Son honneur à lui, c’est de n’avoir jamais, même aux moments les plus désespérés et les plus amers, cédé d’un point sur les conditions qu’il jugeait essentielles au rétablissement de la monarchie en France : « Il est aussi impossible de refaire l’Ancien Régime, pensait-il, que de bâtir Saint-Pierre de Rome avec la poussière des chemins. » Consulté de Vérone par Louis XVIII, et d’Édimbourg par le comte d’Artois, dans leurs projets excentriques de restauration, il ne cesse de leur redire : « Il faut écouter l’intérieur si l’on veut entreprendre quelque chose de solide… Ce n’est pas à nous à diriger l’intérieur, c’est lui qui doit nous diriger. » Dans une note écrite pour Louis XVIII en juillet 1795, Mallet du Pan lui pose les vrais termes de la question, que ce roi ne paraissait pas comprendre entièrement alors, et qu’il fallut une plus longue adversité pour lui expliquer et lui démontrer : La grande pluralité des Français ayant participé à la Révolution par des erreurs de conduite ou par des erreurs d’opinion, écrivait Mallet, il n’est que trop vrai qu’elle ne se rendra jamais à discrétion à l’ancienne autorité et à ses dépositaires ; il suffit de descendre dans le cœur humain pour se convaincre de cette vérité.
Voilà donc Carrel qui, en reprenant la plume après la révolution de 1830, s’est dit qu’il ne voulait pas faire d’opposition systématique ; qu’il ne voulait que conseiller, appuyer de ses idées un pouvoir ami ; qu’il n’y avait plus, en quelque sorte, que des questions d’intérieur et de ménage à éclaircir entre la royauté consentie et ceux qui en avaient procuré l’avènement ; et, malgré tout, il est bientôt amené par le cours même des choses, par le train du jeu, par l’action et la passion qu’il y met, à devenir hostile, amer, et en peu de temps irréconciliable. […] Carrel a pu paraître un moment ce Sertorius de la presse ; il l’a été jusqu’en 1833, par son habileté de tactique, son audace calculée et ses ruses ; mais bientôt l’obstination s’est montrée trop à nu, et malgré ses habiletés d’intérieur, dont les gens de son parti avaient seuls le secret, il n’a plus paru au-dehors que comme Charles XII à Bender, soutenant à peu près seul un siège dans sa maison.
Celui, par exemple, qui ne peut lire que des narrations, le lecteur d’Alexandre Dumas, n’est pas pour autant un homme d’action et quelquefois même il est très paresseux, mais le plus souvent il n’est ni un observateur des autres ni un observateur de soi-même et il n’a ni vie intérieure ni vie extérieure intellectuelle. […] Par un certain besoin de réaction contre soi-même et pour ne pas tomber du côté où l’on sent qu’on penche, c’est quelquefois le penseur très abstrait et l’homme d’examen intérieur qui aime, souvent du moins, lire des ouvrages de pure narration, et l’on a cité tel très digne héritier de Montesquieu qui faisait ses délices de Ponson du Terrail.
Jouffroy un homme intérieur, et M. de Biran un abstracteur de quintessence, c’est annoncer que Napoléon fut ambitieux ; il est inutile de faire ces découvertes. […] Art, littérature, philosophie, religion, famille, société, gouvernement, tout établissement ou événement extérieur nécessite et dévoile un ensemble d’habitudes et d’événements intérieurs.
Si parmi eux il en est un qui semble vivre d’une vie intérieure, qui soit réfléchi et méditatif et ne soit pas toujours comme en scène, il est traité de « sournois ». […] L’homme qui se croit obligé, qui est et qui veut être esclave de sa conscience, qui a le scrupuleux respect du devoir, qui s’y sacrifie ; c’est un homme qui obéit à un Dieu, à un Dieu intérieur, mais à un Dieu ; à un Dieu qu’il n’extériorise pas, mais à un Dieu. […] De là sont venus tous les désordres intérieurs et aussi toutes les fureurs qui suivirent. […] Les faits suivirent, en conformité avec les idées régnantes : expédition de la République française en Italie pour relever le pouvoir temporel du pape et « expédition de Rome à l’intérieur », comme on disait alors, c’est-à-dire organisation de la liberté d’enseignement. […] Nous ne créons pas des étrangers à l’intérieur ; nous trouvons des étrangers à l’intérieur, et nous leur défendons de l’être, et nous les prions ou de cesser de l’être ou de déguerpir.
Je reçois, je crois recevoir un ordre intérieur, voilà le premier fait ; j’y obéis et je suis content de moi ; je n’y obéis pas et je suis mécontent de moi, voilà le second fait. […] Il connaît tout l’enchaînement des circonstances extérieures et intérieures qui l’ont amené à son crime, ou plutôt il ne les connaît pas, mais, comparé à vous, il les connaît. […] L’homme intérieur, en Europe, n’est pas assez inquiétant pour pouvoir se faire voir avec sa férocité qui le rendrait beau. […] C’en est la marque : « Les prédicateurs de la morale, quels thèmes n’ont-ils pas brodés sur la « misère » intérieure des hommes « méchants » ? […] Il a ses passions, qui sont ses fauves intérieurs, et lisent et il sentira tous les jours le besoin de se battre contre ces fauves-là.
Et l’Espagnole Conchita aussi, elle garde son secret et son mystère, mais elle porte et agite autrement que Jobbie l’orage intérieur ; elle semble avoir emprunté à l’antique Sapho sur son promontoire un éclair de sa flamme : Conchita « Et moi, je garde aussi mon mystère et mon voile.
Jamais, dans les vrais siècles de grandes et vertueuses œuvres, on n’a songé ainsi à étaler cette plainte secrète ; on travaillait, on mûrissait, et se sentir mûrir console des fleurs qu’on n’a plus : on croyait à ce perfectionnement intérieur qui va à l’inverse des grâces riantes et qui, en définitive, sait s’en passer.
C’est là que s’exercera l’invention, qui n’est, comme on le voit, qu’une appropriation à un certain objet des idées et des sentiments qu’on a antérieurement acquis, un fragment de la vie intérieure qu’on détache et qu’on produit au dehors.
Nos défaillances et nos désordres intérieurs viennent peut-être, en grande partie, de notre diminution européenne.
Henry Bordeaux Les vers de Villiers de l’Isle-Adam n’ont point toujours cette secrète correspondance du rêve intérieur et du rêve exprimé ; il est visible, par endroits, que des lectures ont puissamment agi sur lui.
Que les vieilles règles de d’Aubignac meurent avec les vieilles coutumes de Cujas, cela est bien ; qu’à une littérature de cour succède une littérature de peuple, cela est mieux encore ; mais surtout qu’une raison intérieure se rencontre au fond de toutes ces nouveautés.
Elle sortit de sa case et en ferma l’entrée avec un séko136 puis, se tenant derrière le séko, elle s’assit et guetta à travers les interstices du nattage, ce qui allait se passer à l’intérieur.
Dans les temps où la société est ainsi agitée par la lutte des idées anciennes qui voudraient ressaisir le sceptre du pouvoir, et des idées nouvelles qui ne veulent pas souffrir de partage, souvent c’est un malaise vague et intérieur dont il est difficile de marquer les périodes et de signaler tous les symptômes.
» Il repassa ainsi toute la suite de son développement intellectuel, et je ne sais pas de problème psychique sur lequel on possède de meilleurs renseignements que sur cette vie intérieure de l’auteur des Souvenirs d’enfance et de jeunesse.
J’ai traversé quelques intérieurs. […] Là-haut, les yeux se réjouissent au milieu des Prud’hon, des Chardin, des Fragonard ; en bas dans le jardin, juste assez grand pour être tout fleuri ; et par toute la riante et petite maison, le cœur s’égaie à la cordialité de l’hospitalité, à tout ce qui se lève de bon, de frais, d’honnêtement heureux, d’un intérieur réglé par le devoir, et, à tous moments, traversé par des vols d’enfants. […] Cet intérieur, c’est l’homme, ses goûts, son talent. Un intérieur tout plein d’un gros Orient, et où perce un fonds de barbare dans une nature artiste. […] Un intérieur provincial austère, et la jeune fille vivant entre la studiosité de son oncle et la gravité de sa grand-mère, a pour les hôtes d’aimables paroles, de gais regards bleus, et aussi une jolie moue de regret, quand, sur les huit heures, après le bonsoir de ma vieille, adressé par le fils à sa mère, la grand-maman emmène sa petite-fille dans sa chambre, pour bientôt se coucher.
La vie intérieure Les faits que je viens d’analyser ont pu faire une existence malheureuse : ils n’auraient suffi à faire ni un grand poète ni un pessimiste. […] Après avoir pénétré dans la vie intérieure de Leopardi, ne faut-il pas reconnaître que la petite part seulement, dans la formation de sa philosophie, peut être attribuée aux circonstances ? […] Taine, c’est l’homme intérieur. […] Enfin, je dis à Leggiero de s’avancer un peu dans l’intérieur pour découvrir quelque maison dans le voisinage. […] Garibaldi retenu par la violence serait devenu dangereux à l’intérieur.
Tout en présentant au prolétariat un idéal qui ne saurait être atteint que par le sacrifice volontaire et le progrès moral de chacun et de tous, ils n’exigent point de leurs clients ce perfectionnement intérieur et, bien entendu, ne s’y obligent point eux-mêmes.
Sachant qu’un excès ne se corrige que par un autre, la nature humaine ayant besoin d’être forcée en sens contraire pour revenir au juste milieu, nous souhaitions des vers sans rimes, reconnaissables seulement à la sonorité et à l’éclat, obéissant aux seules lois de la fantaisie, scandés d’un frémissement intérieur, distincts de la prose, par leur intensité musicale.
L’action, l’agitation, la passion étouffent la parole intérieure, qui veut être écoutée avec recueillement. […] et vous lâche dans ce grand jardin de la poésie, où il n’y a pas de fruit défendu. » Dans la préface des Voix intérieures, le poète est élevé à une fonction civilisatrice. […] Il est donc vrai que ce chansonnier si joyeux eut à subir lui aussi ses tristesses et ses épreuves intérieures ; lui aussi, il traversa une époque de misanthropie, où sa gaieté nerveuse et factice n’était qu’à la surface. […] Déjà Lamartine, Victor Hugo, l’avaient retrempée à des sources intérieures, découvertes par leur génie d’écrivain ; elle en était sortie avec une souplesse et un éclat nouveaux. […] Ils y ont acquis la preuve que rien de saillant ne passe inaperçu aux yeux de ces élégants causeurs qui poursuivent jusque dans le monde leur œuvre intérieure, et qui empruntent autour d’eux les traits décisifs d’une figure ou d’une scène.
Derrière ces brusques départs, quels beaux drames intérieurs, quels déchirements n’est-il pas permis de soupçonner ? […] Le trésor de sa vie intérieure serait à jamais perdu, si Constantin Christomanos n’en avait pieusement recueilli des parcelles. […] Il n’a pas voulu les chercher au-dessus de lui : il les a trouvés dans les abîmes intérieurs. […] Il croit schématiser ainsi le déroulement de la vie intérieure, mais un tel procédé, contestable déjà dans l’œuvre de M. […] Rien ne vaut cette façon de se lover à l’intérieur d’une pensée, pour résoudre, en les adoptant, en les vivant, ses antinomies.
Représentation idéale, mais aussi éloignée de la véritable que le monde intérieur du monde extérieur. […] Mettons que la curiosité de plus en plus aiguë pour l’homme intérieur a guidé surtout nos classiques et qu’avant tout, il s’agissait pour eux de donner forme à un art encore indécis : ils s’attaquaient à sa substance intime. […] Ce qui doit nous intéresser, c’est moins ce que fait l’homme que ce qui se passe dans l’homme : voici fondé le drame intérieur. Pour être intérieur, il n’en est pourtant pas moins drame. […] Du moins, il faut marquer un point : l’action extérieure est réhabilitée ; elle a le droit de composer avec l’action intérieure comme dans Othello et le Roi Lear.