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1056. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Que si quelque événement public venait à éclater et à faire vibrer les âmes, il y prenait part avec ardeur, avec élévation ; mais il aimait à rentrer aussitôt après dans ses studieux sentiers, du côté où était sa « ruche », toute remplie, comme il dit, d’un « poétique miel ». […] Mais, tout à coup, devant les yeux lui repasse l’image des horreurs publiques, et alors le sentiment vertueux et stoïque revient dominer le sentiment poétique et tendre.

1057. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

« Je signalerai seulement deux pièces dignes de mention parmi celles qui ont succombé : l’une, un dialogue extrêmement spirituel, et parfois poétique aussi, entre deux anciens camarades de collège, un poète et un banquier ; le sujet du concours y est traité un peu trop sans gêne, toutefois. […] Les aèdes, les homérides, sont les gens de lettres de cette poétique époque : nous y voyons l’homme de lettres antérieur à l’usage de l’écriture.

1058. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Clymène était déjà une des plus jolies juvénilités poétiques qui puissent être. […] L’auteur a fait intervenir, entre les quatre amis, dans Psyché, des discussions littéraires et poétiques, discussions, par exemple, sur la tragédie, sur la différence entre la tragédie et la comédie ; des discussions et des souvenirs de l’Astrée, un grand éloge encore de l’Astrée, etc.

1059. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Je n’aurais qu’à supposer que le soir ayant lu, avant de m’endormir, quelques pages des Analecta alexandrina, les auteurs eux-mêmes m’apparurent en songe, accompagnés de toute la foule des ombres poétiques dont le temps a dispersé les restes et nivelé les tombeaux.

1060. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

C’est après avoir ainsi retracé les victoires toutes républicaines de la première campagne d’Italie, que, jetant les yeux sur la France, alors si florissante et pourtant dévouée à de si prochains malheurs, il couronne son récit par cet éloquent épilogue, par cet hymne enivrant dont le ton poétique sied encore à la voix de l’histoire : « Jours à jamais célèbres, à jamais regrettables pour nous !

1061. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué.

1062. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Mais nous exagérons, il y a des théories littéraires, universelles et incontestables : Si nous recevons jamais du Kamtschatka ou des îles Orcades cette Poétique qu’attendait Voltaire, il y a à parier que nous nous entendrons avec son auteur sur les points suivants et sur quelques autres : les épigrammes doivent être courtes — la musique religieuse doit être grave — le dénouement d’une tragédie ne doit pas faire rire — celui d’une comédie ne doit pas faire trembler.

1063. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Augier, esprit solide et bourgeois, fait le vers en bon élève de Ponsard, qui serait nourri de Molière ; son style poétique a quelque chose de lourd, de pénible, rien du poète.

1064. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

J’y distinguais la grivoiserie, chose basse et chétive, et la sensualité, qui peut être chose poétique et belle.

1065. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

Pour aider à la définition de la poésie, la Vogue reproduisait l’Art poétique d’Horace, traduit en vers français par Jacques Peletier du Mans.

1066. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

Ainsi, il est évident que quand une philosophie aussi savante et aussi éloquente que celle de Job nous apparaît tout à coup avec le livre qui porte ce nom dans la Bible, cette sagesse, cette expérience, cette éloquence, ne sont pas nées sans ancêtres du sable du désert, sous la tente d’un Arabe nomade et illettré ; il est également évident que quand un poète comme Homère apparaît tout à coup avec une perfection divine de langue, de rythme, de goût, de sagesse, aux confins d’une prétendue barbarie, il est évident, disons-nous, qu’Homère n’est pas sorti de rien, qu’il n’a pas inventé à lui seul tout un ciel et toute une terre, qu’il n’a pas créé à lui seul sa langue poétique et le chant merveilleusement cadencé de ses vers, mais que derrière Job et derrière Homère il y avait des sagesses et des poésies dont ces grands poètes sont les bords ; littératures hors de vue, dont la distance nous empêche d’apprécier l’étendue et la profondeur.

1067. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Le dieu Faune l’a fait, La vache Io donna le lait : La Fontaine brille toujours dans cet usage plaisant et poétique qu’il fait de la Mythologie.

1068. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

« Tout ce que l’enfer peut vomir de plus faux — dit-il des Philippiques — y était exprimé dans les plus beaux vers, le style le plus poétique, et tout l’art et l’esprit qu’on peut imaginer. » Quand il arrive aux affreux passages où le Régent est accusé d’empoisonnement : « L’auteur — ajoute-t-il — y redouble d’énergie, de poésie, d’invocations, de beautés effrayantes, de portraits du jeune roi et de son innocence… d’adjurations à la nation de sauver une si chère victime, en un mot, de tout ce que l’art a de plus fort et de plus noir, de plus délicat, de plus touchant, de plus remuant et de plus pompeux… » Ce n’est pas tout.

1069. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

… Et les vieux murs, seraient-ce ces monuments d’un autre âge dont, antiquaire raffiné, il nous peint les ruines et le poétique abandon ?

1070. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Mais justement parce que c’était vrai, Ozanam n’avait pas besoin d’ajouter à ses preuves de la vie poétique du Moyen Âge cette grande individualité du Dante, solitaire et tombé du ciel comme tous les grands poètes, et qui sont, prenez-y garde !

1071. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Je lui rappelai ce qui donne à la Muse le plus magnifique accent qu’elle puisse avoir, c’est-à-dire l’inspiration chrétienne, qu’à tant d’endroits de ses œuvres a le dieu de sa génération poétique, notre grand et adoré Byron !

1072. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

C’est que cette plume, bonne pour la guerre et pour l’Histoire, pour l’histoire qui se fait ou pour l’histoire faite, n’est pas la plume du romancier, de l’homme de la nature humaine désintéressée, à l’observation suraiguë, à la grande bonhomie, à la rêverie poétique, qui est le fond indispensable du romancier.

1073. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

À travers la fumée des usines et des locomotives, j’ai entrevu, pour les curiosités du savoir, quelques antiquités sur les bords de l’Ohio et sur le plateau mexicain ; pour les plaisirs de l’imagination, une poétique nature, la chute du Niagara, les palmiers des Tropiques. » Chateaubriand nous en avait donné quelque idée… N’importe !

1074. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

Art poétique.

1075. (1895) Hommes et livres

Un sujet tragique n’est à ses yeux qu’une succession de thèmes poétiques. […] L’expression est poétique, mais le développement est éloquent. […] Si nous n’avons pas eu de Shakespeare, et si nous avons eu M. de Jouy, la faute en serait à la Poétique, et à ses commentateurs. […] Nous avons l’imagination logique et mathématique : il nous manque souvent l’imagination poétique pittoresque. […] De l’Art poétique interprété par deux ou trois générations d’écrivains polis, est sortie une gênante étiquette qui emprisonne la littérature, comme le savoir-vivre asservit la société.

1076. (1923) Nouvelles études et autres figures

Le plus ancien des grands poètes personnels nous atteste par son exemple que le génie poétique n’a rien à faire avec l’esprit bohème. […] Les Géorgiques de Virgile et l’Art poétique de Boileau nous offrent des modèles du genre. […] Nous savions que la Divine Comédie était comme la Somme poétique du Moyen Âge. […] « Chez nous, écrivait-il, on peut être proverbial sans être poétique. […] Le Jay, les Réflexions sur la Poétique d’Aristote de l’aimable P. 

1077. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

L’image résumée qui s’en dégage  quoique d’ailleurs plus d’un endroit des Confidences y contredise un peu  c’est quelque chose d’assez ressemblant à la vignette de certaines éditions anciennes des Méditations poétiques : un long poète sur un promontoire, les cheveux dans le vent, une harpe à son côté… Ce Lamartine de la légende, couvé sous les douze ailes croisées de sa sainte mère et de ses cinq anges de sœurs, dolent, pieux, féminin, la harpe de David appuyée contre sa longue redingote, nous offense presque par je ne sais quoi de trop suave, de trop angélisé, de fadement théâtral. […] En attendant qu’il retrouve un jour, par une inspiration divine, la musique aérienne des cheveux blonds (et ce seront les Méditations poétiques), il rêve, il lit les poètes, particulièrement le Tasse et surtout Ossian, qu’il considère comme un grand poète (il semble avoir voulu ignorer toute sa vie l’artifice de Macpherson). […] Lamartine mourut vigneron, grand vigneron, hanté par des rêves de vendanges démesurées  Au lieu qu’il faut presque aller jusqu’aux Feuilles d’Automne pour trouver, chez Victor Hugo, une vue directe de la nature, la terre, les eaux et les feuillages murmurent, chantent, fleurissent, ondoient et surabondent à toutes les pages de l’œuvre poétique de Lamartine, depuis les Méditations jusqu’à l’évangélique Histoire d’une servante, en passant par Jocelyn et la Chute d’un ange. […] C’est dans une pièce adressée à Mme Victor Hugo « en souvenir de ses noces » (Recueillements poétiques). […] Donc, il domine notre histoire poétique ; il ne s’y accroche ou ne s’y emboîte qu’imparfaitement.

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