Dans une situation si déplorable, on ne s’étonnera pas, sans doute, que j’aie tâché de détourner ma pensée sur des objets plus agréables, et que j’aie cherché à me distraire un moment de tant d’inquiétudes, en célébrant les charmes de ma maîtresse. » C’était le superflu de sa grande âme, le luxe de son génie. […] Pense à la dignité de ton intelligence, qui ne t’a pas été donnée pour l’employer à la poursuite d’un bien mortel et périssable, mais au moyen de laquelle le ciel même peut devenir l’objet de ton ambition. […] Si l’emploi de tant de temps, de génie, d’artifices, avait eu un plus juste et plus digne objet, dans quel calme heureux et consolant tu verrais aujourd’hui s’écouler ta vie ! […] si tu avais su t’aimer davantage toi-même, peut-être qu’aujourd’hui tu distinguerais mieux ce qu’il y a de bon et de mauvais parmi les objets qui flattent tes désirs et tes espérances. […] L’existence et les attributs de la Divinité, la probabilité et la nécessité morale d’un état futur, étaient les objets favoris des discours de Laurent.
Frères de la poésie, les beaux-arts vont être maintenant l’objet de nos études : attachés aux pas de la religion chrétienne, ils la reconnurent pour leur mère aussitôt qu’elle parut au monde ; ils lui prêtèrent leurs charmes terrestres, elle leur donna sa divinité ; la musique nota ses chants, la peinture la représenta dans ses douloureux triomphes, la sculpture se plut à rêver avec elle sur les tombeaux, et l’architecture lui bâtit des temples sublimes et mystérieux comme sa pensée. Platon a merveilleusement défini la nature de la musique : « On ne doit pas, dit-il, juger de la musique par le plaisir, ni rechercher celle qui n’aurait d’autre objet que le plaisir, mais celle qui contient en soi la ressemblance du beau. » En effet, la musique, considérée comme art, est une imitation de la nature ; sa perfection est donc de représenter la plus belle nature possible.
Décidément, à l’exposition du Japon, l’écran au héron d’argent, et le paravent avec toute cette flore sur laque, en pierre dure, en ivoire, en porcelaine, en métaux de toutes sortes : ce sont pour moi les deux plus beaux objets mobiliers, que depuis le commencement du monde a fabriqués l’art industriel chez aucun peuple. […] Un hareng saur était l’unique objet mobilier, qu’il avait trouvé dans la première pièce. […] Et c’est curieux, quand on pense que ces objets étaient généralement fabriqués dans un burg (yashki), sous la direction, l’encouragement de l’œil guerrier du propriétaire, tandis que nos burgraves d’Europe n’ont jamais été que de grossiers barbares. […] Lundi 11 novembre J’avais été plein de sagesse à cette exposition, je n’avais rien acheté, mais là rien, pas même un objet de dix sous. Cependant, à ma première visite j’avais avisé, à la section de la Chine, un objet que je trouvais un des plus beaux du Champ de Mars, un de ces objets à la richesse barbare et précieuse, digne d’une galerie d’Apollon exotique.
C’est ainsi que l’esprit reproduit la nature ; les objets et la poésie du dehors deviennent les images et la poésie du dedans. […] Ils trouvent à l’instant et sans effort l’expression juste, et atteignent du premier coup l’objet en lui-même, sans s’empêtrer dans le magnifique manteau des métaphores, sans être troublés par l’afflux trop grand des émotions. […] Le poëte n’y a d’autre objet que de s’amuser et d’amuser le lecteur. […] Ce goût n’a rien non plus de commun avec la franche satire, qui est laide, parce qu’elle est cruelle ; au contraire, il provoque la bonne humeur ; on voit vite que le railleur n’est point méchant, qu’il ne veut point blesser ; s’il pique, c’est comme une abeille sans venin : un instant après, il n’y pense plus ; au besoin il se prendra lui-même pour objet de plaisanterie ; tout son désir est d’entretenir en lui-même et en vous un pétillement d’idées agréables. — Telle est cette race, la plus attique des modernes, moins poétique que l’ancienne, mais aussi fine, d’un esprit exquis plutôt que grand, douée plutôt de goût que de génie, sensuelle, mais sans grossièreté ni fougue, point morale, mais sociable et douce, point réfléchie, mais capable d’atteindre les idées, toutes les idées, et les plus hautes, à travers le badinage et la gaieté.
Jean-Jacques fait de la beauté des campagnes, des bois, des cieux, un des objets nécessaires de l’art littéraire. […] En ce temps-là même, les hommes qu’anime le véritable esprit scientifique embrassent avec bonheur les objets de leur pensée, lussent-ils bien creux et chimériques : un Dalembert, un Condorcet se satisfont par leur pensée. […] « Il n’y a que la passion, disait-elle, qui soit raisonnable. » Et il n’y avait que l’infini qui la satisfit : « Je n’aime rien de ce qui est à demi, de ce qui est indécis, de ce qui n’est qu’un peu. » Elle manifesta magnifiquement l’essentiel idéalisme de l’amour, par la disproportion de ses inassouvibles passions aux éphémères ou médiocres objets qui en étaient l’occasion. […] Elles ne reçoivent le sentiment, la passion que comme objet d’étude analytique.
Avertis par leur expérience, nous savons maintenant que, comme les sciences n’ont pris leur essor qu’une fois détachées de la métaphysique, il nous faut, avec une pareille indépendance même à l’égard des sciences, organiser notre recherche, construire notre connaissance, ne tenant compte que de la nature de l’objet spécial qui est le nôtre, et des données réelles qui sont à notre disposition pour l’atteindre. […] Nous avons encore cela de commun que notre objet, ce sont des faits, c’est la réalité, présente ou passée, infiniment complexe et confuse, dérobant sous la richesse mobile des apparences la simplicité et la stabilité de son organisation. […] Mais alors, si notre objet nous impose l’emploi de l’impression subjective, et si le premier commandement de la méthode scientifique est la soumission de l’esprit à l’objet, pour organiser les moyens de connaître d’après la nature de la chose à connaître, ne sera-t-il pas plus scientifique de reconnaître et de régler le rôle de l’impressionnisme dans l’étude des œuvres littéraires que de le nier, et, comme on ne supprime pas une réalité en la niant, de laisser cet élément personnel rentrer sournoisement et agir sans règle dans nos travaux ?
Ce genre de critique littéraire dont il fallait déterminer exactement l’objet, est le seul qu’on ait pratiqué au siècle passé et au commencement du nôtre. […] Elle n’a pas pour objet d’envisager l’œuvre d’art dans son essence, son but, son évolution, en elle-même ; mais uniquement au point de vue des relations qui unissent ses particularités à certaines particularités psychologiques et sociales, comme révélatrice de certaines âmes ; l’esthopsychologie est la science de l’œuvre d’art en tant que signe. […] L’objet des pages suivantes sera d’explorer en détail ce domaine, des départements où l’investigation a été poussée fort avant à ceux ou elle n’a pas encore commencé ; puis de définir les relations actives et passives de la nouvelle science avec ses ainées. […] Cette conception indiciaire de l’œuvre entendue comme « document », avait déjà fait l’objet d’une promotion récente, avant qu’Émile Hennequin ne s’en empare, par Paul Bourget, dans ses Essais de psychologie contemporaine, qui écrivait de son côté en 1883 : « Le lecteur, en effet, ne trouvera pas dans ces pages, consacrées pourtant à l’œuvre littéraire de cinq écrivains célèbres, ce que l’on peut proprement appeler de la critique.
Les hommes ne sçauroient bien juger d’un objet dès qu’ils n’en sçauroient juger par le rapport du sens destiné pour le connoître. […] C’est à lui qu’il appartient de connoître si l’objet qu’on nous présente est un objet touchant et capable de nous attacher, comme il appartient à l’oreille de juger si les sons plaisent, et au palais si la saveur est agréable. […] Rien n’est plus raisonnable que de supposer que l’objet feroit sur nous la même impression qu’il fait sur elles, si nous étions susceptibles de cette impression autant qu’elles le sont. écouteroit-on un homme qui voudroit prouver par de beaux raisonnemens que le tableau des nôces de Cana de Paul Veronese qu’il n’auroit pas vû, ne sçauroit plaire autant que le disent ceux qui l’ont vû, parce qu’il est impossible qu’un tableau plaise lorsqu’il y a dans la composition poëtique de l’ouvrage autant de défauts qu’on en peut compter dans le tableau de Paul Veronese ?
Les anciens et la littérature moderne faisaient alors l’objet de ses études. […] C’est que ces quatre premiers livres, à propos de lavis, sont en effet d’une lecture charmante, à la Sterne, avec plus de bonhomie, entrecoupés de digressions perpétuelles qui sont l’objet véritable et qui font encore moins théorie que tableau. […] « Franklin parle quelque part de cette affection d’habitude que l’on porte aux objets inanimés, affection qui n’est ni l’amitié ni l’amour, mais dont le siége est pourtant aussi dans le cœur. […] Homère décrit toujours avec soin un mors, un bouclier, un char, une coupe, une armure ; il prête sans cesse à ces objets inanimés des qualités morales qui en font le prix aux yeux de leur possesseur, et qui leur valent l’estime ou les affections de l’armée. […] En lisant ces pages véridiques et me souvenant des objets, je comparais involontairement avec nous.
« L’objet de la guerre, c’est la victoire ; celui de la victoire, la conquête ; celui de la conquête, la conservation. […] Enfin, elles ont des rapports entre elles, elles en ont avec leur origine, avec l’objet du législateur, avec l’ordre des choses sur lesquelles elles sont établies ; c’est dans toutes ces vues qu’il faut les considérer. […] Dans les pays chauds où le tissu de la peau est relâché, les bouts des nerfs sont épanouis et exposés à la plus petite action des objets les plus faibles. […] « Avec cette délicatesse d’organes que l’on a dans les pays chauds, l’âme est souverainement émue par tout ce qui a du rapport à l’union des deux sexes ; tout conduit à cet objet. […] Le meilleur tireur n’est pas celui qui vise au blanc et qui fait un grand bruit avec son arme, mais celui qui vise juste et qui atteint l’objet qu’il s’est proposé.
Son père, savant de mérite, s’était mêlé personnellement aux discussions de Descartes avec Fermat et Roberval, et Pascal n’en avait pas ignoré l’objet. […] On ne peut tenir une plume avec honneur dans notre pays qu’en faisant de la vérité l’objet de ses recherches, qu’en doutant pour mieux assurer ses croyances, qu’en ne communiquant aux autres que ce qu’on tient soi-même pour évident. […] Quant à la science, même celle qui a pour objet de rendre la vie meilleure, de quel fruit est-elle, par exemple, pour les pauvres, pour les malades atteints à mort ? […] Ce jugement s’applique surtout aux pensées de Pascal sur la foi, et aux pensées de morale chrétienne qui ont pour objet d’y amener. […] Cette grande éloquence n’a d’ailleurs rien de disproportionné, ni avec son objet, ni avec les dispositions du lecteur ; ce n’est jamais témérairement que ces lettres s’élèvent au ton des antiques harangues.
Si sa doctrine pouvait être aux autres de quelque utilité, c’est en changeant les objets de leur estime et retardant peut-être ainsi leur décadence qu’ils accélèrent par leurs fausses appréciations. […] Les objets auxquels elle s’applique ne sont pas, d’abord, susceptibles de preuve rigoureuse ; les faits y échappent à la vérification, les principes à la démonstration. Et puis, ils sont objets de foi et d’amour. […] Rousseau s’assimile tout le monde extérieur, il voit tout selon son humeur du moment, et il ne cherche pas à saisir l’objet à travers sa sensation : il ne peut présenter que cette sensation même. […] Il l’y établit en souveraine : elle y devient objet d’étude et d’expression.
Sans la douleur, l’être vorace serait exposé à mâcher des objets trop durs et à briser un organe nécessaire. […] La réparation nerveuse, qui accumule la force, a toujours pour résultat et pour objet l’exercice, qui dépense la force. […] En un mot, le plaisir et la douleur n’expriment pas des relations objectives entre les causes extérieures qui leur correspondent, mais ils expriment un certain rapport entre les objets et ce qu’il y a en nous de plus central : ils sont notre propre manière de réagir en face des objets extérieurs. […] Nous venons de montrer qu’il existe des plaisirs directs, dus à un surplus d’activité sans douleur préalable, qui n’ont pas pour simple objet la préservation de l’organisme dans la lutte pour la vie. […] C’est pourquoi nous avons vu les sens supérieurs, principalement la vue et l’ouïe, condenser en un moment rapide une infinité de plaisirs délicats et subtils, plutôt objets de luxe que de nécessité pour la vie matérielle.
… Souvent un rien, la vue de l’objet le plus trivial, d’un bas, d’une jarretière, tout cela me rend le passé vivant, et m’accable de toute la douleur du présent… Oh ! […] J’ose à peine vous le dire, tant il est fou ; mais je vous en supplie, ne voyez là-dedans qu’une forme de la douleur… ; voyez le mal et non pas son objet. […] Un bon buveur, c’est l’usage Boit à l’objet qui lui plaît ! […] Tout objet de luxe représente une quantité quelquefois considérable de travail social improductif. […] Seulement un objet de faux luxe vaut moins pour sa valeur artistique que pour sa rareté : la rareté en matière de luxe est, pour la plupart, le critérium suprême de la valeur des objets ; or c’est un critérium antiartistique, puisqu’il permet d’estimer au même prix tel bibelot et telle œuvre d’art accomplie.
il unit à ce principal objet une leçon animée contre la discorde, également fatale aux princes et aux peuples. […] Combien d’objets variés viennent s’y fondre avec éclat ! […] Cet objet me rappelle une anecdote qui m’est personnelle, et qui peut servir d’un bon avertissement aux critiques. […] Inaccessible à la peur, de tels objets ne le feraient pas reculer. […] Que le poète épique soit donc vrai ; mais qu’il choisisse bien l’objet dont il doit montrer la ressemblance.
L’esprit moqueur s’attaque à quiconque met une grande importance à quelque objet que ce soit dans le monde ; il se rit de tous ceux qui sont dans le sérieux de la vie, et croient encore aux sentiments vrais et aux intérêts graves. […] C’est donc elle, avant tout, qu’il faut encourager, en se livrant moins en littérature aux objets qui appartiennent exclusivement à la grâce des formes. […] Il resterait aux littérateurs français des ouvrages anciens dont ils pourraient encore se pénétrer ; mais leur imagination ne serait point inspirée par les objets qui les environneraient ; elle s’alimenterait par la lecture, mais jamais par les impressions qu’ils éprouveraient eux-mêmes. […] Elle marque le degré de considération auquel chaque individu s’est élevé ; et ; sous ce rapport, elle dispense le prix, objet des travaux de toute la vie. […] L’on se reconnaît, dans les grandes circonstances, aux sentiments du cœur ; mais dans les rapports détaillés de la société, on ne s’entend que par les manières ; et la vulgarité portée à un certain degré, fait éprouver à celui qui en est le témoin ou l’objet, un sentiment d’embarras, de honte même, tout à fait insupportable.
Mais comme l’estime publique est l’objet qui fait produire de grandes choses, c’est aussi par de grandes choses qu’il faut l’obtenir ou du moins la mériter, et non l’envahir par des manœuvres inutiles et basses. […] Une mauvaise épigramme fait quelquefois toute la vengeance d’un poète ; celle de nos sages est plus constante et plus réfléchie ; quoiqu’elle n’ait quelquefois pour objet que de placer dans la liste de ses partisans une femme de plus, qui se croit un personnage pour avoir subi l’ennui de lire des ouvrages de physique sans les entendre. […] Ceux des gens de lettres à qui le commerce du monde ne peut être d’aucune utilité pour les objets de leurs études, doivent se borner aux sociétés (de quelque espèce qu’elles puissent être) où ils trouvent dans les douceurs de la confiance et de l’amitié un délassement nécessaire. […] Si on croit devoir laisser un libre cours aux libelles et aux satires, en ce cas que toutes les conditions et tous les états en puissent être indifféremment l’objet. […] S’il n’est pas difficile de faire fortune par des voies louables, il l’est encore moins d’y parvenir quand on se permet tout pour cet objet.
On a défini très sérieusement la vérité : conformité de la représentation d’un objet avec cet objet lui-même. […] Qu’est-ce que l’objet lui-même, puisque nous ne pouvons le connaître qu’à l’état de représentation ? […] La science fut de toujours : ce qui change, c’est son objet. […] Dans ce système, un objet n’est fini que lorsqu’il est stylisé. […] Dans la nature, il y a autant de perfections qu’il y a d’objets naturels, inertes ou vivants, et même de fragments d’objets.
La vraie a pour objet l’absolu et réalise son objet ; la fausse a pour fin l’idéal et n’atteint pas son but. […] Un objet n’est pas une chose en soi, qui mérite rien que pour elle qu’on emploie des forces et du temps à la fabriquer : un objet est la réponse à un besoin à satisfaire ; et, si ce besoin existe, l’objet a de la valeur ; s’il n’existe pas, l’objet est un pur rien. […] Tel ouvrier en une heure produira dix objets de telle nature, tel autre vingt. Vous vous fonderez, je suppose, pour fixer la valeur de cet objet, sur le travail de ce dernier ouvrier, et vous direz que cet objet a pour valeur un vingtième d’heure. […] Direz-vous : « Non, il est raisonnable de ne faire que vingt de ces objets en une heure ; je compte toujours cet objet vingtième d’heure » ?
Peu d’Ecrivains, sans se faire un objet capital de l’étude des Belles-Lettres & des Sciences, ont acquis plus d’érudition, & ont su en faire un usage aussi estimable & aussi utile. […] Toutes ces sciences sont suivies, examinées dans leurs différens progrès ; & cette seule exposition suffit pour prouver que les Modernes ont réellement ajouté peu de lumieres à ces divers objets de la curiosité humaine.
Armand Paulin fit tout pour mériter, pour justifier cette préférence dont il était l’objet et qui devint l’honneur de sa vie. […] Je reproduis donc ce qu’on lisait dans le Moniteur du 10 septembre 1857, et qui a fait l’objet d’une dénonciation, assurément tardive, dans l’Événement du 7 juin 4 866. […] Le docteur Joulin ne veut pas de cette parole jetée en avant tout d’abord : « sans lui adresser un dernier adieu. » Mais si l’on est plein de son objet, si tous les assistants n’ont qu’une seule et unique pensée, personne ne se trompe quand on dit lui de prime abord ; on en aie droit, on en a le besoin.
Certainement l’homme criminel croit toujours, d’une manière générale, marcher vers un objet quelconque, mais il y a un tel égarement dans son âme, qu’il est impossible d’expliquer toutes ses actions par l’intérêt du but qu’il veut atteindre : le crime appelle le crime ; le crime ne voit de salut que dans de nouveaux crimes ; il fait éprouver une rage intérieure qui force à agir sans autre motif que le besoin d’action. […] L’ambition, la soif du pouvoir, ou tout autre sentiment excessif, peut faire commettre des forfaits, mais lorsqu’ils sont arrivés à un certain excès, il n’est aucun but qu’ils ne dépassent ; l’action du lendemain est commandée par l’atrocité même de celle de la veille ; une force aveugle pousse les hommes dans cette pente une fois qu’ils s’y sont placés ; le terme, quel qu’il soit, recule à leurs yeux à mesure qu’ils avancent ; l’objet de toutes les autres passions est connu, et le moment de la possession promet du moins le calme de la satiété. […] La plus grande partie des idées métaphysiques que je viens d’essayer de développer, sont indiquées par les fables reçues sur le destin des grands criminels ; le tonneau des Danaïdes, Sisyphe, roulant sans cesse une pierre, et la remontant au haut de la même montagne, pour la rouler en bas de nouveau, sont l’image de ce besoin d’agir, même sans objet, qui force un criminel à l’action la plus pénible, dès qu’elle le soustrait à ce qu’il ne peut supporter, le repos.