/ 3528
1102. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Aussi, quand l’Avenir parut après Juillet, beaucoup d’honnêtes gens s’étonnèrent, comme d’une volte-face, de ce qui n’était que la conséquence naturelle d’une doctrine déjà manifeste, une évolution conforme aux circonstances nouvelles qu’avait dès longtemps prévues l’œil du génie.  […] L’âge des emportements et des passions survint ; il le passa, à ce qu’il paraît, dans un état, non pas d’irréligion (ceci est essentiel à remarquer), mais de conviction rationnelle sans pratique. […] Dès 1807, nous voyons paraître de lui une traduction exquise du Guide spirituel, petit livre ascétique du bienheureux Louis de Blois ; la préface, aussi parfaite de style que tout ce que l’auteur a écrit plus tard, respire un parfum de grâce céleste, une ravissante fraîcheur de spiritualité. […] Si mes craintes se réalisent, mon parti est pris, et je quitte la France en secouant la poussière de mes pieds. » Le lendemain, il écrivait encore au même : « Je regrette bien de ne pouvoir savoir, avant de partir, ce que tu penses du projet, qui me paraît renfermer la plus vexatoire, la plus sotte, la plus impolitique et la plus odieuse de toutes les lois. […] Mais l’action lui parut un devoir, il se l’imposa, et il attribue à l’effort violent qu’elle exige de lui l’espèce d’irritation, d’emportement involontaire, qu’on a remarqué en plusieurs endroits de ses ouvrages, et qu’il est le premier à reconnaître avec candeur.

1103. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Il mêlait dans une admiration, dans une apothéose qui peut paraître même aujourd’hui singulière par l’assemblage, M. […] Nisard se préparait au rôle qu’il occupe, en terminant son ouvrage sur les poëtes latins, dont autrefois les premiers portraits avaient paru dans la Revue de Paris. […] » Mais il paraît bien, d’après mon ami, que le sens véritable est : « Il faut que celui-là pleure, qui veut me fléchir par sa plainte ; » ce qui est beaucoup moins ridicule. […] Nisard sur le seizième siècle, poésie et prose, ne diffèrent pas autant des nôtres qu’il paraît le croire, et que le premier aspect de ses jugements semble le signifier. […] Comme je tiens à ne point paraître vouloir flatter même un mort, ni vouloir encore moins blesser, sans raison, des vivants, j’expliquerai toute ma pensée : je n’ai prétendu ici que relever chez M.

1104. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Lorsque parut Andromaque, on reprocha à Pyrrhus un reste de férocité ; on l’aurait voulu plus poli, plus galant, plus achevé. […] Depuis Andromaque, qui parut en 1667, jusqu’à Phèdre, dont le triomphe est de 1677, dix années s’écoulèrent ; on sait comment Racine les remplit. […] Rien de cette impatience ni de cette difficulté à se contenir ne paraît avoir troublé le long silence de Racine. […] J’aurais plus d’un point à modifier aujourd’hui dans mon premier jugement ; il a commencé à me paraître moins juste, quand des continuateurs exagérés me l’ont rendu comme dans un miroir grossissant. […] Il nous paraissait qu’Athalie aurait été plus belle, s’il y avait eu les grandes statues dans le vestibule, le bassin d’airain, etc.

1105. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

On pourrait excuser sur les mœurs de ce siècle une circonstance qui paraît démentir la gravité du caractère de Côme de Médicis : mais lui-même dédaigna une pareille apologie, et, reconnaissant les erreurs de sa jeunesse, il voulut réparer auprès de la société l’atteinte qu’il avait portée à des règlements salutaires, en s’occupant avec intérêt de donner à son fils illégitime des principes de vertu et une existence honorable. […] Quoi qu’on puisse penser de l’exactitude d’un pareil jugement, il est certain qu’il y a dans ce poëme beaucoup de passages qui paraissent fortement appuyer cette opinion. […] Ordinairement, c’est l’amour qui fait les poëtes ; mais, chez Laurent il paraît que ce fut la poésie qui fit naître l’amour. […] ) Dans ses traits enchanteurs la mort paraissait belle. […] Il paraît incontestable que le cœur de Laurent n’eut aucune part à la conclusion de ce mariage, à en juger par la manière dont il s’exprime à ce sujet dans ses Mémoires, où il nous apprend qu’il prit ou plutôt qu’on lui donna Clarice Orsini pour femme 19.

1106. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Sarcey  Sa plaisanterie vous paraît grosse ? […] Il paraîtrait qu’il n’a jamais célébré la création que pour s’élever tout de suite au créateur. […] Et cela parut prodigieusement original. […] L’Arlésienne leur paraît délicieuse. […] Sarcey : il m’a paru qu’il n’était que juste de le rappeler.

1107. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

La France me paraît de plus en plus un pays voué à la nullité pour le grand œuvre du renouvellement de la vie dans l’humanité. […] D’ailleurs, je vous l’ai dit, mon ami, telle est ma position intellectuelle, que je puis paraître telle chose à celui-ci, telle chose à celui-là, sans rien feindre, sans que l’un ni l’autre se trompe, grâce au joug de la contradiction dont je me suis débarrassé pour un temps. […] Mais je voulais tout faire gravement et lentement, d’autant plus qu’une réaction dans un avenir plus ou moins éloigné ne me paraissait pas improbable. […] La réalisation de ce projet me paraît au moins bien ajournée… Adieu, bon et cher ami, pardonnez-moi de ne vous avoir parlé que de moi. […] Les résultats paraîtraient triomphants aux orthodoxes et surtout le premier, à savoir que le christianisme n’a guère été attaqué jusqu’ici qu’au nom de l’immoralité et des doctrines abjectes du matérialisme, par des polissons, en un mot.

1108. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

C’est conserver étourdiment l’esprit d’un temps où régnaient cette haine de la chair, ce mépris de l’amour que le christianisme naissant paraît avoir puisés dans le spectacle des voluptés impures de la décadence païenne. […] Or, un jour vint (c’était hier, au xviiie  siècle) où, par un heureux contrecoup des persécutions aussi atroces qu’inutiles exercées au nom de la religion, grâce aux efforts des philosophes et de Voltaire en particulier, cette ancienne vertu parut sauvage, horrible, souillée du crime de lèse-humanité. […] C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée. » Bientôt paraît Tartufe, et la fausse dévotion est si bien le vice de cette seconde moitié du xviie  siècle que La Bruyère, vingt ans plus tard, peindra sous le nom d’Onuphre un Tartufe retouché et affiné. […] Dans les moments de ferveur religieuse la prédication a des triomphes qui paraissent surnaturels ; des paroles tombées du haut de la chaire se traduisent aussitôt en actes passionnés ; ainsi, à la voix puissante de Savonarole, jeux, danses, tableaux et statues profanes disparaissent de la légère et païenne Florence et toutes les vanités mondaines sont brûlées solennellement sur la grande place, en compagnie du seigneur Carnaval, par une population fanatisée. […] Zola ; la déchéance et la mort de Coupeau dans les convulsions du delirium tremens leur ont paru être une illustration saisissante des dangers de l’ivrognerie.

1109. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Dans un recueil des Discours et rapports lus aux séances de l’Académie française (1840-1849), qui vient de paraître, je retrouve un excellent morceau de M.  […] Que dirait-on d’un homme qui, donnant des Réflexions sur le Théâtre-Français, dirait : « En tel temps il parut une tragi-comédie intitulée Le Cid, qui était, je crois, de Pierre Corneille ? » En lisant les Observations de Malesherbes, restées inédites de son vivant et qui ne parurent qu’en 1798, on sent partout un homme modeste, instruit, qui est sur son terrain et qui ne fait que le défendre comme il doit, en accueillant un peu vertement l’homme supérieur, qui jette un coup d’œil général et qui tranche. […] Le livre avait paru quand M. de Malesherbes fut averti du scandale à la fois par un de ses subordonnés et par la clameur publique. […] Ces paroles nous peignent, ce me semble, M. de Malesherbes dans toute l’habitude de sa vie : naturel avant tout, bonhomme, simple, sensé, vif de franchise jusqu’à paraître un peu brusque.

1110. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Nous percevons le monde matériel, et cette perception nous paraît, à tort ou à raison, être à la fois en nous et hors de nous : par un côté, c’est un état de conscience ; par un autre, c’est une pellicule superficielle de matière où coïncideraient le sentant et le senti. […] Cette idée, hypothétique dans tous les cas, nous paraît même prendre une rigueur et une consistance particulières dans la théorie de la Relativité, entendue comme il faut l’entendre. […] Or on ne saurait superposer des durées successives pour vérifier si elles sont égales ou inégales ; par hypothèse, l’une n’est plus quand l’autre paraît ; l’idée d’égalité constatable perd ici toute signification. […] Bornons-nous ici à faire remarquer que l’opération a beau paraître savante, elle est naturelle à l’esprit humain ; nous la pratiquons instinctivement. […] Ils diront : « Le temps qui est pure durée est toujours en voie d’écoulement ; nous ne saisissons de lui que le passé et le présent, lequel est déjà du passé ; l’avenir paraît fermé à notre connaissance, justement parce que nous le croyons ouvert à notre action, — promesse ou attente de nouveauté imprévisible.

1111. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Duclos répond par un éclat de rire, et se refuse d’abord à croire à la duperie de tant de gens plus ou moins considérables qu’on a nommés : Il me répondit, continue Duclos, que j’étais jeune et ne connaissais encore ni les hommes ni Paris ; que dans cette ville où la lumière de la philosophie paraît se répandre de toutes parts, il n’y a point de genre de folie qui ne conserve son foyer, qui éclate plus ou moins loin, suivant la mode et les circonstances. […] Au café Procope, Duclos l’emporta bientôt sur Boindin : « Je partageais avec lui, dit-il, l’attention de l’auditoire, qui m’affectionnait de préférence, parce que Boindin avait la contradiction dure, et que je l’avais gaie. » Mais dans le monde, et à la longue, la contradiction de Duclos parut dure à son tour et sèche, bien qu’elle réussît. […] L’Histoire de la baronne de Luz, qui parut en 1740, et Les Confessions du comte de…, publiées l’année suivante, eurent beaucoup de succès ; ces ouvrages ont perdu tout agrément aujourd’hui. […] Je n’étais embarrassé que sur le choix… (Et après l’exposé de son idée d’imaginer une histoire sur les estampes :) Je ne sais, mon cher public, si vous approuvez mon dessein ; cependant il m’a paru assez ridicule pour mériter votre suffrage ; car, à vous parler en ami, vous ne réunissez tous les âges que pour en avoir tous les travers : vous êtes enfant pour courir après la bagatelle ; jeune, les passions vous gouvernent ; dans un âge plus mûr, vous vous croyez plus sage parce que votre folie devient triste ; et vous n’êtes vieux que pour radoter… Duclos n’avait pas tout à fait l’ironie de Platon : la sienne est rude et presque brutale. […] Tout ceci était à l’adresse de ceux dont il devait plutôt, dans l’habitude de la vie, paraître le complice et l’allié ; et, grâce à ces passages significatifs, il a pu dédier la seconde édition de son livre à Louis XV. — « Le roi sait que c’est un honnête homme », disait de Duclos Mme de Pompadour. — « Oh !

1112. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Le Rouge et le noir, intitulé ainsi on ne sait trop pourquoi, et par un emblème qu’il faut deviner, devait paraître en 1830, et ne fut publié que l’année suivante ; c’est du moins un roman qui a de l’action. […] Il avait pour ce commencement de roman un exemple précis, m’assure-t-on, dans quelqu’un de sa connaissance, et, tant qu’il s’y est tenu d’assez près, il a pu paraître vrai. […] Dans le cas présent, dans Le Rouge et le noir, Julien, avec les deux ou trois idées fixes que lui a données l’auteur, ne paraît plus bientôt qu’un petit monstre odieux, impossible, un scélérat qui ressemble à un Robespierre jeté dans la vie civile et dans l’intrigue domestique : il finit en effet par l’échafaud. […] Je sais bien que Beyle a posé en principe qu’un Italien pur ne ressemble en rien à un Français et n’a pas de vanité, qu’il ne feint pas l’amour quand il ne le ressent pas, qu’il ne cherche ni à plaire, ni à étonner, ni à paraître, et qu’il se contente d’être lui-même en liberté ; mais ce que Fabrice est et paraît dans presque tout le roman, malgré son visage et sa jolie tournure, est fort laid, fort plat, fort vulgaire ; il ne se conduit nulle part comme un homme, mais comme un animal livré à ses appétits, ou un enfant libertin qui suit ses caprices.

1113. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru, s’ils paraissent un jour, l’époque et celui qui en était l’âme, nonobstant les justes restrictions, n’en sortiront pas diminués. […] Il paraît qu’il règne beaucoup d’ardeur dans votre armée, et qu’on se dispose à la descente comme à une victoire assurée. […] Daru au courant des travaux littéraires de chacun : Picard, lui écrivait-il en mai 1807, fait une comédie qui me paraît une belle conception (Les Capitulations de conscience). […] Je roule dans ma tête un sujet qui, suivant l’usage, me paraît le plus beau qui se soit présenté à moi. […] Ce dernier ouvrage, qui avait fait époque au commencement du siècle, n’avait point été compris dans la désignation pour les prix décennaux, et l’Empereur avait paru s’en étonner.

1114. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Ainsi finit au comble de sa gloire, dit-il, non seulement le plus grand homme de guerre de ce siècle et de plusieurs autres, mais aussi le plus homme de bien et le meilleur citoyen ; et, pour moi, j’avouerai que, de tous les hommes que j’ai connus, c’est celui qui m’a paru approcher le plus de la perfection. […] Cette passion de La Fare était moins sérieuse qu’elle ne le paraissait : Il y avait plus de coquetterie de ma part et de la sienne (de celle de la marquise) que de véritable attachement. […] Il y a souvent en l’homme un défaut dominant et profond, un vice caché qui se dissimule, qui est honteux de paraître ce qu’il est, qui aime à se déguiser dans la jeunesse sous d’autres formes séduisantes, à se donner des airs de noble et belle passion : attendez les années venirt, le vice caché va s’ennuyer des déguisements et des détours, ou si vous l’aimez mieux, il va hériter de ces autres passions plus faibles et éphémères qui se jouaient devant lui ; il va les dévorer et grossir en les absorbant en lui-même et les engloutissant : alors on le verra se démasquer tout à la fin et se montrer crûment sans plus de honte, laid, difforme, et, pour tout dire, monstrueux. […] Quand on a eu le plaisir de vivre avec vous, toutes les autres compagnies paraissent fort insipides ; je ne trouve presque partout où je vais que de languissantes conversations et de froides plaisanteries, bien éloignées de ce sel que répandait la Grèce, qui vous rend la terreur des sots. […] [NdA] Il s’agit d’Hermias, un moment roi d’Atarnée en Mysie, disciple et ami d’Aristote, et qui, venu tard et resserré dans un cadre étroit, paraît avoir eu des vertus héroïques.

1115. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Il ne parut tout à fait à son avantage aux yeux de tous qu’après la campagne de 1667 ; sa politesse auparavant était parfaite, mais toute cérémonieuse et en révérences : ce ne fut qu’à partir de ce moment que sa langue se délia en public et avec les dames, et qu’il entama et soutint la conversation d’une manière aisée, comme un autre homme : la remarque est d’un bon juge et bien délicat, Mmede Longueville. […] Il faut l’entendre, avant tout, parler de la chose sur laquelle il a le plus droit d’être écouté, de celle qu’il a le mieux sue et qu’il avait le plus à cœur de posséder et de faire dignement, l’office et la fonction de la royauté ; soit qu’il songe à son fils dans ses instructions, soit que plus tard il s’adresse à son petit-fils partant pour régner en Espagne, il excelle à définir dans toutes ses parties ce personnage qu’il a su le mieux être, qu’il a été le plus naturellement et comme par une vocation spéciale, le personnage de souverain et de roi. il faut l’entendre encore dans cette Conversation devant Lille (qui se lit dans les Œuvres de Pellisson), parlant dans l’intimité, mais non sans quelque solennité selon sa noble habitude, de son amour pour la gloire, du sentiment généreux qui l’a poussé à s’exposer et à paraître à la tranchée et à l’attaque comme un simple mortel, comme un soldat : « Il n’y a point de roi, pour peu qu’il ait le cœur bien fait, disait-il, qui voie tant de braves gens faire litière de leur vie pour son service, et qui puisse demeurer les bras croisés. » On retrouve là à l’avance, dans la bouche du monarque, quelques-unes des belles pensées de Vauvenargues sur la gloire, avec un peu plus d’emphase, mais non moins de sincérité. […] Rousset nous fait si heureusement profiter, me paraît être bien plus dans le vrai quand il nous montre Louis XIV, toutes les fois qu’il dicte ou qu’il écrit, « parlant en roi passionné pour la gloire, appliqué à ses affaires, qui agit par lui-même, qui prend connaissance et qui juge sainement de tout, et qui n’est pas tellement conduit par ses ministres qu’il n’influe beaucoup dans leurs résolutions, par son attention a les examiner et sa fermeté à les soutenir. » Cette conclusion mesurée est moins piquante que l’autre, qui suppose un Louis XIV. toujours maître et souverain en idée, et en réalité toujours dupe. […] » Ce mot proféré par Louis XIV, au plus beau moment de sa jeunesse et dans la plus grande ivresse de la conquête, me paraît répondre dignement à un autre mot prononcé par lui au moment le plus triste et le plus critique de son règne, sous le coup des plus grands désastres. […] Mais, comme phénomène non moins mémorable, il remarque que « dans les diverses classes et jusque dans les rangs les plus élevés de l’ordre social, des hommes se sont produits qui en ont rassemblé en eux tous les traits caractéristiques, au point d’identifier leur nom avec l’idée même de ces rangs et de ces classes, et d’en paraître comme la personnification vivante. » Et il cite pour exemple Louis XIV, que la Nature créa, dit-il, l’homme souverain par excellence, le type des monarques, le roi le plus vraiment roi qui ait jamais porté la couronne.

1116. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Car vous noterez encore que ce qui paraît un tour de force n’en est pas un pour lui : on croirait que ce style savant et dont chaque mot a sa valeur de ton est des plus travaillés, il est improvisé et facile ; il coule de source. […] M. de Rougé a paru content. […] En exécutant enfin ce Capitaine Fracasse dont il avait, il y a quelque vingt-cinq ans, donné le simple titre à son libraire, il a tenu encore une gageure des plus difficiles, laquelle consistait à composer un roman presque pastiche qui parût suffisamment de la date ancienne où la scène se passe, et qui eût en même temps ce je ne sais quoi de frais et de neuf, indispensable signature de toute œuvre moderne. […] Il paraît assez clairement que le romancier n’est pas pressé, qu’il ne tend pas au but. qu’il tourne le dos à cette forme de récit courante et naturelle qui n’intéresse que par le fond et qui se fait oublier. […] Manon Lescaut lui paraît trop simple, j’en suis sûr, et, telle qu’elle est, ne le tente pas.

1117. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Sa pension, dont on a tant parlé, lui était, à ce qu’il paraît, fort mal servie. […] Quand il plaisait à celui-ci de ne pas la payer (et il paraît que cela lui plaisait assez souvent), elle se reluisait à zéro. Chapelain ne perdait aucune occasion ce revenir à la charge, de faire valoir son ami, ou de l’excuser quand le cardinal s’impatientait de ne voir rien venir de ce fameux Dictionnaire, dont la première édition devait mettre encore plus de cinquante ans à paraître Chapelain à M. de Bois-Robert. […] Le livre de Vaugelas qui parut en 1647, Remarques sur la Langue française, utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire, est un fort bon livre et qui dut être en effet fort utile à son heure, puisqu’il peut l’être encore à qui sait le bien lire aujourd’hui. […] Faites comme les autres, surtout quand les autres font bien ; ne vous opiniâtrez pas de gaieté de cœur à quelques fautes qui paraissent comme une tache sur de beaux visages.

1118. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Il paraît bien, au reste, que William Cowper, avec ses vers sans rime et qui tiennent de la manière un peu forcée de Milton, n’a pas mieux réussi de son côté à rendre, non plus la continuité, mais la rapidité du fleuve homérique21. […] Sa Correspondance ne me paraît pas avoir encore été recueillie et publiée comme elle le mérite. […] Ce livre, il est bon de le rappeler, soumis à une Commission et lu par chacun des membres qui la composaient, avait paru d’abord, et à l’unanimité, digne d’un de ces prix que l’Académie française a pour charge spéciale de décerner. […] Taine, comme ont paru le faire ceux même qui le défendaient le mieux, j’aurais essayé, en le prenant tel qu’il s’offre, de présenter et de faire valoir, moins encore en sa faveur que dans l’intérêt de l’illustre Compagnie, une seule considération que je crois digne d’être méditée. […] Ce volume a paru depuis viii.

1119. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Mme Roland avait péri le 9 novembre 1793 : Robespierre tombait le 9 thermidor (27 juillet 1794) ; moins d’un an après, dans l’été de 1795, parurent les Mémoires de Mme Roland ; ils avaient pour titre : Appel à l’impartiale Postérité par la citoyenne Roland, femme du ministre de l’intérieur ; ou Recueil des écrits qu’elle a rédigés pendant sa détention aux prisons de l’Abbaye et de Sainte-Pèlagie ; imprimé au profit de sa fille unique, privée de la fortune de ses père et mère, dont les biens sont toujours séquestrés. L’ouvrage ne parut d’abord que par parties ; il se vendait chez Louvet, l’un des Girondins échappés à la mort et qui, rentré à la Convention, s’était établi, avec sa Lodoïska, libraire dans la galerie de Bois, au Palais-Royal, autrement dit Maison-Égalité. […] L’idée récente encore et, pour ainsi dire, présente de son amie était si grande et si honorable, son image empreinte dans l’âme de tous les amis de la patrie et de l’humanité était si noble et si touchante, qu’il fallait, en quelque sorte, avoir pour elle un respect religieux et ne rien laisser paraître sous son nom qui pût mêler une idée de malignité d’esprit, de préventions et de petitesses féminines, à celle d’un si beau caractère, d’une telle virilité d’âme et d’un si auguste malheur. » Tel était le sentiment des contemporains immédiats, et il ne faut jamais le perdre de vue dans nos appréciations à distance. […] Toute altération d’un manuscrit de Mémoires, quelle que soit l’intention qui l’a inspirée, lorsqu’elle modifie la donnée fournie par l’auteur, la base de l’étude du moi humain, nous paraît un abus de confiance soit envers le mort qui ne peut protester, soit envers le public qui se trouve abusé. […] Dès que je suis libre, je remonte au cabinet commencer ou continuer d’écrire ; mais, quand le soir arrive, le bon frère nous rejoint ; on lit des journaux ou quelque chose de meilleur ; il vient parfois quelques hommes ; si ce n’est pas moi qui fasse la lecture, je couds modestement en l’écoutant, et j’ai soin que l’enfant ne l’interrompe pas, car il ne nous quitte jamais, si ce n’est lors de quelque repas de cérémonie : comme je ne veux point qu’il embarrasse personne ni qu’il occupe de lui, il demeure à son appartement ou il va promener avec sa bonne et ne paraît qu’à la fin du dessert.

1120. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Autrefois les eaux qui descendaient du massif des montagnes, habitées aujourd’hui par les Touareg du Nord, se réunissaient probablement pour former un fleuve que les Anciens paraissent avoir eu en vue sous le nom de Gir ou Niger (qui n’a rien de commun avec l’autre Niger) et qui n’est plus qu’un lit desséché. […] Les chemins du désert, de ce côté, paraissent sûrs. […] Les Touâreg se teignent la figure, les bras et les mains avec de l’indigo en poudre ; aussi, quoique blancs de peau, ils paraissent bleus. […] Les Arabes sont sobres ; mais relativement aux Touareg, ils paraissent de grands mangeurs et des Lucullus. […] Son grand ouvrage a paru à la fois en allemand et en anglais.

1121. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Dès que la porte de la rue s’ouvrait et qu’un visage paraissait à la grille, la jeune fille était debout, élancée, polie, prévenante pour chacun (comme si elle n’avait été élevée qu’à cela), recevant de sa main blanche les gros sous des paysans qui affranchissaient pour leur pays ou payse en condition à Paris. […] Une femme du grand monde, à laquelle il avait rendu de longs soins, avait paru l’accueillir, lui promettre quelque retour ; elle avait même semblé lui accorder, lui permettre sans déplaisir quelqu’un de ces gages qui ne se laissent pas effleurer impunément. […] Vers ce temps, un jeune homme, fils d’un riche notaire de l’endroit, pour lequel Mme M… avait eu en arrivant quelque lettre, mais qu’elle n’avait pas cultivé, parut désirer d’être présenté chez elle et d’obtenir le droit de la visiter. […] Des larmes d’impuissance, de jalousie, d’humiliation et de honte, brûlent ses joues, et, versées au dedans de son âme, y dévastent partout la vie, l’espérance, la fraîcheur des bosquets du ouvenir. — S’il entre pourtant, s’il a paru au seuil, en ce moment même, avec sa simple question habituelle, tête découverte et strictement poli, la voilà touchée ; tout cet assaut de fierté s’amollit en humble douleur, et le reste n’est plus. […] Christel ne quittait plus cette chambre ; on y avait placé à un bout son lit si modeste, qui, sans rideaux, sous un châle jeté, paraissait à peine.

1122. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Ce qui n’est que concis et ferme paraît grand ; ce qui, chez un autre, ne serait qu’un trait heureux, devient ici un éclair sublime. […] , et qui n’avait pas cinquante ans, est un modèle achevé ; je le citerais bien, si je ne craignais qu’avec notre besoin de couleurs il ne parût trop simple. […] Il parut même ignorer que le vieux cheikh Sadah était le chef de la révolte, et il l’accueillit comme auparavant. […] Je ne saurais dire combien me paraît intéressant tout ce chapitre par le jour qu’il jette sur le procédé politique de Napoléon, sur le point fixe de sa croyance supérieure (croyance en Dieu), sur son indifférence profonde pour les articles secondaires et sur l’importance extrême qu’il affectait pourtant d’y attacher, en un mot, sur la règle de conduite qu’il regardait évidemment comme la seule loi des chefs d’empire, puisqu’il nous l’expose en termes si nets et si peu voilés. […] Prétendre imiter le procédé de diction du héros qui sut abréger César lui-même, ce serait risquer d’être sobre jusqu’à la maigreur et de paraître tendu ou heurté.

1123. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

… J’admirais hier au soir la nombreuse compagnie qui était chez moi ; hommes et femmes me paraissaient des machines à ressort qui allaient, venaient, parlaient, riaient, sans penser, sans réfléchir, sans sentir ; chacun jouait son rôle par habitude : Mme la duchesse d’Aiguillon crevait de rire ; Mme de Forcalquier dédaignait tout ; Mme de La Vallière jabotait sur tout. […] J’engage les curieux à relire le passage qui commence par ces mots : « Dites-moi pourquoi, détestant la vie, je redoute la mort… » et qui finit par ces mots : « J’avoue qu’un rêve vaudrait mieux. » Un critique anglais, au moment où les Lettres parurent à Londres, remarquait avec justesse que Mme Du Deffand semble avoir combiné dans la trempe de son esprit quelque chose des qualités des deux nations, le tour d’agrément et la légèreté de l’une avec la hardiesse et le jugement vigoureux de l’autre. […] Le goût de son temps l’excédait : « Ce qu’on appelle aujourd’hui éloquence m’est devenu si odieux, que j’y préférerais le langage des halles ; à force de rechercher l’esprit, on l’étouffe. » Ses jugements littéraires, qui durent paraître d’une excessive sévérité dans le moment, se trouvent presque tous confirmés aujourd’hui. […] Il n’y a qu’un seul ouvrage qu’elle voudrait avoir fait, un seul, parce qu’il lui paraît, à tous égards, avoir atteint la perfection, et cet ouvrage est Athalie. […] et ceux qui paraissent modestes ne sont-ils pas doublement vains ?

/ 3528