— nourrie et préservée des faillances de l’erreur par la tradition, qui empêche les esprits les plus impétueux d’aberrer, et la réponse sera faite pour jamais aux philosophes qui prétendaient que le domaine de la vérité était exclusivement à eux.
J’ai dit mon chapelet toute la matinée pour M. de Cinq-Mars ; mais en vérité je n’ai pu m’empêcher de songer à tout ce que je vous dis ; ma maîtresse y pense aussi bien que moi, toute grande dame qu’elle est ; ainsi n’ayez pas l’air d’en rire. « En disant cela, la jeune Italienne se glissa comme un oiseau à travers la grande salle à manger, et disparut dans un corridor, effrayée de voir ouvrir les doubles battants des grandes portes du salon. » Et la dernière page, qui est de l’histoire, écrite par un complice présent à l’exécution : « … C’est par l’une de ces imprévoyances qui empêchent l’accomplissement des plus généreuses entreprises que nous n’avons pu sauver MM. de Cinq-Mars et de Thou. […] Rien n’empêche que sa vie soit prudente et compassée comme ses travaux. […] Je ne la prierai point d’empêcher les peines de cœur et les infortunes idéales, de faire que Werther et Saint-Preux n’aiment ni Charlotte ni Julie d’Étanges ; je ne la prierai pas d’empêcher qu’un riche désœuvré, roué et blasé, ne quitte la vie par dégoût de lui-même et des autres. […] Le bêlement de tes moutons t’a-t-il jamais empêché de les tondre et de les manger ?
Malgré la conscience qu’on ne peut s’empêcher d’avoir de ce qu’il y a de passager dans l’éclat du théâtre, il y a aussi quelque chose de grand, de grave et presque religieux dans cette alliance contractée avec l’assemblée dont on est entendu, et c’est une solennelle récompense des fatigues de l’esprit. — Aussi serait-il injuste de ne pas nommer les interprètes à qui l’on a confié ses idées dans un livre qui sera plus durable que les représentations du drame qu’il renferme. […] à mesure que nous avançons vers l’Amérique, je ne puis m’empêcher de devenir plus triste. […] Ça ne l’empêche pas de faire tout ce qu’on lui dit, et cela avec beaucoup de douceur. […] Il se déclara impérialiste modéré ; cela ne l’empêcha pas de me voir, et cela ne m’empêcha pas de l’aimer.
L’excès d’admiration pour Bossuet n’empêche point chez M. […] Un bon rire qui soulage empêche les impressions fâcheuses de se prolonger. […] Baudelaire n’a pas été le maître d’empêcher cette loi suprême de la poésie d’agir en lui et d’engendrer ses conséquences. […] Mais cette justesse de chaque mot pris à part n’empêche pas que tout ne soit faux ! […] Sa haine systématique des ministres bourgeois ne l’empêche point d’avoir quelques-uns d’entre eux pour amis.
Il y fut excité « par le plaisir qu’il prit, dit-il, à la lecture de ceux du maréchal de Bassompierre. » Bassompierre avait dit pourtant un mot des plus injurieux pour le père de Saint-Simon : cela n’empêche pas le fils de trouver ses Mémoires très curieux, « quoique dégoûtants par leur vanité ». […] Religieux par principes et chrétien sincère, il se fit des scrupules de conscience, ou du moins il tint à les empêcher de naître et à se mettre en règle contre les remords et les faiblesses qui pourraient un jour lui venir à ses derniers instants. […] En général toutefois le talent de Saint-Simon est plus impartial que sa volonté, et s’il y a une grande qualité dans celui qu’il hait, il ne peut s’empêcher de la produire. […] Le duc de Bourgogne mort à trente ans, Saint-Simon, qui n’en avait que trente-sept, restait fort considérable et fort compté par sa liaison intime et noblement professée en toute circonstance avec le duc d’Orléans, que toutes les calomnies et les cabales ne pouvaient empêcher de devenir, après la mort de Louis XIV et de ses héritiers en âge de régner, le personnage principal du royaume.
Qui l’empêcha d’y persévérer ? […] Aussi bien, s’il laissait derrière lui, oubliée ou surprise, cette raison superbe, qui empêcherait qu’elle ne vînt le troubler dans sa possession prématurée ? […] Ailleurs, prenant à partie Descartes lui-même, « Je ne puis pardonner à Descartes, dit-il ; il aurait bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu ; mais il n’a pu s’empêcher de lui faire donner une chiquenaude pour mettre le monde en mouvement ; après cela il n’a plus rien à faire de Dieu. » N’y a-t-il, dans ces sévères paroles, que l’indignation du croyant contre un acte d’orgueil humain ? […] Ce qui ne l’empêcha pas de faire paraître un traité où Pascal était attaqué jusqu’à l’injure.
On le voit, au point de vue physiologique, la force des idées ne consiste pas dans une action qu’elles exerceraient mécaniquement, mais dans la loi nécessaire qui unit tout état de conscience distinct, toute « idée » (au sens cartésien) à un mouvement conforme, lequel, s’il n’est pas empêché, réalise l’idée au dehors. […] Tout dépend : 1° de la direction du mouvement, qui peut avoir pour but une action cérébrale, comme quand on cherche à se souvenir, à raisonner, etc., ou une action musculaire, comme quand on veut soulever un poids ; 2° de son degré d’énergie, qui peut vaincre ou ne pas vaincre la résistance opposée par les muscles et, en général par l’ensemble de mouvements contraires qui empêchent nos idées de remuer sans cesse tous nos membres comme des fils tirant une marionnette. […] Mais ce moi-objet, Münsterberg lui-même l’avoue, n’empêche point le moi-sujet, ou, si le mot moi est déjà lui-même trop objectif, il n’empêche point le sujet-je, entendu comme l’action même d’avoir conscience ; et cette action n’est pas, comme Münsterberg le prétend, une pure forme où il n’y a de discernable que les sensations qui y sont contenues ; la discrimination et l’assimilation sont les fonctions intellectuelles du sujet ; le plaisir et la douleur en sont les fonctions affectives ; l’appétition et l’aversion en sont les fonctions volitives ; or la discrimination de deux objets n’est plus elle-même un objet ; le plaisir ou la peine résultant d’une modification reçue et discernée n’est plus un objet ; enfin le désir d’un objet n’est plus un objet.
Des considérations analogues nous empêcheront de tenir pour fondé le second principe par lequel M. […] Dans les grandes capitales, enfin, à Athènes, à Rome, à Londres, à Paris, dans la période de tout leur éclat, l’hétérogénéité sociale est devenue telle que personne ne se trouve empêché de manifester son originalité et, comme tout artiste est orgueilleux de ses facultés, il n’en est que fort peu et des plus médiocres qui consentent à se renier et à flatter, pour un plus prompt succès, le goût de telle ou telle partie du public. […] Le monde romain était sans influence bien marquée jusque-là sur le peuple encore bien latin de la capitale ; ce peuple ne pouvait empêcher l’élite de favoriser les lettres grecques : cette élite devenue ainsi indépendante, exerça une influence marquée, dit-on sur les artistes dépendant de son suffrage. […] De même, en Angleterre et en Allemagne, au XVIIIe siècle, toute l’influence d’un milieu national restée absolument intacte et vivace, ne put empêcher l’aristocratie, les cours et les arts, de subir la mode étrangère.
Mais comment le poète comique s’y prendra-t-il pour m’empêcher de m’émouvoir ? […] Au contraire, dans l’émotion qui nous laisse indifférents et qui deviendra comique, il y a une raideur qui l’empêche d’entrer en relation avec le reste de l’âme où elle siège. […] Mais c’est là ce que la comédie a de commun avec le drame, et pour s’en distinguer, pour nous empêcher de prendre au sérieux l’action sérieuse, pour nous préparer enfin à rire, elle use d’un moyen dont je donnerai ainsi la formule : au lieu de concentrer notre attention sur les actes, elle la dirige plutôt sur les gestes. […] Mais le geste a quelque chose d’explosif, qui réveille notre sensibilité prête à se laisser bercer, et qui, en nous rappelant ainsi à nous-mêmes, nous empêche de prendre les choses au sérieux.
Il laisse faire la grosse besogne aux pauvres diables qui ne sont plus en charge, et qui n’ont d’autre ressource que celle de bien faire. » Ce qui n’empêche pas que Voltaire n’estime le livre des Considérations comme étant la production d’un honnête homme ; il en écrit à Palissot en ces termes, et n’oublie pas de s’en prévaloir ensuite auprès de Duclos. […] Il se sentit un redoublement de colère et d’indignation contre les hommes en place tracassiers ou timides, qui l’avaient empêché de faire sa visite accoutumée en Bretagne cette année.
Il ne s’est pas contenté de cela, et pour mieux voir, il s’est montré fort à découvert ; il s’est même mis fort en colère contre les courtisans qui l’en voulaient empêcher, et a monté sur le parapet de la tranchée, où il a demeuré assez longtemps. […] Le roi y est pris de goutte ; ce qui ne l’empêche pas de tout voir, de donner ordre à tout.
De grands désordres qu’il n’avait pas empêchés avaient soulevé la population ; les paysans, insurgés sous le nom de barbets, se battaient dans les montagnes. […] Une brigade est mon fait, et tout en obéissant au général en chef, je ne puis m’empêcher de le lui représenter. » Et plus tard, quand il sera général en chef, donc !
Boileau n’aimait et n’estimait guère rien en dehors des livres ; il n’avait nul goût pour les sciences, pas même la curiosité de se tenir au courant de leurs résultats généraux ; le tour précieux et maniéré, que Fontenelle donna à son livre de la Pluralité des Mondes, l’empêcha toujours d’en reconnaître la vérité et la supériorité philosophique. […] Quand le jardin des Tuileries eut été arrangé par Le Nôtre, la première pensée de ce grand et dur Colbert, en le visitant, fut de le fermer au public : Perrault conjura l’interdiction et obtint que cette promenade restât ouverte aux bourgeois de Paris et aux enfants. « Je suis persuadé, disait-il à Colbert au milieu de la grande allée, que les jardins des Rois ne sont si grands et si spacieux, qu’afin que tous leurs enfants puissent s’y promener. » Le sourcilleux ministre ne put s’empêcher de sourire
Grande alarme du père, qui ne peut s’empêcher de se dire : Il en tient ! […] Le père enchanté s’empresse d’accepter ; parole est donnée ; on prend jour pour les noces. — « Mais alors, demande le bon Sosie, dont la curiosité est éveillée au plus haut degré, qu’est-ce qui empêche donc que ce ne soient de vraies noces ?
Son beau-père ne peut s’empêcher de le lui dire un jour : « Vous avez toujours peur ! […] Je ne puis, malgré tout, m’empêcher de croire que ces Mémoires auront, un jour ou l’autre, une seconde édition plus complète.
Dira-t-on même : « Dans ceci il ne faisait que préparer… les malheurs l’ont empêché… » Excepté quelques amis, qui se souciera d’être juste ? […] Il en est ainsi de la privation des bras ; cette faiblesse a bien d’autres effets que d’empêcher de faire certains mouvements et de rendre difficiles ou embarrassantes les moindres actions de la vie commune, ce qui serait déjà un mal bien triste par sa continuité ; cette faiblesse ôte toute confiance dans l’avenir, entrave la vie entière, borne toute perspective, assujettit à cent besoins qu’on eût méprisés et, à la place d’un rôle d’homme, vous jette dans une dépendance aussi grande que celle des femmes.
Il y a donc dans l’arrangement ou dans la nature des derniers éléments mobiles quelque particularité ou circonstance qui empêche l’équilibre universel et final de s’établir. Selon Herbert Spencer, pour l’empêcher de s’établir, il suffirait d’une différence initiale quelconque, inhérente ou adventice, aussi petite que l’on voudra, introduite ou innée dans les éléments d’ailleurs aussi homogènes que l’on voudra.
On ne saurait aussi s’empêcher de dire que l’explosion du romantisme fut la conséquence de ces causes insaisissables qui firent apparaître presque simultanément de puissants talents. […] Mais le romantisme, pour Stendhal, se réduit à ce qu’un disciple de Montesquieu peut accepter : il combat l’imitation, c’est-à-dire le principe classique, qui empêche une littérature d’être ce qu’elle doit, l’expression exacte du climat et des mœurs.
« On ne peut pas, me disait un, quaker intelligent, on ne peut pas s’empêcher de le respecter comme une œuvre d’art. » Il a toujours fait ce qu’il venait de penser qu’il pouvait faire là est la touchante unité de sa vie, le charme presque esthétique de sa démarche ingénue dans le siècle. […] S’il confie la rencontre d’un petit affamé, à telle halle, offrant, en l’éventaire de ses deux bras, un chou et une salade, qu’il vienne à dire : « Sans nul doute pour retenir ses mains et les empêcher de dérober », pas un interlocuteur ne descendra à douter de la valeur de cette évocatrice hypothèse, si monstrueusement improbable.
Que le comte Tolstoï sait mal le français, — ce qui ne l’empêche point de se dresser entre les puissants constructeurs de romans du siècle, aussi haut que Balzac, que Stendhal, que Dickens. […] Homais, ne devrait-il pas être d’empêcher, au moins de retarder le fâcheux divorce ?
Telle est la saillie du misantrope qui, rendant un compte serieux des raisons qui l’empêchent de s’établir à la cour, ajoute après une déduction des contraintes réelles et gênantes qu’on s’épargne en n’y vivant point. […] La crainte d’être ennuieux m’empêche de parler davantage des personnages de ce tableau, mais il n’en est aucun qui ne rende compte très-intelligiblement de ses sentimens au spectateur attentif.
Les uns y demeurent en prière, n’attendant un secours que du Ciel : les autres s’efforcent par tous les moyens de reculer le terme fatal et d’empêcher l’inéluctable de s’accomplir. […] L’auteur de la Cathédrale parle quelque part d’un religieux « qui, sortant de sa cellule, au mois de mai, se couvrait la tête de son capuchon pour ne pas voir la campagne et n’être pas ainsi empêché de regarder son âme. » L’erreur de M.