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413. (1893) Alfred de Musset

Et ne vois-tu pas que changer sans cesse, C’est à chaque pas trouver la douleur ? […] Je m’y suis rendue par amitié plus que par amour, et l’amitié que je ne connaissais pas s’est révélée à moi sans aucune des douleurs que je croyais accepter. » (25 août 1833.) […] Les lettres qu’elle adresse à ses amis sont des plaintes, d’animal blessé. — À Gustave Papet : « Viens me voir, je suis dans une douleur affreuse. […] Je souffre tant moi-même… Et toi, tu veux exciter et fouetter la douleur. […] Enfin il consent à écouter la Muse lui parlant de pardon et lui enseignant à bénir les leçons amères de la douleur.

414. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Sa douleur, qui lui faisait un besoin de la retraite, le livrait tout entier à l’étude et aux lettres. […] à ce nom je sens un enfer de douleurs. […] Mais la douleur me tient éveillé. […] Nos vingt-quatre heures sont trop courtes pour enfermer toutes les douleurs et tous les incidents de la vie humaine. […] Rien ne surpasse en pathétique la douleur d’Ève coupable et le pardon mutuel des deux époux.

415. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVI » pp. 215-217

Villemain a paru dans tout ceci partagé entre la douleur de voir sa loi modifiée et l’Université un peu réduite, et le plaisir de voir la philosophie de M.

416. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gilkin, Iwan (1858-1924) »

Le poète de la douleur, le porte-croix d’un monde vieillissant et maudit.

417. (1856) Cours familier de littérature. I « Épisode » pp. 475-479

— Que vas-tu nous servir, ô femme de douleurs ?

418. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

C’était bien le cas à un contemporain, témoin de ces hontes, de s’écrier avec douleur : Malheureux serez-vous, noblesse, Église, peuples, villes, qui vous trouverez parmi ces démembreurs, si leurs desseins succèdent ; vous ne serez plus de la France : qui sera Espagnol, qui tiendra de Lorraine, qui reconnaîtra la Savoie, qui sera du gouvernement du duc de Joyeuse, érigé en comté de Toulouse, qui de la république d’Orléans, qui du duché de Berry, qui des cantons de Picardie. […] Partout on voyait saillir des sources de pleurs ; partout on entendait les cris et les gémissements du peuple : il semblait qu’on l’eût assommé, tant la violence de la douleur l’avait étourdi et éperdu. […] On raconte que plusieurs personnes moururent de douleur à la nouvelle de cette mort, et l’on cite des noms.

419. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Don Diègue reste seul, exhale son désespoir, déplore son infamie qui fait contraste à sa gloire passée, et, s’adressant à cette épée devenue inutile, il la rejette par ces beaux vers que chacun sait : « Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d’un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant à craindre…… » Dans la pièce espagnole, c’est lorsqu’il est rentré dans sa maison où ses fils remarquent sa douleur sans en savoir d’abord le motif, que don Diègue, leur ayant dit de sortir, essaye s’il pourra encore manier le fer ; car devant le comte il n’avait pas d’épée et ne portait que son bâton qu’il a brisé de rage. […] Dans l’original espagnol, don Diègue, à bout d’une première épreuve, en veut tenter immédiatement une autre ; il appelle successivement ses trois fils, il leur serre les mains l’un après l’autre, ainsi qu’on l’a vu dans les romances, et, faisant crier de douleur les deux premiers comme des femmes, il les chasse de sa présence : « Ah ! […] Va-t’en, honte de mon sang. » Mais lorsqu’il en vient à Rodrigue à qui il fait plus que de serrer la main, puisqu’il lui mord un doigt, voyant le rouge lui monter au front et sa douleur s’exhaler par la menace et la colère, il l’appelle « le fils de son âme », et lui confie le soin de sa vengeance ; il croit devoir lui expliquer en même temps, par manière d’excuse, pourquoi il s’est adressé à ses cadets avant lui : « Si je ne t’ai pas appelé le premier, c’est que je t’aime le mieux.

420. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Un des dignes amis, témoins de ses derniers instants, écrivait à un autre ami peu de jours après sa mort : « Je ne sais si vous avez connaissance d’un fait bien remarquable qui a empreint d’un sceau de douleur l’un des derniers jours que Manuel a passés en ce monde. […] Il vous enlève dans les espaces bleus de l’espérance, au-dessus des nuages, au-dessus des douleurs. […] Sans doute les très belles et touchantes parties, les endroits pathétiques et pleins de larmes, les adieux d’Hector et d’Andromaque, les douleurs de Priam, étaient sentis ; mais tout ce qui tenait aux mœurs, à la sauvagerie d’alors, à la naïveté et à la crudité des passions et du langage, échappait ou s’éludait grâce aux commentateurs ou traducteurs, et se défigurait vraiment à travers l’admiration des Eustathe et des Dacier.

421. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Si parfois de mon sein s’envolent mes pensées, Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées ; S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur Dans le coin d’un roman ironique et railleur ; Si j’ébranle la scène avec ma fantaisie, Si j’entre-choque aux yeux d’une foule choisie D’autres hommes comme eux, vivant tous à la fois De mon souffle, et parlant au peuple avec ma voix ; Si ma tête, fournaise où mon esprit s’allume, Jette le vers d’airain, qui bouillonne et qui fume, Dans le rhythme profond, moule mystérieux, D’où sort la Strophe, ouvrant ses ailes dans les cieux ; C’est que l’amour, la tombe, et la gloire, et la vie, L’onde qui fuit, par l’onde incessamment suivie, Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire et vibrer mon âme de cristal, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout comme un écho sonore ! […] Il a consacré cette douleur de l’absence dans une pièce intitulée Premier Soupir ; une tristesse douce et fière y est empreinte. […] Victor Hugo perdit sa mère en 1821 : ce fut pour lui une affreuse douleur, tempérée seulement par l’idée que son mariage n’était plus désormais si impossible.

422. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

pourquoi dans tes yeux cette douleur rêveuse, Ce trouble en tes discours ? […] Ainsi nul œil, Ulric, n’a mesuré les ondes De tes fortes douleurs, etc. […] Le roman, tout roman (il faut bien le dire) est plus ou moins contraire au sévère christianisme, parce que tout roman renferme en soi et caresse plus ou moins un idéal de félicité sur terre, ou un idéal de douleurs.

423. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Les vraies larmes sont celles que fait couler une belle poésie ; il faut qu’il s’y mêle autant d’admiration que de douleur. » C’est Priam disant à Achille : « Juge de l’excès de mon malheur, puisque je baise la main qui a tué mes fils. » C’est Joseph s’écriant : « Je suis Joseph votre frère que vous avez vendu pour l’Égypte. » Voilà les seules larmes qui doivent mouiller les cordes de la lyre et en attendrir les sons. […] Il y a bien encore quelque trace de manière : « Quand un Siminole me raconta cette histoire (transmise de Chactas à René, et des pères aux enfants), je la trouvai fort instructive et parfaitement belle, parce qu’il y mit la fleur du désert, la grâce de la cabane, et une simplicité à conter la douleur que je ne me flatte pas d’avoir conservée. » Ce ton-ci, en effet, est bien moins de la simplicité que de la simplesse. […] L’amant les accompagne, stupéfié par la douleur.

424. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Cariatide des douleurs du drame, elle les portait sans même soupirer. […] C’est lui qui a porté cette loi : la science au prix de la douleur. […] Apparent dirae facies, inimicaque Trojae Numina magna Deum… De même, des fables terribles, des drames inouïs, des groupes tragiques de trilogies enlacées, comme celui du Laocoon, d’une même chaîne de douleur, apparaissent confusément dans les flammes qui dévorèrent l’œuvre d’Eschyle : Niobé, la Lycurgie, Penthée, les Prêtresses, l’Éthiopide, les Égyptiens, Memnon, le Rachat d’Hector, Prométhée porteur de feu et Prométhée délivré. — Des fantômes comiques s’y montrent aussi, riant à vide d’un énorme rire, comme des masques dont les visages se sont retirés.

425. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Enfin, si la douleur, la douleur mortelle de sa vie, fut de boiter, de traîner son aile, c’est, qu’il ne pouvait rien à cela ; c’est que l’homme s’appelle infirme quand il a rencontré dans son corps quelque chose de plus fort que son âme, et qu’être infirme est la plus cruelle des afflictions d’une créature qui a soif d’immortalité ! […] Noble douleur, anglaise et chrétienne, dont il a fini par mourir (Voir dans les Recollections la lettre à sa sœur que la mort a interrompue, comme les stances d’André Chénier).

426. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

. — Trimolet fut une destinée mélancolique ; on ne se douterait guère, à voir la bouffonnerie gracieuse et enfantine qui souffle à travers ses compositions, que tant de douleurs graves et de chagrins cuisants aient assailli sa pauvre vie. […] » Comme tous les déshérités harcelés par la douleur, ce brave homme n’est pas difficile, et il fait volontiers crédit du reste au Tout-Puissant. […] Traviès a un profond sentiment des joies et des douleurs du peuple ; il connaît la canaille à fond, et nous pouvons dire qu’il l’a aimée avec une tendre charité.

427. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Dans le monde qui n’est qu’une immense étreinte, où chaque atome de chaque vivant reçoit et déverse mille sensations variées, profondes ou fugitives, de douleur et de joie, où chaque impondérable molécule de chair est, à chaque seconde, baignée par les flots continus, en marche éternelle, d’êtres innombrables qui subissent eux-mêmes la même toute puissante fécondation, où les floraisons humbles ou géantes de l’action, s’épanouissent et meurent, nourrissant de leurs parfums et réchauffant de leur éclat la mouvante foule autour d’eux, dans ce monde où la grandeur naît de l’enlacement des forces, le solitaire amoureux de lui-même, refermant sur son être, d’un geste de farouche et pudique fierté, le triple voile de son dédain, de sa mélancolie et de son art, se dresse devant le monde stupéfait comme la victime de l’exil dans un monde de douleur insondable. […] Quand l’excitation ne s’épanouit pas en possession, elle aboutit fatalement à une sensation de douleur ou plutôt de malaise, née du désir non satisfait.

428. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Maintenant, voici l’effort et l’appareil du poëte : « Impétueux Niagara, toi seul, phare sublime, tu pourrais m’élever jusqu’aux dons célestes que me déroba la main cruelle de la douleur ! […] Mais dona Gomez, avec la maturité de l’âge et de la douleur, trouva mieux encore dans son âme, et l’indépendance même de la pensée vint donner à ses vers un accent original. […] La sainte majesté du sujet, la gravité de l’affliction chrétienne, élèvent ici le talent du poëte et lui donnent, dans l’expression et dans la mélodie, un calme de douleur et de foi dont la simplicité presque intraduisible semble une voix mystique entendue dans un songe, mais qu’on ne peut retrouver.

429. (1888) Études sur le XIXe siècle

À la fin de sa vie, elle se consola en s’attachant à sa belle-sœur (la femme de son frère Pierre-François) et à sa petite nièce qu’elle eut encore la douleur de perdre. […] Lui qui souffre sans cesse de toutes sortes de maux chroniques fort douloureux, il est pris de terreurs indescriptibles, dès qu’il est menacé d’une douleur aiguë. […] Le rôle de son intelligence consista simplement à élargir la sphère de douleurs dans laquelle il se mouvait et à dégager les traits généraux de l’infélicité humaine. […] Dans un de ses plus beaux poèmes, le Genêt, Leopardi se loue de son courage à regarder en face la douleur et reproche aux hommes leur lâcheté à s’en distraire. […] que quiconque a pu m’affliger ou me blesser, — vienne à moi dans un jour de douleur, — il trouvera des larmes dans mes yeux.

430. (1885) L’Art romantique

Tout ce qu’il y a de douleur dans la passion le passionne ; tout ce qu’il y a de splendeur dans l’Église l’illumine. […] La douleur et la pompe, qui éclatent si haut dans la religion, font toujours écho dans son esprit. […] Quand j’entendis cet admirable cri de douleur et de mélancolie (Le Chant des Ouvriers, 1846), je fus ébloui et attendri. […] Toute une salle française s’est amusée pendant plusieurs heures de la douleur de cette femme, et, chose moins connue. […] Ils jouissent presque des douleurs de l’auteur.

431. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

. —  Tout, pour toi, dans ce monde est ténèbres, hasard : Un grand principe aveugle, un mouvement sans cause Anime tour à tour et détruit chaque chose ; Par tous les éléments, sous les eaux, dans les airs, Chaque être en tue un autre : ainsi vit l’Univers ; Et dans ce grand chaos, bien plus chaos lui-même, L’homme, insondable sphinx, ajoute son problème, Crime et misère, en lui, qui se donnent la main ; La douleur ici-bas, et point de lendemain. —  Oh !

432. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Angellier, Auguste (1848-1911) »

Il comprend cent soixante-dix sonnets développant tout un roman d’amour qui commence par la floraison des aveux et des premières tendresses, se continue au bord des flots bleus, dans les monts, s’attriste d’une querelle, se poursuit en rêveries, devant la mélancolie des vagues grises, se termine enfin par le sacrifice, le deuil et l’acceptation virile qui n’est pas l’oubli… C’est bien l’histoire commune et éternelle des cœurs… C’est un véritable écrin que l’Amie perdue, un écrin plein de colliers et de bracelets pour l’adorée, et aussi de pleurs s’égrenant en rosaire harmonieux… C’est un des plus nobles livres d’amour que j’aie lus, parce qu’il est plein d’adorations et exempt de bassesses, parce que la joie et la douleur y sont chantées sur un mode toujours élevé, entre ciel et terre, comme le vol des cygnes qui ne s’abaisse pas même quand leur aile s’ensanglante d’une blessure… Je vous assure qu’il est là tel sonnet que les amants de tous les âges à venir, même le plus lointains, aimeront à relire, où ils retrouveront leur propre pensée et leur propre rêve, comme le doux André Chénier souhaitait qu’il en fût de ses vers d’amour… [Le Journal (26 juillet 1896).]

433. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Faramond, Maurice de (1862-1923) »

Lo poète nous les montra dans leurs occupations quotidiennes, dans leurs ordinaires joies, dans leurs naturelles douleurs.

434. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

Plus fière sous l’ancienne alliance, elle ne peignit que des douleurs de monarques et de prophètes ; plus modeste et non moins royale sous la nouvelle loi, ses soupirs conviennent également aux puissants et aux faibles, parce qu’elle a trouvé dans Jésus-Christ l’humilité unie à la grandeur.

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