Aussi la jalousie tragique semble-t-elle assez rare, si l’on en croit les contes, car je n’en vois qu’un seul où le désir exaspéré amène une tragédie domestique (V. […] Au point de vue désir sexuel, on pourrait croire le noir plus proche de la bestialité que le civilisé mais il n’y a qu’une différence d’épaisseur dans le vernis. […] Reconnaissance. — Les noirs apprécient la beauté morale de la reconnaissance, mais ne croient pas outre mesure à la fréquence de sa mise en pratique. […] J’ai tendance à croire que, dans les manifestations apparentes de ces sentiments chez eux, il y a plus d’ostentation que de bienveillance, instinctive ou réfléchie. […] Même islamisé, il ne semble guère croire à une vie future ou, s’il y croit, c’est avec l’espoir de racheter, grâce à quelques bonnes œuvres de la dernière heure, tous les méfaits, petits et gros, qu’il aura pu commettre au cours de son existence.
Nos raisons d’abaisser ou de diminuer Louis XIV, le roi absolu, ressemblent plus qu’on ne croit à celles du due de Saint-Simon, car des aristocrates comme lui sont des démocrates par en haut et entre eux, comme nous sommes, nous, des aristocrates par en bas. […] Nous nous débarrassons de sa grandeur en lui passant autour du cou son fameux mot, « l’État, c’est moi » ; et nous croyons l’étrangler. […] Tout ce qu’on peut dire d’une créature méchante, abjecte et dangereuse, il l’a dit de cette femme à la grandeur cachée, qui s’en vient tranquillement vers la Postérité, qui les croit, à travers tant de calomnies ! […] Il a, comme Saint-Simon, cette terrible puissance de la couleur qui fait croire à la vérité du mensonge. […] Il y avait enfin à prononcer sur l’homme devenu ministre le jugement définitif qu’un homme ayant en soi instinct de ministre, comme croyait l’avoir Saint-Simon, aurait du moins essayé de le prononcer !
Ceux qui furent témoins de ses débuts le crurent et le dirent assez haut, et moi, en lisant ces pages lointaines et oubliées, je crois comme eux, oui ! je crois qu’il avait vocation. […] ces cinq essais auxquels Macaulay mit son amour et qu’il crut sa gloire, sont bien tout ce qu’il y a de moins aperçu, de moins approfondi et de moins fortement rendu dans son recueil. […] et qui croyait avoir tout fini de son intéressante besogne, quand elle avait poinçonné et plombé un livre ; car voilà ce qu’ils étaient tous, les critiques d’alors : des poinçonneurs et des plombiers ! […] Il est scholar toujours, nous l’avons dit plus haut, même quand il est le plus inspiré, quand il se croit le plus genuine, quand il veut rester le plus lui-même.
Mme de Staël et son école, tous ces esprits distingués qui concoururent à introduire en France de justes notions des théâtres étrangers ; qui, les premiers, nous expliquèrent ou nous traduisirent Shakespeare, Goethe, Schiller, ce sont relativement des romantiques ; en ce sens M. de Barante, M. de Sainte-Aulaire même, M. de Rémusat en seraient, et je ne crois pas que ces fins esprits eussent jamais désavoué le titre entendu de la sorte. […] Mais, d’un peu loin, je vois en tous ces poètes bien moins des adversaires que des rivaux et des émules, que des frères qui croient se combattre et qui seraient plus propres à se compléter. […] Ceux qui en ont été touchés une fois, peuvent la sentir à regret s’affaiblir et pâlir, diminuer avec les années en même temps que la vigueur qui leur permet d’en saisir et d’en fixer les reflets dans leurs œuvres, mais ils ne la perdent jamais. « Il y a, disait Anacréon, un petit signe au cœur, auquel se reconnaissent les amants. » Il y a de même un signe et un coin auquel restent marqués et comme gravés les esprits qui, dans leur jeunesse, ont cru avec enthousiasme et ferveur à une certaine chose tant soit peu digne d’être crue. […] Il n’est pas jusqu’à ces moindres genres dont on se croyait obligé de sourire autrefois, qui ne méritassent désormais une place dans une exposition universelle des produits de la poésie ; car ils ont eu de nos jours leur renaissance, et retrouvé leurs adorateurs. […] Et c’est ainsi qu’au déclin d’une école et quand dès longtemps on a pu la croire finissante, quand de ce côté la prairie des muses semble tout entière fauchée et moissonnée, des talents inégaux, mais distingués et vaillants, trouvent encore moyen d’en tirer des regains heureux et de produire quelques pièces presque parfaites qui iraient s’ajouter à tant d’autres dans la corbeille, si un jour on s’avisait de la dresser, — dans la couronne, si l’on s’avisait de la tresser —, d’une anthologie française de ce siècle.
Je crois savoir que M. […] En plaidant plus tard contre le célibat ecclésiastique, l’abbé n’était donc pas tout à fait aussi désintéressé qu’on l’aurait cru dans la question46. […] Ces mémoires ou Annales politiques de l’abbé « n’ont rien de curieux, dit Voltaire, que la bonne foi grossière avec laquelle cet homme se croit fait pour gouverner ». […] Dans sa manie d’éducabilité, il croyait qu’on arrivait à acquérir l’équivalent du génie, vers l’âge de cinquante ans, à force d’avoir assisté à des conférences. […] Une question biographique reste toujours pendante : il n’est pas à croire que Rousseau, dans la note que j’ai citée, et qui paraît se rapporter à un fait accidentel, à un entraînement de l’abbé, ait entendu parler de ces amours d’habitude et si bien réglées qui n’avaient rien de ruineux.
Elle-même n’a pas prétendu faire autre chose, et il faut convenir qu’elle aurait été dupe d’une bien étrange illusion en créant ainsi de toutes pièces ce qu’elle croyait seulement retrouver. […] On alla d’emblée plus loin que n’avaient cru pouvoir se le permettre les plus hardis des Anciens ; on ne se borna pas à attribuer l’Iliade et l’Odyssée à deux auteurs différents, comme quelques Alexandrins l’avaient pensé et comme plusieurs considérations tendraient à le faire concevoir : on ne laissa subsister à l’intérieur de chaque poëme aucune unité primitive, aucune inspiration personnelle et dirigeante. […] Quand on additionne ainsi toutes les dissidences de détail, on est effrayé sur l’ensemble ; mais c’est une mauvaise méthode et trompeuse, en pareil cas, que d’additionner. « Il n’y a point, a dit La Bruyère, d’ouvrage si accompli qui ne fondît tout entier au milieu de la critique, si son auteur voulait en croire tous les censeurs qui ôtent chacun l’endroit qui leur plaît le le moins. » Ainsi l’Iliade tout entière, y compris l’auteur, fondit un moment sous le nombre des coups de crayon retrouvés ; et pourtant elle subsiste. […] On a beaucoup et très-éloquemment parlé à ce propos de poésie populaire, de génie instinctif, d’épopée toute spontanée, et l’on a cru par là, retrouvant la grandeur, suppléer à l’unité. […] Mais je ne saurais croire que ce soit là le cas d’appliquer le mot tant cité : « Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, c’est tout le monde. » Je conçois que dans le genre d’esprit de Voltaire, c’est-à-dire pour un certain bon sens critique et railleur, tout le monde, c’est-à-dire encore l’élite de Paris, puisse fournir l’équivalent.
Hippolyte Babou Les Odes funambulesques, c’est vous trait pour trait, c’est vous tout entier, avec votre fougue savante et votre lyrisme excessif, avec vos gammes tournoyantes d’allégresse, avec cette double force native qui ne s’est révélée qu’à demi, je le crois, dans les Cariatides et dans les Odelettes… J’ai entendu dire un jour à quelqu’un, qui songeait sans doute au vers de Boileau : La rime est une esclave, et ne doit qu’obéir, que vous étiez le commandeur de la rime. […] Déjà, je crois devoir le dire, pour tout dire, dans ce petit poème si court, arrivés au monologue final de Pierrot, j’affirme qu’il y avait parmi nous, çà et là, des traces, je ne dirais pas de lassitude, non, mais d’un commencement de légère indifférence. […] Ces Idylles prussiennes, sur lesquelles je veux particulièrement insister, ne sont pas seulement les plus belles poésies du volume, mais elles portent avec elles un caractère de nouveauté si peu attendu et si étonnant, qu’en vérité on peut tout croire de la puissance d’un poète qui, après trente ans de la vie poétique de la plus stricte unité, apparaît poète tout à coup dans un tout autre ordre de sentiments et d’idées, — et poète, comme certainement jusque-là il ne l’avait jamais été ! […] Théodore de Banville est le plus grand des poètes vivants qui ont réalisé leur œuvre, je crois qu’il a pour âme la poésie elle-même. […] Anonyme Le vénérable M. de Banville a cru devoir réunir en un volume ses hebdomadaires vaticinations de l’Écho de Paris (journal des poètes, dit-on, ce qu’on ne croirait guère, vu la copieuse quantité de mauvais vers qui s’y publient).
C’est à cette préoccupation qu’il faut attribuer les affectations de noms changées qui ont légèrement surpris le public et qui n’ont pas laissé de faire croire à un accès de charlatanisme. […] Les tentations ne vous ont point manqué cependant, si j’en crois le cri que vous avez laissé échapper dans la Vipère. […] Leconte de Lisle, une fois qu’on y est installé, est pour longtemps, je crois, à l’abri de la banalité, le domaine qu’elle exploite étant beaucoup moins épuisé que celui des passions et des affections humaines tant ressassées. […] Dès qu’il agit, il croit. […] Il ne raisonne plus, il croit, il voit, il sait.
Les personnes qui croient posséder cette intuition sont dupes d’une illusion. […] Nous voudrions nous représenter l’univers extérieur, et ce n’est qu’à ce prix que nous croirions le connaître. […] Bien que ces deux faits se passent dans des mondes impénétrables, je n’hésite pas à regarder le premier comme antérieur au second, parce que je crois qu’il en est la cause. J’entends le tonnerre, et je conclus qu’il y a eu une décharge électrique ; je n’hésite pas à considérer le phénomène physique comme antérieur à l’image sonore subie par ma conscience, parce que je crois qu’il en est la cause. […] Si nous croyons avoir cette intuition, c’est une illusion.
Ici, l’on trouvera, sans aucun dégrossissement, le petit Breton consciencieux qui, un jour, s’enfuit épouvanté de Saint-Sulpice, parce qu’il crut s’apercevoir qu’une partie de ce que ses maîtres lui avaient dit n’était peut-être pas tout à fait vrai. […] Par peur de n’être pas compris, j’appuyais trop fort ; pour enfoncer le clou, je me croyais obligé de frapper dessus à coups redoublés. […] Tout en continuant de croire que la science seule peut améliorer la malheureuse situation de l’homme ici-bas, je ne crois plus la solution du problème aussi près de nous que je le croyais alors. […] J’eus donc raison, au début de ma carrière intellectuelle, de croire fermement à la science et de la prendre comme but de ma vie.
Très frappé des pertes graduelles, croissantes, que faisait la foi catholique au sein des jeunes générations, et qui proviennent de tant de causes combinées, M. de Montalembert, pour couper court au mal, crut qu’il fallait en dénoncer toute l’étendue, et marquer au vif la séparation entre la partie saine et celle qui, selon lui, ne l’était pas. […] Quand on aura démontré à une foule d’honnêtes gens qui se croyaient encore catholiques, qu’ils ne le sont pas, qu’y aura-t-on gagné ? […] Et plus loin, comparant le peuple écrasé à l’antique géant étouffé sous l’Etna : « On a cru, s’écria-t-il, anéantir un peuple, on a créé un volcan. » M. de Montalembert a une faculté qui manque à beaucoup d’autres, d’ailleurs éloquents, et qui fait que sa phrase ne résonne pas comme une autre phrase : il a la faculté de l’indignation. […] Fils d’une mère anglaise, on croirait sentir dans sa voix, à travers la douceur apparente, une certaine accentuation montante qui ne messied pas, qui fait tomber certaines paroles de plus haut et les fait porter plus loin. […] Si j’en crois de bons renseignements, M. de Montalembert, dans son procédé de composition oratoire, a passé par les différentes phases qui sont familières aux gens du métier.
On a pu croire qu’en ces dix dernières années la frénésie de lettres eût atteint à son paroxysme suprême et qu’elle ne dût désormais que décroître pour la paix, la joie, le salut des véritables écrivains qui font leur œuvre sciemment, légitimement, en silence. — Mais on a cru… parce qu’on espérait. — La politique nous valut une trêve qu’on rêva bienfaisante et qui ne fit en somme, qu’aggraver la confusion. […] Si l’on en croit les Grecs, le poète est celui qui fait, celui qui crée ; il faut les croire ; — ΠΟΙΗΤΗΣ — dans ce simple mot tient tout son art et toute sa fonction. […] Chacun y versa les pensées qu’il se crut forcé d’y avoir et qu’il n’eut jamais eues sans elle. […] Paul Bourget ajoute : « Je ne saurais les relire, ces lignes si simples, sans une émotion presque pieuse, et je crois que beaucoup des écrivains qui ont eu leurs vingt ans entre 1855 et 1880 y retrouveraient de même, en un raccourci puissant, ce qui fut la foi profonde de leur jeunesse. » Nous retiendrons ce mot : l’empirisme était devenu une foi.
Tout docteur, philosophe et intellectuel qu’il pût être, Goethe aima cette jeune fille à l’âme transparente, tranquille et profonde, qui resta fidèle à Kestner et ne donna, en retour, à Goethe, que sa main fraîche et cette placide amitié qui tue sans croire être cruelle. […] Je crois même qu’il l’augmente. […] Son livre a un sens plus profond qu’on ne croit quand on l’appelle simplement par son titre : LES FEMMES DE GOETHE, par Paul de Saint Victor. […] On le croit plus puissant qu’il n’est réellement. […] La femme allemande, dans sa simplicité, dans son éternelle facilité à croire, la femme allemande, née plus séduite que les autres femmes, et qui se rencontre aussi bien dans les ridicules romans d’Auguste Lafontaine que dans les romans et les drames du grand Goethe, voilà en une seule toutes les femmes de Goethe, dont Paul de Saint-Victor a fait, lui, des femmes différentes, en exécutant sur le motif monotone de Goethe de ces prodigieuses variations à faire prendre le change aux plus habiles et leur faire croire que Goethe a mis dans ses femmes ce que lui, Saint-Victor, seul, y a vu !
Theiner a cru ou a voulu atteindre par cette éclatante publication d’une histoire de Clément XIV. […] Et croyez-vous que ce soit tout ? […] Nous lui ferons l’honneur de le croire. […] Nous avons tant de pente à croire un prêtre, à admettre que nous nous trompons quand il affirme le contraire de notre pensée, qu’il faut nous y reprendre à deux fois lorsqu’il s’agit de repousser les preuves qu’il nous donne dans son histoire à l’appui de son opinion. […] En attaquant directement, et avec une violence qui n’a rien de sacerdotal, un écrivain qui avait publié comme lui l’histoire de Clément XIV, et de plus que lui l’histoire de l’Ordre de Jésus, le nouvel historien de Clément XIV a provoqué de la part de Crétineau-Joly deux réponses auxquelles, nous le croyons du reste, le P.
Nous croyons que c’est une pauvreté. […] Excepté un pli d’ironie qu’on croit entrevoir, — en est-on même bien sûr ? […] Nous croyons beaucoup à ces hommes qui ont mis la main sur leurs facultés et qui les ont forcées à se taire longtemps. […] La personnalité peut y tenir sa place, car on ne sait pas assez combien la personnalité d’un homme est près de lui quand on la croit le plus loin ; mais M. […] Flaubert a montré le plus son genre de talent, sagace et cru jusque dans les nuances, qu’il saisit fortement et finement, comme un chirurgien pince les veines.
Instruit de la grande réputation du philosophe Thémiste, j’ai cru qu’il était digne de l’empereur et de vous de récompenser sa vertu, en l’admettant dans ce conseil auguste : et je n’ai pas voulu seulement honorer Thémiste, j’ai voulu aussi honorer le sénat, que j’ai cru digne de posséder un si grand homme. […] Croit-on, dit-il à Valentinien et à Valens, croit-on que ce soit en montant à cheval avec grâce, et en maniant les armes avec adresse, qu’un prince puisse imiter cet être sublime ? […] Crois-tu, malgré leurs victoires, que leurs noms fussent aussi célèbres, si, terribles aux barbares, ils n’eussent été bienfaisants envers leurs sujets ? […] Alors toutes les cabales, toutes ces petites haines, tous ces enthousiasmes d’un jour, toutes ces décisions si graves de gens importants, ou qui croient l’être, ces luttes des sociétés qui se combattent, ces chocs des petites réputations contre les grandes, ces fureurs, tantôt si atroces et tantôt si puériles, appuyées quelquefois par le crédit qui se cache, et toujours par la malignité orgueilleuse, qui ne manque jamais d’applaudir à l’audace qui humilie le talent, tout cela disparaît.
Poètes de ce temps-ci, vous êtes trois ou quatre qui vous disputez le sceptre, qui vous croyez chacun le premier ! […] M. de Musset n’échappera point à ce destin dont il n’aura peut-être point tant à se plaindre ; car il y a de lui des accents qui iront d’autant plus loin, on peut le croire, et qui perceront d’autant mieux les temps, qu’ils y arriveront sans accompagnement et sans mélange. […] S’il semble s’être drapé, à ses débuts, dans les guenilles romantiques, on croirait aujourd’hui qu’il a pris ce costume de carnaval pour se moquer de la littérature échevelée du temps. […] L’invention chez lui n’était pas des plus fortes ; vous retrouvez dans toutes ses œuvres les traces de bien des auteurs, Shakespeare, Byron, Calderon, Schiller, puis Boccace, La Fontaine, Régnier, Ronsard, Marivaux, Béranger et tous nos vieux conteurs ; ce qui faisait dire à une femme d’esprit : Quand je lis M. de Musset , je crois toujours avoir lu cela quelque part. Mais ces traces-là chez lui sont enveloppées de tant de grâce, d’esprit et de désinvolture, qu’on se croit en présence de créations propres à l’auteur.
Mais je crois que le mérite de ce roman ne peut être bien senti que par des personnes qui aient aimé avec autant de passion que de tendresse, peut-être même que par des personnes dont le cœur soit actuellement pénétré d’une passion profonde, heureuse ou malheureuse. […] L’auteur a cru sans doute qu’une personne aussi honnête et aussi bien née que Julie, ne devait employer aucune sorte de déguisement ; il n’a pas songé que le lecteur ne pouvait jamais se mettre assez parfaitement à la place de l’amant, pour ne pas blâmer un ton si libre ; c’est peut-être celui du véritable amour ; mais ce ton paraît affaiblir l’amour même dans la bouche d’une femme, dont il faut que l’expression, pour être tendre et vive, ait toujours l’empreinte de la modestie. […] Rien d’ailleurs n’est plus déplacé que des injures dites au public : il est vrai que si quelqu’un s’est jamais pu acquérir ce droit-là, c’est Rousseau, puisqu’il a pour ainsi dire renoncé à la société ; mais du moins quand on veut insulter quelqu’un il faut être de bonne foi, et je crois qu’il n’y en a point dans cette préface. […] Quant au style je n’y vois rien ou presque rien à désirer ; il est plein de vérité, de naturel, de clarté, de chaleur et de force : cependant j’ai cru y remarquer, mais assez rarement, un peu de recherche ; il y a aussi des expressions hors d’usage ; il y a même de temps en temps quelques pages de mauvais goût, et quelques jugements où l’on voit trop l’auteur. […] Peut-être n’en trouverait-on pas moins dans le jugement que je viens de porter de son livre ; je crois néanmoins pouvoir assurer que j’ai parlé d’après ce que j’ai senti.
Même plus tard, quand les faits s’affermissent et se clarifient dans son récit, et prennent de ces certitudes qu’il n’est plus permis de discuter ; même au moment de ces merveilleux succès des Jésuites qui firent croire un jour à l’imagination européenne que la croix conquerrait l’Empire du Milieu, on s’enivrait trop d’une religieuse espérance… car trente-six mille chrétiens, au plus, sur trois cents millions d’âmes, n’étaient qu’une faible étincelle du feu qu’on croyait avoir allumé ! […] On les croit vivantes et elles semblent vivre ; elles ont des sciences, des gouvernements, des littératures, des industries ; elles sont encore des sociétés. […] Nous, nous n’avons jamais cru beaucoup aux transformations morales et libres de cette grande idiote qu’on appelle l’Asie, de cette hébétée de l’opium, du panthéisme indou et des coups de bâton ; mais en ce moment nous y croyons moins que jamais, et surtout en ce qui touche la Chine, c’est-à-dire l’expression de l’Asie dans sa concentration la plus violente et la plus dure.
Je croyais que c’était tout. Or, ceux qui ne disent et qui ne croient simplement que cela de Monselet, les dindenaudiers qui le répètent, les moutons du mot, race nombreuse ! […] », avec des airs pénétrants ; car, du moins, s’ils ne savent que cela, ils savent qu’ils parlent à un masque, tandis que ceux qui croient connaître Monselet ne se doutent même pas qu’il puisse en être un… Dupes de cette opinion publique qui, une fois faite, ne se modifie pas, de cette sourde qui rabâche toujours la même chose et qu’on voudrait bien souvent, pour ce qu’elle dit, autant muette, ils ne se doutent pas, ils ne se sont jamais doutés que ce dîneur maintenant légendaire de Monselet, qui a lui-même — il faut bien le lui reprocher ! […] Je le croyais perdu… Ce poète qui n’avait jamais appuyé sur rien, pas même sur les lèvres et le cœur de sa maîtresse, et qui, s’épaississant, était devenu (Dieu lui pardonne !) […] Pour mon compte, je le souhaiterais, et aussi pour Monselet, pour Monselet que je ne croyais que spirituel, et à qui j’ai vu dans ce livre poindre une âme !
qui croit qu’admettre tout » c’est tout expliquer, et qui n’est que le balancement perpétuel de la pensée entre les faits contradictoires. […] Croyez-vous donc qu’il n’y en ait que dans les œuvres de la fantaisie ? Croyez-vous qu’il n’y en ait pas une en histoire ? Croyez-vous qu’il n’y ait pas, si maintenu qu’on soit par les faits, — ces fers aux pieds et aux mains, mais qui n’empêchent pas les hommes vraiment forts de se mouvoir et de se dilater dans la beauté de leur puissance, — croyez-vous qu’il n’y ait pas, au sein de tous les esclavages de l’histoire, des manières d’ouvrir ses points de vues qui sont de la plus haute, de la plus réelle originalité ?
Dans son énorme livre, dont l’énormité est une raison de plus ajoutée à tant d’autres pour ne pas être lu par les superficiels de cet âge d’ignorance frivole ; dans ce livre qui est tout à la fois une histoire et une théorie, il a mis en présence la Monarchie et la Révolution comme elles n’y avaient, je crois, été mises jamais, du moins avec cette largeur de vue historique, cette prodigieuse abondance de détails, cette implacable impartialité… Beau, mais désespérant spectacle ! […] Elle n’a peur d’aucun contresens et trouve une formule pour tous les gâchis… Après dix-huit ans de cet impudent concubinage, une république qui se croyait légitime sortit de cet adultère, et elle tomba, comme la première était tombée, sous un second Empire, et comme si la France, démonarchisée par la Révolution, avait pour destinée dans l’avenir de jouer à ce jeu alterné et sans fin des Républiques et des Empires. […] … Les badauds de philosophie et de civilisation, qui expliquent tout avec le mouvement général de la pensée et les évolutions progressives de l’esprit humain, affectaient de ne pas croire à l’importance des sociétés secrètes. Avec ce qui se passe en Europe, y croiront-ils maintenant ? […] … Je ne le crois pas.