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1629. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Combien de bourgeois de Paris pourraient se reconnaître dans Chrysale ! […] On annonce la baronne Delaunay : Arthur se retourne et reconnaît Teresa. […] Henri épouse Angèle et reconnaît l’enfant de son rival. […] Il découvre le cadavre et reconnaît sa fille. […] Si le poète interprète à sa manière un siècle donné, nous ne pouvons accepter l’interprétation qu’il propose sans avoir préalablement reconnu les temps et les lieux.

1630. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Il y reconnaissait l’œil du peintre prenant des notes pour écrire à jamais, un aspect, une physionomie, à un moment qu’on ne veut pas oublier. […] Il a signé successivement Fritz, Aloysius et d’autres noms, et il sera difficile aujourd’hui de reconnaître ses œuvres dans les catacombes poudreuses du journalisme. […] Plus d’un écrivain, dans la salle, a pu reconnaître là le tableau, exagéré sans doute, mais foncièrement vrai, de ses lassitudes, de ses luttes intérieures et de ses abattements. […] Ces tableaux si gais, si vifs, si spirituels, si amusants pour l’œil, sont de vrais tableaux de maître, et la postérité les reconnaîtra pour tels. […] Nous ne sommes pas de ces panégyristes posthumes qui n’exaltent que les défunts, et vous reconnaissent toutes les qualités possibles dès que vous êtes cloué dans la bière.

1631. (1933) De mon temps…

D’après ses portraits, je reconnus l’illustre visiteur. […] Moréas, qui ne négligeait pas « sa gloire » et savait fort bien tirer parti des circonstances, avait demandé à Maurice Barrès et à moi de signer les invitations à ce banquet qu’il avait provoqué et organisé lui-même avec un certain sens pratique de la réclame qui s’alliait en lui, je me plais à le reconnaître, avec une haute et stricte conscience littéraire. […] Mallarmé, bien qu’il se fût « déparnassiennisé », était resté en fort bons termes avec Mendès dont la facilité l’émerveillait. « Catulle est étonnant, disait-il volontiers, on pourrait le réveiller à n’importe quelle heure de la nuit et il aurait, toujours prêtes, deux cent lignes de copie. » Ce mérite d’improvisateur, reconnu, ne l’empêchait pas de sourire quand Villiers de l’Isle-Adam déclarait : « Catulle, c’est une frégate dans une bouteille. […] Ce Crépuscule des dieux d’Elémir Bourges me causa une forte impression que le temps n’a pas affaiblie et que je retrouve, chaque fois que je feuillette les pages de ce livre qui a exercé sur moi une influence que je me plais à reconnaître. […] C’est vers la petite maison d’Auteuil que je m’achemine en pensée et je la retrouve dans ma mémoire telle qu’elle était au temps où Edmond de Goncourt y accueillait les hôtes de son « grenier » venus rendre hommage à la glorieuse vieillesse de l’illustre écrivain qui jouissait alors dans les Lettres françaises d’un prestige considérable et y exerçait une maîtrise reconnue.

1632. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Le siècle ne se serait pas reconnu dans cette belle peinture, et la leçon qu’a voulu lui donner M.  […] On reconnaît les chefs-d’œuvre de ces grandes époques, quelque divers qu’ils puissent être, à je ne sais quel air de famille qui brille au front de leurs auteurs. […] Et, en d’autres jours, où rien ne s’était commis, éprouvant jusqu’à la moelle un apaisement profond, au lieu d’acquiescer et de bénir et de reconnaître avec joie que l’âge féroce expirait, je me repentais de moi, je me trouvais moindre en face de l’univers, irrité, humilié de toute cette poussière des êtres qui volait dans les nuages, et que mon énergie première se serait crue suffisante à enflammer. » J’aurais pu multiplier ces citations, mais je m’arrête. […] Il fit tant, qu’après avoir visité avec une patience de savant tous les lieux qu’il désirait voir, après avoir été reconnaître la source du Sutledge et celle de l’Indus, sur les bords du célèbre lac Mansarower, après avoir ajouté à ses collections une quantité considérable de plantes nouvelles et de débris organiques, étudié géologiquement un espace immense, à une hauteur à peine croyable, et conduit toute cette expédition, moitié militaire, moitié scientifique, assez rapidement pour que l’empereur, auquel il était venu faire si lestement la guerre, n’eût pas le temps d’user de représailles, il quitta le Thibet, repassa la frontière, chargé de dépouilles opimes, et redescendit dans les plaines de l’Indoustan. […] Ceux de nos compatriotes qui chercheront sa tombe sur cette plage lointaine où il mourut, la reconnaîtront à cette modeste inscription : Victor Jacquemont, né à Paris le 28 août 1801, est mort à Bombay, le 7 décembre 1832, après avoir voyagé pendant trois ans et demi dans l’Inde.

1633. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Ce n’est que depuis, et après connaissance plus ample, qu’il a reconnu qu’il s’était mépris sur ce point, et qu’il est revenu à de plus justes sentiments sur l’homme et sur le pontife. […] Plus on la voit, plus on lui reconnaît un fonds de justice, de bon cœur, d’humanité et d’envie de plaire, qui la rendent respectable et aimable.

1634. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

» Il reconnaît d’ailleurs avoir eu des obligations inexprimables à Martinez de Pasqualis, qu’il appelle un homme extraordinaire pour les lumières, « le seul homme vivant de sa connaissance dont il n’ait pas fait le tour ». […] Bien qu’il confessât qu’il n’était qu’un demi-esprit, qu’un demi-élu, et qu’il reconnût ce qui lui manquait en puissance et en véritable magie morale pour combattre des hommes complets en mollesse et en corruption, il se croyait l’émule des plus grands opérateurs apostoliques dans le passé, et il inclinait même à penser tout bas que sur certains points il était allé plus loin qu’aucun d’eux.

1635. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

On cite de lui ce joli mot à quelqu’un qui l’abordait en croyant le reconnaître, et qui le prenait pour un autre : « Monsieur, je ne suis pas le bossu que vous croyez. » Et toutefois, dans la querelle présente, il ne devait pas tout à fait oublier qu’il lui était échappé, à lui tout le premier, d’appeler les érudits stupides ; et il avait beau dire qu’il ne l’avait fait qu’en général et sans application à personne, le pavé était gros, le compliment peu mince. — Convenons aussi que, sans être Gacon, il fallait se tenir à quatre dans ce débat pour ne pas dire de La Motte (ce qui était vrai au pied de la lettre) qu’il jugeait d’Homère comme un aveugle des couleurs. […] Si c’est incomplet, c’est délicat ; on y reconnaît bien l’homme qui vit dans une société spirituelle et subtile, l’ami de La Motte et de Mme de Lambert.

1636. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Il y a deux sortes d’auteurs, je le reconnais de plus en plus. […] Pour moi, sans me faire plus indifférent ni plus sévère qu’il ne me convient sur Villon, je me contenterai, après cette lecture, de reconnaître en lui un des plus frappants exemples de ces natures à l’abandon, devenues étrangères à toute règle morale, incapables de toute conduite, mais obstinément douées de l’étincelle sacrée, et qui sont et demeurent en dépit de tout, et quoi qu’elles fassent, des merveilles, presque des scandales de gentil esprit, et, pour les appeler de leur vrai nom, des porte-talents ; car ne leur demandez pas autre chose, elles ne sont que cela.

1637. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Le grand poëte n’avait cessé d’être de loin son « étoile polaire. » En recevant le volume de poésies, Gœthe reconnut vite un de ses disciples et de ses amis comme le génie en a à tous les degrés ; non content de faire à l’auteur une réponse de sa main, il exprima tout haut la bonne opinion qu’il avait conçue de lui. […] Ce que conseille proprement Gœthe, ce n’est pas de se disperser ni de se hâter, ni d’improviser ; et lui-même reconnaît qu’il y a des esprits excellents qui ne savent rien faire « le pied dans l’étrier », et qui ont besoin de recueillement : ce qu’il conseille à Eckermann et aux esprits nés poëtes, mais dénués pourtant du grand génie de la conception, ou même à ceux qui en sont doués et en qui les sentiments de chaque jour jaillissent et débordent, c’est de s’épancher, c’est de fixer dans des notes successives, et non pas pour cela fugitives, l’histoire de leur cœur.

1638. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Royer-Collard, et le marqua d’un cachet qui se peut reconnaître par le contraste même, par le revers exact de l’empreinte. […] Il faut reconnaître ici non l’inconséquence, mais la variation, plus sensible chez un esprit altier et dogmatique qui avait l’habitude dans chaque cas de généraliser et de « proposer son opinion sous forme de théorie. » Oui, M. 

1639. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Boulmier, qui est solide et même ferré sur ces matières du xvie  siècle, avait annoncé, de plus, le dessein de réhabiliter Salmon Macrin, un poète latin dans le genre lyrique, contemporain et ami de Du Bellay, de Ronsard et autres novateurs, et il semblait se réserver de lui découvrir une certaine influence occulte, et non encore reconnue, sur le développement de la poésie française ; je ne vois pas qu’il ait mis jusqu’ici à exécution ce projet et cette promesse qu’il avait jetée d’un air de défi ou de paradoxe. […] Il y a, si je puis dire, deux sortes d’âmes et qui se reconnaîtraient à un caractère distinct, infaillible.

1640. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

La mise en train des premières campagnes, les tâtonnements et les inexpériences, une opinion motivée sur la valeur de ces premiers généraux improvisés de la République, la mesure exacte et proportionnée de ces hommes tour à tour exaltés ou dépréciés, le compte rendu clair et intelligible de leur marche, de leurs essais, de leurs fautes et de leurs bévues, comme aussi de leurs éclairs de perspicacité stratégique et de talent, toutes ces parties sont rendues dans une narration bien distribuée et lumineuse, sans que le côté militaire devienne jamais trop technique, sans que la considération politique et morale des choses soit oubliée ; car ce tacticien éclairé est le premier à reconnaître que « la guerre est un drame passionné et non une science exacte 60. » Rien de tranché d’ailleurs ni d’absolu dans la pensée ni dans l’expression : la modération et un esprit d’équité président. […] Je lui avais reconnu de la facilité, mais je lui croyais de la faiblesse.

1641. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Il y écrivit une foule de vers politiques et d’articles critiques qui n’ont jamais été reproduits et qu’il est difficile aujourd’hui de reconnaître sous les initiales diverses et les noms empruntés dont les signait l’auteur. […] C’était au premier abord dans ces retraites mondaines quelque chose de doux, de parfumé, de caressant et d’enchanteur ; l’initiation se faisait dans la louange ; on était reconnu et salué poëte à je ne sais quel signe mystérieux, à je ne sais quel attouchement maçonnique ; et dès lors choyé, fêté, applaudi à en mourir.

1642. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Le Clerc nous pardonnera d’être un peu plus indulgent que lui pour Niebuhr, à qui nous sommes redevables d’un service qu’il n’est pas en mesure de reconnaître aussi bien que nous : je veux parler de l’ouvrage même de M. […] Le Clerc est le premier à le reconnaître) que cette puissance de publicité devenue une fonction sociale ; ceci est aussi essentiellement moderne que le bateau à vapeur193.

1643. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

La seconde phase de cette guerre, la mémorable campagne de 1476, à jamais illustrée par les noms de Granson et de Morat, cette lutte corps à corps dans laquelle il semblerait que les Suisses traqués ne faisaient que se défendre, est plus propre sans doute à donner de l’illusion ; mais même dans ce second temps, si on veut bien le démêler avec M. de Gingins, on est fort tenté de reconnaître que le duc Charles (Charles le Hardi, comme il l’appelle toujours, et non le Téméraire) ne franchissait point le Jura en conquérant ; il venait rétablir le comte de Romont et les autres seigneurs vandois dans la possession de leur patrimoine, dont les Suisses les avaient iniquement dépouillés pour leur attachement à sa personne ; il venait délivrer le comté de Neufchâtel de l’occupation oppressive des Bernois. […] Réimprimant en 1829 son ancienne brochure Des Communes et de l’Aristocratie, il s’était félicité d’en retrancher ce qui tenait aux controverses antérieures des partis : « Il y a un grand contentement, disait-il, à supprimer les vivacités d’une vieille polémique, à se censurer soi-même ; à se trouver en harmonie avec des hommes honorables dont autrefois on était plus ou moins divisé ; à se sentir plus toléré et plus tolérant ; à reconnaître qu’autour de soi tout est plus calme dans les opinions et les souvenirs. » Ce passage dut plus d’une fois lui revenir en mémoire, ce me semble, avec le regret de penser qu’il ne se rapportait pas également à d’autres, et qu’à mesure que les choses étaient réellement plus calmes, les esprits des amis entre eux devenaient précisément plus aigris.

1644. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

car, par le bruit, qui se fait, entendrait-on leur demi-mot ; et, s’ils élevaient la voix, les voudrait-on reconnaître ? […] A nos poëtes lyriques ou épiques, il semble dire : « On n’aime plus que l’esprit colossal. » A tel qui violente la langue et qui est pourtant un maître : « Nous devons reconnaître pour maîtres des mots ceux qui savent en abuser, et ceux qui savent en user ; mais ceux-ci sont les rois des langues, et ceux-là en sont les tyrans. »  — Oui, tyrans !

1645. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Reconnaissez-moi, sauvez-moi ! […] La Révolution reconnaîtra les siens de l’autre côté de l’échafaud.”

1646. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Il faut être très-grand pour proclamer la grandeur d’un rival ; il reconnut tout de suite, dans l’Essai sur les Révolutions, le germe d’un talent informe, mais magistral. […] La première supériorité du critique est de reconnaître l’avénement d’une puissance, la venue d’un Génie.

1647. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

n’en revenait-il pas toujours, pour faire admirer un passage de la Genèse, à « la douceur majestueuse des paroles », et ne demandait-il pas seulement, pour que tous les esprits en reconnussent la beauté, « une bouche qui les sût prononcer », et « des oreilles qui les sussent entendre » ? […] On reconnaît le mordant causeur, fécond en courtes saillies, à qui il fallait l’excitation renouvelée et le repos intermittent.

1648. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

La littérature des hauts barons, d’abord : voici tous les thèmes et tous les lieux communs de l’épopée ; nous les reconnaissons au passage : voici la cour du roi, la guerre féodale naissant d’une partie d’échecs, où quelque preux se querelle avec le fils de l’empereur, le baron pauvre et mourant de faim dans son château, et tenant conseil avec ses fils ; voici les messagers qui vont et viennent entre les adversaires, au grand péril de leurs membres et de leur vie ; voici les formalités des procès en cour du roi, et du duel judiciaire. […] Sur 147 fabliaux qu’il reconnaît, M. 

1649. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Ce qui restait de rhétoriqueurs guindés ou de cyniques bourgeois dans les provinces se fondit peu à peu dans son école : quand il mourut, tout le reconnaissait pour maître. […] Amadis ravit François Ier, le roi chevalier, et toute cette brave noblesse des guerres d’Italie, qui se reconnaissait bien lorsqu’elle lisait comment, les chefs discutant s’il fallait donner bataille à un ennemi supérieur en nombre, « Agraies donna des éperons à son cheval, criant à haute voix : Maudit soit qui plus tardera, voilà ceux contre qui il faut débattre, non pas entre nous ; et ce disant piqua droit aux ennemis ».

1650. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Il chicane les formules absolues des critiques érudits, qui concèdent vingt-quatre heures, et en refusent trente, qui reconnaissent l’unité d’un palais, plutôt que l’unité d’une ville. […] Si maintenant Corneille a souvent besoin de prendre plus que la formule des doctes n’accorde, s’il n’arrive guère à faire coïncider dans le temps et l’espace l’action réelle et la représentation de l’action, tandis que Racine n’a jamais subi la gêne des règles, la raison principale en est que les passions se manifestent tout entières par des impulsions instantanées, tandis que la volonté se reconnaît surtout à la constance des effets, et il n’y a pas de constance sans une certaine durée.

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