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1657. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Heureux dans mon ménage, heureux par ma charmante fille, heureux par mes anciens amis, je ne demande plus rien aux hommes, ayant rempli tous mes devoirs austères (entendez cet austères, sans trop d’austérité) de fils, d’époux, de père, de frère, d’ami, d’homme enfin, de Français et de bon citoyen ; ce dernier, cet affreux procès m’a fait du moins un bien, en me mettant à même de rétrécir mon cercle, de discerner mes vrais amis de mes frivoles connaissances. […] Il ne s’agissait de rien moins que de soixante mille ou même de deux cent mille  fusils à acheter en Hollande et à procurer au gouvernement français, qui, aux approches de la guerre, en avait grand besoin. […] Entreprend-il de se justifier auprès de la Commune de Paris des sots griefs qu’on lui impute, comme d’avoir accaparé des armes, d’avoir des souterrains dans sa maison du boulevard, même d’avoir trompé autrefois les Américains par ses fournitures, il dira ingénument, en imitant les gageures et les défis à l’anglaise : Je déclare que je donnerai mille écus à celui qui prouvera que j’aie jamais eu chez moi, depuis que j’ai aidé généreusement l’Amérique à recouvrer sa liberté, d’autres fusils que ceux qui m’étaient utiles à la chasse ; Autres mille écus si l’on prouve la moindre relation de ce genre entre moi et M. de Flesselles… Je déclare que je paierai mille écus à qui prouvera que j’ai des souterrains chez moi qui communiquent à la Bastille… Que je donnerai deux mille écus à celui qui prouvera que j’aie eu la moindre liaison avec aucun de ceux qu’on désigne aujourd’hui sous le nom des aristocrates… Et je déclare, pour finir, que je donnerai dix mille écus à celui qui prouvera que j’ai avili la nation française par ma cupidité quand je secourus l’Amérique… Cette façon de tout évaluer en argent me paraît déceler un ordre de sentiments et d’habitudes qui était nouveau en littérature, et qui s’y naturalisa trop aisément.

1658. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Envoyé à Rome pendant l’occupation de 1799, témoin de cette émulation de rapines que le gouvernement du Directoire propageait partout dans les républiques formées à son image, il écrit à son ami Chlewaski qu’il a laissé à Toulouse : Dites à ceux qui veulent voir Rome qu’ils se hâtent, car chaque jour le fer du soldat et la serre des agents français flétrissent ses beautés naturelles et la dépouillent de sa parure… Les monuments de Rome ne sont guère mieux traités que le peuple. […] Mais je vous trouve trop circonspect ; fiez-vous à votre propre sens ; ne feignez point de dire en un besoin que tel bon écrivain a dit une sottise : surtout gardez-vous bien de croire que quelqu’un ait écrit en français depuis le règne de Louis XIV : la moindre femmelette de ce temps-là vaut mieux pour le langage que les Jean-Jacques, Diderot, d’Alembert, contemporains et postérieurs ; ceux-ci sont tous ânes bâtés sous le rapport de la langue, pour user d’une de leurs phrases ; vous ne devez pas seulement savoir qu’ils aient existé. […] Mais avec Courier, il faut se faire à ces extrémités spirituelles d’expression qui ne sont que des figures de pensée ; et n’est-ce pas ainsi que, dans sa passion et presque sa religion du pur langage, il disait encore : « Les gens qui savent le grec sont cinq ou six en Europe : ceux qui savent le français sont en bien plus petit nombre ! 

1659. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Un caractère commun les unit tous trois : avec Buffon et Jean-Jacques la langue française, malgré ses conquêtes et ses accroissements pittoresques, restait encore en Europe : avec ces trois autres, Bernardin, Chateaubriand et Lamartine, par le luxe et l’excès des couleurs, elle est décidément en Asie. […] Il nous a entretenus des Harmonies de la nature, qu’il nous a montrées jusque dans la poésie française qui, en admettant la rime masculine et la rime féminine, avait l’avantage, comme toutes les espèces du règne animal et végétal, de réunir les deux sexes. […] Villemain, de notre éloquent secrétaire perpétuel, si j’avais besoin de m’excuser, je dirais hautement : Membre de l’Académie française, j’ai le droit de relever, de la seule manière qui puisse le toucher, l’organe de la compagnie là où il abuse publiquement de son rôle de rapporteur pour y glisser contrairement aux convenances, contrairement aux intentions de beaucoup de membres, ses passions personnelles : biographe littéraire, je souffre toutes les fois que je vois des critiques éminents à tant d’égards et en possession d’un art merveilleux, mais des esprits plus nés évidemment pour la louange ou la fine satire que pour l’histoire, ne songer à tirer parti des faits que pour les fausser dans le sens de l’effet passager et de l’applaudissement.

1660. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

La température française, se montre trop inclémente aux arbustes rares, pour que je recommence. […] * * * — Les pays de l’Europe, où ne se trouvent pas d’objets d’art français, on y découvre des éventails : — l’éventail des émigrées, cet objet, que dans sa fuite la plus précipitée, la femme française emportait toujours.

1661. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Des peintres de l’antiquité Nos poëtes françois sont donc à plaindre lorsqu’on veut leur faire essuïer la comparaison des poëtes latins qui avoient tant de secours et tant de facilitez pour faire mieux qu’il n’est possible de faire aux poëtes françois. […] Après avoir parlé de l’avantage que les poëtes latins avoient sur les poëtes françois ; j’avois avancé que les peintres des siecles précedens n’avoient pas eu le même avantage sur les peintres qui travaillent aujourd’hui, ce qui m’a mis dans la necessité de dire les raisons pour lesquelles je ne comprenois pas les peintres grecs et les anciens peintres romains dans ma proposition.

1662. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

… Allons, une faute de français ici, — un détail écœurant à la fin de cette phrase… (Second soupir plein d’amertume. […] … mais tu ne vois donc pas, bélître, que tu as oublié, près de cette cassette si aristocratiquement ouvragée, un pot de chambre égueulé, — et qu’il manque une tache de graisse sur cette draperie de velours… Vite, le pot de chambre ; vite, la tache de graisse ; vite, la faute de français ! » Et, tout humilié de cette victoire sur-lui-même, Champfleury obéit à sa conscience : en sorte que tous les insulteurs de notre chère langue française sont autorisés à l’appeler publiquement leur maître.

1663. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Il valeta comme pas un pour y entrer, et quand, essoufflé et sur les dents, de ses marches, contremarches et démarches pour se pousser dans la Française, il y fut entré à la fin, il repartit, comme une locomotive haletante, pour forcer celle des Inscriptions !!! […] … Je ne connais, dans toute la littérature française du xixe  siècle, que About qui ait contre le catholicisme une insolence pareille à celle de Mérimée, et encore About est immortellement le gamin qui abaisse le marchepied de la voiture de Voltaire et qui ramasserait les bouts de cigare de Voltaire, si Voltaire fumait. […] Mais s’il ne l’est pas, et s’il vante Napoléon III de ne pas l’être, que signifie l’épithète de « sainte » qu’il donne à l’Impératrice quand l’Empire s’écroule « et qu’elle reste si noble et si Française sur ses débris ?

1664. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Puis il publia, sous un mauvais titre, — métaphysicien qui ne voyait pas le succès et qui voyait par trop sa pensée, — ce chef-d’œuvre de la Restauration française, qui est à son propre talent ce qu’il est lui-même à l’abbé Noirot ; le chef-d’œuvre absolu qu’on ne recommence pas. […] Et voilà pourquoi ce livre de la Douleur est resté si longtemps parfaitement ignoré en France, malgré la clarté française d’un titre qui dit bien ce qu’il doit dire, qui ne s’appelle ni l’inconscient ou le surconscient, ni le un-tout, ni d’aucun de ces titres, obscurs comme fumée, si chers aux ramoneurs allemands et si respectés des Trissotins de France, qui les croient profonds. […] Saint-Bonnet, — pour qui, depuis des années, je brûle vainement dans les journaux l’amadou de mes pauvres articles, sans avoir jamais pu allumer la torche à laquelle il a droit et qui devrait marcher devant lui comme la flûte devant le triomphateur romain, — Saint-Bonnet, l’auteur de l’Unité spirituelle, de la Restauration française, de l’Infaillibilité, de l’Affaiblissement de la Raison en Europe, de la Légitimité, de la Chute, etc., n’a pas (comme vous le voyez) que ce livre de la Douleur au riche budget de ses œuvres· Malheureusement, ces œuvres, qui devraient éclater de gloire, n’ont pas fait le bruit de la moindre sottise, et c’est nonobstant appuyé sur elles qu’il reste tranquillement, attendant patiemment la Postérité.

1665. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

On dit indifféremment : la société hindoue, la société féodale, la société romaine ou française ; comme si toutes les agglomérations d’hommes, dans quelque temps et en quelque lieu que ce soit, devraient donner naissance à des êtres définis, constitués, organisés, — en un mot à des sociétés unifiées. […] C’est en ce sens que Mirabeau pouvait dire que la Révolution française eût plu sans doute à Richelieu. […] Esmein, Cours d’Histoire du Droit français, p. 289.

1666. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Je viens de lire un ouvrage ayant pour titre : Le Romantisme français. […] L’homme marmonna quelques mots en français et se mit à rire. […] C’étaient des bourgeois français, dans le meilleur sens du mot, respectueux de l’ordre et même des préjugés. […] Jean de Gourmont, le jeune frère du savant auteur de L’Esthétique de la langue française. […] La patronne est française et son premier mari l’était également… vous comprenez ! 

1667. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delair, Paul (1842-1894) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

1668. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gigleux, Émile »

Gigleux ait subi l’influence de ces deux maîtres, et je ne vois point qu’il y ait à l’en blâmer, car le charme de Musset allié à la vigueur nerveuse du poète des Trophées ne peut manquer de donner un résultat qui fasse honneur aux lettres françaises.

1669. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lacaussade, Auguste (1815-1897) »

. — Les Poésies de Leopardi, adaptées en vers français (1888).

1670. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Marsolleau, Louis (1864-1935) »

[Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).]

1671. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Polonius, Jean = Labenski, Ksaveri Ksaverievitch (1800-1855) »

[Les Poètes français, recueil publié par Eugène Crépet (1861-1863).]

1672. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « [Préface] »

À l’époque de la Révolution française, on croyait que les institutions de petites villes indépendantes, telles que Sparte et Rome, pouvaient s’appliquer à nos grandes nations de trente à quarante millions d’âmes.

1673. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Avant-propos » pp. -

En effet c’est donner comme les bulletins des batailles que, depuis près de quarante ans, les deux frères ont livrées sur le terrain du roman, de l’histoire, du théâtre, de l’art français et japonais.

1674. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 11, que les beautez de l’execution ne rendent pas seules un poëme un bon ouvrage, comme elles rendent un tableau un ouvrage precieux » pp. 71-72

D’ailleurs il n’est point d’imitation de la nature dans les compositions du simple versificateur, ou du moins, comme je l’exposerai plus au long dans la suite de cet ouvrage, il est bien difficile que des vers françois imitent assez-bien dans la prononciation le bruit que le sens de ces vers décrit, pour donner beaucoup de réputation au poëte qui ne sçauroit pas faire autre chose.

1675. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

III Voilà les deux seuls points où Shakespeare efface Molière ; sous tous les autres rapports, il est effacé par le comique français. […] Cependant les Précieuses ridicules, pièce satirique et personnelle, peignent des vices de salons propres à la nation française. […] La verve comique y manquait, c’était de l’imagination plus que du ridicule ; le Français ne l’aime pas. […] Nous allons examiner la morale de ce chef-d’œuvre, si diversement interprété depuis par les différentes passions des hommes intéressés à accuser ou à défendre la plus belle des comédies françaises. […] «Heur, dit la Bruyère, se plaçait où bonheur ne pouvait entrer ; il a fait heureux, qui est si français, et il a cessé de l’être.

1676. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVII » pp. 264-265

— On vient de recevoir, à la Comédie française, une comédie intitulée La femme de quarante ans, d’un M. d’Onquaire ; on en attend beaucoup, et on se demande si ce n’est pas un auteur comique qui nous vient : Dî omen… advertant !

1677. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Couyba, Charles-Maurice (1866-1931) »

J’y sens un précieux renouveau de la bonne humeur française, rajeunie par un mélange mesuré d’émotion tendre, aussi éloignée que possible de la fadeur sentimentale qui définit la romance.

1678. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Denne-Baron, Pierre-Jacques-René (1780-1854) »

Sainte-Beuve Denne-Baron lui-même qu’était-il et quel rôle pourrait-on lui assigner, en le nommant, dans une histoire de la poésie française au xixe  siècle ?

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