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766. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

. — Un autre trait des décadences, comme nous l’avons déjà dit, c’est l’amour exagéré de l’analyse, qui finit par être une force dissolvante. […] Etant devenue ou s’étant flattée de devenir, grâce à la tyrannie croissante du journalisme, la dispensatrice de la renommée, elle a fini par se croire supérieure à la littérature vraiment féconde, à celle qui produit au lieu d’analyser. […] On n’en finirait vraiment pas s’il fallait relever toutes les images de ce genre qui sont répandues dans ses vers ; son inspiration poétique emprunte plus d’une fois les apparences du cauchemar : Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits, Il arrive souvent que sa voix affaiblie Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts, Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts319  Il finit par se demander lui-même, non sans quelque raison : Ne suis-je pas un faux accord Dans la divine symphonie ? […] On se rappelle le jugement sommaire porté par Vauvenargues et, avec lui, par tout le dix-huitième siècle sur La Fontaine, ce représentant unique, au siècle précédent, de la vie animale, de la nature et presque du naturel : « Il n’a écrit ni dans un genre assez noble ni assez noblement. » L’art, de nos jours, est devenu de plus en plus (démocratique, et il a fini même par préférer la société des vicieux à celle des honnêtes gens.

767. (1926) L’esprit contre la raison

Des Bourses, des Chambres de députés étaient camouflées en temples grecs et les plis lourds et faussement classiques d’une pseudo-Antiquité cachaient ce soleil de soufre et d’amour qui, un beau soir, finit toujours par éclaterq, là-bas, plus loin que l’horizon et l’habitude. […] La loi du moindre effort finit par s’imposer à eux comme aux autres. […] Lafcadio sait que ça finira mal. […] Il dénonce la conception ornementale du jeu verbal dans « Les mots sans rides », publié dans Littérature nouvelle série n°7, le 1er décembre 1922 : « Les mots du reste ont fini de jouer/ Les mots font l’amour. » O.C. […] 80 Crevel glose la conclusion de Breton, dans les « Mots sans rides » (« Les mots ont fini de jouer/ Les mots font l’amour »). mais reste, par le « divertissement », dans le fil de sa précédente référence à Pascal.

768. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

En symbolisant ces trois termes par les segments consécutifs AB, BC, CD d’une même ligne droite AD, on peut dire que notre pensée décrit cette ligne d’un mouvement continu qui va de A en D, et qu’il est impossible de dire avec précision où l’un des termes finit, où commence l’autre. […] Parce que le sujet hypnotisé finit par avoir chaud quand on lui répète avec insistance qu’il a chaud, il ne suit pas de là que les paroles de la suggestion soient déjà chaudes. […] Si le souvenir d’une grande douleur, par exemple, n’est qu’une douleur faible, inversement une douleur intense que j’éprouve finira, en diminuant, par être une grande douleur remémorée. […] Le travail de localisation consiste en réalité dans un effort croissant d’expansion, par lequel la mémoire, toujours présente tout entière à elle-même, étend ses souvenirs sur une surface de plus en plus large et finit par distinguer ainsi, dans un amas jusque-là confus, le souvenir qui ne retrouvait pas sa place. […] Ce qui est réellement atteint, ce sont les régions sensorielles et motrices correspondant à ce genre de perception, et surtout les annexes qui permettent de les actionner intérieurement, de sorte que le souvenir, ne trouvant plus à quoi se prendre, finit par devenir pratiquement impuissant : or, en psychologie, impuissance signifie inconscience.

769. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Elle finit par avouer sa liaison avec Werlé. […] ) la méchanceté finit par paraître la meilleure affirmation de la force. […] Si, quand la chose est faite, au moins c’était fini ! […] La pièce s’évapore au lieu de finir. […] Mais Balzac nous répète si souvent que ce fou est sublime, que nous finissons par le croire.

770. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

L’esprit fixé avec une frénésie d’attention sur la porte, il finit par croire qu’on l’ouvre, il l’entend grincer. […] Nous travaillons machinalement et nous bâillons beaucoup ; les trois quarts des objets nous laissent froids ; nous nous endormons dans l’habitude, et nous finissons par ne plus remarquer les scènes de ménage, les minces détails, les aventures plates qui sont le fond de notre vie. […] Quand vous finissez Mauprat, votre émotion n’est pas la sympathie pure ; vous ressentez encore une admiration profonde pour la grandeur et la générosité de l’amour. […] Le premier mot qu’épela cet excellent jeune homme fut « gain. » Le second (quand il arriva aux dissyllabes) fut « argent. » Cette belle éducation avait produit par hasard deux inconvénients ; l’un, c’est qu’habitué par son père à tromper les autres, il avait pris insensiblement le goût d’attraper son père ; l’autre, c’est qu’instruit à considérer tout comme une question d’argent, il avait fini par regarder son père comme une sorte de propriété, qui serait très-bien placée dans le coffre-fort appelé bière. « Voilà mon père qui ronfle, dit M.  […] Dickens l’a raconté en dix volumes, et il a fini par écrire l’histoire de David Copperfield.

771. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Celui-là ne comporte d’autre suite que : « Ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » L’histoire de la bergère épousée par le roi est finie lorsque le roi a épousé la bergère. […] Costard finira dans la peau d’un bourgeois correct, respectueux des convenances et même des préjugés, et Bobette, vieillie, sera une bonne dame qui invitera son curé et rendra le pain bénit. — À vrai dire, tout cela n’est pas sûr : témoin Labosse, demeuré polichinelle jusque dans un âge avancé. […] Et ça finit en opérette, de façon qu’il y en ait pour tous les goûts. […] Et les angoisses du banquier, ses suprêmes tentatives, sa scène avec Piégois, sa scène avec son frère qui, d’abord furieux, finit par l’embrasser, tout cela forme un drame simple et poignant, d’une rare intensité d’émotion. […] Alfred Capus finit toutefois par consentir à un dénouement heureux, mais il a soin que l’optimisme en soit sans fadeur.

772. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Je crois voir encore son grand œil noir me regarder fixement ; puis il devint trouble et se ferma. » Carmen morte, sa vie est finie, il n’a plus qu’à galoper jusqu’à Cordoue pour se livrer, et attendre le garrot, privilège des nobles, qui ne sont pas pendus comme les vilains. […] On connaît le précepte antique : « hors du temple et des sacrifices, ne montrez pas les intestins. » Le roman naturaliste est une protestation outrée contre ce précepte : on a brisé les voûtes du temple de l’art pour l’égaler au monde ; soit ; mais le cerveau et la pensée finissent par disparaître au profit des intestins. […] Presque tous ses romans et tous ses drames, depuis Quatre-vingt-treize et les Misérables jusqu’à Hernani, viennent aboutir à des dilemmes moraux, à de grandes pensées et à de grandes actions ; et c’est ainsi, à force d’élévation morale, que le poète finit par reconquérir cette réalité qui lui manque tout à fait dans l’enchaînement des événements et dans la logique habituelle des caractères. […] C’est d’abord l’attente douce, presque certaine, dans le rêve qui la reporte à ce bal où il lui a semblé qu’elle était aimée, puis douloureuse dans l’amour dédaigné, et enfin désespérée dans l’absence indéfinie du bien-aimé ; attente, désespoir qui doivent finir dans la certitude de la mort. […] Il réfléchit un peu ; puis, avec le doigt, il osa frapper contre la vitre : pas de réponse ; il frappa plus fort. « — Quand je devrais casser de vitre, il faut en finir. » Comme il frappait très fort, il crut entrevoir, au milieu de l’obscurité, comme une ombre blanche qui traversait sa chambre.

773. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Par le fait, les mystères les plus vivaces, qui finirent par entraîner dans leur mouvement les mystères éleusiniens eux-mêmes, furent ceux de Dionysos et de son continuateur Orphée. […] Telle a dû être, par un côte au moins, la signification des exercices qui finirent par s’organiser en « yoga ». […] C’est la conviction, graduellement gagnée et subitement obtenue, que le but est atteint : finie la souffrance, qui est tout ce qu’il y a de déterminé, et par conséquent de proprement existant, dans l’existence. […] De ce double amour le mystique n’aura jamais fini de parler. […] Même sur la ligne où l’essentiel de cette impulsion a passe, elle a fini par épuiser son effet, ou plutôt le mouvement s’est converti, rectiligne, en mouvement circulaire.

774. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Pour l’objet qui nous occupe, il faut bien le redire et ne pas s’en lasser : à creuser profondément les problèmes d’esthétique on finit par heurter le roc fondamental d’où partent quantité de filons mystérieux par quoi notre être se relie aux choses. […] Aussi loin qu’on s’y promène, on finit par se heurter à des fortifications. […] Des moindres bibelots dont notre rêve d’artiste aime s’entourer et qui forment autant de souvenirs vivants, fusera une note, et des motifs de symphonie spirituelle s’ajouteront les uns aux autres, transposant à leur manière, et musicalement nos émotions intérieures, pour finir en un vaste concert psychique où nos propres motifs seront joués. […] À force, vous cédez et finissez par consentir à communier ma douleur. […] * *   * Enfin ils ont bien compris, les symbolistes, puisque la Vie se définit le continu, que l’expression de fini n’a pas plus de sens dans le monde moral que dans le monde sensible.

775. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Après, l’élévation des Guises et le massacre des Vaudois, par lequel finira son règne. […] Le drame finit par une ode qui est l’hymne du rossignol. […] Il a fini par emporter le cahier, afin d’y revoir ce qu’il aimait le plus. […] Un bourreau amateur de tortures : ainsi finissent les Flaviens. Un gladiateur poltron : ainsi finissent les Antonins.

776. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

Plusieurs pensent qu’il aurait mieux valu en finir cette année et bâcler une loi pour clore la bouche aux déclamations du clergé.

777. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alphonse Karr. Ce qu’il y a dans une bouteille d’encre, Geneviève. »

Karr, je ne finirais pas de réitérer les mêmes regrets, toujours redoublés, il est vrai, des mêmes éloges : ce qui deviendrait d’un ennui que ce léger et facile roman ne mérite pas.

778. (1887) Discours et conférences « Préface »

Ces façons de prendre les gens à la gorge et de leur dire : « Tu parles la même langue que nous, donc tu nous appartiens », ces façons-là sont mauvaises ; la pauvre humanité, qu’on traite un peu trop comme un troupeau de moutons, finira par s’en lasser.

779. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 56-59

Après avoir présenté le tableau touchant des vertus & des bienfaits sans nombre du Duc de Lorraine, qui lui mériterent le surnom de Grand, l’Orateur Historien finit par observer qu’il ne manque à la gloire de ce grand Prince qu’une statue.

780. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 104-107

Il devoit paroître quatre fois l’an ; mais l’arriere-saison lui a été mortelle : il n’a pu finir son premier cours.

781. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Ainsi vivent ces âmes véhémentes, incessamment heurtées et brisées par leur propre élan, comme un boulet arrêté qui tourne et semble tranquille, tant il va vite, mais qui, au moindre obstacle, saute, ricoche, met tout en poudre, et finit par s’enterrer. […] J’entrai dans un tel paroxysme de rage que je m’évanouis presque… Je présume que je finirai comme Swift, c’est-à-dire que je mourrai d’abord par la tête, —  à moins que ce ne soit plus tôt et par accident. » Horrible attente, et qui l’a hanté jusqu’au bout ! À son lit de mort, en Grèce, il refusait, je ne sais plus pourquoi, de se laisser saigner, et préférait finir tout de suite. […] Il rompt sa chaîne d’un grand bond ; tout est fini. […] La réforme des idées finit par réformer le reste, et la lumière de l’esprit produit la sérénité du cœur.

782. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

On finit par se tenir tranquille, et l’on regarde le monde aller, en tâchant d’éviter les heurts, en ramassant çà et là quelques petits plaisirs commodes. […] » Il finit par l’appeler bête féroce, apostat et Diable : « Ne doute pas que tu ne sois réservé à la même fin que Judas, et que, poussé par le désespoir plutôt que par le repentir, dégoûté de toi-même, tu ne doives un jour te pendre, et, comme ton émule, crever par le milieu du ventre456. » On croit entendre les mugissements de deux taureaux. […] La mythologie a fait place à la théologie ; l’habitude de la dissertation a fini par abaisser l’essor lyrique ; l’érudition accrue a fini par surcharger le génie original. […] Devant les portes était assise — de chaque côté une formidable figure. —  L’une semblait une femme jusqu’à la ceinture et belle, —  mais finissait ignoblement en replis écailleux, —  volumineux et vastes, serpent armé — d’un mortel aiguillon. […] Poëte et protestant, il reçut de l’âge qui finissait le libre souffle poétique, et de l’âge qui commençait la sévère religion politique.

783. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Elle décroît peu à peu, et finit par se perdre dans la conscience que nous avons de nos mouvements quand nous nous portons bien. […] C’est qu’entre la nation, si grande soit-elle, et l’humanité, il y a toute la distance du fini à l’indéfini, du clos à l’ouvert. […] Quel est le principe d’action qui succède ici à l’obligation naturelle ou plutôt qui finit par l’absorber ? […] Mais cet élan propre à la vie est fini comme elle. […] Leur exemple a fini par entraîner les autres, au moins en imagination.

784. (1932) Le clavecin de Diderot

Comme l’a écrit Lénine, ce n’est point à coups de syllogismes qu’on finira de venir à bout de l’idéalisme. […] Quant à ceux qui savent suivre le fil de leurs désirs, dans ces labyrinthes, ils finissent toujours par arriver là où il y a de la viande à acheter, à consommer. […] Tout s’arrangera, finira par des chansons, tant que la bonne vieille gauloiserie tiendra la queue de la poêle. […] Lafcadio sait que ça finira mal. […] Les amoindrissements physiques et temporels paient l’assurance sur la vie à venir et à ne jamais finir.

785. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Elle a pu être moins complète, elle était en tout cas temporaire, dans des sociétés en mouvement, où l’intelligence finirait par apercevoir derrière l’interdiction une personne. […] Constatant que tout ce qui vit autour de lui finit par mourir, il est convaincu qu’il mourra lui-même. […] Ma famille avait fini par trouver le moyen de me faire taire. […] Et l’Osiris égyptien, qui s’est confondu avec le dieu solaire après avoir été celui de la végétation, a fini par être le grand juge équitable et miséricordieux qui règne sur le pays des morts. […] Pour cela des exercices continuellement répétés sont nécessaires, comme ceux dont l’automatisme finit par fixer dans le corps du soldat l’assurance morale dont il aura besoin au jour du danger.

786. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Que penserez-vous de conversations qui commençaient à une heure après midi et qui ne finissaient qu’à onze heures du soir ?

787. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre II. Du Chant grégorien. »

Diverses raisons peuvent faire couler les larmes ; mais les larmes ont toujours une semblable amertume : d’ailleurs, il est rare qu’on pleure à la fois pour une foule de maux ; et quand les blessures sont multipliées, il y en a toujours une plus cuisante que les autres, qui finit par absorber les moindres peines.

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