Ainsi, de piège en piège et d’abîme en abîme, Corrompant de vos mœurs l’aimable pureté, Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image.
Une ville d’Italie finit par dicter les croyances, les mœurs et les moindres pratiques qui devaient s’observer au fond de la Thuringe.
Pour les esprits qui ne passent pas leur vie à couper en quatre des fils de la Vierge avec de microscopiques instruments, il n’y a que trois femmes en nature humaine et en histoire : La femme de l’Antiquité grecque, — car la matrone romaine, qui tranche tant sur les mœurs antiques, n’est qu’une préfiguration de la femme chrétienne, — la femme de l’Évangile et la femme de la Renaissance, pire, selon nous, que la femme de l’Antiquité, pire de toute la liberté chrétienne dont la malheureuse a si indignement abusé.
Seulement, pour cela, il lui eût fallu le bénéfice et le soutien d’une éducation morale quelconque, et l’on se demande avec pitié ce que fut la sienne, à lui, le fils d’une actrice et de l’aventure, dans une société qui a trouvé, un beau matin, les Mormons au fond de ses mœurs !
À quelques égards, et dans la différence des temps et des mœurs, son éloignement de Constantinople était la disgrâce de Fénelon au dix-septième siècle : c’était plus encore, car il était banni de son église comme de la cour ; il était, non pas exilé dans son diocèse, mais relégué comme inutile dans un obscur village.
Dans la Mort d’Agis (1642) au contraire, le poëte a fait une belle peinture des mœurs grecques au temps où fleurissaient les lois de Lycurgue : La morale régnait dedans tous les esprits. […] Or, comme il était des plus méchants, comme il attaquait en quelque sorte les mœurs et l’honneur d’un fort grand seigneur de l’époque, la chose devint grave, et les deux poëtes commencèrent à avoir des craintes sérieuses. […] Le talent de Campistron consistait principalement à donner de jolies descriptions, des peintures de mœurs attrayantes.
L’auteur des Considérations sur les Mœurs, Duclos, avait tenté vainement de séduire Mme d’Épinay, et il se vengeait de son refus d’une manière atroce. […] Mais il trouvait que la sculpture triomphait avec la statue équestre de Ferdinand de Médicis par Tacca, avec le David de Michel-Ange, le Persée de Benvenuto Cellini, la Judith de Donatello, l’Hercule de Jean de Bologne et les Saisons, aux quatre coins du Pont Santa-Trinita… Le président De Brosses pensait qu’un étranger qui passe un mois dans une ville risquerait fort de voir tout de travers les mœurs de ses habitants. […] Cette peinture de mœurs eut un immense succès hors de France, et il s’en publia plus de quarante éditions en Angleterre.
Cette sombre histoire dramatique, empruntée aux mœurs barbares de l’Écosse du moyen âge, présente avec l’épopée homérique une analogie qui a été signalée quelquefois. […] Je me donne pour tâche principale de répartir et de grouper les citations sous des rubriques commodes : nature, mœurs, gens, tradition, poésie ; et je m’efforcerai de réduire le commentaire à sa plus simple expression. […] Parmi les critiques classiques dont il a reçu des directions, figurent, on s’en douterait, Villemain, Sainte-Beuve ; mais il s’est plongé très avant dans la Littérature anglaise de Taine ; surtout, il s’est initié au maniérisme violent, à la rudesse originale, à la subtilité hardie, acérée, abusive, des auteurs dramatiques anglais du xvie siècle et plus encore à la cynique effronterie de mœurs d’une Italie de décadence, en s’éprenant de Shakespeare, de Marlowe, Webster, Ford, Ben Jonson, ce qui était permis, en s’engouant aussi, ce qui pouvait être fâcheux, de ce brillant goujat de lettres, l’Arétin, à travers les travaux non pas précisément solides, mais suggestifs, de Philarète Chasles.
Depuis le grand journal qui traite des grands intérêts de la politique, qui défend, qui attaque, qui détruit ou qui fonde, jusqu’au petit journal, malin, frondeur, sceptique, cruel, sans frein, qui tire au caprice une flèche, un trait qui brûle, une épigramme vivante, comme l’autre est un conseil vivant ; depuis la Revue savante, philosophique, qui voyage au loin, jusqu’à la Revue de la ville, qui s’occupe de nos mœurs, de nos poètes, de nos écrivains, de nos chefs-d’œuvre du jour ; depuis le pamphlet sanglant et cruel, qui, sous prétexte de parler de modes et de chiffons, se livre à des personnalités plus que royales, jusqu’au journal des petits enfants, qui se fait petit avec eux, et parle leur langage, et s’occupe de leurs petits chagrins, de leurs joies naïves ; du gros dictionnaire où tout s’entasse, au petit livre qui résume en quelques chapitres toutes les sciences ; de l’Encyclopédie au prospectus, du livre de luxe au Magasin à deux sous ; en un mot, tout ce que la grande France dépense d’idées, de style, d’instruction, d’intérêt, d’oisiveté, de passion, d’émotions de tout genre, tout cela est de la littérature facile. […] Ainsi faite, au moment où la vérité seule a des charmes pour les honnêtes gens amoureux de bonne renommée, il arrive que l’histoire, par la force même et la grâce du narrateur, devient une école irrésistible de bonnes mœurs, et le plus facile des chemins qui conduisent à l’imitation des vrais exemples. […] « Veux-tu savoir les mœurs d’une nation, étudie avec soin une seule famille. »Sufficit una domus ! […] Il aimait le village, il aimait principalement le village de Cély ; il en savait les mœurs, les habitudes, les fêtes, les travaux, les plaisirs. […] Michaud avait pris parti pour la vieille royauté, pour la vieille croyance, pour les vieilles mœurs, pour tout le passé poétique, chrétien et convaincu de la France.
On peut, en lisant la satire d’Horace, se convaincre que Molière l’a imitée, cependant, lorsque nous voyons jouer la première scène des Fâcheux, nous reconnaissons les mœurs du temps qui la vit naître ; aucun air étranger ne laisse soupçonner son antique origine à ceux qui ne la connaissent pas ; et voilà ce qui distingue l’imitateur du plagiaire. […] La Critique de l’École des femmes, disent les personnes difficiles, ou celles qui affectent de l’être, n’est pas une comédie, mais un dialogue ; c’est au lecteur à répondre et à dire : j’ai remarqué dans cet ouvrage des caractères fortement dessinés, et des scènes animées, non seulement par une conversation vive, agréable, mais encore par une gradation de chaleur soutenue jusqu’au dénouement ; j’y ai vu partout la peinture des mœurs du temps : que faut-il de plus dans une pièce, d’un acte surtout, pour mériter d’être appelée une comédie ? […] Tant de bons procédés auraient dû attacher pour toujours l’auteur des Frères ennemis à Molière ; et l’acteur, dont celui-ci va former les mœurs et les talents, n’aurait pu que rendre cette union plus durable, plus utile. […] Le ridicule versé à pleines mains sur la chicane ; le plus beau plaidoyer contre la plaidoirie ; des moralités qui, d’après l’auteur de La Philosophie de l’esprit, font regarder le théâtre de Molière comme l’école, comme le modèle de toutes les nations policées et l’excuse du libertinage ; un fourbe se permettant les atrocités les plus fortes ; un fils souffrant que des fripons volent, frappent son père, ce qui a porté vraisemblablement Jean-Jacques à soutenir que le théâtre de Molière était une école de vices et de mauvaises mœurs.
C’est bien Alfred de Vigny dans un salon, à vingt-cinq ans ; le poète s’adresse en idée aux belles danseuses : Dansez, et couronnez de fleurs vos fronts d’albâtre Liez au blanc muguet l’hyacinthe bleuâtre, Et que vos pas moelleux, délices de l’amant, Sur le chêne poli glissent légèrement ; Dansez, car dès demain vos mères exigeantes A vos jeunes travaux vous diront négligentes ; L’aiguille détestée aura fui de vos doigts, Ou, de la mélodie interrompant les lois, Sur l’instrument mobile, harmonieux ivoire, Vos mains auront perdu la touche blanche et noire ; Demain, sous l’humble habit du jour laborieux, Un livre, sans plaisir, fatiguera vos yeux… Que ceux qui tiennent à étudier les nuances poétiques et les progressions fugitives du goût relisent tout le morceau ; ils y verront, dans le plus gracieux exemple, cette poésie choisie, élégante, mais de transition, qui cherchait à s’insinuer dans la vie, dans les sentiments et les mœurs du jour, en évitant toutefois le mot propre : poésie des Soumet, des Pichald, des Guiraud, de ceux qui louvoyaient encore.
Quand Rousseau eut été obligé de fuir de Montmorency après sa publication de l’Émile, elle lui écrivait, en lui parlant de l’état des esprits, de réchauffement des têtes dans un certain monde, et en lui rapportant une conversation qu’elle avait eue à son sujet avec un magistrat : « Si vous n’y étiez pas intéressé, nous ririons de voir les protecteurs de la religion et des mœurs s’élever contre le seul écrivain de ce siècle qui ait écrit utilement en leur faveur ; qui ait bien voulu s’élever contre le matérialisme que le bien seul de la société devrait proscrire… » Elle tenait tête dans le monde, quand elle les rencontrait, à ceux qui attaquaient l’Èmile dans un sens ou dans un autre, dans le sens de d’Holbach ou dans celui de la Sorbonne et du Parlement.
Paul Je me souviens d’un article paru dans La Dépêche de Toulouse, où il insinuait qu’un confrère, qui faisait profession d’hellénisme, devait avoir des mœurs contre-nature.
Les mœurs étranges de Venise sont peintes, dans ce récit de d’Aponte, en traits de Molière et de Pétrone.
Le talent du peintre de mœurs abondait dans ces pages, mais la convenance et la piété manquaient ; nous souffrions profondément à ces lectures d’entendre ridiculiser le trône, la table et le foyer, par celui qui avait été appelé pour en relever la sainteté et la considération devant l’Europe.
On loue ou blâme leurs opinions, leurs tendances, leurs mœurs, leur doctrine, leur influence, ne négligeant que leurs œuvres.
C’est là le danger de la nature du « Barbare », comme les Grecs, malgré ses raffinements de luxe et de mœurs, appelèrent toujours méprisamment l’Asiatique ; il échappe au raisonnement et à la logique.
L’étude qui précède nous paraît aboutir à des conséquences non moins importantes pour la théorie des mœurs que pour la théorie de l’homme et celle du monde ; résumons-les en formules succinctes.
On a beau lui crier que peut-être tout notre talent n’existe qu’à la condition de cet état nerveux, il va toujours, il veut qu’on réagisse contre ces états d’avachissement et de paresse, qui lui semblent le signe des siècles descendant la pente d’une civilisation, et toujours protestant, il voit la guérison du spleen, le salut et la rénovation des sociétés décadentes, dans l’imitation puérile des mœurs anglaises, dans cette vie de civisme, dans cette adaptation du patriotisme et du pédestrianisme britanniques. — « Oui, lui crie quelqu’un, l’alliance du talent et de la garde nationale. » L’on rit et l’on part.
Puis il nous parle de la difficulté de faire du roman moderne, à cause du peu de changement des milieux, et sans faire semblant d’entendre nos objections, il va à Paméla, dont le grand intérêt pour lui est dans le changement des mœurs d’alors : la transformation du vieux puritanisme anglais en méthodisme, en accommodement avec les intérêts humains et la pratique de la vie, arrivé le jour, où Wesley a dit que « les Saints devaient avoir des places ». « Paméla, ajoute-t-il en soulignant son mot final d’un sourire, Paméla, un type à la fois de jeune fille et de magister !
Je ne sais pas de travail plus noble ni d’une application plus large. » Nous voilà revenus aux espérances de l’époque romantique : réformer les mœurs et inspirer les lois.
Dickens et Thackeray, ses émules, vivent et produisent encore tous les jours de nouveaux chefs-d’œuvre de peintures de mœurs et de sensibilité.