Il fit donc cette admirable pièce qui commence avec grandeur, et où il montre le vaisseau de haut bord qui, dans l’orgueil du départ, se rit des flots et se joue même de la tempête ; puis, en regard, la pauvre barque comme il en avait tant vu dans le golfe de Naples, une barque de pêcheur dans laquelle habite toute une famille, et qui, jour et nuit, lui sert d’unique asile et de foyer : le père et le fils à la manœuvre, la mère et les filles aux plus humbles soins.
Si nous en valons la peine, on nous nomme, on nous caractérise en deux mots, et voilà la page de notre vie dans un siècle. » Dans les temps d’orage, au contraire, « dans ces drames désordonnés et sanglants qui se remuent à la chute ou à la régénération des empires, quand l’ordre ancien s’est écroulé et que l’ordre nouveau n’est pas encore enfanté, dans ces sublimes et affreux interrègnes de la raison et du droit,… tout change ; la scène est envahie, les hommes ne sont plus des acteurs, ils sont des hommes… Tout a son règne, son influence, son jour ; l’un tombe, parce qu’il porte l’autre ; nul n’est à sa place, ou du moins nul n’y demeure ; le même homme, soulevé par l’instabilité du flot populaire, aborde tour à tour les situations les plus diverses, les emplois les plus opposés ; la fortune se joue des talents comme des caractères ; il faut des harangues pour la place publique, des plans pour le Conseil, des hymnes pour les triomphes… On cherche un homme !
Voltaire a rempli à lui seul cette époque de la philosophie, où il faut accoutumer les hommes comme les enfants à jouer avec ce qu’ils redoutent.
Il relit un de ses cahiers, il en est content et il ajoute : « Il y a quelquefois des moments de profondeur dans la peinture de mon caractère. » Il vient de prendre une leçon de déclamation : « J’ai joué la scène du métromane avec un grand nerf, une verve et une beauté d’organe charmantes.
Richepin a dû, ce jour-là, prendre le mot théâtre dans une de ses vieilles acceptions, — théâtre de l’Europe…, théâtre des curiosités de… Cette réserve faite (elle est sans importance), toutes ces saynètes, qui se jouent elles-mêmes dans un cerveau de littérateur, cette indignation contre le bourgeois non artiste qui soulevait déjà le poète de la Chanson des gueux … C’est cette haine qui inspire les saynètes où Polichinelle triomphe de Pierrot, dans cette gamme de la concurrence vitale qui s’appelle la peinture des portraits, en démontrant la supériorité du miroir où l’on se voit, de ses yeux prévenus, sur la tenace recherche technique et le souci de pittoresque et de caractère qu’un peintre peut posséder.
la mère qui fait jouer son enfant. du même.
Oui, j’en suis frappé… Mlle Mars, — une Mlle Mars qui écrit absolument comme l’autre jouait, — qui sourit, qui salue, qui plaisante, qui marivaude et qui rienise avec cette ineffable perfection que Mlle Mars avait et qu’elle eût enseignée à des princesses, si des princesses avaient besoin d’être irréprochables !
Elle était restée femme comme il faut, en cette attitude charmante de femme comme il faut, qui se joue d’écrire et qui est chez soi, dans les choses de l’âme et de l’esprit, autant que dans les choses du monde.
Je ne le dirai point, et c’est le meilleur tour à jouer peut-être à cette vanité de Galatée littéraire, qui fuit derrière les saules de ses livres pour être mieux vue… Elle les croit des flambeaux !
Je dis qu’on respire dans ce livre un air chargé de vapeurs mauvaises, — les vapeurs d’une tête de femme qui joue à la prophétesse et qui ne fera l’effet d’en être une à personne qu’à M.
Toute cette grave histoire, c’est celle d’une société qui passa sa vie à jouer aux petits jeux et aux petits vers, et qui eut la triste puissance de rapetisser une minute Condé et Bossuet.
Le livre qu’Ernest Semichon a publié sous ce beau titre : La Paix et la Trêve de Dieu 21, est une tentative de justice rendue au Moyen Âge par un esprit qui croit aimer le Moyen Âge dans l’Église, qui comprend la grandeur du rôle que l’Église a joué alors, — et même qui la comprend trop, car ce rôle-là, il l’exagère, et c’est le vice profond et dangereux de son travail.
Elle s’éloigne ensuite, et comme elle va disparaître, l’orchestre joue l’air fameux : Ô Richard, ô mon roi, l’univers t’abandonne !
Les plus forts, les plus gigantesques de ses chefs apparents, qu’il poussait devant lui sous le coup de fourche de son inflexible volonté, ne furent, entre ses mains de Briarée, que d’énormes pantins qu’il fit jouer et qu’il brisa.
Supposez, comme je le crois, que ces contradictions qui y pullulent et dont nous vous montrerons quelques-unes, sans pouvoir, à mon grand regret, donner un tableau intégral des autres, supposez que ces contradictions viennent de l’esprit de justice d’un historien qui aime et qui n’en dit pas moins ce qu’il voit contre ce qu’il aime, on est toujours en droit de se demander comment il se fait que le heurt, l’achoppement, les soufflets de ces contradictions à travers lesquelles l’historien intrépide s’avance sans broncher, ne l’avertissent jamais des dangers qu’il court dans ce Colin-Maillard auquel il joue entre les faits et les sympathies de sa pensée ?
Comme il est mort avant la naissance de la république, dont il eût aimé la dictature encore plus que la liberté, comme il s’est agité, mais n’a pas agi, — rien n’étant plus différent de l’action politique que les vaines agitations d’un journaliste de parti, — on peut sans danger lui établir une conscience posthume irréprochable, et supposer magnifique le rôle qu’il n’a pas joué.
Je trouve, à la page 382 de la Correspondance, ces paroles d’une superbe si superbement justifiée : « En somme, voici le jeu que je joue !
Il consiste dans le programme assez bien étudié de la philosophie à l’École normale et dans cette fausse élégance qui joue au dandy sur des sujets qui ne comportent pas le dandysme.
Puis, il a repris son sourire, dans lequel aucun scepticisme ne se joue.
Ou bien, encore, aurait-il gardé rancune à l’illustre romancier français de s’être joué dans la pensée swedenborgienne avec une puissance que Swedenborg n’avait pas, et d’avoir tiré de cette pensée un parti qui aurait stupéfié son auteur, — s’il l’avait compris ?
Vous pouvez présenter aux yeux qu’offenserait une philosophie trop vive toutes les facettes ternes de ce bijou très faux et cependant en faire jouer aux yeux dont vous êtes plus sûr l’étincelle hégelienne qui y est cachée, car cette étincelle, si petite qu’elle soit, elle y est !
Dieu, qui se joue de tout et qui veut nous montrer combien toute apparence est vaine, n’avait-il pas mis le cœur de son meilleur ami derrière les traits de son ennemi le plus implacable ?