre : et un Jean de Hays fit représenter en 1678 une tragédie en sept actes, intitulée Comma.
Tout le Dialogue des héros de roman n’est aussi qu’une parodie, qui fait ressortir le contraste perpétuel des mœurs et de la Fable dans un certain nombre de romans et de tragédies du temps : Boileau n’admet pas qu’on représente la cour et la ville sous le costume romain ou persan. […] Mais par surcroît les moyens employés pour représenter ces réalités négligeables ne sont point ceux qui en imposeraient la sensation aux gens mêmes qui n’en auraient point l’idée. […] La distinction des genres, que nous estimons trop absolue aujourd’hui, a pourtant eu pour Boileau ce bon effet de l’obliger à se représenter le propre et l’essence de chaque genre : et l’on peut s’assurer, à propos de l’ode, que cette recherche lui a fait entrevoir ce que ni son tempérament, ni son expérience, ni ses principes ne pouvaient lui révéler. […] Boileau sans doute a quelque faiblesse parfois pour la rhétorique et ses figures, et estime un peu trop ce qui, dans l’art, est d’institution humaine et représente en soi le sujet plus encore que l’objet. […] Le mot de sublime dans la bouche d’un homme du xviie siècle, nous semble, de prime abord, devoir représenter ce que l’éloquence et trop souvent la rhétorique ont de plus solennel et retentissant.
Ils apprennent du fabuliste à reconnaître leurs impressions, à se représenter leurs souvenirs. […] Les animaux n’y sont pas représentés avec leurs caractères, et c’est à peine si leurs espèces et leurs formes sont respectées. […] C’est à l’imagination du lecteur à se représenter, quand ce personnage entre en scène, sa physionomie et ses mouvements. […] Le recueil de La Fontaine est un théâtre où nous voyons représentés en raccourci tous les genres de drame, depuis les plus élevés, la comédie et la tragédie, jusqu’au plus simple, le vaudeville. […] Représenté en 1691.
Tannhaeuser fut représenté la première fois en automne 1845 ; le théâtre s’était mis en grands frais, les décorations avaient en partie été commandées à Paris, les principaux rôles étaient tenus par les meilleurs chanteurs de l’Allemagne. […] « Lohengrin, dès le début (comme Tannhaeuser), était destiné à être représenté sur nos théâtres ordinaires ». […] Peu de gens se représentent clairement ce qui les a charmés dans Lohengrin ; mais c’est ce doute, cette confession de faiblesse, cette « constatation de la nullité du monde », sans réaction, sans recherche, sans déploiement d’énergie, qui, caractérisant l’âme de celui qui écrivait et formant l’essence même de l’œuvre, la pénètre de toutes parts, et fait que, instinctivement, chacun se sent dans un milieu habituel, familier. […] Correspondances LOHENGRIN À PARIS. — Au milieu des nouvelles contradictoires qui se succèdent chaque jour, nous renonçons à tenir nos lecteurs au courant de la question des représentations de Lohengrin à l’Opéra-Comique ; jusqu’au jour où sera prise une décision absolument officielle, aucune présomption sérieuse ne peut être donnée… le plus probable est que Lohengrin ne sera pas représenté. […] … ZURICH. — En janvier, Siegfried va être représenté pour la première fois.
Chronique de Bayreuth 1 e Correspondance Le 23 juillet ont été reprises les représentations du Théâtre de Fête de Bayreuth ; c’est la cinquième année que le théâtre est ouvert, la quatrième que Parsifal y est représenté, la première pour Tristan. […] Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Académie impériale de Musique, le 13 mars 1861.Parisela Librairie théâtrale, Mme Ve Jonas, éditeur, Libraire de l’Opéra. 1861. […] Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Lyrique Impérial, le 6 avril 1869. […] Par l’Anneau du Nibelung av, Richard Wagner voulut, totalement, expliquer le monde : c’est le symbole de l’Or opposé à l’Amour, et il voulut, totalement représenter la vie de l’Ame ; il créa toutes ces âmes, spéciales chacunes, chacunes proprement vivantes, que symbolisent Wotan, Freia, Loge, — Fafner, — Alberich, Mime, — Siegmund, Sieglinde, Hunding, — Brunnhilde, Siegfried … Et parmi cette énormité d’efforts inégalement heureux, dès là, en quelques figures, je sens réellement créée la supérieure vie : ainsi, l’âme qu’est Wotan, — l’âme originairement stagiaire46, contente en le repos introublé de sa puissance, que rien n’agite ; et la vie de cette âme se fait plus vive, une contemplation des choses plus active, une pensée de quelque chose nouvelle, un mouvement, un besoin de plus, un souhait ; le désir, oh ! […] Erda, dans le Ring, représente la sagesse, la connaissance.
— La Tétralogie vient d’être représentée, sans coupures, à Dresde. […] On sait que Parsifal est réservé exclusivement au théâtre de Bayreuth et ne peut être représenté nulle part ailleurs. Or, en 1877, pressé de besoin d’argent, Wagner aurait vendu à l’Opéra Royal de Munich le droit de représenter Parsifal. […] Il existe un grand nombre de bustes de Wagner, dont le plus célèbre et, croyons-nous, le plus récent est celui de Schapfer ; les uns représentent Wagner dans une apothéose, les autres sont une charge. […] Nous avons eu l’occasion de voir à peu près tous les bustes qui ont été faits de Wagner, et nous pouvons dire que celui de M. ce Egusquiza est, non seulement le seul qui soit en lui-même véritablement une œuvre d’art, mais le seul aussi qui représente Richard Wagner tout entier et tel qu’il fut.
Mais ceux-là représentent le passé ; or c’est à la peinture des mœurs du présent que je veux m’attacher aujourd’hui. […] La corrélation perpétuelle de ce qu’on appelle l’âme avec ce qu’on appelle le corps explique très bien comment tout ce qui est matériel ou effluve du spirituel représente et représentera toujours le spirituel d’où il dérive. […] Elle représente bien la sauvagerie dans la civilisation. […] Nous avons rarement vu, représentée avec plus de poésie, la solennité naturelle d’une grande capitale. […] Et cette dualité est représentée tout de suite, par l’ouverture, avec une incomparable habileté.
“J’y représentai, dit-elle, la neutralité. […] Elle ne représente que très foiblement l’élégance, la douceur & la délicatesse de l’Original. […] C’est la philosophie d’Epicure, telle que Lucréce l’a conçuë, qu’il a voulu représenter. […] Ce Jésuite a mieux aimé s’accommoder au goût du siécle, que de représenter le Poëte absolument tel qu’il est. […] Il est toujours représenté comme le plus grand scélerat qu’ait produit Rome.
Le premier de ces tableaux, qu’une inscription mise au bas apprend avoir été fait en 1516 représente un maître d’école qui montre à lire à des enfans. […] Le second tableau, que son inscription apprend avoir été fait en mil cinq cens vingt et un, et qui représente une descente de croix est dans le bon goût. […] On y remarque des incidens de lumiere merveilleux, principalement dans le tableau qui représente Jc arrêté prisonnier dans le jardin des oliviers. […] Nous reconnoissons le temps où plusieurs pierres gravées ont été faites, par les sujets et par les têtes qu’elles représentent. […] On peut encore citer l’agathe en relief qui se voit à Vienne dans le cabinet de l’empereur, laquelle représente Auguste et Livie, ainsi que celle dont le De Montfaucon nous a donné le dessein dans son voïage d’Italie, et qui représente Marc-Antoine et Cleopatre.
Nous nous représentons une plus grande intensité d’effort, par exemple, comme une plus grande longueur de fil enroulé, comme un ressort, qui en se détendant, occupera un plus grand espace. […] Peut-être la difficulté du problème tient-elle surtout à ce que nous appelons du même nom et nous représentons de la même manière des intensités de nature très différente, l’intensité d’un sentiment, par exemple, et celle d’une sensation ou d’un effort. […] Analysez cette inclination elle-même, et vous y trouverez mille petits mouvements qui commencent, qui se dessinent dans les organes intéressés et même dans le reste du corps, comme si l’organisme allait au-devant du plaisir représenté. […] Quand vous dites qu’une pression exercée sur votre main devient de plus en plus forte, voyez si vous ne vous représentez pas par là que le contact est devenu pression, puis douleur, et que cette douleur elle-même, après avoir passé par plusieurs phases, s’est irradiée dans la région environnante. […] Sans doute, si S et S′ étaient des nombres, je pourrais affirmer la réalité de la différence S′ — S, lors même que S′ et S seraient seuls donnés : c’est que le nombre S′ — S, qui est une certaine somme d’unités, représentera précisément alors les moments successifs de l’addition par laquelle on passe de S à S′.
En ce qui était des vers en particulier, comme on venait de représenter pour la première fois La Métromanie (1738), Bernis donnait cours à ses réflexions : « Il est difficile d’être jeune et de vivre à Paris sans avoir envie de faire des vers. » Et de ce qu’on en fait avec plus ou moins de talent, il ne s’ensuit pas que ce talent entraîne avec lui toutes les extravagances qui rendent certains versificateurs si ridicules : Heureux, s’écriait-il avec sentiment et justesse, heureux ceux qui reçurent un talent qui les suit partout, qui, dans la solitude et le silence, fait reparaître à leurs yeux tout ce que l’absence leur avait fait perdre ; qui prête un corps et des couleurs à tout ce qui respire, qui donne au monde des habitants que le vulgaire ignore ! […] Crébillon, le tragique, qui le reçut, ne trouva à lui donner que ce vague éloge : « Votre génie a paru jusqu’ici tourner du côté de la poésie. » Dans les années qui suivirent sa réception, Bernis figure plus d’une fois à la tête de la compagnie, dans les occasions solennelles où il fallait représenter à Versailles. […] Le sort ne lui a pas laissé le temps de réparer ses fautes ni de corriger ses hasardeuses entreprises ; mais Bernis sera un excellent ambassadeur : il a l’insinuation, la conciliation, la politesse ; il représente avec goût et magnificence ; il sera le modèle d’un ambassadeur de France à Rome pendant plus de vingt ans. […] Algarotti, qui l’avait connu ambassadeur à Venise, écrivait au roi de Prusse (11 janvier 1754) : Je vois assez souvent M. l’ambassadeur de France, qui est bien fait pour représenter la plus aimable nation du monde.
M. de Pontmartin dut voir souvent là, à ce foyer hospitalier et intime, le Lamennais dès longtemps déchu et non pas moins intéressant à entendre ; et je suis étonné qu’il se soit plu depuis à nous représenter « la société polie, sans acception de culte ou de croyance, laissant M. de Lamennais tomber de chute en chute dans le trou à fumier de l’impiété démagogique. […] Il se représente dès l’abord comme l’organe de la société polie, de ses dégoûts et de ses révoltes contre les œuvres du temps, où tout ce qu’elle aime et ce qu’elle honore est sacrifié et insulté : « Même dans la bourgeoisie, ajoute-t-il, dans ces milieux un peu inférieurs qui n’ont pas toujours montré autant de sagacité et de prévoyance, la littérature est suspecte et discréditée comme le contraire de ce raisonnable et substantiel esprit de conduite nécessaire à qui veut prendre la vie du côté positif et productif. […] Je ne mettrai pas d’insistance à me défendre, car c’est bien moi qui représente cette neutralité que j’aimerais aussi entendre appeler tantôt impartialité, et tantôt curiosité d’intelligence et d’observation. […] Il doit faire des observations à son jeune pupille, lui représenter les inconvénients d’une belle-mère qui est sortie des voies sociales communes, et qui s’est fait un nom admiré des uns, insulté des autres : ……….Onerat celeberrima natam Mater……………….
Il est bon, à chaque époque littéraire nouvelle, de repasser en son esprit et de revivifier les idées qui sont représentées par certains noms devenus sacramentels, dût-on n’y rien changer, à peu près comme à chaque nouveau règne on refrappe monnaie et on rajeunit l’effigie sans altérer le poids. […] Il me semble donc que lorsqu’on parle d’un artiste et d’un poëte, surtout d’un poëte qui ne représente pas toute une époque, il est mieux de ne pas compliquer dès l’abord son histoire d’un trop vaste appareil philosophique, de s’en tenir, en commençant, au caractère privé, aux liaisons domestiques, et de suivre l’individu de près dans sa destinée intérieure, sauf ensuite, quand on le connaîtra bien, à le traduire au grand jour, et à le confronter avec son siècle. […] Celui-ci représente très-bien le côté tendre et passionné de Louis XIV et de sa cour ; Boileau en représente non moins parfaitement la gravité soutenue, le bon sens probe relevé de noblesse, l’ordre décent.
De l’expression Au-dessous de la grande action principale, il y a de petites actions subordonnées qu’elle comprend, et chaque phrase en contient une ; la grande représentait la mort de l’agneau, la chute du chêne ; les petites représentent les circonstances de cette mort et de cette chute ; ce sont autant de menus événements découpés dans l’événement total. […] Il est comme un acteur dont tout le talent et tout l’effort sont de disparaître sous le personnage qu’il représente. […] J’aime mieux cependant considérer dans cette table le mélange des mètres, remarquer les graves alexandrins employés à représenter les événements et les idées graves, puis deux petits vers au milieu d’une longue période choisis pour peindre un petit animal.
Par désir de se complaire l’une à l’autre, les deux puissances amies s’envoient des ambassades, s’offrent des fêtes, organisent des rencontres entre les grands personnages qui les représentent ; un rapprochement des deux littératures est la conséquence, quand il n’a pas été le prélude, de ces ententes cordiales. […] Il importe de savoir quels livres étrangers sont lus, admirés, discutés, traduits, étudiés dans les classes, quelles pièces venant des temps et des pays voisins ou lointains sont représentées devant un public pour lequel elles n’ont pas été composées. […] Homère, tel que Boileau, son admirateur, et Perrault, son dénigreur, s’accordent à se le représenter, est une sorte de poète de cabinet, calculant soigneusement ses effets et choisissant ses termes, un Virgile plus ancien, de qui l’on a le droit de réclamer la soumission aux règles et aux bienséances. […] Il importe de fixer les dates où chacun de ces envahissements commence, arrive à son maximum, décline, reprend ou s’arrête ; et alors on peut constater un parallélisme régulier entre l’histoire linguistique et l’histoire politique ; Malherbe, contemporain et protégé de Henri IV, représente comme lui une réaction nationale.
Le futur Louis XVIII resta assez longtemps avant de le distinguer, de lui adresser la parole ; après un an ou deux seulement, lorsqu’il sut que ce jeune homme qui était de sa maison allait avoir une tragédie représentée au Théâtre-Français, Marius à Minturnes, le comte de Provence y prit intérêt, se fit donner la pièce à la dérobée, porta son pronostic, fut presque fier du succès que cependant il n’avait point prédit, et honora dès lors le jeune poète, à son lever, de quelques-unes de ces paroles perlées et de ces citations coquettes qu’il méditait toujours à l’avance et qu’il savait placer à propos. […] Le comte de Provence a dit d’ailleurs, sur Marius à Minturnes, un mot juste : « La pièce est d’un genre trop austère. » Ces trois actes représentés le 19 mai 1794, sans un rôle de femme, sans trop de déclamation, et avec les touches nues de l’histoire, font honneur à la simplicité sensée du jeune poète ; il y résonne comme un mâle écho de Lucain et de Corneille : mais l’action s’y dessine à peine ; l’émotion manque, le pathétique fait défaut. […] Zaïre, d’après son opinion, n’était qu’une comédie. — Un jour, à la suite d’une discussion sur la tragédie, il avait dit à Arnault : « Faisons une tragédie ensemble. » Le poète avait répondu avec plus de fierté et de malice que de curiosité et de confiance : « Volontiers, général, mais quand nous aurons fait ensemble un plan de campagne. » Revenu en France avant que Bonaparte fût de retour d’Égypte, Arnault avait fait représenter sa tragédie des Vénitiens qui eut beaucoup de succès (16 octobre 1799) ; il la dédia « à Bonaparte, membre de l’Institut », et reconnut dans la dédicace que l’idée du cinquième acte était due au général. […] Une tragédie de lui, Don Pèdre, ou Le Roi et le Laboureur, représentée en 1802, réussit peu devant le public et n’agréa pas davantage à Saint-Cloud.
Un roman, pour prendre un cas précis, est une suite de phrases écrites, destinées à représenter un spectacle émouvant : l’émotion qu’on ressent après l’avoir lu et en le lisant, est sa fin ; cette émotion se distingue de celle que produirait le spectacle réel substitué au spectacle représenté du roman, en ce qu’elle est plus faible, comme toute représentation ; en ce qu’elle est inactive, en ce qu’elle ne provoque sur le moment ni des actes, ni des tendances à un acte. […] L’émotion esthétique d’un spectacle représenté, se distinguera de l’émotion d’un spectacle réel perçu, et à plus forte raison de l’émotion résultant d’un spectacle auquel il prend une part personnelle […] (NdE)] (Esthétique) admet ce fait et l’explique eu disant que l’admiration pour le génie de l’artiste fait passer par-dessus la répulsion causée par les objets représentés.