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906. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Eh bien, voici un traducteur qui a réussi dans son œuvre et qui n’est pas le moins du monde, en matière de talent, le serviteur de l’homme qu’il a traduit, quoiqu’il lui ait rendu un fier service en le traduisant. […] c’est le talent de ses lettres que nous lisons qui a éternisé l’énigme et rendu, pour la deviner, la postérité infatigable. […] C’est un fou sans placidité, sans excuse majeure et touchante de sa folie, sans les longues et sereines intermittences de raison, d’esprit, de goût, de politesse et de grandes manières qui rendent le héros de Cervantes le plus aimable et le plus respectable des gentilshommes.

907. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Dans ces temps de crise, où les gouvernements changent, et où les peuples agités passent de la liberté républicaine à une autre constitution, l’homme d’état a besoin de l’homme d’esprit ; Horace, par le genre du sien, était un instrument utile à Octave ; ses chansons voluptueuses adoucissaient des esprits rendus féroces par les guerres de liberté ; ses satires détournaient sur les ridicules, des regards qui auparavant se portaient sur le gouvernement et sur l’État ; sa philosophie, tenant à un esprit moins ardent que sage, prenant le milieu de tout, évitant l’excès de tout, calmait l’impétuosité des caractères et plaçait la sagesse à côté du repos ; enfin ses éloges éternels d’Octave accoutumaient au respect et faisaient illusion sur les crimes ; la génération, qui ne les avait pas vus, était trompée ; celle qui s’en souvenait, doutait presque si elle les avait vus. […] Si quelqu’un veut éprouver toute l’indignation que la flatterie inspire ; s’il veut apprendre comment on ne laisse échapper aucune occasion de louer un homme puissant ; comment on s’extasie sur ses bonnes qualités, quand il en a ; comment on dissimule les mauvaises ; comment on exagère ce qui est commun ; comment on donne des motifs honnêtes à ce qui est vicieux ; comment on rabaisse avec art, ou sans art, les ennemis ou les rivaux ; comment on interrompt son récit par des exclamations qu’on veut rendre passionnées ; comment on se hâte de louer en abrégé, en annonçant que dans un autre ouvrage on louera plus en détail ; comment, et toujours dans le même but, on mêle à de grands événements, de petites anecdotes ; comment on érige son avilissement en culte ; comment on espère qu’un homme si utile et si grand, voudra bien avoir longtemps pitié de l’univers ; comment, enfin, dans un court espace, on trouve l’art d’épuiser toutes les formules, et tous les tours de la bassesse, il n’y a qu’à lire ces soixante pages, et surtout les vingt dernières. […] Ce n’est pas tout ; nous avons encore de lui trois ou quatre pièces, ou panégyriques en vers ; l’un intitulé Le Cheval de Domitien ; l’autre où, selon son expression, il adore le dix-septième consulat du prince  ; le troisième, où il rend grâces de ce qu’il a été honoré de sa table très sacrée .

908. (1923) Au service de la déesse

Les deux ivrognes se fâchaient : il sut les apaiser et leur promit de leur rendre les sacs dès que serait vidée encore une bouteille. […] Ce fut l’idée de la Némésis qui, à la fin, la lui rendit claire. […] Un sieur Raujon, qui se rendait, à la Louisiane, la fit évader, la fit admettre sur la Dauphine. […] Il lui appartenait de les rendre beaucoup plus extravagants l’un et l’autre, suivant Amoros et Feinaigle. […] Il vaudrait mieux l’appauvrir ou, du moins, lui rendre l’usage de son véritable trésor, qui n’est point immense et qui est beau.

909. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

De nos jours (et cela rend la tâche des réformateurs difficile ), ce sont les peuples qui doivent comprendre. […] Il reconnaissait que c’était là le moyen de se rendre populaire. […] Les usurpations dont la commune de Paris s’est rendue coupable à toutes les époques ne justifient que trop les appréhensions à cet égard. […] Or la vie qui révolte nos travailleurs rendrait heureux un Chinois, un fellah, êtres qui ne sont nullement militaires. […] Une circonstance  ; un autre ordre rendra l’application de ce système presque indispensable, c’est l’établissement du service obligatoire pour tous.

910. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

M’avoir rendu productif, je vous assure que c’est merveilleux. […] Mais Hamlet doit leur rendre courage. […] La société les a rendus malheureux et méchants. […] Leur jugement est rendu. […] Le malheur suffirait à rendre l’homme auguste à l’homme.

911. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Ainsi le meilleur compte rendu d’un tableau pourra être un sonnet ou une élégie. […] Gloire et justice soient rendues à MM.  […] Vidal un grand éloge de savoir rendre la beauté moderne. — Je ne sais pourquoi M.  […] Cogniet, cet aimable éclectique, ce peintre de tant de bonne volonté et d’une intelligence si inquiète que, pour bien rendre le portrait de M.  […] C’était un excellent peintre, il est vrai ; mais maintenant il regarde la nature avec plus d’attention, et il s’applique à rendre les physionomies.

912. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Et il avait autrement droit de se rendre ce témoignage, et de se dire ainsi l’adorateur domestique de Racine, que Silius pour Virgile. […] Un voyage en Suisse, vers 1787, auparavant un autre voyage de deux mois en Angleterre, ne tardaient point à le leur rendre. […] Elle s’accroîtra encore par la justice que vous promettez de rendre à tous les opprimés. […] Nous possédons là-dessus une précieuse Note, qui rend les paroles mêmes prononcées par Napoléon dans une conversation avec M. de Fontanes à Saint-Cloud, le lundi 19 septembre 1808 : nous la reproduisons religieusement. […] Ce recul de l’ombre primitive, aussitôt le monde et la lumière enfantés, est rendu à merveille

913. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Cette étude rend nécessaire une histoire comparée des sciences les plus diverses : physique, psychologie, astronomie, zoologie, médecine. […] Dieu nous a rendu manifeste son infinie beauté dans une œuvre extérieure à lui et sensible à nous, qui est l’univers. […] On ne peut rendre sous une forme à la fois idéale et vraie qu’une émotion que l’on a éprouvée, ou que l’on est capable de sentir. […] En cela, comme en toute chose, ils rendaient simplement, spontanément, hommage à leur croyance, à celle du monde entier de leur temps. […] N’est-ce pas là une gloire immense pour ce génie de la Grèce, qui se rendit ainsi l’auxiliaire du Christ ?

914. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elskamp, Max (1862-1931) »

Chaque jour de la semaine est défini en ces pages selon sa caractéristique, chaque jour y a sa chanson : lundi, où chôment les établis ; mardi, toute la blancheur des toiles et des langes ; mercredi, le « grand jour des jardiniers » et des marchés où sonnent les carillons ; jeudi, le jeudi des amoureux, baisers donnés, baisers à rendre ; vendredi, « l’heure des bouches », et samedi, « avec votre bel habit noir », ce sont les six jours de non-repos évoqués l’un après l’antre, et c’est la vie honorée plus simplement, s’il se peut, que dans En symbole vers l’apostolat, honorée en pensée humble, en paroles portant modeste robe de bure… Et voici : les quatre volumes que signa M.  […] Il nous a rendu la candeur des gens du Nord, leur foi têtue.

915. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Victor Hugo Il nous rendait quelque chose de La Fontaine. […] Cette incurie de sa richesse le rendait le Diderot , mais le Diderot sans charlatanisme et sans déclamation de notre époque.

916. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 157-161

Arnaud : une humeur prompte à s’enflammer, une grande facilité pour écrire, &, plus que tout cela, le désir de la célébrité, désir dont on sait si rarement se garantir, le précipiterent dans les disputes de son temps, & consumerent des travaux qu’il eût pu rendre infiniment plus utiles. […] Celui-ci ne put lui pardonner d’avoir choisi parmi ses opinions celles qui prêtoient le plus à la satire, pour le rendre ridicule aux yeux de la plus grande partie du Public.

917. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 127-131

Ce ne fut qu’à l’aide de ses principes, que Newton se rendit capable de le redresser, à peu près comme un Athlete devenu vainqueur de son maître, après avoir reçu ses leçons. […] Est-ce l’élévation de l’ame qui rend nos Philosophes si sensibles aux plus petites offenses, & si actifs pour les venger ?

918. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Un contemporain de Montesquieu, mais qu’on ose à peine citer à son sujet, le frivole abbé de Voisenon, a pourtant sur lui quelques traits heureux et bien rendus : Il était si bon père qu’il croyait de bonne foi que son fils valait mieux que lui. […] Un jeune Anglais de distinction, lord Charlemont, se trouvant à Bordeaux en compagnie d’un de ses amis, fut invité par Montesquieu à l’aller voir à La Brède, et dans son journal de voyage il a rendu compte de cette visite en ces termes : Le premier rendez-vous d’une maîtresse chérie ne nous aurait pas tenus plus éveillés toute la nuit que ne fit cette flatteuse invitation ; et le lendemain matin nous nous mîmes en route de si bonne heure, que nous arrivâmes à sa campagne avant qu’il fût levé.

919. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XX. Des Livres de facéties, des recueils d’anecdotes & de bons mots. » pp. 381-385

de rendre le comique dont ce livre est assaisonné. […] C’est cette difficulté de saisir les allusions qui rend notre Satyre menipée un ouvrage si ennuyeux pour les lecteurs médiocrement instruits.

920. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Telle est l’idée qui commence à s’insinuer dans les esprits, en attendant qu’elle s’en rende maîtresse. […] On ne se rend pas toujours compte à soi-même de la nature de son œuvre, ni de ses vraies origines. […] L’honneur de l’artiste est de se rendre supérieur, comme artiste, aux agitations ou aux occupations des autres hommes. […] , 7e Entretien] ; — de l’Inquisition [Lettres à un gentilhomme russe]. — S’il n’eût pas rendu plus de services à sa propre cause en y mettant plus de modération ? — et qu’en tout cas on lui rendrait plus de justice à lui-même ; — sinon pour quelques théories bizarres dont il a semé ses écrits ; — et pour quelques prédictions plus qu’aventureuses [Cf. 

921. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Flaubert s’ingénie à rendre artistement le trouble extérieur produit dans les vêtements et dans la coiffure ! […] Il n’y a donc personne à rendre responsable de leur obscurité. […] Mais il faut bien enfin se rendre à l’évidence ! […] Aussi résolurent-ils de rendre aux Olympiens leur immobilité sereine, troublée, profanée par un poète impie. […] Rendez-vous fut pris à la Maison-Dorée.

922. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

On sent qu’elle rendra les amants à leur véritable destinée. […] C’est aller trop loin et rendre à Locke l’avantage qu’il avait perdu. […] Les gardes nationales refusaient de se rendre. […] Rendons-nous témoignage : nous avons cultivé l’art et étudié la nature. […] Ce qui le rend redoutable, c’est qu’il a des instincts et peu d’intelligence.

923. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Le public a fait comme don Carlos, il a pardonné au rebelle et lui a rendu tous ses titres. […] Ce que fut la soirée, aucune exagération ne saurait le rendre. […] Ce qui lui manqua toujours, c’est le style, cet émail qui rend éternelles les œuvres qu’il revêt. […] Soumet a rendu quelques-uns de ces services, et a ménagé la transition d’un art à l’autre. […] Si la vie ne nous a pas tenu toutes ses promesses, l’art au moins, rendons-lui cette justice, ne nous a jamais trompé.

924. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Mais il est juste de dire que l’angoisse de l’inconnu est rendue plus forte par l’effroi de l’enfer. […] Son intention est au contraire de rendre son récit plus vivant. […] Il est si rare que nous puissions nous rendre la justice de leur avoir prodigué assez de tendresse, quand ils vivaient ! […] Cela ne veut pas dire qu’il ait rendu dans ses vers et dans sa prose toutes les aspirations du dix-neuvième siècle. […] La définition seule de son principe suffirait à rendre raison de cette mort.‌

925. (1890) Dramaturges et romanciers

Barrière, n’ait pas été saisi et rendu comme il méritait de l’être, et je le recommande à l’attention des auteurs dramatiques contemporains. […] On peut critiquer plus ou moins la manière dont il rend ses pensées ; mais toutes ses œuvres sont le fruit d’une conception. […] Seulement nous prévenons d’avance nos modernes auteurs que si le verdict du public à leur égard devait être rendu d’après les principes exposés par M.  […] Tous les détails observés par vous trouveront leur emploi à leur heure, et la mémoire vous les rendra fidèlement lorsque vous en aurez besoin. […] La critique a rendu à son heure à l’imagination les secours que celle-ci lui avait d’abord prêtés.

926. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

À mon sens, ceux de la Comédie ont rendu de vrais services. […] Saint Paul, qui emprunte à Ézéchiel cette métaphore, rend grâces à Dieu de l’avoir délivré du lion Néron. […] J’ai encore à vous rendre attentifs à la remarque d’un grand critique, qui concorde avec ce que je vous disais de la subordination de Virgile à Dante. […] Sa douce couleur de saphir oriental rend la joie aux yeux de Dante. […] Elle demeurait isolée, et son frère était seul à lui rendre des soins.

927. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Encore si l’on se piquait de fidélité, si l’on rendait mieux le costume et le caractère des nations ! […] On ne peut impunément compter des écus, grossoyer des actes, rendre des arrêts toute une vie durant. […] bienséances cruelles, que vous rendez les ouvrages décents et petits ! […] Le but était de rendre avant tout la physionomie de l’âme. […] Il s’efforce de rendre la réalité de la vie des champs, sans l’enlaidir, surtout sans l’embellir.

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