Celle-ci est faite avec soin & bien écrite ; mais on désireroit qu’elle fût plus animée ; que l’auteur se fût rendu plus maître des tours de son original, & que sans perdre de vue son modèle, il l’eût dessiné plus librement. […] Ce mot, dit ingénieusement M. de Querlon, peut s’appliquer à toutes les versions de ce genre ; je dirois volontiers des meilleures : que seroit-ce, si vous entendiez l’original. […] Tels sont pourtant les ornemens que l’Abbé de la Tour, Chanoine de Montauban, Ecrivain original, a employé dans ses Panégyriques publiés en trois volumes in-8°. […] Le style quelquefois négligé, mais toujours original & simple, ne peut représenter fidélement que le genre d’esprit qu’il avoit reçu de la nature, & ne sera que le masque d’un autre. Or le style n’est agréable qu’autant qu’il est l’image naïve du genre d’esprit de l’auteur, & c’est à quoi le lecteur ne se méprend guéres, comme on juge qu’un portrait ressemble sans avoir vu l’original.
Ses travaux les plus importants et les plus suivis se sont depuis longtemps dirigés du côté de l’Orient, et du plus haut Orient ; élève de Burnouf, il a pris le sanscrit pour son domaine ; mais ce n’est point un philologue pur, et il a surtout marqué sa vocation scientifique originale en faisant avancer d’un pas la branche d’études qui tend à montrer que les anciens peuples venus d’Asie en Europe, et qu’on désigne sous le nom d’indo-germaniques, ont eu, à l’origine, un même système de mythes, comme ils ont en une même langue ; les liens primitifs de famille se dénotent chez eux par tous les signes. […] — Notre Foucault, fils aîné de cet original, qui avait pourtant, au milieu de toutes, ses rugosités, des coins de tendresse, fut parfaitement élevé, en vue des offices publics et des bienfaits du roi. […] Mais, chose à remarquer, et qui se reproduit plus ou moins dans presque toutes les familles dites parlementaires de ce temps-là : fils d’un père chagrin, bizarre et dur, il sécularise les qualités plus que solides de ce premier original, il les tempère, il les adoucit, il les civilise et les montre en sa personne applicables à bien des emplois, et même assez ornées de politesse et de belles-lettres ; mais il ne parvient point à les léguer à son fils, lequel, en revanche, sera un dissipateur, un franc libertin et pis encore.
Ce qui me frappe après eux et comme eux dans cette nouvelle et si originale traduction de M. […] » Plus de quarante ans après, lorsque Cervantes eut fait la première partie de Don Quichotte et qu’un intrus s’avisa de la continuer en voulant lui ravir sa gloire, ce continuateur pseudonyme eut la malheureuse pensée d’insulter non-seulement à la vieillesse du noble et original écrivain, mais encore à son infirmité, à sa blessure, et de dire, en parlant au singulier de sa main et avec intention, « qu’il avait plus de langue que de mains. » Sur quoi Cervantes, dans la préface de la seconde partie de Don Quichotte, répliqua : « Ce que je n’ai pu m’empêcher de ressentir, c’est qu’il m’appelle injurieusement vieux et manchot, comme s’il avait été en mon pouvoir de retenir le temps, de faire qu’il ne passât point pour moi, ou comme si ma main eût été brisée dans quelque taverne, et non dans la plus éclatante rencontre qu’aient vue les siècles passés et présents, et qu’espèrent voir les siècles à venir. […] Avant d’être lui-même et de dégager son talent original, Cervantes subit la loi commune ; il adopta les modes des temps et des lieux où il vivait.
L’influence provençale vint, aux enviions de 1150, interrompre le courant du lyrisme original de la France, et susciter chez nous une poésie artificielle et savante : mais en même temps, mettant les vers lyriques en honneur, elle contribua à sauver quelques débris de la production populaire des siècles antérieurs ; elle éveilla sur eux la curiosité qui les lit écrire et nous les a transmis. […] Si on analyse le contenu de cette forme originale de l’amour dont les Provençaux ont enrichi la littérature, elle repose sur l’idée de la perfection conçue comme s’imposant à la fois à l’intelligence et à la volonté, devenant en en même temps que connaissance, et sur la préférence désintéressée qui fait que le moi subordonne son bien au bien de l’objet aimé, selon l’ordre des degrés de perfection qu’il découvre en soi et dans l’objet. […] Éditions : Raynouard, Choix des poésies originales des Troubadours, Paris, 1818 et suiv., 6 vol. in-8 ; K.
Enfin, son originale propriété, l’inexplicable fond de son individualité, c’est, dans une race, dans un siècle peu poétique, la puissante expansion de son tempérament poétique ; c’est cette souplesse de l’âme universellement impressionnable, et capable d’absorber, d’amalgamer et de fondre toutes les autres influences. […] Par là il manifeste son entière communion de goût avec les grands artistes classiques, chez qui nous avons trouvé la même conception originale de la véritable invention. […] Souvent le récit exquis, original, amène une moralité insignifiante ou banale.
Le talent, notre auteur le définit : « pouvoir de réduire un tempérament original aux lois générales de l’art, au génie permanent de la langue ». […] Faut-il un tempérament original, et où commence et qui juge cette originalité ? […] De quelle révélation se prévalent-elles pour mériter qu’à leur mesure « on réduise » un tempérament original ?
Au lieu de nous rendre ce récit dans les termes mêmes plus qu’à demi légers, plus qu’à demi narquois, et avec le sel de l’original, il a voulu le traduire dans sa propre langue, il y a mêlé une élégance trompeuse ; il parle en un endroit de la désolation que la volonté d’un père « porta dans le cœur de la malheureuse Henriette (Mlle de Joyeuse) » ; enfin, il attendrit un peu trop le récit de Tallemant et y répand ce que j’appelle une teinte du style de Louis XVI, ce qui est le plus loin du ton de cette régence de Mazarin. […] Walckenaer, on a vu le savant M. de Chézy, dans ses traductions de poèmes orientaux, chercher à reproduire je ne sais quel modèle d’élégance cérémonieuse et uniforme, plutôt que de calquer avec simplicité et énergie les originaux qu’il avait sous les yeux et qu’il admirait. […] Un autre bibliophile plein de feu et original, M.
. — Son art imitateur et original. […] a Le siècle de nos pères, pire que nos aïeux, nous a produits plus méchants encore, pour donner une descendance plus vicieuse que nous188. » Quelle que fût la bonne intention d’Horace pour la gloire d’Auguste, peut-on, dans le tour original même de cette ode, ne pas apercevoir ce qui manquait à cette gloire ? […] Un salut d’allégresse à l’ami longtemps exilé qu’il revoit, un adieu plus tendre à l’ami qui s’éloigne, une consolation au malheur, un conseil à la prospérité, un éloge, une plainte, un lieu commun de prudence mondaine, sont pour cet heureux génie autant d’inspirations originales.
C’est une tête originale, avec une chevelure à la Giorgione, une tête toute cahoteuse de méplats et de rondeurs turgescentes : une tête de foudroyé. […] Les grandes, les originales œuvres, dans quelque langue qu’elles existent, n’ont jamais été écrites en style académique. […] Ça été tout d’abord quelques originaux, comme mon frèr et moi, puis Baudelaire, puis Burty, puis Villot, presque aussi amoureux de la marchande que de ses bibelots, puis à notre suite, la bande des peintres impressionnistes, — enfin les hommes et les femmes du monde, ayant la prétention d’être des natures artistiques. […] Oui, pour une intelligence de l’art, il y aurait à faire un salon tout nouveau, tout original, un salon qui ne parlerait que de la vingtaine de tableaux marquants, — un salon à faire une fois dans sa vie, et à ne plus jamais recommencer. […] Sur ce, il déclame un morceau original : une promenade d’amants dans les bois, au printemps.
Jules Laforgue L’un des poètes les plus originaux qu’avait révélés Lutèce, Jules Laforgue, ne lui survivra que de peu. […] On trouve encore originale cette manie d’éberluer ses contemporains.
Voilà Racine, qui, venant après Sophocle, Euripide, Corneille, se forme sur leurs différens caracteres, &, sans être ni Copiste ni Original, partage la gloire des plus grands Originaux.
On doit le compter sans doute parmi le petit nombre des écrivains originaux, quoique son genre soit bien insupportable à tout homme de goût & de bon sens. […] Un rieur, entendant dire que le portrait étoit si ressemblant, qu’il ne lui manquoit que la parole, répondit : Ce n’est point un défaut du peintre, c’est une des propriétés de son original.
Nous observerons encore que le chantre d’Éden, à l’exemple du chantre de l’Ausonie, est devenu original en s’appropriant des richesses étrangères : l’écrivain original n’est pas celui qui n’imite personne, mais celui que personne ne peut imiter.
Or, pour ceux que la destinée des livres fait rêver, il est curieux de voir la bienfaisance aveugle du hasard s’étendre de l’œuvre originale à l’œuvre imitée, et le pastiche trouver son traducteur de grand talent, comme le chef-d’œuvre avait trouvé le sien. — Incontestablement, M. […] Pour les connaisseurs, il était impossible de confondre la copie de l’imitation avec l’invention originale.
Que l’on considère, en effet, la pensée comme une simple fonction du cerveau et l’état de conscience comme un épiphénomène de l’état cérébral, ou que l’on tienne les états de la pensée et les états du cerveau pour deux traductions, en deux langues différentes, d’un même original, dans un cas comme dans l’autre on pose en principe que, si nous pouvions pénétrer à l’intérieur d’un cerveau qui travaille et assister au chassé-croisé des atomes dont l’écorce cérébrale est faite, et si, d’autre part, nous possédions la clef de la psychophysiologie, nous saurions tout le détail de ce qui se passe dans la conscience correspondante. […] Et l’étude si approfondie et originale que M.
Elle est originale, profondément originale, à quelques égards la plus originale peut-être des littératures de l’Europe moderne, mais, par un inévitable retour, et comme en payement d’une originalité qu’elle ne doit pas moins à son orgueilleux isolement du reste du monde qu’à sa vertu naturelle, elle est si spéciale qu’elle ne convient qu’à l’Espagne. […] Et puis, il est si peu rare que des originaux médiocres, ou même mauvais, « fassent faire » d’admirables copies que c’est justement là ce que les philosophes appelleraient « la raison suffisante » des originaux mauvais ou médiocres. […] Inversement, ce sont les originaux admirables qui font faire les mauvaises ou médiocres copies. […] Tartufe, admirable original ; la Mère coupable, mauvaise copie ! […] Plus admirables, pour parler comme lui, les romans de Marivaux seraient moins « originaux » ; et ils seraient moins « médiocres » s’ils étaient les copies de quelque chose de plus original qu’eux-mêmes.
C’était un caractère semi-sérieux ; c’est ainsi que les Italiens désignent cette espèce d’œuvre et cette espèce d’homme dont le divin Arioste est dans leur langue le type le plus original et le plus achevé, comme Sterne l’est pour l’Angleterre. […] Le comte de Grammont fut l’original de ces esprits fins, légers, futiles, inconsistants, mais cependant justes, sensés, exquis, dont notre littérature de passe-temps a eu depuis cette époque tant de copies. […] En recherchant bien dans la littérature française le type original et l’ancêtre direct d’Alfred de Musset, nous ne trouvons pour cette généalogie lointaine que Saint-Évremond qui soit digne de cette parenté. […] Il imprimait déjà à ses vers ce tour spirituel, original, capricieux, caractère des drames légers de son petit-fils. […] malheureusement non : tout n’était pas original dans cette poésie charmante et bouffonne du nouveau poète.
On a souvent répété oiseusement que toutes nos races de Chiens ont été produites par le croisement de quelques formes originales ; mais par le croisement on peut obtenir seulement des formes, en quelque degré intermédiaires entre leurs parents ; et, si nous avons recours à un pareil procédé pour expliquer l’origine de nos diverses races domestiques, il faut admettre alors l’existence préalable des formes les plus extrêmes, telles que le Lévrier italien, le Limier, le Bouledogue, etc., à l’état sauvage. […] Une chose m’a vivement frappé ; c’est que tous les éleveurs des divers animaux domestiques, et presque tous les horticulteurs avec lesquels j’ai conversé ou dont j’ai lu les traités, sont fermement convaincus que les diverses races à l’étude desquelles chacun d’eux s’est attaché spécialement, descendent d’autant d’espèces originales distinctes. […] Personne ne suppose que plusieurs de nos produits les plus délicats sont le résultat d’une seule déviation de la souche originale ! […] Buckley etBurgess possèdent deux troupeaux de Moutons de Leicester qui, « depuis plus de cinquante ans, observe Youatt, descendent en droite lignée de la race originale de M. […] Ce n’est pas dire que ces contrées si riches en espèces ne puissent posséder peut-être les types originaux de plusieurs plantes utiles, mais que ces plantes indigènes n’ont pas été améliorées par une sélection continue jusqu’à un degré de perfection comparable à celui de nos plantes plus anciennement cultivées.
Enfin, voici une édition de Pascal, de ces Pensées tant discutées, tant contestées en ces deux dernières années ; voici une édition des plus exactes, la seule exacte même, tout à fait telle qu’on la veut aujourd’hui, reproduisant le texte original avec toutes ses ellipses, ses audaces, ses sous-entendus, ses lacunes ; voici les brouillons immortels dans leur premier jet, dans tout le complet de leur incomplet, pour ainsi dire. […] Faire remarquer que le texte des éditions des Pensées n’était point parfaitement conforme au texte original, que les premiers éditeurs avaient souvent éclairci et affaibli, que les éditeurs suivants n’avaient rien fait pour réparer ces inexactitudes premières, dont quelques-unes n’étaient pourtant pas des infidélités, appeler l’attention des hommes du métier sur ces divers points, les mettre à nu par des échantillons bien choisis, et indiquer les moyens d’y pourvoir, il n’y avait rien là, ce semble, qui pût passionner le public et le saisir d’une question avant tout philologique. […] Revoyons de près nos maîtres, restituons leur vraie parole, faisons, ne rougissons pas de faire pendant quelque temps des éditions, voire même des vocabulaires : excellent régime que je propose, même aux auteurs originaux, pour se retremper durant une saison. […] Et puis il faut voir que le mouvement se préparait depuis quelques années : le petit nombre de libraires qui appartiennent à ce qu’on a droit encore d’appeler la librairie savante ont remarqué à quel point les amateurs se sont mis à rechercher les éditions originales de nos auteurs, ces éditions premières incomplètes à quelques égards, mais qui livrent le texte à sa source et rendent l’écrivain dans sa juste physionomie.
C’est à la science des antiquités orientales de pénétrer dans ce problème encore peu avancé, même depuis que cette science nous a donné la traduction des grandes épopées de l’Inde, monument qui, s’il a précédé les poëmes homériques, ne saurait en expliquer ni en diminuer la grandeur originale. […] Mais combien au-dessus de Platon et d’Homère m’apparaissait cette pensée, dans l’enthousiasme original du Psalmiste ! […] Mais telle était la force de beauté répandue dans l’original qu’elle se conserve pour nous, malgré cette ignorance des lois qui la régissent et de quelques-uns des charmes qui lui servaient à plaire. […] Ce caractère, ce genre de diction, je ne veux pas dire tempéré, comme l’ont nommé quelques hébraïsants trop classiques, mais unique, mais original, et semblable, pour ainsi dire, à une inspiration si divine qu’elle ne coûte aucun effort, qu’elle n’agite pas le prophète, qu’elle ne trouble pas le son de sa voix et qu’elle tombe doucement de ses lèvres, nous en avons de nombreux exemples dans Pindare ; mais une gracieuse image s’en retrouve aussi dans l’ode charmante d’Horace : Quem tu, Melpomene, semel Nascentem placido lumine videris, Illum non labor Isthmius Clarabit pugilem, etc.
Quant à la grandeur passive du Prométhée enchaîné, quant à la fiction qui forme l’intérêt de ce drame immobile, nous n’avons rien à conjecturer : « l’œuvre originale est sous nos yeux ; et il nous est donné de sentir, dans cette œuvre extraordinaire, à la fois l’enthousiasme de l’hiérophante et la raison élevée du philosophe. […] Par là, Sophocle étonne moins qu’Eschyle, sans être moins créateur et moins original. […] comment n’avez-vous pas renouvelé, dans votre admirable langage, ce qui se devine à peine ici du charme si pur de l’original ? […] S’agit-il des importuns et des originaux qui viennent visiter sa ville nouvelle bâtie dans l’air, il ne manque pas de mettre dans le nombre un poëte, qui s’annonce par ce lieu commun lyrique137 : « Je suis le chantre aux harmonieuses paroles, le serviteur empressé des Muses, d’après Homère. » Et puis, ce qui nous rappelle encore mieux d’illustres exemples : « J’ai fait un chant sur votre ville de Néphélococcygias, beaucoup d’élégants dithyrambes et des parthénies à la manière de Simonide. » Le poëte, enfin, qui se charge de célébrer les villes nouvelles, et qui compare l’essor de la voix des Muses à la vitesse des plus rapides coursiers, demande un présent pour sa Muse, et offre des vers de Pindare en retour : cela fait, il emporte manteau et tunique venus fort à propos dans cette région froide de l’air.
Il me paraît surtout avoir plus d’un rapport avec ce dernier, avec le philosophe de Béziers, de qui Marmontel nous dit que « ce que l’âge lui avait laissé de chaleur n’était plus qu’en vivacité dans un esprit gascon, mais rassis, juste et sage, d’un tour original, et d’un sel fin et doux18 ». […] C’est ainsi que la biographie de Georges Le Sage, esprit plus singulier encore qu’original, et qui d’ailleurs n’a rien produit, me paraît tenir trop de place, venant après les études sur Charles Bonnet et sur l’illustre Saussure, les deux noms qui forment le véritable couronnement de ce beau siècle littéraire et scientifique de Genève. […] Lorsqu’on a fermé ces deux volumes dans lesquels ont passé devant nous tant de figures sérieuses, souriantes à peine, originales et modestes, une pensée vous suit ; on se fait à soi-même une question.