Amyot avait bien rencontré en s’arrêtant à Plutarque : un bon esprit plutôt qu’un grand esprit, un auteur lui laisse les questions ardues ou dangereuses, ou du moins qui ne parle ni politique ni religion ni métaphysique d’une façon offensive, un causeur en philosophie plutôt qu’un philosophe, moins attaché à bâtir un système d’une belle ordonnance, qu’à regarder l’homme, à chercher les règles, les formes, les modes de son activité : en un mot, un moraliste.
Pour écarter les inégalités imputables à l’individualité, regardons les deux traductions que Calvin donne de son Institution en 1541 et en 1560, et voyons comment en moins de vingt ans, par le seul usage, la langue s’est filtrée et clarifiée.
Il aime regarder les yeux fermés et deviner les fleurs à leurs parfums… Et c’est cela qui a élargi son panthéisme en une intense et compréhensive affection pour toute chose.
* * * Une femme a dit au Maître : — Regarde, je suis belle.
Il faut qu’on m’avertisse de regarder, qu’on me donne un petit coup sur l’épaule, tandis que savants et ignorants, grands et petits, se précipitent d’eux-mêmes vers les bamboches de Tesniere.
Regardez avec le même œil des êtres à venir qui sont à la même distance de vous.
L’homme de génie dont je viens de parler avoit conçû par la seule force de son imagination que le spectacle pouvoit tirer du pathetique, même de l’action muette des choeurs, car je ne pense pas que cette idée lui fut venuë par le moïen des écrits des anciens, dont les passages qui regardent la danse des choeurs n’avoient pas encore été entendus, comme nous venons de les expliquer.
Malgré le peu de pente de l’esprit tout politique de l’auteur de Gabrielle d’Estrées à regarder du côté des causes morales, qui sont les influences décisives de l’histoire, cependant il ne peut s’empêcher de dire à plus d’une place de son ouvrage que les nombreuses amours publiques de ce chef d’État durent choquer si profondément l’esprit religieux et les mœurs de son siècle, que, son système politique eût-il réussi, il fût tombé par là encore !
Mais, quand on y regarde attentivement, est-il bien taillé en orateur, et quand il demande qu’on ouvre la fenêtre, est-ce un cri de Mirabeau comprimé que cet humble désir d’un peu d’air ?
Elle n’a qu’à regarder attentivement dans ces deux volumes, et opposer l’un à l’autre ce qui y est réussi, sans effort, visible du moins, avec ce qui y est visiblement voulu et manqué.
Et puis souvent, à ces précieuses interviews, il dut joindre un bref examen de conscience : c’est prudence, en effet, de regarder la construction de son instrument, avant d’en enregistrer les résultats.
Mais ne nous flattons point, il y a peu de ces âmes qui se suffisent et marchent d’un pas ferme sous l’œil de la raison qui les guide, ou de Dieu qui les regarde.
On peut le regarder comme un adieu qu’il voulut faire à ses concitoyens, car c’est un second éloge d’Athènes.
Mais il se conserve encore de lui le début d’un hymne à Diane, moins gracieux que les vers d’Euripide, mais d’un ton chaste et noble : « Je suis à tes genoux, puissante chasseresse, blonde fille de Jupiter, Artémis, reine des hôtes sauvages des forêts, soit que maintenant, près des flots tourbillonnants du Léthé, tu regardes avec joie la ville habitée par des hommes aux cœurs courageux ; car tu n’es pas la bergère d’un peuple féroce, soit que… » Le goût peut se plaire à recueillir ces moulures tombées des fresques antiques du véritable Anacréon, et à les comparer aux ornements et aux grâces du recueil moderne.
Si vous y regardez de plus près, c’est un procédé de peintre. […] Regardez-y de près. […] Mais quand il les aurait vues, quelle serait cette manie de ne regarder l’humanité que par ses plus vilains côtés ? […] Et que si d’autre part, dans l’application du procédé, tous les disciples n’ont pas eu le même bonheur que le maître, c’est à quoi je ne regarderai guère. […] Cependant, ceux qui savent la difficulté que les plus grands eux-mêmes ont toujours éprouvée d’égaler exactement leur pensée par l’expression, y regardent d’un peu plus près.
Elle regardait de loin, pleine d’étonnement, les coupables morbidesses de sa sœur italienne qui s’étirait avec des langueurs de sieste, dans une alcôve mal fermée. […] Les plus indulgents se regardent avec stupeur. […] J’ai eu la curiosité d’y regarder de plus près et de dresser l’inventaire des détails fournis au poète des Meistersinger par leur antique et véritable historien.
Lundi 23 janvier Je regarde les étalages de libraires, et il me semble que les numéros des tirages ne changent pas, et que les couvertures des exemplaires exposés, se salissent mélancoliquement. […] Je regarde la femme, habillée d’une robe de velours gorge de tourterelle, constellée de grands boutons d’acier. […] » Jeudi 30 mars Il y des moments, où sous l’action, goutte à goutte, des potins, des cancans, des réticences, de toutes les perfidies ambiantes, dont vous entoure l’envie parisienne, la confiance dans vos plus intimes est ébranlée : telle de vos amies que vous regardez comme la personnification de la sincérité, vous vous demandez vraiment, si elle n’est pas un peu fausse ; telle autre personne à laquelle vous croyez des qualités d’attachement sérieux, vous ne la voyez plus que comme une aimable et banale créature.
Arthur Meyer me regarda avec une autorité singulière et me dit d’une voix brève : − Bien. […] Ainsi, suivant que nous regardons l’une ou l’autre face des choses, nous oscillons de l’espérance à la mélancolie. […] Le but ne semble-t-il pas se rapprocher quand tout le monde le regarde à la fois ?
La Pucelle de Chapelain est au rang de ces vieilles décrépites qu’on n’ose plus regarder. […] La nature, disoit-il, semble lui avoir revelé tous ses secrets, du moins pour ce qui regarde les mœurs & les caractères des hommes. […] Il se croyoit pourtant fort au-dessous de Phédre, mais Fontenelle a très-bien dit qu’il ne lui cédoit le pas que par bêtise : mot plaisant qui exprime avec finesse le caractère d’un génie supérieur qui se meconnoît, faute de se regarder avec assez d’attention.
Mais ne vous y fiez pas trop : sous ces couleurs de convention, si vous y regardez de près, vous reconnaîtrez l’ennemi. […] Et quant à ce qui regarde la monarchie constitutionnelle, en vérité l’injustice ne va-t-elle pas jusqu’à l’ingratitude ? […] Regardez où nous ont conduits les idées, les doctrines morales, les théories philosophiques et sociales prêchée ? […] Mais regardez au fond : la société n’a point été ébranlée dans sa masse ; les mœurs n’ont point été gâtées. […] Regardez ces jeunes disciples du matérialisme moderne.
Tout cela est fait à la française ; mais aussi longtemps que nos auteurs dramatiques ne sauront pas peindre les mœurs des personnages qu’ils mettent sur la scène, ni l’esprit des peuples et des siècles dont ils empruntent leurs sujets, je regarderai leurs pièces comme des ouvrages faits pour amuser ou épouvanter des enfants ; mais jamais je ne les croirai dignes de servir d’instruction et de leçon aux souverains et aux nations ; c’est pourtant là le véritable but de la tragédie. » Il nous est impossible aujourd’hui, — à moi du moins, — de nous former une idée nette de ces pièces, surtout des tragédies d’alors, ni d’y saisir quelque différence à la lecture ; elles me semblent à peu près toutes pareillement insipides et d’un ennui uniforme. […] Je n’y vois rien de vrai que la physionomie des Suisses ; ce sont les seuls philosophes de la Cour ; avec leur hallebarde sur l’épaule, leur grosse moustache et leur air tranquille, on dirait qu’ils regardent tous ces affamés de fortune comme des gens qui courent après ce qu’eux, pauvres Suisses qu’ils sont, ont attrapé dès longtemps. J’avais, à cet égard-là, l’air assez suisse, et je regardais encore hier fort à mon aise Voltaire roulant comme un petit pois vert à travers les flots de jean-fesses qui m’amusaient. […] Le port de la tête est hardi ; chaque muscle de la face remue et joue ; la double fossette, creusée par l’habitude du sourire, est légèrement indiquée ; la lèvre est parlante, comme impatiente, et ne cesse de railler ; les yeux sont petits et ne regardent pas ; la peau du cou pend et flotte sans maigreur, sans mollesse, et dans la réalité de la vie ; les draperies sont largement jetées.
Et pourtant, regardez à toutes les heures du jour, et dites si tout fleuve, rivière ou ruisseau ne coule pas avec une certaine grâce naturelle ; si, à tel moment, en rencontrant tel coteau, en s’enfonçant à l’horizon derrière tel bouquet de bois, il n’a pas son effet heureux et saisissant ? […] Ce genre d’histoire a son mérite quand il ne s’agit pour l’historien que de bien regarder et de bien faire voir les faits ; mais regarder ce n’est ni sentir ni juger : le regard n’est pas un sentiment, le regard n’est pas un jugement ; le regard n’est qu’une perception presque indifférente, et, s’il est permis de se servir d’une expression souvent citée depuis que M. […] « “J’honore, s’écria-t-il avec un accent qui remua l’assemblée des Communes, j’honore mon illustre adversaire, et je regarde comme la gloire de ma vie d’avoir été quelquefois appelé son rival ; mais j’ai combattu vingt ans sa politique, et que dirait de moi la génération présente si elle me voyait accueillir une proposition dont on veut faire le dernier et le plus éclatant hommage à cette politique, que j’ai crue, que je crois encore funeste pour l’Angleterre ?