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466. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

L’opposition de ce qui existe en soi et de ce qui n’existe que pour nous est encore due à la conscience, car c’est simplement l’opposition du sujet et de l’objet, par exemple de vous et de moi, de vous qui poussez mon bras dans une direction et de moi qui résiste à votre effort ; c’est la distinction du moi et du non-moi. […] Toutefois, ce point de vue n’est pas encore suffisant : nous restons trop dans la pure passivité des sensations ; il faut rétablir l’élément de réaction, d’appétition, d’effort, de puissance et, abstraitement, de possibilité. […] Il reconnaît d’abord que la « force » dont nous affirmons la persistance n’est pas la force dont nous avons directement conscience dans nos efforts musculaires ; celle-ci, en effet, ne persiste pas : « Dès qu’un membre étendu se relâche, le sentiment de la tension disparaît. » Mais Spencer passe de là à la conclusion la plus inattendue et, disons le mot, la plus énorme, sur l’absolu.

467. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

., ont en commun le caractère essentiel d’être des moyens d’expressions peu représentatifs, et contenant un minimum d’images expresses : évidemment, ces moyens, à part le fait même qu’étant esquissés, on peut les compléter selon sa fantaisie, et qu’ils ne risquent guère ainsi de heurter le goût de personne, provoquent dans l’esprit ou dans les sens chargés d’en extraire une image définie, un effort, une excitation, un plaisir de divination et de composition, un ébranlement diffus qui est déjà un commencement d’émotion d’autant plus esthétique qu’elle est absolument dénuée de tout coefficient de peine ou de plaisir. « Comme il faut plus d’énergie, dit Dumont (Théorie scientifique de la sensibilité) pour retrouver un objet sous un signe indirect que sous un signe direct, on fournit à l’entendement occasion d’employer plus de force disponible et par conséquent d’éprouver plus de plaisir. » Le profit que l’on a à employer ce moyen d’expression qui est le propre de la poésie, est malheureusement combattu par la fatigue qu’il cause et les images peu définies, c’est-à-dire peu associables, que l’on en extrait. […] C’est ainsi que l’on sera forcé de parler d’émotions, de grandeur, de mystère, de vérité, d’horreur, de curiosité, d’effort, de compassion, de misanthropie, etc. […] La petite typologie proposée par Hennequin, assez originale, constitue un des premiers efforts de théorisation contemporains de ces débats.

468. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Niveler le tyran et l’esclave, quel magnifique effort ! […] Les lois morales anciennes veulent être constatées, les lois morales nouvelles veulent être révélées ; ces deux séries ne coïncident pas sans quelque effort. Cet effort incombe au poëte.

469. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Grâce aux efforts d’un parti qui se croit l’Église militante, l’idée qu’exprime Saint-Chéron a pris consistance dans beaucoup d’esprits. […] De ce que, justes envers le passé, quand ils n’en sont pas enthousiastes, mais l’étudiant avec trop de persévérance et d’efforts pour ne pas finir par l’aimer, — car il est de la nature de l’homme de mettre son amour où il a mis sa peine, — des écrivains se prennent d’une haute bienveillance ou d’un sentiment plus respectueux encore pour quelques grands caractères de l’Église romaine, est-ce une raison suffisante pour déclarer que les écrivains en question ne trouvent d’absolument vrai que les idées au nom desquelles ces grands caractères ont agi ? […] Toujours et de bonne heure dans les hautes dignités de l’Église, touchant par ses relations à ce qu’il y avait de plus distingué dans son pays et en Europe, il était cardinal trente ans, Pape à trente-huit, sans efforts, sans combats, sans intrigues, par un doux et rapide enchaînement de choses.

470. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Ne suppose pas que je fais des efforts d’intelligence pour voir les choses et les hommes à leur place dans le tout ; aucun vraiment. J’ai fait cet effort-là autrefois, dans la première partie de la vie, avant la guerre. […] Je continue à croire que la principale vertu est l’effort de la raison pour voir les choses à leur place dans l’ensemble, pour les « remettre au point » en toute vérité et simplicité, et à mon détriment s’il le faut, quelque douloureux que ce soit, mais je ne crois pas que le monde soit pénétré de raison.

471. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

L’art savant et passionné de Virgile répandu sans effort dans le langage royal et populaire que le nouveau poëte recueille de tous les coins de l’Italie, voilà l’inimitable beauté de la diction du Dante ! […] La douleur d’Horace sur la perte d’un ami, son effort pour consoler dans un autre une affliction non moins grande que la sienne, attendrit et charme par la pureté des sentiments et la tristesse mélodieuse des paroles. […] De même, il a donné aux grandeurs du monde un régulateur et un chef qui transfère à propos ces biens frivoles, d’un peuple à un autre et d’un sang à un autre sang, malgré tout l’effort des conseils humains.

472. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Bonaparte lui répondit : J’ai connu, citoyen général, les efforts que vous avez faits pour empêcher le débarquement des Anglais. […] En 1815, à Waterloo, blessé à la tête de la Garde dans cet effort suprême où elle s’avançait sur les lignes anglaises à la Haie Sainte, Friant ne vit point les dernières et lugubres heures où le drapeau recula.

473. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Aussi que d’efforts, que de prodiges d’énergie et de fureur, que d’héroïsme dépensé dans ces trois villages de Saint-Amand ; traversés par le sinueux et sanglant ruisseau ! […] Il crut qu’on lui demandait un suprême effort aux Quatre-Bras contre les Anglais, pour pouvoir ensuite, apparemment, se porter sur les derrières de l’autre ennemi, les Prussiens, et, au lieu de ralentir son action et de se borner, comme il le fit plus tard à la fin de la journée et après des prodiges de valeur perdue, à une solide défensive, il songea à ramasser ses forces pour porter un rude coup devant lui ; dans cette préoccupation unique et absolue, il envoya dire à d’Erlon, à ce même chef qu’un ordre de l’Empereur remis par Labédoyère dirigeait en ce moment vers le moulin de Bry, à dos de l’armée prussienne, de revenir en toute hâte aux Quatre-Bras : c’était un contresens.

474. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Jules Lefèvre, hâtons-nous de prouver que, si nos conjectures sur sa science et son labeur ne sont pas tout à fait vaines, il est bien poëte pourtant et inspiré au milieu de ses efforts. […] Plusieurs apprécieront le fonds vaste et sérieux de cette nature, et les efforts pourtant ingrats qu’il a dû y consumer ; on le plaindra, on l’estimera à l’égal des plus nobles blessés ; il ne sera pas méconnu.

475. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Appelons de tous nos efforts l’heure de cette majorité féconde et forte, plus conservatrice, plus morale, même dans les carrefours de nos grandes villes, que Jefferson ne paraissait le croire et qu’il n’y était autorisé de son temps ; agissons d’avance sur elle, attaquons-nous à elle pour qu’elle soit préparée. […] La première constitution fédérale, décrétée en 1778 dans la troisième année de l’Indépendance, subsista sans inconvénient tant que dura la guerre ; l’esprit des peuples, excité par le danger et réuni dans un intérêt commun, servait de supplément à l’acte fédéral et les portait spontanément aux efforts les plus énergiques ; mais la guerre une fois terminée et chacun réinstallé dans ses foyers, on accorda moins d’attention aux demandes du Congrès.

476. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

On peut donc essayer de représenter aujourd’hui dans son ensemble l’effort d’un siècle qui n’a point été indigne de ses aînés. […] Le temps est venu de faire rentrer le moyen âge dans l’unité totale de notre littérature française : et ce serait mal reconnaître les efforts de tant d’érudits spécialistes, que de leur en laisser indéfiniment la jouissance.

477. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

On maudit le « Progrès » ; on déteste la civilisation industrielle de ce siècle, comme hostile au mystère ; on la juge écœurante de rationalisme, et, en même temps, on jouit du pittoresque spécial que cette civilisation a mis dans la vie humaine et des ressources qu’elle apporte à l’art de développer la sensibilité… Le baudelairisme serait donc, en résumé, le suprême effort de l’épicurisme intellectuel et sentimental. […] On arrive ainsi à quelque chose de merveilleusement artificiel… Oui, je crois que c’est bien là l’effort essentiel du baudelairisme : unir toujours deux ordres de sentiments contraires et, au premier abord, incompatibles, et, au fond, deux conceptions divergentes du monde et de la vie, la chrétienne et l’autre, ou, si vous voulez, le passé et le présent.

478. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Solness ne s’isole pas de son milieu : sa sentimentalité se greffe sur celle de son groupe ; son effort d’intrépidité est suscité par un sentiment supérieur de sociabilité, par le dévouement à un haut idéal (Hilde symbolise pour lui la jeunesse, le renouveau, l’avenir). Chez Ibsen comme chez Nietzsche, l’amour du risque, l’effort d’intrépidité déployé par l’individu est mis au service d’une idée sociale.

479. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Dès que le malade fait un effort intellectuel pour se rappeler ou pour raisonner ou pour deviner quelque chose, on voit sa main prendre l’attitude nécessaire pour écrire ; dès que le problème est résolu ou abandonné, « la main laisse tomber la plume et s’affaisse dans une attitude de résolution. » M.  […] Dans les faits d’habitude, le travail descend du cerveau pour se distribuer à travers la moelle, et, probablement, avec le travail, descendent aussi les sensations d’effort et de résistance, qui se distribuent dans les cellules médullaires.

480. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Elles marquent le suprême effort de sa personnalité pour lutter contre la mort. […] Taine, nous avons fait d’effort pour comprendre les littératures étrangères, pour nous replacer dans le milieu où tel chef-d’œuvre a pris naissance, pour nous dépouiller de notre propre esprit et de nos préjugés personnels.

481. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Tous leurs efforts tendent à rendre la nature. […] Ses bras admirables ; ses tons alternativement familiers, perçans & précipités ; ses gestes, peut-être désordonnés ; cet oubli d’elle-même auquel elle a recours, & qui, en certaines occasions, est le dernier effort du sentiment ; mille traits vraiment sublimes, mais gâtés, selon quelques critiques, par des petitesses, la caractérisent dans Rodogune, Cornélie, Athalie, Mérope, Sémiramis.

482. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

J’avais fait assez d’efforts pour ne pas sortir de la thèse spéculative et purement philosophique ; mes efforts avaient été complètement inutiles.

483. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

La Démocratie en Amérique, qui a fait si aisément sa fortune et qui le coula, sans effort et sans résistance, à la tête des écrivains politiques du règne de Louis-Philippe, n’est pas un livre de conclusion, et n’annonçait guères que le logicien pût se développer jamais dans un esprit qui recevait, les deux mains ouvertes, les faits les plus contradictoires, et toujours avec le même sourire de bon accueil. […] Or, dans la pensée de Tocqueville, ces filiations sont nombreuses : « Les Français ont fait — dit il — en 89 le plus grand effort pour couper en deux leur destinée et séparer par un abîme ce qu’ils avaient été jusque-là de ce qu’ils voulaient être désormais… J’avais toujours pensé « qu’ils avaient beaucoup moins réussi dans cette singulière entreprise qu’on ne l’avait cru au dehors et qu’ils ne l’avaient cru eux-mêmes… » Cela pouvait être vrai, cela pouvait être faux, mais c’était une idée.

484. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

L’homme peut faire singerie de tout, et, d’ailleurs, l’effort jamais ne fut la force. […] Seulement Fénelon, le beau Fénelon, dont on a dit qu’il fallait faire effort pour cesser de le regarder, est un grand ondoyant aux mouvements de cygne et même de serpent… innocent, — s’il en est, et si, à la première tortuosité, à la première ramperie, on n’est pas serpent tout à fait, — tandis que Joubert a la simplicité d’Astrée.

485. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Il fallait attendre, que les renseignements vinssent par l’effort d’une érudition patiente et acharnée, et il fallait aussi pour l’écrire que l’homme s’attendît lui-même. […] C’est à Lerminier qu’il faudrait appliquer ce mot, écrit par lui de Montesquieu « : Il a la passion de l’impartialité, mais c’est une passion contenue, surveillée, sûre de son désir et de son effort, moins une passion qu’un art réfléchi, calculateur et caché, qui va du rayonnement du Beau jusqu’au rayonnement, plus pur encore, de la Justice, par le fait de cette loi magnifique qui veut que toutes les vérités se rencontrent, à une certaine profondeur. » Nous avons dit qu’après avoir lu cette histoire il n’était plus possible de garder la moindre illusion sur la valeur morale et politique des Grecs, mais, en exprimant une telle opinion, nous n’avons point entendu parler des partis.

486. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

N’était ce dernier coup d’œil jeté sur l’effort perdu des enfants de Jacques Cœur pour réhabiliter, comme on dit aujourd’hui, sa mémoire, Clément, fidèle au titre de son livre, n’aurait point dépassé la limite de sa double biographie. […] Eux seuls sont les vrais serviteurs de l’Histoire, et qui aime le passé, qui croit avec Leibnitz que le passé contient l’avenir du monde, doit applaudir à leurs efforts.

487. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Il a voulu rentrer ses peaux de lion empruntées ; mais ils sont rebelles et résistent à tous les efforts, ces diables de poils ! […] Mais franchement, lorsque l’érudition est à cette portée, dans des conditions si abondantes et qui demandent si peu d’efforts pour être saisies, quel mérite a-t-on de raconter ces faits, à peu près exacts, de leur exactitude extérieure ?

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