Et tandis que l’être social qui est en lui se conforme aux lois, l’autre, l’indépendant, le sauvage, tâche de satisfaire pour le mieux ses désirs, ses caprices en se dissimulant derrière son compagnon qui l’abrite contre les regards, et le préserve des coups.
Vouloir saisir un moment dans ces existences successives pour y appliquer la dissection et les tenir fixement sous le regard, c’est fausser leur nature.
Il n’y a pas d’art dans une atmosphère lourde et sous les regards d’un public barbare.
Or, Dieu ne se tourne que du côté de ceux qui se tournent vers lui : comme un miroir ne réfléchit le visage que de ceux qui se présentent devant la glace… Ne fuyons point le regard de Dieu à cause de quelques imperfections de notre cœur ; le soleil qui entre par une fenêtre, n’en éclaire pas moins une chambre, quoiqu’il trouve des atomes sur le chemin de ses rayons, &c.
Nous pouvons même jeter un regard prophétique dans l’avenir jusqu’à prédire que ce sont les espèces communes et très répandues, appartenant aux groupes les plus nombreux de chaque classe, qui prévaudront ultérieurement et qui donneront naissance à de nouvelles espèces dominantes.
Elle tient à un affaiblissement temporaire de l’attention générale à la vie : le regard de la conscience, ne se maintenant plus alors dans sa direction naturelle, se laisse distraire à considérer ce qu’il n’a aucun intérêt à apercevoir.
Notre regard saisirait au passage, sculptés dans le marbre vivant du corps humain, des fragments de statue aussi beaux que ceux de la statuaire antique.
La fixation du regard, qui plus tard devient attention intense, se traduit extérieurement par la contraction plus accentuée de plusieurs muscles. […] Leur attention extatique (entranced) était tellement remplie par les visions béatifiques qui se présentaient à leurs regards ravis, que les tortures corporelles ne leur causaient aucune douleur41. » Le fanatisme politique a produit plus d’une fois les mêmes effets : mais partout et toujours c’est une grande passion qui sert de point d’appui ; ce qui prouve une fois de plus que les formes vives et stables de l’attention dépendent de la vie affective et d’elle seule.
Dès que nous sortons des cadres où le mécanisme et le finalisme radical enferment notre pensée, la réalité nous apparaît comme un jaillissement ininterrompu de nouveautés, dont chacune n’a pas plutôt surgi pour faire le présent qu’elle a déjà reculé dans le passé : à cet instant précis elle tombe sous le regard de l’intelligence, dont les yeux sont éternellement tournés en arrière. […] Ainsi, comme nous l’avons montré dans une étude antérieure, la vision est une puissance qui atteindrait, en droit, une infinité de choses inaccessibles à notre regard.
Cette caricature de Louis XVI, d’abord : Et prenant ce gros-là dans son regard farouche. […] En regard du vingtième siècle évoqué, de ses splendeurs et de ses vertus, le Poète traîne au plein jour de son étincelante ironie et de son indignation lumineuse les hontes actuelles où l’odieux se mêle au grotesque, et le lamentable à l’impayable. « … Au vingtième siècle, on sera froid pour les merveilleuses couleuvrines de treize pieds de long, en fonte frettée, pouvant tirer, au choix des personnes, le boulet creux et le boulet plein.
Son regard était charmé par ces beautés ou ébloui par ces grandeurs. […] Aux premiers regards qu’il jeta sur le monde extérieur, l’homme se le figura comme une sorte de république confuse où des forces rivales se faisaient la guerre. […] Embrassons du regard le chemin que les hommes ont parcouru. […] Le seul regard de l’étranger souillait l’acte religieux387. […] D’autre fois on le cachait à tous les regards pour que l’ennemi ne pût pas le trouver.
Vingt autres redevances, jadis d’utilité publique, ne servent plus qu’à nourrir un particulier inutile Le paysan, tel alors que nous le voyons aujourd’hui, âpre au gain, décidé et habitué à tout souffrir et tout faire pour épargner ou gagner un écu, finit par jeter en dessous des regards de colère sur la tourelle qui garde les archives, le terrier, les détestables parchemins, en vertu desquels un homme d’une autre espèce, avantagé au détriment de tous, créancier universel, et payé pour ne rien faire, tond sur toutes les terres et sur tous les produits.
Par cette opération plus ou moins perfectionnée, nous embrassons de très longs fragments de notre être en un instant et pour ainsi dire d’un seul regard.
L’ambition naturelle, qui n’avait jamais cessé de lui faire sentir sa valeur comme homme politique, lui faisait sans cesse tourner ses regards vers Turin, pour voir si on ne l’appellerait pas au ministère.
Elle avait un air caressant et tendre, un regard très doux, un sourire angélique, des cheveux cendrés d’une beauté peu commune, et auxquels elle donnait un tour négligé qui la rendait très piquante.
Maeterlinck nous attirent si puissamment, ce n’est pas que nous leur demandions d’être pour nous des révélateurs de l’absolu, des introducteurs dans l’au-delà métaphysique, c’est que nous voyons en eux des hommes dont le regard pénètre plus avant que le nôtre dans les réalités au milieu desquelles nous vivons, des hommes pourvus d’un don exceptionnel de divination psychologique et sociale.
En revanche, les cénacles dégénèrent volontiers en petites chapelles, où, loin des regards du public, fleurissent dans une atmosphère surchauffée et quasi-artificielle les bizarreries et les excentricités.
Si je m’offre à tes yeux, garde-toi de rougir : Défends à ton amour le plus léger soupir : Affecte un air distrait ; que ta voix séduisante Evite de frapper mon oreille et mon cœur : Ne mets dans tes regards ni trouble ni langueur. […] En continuant à feuilleter, je note ce passage, d’un mouvement inusité chez l’indolent et horizontal poète : Oui, j’en atteste la nuit sombre, Confidente de nos plaisirs, Et qui verra toujours son ombre Disparaître avant mes désirs ; J’atteste l’étoile amoureuse, Qui, pour voler au rendez-vous, Me prête sa clarté douteuse ; Je prends à témoin ces verrous Qui souvent réveillaient ta mère, Et cette parure étrangère Qui trompe les regards jaloux ; Enfin, j’en jure par toi-même, Je veux dire par tous mes dieux ; T’aimer est le bonheur suprême… Etc. […] Il vient, à l’heure où commencent les sommes, Quand, sous leurs toits, les vivants sont couchés, Pour réjouir tous les petits bonshommes Que le vernis tient au vase attachés… Et si, dès l’aube, une maîtresse active Jette à ses pots son regard empressé, Elle voit bien, tant la couleur est vive, Que le dieu Pu dans l’armoire a passé. […] Les assassins sentent sur eux, à toute heure, ce regard effrayant qui les accuse. […] Exaspéré par cette jubilation muette, Laurent se jette sur la vieille femme pour l’étrangler : mais il recule devant son regard de spectre.
Mais si on attache plus attentivement ses regards sur la période qui s’est écoulée depuis 1830, sur ce qu’on peut appeler proprement la littérature contemporaine et spécialement la littérature d’imagination, on reconnaît bien vite que cette littérature est marquée d’un caractère tout particulier ; que son inspiration a cessé le plus souvent d’être littéraire pour devenir ou philosophique ou sociale ; qu’elle a eu enfin l’ambition de mettre la main à la direction des intelligences et au gouvernement des peuples. […] On voit qu’il se complaît dans sa création, et qu’il veut enlever l’admiration du lecteur pour cet homme si fort « dont le regard plombe les imbéciles ». […] Chaque fois qu’il s’interroge sur sa nature, son origine et son avenir ; chaque fois qu’il jette un regard inquiet sur ce monde où l’humanité se fraie péniblement sa voie, cet effrayant problème se dresse devant lui ; c’est le problème de l’existence du mal.
Ainsi l’on pourrait expliquer, en regard, l’écrasante splendeur des ouvertures : là nulle règle, et le droit de ne point développer les émotions au-delà de leur mesure vécue. […] Une ivresse de passion emporte leurs âmes confondues ; ils se regardent d’un regard décisif ; et le désir de l’or, et le désir du pouvoir, sont vaincus dans leurs âmes par l’inondante passion de l’amour. […] Cette musique des phrases, dans les œuvres de M. de Villiers, est, par un inconscient privilège, si profondément appropriée aux convenances des sujets, que l’on pourrait établir le vocabulaire précis de ses sonorités, en regard des émotions particulières qu’elles traduisent. […] Un regard de Dechartre la touche plus profondément que les plus subtils paradoxes de Paul Vence, ou les plus élégantes explications de miss Bell. […] Et c’est vraiment ce qu’il a toujours fait, depuis ses premiers contes, où déjà il promenait sur toutes les choses de la pensée un regard ironique et désabusé, jusqu’à ce Lys rouge, son dernier roman, qui est en quelque sorte le poème de l’amour sensuel, la glorification de la chair aux dépens de l’esprit.
Il ne sépare pas la pensée de l’action ; mais on agit avec « les armes que le siècle vous prête » et, ses actes, ce sont les livres qu’il accomplissait : nul acte ne lui a paru « digne d’un regard », qui ne fût digne aussi « d’être élevé à la beauté d’une œuvre ». […] … C’est que, dans son village, elle a vu des amants ; elle a entendu parler d’amour ; elle a lu, à la dérobée, des romans ; ajoutez « les leçons que la nature nous donne » : les regards de M. de Climal lui parurent « d’une espèce suspecte ». […] Schuré, parce que François de Chateaubriand a découvert une profondeur nouvelle dans l’âme de son adorable sœur Lucile, c’est grâce à cette initiation intime et précoce qu’il a su plonger un premier et si pénétrant regard dans notre passé lointain et dans nos origines nationales… » Mais a-t-il plongé ce regard dans notre passé et dans nos origines ? […] « Comme j’allais avoir quinze ans… » Un collégien, grand et mince, au regard clair, « aux narines dilatées, aux lèvres vermillonnantes » ; les jours de sortie, il fréquente chez Victor Hugo, rencontre Vigny, les deux Deschamps, Mérimée, Sainte-Beuve ; il se familiarise avec la gloire ; il récite ses premiers vers, chansons d’un enfant déluré, chansons d’amour à tout hasard. […] En attendant que se traduise le rébus, le rébus est un joli dessin, fait de verve et où les regards trouvent leur contentement.
Mais un mot, un regard, lui rendent toute sa faiblesse ; plus enfant que celle qui le subjugue, il tombe à ses genoux, il veut, pour lui plaire, se souffleter et s’arracher un côté de cheveux. […] Enfin, si je joue le rôle de Célimène, j’observe d’abord que je suis ce qu’on appelait une coquette du grand monde, et non une bourgeoise qui tient cercle ; que je dois être mise noblement, et non comme une marchande de modes : si je descends ensuite avec Molière dans le cœur humain, j’y lis qu’il y a loin d’une coquette à une femme facile ; que la première, par système, se garde bien d’affranchir ses esclaves en les rendant heureux ; j’y vois que si mes regards, ma contenance assurée avec décence, ne démentent pas leur ton avantageux, mon personnage est non seulement tout à fait manqué, mais que je porte un coup mortel à tous ceux de la pièce : ma cousine Éliante aura tort de m’excuser ; la prude Arsinoé aura dit vrai ; le courroux des deux petits maîtres sera moins comique ; enfin, Alceste ne pourra, sans se dégrader, oublier mes torts et m’inviter à le suivre dans son désert ; disons plus, si je suis une femme perdue, je dois accepter sa proposition. […] Je demande si un fichu de dentelle n’est pas nécessaire pour faire dire à Tartuffe, avec cette vraisemblance, l’âme de la scène, surtout lorsqu’elle doit frapper les regards, Mon Dieu !