Car le duc de Guise était un des plus grands personnages de son temps, avec des talents supérieurs auxquels il ne manqua que d’oser pour commencer dès lors la quatrième dynastie. […] Qui donc oserait soutenir que le principe démocratique, en vertu duquel tous les membres de la société doivent avoir des moyens égaux de se développer inégalement, s’est épanoui dans sa plénitude ? […] Il a peur d’être trop hardi ; il n’ose pas être franchement peuple. Le drame n’ose pas s’abaisser à la vie et au langage de tous les jours ; il reste historique et empanaché ; il parle en vers ; ses héros sont des grands de la terre ou des hommes à passions et à destinées extraordinaires, toujours des êtres d’exception ; la basse condition d’un Ruy Blas ou d’un Didier est voilée d’un manteau tissé d’images éclatantes.
Tous les animaux s’empressent de s’y rendre ; aucun n’oserait être en retard, aucun, excepté l’accusé Dom Renart qui se tient enfermé dans sa tanière ou forteresse de Malpertuis, attendant que l’orage soit passé. […] Grâce à cette diversion et au parti qu’en tire Grinbert le Blaireau, les affaires de Renart se raccommodent devant l’assemblée, si bien que le Connil, le timide Lapin, ose se mettre en avant, parler à son tour en sa faveur et se porter pour sa caution avec l’Âne.
Ce prélat parla, ce me semble, assez bien de Marivaux ; il le loua d’abord, non pas tant pour ses écrits que pour son caractère : « Ce n’est point tant à eux, dit-il, que vous devez notre choix, qu’à l’estime que nous avons faite de vos mœurs, de votre bon cœur, de la douceur de votre société, et, si j’ose le dire, de l’amabilité de votre caractère. » En venant aux ouvrages, il s’exprime plutôt comme par ouï-dire, afin de n’avoir point, lui homme d’Église, à se prononcer directement en ces matières légères de roman et de théâtre : « Ceux qui ont lu vos ouvrages racontent que vous avez peint sous diverses images, etc. […] Tous les contemporains, Voisenon, Marmontel, Grimm, s’accordent à dire que vers la fin, et sentant que son moment de faveur était passé, Marivaux était incommode et épineux dans la société par trop de méfiance ; il entendait finesse à tout ; « on n’osait se parler bas devant lui sans qu’il crût que ce fût à son préjudice ».
J’oserai dire la même chose de la guerre sans trêve que Bossuet a faite au protestantisme sous toutes les formes. […] Un orateur, je le sais, n’est pas une vierge ; la première condition de l’orateur, même sacré, est d’oser et d’avoir du front : mais quel front que celui de Bossuet !
On voit cependant qu’il n’aura rien d’austère, qu’il est de l’école scientifique fleurie qui se rattache à Fontenelle et à Mairan ; et, sans aller jusqu’à dire qu’il y a du petit goût dans Bailly, ce que son Histoire de l’astronomie démentirait, j’oserai affirmer (car on peut parler avec lui la langue des tableaux) qu’il y a un peu de mollesse dans ses couches de fond, et que, dans certaines vues de développement et de lointain qu’offre ce bel ouvrage, il y a des parties qui, à les presser, se trouveront plutôt élégantes et spécieuses que solides. […] Bailly s’en expliqua par lettre auprès de Voltaire, lequel répliqua à son tour et résista par toutes les raisons que le bon sens trouve au premier abord, et que le sien rendait si piquantes et si gaies ; il répugnait à admettre que l’âge d’or des sciences, et de l’astronomie en particulier, eût été se loger d’emblée en Sibérie : J’ose toujours, monsieur, vous demander grâce pour les brachmanes.
… Je n’ai osé décider cette question autrement qu’en pensant que c’était peut-être un écueil de voir et de considérer beaucoup les ouvrages des autres, ce qui peut détruire un bon germe. […] Marcotte, ce que Mme Walckenaer m’a dit souvent, que les soucis, les chagrins que l’on peut trouver dans l’état du mariage sont si vifs, qu’elle n’oserait conseiller à personne de prendre l’obligation si sérieuse d’élever une famille !
Il avait déjà dit, dans ses Lettres sur les Anglais, qu’on ne lisait plus Dante en Europe « parce que tout y était allusion à des faits ignorés : il en est de même d’Hudibras. » Mais dans une lettre adressée au Père Bettinelli, auteur des Lettres Virgiliennes, où Dante était traité assez lestement, Voltaire se découvrait encore davantage (mars 1761) : Je fais grand cas, écrivait Voltaire à ce littérateur italien, du courage avec lequel vous avez osé dire que le Dante était un fou, et son ouvrage un monstre. […] Il est plaisant que, même sur ces bagatelles, un homme qui pense n’ose dire son sentiment qu’à l’oreille de son ami.
Auguste l’appelait en riant le pompéien, et Tite-Live osa écrire du grand César « qu’il n’était pas bien certain si la chose publique avait plus gagné à ce qu’il naquît qu’elle n’aurait gagné à ce qu’il ne fût pas né. » Après la mort d’Auguste, il retourna à Padoue et y mourut vers l’âge de soixante-seize ans. […] Il a tout osé vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis d’eux.
Sur un point il reste mystérieux et n’ose se confier par lettre. […] On n’ose les montrer tels quels que depuis peu ; c’est Chateaubriand le premier qui a donné l’exemple pour Milton, — avec bien des fautes et des achoppements, mais dans la bonne voie 87.
Rousseau, dans le récit qui nous occupe, s’est attaché à montrer, durant une belle nuit d’été, le premier homme qui s’avisa de philosopher et de réfléchir, et il a prêté à cette philosophie naissante tout le charme, au contraire, de l’admiration et de la foi, toute l’ivresse d’un premier ravissement : Ce fut durant une belle nuit d’été que le premier homme qui tenta de philosopher, livré à une profonde et délicieuse rêverie et guidé par cet enthousiasme involontaire qui transporte quelquefois l’âme hors de sa demeure et lui fait, pour ainsi dire, embrasser tout l’univers, osa élever ses réflexions jusqu’au sanctuaire de la nature et pénétrer, par la pensée, aussi loin qu’il est permis à la sagesse humaine d’atteindre. […] En un mot, Rousseau ne fait dans ce morceau que mettre en action et commenter sous forme dramatique cette parole de la profession de foi du vicaire : « Oui, si la vie et la mort de Socrate sont d’un sage, la vie et la mort de Jésus sont d’un Dieu. » Et s’il conclut encore moins dans le songe que dans les pages de l’Émile, s’il n’éveille pas son philosophe pour tirer de lui un dernier mot, c’est qu’il n’a pas voulu le lui faire dire, c’est qu’il n’a pas osé conclure, et qu’il a reculé devant toute parole qui ne serait pas un hommage au Christ.
Osons donc : oser, d’ailleurs, est peut-être plus facile, plus convenable avec M.
A la fin, Bacchus impatienté dit au jeune Faune : « Comment oses-tu te moquer du fils de Jupiter ? […] comment le fils de Jupiter ose-t-il faire quelque faute ?
Vous avez eu cette idée singulière, et vous osez l’exprimer comme vous l’avez eue ; non qu’elle soit belle et gracieuse, cette image de la guillotine sur un joli cou ; elle est affreuse, elle est laide (entendez-vous bien) et horrible, cette idée-là ; mais elle est dramatique, vraiment shakespearienne, et elle jaillissait assez naturellement, hélas ! […] Qui donc a osé le comparer à Daunou ?
Puis je lui parle, et il me semble qu’à sa manière elle m’entende et me sourie, et me dise : « Ne te rassasie pas de me couvrir de baisers ; tu en seras récompensé par ta douce amie, parce qu’autant que j’en ai reçu, elle t’en peut donner, s’il arrive que tu le lui redises en pleurant. » Ainsi parlait l’âpre poète devenu presque suave au moment le plus attendri : Et dans les années suivantes, quand il a été forcé de quitter Rome et de fuir son amie, et qu’il ne l’a pu rejoindre encore dans ce rendez-vous d’Alsace, mais lorsqu’il espère et prévoit que l’heure approche, il s’écrie dans un sentiment savoureux de vengeance et de prochain triomphe : Contre ceux qui l’ont séparé de sa dame (1783) « Qui donc ose m’éloigner de sa vue gracieuse, de la beauté réunie à la modestie, qui, avec son simple et délicieux sourire, nous fait à la fois l’aimer et la révérer ! […] Envie, bassesse, hypocrisie, osent revêtir le manteau d’une conscience pure, et de leur conjuration naît tout mon malheur.
Si j’osais me comparer à ce grand homme, je dirais que j’ai un sentiment commun avec lui, c’est l’amour de la gloire ; mais il a poursuivi son objet en grand et il l’a obtenu, au lieu que, moi, j’ai cherché la gloire dans les buissons, et je ne suis parvenue qu’à me piquer le bout des doigts. […] Thiers fut annoncée et vint, en quelque sorte, déboucher, défiler comme une grande armée, à dater de 1845, et pendant près de vingt ans occuper le devant de la scène, envahir et posséder l’attention publique : lui, l’historien diplomatique, qui avait puisé aux mêmes sources, qui en avait par endroits creusé plus avant quelques-unes, qui y avait réfléchi bien longtemps avant d’oser en tirer les inductions, les conséquences essentielles, mais qui, une fois les résultats obtenus, y tenait comme à un ensemble de vérités, il se trouvait du coup distancé, effacé, jeté de côté avec son noyau de forces.
On ose à peine se permettre un sourire. […] Le chrétien étant donné, cette faiblesse de sa part consistait, sur la fin, à rester courtisan un peu malgré lui, à n’oser se séparer de la-faveur, à vouloir mener de front deux choses inconciliables, la Cour et la dévotion, à vouloir pousser celle-ci jusqu’à la pénitence et à ne jamais passer outre.
Sur la foi de ses pleurs ses esclaves tremblèrent ; De l’heureux Bajazet les gardes se troublèrent : Et les dons achevant d’ébranler leur devoir, Leurs captifs dans ce trouble osèrent s’entrevoir. […] Je noterai seulement que, dans la colère et le mépris dont elle accable ce fatal tissu, elle ne l’ose nommer qu’en termes généraux et avec d’exquises injures.
Newton n’eût pas osé tracer les bornes de la pensée, et le pédant que je rencontre veut circonscrire l’empire des mouvements de l’âme ; il voit qu’on en meurt, et croit encore qu’on se serait sauvé en l’écoutant : ce n’est point en assurant aux hommes que tous peuvent triompher de leurs passions, qu’on rend cette victoire plus facile ; fixer leur pensée sur la cause de leur malheur, analyser les ressources que la raison et la sensibilité peuvent leur présenter ; est un moyen plus sûr, parce qu’il est bien plus vrai. […] La plupart des gouvernements sont vindicatifs, parce qu’ils craignent, parce qu’ils n’osent être cléments ; vous, qui n’avez rien à redouter, vous, qui devez avoir pour vous la philosophie et la victoire, soulagez toutes les infortunes véritables, toutes celles qui sont vraiment dignes de pitié ; la douleur qui accuse, est toujours écoutée ; la douleur a raison contre les vainqueurs du monde ; que veut-on, en effet, du génie, des succès, de la liberté, des républiques, qu’en veut-on, quelques peines de moins, quelques espérances de plus ?
L’idylle étant à la mode, nul n’ose y contredire ; toute autre supposition est fausse parce qu’elle serait pénible, et, les salons ayant décidé que tout ira bien, tout ira bien. — Jamais aveuglement ne fut plus complet et plus volontaire. […] Personne n’osa exécuter le mandat d’arrêt.
Car enfin ose me soutenir que tes pirates saxons, avec ces affreux chants de guerre dont tu as infesté tonHistoire de la littérature anglaise, sont plus poètes que Regnard ! Ose encore définir la poésie comme Villemereux, en sixième, nous définissait l’ivresse : une courte folie.
Si j’osais, je joindrais mes prières à celles de ces messieurs. […] Comme ma vieillesse ne me permet pas de suivre ma fille dans l’empire de la Lune, oserais-je demandera Votre Hautesse de quelle humeur sont ses sujets ?
Navire sans gouvernail et sans voiles, poussé de rivage en rivage par le souffle glacé de la misère, les peuples m’attendaient à mon passage, sur un peu de bruit qui m’avait précédé, et me voyaient autre qu’ils n’auraient osé le croire : je leur montrais les blessures que me fit la fortune, qui déshonorent celui que les reçoit. » À une sensibilité profonde et à la plus haute fierté, Dante joignait encore cette ambition des républiques, si différente de l’ambition des monarchies. […] L’Italie donna le nom de divin à ce poëme et à son auteur ; et quoiqu’on l’eût laissé mourir en exil, cependant ses amis et ses nombreux admirateurs eurent assez de crédit, sept à huit ans après sa mort, pour faire condamner le poëte Cecco d’Ascoli à être brûlé publiquement à Florence, sous prétexte de magie et d’hérésie, mais réellement parce qu’il avait osé critiquer Dante.