Il est clair qu’en pareille matière aucun principe ne doit être poussé à l’excès.
Mais les hommes faits par lui ne l’oublient plus, et ce sont eux, fidèles élèves, qui propagent et poussent ses idées, dans la mesure inégale de leur talent et de leur rayonnement divers.
» Et les grosses joues de Kobus se relevaient, sa grande bouche se fendait jusqu’aux oreilles, son large nez s’épatait de satisfaction ; il poussait un éclat de rire qui n’en finissait plus. […] Tout pousse, la terre est déjà verte jusqu’au creux des sillons. […] Tout ce que je vois me réjouit : j’ai donné un coup d’œil sur les vergers, tout pousse à souhait : et j’ai vu tout à l’heure le bétail qui rentrait de l’abreuvoir, il m’a paru en bon état. […] Alors ses oreilles poussèrent ; il eut une touffe de poils à la queue, il voulut hennir, et se mit à braire : c’était le premier des ânes ! […] Katel, pousse les volets.
Pourtant, si un homme pousse un cri d’éternité, elles ne l’entendent point ; pétrit de sa chair et de son sang une fresque vivante, elles ne le distinguent point, elles ne soupçonnent point son héroïsme. […] Il a chanté le sombre aveugle et l’impétueux élan de l’instinct, où l’on retrouve déjà toutes les formes supérieures de la sensibilité, de ce puissant instinct commun à toute l’espèce, qui pousse chaque créature à persévérer dans son être, à se développer, à s’étendre, qui guide ses appétits, qui le précipite à la curée, au rut, au gain, à la jouissance et quelquefois au crime. […] Il arrive à Balzac de pousser à l’ange, aussi facilement qu’il pousse au démon. […] Il ne lui arrive jamais, d’ailleurs, de les pousser ni au noir, ni au rose. […] Émile Zola a écrit l’Histoire naturelle et sociale d’une Famille, et que trouvez-vous d’étonnant à ce qu’il ait insisté sur ces fougueux instincts inhérents à l’humanité vivante qui nous poussent à nous nourrir, à nous reproduire et à vivre.
Son âge, ses fréquentations, les circonstances de sa vie sentimentale, tout l’y poussait. […] Il pleuvait doucement sur les marbres brisés, sur les fleurettes poussées aux fentes des ruines. […] De rares pins y poussent, rabougris, ou même tout à fait contre terre, en guise de buissons. […] Et du corps du jeune homme un cyprès a poussé ; une roseraie a poussé du corps de la jeune fille. […] — Mon fils, l’herbe a poussé sur la tombe.
On ne peut pousser plus loin les preuves du sentiment chez les végétaux. […] L’ail poussé dans les céréales communique son goût à la farine et au pain, comme il arrive en France et en Brabant. […] Alors, il poussait une plainte dont l’accent déchirant vibre encore dans mon oreille et la convulsion le soulevait. […] Poussé à l’extrême, ce type est déplaisant. […] Les femmes poussent l’esprit d’imitation jusqu’au délire.
Mais ces paradis du poète ne poussent pas spontanément sur la vie des capitales, et les vrais paradis baudelairiens, les paradis artificiels, ceux du haschisch, de l’opium, de l’alcool seraient plutôt incorporés à leur enfer. […] C’est vers la même époque que Flaubert, poussé par une destinée pareille, vient à Paris pour y absorber sans appétit les Pandectes et le Code Napoléon. […] Cette fois, dans l’Algérie encore neuve de 1847, il se nourrit de lumière et de pittoresque africains, pousse loin vers le Sud, à Constantine, à Biskra, où il apprend les événements de février 1848. […] J’entends le style fait, achevé, poussé dans la grande voie traditionnelle de la prose française. […] Ayant saisi farouchement Madeleine, Dominique lâche prise lorsqu’il l’entend pousser un cri d’agonie, le cri d’un être qui va mourir.
Ce serait pousser les choses à l’excès. […] Si vous êtes poussé, vos apologies, plus timides que modestes, ne provoquent pas de réponse. […] Il a eu du politique tout au moins certaines qualités poussées très loin, la patience, l’audace, la modération. […] Pasteur poussait cette peur jusqu’à la souffrance. […] Il n’y a qu’une mère sans entrailles pour pousser ainsi son enfant au danger.
On dit : Qu’est-ce qui a poussé ce gémissement ? […] Auprès de la porte de la ville, on voit les ruines d’un château, dans lequel, si l’on en croit la tradition populaire, le comte René de Chalans, poussé par les fureurs de la jalousie, laissa mourir de faim, dans le quinzième siècle, la princesse Marie de Bragance, son épouse : de là le nom de Bramafan (qui signifie cri de la faim) donné à ce château par les gens du pays. […] Remarquez ce petit buisson de roses ; c’est le rosier sans épines, qui ne croît que sur les hautes Alpes ; mais il perd déjà cette propriété, et il pousse des épines à mesure qu’on le cultive et qu’il se multiplie. […] Le Lépreux ferma la porte et en poussa les verrous.
Bossuet et Fénelon étaient trop engagés dans la religion pour pousser les spéculations philosophiques jusqu’au point où elles prétendent tout résoudre, où elles nous donnent à choisir entre les vérités qui leur sont propres et les vérités de la foi. Et quant à Leibniz, il était trop engagé dans la philosophie pour pousser la science de la foi jusqu’au point où elle rend superflues, si même elle ne les trouve impies, les spéculations de la religion naturelle. […] On y sent à la vérité le sérieux d’un esprit qui n’a jamais été médiocrement touché des vérités morales, et que la première ardeur d’une conversion récente pousse à défendre la foi, avant même de l’avoir approfondie. […] Pour peu qu’on le pousse, il va faire des ignominies de cette morale une affaire d’honneur ; et n’y a-t-il pas péril à offenser, dans la personne d’un de ses membres, une société qui permet de tuer pour une pomme ?
Le vieillard à barbe grise, le serviteur indigne, croyant qu’il a affaire à un sot, le pousse hors de l’église d’un ton bourru. […] Sous l’évocation, elle pousse des gémissements et des cris de détresse comme dans un cauchemar. […] Kundry pousse un grand cri et tombe sur le sol changé en désert aride. […] Car, ce qui le poussa à écrire des ouvrages philosophiques, ce fut la conviction d’une profonde révélation dont il sentait que les Hindous et le Christianisme avaient parlé. — Mais, comment l’exprimer ?
Wundt objecte à Darwin que les jeunes enfants poussent des cris violents sans verser une larme. […] Une même cause, agissant sur plusieurs animaux à la fois, leur fait par exemple pousser un même cri d’alarme ; la peur et le cri entendu finissent par s’associer machinalement : cette association même, grâce à la survivance des mieux doués, devient organique et héréditaire : à la fin, la seule audition du bruit d’alarme suffit donc à éveiller machinalement le sentiment de l’alarme elle-même. — Sans nier ici l’influence de l’habitude et de l’hérédité, nous croyons que cette explication de Spencer demeure encore trop extérieure : il y a une liaison intime, à la fois physiologique et psychologique, entre le cri de détresse et la détresse même. […] Quand on pousse un long cri dans l’oreille d’une poule, elle tombe comme morte, et si on place son cou sous son aile, elle demeure longtemps immobile. […] L’enfant, réclamant sa nourriture en éprouvant une souffrance quelconque, a d’abord poussé des cris aigus, comme les petits de la plupart des animaux, en partie pour appeler ses parents à son aide, en partie parce que ces cris constituent eux-mêmes un soulagement.
Quand donc une action dérive de notre caractère, nous n’en voyons pas toujours pour cela l’origine dans notre moi ; nous nous sentons poussés par le dedans, mais toujours poussés. […] On peut seulement dire qu’alors, malgré la contrainte interne, il y a déjà l’apparition d’un ordre de choses différent de ce mécanisme grossier où le premier terme pousse, sans le savoir, un second terme mû sans le savoir. […] Psychologiquement, les idées provoquent ce qu’on appelle le retour sur soi, la concentration et la possession de ses forces : on « rentre en soi-même », au lieu de se laisser pousser par le dehors et vers le dehors.
Machiavel est peut-être l’historien qui a poussé le plus loin la confiance dans les ressources du génie humain, lui qui enseigne si bien l’art de réussir à tout prix et par l’emploi des plus détestables moyens. […] Tandis que les historiens anciens ne les voyaient et ne les représentaient que dans l’indépendance de leur action politique, ou bien que dans l’originalité de leur œuvre esthétique ou scientifique, les historiens modernes les voient et les représentent sous l’influence et la pression des idées et des choses de leur temps et de leur pays ; ils nous les montrent comme ne faisant qu’exprimer et personnifier les sentiments, les passions, les idées, les intérêts des peuples, des classes, des partis qui les inspirent, les poussent et les soutiennent sur la scène qu’ils occupent. […] « J’ai absous la victoire, a dit Victor Cousin, comme nécessaire et utile ; j’entreprends maintenant de l’absoudre comme juste dans le sens le plus étroit du mot ; j’entreprends de démontrer la moralité du succès… Il faut prouver que le vainqueur non-seulement sert la civilisation, mais qu’il est meilleur, plus moral, et que c’est pour cela qu’il est vainqueur. » Hegel avait poussé l’impartialité philosophique de son système jusqu’à expliquer, devant les compatriotes de Fichte et de Blücher, comment les victoires de Napoléon avaient servi la cause de la civilisation moderne en propageant à la suite de ses armées les idées de la révolution française. […] Il nous faut aujourd’hui l’échafaud de celui-ci, demain nous aurons besoin de cet autre, et dans cette voie, sans chercher l’excuse de la passion, notre fatalisme historique nous pousse à une cruauté qui serait risible, si elle n’offensait à ce point la nature humaine.
Sa santé est affaiblie, et il est obligé à beaucoup de soins ; toutefois il travaille et travaillera jusqu’à la fin ; il entreprend des réfutations, il conseille et presse des condamnations de doctrines ; il pousse et stimule par son zèle les prélats les plus influents, se chargeant du principal en toute chose et souffrant que, si les honneurs en sont aux autres, la charge roule en effet sur lui. […] Les travaux critiques de Richard Simon sur l’Ancien et le Nouveau Testament, ses interprétations tout historiques et hardies sous forme littérale, et les explications philosophiques qui y étaient en germe, lui firent surtout pousser le cri d’alarme et l’occupèrent durant toutes ses dernières années : il travailla jusqu’au dernier moment à le réfuter, à le faire condamner, à faire supprimer ses livres par l’autorité ecclésiastique et séculière.
» — Le lendemain (11 février), il est aussi heureux ; il pousse à gauche, vers Montmirail, sur le général Sacken, isolé à son tour, mais qui a avec lui 20000 hommes. […] Napoléon, tenant toujours Blucher en respect par un de ses maréchaux, pousse à fond sur les lieutenants séparés de leur chef ; c’est le combat de Château-Thierry (12 février).
Et de cette même ville de Trente, après des succès auxquels il ne manquait plus que la seconde expédition dans le Tyrol allemand pour atteindre à leur plein éclat, il écrivait à son père encore, plus ambitieux que lui et qui le poussait à tous les genres d’ambition : J’ai reçu votre lettre ; vous m’y supposez bien des qualités que je n’ai pas. […] Le malheur du jeune général que nous verrons sortir si brillamment victorieux, si intrépide et si habile dans les luttes prochaines où il n’était que lieutenant et en second, ce fut, à une certaine heure, d’avoir été poussé au premier rang, d’y être arrivé dans tous les cas trop tôt, et par le jeu des partis qui s’inquiètent peu de vous compromettre et de vous briser, pourvu que vous leur serviez d’instrument un seul jour.
Veuillot s’est montré le plus injuste, M. de Rémusat, me disait un jour, à propos de l’élection de l’abbé Lacordaire à l’Académie, sur laquelle je le poussais : « Que voulez-vous ? […] Est-il possible, en insistant avec vigueur, amertumeet satire (si surtout on en a le goût et le talent, si laverve vous pousse, si les doigts vous démangent sanscesse, si l’on porte jusque dans l’Univers beaucoup de son tempérament de Chignac), — est-il possible, dis-je, en arrangeant, ainsi son monde, de ne pas produire uneffet tout contraire à celui qu’on prétend chercher, dene pas instituer un combat à outrance, de ne pas rendre bientôt odieuses et la personne même de l’attaquant etjusqu’aux doctrines ?
Monmerqué, le plus instruit et le plus aimable des amateurs, le plus riche en documents, en pièces de toutes sortes, si au fait des sources et si porté à les indiquer, n’avait pas en lui l’esprit de critique et d’exacte méthode qui mène à terme et pousse à la perfection un travail de ce genre ; il fallait qu’un philologue de profession et à la fois ouvert à toutes les belles-lettres, un homme qui a fait ses preuves dans l’érudition antique la plus délicate et la plus ardue, et qui sait, à l’occasion, en sortir, apportât dans cette étude moderne les habitudes de la critique véritable et classique, pour que toutes les garanties, celles de la fidélité et du goût, se rencontrassent réunies : j’ai nommé M. […] Elle ne se paye pas de feintes et de faux-fuyants, elle pousse sa botte à fond ; elle lui fait sauter l’épée des mains, au moment où il ne s’y attend pas, elle le force à demander merci à genoux.
Les conseils des émigrés y poussaient. […] ils le connaissaient bien peu), un émigré français, le comte de Saint-Hilaire ; il le chercha et le battit à Monteilla dans une position fortifiée, gravissant des premiers à pied en tête de la colonne, à travers les neiges ; puis il poussa jusqu’à la Seu d’Urgel qu’il mit à rançon ; mais, faute d’artillerie, il dut s’arrêter devant la citadelle.
Cette manière de n’avoir égard à rien l’a poussé hors d’Angleterre et l’aurait, avec le temps, poussé aussi hors de l’Europe.
L’intendance de Montauban était une des moins faciles du royaume, parce que les commissaires des Grands Jours, établis dans les années antérieures pour réduire administrativement et judiciairement certaines provinces centrales où le désordre s’était depuis longtemps acclimaté et enhardi, n’avaient point poussé leurs recherches jusqu’à Montauban, et qu’il semblait que ce fût encore « un pays ouvert à la tyrannie des grands, à l’indépendance des peuples et aux malversations des juges. » M. […] Une lettre de Colbert (18 octobre 1680) dictait à Foucault sa ligne de conduite ; mais celui-ci n’avait pas besoin d’y être poussé : « Sa Majesté, était-il dit dans cette lettre que Colbert écrivait sans doute à contre-cœur, m’a ordonné de déclarer aux fermiers qu’elle voulait qu’ils les révoquassent (les commis qui étaient de la Religion) ; elle leur a donné seulement deux ou trois mois de temps pour exécuter cet ordre, et Sa Majesté m’ordonne de vous en donner avis et de vous dire, en même temps que vous pourriez vous servir de cette révocation et du temps qu’elle ordonne, pour les exciter tous à se convertir, Sa Majesté étant convaincue que leur révocation de leur emploi peut beaucoup y contribuer. » C’était la morale administrative avouée en ce temps là ; Foucault l’affiche et la professe avec la plus grande ingénuité dans ce Journal, écrit pourtant dans les premières années du xviiie siècle et sous la Régence.