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632. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

On a une brochure, alors imprimée, de lui, où il raconte par le menu et où il décrit les pompes et solennités touchantes dont la ville de Pontarlier fut le théâtre en cette occasion, et le repas donné aux notables du lieu par M. de Saint-Mauris, et les courses, de bague, vieil usage légué par les Espagnols, et les soixante bourgeois qui s’étaient formés en un corps de dragons volontaires, et les devises et les illuminations, enfin tout un bulletin naïf et sentimental. […] Il s’est plu à afficher en tout lieu Mme de Monnier. […] Vous êtes prisonnier d’État, vous vous perdriez si vous alliez chercher une affaire loin des lieux où vous êtes relégué ; vous me perdriez moi-même ; on croirait que vous avez reçu le prix de ce service dangereux, et que j’ai été assez vire pour l’exiger.

633. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Or de quelque ordre de considérations que cet être s’inspire pour prendre parti, qu’il tienne compte d’une idée morale, d’un intérêt ou d’une passion, ne voit-on pas que tous les éléments d’après lesquels il décide, s’ils figurent maintenant dans la conscience, y ont été projetés d’un lieu inconnu, par une force inconnue et que la conscience ne gouverne pas. […] Si, au contraire, tous les éléments du problème lui sont fournis, et s’il choisit le mal au lieu du bien, ce qui lui est funeste au lieu de ce qui lui profite, il faut bien accorder qu’une nécessité plus forte le contraint et bride sa liberté. […] Il est, à vrai dire, le lieu où des êtres vivants, que d’un terme abstrait nous nommons des instincts, viennent en contact, et, s’unissant ou s’opposant, forment des gouvernements où tel groupe est tour à tour prépondérant.

634. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

L’unité de lieu n’y est pas exactement observée ; mais l’action est une, & sa durée ne s’étend que depuis le lever du soleil jusqu’au coucher. […] Pour l’unité de lieu, il n’a pas cru qu’il lui fût possible de la garder sans ôter le merveilleux, & sans tronquer les intrigues. […] Il n’y avoit pas lieu de croire que ces suppressions fussent du nombre de ces morceaux que les gens de goût pouvoient regretter ; on s’étoit pourtant trompé dans cette conjecture.

635. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Or, dans les amnésies où toute une période de notre existence passée, par exemple, est brusquement et radicalement arrachée de la mémoire, on n’observe pas de lésion cérébrale précise ; et au contraire dans les troubles de la mémoire où la localisation cérébrale est nette et certaine, c’est-à-dire dans les aphasies diverses et dans les maladies de la reconnaissance visuelle ou auditive, ce ne sont pas tels ou tels souvenirs déterminés qui Sont comme arrachés du lieu où ils siégeraient, c’est la faculté de rappel qui est plus ou moins diminuée dans sa vitalité, comme si le sujet avait plus ou moins de peine à amener ses souvenirs au contact de la situation présente. […] Ce qui est donné, ce ne sont pas des sensations inextensives : comment iraient-elles rejoindre l’espace, y choisir un lieu, s’y coordonner enfin pour construire une expérience universelle ? […] Conservons donc notre hypothèse, qu’il y aurait pourtant lieu d’atténuer.

636. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

La complication des sociétés Nous nous sommes demandé quelle orientation devaient donner aux idées sociales le nombre et le rapprochement, les ressemblances et les différences des individus associés : posons-nous cette même question élargie, en prenant comme unités d’observation, au lieu des seuls individus, les groupements mêmes qu’ils constituent. […] De même, le montagnard que son rang censitaire place dans les comices auprès de l’habitant des côtes n’oublie pas son lieu d’origine ni les relations qu’il y a contractées. […] Et ainsi, au lieu qu’il soit enfermé dans une seule association exclusive et jalouse qui, en satisfaisant tous ses besoins, accaparerait toute son activité, une multitude de sociétés s’ouvrent à l’homme : à chacune d’elles il ne prête son activité que dans la mesure de ses besoins.

637. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

J’étais ému d’admiration, la première fois que je lisais dans Platon ce témoignage sur l’omniprésence de Dieu et sur sa providence inévitable : « Quand vous seriez caché dans les plus profondes cavernes de la terre, quand vous prendriez des ailes et que vous vous envoleriez au haut des cieux, quand vous fuiriez aux confins du monde, quand vous descendriez au fond des enfers ou dans quelque lieu plus formidable encore, la providence divine y serait près de vous. » Cela me frappait d’une secousse plus vive que l’imagination d’Homère décrivant la marche de ses dieux, « en trois pas, au bout du monde » ; j’y sentais une grandeur morale qui dépasse toute force matérielle. […] Ils furent l’âme du peuple hébreu, sa cymbale de guerre, le luth de son deuil et de ses afflictions, sa vie durable dans la captivité, alors que, démembré par les discordes, expatrié par la servitude, ses lieux saints, ses tombeaux, sa langue natale, lui étaient arrachés, et qu’il ne lui restait plus que sa foi dans le passé et dans l’avenir. […] » Ce délire qui se prend à tout, s’irrite contre les lieux, contre les choses insensibles, se retrouve dans la poésie grecque.

638. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Le silence et l’immobilité de la captive, devant les ordres réitérés de la reine, la pitié du chœur pour cette étrangère qui lui paraît une bête sauvage récemment prise aux filets, ce n’est là qu’un prélude à l’incomparable scène où la prophétesse effarée voit et dénonce, sur le lieu même et à quelques heures de distance, le crime près de s’accomplir : LE CHŒUR. […] Mais l’ode était partout ; elle éclatait, à chaque nom célèbre couronné dans les jeux guerriers de la Grèce ; elle allait du continent aux îles, de Corinthe à Rhodes, de Syracuse à Lesbos : et, quand elle était tenue haute par le génie du poëte, en tout lieu retentissante, elle excitait sans cesse cette ardeur des âmes, cet amour de la vertu et de la gloire, cet enthousiasme de l’imagination, que deux fois dans l’année seulement, aux fêtes de Bacchus et de Minerve, le théâtre d’Athènes secouait sur la Grèce. […] Pourquoi ces discours d’un gouverneur de prince, au lieu du souvenir de cette invisible et divine maîtresse, dont l’innocent Hippolyte croit entendre la voix dans le silence des forêts ?

639. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Choisir Paris pour le lieu de la tenue des États était donc un coup de maître ; c’était choisir un milieu relativement modéré, empêcher l’assemblée de se trop émanciper si elle en avait envie, et si elle était tentée de faire une royauté irréconciliable et non nationale ; c’était empêcher une armée étrangère de s’emparer du lieu où les États siégeaient et de les tenir en sujétion ; c’était à la fois brider Paris, en y étant présent, et pouvoir aviser à tout.

640. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il y en a qui rétrécissent et diminuent tous les sujets qu’ils traitent, il y en a qui les dessèchent ; lui, il les élève et les ennoblit, il les transforme sans les dénaturer ; il les revêt d’un mélange heureux de gravité et d’élégance ; il les fixe surtout et les situe en leur lieu et à leur point précis, dans leurs rapports avec les autres régions, sur la carte du monde intellectuel. […] Dans tout pays où la science serait apprécie pour elle-même, où le caractère des hommes serait honoré pour ce qu’il vaut, où l’on aimerait mieux entrer en controverse, s’il y avait lieu, avec l’homme de mérite que de l’apostropher et de l’injurier, où l’on ne procéderait point en idées comme en tout par accès et par fougues, par sauts et par bonds, il n’y aurait pas eu tout ce bruit, et nous irions entendre M. 

641. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Les lieux, les accidents de terrain, les particularités de défense et de retranchement sont d’un bout à l’autre (je répète le mot à dessein) présentés avec une exactitude sensible et dans un détail conforme et continu qui permettrait d’en dresser le plan. […] Le traducteur au lieu des Furies met les Érinnyes ; ce n’est guère la peine de traduire, et, qui pis est, le reste de la phrase va contre le sens.

642. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Pourquoi insister sur le droit de résistance à ce degré, droit que, selon toute probabilité, on n’aura jamais lieu d’exercer à la rigueur ? […] Nous en détachons la note suivante : « J’ai, en bien des cas, prêté ma plume à mes amis, en me mettant en leur lieu et place et en faisant ce qu’ils désiraient de moi.

643. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

C’est pour cela qu’on a dit que les beaux vers étaient la marque des mauvaises tragédies : non pas que les vers des bonnes tragédies ne soient beaux aussi, mais ce sont surtout des vers de situation, des traits de caractère, au lieu que les mauvaises tragédies ont seules ces beaux vers, qui ne sont que de beaux vers, qui ne jaillissent ni de la situation ni des caractères, qui, saisissant l’esprit et la mémoire du spectateur, le divertissent de la pièce avec laquelle ils n’ont pas de rapport nécessaire. […] En général, dans une courte et simple composition, comme sont les exercices d’école, il n’y a guère lieu de répéter en divers endroits la même idée.

644. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

c’est que la gloire qui ne connoît ni les tems, ni les lieux, ni les conventions arbitraires des hommes, juge d’avance comme la postérité. […] Le tranquille Observateur assis sur la pointe d’un roc qui domine l’Océan, représente le Sage, qui d’un lieu élevé regarde les agitations qui troublent les mortels.

645. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Après avoir passé la journée aux disputes du temple, Jésus descendait le soir dans la vallée de Cédron, prenait un peu de repos dans le verger d’un établissement agricole (probablement une exploitation d’huile) nommé Gethsémani 951, qui servait de lieu de plaisance aux habitants, et allait passer la nuit sur le mont des Oliviers, qui borne au levant l’horizon de la ville 952. […] Le village de Béthanie, en particulier 955, situé au sommet de la colline, sur le versant qui donne vers la mer Morte et le Jourdain, à une heure et demie de Jérusalem, était le lieu de prédilection de Jésus 956.

646. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Ici on n’est pas en plusieurs lieux à la fois, on est en un seul point déterminé ; on marche jour par jour, on se traîne ; on fait partie d’un seul groupe que chaque heure meurtrière détruit. […] De grands feux allumés firent croire à l’ennemi qu’on allait camper en ce lieu.

647. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Il fait donc voyager un Provençal qui part de Marseille pour se rendre dans le Levant, écrit de tous les endroits où il a séjourné, & rend exactement compte à une Dame de tout ce qu’il y a d’intéressant à savoir sur la position des lieux, sur les singularités de la nature, sur les loix, sur les mœurs, les usages, la religion, le gouvernement, le commerce, les sciences, les arts, l’habillement, les édifices, les productions naturelles, &c. […] On ne fait pas moins de cas de la rélation d’un voyage du Levant, fait par ordre du Roi, contenant l’histoire ancienne & moderne de plusieurs isles de l’Archipel, de Constantinople, des Côtes de la mer noire, de l’Arménie, de la Georgie, des frontieres de Perse & de l’Asie mineure ; avec les plans des villes & des lieux considérables, le génie, les mœurs, le commerce & la religion des différens peuples qui les habitent & l’explication des médailles & des monumens antiques, enrichie des descriptions & des figures d’un grand nombre de plantes rares, de divers animaux : & plusieurs observations touchant l’histoire naturelle, par le célébre Tournefort, en deux vol.

648. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Tous ces panégyriques en sonnets, éternellement répétés, et éternellement oubliés, tombent les uns sur les autres, comme la poussière dans un lieu où l’on marche. […] Lorsque, il y a cent ans, la Russie était à peine connue, que les descendants des anciens Scythes étaient encore à demi sauvages, et que le lieu où est aujourd’hui située leur capitale, n’était qu’un désert, on ne s’attendait pas alors qu’avant la fin du siècle, l’éloquence dût y être cultivée, et qu’un Scythe, au fond du golfe de Finlande, et à quinze degrés au-delà du Pont-Euxin, prononcerait un tel panégyrique dans une académie de Pétersbourg.

649. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

On y voit figurer des hommes ou des faits célèbres, lesquels sont ordinairement placés par les savants dans d’autres temps, dans d’autres lieux, ou qui même n’ont point existé. […] Enfermez un homme endormi dans un lieu très étroit, mais parfaitement obscur, l’horreur des ténèbres le lui fait croire certainement plus grand qu’il ne le trouvera en touchant les murs qui l’environnent.

650. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Que de maux seront soufferts, que de ruines entassées, que de monuments et d’idées s’écrouleront dans le monde, pour que ces souvenirs soient expiés aux mêmes lieux qui les consacrent, que la pénitence épure cette terre de volupté, qu’une église de martyrs s’élève à la place d’un bocage sacré, et que la prière d’une humble vierge au pied de la croix ou le dévouement de quelque religieux dans un lazaret remplace, aux mêmes lieux, les hymnes chantés à Vénus !

651. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Une discussion dans les bureaux du Constitutionnel »

Nous ne demandons qu’à rester dans le rôle obscur et d’observateur malgré nous, qui nous a été fait par huit années de secrétariat, ne cherchant pas à nous exhausser sur la tombe du maître, mais ne négligeant rien non plus, cependant, quand l’occasion s’en présente, de ce qui peut servir à éclairer, par quelque point important et lumineux, la biographie de celui qui nous fit son éditeur posthume, son légataire universel, et nous mit en son lieu et place pour la correction et la publication de ses dernières œuvres.

652. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc ne manque pas : Semblables au François qui, durant son jeune aage, Et du Tibre et du Pô fraye le beau rivage : Car, bien que nuict et jour ses esprits soyent flattez Du pipeur escadron des douces voluptez, Il ne peut oublier le lieu de sa naissance ; Ains, chasque heure du jour, il tourne vers la France Et son cœur et son œil, se faschant qu’il ne voit La fumée à flots gris voltiger sur son toict.

653. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

Son oeuvre nous tient lieu des expériences personnelles et sensibles qui seules peuvent imprimer en notre esprit le trait précis et la nuance exacte ; mais en même temps elle nous donne les larges idées d’ensemble qui ont fourni aux événements leur unité, leur sens et leur support.

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