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677. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

L’esprit humilié voit partout des idoles, On voudrait faire un choix de suaves paroles, Mais en vain, pour qu’à l’aise ils s’y posent en tas, La rêverie aux mots s’offre comme une branche. […] Ce poète débuta, rare et sensitif, avec un goût de l’exquis, du ténu, du fin et du très fin qui ne fit que s’accentuer jusque, pour s’y épanouir, aux Romances sans paroles.

678. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Les beautés de la melodie couloient encore d’une source particuliere, je veux dire du choix des accens ou des tons convenables aux paroles et propres par conséquent à toucher le spectateur. […] Voici ses paroles.

679. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Il reprend la parole avec le même calme : « Vous m’avez condamné, je vous le pardonne ; je m’y attendais, et je suis même plus étonné qu’il y ait eu tant de suffrages pour m’absoudre… Ô Athéniens ! […] Nous suivons Socrate de l’œil ; nous ne perdons pas un de ses mouvements, pas un de ses discours ; nous le voyons quand on lui amène ses deux enfants, quand il donne ses derniers ordres pour sa maison, quand il fait éloigner les femmes ; quand ses amis mesurent avec effroi la course du soleil, qui bientôt va se cacher derrière les montagnes, et quand la coupe fatale arrive, et lorsqu’avant de la prendre, il fait sa prière au ciel pour demander un heureux voyage, et l’instant où il boit, et les cris de ses amis dans ce moment, et la douceur tranquille avec laquelle il leur reproche leur faiblesse, et sa promenade en attendant la mort, et le moment où il se couche sur son lit dès qu’il sent ses jambes s’appesantir, et la mort qui monte et le glace par degrés, et l’esclave qui lui touche les pieds que déjà il ne sent plus, et sa dernière parole, et son dernier, et son éternel silence au milieu de ses amis qui restent seuls.

680. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Je voudrais que ces paroles fussent prises dans leur sens le plus littéral. […] Pas de phrases, point de paroles vaines et ornées ; partout la vérité des faits et l’éloquence des choses. […] Je voudrais, en vous répondant, prononcer des paroles souriantes et de bon augure. […] Voilà une sage parole. […] Saurai-je si mes paroles sont le pain qui entretient la vie ?

681. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

mots creux, paroles prétentieuses, vases d’ennui ! […] Les scrupuleux n’abandonnent à la destinée ni leurs actions, ni leurs paroles. […] Elle était, ma tante, un esprit réfléchi de femme, nourri, comme je l’ai dit, de hautes lectures et dont la parole, dans la voix la plus joliment féminine, une parole de philosophe ou de peintre, au milieu des paroles bourgeoises que j’entendais, avait une action sur mon entendement, et l’intriguait et le charmait. […] Voici d’abord les paroles de Monelle. […] les paroles du vieillard, tandis qu’il observe tristement ce frêle équilibre de sécurité !

682. (1864) Le roman contemporain

Voyant la garde nationale se déclarer contre elle, la parole de César à Brutus : « Et toi aussi !  […] La parole continue, vous le voyez, à appartenir à la politique, à l’histoire ; le roman l’a perdue. […] Je sais que ces paroles seront mal accueillies par M.  […] Je voudrais jeter sur l’obscurité de ces paroles la clarté d’un exemple. […] Le philosophe, avant de laisser la parole au poète, aurait bien dû nous indiquer le moyen d’atteindre ce triple but.

683. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Reviens à toi. » Mais en prononçant ces paroles, il serre un peu les dents et sa bouche se contracte. […] Arcadi Pavlitch parle d’une voix douce et flûtée : il a la prononciation lente et semble confier avec satisfaction à ses belles moustaches parfumées les paroles qu’il articule. […] — s’écria tout à coup Birouk d’une voix tonnante. — Ces paroles furent suivies d’un cri plaintif comme celui d’un lièvre… Une lutte venait de s’engager. — Non ! […] Sa voix ne tarda pas à se développer, et il entonna une chanson mélancolique. « Plus d’un sentier traverse la plaine. » Ces paroles produisirent une émotion générale. […] Le paysan à la souquenille se blottit dans le coin en secouant la tête et en murmurant des paroles inintelligibles.

684. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Leurs paroles sales sont toutes prises des parties du corps que la pudeur ne veut pas qu’on nomme ; et quand ils se veulent injurier, c’est en se disant des ordures de leurs femmes, quoiqu’ils ne les aient jamais ni vues ni entendu nommer, ou en leur souhaitant qu’elles commettent des infamies. […] Le roi, le voyant seul ferme à ne vouloir point boire de vin, le maltraitait souvent de paroles ; il lui donna même une fois quelques coups pour cela. […] Le roi ne leur dit point une parole, et ne les regarda seulement pas. […] On le fit, et ce capucin étant venu, il répondit, au nom de l’envoyé, « qu’il n’avait nul pouvoir de traiter, et qu’il n’était venu pour autre chose que pour faire un présent au roi, et pour demander la confirmation des priviléges accordés par le feu roi à la Compagnie, et confirmés par le roi régnant. » — Les ministres répondirent que « les premiers députés de la Compagnie, qui étaient venus l’an 1665, avaient donné parole, en recevant ces priviléges, qu’au bout de trois ans, il viendrait de nouveaux députés de la Compagnie, non-seulement apporter des présents, mais aussi faire un traité de commerce avec la Perse, et que c’était uniquement sur cette parole qu’on leur avait donné ces priviléges, et que le roi les avait confirmés au commencement de son règne. » Le premier ministre ajouta ces paroles: « Les Anglais ont les exemptions que vous demandez pour avoir mis Ormus dans les mains des Persans. […] Le premier ministre fit là-dessus une longue énumération « des bons traitements qu’on avait faits à tous les gens de la Compagnie et en faveur de leur commerce, depuis leur établissement en l’an 1664, qu’on les avait laissés trafiquer sans leur faire payer aucun droit, et qu’au lieu de tenir la parole que les premiers députés de cette Compagnie avaient donnée par écrit en son nom, on venait leur demander la continuation de ces faveurs sans rien offrir en échange. » Le conseil de l’envoyé répondit en promesses et en bonnes paroles.

685. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Quelque chose d’un comédien, d’un fou, d’un vigneron, avec une parole bizarre qui dramatise ce qu’elle conte, et parfois s’arrête, au milieu de ricanements troublants. […] Une voix éteinte, strangulée comme par l’extinction d’une parole usée et répandue depuis quarante ans. […] » Cela, mêlé de paroles amères, de paradoxes sauvages, de rampements amoureux sur l’herbe vers la jupe de la diva. […] Il faut un ou deux jours pour rentrer dans la pleine intimité de sa connaissance et retrouver la caresse de sa parole : « le cher » au lieu de « monsieur ». […] » ces gestes de componction triste, et ces paroles qui se plaignent avec des mots vides.

686. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

lorsque l’innocence opprimée embrasse la statue d’un dieu protecteur, trouvera-t-elle des paroles moins éloquentes pour attendrir ses juges ? […] Mais, pour l’honneur du goût de madame de Staël, on s’aperçoit très vite qu’elle prononce sur parole, et qu’elle ne connaît pas les écrivains dont il est question. […] Les parents, les amis de l’illustre mort, ses plus fidèles serviteurs, tous ceux qui avaient recueilli ses dernières paroles, étaient présents à ses funérailles. […] Fontanes avait prononcé ces mêmes paroles dans son discours pour la séance d’installation des Écoles centrales, quatre ans auparavant. […] Paroles de l’auteur.

687. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Mais il y en eut quelques-uns, ô Kami, qui, une fois l’enfant né, ne s’en occupèrent point, contrairement à la parole donnée. […] Nous avons affaire à un homme uniquement de parole et d’action, qui, par la parole et par l’action, a fondé la République. Vous appréciez sa parole et vous dites qu’elle fut diffuse et incorrecte. […] Prête attention à mes paroles. […] Transmettre les paroles de quelqu’un en n’en donnant que ce qui est selon nos intentions, sans s’occuper des siennes, c’est le trahir.

688. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Après le Napoléon du Consulat, le Napoléon de 1815 revenant de l’île d’Elbe avec des paroles de modération et de paix, et appelant à lui non seulement les hommes d’épée, ses vieux compagnons d’armes, non seulement les fonctionnaires de tout ordre, ses anciens serviteurs, mais les amis même de la Révolution et de la liberté, tous les hommes de la patrie, quelle que fût leur origine, ce Napoléon était le plus fait pour toucher et pour entraîner. […] Mais vous ne pouvez demeurer ici, je le vois avec douleur ; du reste, espérons que Dieu, qui vous a protégé au milieu de tant de batailles, vous protégera encore une fois » — Ces paroles dites, elle embrassa son fils avec une violente émotion.

689. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

Ceux qui ont la parole si prompte et si sûre sont tentés de rester un peu superficiels et de ne pas creuser les pensées. […] Celui qui se sent le don de la parole se persuade que le gouvernement de tribune est le meilleur, et il y tend ; et ainsi de chacun.

690. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

… oui, … j’aurais pu m’éloigner alors, me supprimer… » C’est là l’idée du moins, sinon les propres paroles, une idée de sacrifice, comme dans Jacques, et comme il est très possible qu’un mari tel qu’Alvise la conçoive. […] Ainsi, au premier acte, Cosima, qui n’entend parler depuis quelques jours, et à son oncle le chanoine, et à sa soubrette, que de son honneur à elle qu’Alvise son mari doit défendre, Cosima, ennuyée, excédée de cette surveillance qui la froisse comme femme de bien, et qui la tente comme toute fille d’Ève, s’écrie avec un sentiment douloureux d’oppression et en se dirigeant vers la fenêtre où elle apercevra peut-être l’ombre d’Ordonio ; « L’air qu’on respire ici depuis quelque temps est chargé d’idées blessantes et de paroles odieuses. » Si on murmure à une telle phrase au lieu d’applaudir, il faut renoncer, j’en demande pardon aux puristes du parterre, à faire parler la passion moderne au théâtre et à y traduire la pensée en d’énergiques images.

691. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Les paroles fortuites paraissaient redoutables à Pythagore. […] Dans les pays où l’on peut produire, par la parole, un grand résultat politique, ce talent se développe nécessairement.

692. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Le style déclamateur, qui sert si bien les idées fausses, est rarement admis par les Anglais : et comme ils donnent une moins grande part aux considérations morales dans les motifs qu’ils développent, le sens positif des paroles s’écarte moins du but, et permet moins de s’égarer. […] Les Anglais ont considéré l’art de la parole, comme tous les talents en général, sous le point de vue de l’utilité ; et c’est ce qui doit arriver à tous les peuples, après un certain temps de repos fondé sur la liberté.

693. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Vielé-Griffin, après quelques tâtonnements, écouta des cantilènes victorieuses dire les paroles de sa pensée, laissa toutes ses idées s’épanouir sans contrainte à la pleine joie du soleil. […] M. de Régnier, plus éloigné, plus tranquille, dit une parole aussi pénétrante mais sans se montrer jamais : il s’efface derrière les formes qu’il suscite et parle noblement de la tristesse avec une voix venue d’un tel horizon de songe qu’en nous faisant ressentir le poids de sa mélancolie il semble n’avoir jamais courbé le front sous elle.

694. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Le sage est ménager du temps et des paroles. […] La Fontaine prend l’air du doute, par respect pour l’écriture, dont ces paroles sont tirées.

695. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Platon disait, quand il ne rêvait pas, que la parole était supérieure à l’écriture parce qu’elle avait toujours là son père pour la défendre, et il avait raison. […] Demogeot est une nature oratoire, électrique, émue, déchirant un sujet sous sa parole avec ces beaux mouvements de griffes et ces grâces de lion qu’ont parfois les hommes qui savent parler, mais ce que nous savons, c’est que dans sa chaire, s’il est tout cela, il ne l’est pas dans son livre.

696. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

… Après ces paroles et la question ainsi posée, qui ne croirait que M.  […] … Le livre d’aujourd’hui est divisé en deux parties : la première est l’histoire discursive et critique des philosophes antérieurs et contemporains et de leurs systèmes, Descartes, Mallebranche, Spinosa, Newton, Leibnitz, Kant, Fichte, Schelling et Hegel, et dans un temps où la philosophie n’est plus que l’histoire de la philosophie, cette partie du livre, dans laquelle il y a l’habitude des matières traitées qui singe assez bien le talent, se recommande par l’intérêt d’une discussion menée grand train et avec aisance ; mais d’importance de sujet, elle est bien inférieure à cette seconde partie où l’esprit s’attend à trouver contre toutes les erreurs et les extravagances signalées par l’auteur dans toutes les philosophies, un boulevard doctrinal solide, et s’achoppe assez tristement contre ces infiniment petits philosophiques : — le déisme de la psychologie et ses conséquences inductives et probables, ce déisme dont Bossuet disait, avec la péremptoire autorité de sa parole, « qu’il n’est qu’un athéisme déguisé ! 

697. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Il croit à la morale par elle-même, et il y croit si dru qu’il n’est pas du tout frappé comme il devrait l’être de ce grand fait qui se retourne contre sa pauvre morale, la soufflète et la convainc d’impuissance, — le contraste qui existe et n’a pas cessé d’exister à la Chine entre la moralité enflée ou sentimentale des paroles et la scélératesse des actes ! […] Quant aux détails chinois du livre, ils sont pris à Duhald, au père Amyot, à Brosset, loyalement cités, du reste, et à notre courageux et impartial voyageur, le père Hue qui, lui, ne nous donna pas sur la Chine des idées de troisième main… Il y a bien ici par là deux ou trois manières assez inconvenantes de parler du christianisme et de son divin fondateur qui étonnent et détonnent dans l’auteur, athée discret qui surveille sa parole tout en laissant passer sa pensée, et qui, quoique badaud d’opinion, a quelquefois le sourire fin… M. 

698. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Enveloppé dans la grande parole de Leibnitz : le passé est gros de l’avenir , comme dans un talisman de vérité, il a cherché dans le passé la clef du difficile problème qu’on pose en ce moment, comme un sphinx qui le garderait au seuil d’une société à reconstruire. […] Du reste, qu’on ne se méprenne pas sur nos paroles et sur la sympathie que nous exprimons pour le livre de F. 

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