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228. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

J’en ai un exemple. […] Il faut rectifier les passions humaines et les émonder comme on émonde un arbre, et non pas autre chose. » C’est un exemple frappant — et je l’ai choisi exprès — mais il n’est pas le seul, de l’anti-stoïcisme de La Fontaine. […] Exemple à l’appui : la Génisse, la Chèvre, la Brebis et le Lion. […] Exemple à l’appui : le Renard et le Bouc. […] Enfin, et ceci est encore de la prudence  je ne vous donne du reste que les exemples les plus saillants  ceci est encore de la prudence, ne pas faire trop d’attention aux propos, ne pas vouloir suivre les indications, les conseils que tout le monde vous donne, car autant il y a de têtes autant il y a d’avis, et l’on ne saurait jamais ce que l’on a à faire si l’on écoutait les propos divers.

229. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

On pourrait encore le prouver par d’autres exemples, tirés de Cicéron même ; mais celui que nous venons de citer nous paraît plus que suffisant. […] Quand je vois un orateur latin employer des mots de Térence, sur ce fondement que Térence est un auteur de la bonne latinité, c’est à peu près comme si un orateur français employait des phrases de Molière par la raison que Molière est un de nos meilleurs auteurs : « Messieurs, pourrait dire à son auditoire, ce harangueur si heureux en imitation, c’est une étrange affaire que d’avoir à se montrer face à face devant vous, et l’exemple de ceux qui s’y sont frottés est une leçon bien parlante pour moi. […] Cet exemple suffit, je crois, pour prouver que ce n’est pas dans Térence qu’un orateur latin moderne doit former son style. […] Je dis plus ; il ne serait peut-être pas difficile de montrer par des exemples, qu’un écrivain français, qui pour paraître bien posséder sa langue affecterait dans ses ouvrages beaucoup de gallicismes (même de ceux qu’on peut se permettre en écrivant), se ferait un style qu’il faudrait bien se garder d’imiter. […] En voici un exemple tiré des poésies de ce jésuite.

230. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Walt Whitman, enfin, nous a donné l’exemple du plus total épanouissement dans la chair et l’universelle vie.‌ […] Prenons un exemple déjà produit : Supposez une chambre avec un enfant qui joue, une nourrice qui le surveille, tandis que la mère est occupée à quelque ouvrage. […] Un autre exemple :‌ Je marche sur la route ; un homme qui vient vers moi m’arrête et me touchant le bras, me dit : « Vous ne passerez pas par ce chemin. » Naturellement, mon premier acte est de m’opposer à cette volonté extérieure et de dire : « Je prendrai le chemin qu’il me plaira de prendre. » Aucun de nous, à moins d’être timide de tempérament ou trop faible de nature, ne pourrait agir autrement. […] En même temps que sous nos yeux, autour de nous, naissent, s’entr’ouvrent et s’élaborent dans la vie réelle, dans le fait, dans la vie entière, les premiers germes d’une vie qui n’a été encore que chantée dans ses grandes lignes, presque jamais vécue, les hommes d’élite doivent s’unir étroitement, donnant au monde par cette intime liaison l’exemple vivant d’un plus complet, plus universel et plus positif accord. Qu’ils donnent cet exemple clairement, simplement, franchement à tous.

231. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Le roman populaire1 Peut-on citer, dans la littérature française, des exemples de roman populaire ? […] S’ils étaient une seule et même chose, je ne demanderais pas : « Peut-on citer, dans la littérature française, des exemples de roman populaire ?  […] On pourrait y trouver vingt autres exemples du même ordre. […] Tout ce que nous venons de dire tend à prouver, du moins je l’espère, que le roman populaire est possible puisqu’on peut citer des exemples, ici ou là, de livres écrits par de grands artistes, capables d’influer heureusement sur l’esprit des foules, et répandus jusque dans les villages d’Angleterre ou de France. […] J’ai donc montré, par des exemples, que le roman populaire avait déjà un commencement d’histoire ; par un rapide exposé de nos mœurs, qu’il était nécessaire ; par des citations dont j’aurais pu augmenter le nombre, que la pensée d’un art et d’une littérature s’adressant à la foule, familière autrefois à beaucoup d’esprits, n’est pas sans écho dans le monde où nous vivons.

232. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Un savant du dix-septième siècle a cherché principalement cette similitude dans les maximes de Platon comparées aux prescriptions de la loi mosaïque ; il indique en exemple : 1° la crainte affectueuse de Dieu ; 2° l’interdiction de se venger et de faire aucun mal à autrui ; 3° l’obligation de la prière, d’accord avec le précepte pythagoricien : « Commence tous tes actes par la prière, afin de pouvoir les achever » ; 4° le devoir pour les puissants et les princes de se conformer au Roi des rois, au Dieu unique, parfait modèle de toute sagesse et de toute justice. […] Irons-nous plus loin encore, et supposerons-nous que l’éloquent Athénien, en Égypte ou ailleurs, a connu quelques parties des livres saints d’Israël, qu’il en a recueilli des vérités, emprunté des couleurs, qu’il est poëte à leur exemple ? […] Ce caractère, ce genre de diction, je ne veux pas dire tempéré, comme l’ont nommé quelques hébraïsants trop classiques, mais unique, mais original, et semblable, pour ainsi dire, à une inspiration si divine qu’elle ne coûte aucun effort, qu’elle n’agite pas le prophète, qu’elle ne trouble pas le son de sa voix et qu’elle tombe doucement de ses lèvres, nous en avons de nombreux exemples dans Pindare ; mais une gracieuse image s’en retrouve aussi dans l’ode charmante d’Horace : Quem tu, Melpomene, semel Nascentem placido lumine videris, Illum non labor Isthmius Clarabit pugilem, etc. […] Demandons encore aux livres saints, même avant David, un exemple de cette poésie religieuse et populaire, animée des passions de l’Orient. […] Nul doute qu’une éducation à part, la plus sévère, la plus abstinente, la plus morale, la plus poétique, préparait ces hommes ; et, si quelquefois le même don de sagesse et d’enthousiasme, que l’éducation développait en eux, se trouvait ailleurs perdu et comme enfoui dans une existence grossière, là encore parfois il s’éveillait, sous quelque coup du sort et quelque ressentiment des maux de la patrie, comme nous l’atteste l’exemple du prophète Amos, enlevé à ses travaux rustiques pour avertir un roi corrompu d’Israël et protester contre l’idolâtrie de Damas et le schisme de Samarie.

233. (1905) Promenades philosophiques. Première série

D’Alembert la répète, sans pouvoir donner aucun exemple précis. […] L’œil, reprenons cet exemple et répétons-le, est une création de la lumière. […] Il est vrai que l’on voit des exemples du contraire. […] Il faut réduire les idées en exemples : alors on voit leur vanité, car il y a des exemples pour tout et contre tout. […] Il y en a des exemples assez sérieux.

234. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Falconer, parmi les reptiles et les mammifères plus ou moins étranges des dépôts sub-himalayens, est un remarquable exemple de ces faits. […] Les habitants de la terre semblent se transformer plus vite que ceux de la mer ; et l’on en a observé dernièrement un remarquable exemple en Suisse. […] Je citerai en exemple les dépôts de l’Amérique du Nord, de la région équatoriale de l’Amérique du Sud, de la Terre de Feu, du cap de Bonne-Espérance et de l’Inde. […] Je soupçonne que l’Europe peut nous offrir plusieurs exemples de ces faits. […] Pictet en donne un exemple bien connu, dans la ressemblance générale des restes organiques des divers étages de la Craie, bien que les espèces de chaque étage soient distinctes.

235. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

On en trouverait de nombreux exemples dans Lamartine, ou dans Hugo surtout. […] J’en pourrais produire, si c’en était ici le lieu, de notables exemples. […] J’en voudrais montrer un admirable exemple dans le Discours sur l’histoire universelle. […] Bayle est justement l’un des exemples éloquents qu’il y en ait. […] Voilà un bel exemple du pouvoir de la dialectique !

236. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Telle est la force de l’exemple, le génie le saisit en maître. […]   L’exemple des Troubadours s’étendit jusques dans les Provinces les plus éloignées. […] Son exemple fut suivi par ses successeurs. […]   Richelieu, en formant l’Académie Françoise, anima par son exemple & par ses bienfaits les membres dont il la composa. […] Ces deux Ecrivains étoient eux-mêmes un exemple, qui n’établissoit pas la supériorité des Modernes.

237. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Il nous revient à l’esprit deux exemples de ce genre de défaut systématique, dont les traducteurs, peu versés sans doute dans la langue et la littérature grecques, paraissent avoir été dupes eux-mêmes. […] Autre exemple : lorsque Créon revient désespéré, apportant le cadavre de son fils dans ses bras, on accourt lui annoncer, comme dernier surcroît de malheur, que sa femme vient de se tuer : et on apporte celle-ci sur le théâtre.

238. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Citons un exemple de ce dernier type : le désir passionné de vivre a-t-il rien imaginé de plus ingénieux que les fondations de prix ? […] Sa paresse a pour complice et pour excuse la paresse beaucoup moins pardonnable de ses guides, les critiques et les processeurs, dont il reçoit l’exemple d’une admiration routinière. […] Si cet exemple paraît gothique, prenons un ouvrage plus moderne. […] Mais ce retour de l’opinion publique, quoique les exemples n’en soient pas rares, n’est point la règle, c’est l’exception, et il y aurait une énorme imprudence à y compter. […] L’instruction littéraire, bien loin de diminuer la moutonnerie instinctive des esprits, a pour effet de l’augmenter plutôt par l’empire de la doctrine et par le prestige de l’exemple.

239. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Mme de Staël et George Sand en sont d’autres exemples. […] Toute la salle suivit son exemple. […] Je choisis exprès des exemples que tout le monde puisse vérifier, chacun les ayant sous la main ou dans la mémoire. […] Deux autres exemples plus proches achèveront d’éclairer ce point : P. […] Voulez-vous d’autres exemples évidents de tempéraments divers ?

240. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Malgré ses mauvaises doctrines et ses mauvais exemples, si Crébillon est moins qu’un homme de génie, il est plus qu’un homme de talent. […] Voltaire lui-même est l’exemple le plus éclatant du péril de ses propres nouveautés. […] Elle a toute la pureté d’une jeune fille vertueuse, et pourtant elle meurt comme une coupable ; triste exemple du ravage des passions, qui dévorent même ceux à qui elles n’ont pas ôté l’innocence. […] Il n’est pas besoin de savoir beaucoup de grammaire ni de Versification pour noter dans Mérope cent exemples d’impropriété ou d’incohérence. […] On trouve dans les tragédies de Voltaire des exemples de toutes les qualités du style : force, douceur, délicatesse, coloris poétique ; on y cherche un style.

241. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Voici, au reste, d’autres exemples de ce mot pris, en bonne part. […] Elles jugent des beaux discours et des beaux ouvrages ; elles eu font elles-mêmes. » Voici quelques exemples fournis par de Pure, de leurs conversations et de leurs discours. […] Les changements opérés dans la langue française durant la période des précieuses ne sont pas le premier exemple qu’on puisse citer du pouvoir de la conversation. […] Il avait pu être lui-même subjugué par l’exemple de ses approbateurs, et atteint de leur corruption : c’était la destinée commune. […] Il avait pu croire aussi l’autorité de l’exemple si puissante que personne n’y ait échappé, et qu’ainsi toute apparence contraire était hypocrisie, et que le poète comique qui démasquerait cette hypocrisie, servirait les mœurs et la justice.

242. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Des fables de cette sorte je vous donnerai les exemples suivants : l’Homme qui court après la fortune et l’Homme qui l’attend dans son lit. […] Dans l’Horoscope La Fontaine met en lumière par deux exemples combien sont trompeuses les prédications ou les prévisions que certains pensent tirer de la conjonction des astres ; puis il se met à raisonner : De ces exemples il résulte Que cet art, s’il est vrai, fait tomber dans les maux Que craint celui qui le consulte ; Mais je l’en justifie et maintiens qu’il est faux. […] Vous avez enfin, dans le même ordre d’idées et dans la même catégorie de fables philosophiques, comme je les intitulerais si toutes les fables de La Fontaine n’étaient pas des fables philosophiques, vous avez enfin le fameux Discours à Mme de La Sablière, dont je vous donnerai seulement un petit aperçu pour la très bonne raison que vous le connaissez et qu’il s’agit seulement de vous montrer, par un exemple, comment La Fontaine raisonne et fait œuvre de dialecticien dans ses fables, ou plutôt dans ses discours philosophiques. […] Je vous en ai, non pas donné, mais omis un exemple, lorsque je vous ai parlé du poème du Quinquina. […] Les romantiques ont aussi épargné La Fontaine parce qu’ils ont senti que La Fontaine était tellement en dehors de toutes les querelles d’école, et même de toutes les classifications, qu’il ne pouvait point les gêner et que même, à certains égards (par la liberté qu’il a prise dans ses vers irréguliers), il était leur auxiliaire et qu’il pouvait leur servir d’argument, de raison ou d’exemple.

243. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Mais cet art de Bourdaloue ne sera tout à fait sensible aux lecteurs d’aujourd’hui que quand j’aurai démontré, par un exemple déterminé et bien choisi, de quelle manière il s’y prenait pour mêler à la gravité morale de son enseignement une de ces intentions précises, et quelque allusion non équivoque à un incident ou à un personnage contemporain. Je m’attacherai pour cela à l’exemple même indiqué par Mme de Sévigné, à la retraite de M. de Tréville. […] Je pourrais multiplier les exemples qui démontreraient en détail chez Bourdaloue, je ne dirai pas cette partie anecdotique (le mot est trop petit), mais bien cette large veine et cette continuelle opportunité oratoire. […] Ne le mettez pas à un si haut prix qu’ils n’aient pas de quoi l’acheter. » Bourdaloue, étudié dans le détail, offrirait le plus bel exemple de la parole chrétienne édifiante et convaincante, appliquée à tous les usages et distribuée comme le pain de chaque jour, depuis les sermons prêchés à la Cour ou sous les voûtes de Notre-Dame jusqu’aux simples exhortations pour les assemblées de charité.

244. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Tandis que celui-ci, gai, riant, plein de verve et sous ses airs d’Anacréon, semble avoir rempli sa destinée naturelle, La Fare fait plutôt l’effet d’avoir manqué la sienne ; on voit dans son exemple de riches facultés qui se perdent, et des talents distingués qui s’altèrent et s’abîment faute d’emploi ; on est involontairement attristé. […] Telle sera à son dernier terme la paresse de La Fare : on hésiterait à en parler de la sorte, si l’on n’avait les preuves les plus fortes à l’appui, il faut que son exemple donne toute la moralité qu’il renferme. […] Revenant en idée sur cet amour délicat et tendre qui avait honoré son passé, sur ce souvenir qui aurait dû lui être sacré de Mme de La Sablière, il ne craignait pas de le comparer et de le sacrifier aux images de cette vie sans retenue et sans scrupule qui l’envahissait désormais tout entier : De Vénus-Uranie, en ma verte jeunesse,       Avec respect j’encensai les autels, Et je donnai l’exemple au reste des mortels       De la plus parfaite tendresse. […] Et puisque j’en suis à rappeler ces souvenirs fortifiants et ces antidotes en regard d’un exemple de dégradation qui afflige, qu’il me soit permis de joindre ici la traduction de la fameuse Hymne d’Aristote à la Vertu, où circule encore et se resserre en un jet vigoureux toute la sève des temps antiques : Vertu qui coûtes tant de sueurs à la race mortelle, ô la plus belle proie de la vie, c’est pour toi, pour ta beauté, ô Vierge, qu’il est enviable en Grèce, même de mourir, et d’endurer des travaux violents d’un cœur indomptable ; tant et si bien tu sais jeter dans l’âme une semence immortelle, supérieure à l’or et aux joies de la famille, et au sommeil qui console la paupière !

245. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Mirabeau avait fort usé dans ses précédentes lettres de l’exemple et de l’autorité de M. de Saint-Georges, cet homme d’esprit et ce philosophe dont j’ai parlé, qui demeurait rue Bergère, et qui l’avait engagé à quitter le service pour se créer une existence agréable, occupée, indépendante. Vauvenargues, qui a vu un moment à Paris M. de Saint-Georges, et qui en fait cas, récuse toutefois l’exemple et l’application que Mirabeau en voudrait faire à eux deux. Ce passage où il les caractérise tous les trois est d’une belle touche et d’une peinture morale excellente : L’exemple de M. de Saint-Georges, dit-il, n’est fait ni pour vous, ni pour moi ; c’est un homme trop accompli ; il est gai, modéré, facile, sans orgueil et sans humeur ; il a une santé robuste ; il aime les sciences et la paix ; il est formé pour la vertu ; sa famille et ses affaires lui font un intérêt et une occupation ; son esprit déborde son cœur, le fixe et le rassasie ; il a le goût de la raison et de la simplicité, tout cela se trouve en lui, sans qu’il lui en coûte ; ce sont des dons de la nature ; il est formé pour les biens qu’elle a mis autour de sa vie ; les autres le toucheraient moins ; il a le bonheur, si rare, de jouir de tout ce qu’il aime, parce qu’il n’aime rien que ce dont il jouit. […] Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ? 

246. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Écoutons Tacite, c’est ainsi qu’il commence son premier livre : XI « J’entreprends une œuvre riche en vicissitudes, atroce en batailles, déchirée en séditions, sinistre même dans la paix : « Quatre empereurs tranchés successivement par le glaive, trois guerres civiles, plusieurs guerres extérieures, quelques autres tout à la fois civiles et étrangères ; « Nos armes, prospères en Orient, malheureuses en Occident ; l’Illyrie troublée, les Gaules mobiles, la Grande-Bretagne conquise et perdue presque au même moment ; les races suèves et sarmates se ruant contre nous ; les Daces illustrés par des défaites et par des victoires alternatives ; l’Italie elle-même affligée de calamités nouvelles ou renouvelées des calamités déjà éprouvées par elle dans la série des siècles précédents ; des villes englouties ou secouées par les tremblements de terre sur les confins de la fertile Campanie ; Rome dévastée par les flammes ; nos plus anciens temples consumés ; le Capitole lui-même incendié par la main de ses concitoyens ; nos saintes cérémonies profanées ; des adultères souillant nos plus grandes familles ; les îles de la mer pleines d’exilés ; ses écueils ensanglantés de meurtres ; des atrocités plus sanguinaires encore dans le sein de nos villes ; noblesse, dignités, acceptées ou refusées, imputées à crime ; le supplice devenu le prix inévitable de toute vertu ; l’émulation entre les délateurs, non-seulement pour le prix, mais pour l’horreur de leurs forfaits ; ceux-ci revêtus comme dépouilles des consulats et des sacerdoces, ceux-là de l’administration et de la puissance de l’État dans les provinces, afin qu’elles supportassent tout de leur violence et de leur rapacité ; les esclaves corrompus contre leurs maîtres, les affranchis contre leurs patrons, et ceux à qui il manquait des ennemis pour les perdre, perdus par la trahison de leurs amis. » XII « Toutefois le siècle n’est pas assez tari de toute vertu pour ne pas fournir encore de grands exemples : « Des mères accompagnant leurs fils poursuivis, dans leur fuite ; des femmes s’exilant volontairement avec leurs maris ; des proches courageux ; des gendres dévoués ; la fidélité des serviteurs résistant même aux tortures ; des hommes illustres bravant les dernières extrémités de l’infortune ; l’indigence elle-même héroïquement supportée ; des sorties volontaires de la vie comparables aux morts les plus louées de nos ancêtres. […] « Il n’y avait point cependant jusque-là d’exemple d’un empereur déposé. […] « On a vu des exemples de légions révoltées contre leurs généraux ; mais votre fidélité et votre renommée, à vous, sont restées jusqu’à ce jour sans souillure. […] Vous admettriez cet exemple, et vous vous approprieriez leur crime en le tolérant par votre inaction !

247. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Far exemple, combien de suicides sont causés par la honte, par la crainte de l’opinion, par le respect des préjugés (suicides des filles-mères, des maris trompés), par le sentiment d’intolérabilité que le groupe, surtout les groupes étroits et fortement intégrés, crée autour de l’individu sur lequel pèse une réprobation ou un ridicule ; par l’effort sournois ou violent du groupe pour éliminer l’individu qu’il a pris en grippe. […] Exemples : le christianisme dans l’empire romain ; le socialisme de nos jours dans l’Europe entière. — L’intégration ainsi entendue rend-elle les individus plus libres et plus heureux ? […] Le mythe de Putois est un bon exemple pour faire comprendre la nature des mythologies à l’usage des groupes et destinées à théorétiser et à justifier la suprématie du groupe sur l’individu. […] On peut citer comme exemple de tactique pragmatiste celle de M. 

248. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Les faiblesses dont l’illustre chancelier donna plus d’une fois l’exemple quand il fut entré dans la carrière politique, n’y sont pas dissimulées. […] Saint-Simon cite les exemples les plus curieux de cette indécision d’un si vaste esprit, laquelle se prolongeait jusqu’au dernier moment. […] L’exemple éminent de d’Aguesseau est peut-être le cas le plus singulier et le plus frappant qu’on puisse produire de cette sorte de différence et presque d’incompatibilité entre les deux talents. Mais, pour bien étudier un tel exemple et en tirer toute la leçon qu’il renferme, il faut oser introduire dans l’idée de ce caractère de d’Aguesseau tous les vrais éléments tels que les donnent les témoins les plus clairvoyants et les plus sagaces.

249. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Retiré à la campagne, à Bellegarde, au mois d’avril 1707, il épanche, dans ce premier moment de douleur, ses réflexions sur l’homme, sur la destinée, sur ce que sont pour nous fatalement la naissance, l’éducation première, sur le peu qu’est la raison dans notre conduite et sur l’inefficacité de ses conseils quand nos goûts et nos passions la contrarient ; et il se prend lui-même à partie pour sujet de démonstration et pour exemple. […] Sa disgrâce, en 1707, après vingt-quatre ans de service, lui semble donc complète, et il la déplore avec des accents où la servilité elle-même se déguise sous des airs de sentiment : Mon malheur est sans exemple… Ce qu’il y a de plus épouvantable pour ce qui me regarde, c’est que le roi a toujours paru content de moi et touché de mes soins ; il l’a dit en son particulier même à qui l’a voulu entendre ; j’ai toujours été favorablement traité, même avec privauté et distinction ; un mois même avant ce dernier coup, il me dit tout haut dans son cabinet, devant toute la Cour, que j’avais toujours bien fait ; et cependant en voilà la récompense ! […] Mais le naturel est plus fort : d’Antin n’en tire qu’un motif de plus de s’attacher, s’il se peut, davantage au roi par une assiduité dont on ne citerait « que peu d’exemples ». […] D’Antin y insiste ; il ne perd aucune occasion de se représenter dans les vicissitudes de ces années (1712-1715) la misère des espérances mortelles ; la chute de Mme des Ursins lui rafraîchit cette amère leçon : « Je regarde comme une gorge-chaude, dit-il avec plus d’énergie qu’à lui n’appartient, toutes les occasions où je peux me convaincre de la légèreté et de la bizarrerie de la fortune. » Quand le chancelier, M. de Pontchartrain, se retire et va méditer sur une vie meilleure, il y voit un bel exemple et qu’il voudrait avoir le courage d’imiter : « Heureux ces prédestinés, s’écrie-t-il, qui savent se couper dans le vif et mettre une distance raisonnable entre la vie et la mort ! 

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