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795. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Il ne s’agit pas de contraindre deux expressions d’art différentes à faire corps l’une avec l’autre. […] Chacune de ses œuvres est un véritable corps vivant, dans lequel chaque partie est un organe. […] Cependant, il n’a jamais cherché à grouper ses idées sur la musique en un corps de doctrine. […] Il appelait le corps notre « grande raison », et il trouvait tout naturel que ce qu’il appelait « notre petite raison » souffrît quand le corps souffre. […] Combien se rendent compte que le rythme n’est autre chose qu’un rapport de proportions qui se reproduisent, se combinent, s’opposent les unes aux autres, absolument comme les mouvements du corps humain ou de tout autre corps animé ?

796. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Elle fait corps avec cette imagination, c’est-à-dire avec de la substance, de la plante et de la fleur humaines. […] Je saurai qu’elles vieilliront et qu’il y a déjà, au creux de leur main, assez de rides pour craqueler le corps le plus somptueux. […] Et la critique dramatique qui le suit comme l’ombre le corps maigrit comme lui. […] Chérau le corps de la femme prenait un poids de fatalité, tandis que pour M.  […] Mais ce mal fait tellement corps avec le solitaire qu’il l’aime du même fonds dont il s’aime, qu’il ne pourrait le détester qu’en se détestant.

797. (1886) Le roman russe pp. -351

Un poème lyrique est un être vivant d’une vie furtive qui réside dans l’arrangement des mots ; on ne transporte pas cette vie dans un corps étranger. […] On a le vertige à regarder les balancements désordonnés de ce grand corps sous le choc des idées et des faits. […] Deux éléments assez contradictoires font corps dans ces récits, la gaieté et le fantastique. […] La possédée a distingué un bachelier en théologie ; elle exige en mourant qu’il vienne pendant trois nuits lire les prières à l’église sur son corps. […] De cette cassette ; devant cet escroc, nous voyons surgir le fantôme géant du peuple russe, vivre et prendre corps le bétail dont on trafique.

798. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — [Note.] » pp. 444-445

Plus tard, il est vrai, il devient triste et dégoûté de la vie ; mais, au milieu de ses souffrances d’esprit et de corps, la chose qui l’occupe le plus, celle dont il parle sans cesse, c’est toujours sa chère peinture ; c’est toujours son tableau des Pêcheurs.

799. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponchon, Raoul (1848-1937) »

Paul Verlaine Raoul Ponchon est un poète très original, un écrivain absolument soi, descendant, c’est clair, d’une tradition, ainsi que tous, du reste, mais d’une tradition « de la première », française en diable, avec tout le diable au corps et tout l’esprit au diable, d’un bon diable tendre aux pauvres diables et diablement spirituel, coloré, musical, joli comme tout, fin comme l’ambre, léger, tel Ariel, et amusant, tel Puck, bon rimeur (j’ai mes idées sur la Rime, et quand je dis « bon rimeur », je m’entends à merveille, et c’est de ma part le suprême éloge), excellent versificateur aussi (je m’entends encore), un écrivain, enfin, tout saveur, un poète tout sympathie !

800. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 489-492

Peut-être est-ce en faveur de son caractere, qu’on a jugé Perrault digne d’être agrégé au Corps philosophique.

801. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VI. Architecture. — Hôtel des Invalides. »

Trois corps de logis, formant avec l’église un carré long, composent l’édifice des Invalides.

802. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Vassé » pp. 323-324

C’est la nécessité de cette sympathie générale des membres qui fait qu’une femme assise l’est de la tête, du cou, des bras, des cuisses, des jambes, de tous les points du corps et sous tous les aspects ; ainsi d’une figure debout, d’une figure nue, d’une figure occupée de quelque manière que ce soit.

803. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IX. Chassez le naturel… »

Et, à chaque partie du corps qu’il nommait ainsi, il l’indiquait d’un geste précipité qui faisait cesser l’impérieuse démangeaison.

804. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Aucun animal, pas même le chat, le chien, ne fait cette étude continuelle de tous les corps qui sont à sa portée : toute la journée l’enfant dont je parle (douze mois) tâte, palpe, retourne, fait tomber, goûte, expérimente ce qui tombe sous sa main ; quel que soit l’objet, balle, poupée, hochet, jouet, une fois qu’il est suffisamment connu, elle le laisse, il n’est plus nouveau, elle n’a plus rien à en apprendre, il ne l’intéresse plus. […] S’il nous poussait des ailes, nous tâcherions tout de suite d’aller toucher là-haut les corps aériens ou célestes. […] En tout cas, ce qui maintenant constitue une bête pour lui, c’est une forme beaucoup plus délicate et plus compliquée que celle de la toupie, savoir la forme commune aux insectes, un corps à plusieurs articles et paires d’appendices, tantôt immobile, tantôt en mouvement de soi-même et sans impulsion du dehors. […] Les concepts sont-ils possibles, ou du moins y a-t-il jamais des concepts effectués sans une forme extérieure et un corps ?

805. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

« Il n’est pas un des sentiments, pas une des pensées, pas un des actes de l’homme, sur lesquels la doctrine acceptée ne retentisse, à l’insu même de l’homme ; « Comme il n’est pas une seule des réactions chimiques d’un corps, sur laquelle ne rejaillisse sa simplicité ou sa dualité de composition. […] Ce principe, ce demi-dieu créateur de nos pensées et de nos actes, dont mon corps est le temple, dont ma conscience est le sanctuaire, je ne l’aperçois pas seulement en conclusion logique, je le sens en moi de si près et dans une intimité si absolue avec moi-même, que je le reconnais pour être ce moi lui-même qui sent, qui comprend, qui veut et qui parle en ce moment. […] Tous ont un corps, parcelle de matière ; tous ont une âme, parcelle d’intelligence. […] Qui vous dit que cette substance dont il a formé votre Cosmos est la même que sa substance invisible à l’œil du corps ?

806. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Cette publicité ne livre pas son corps, mais elle livre son esprit, son cœur, son âme au grand jour. […] VIII La femme dont nous allons raconter la vie et les œuvres sortit de son sexe ; elle affronta le bruit, elle se jeta dans le tumulte d’un grand siècle, elle parla, elle chanta, elle écrivit sur la religion, la philosophie, la politique, la liberté, la tyrannie ; elle brava l’échafaud, elle subit l’exil ; elle combattit corps à corps tantôt les factions, tantôt le conquérant de l’Europe, et, si son nom ne nous rappelait son sexe, nous la placerions par ses œuvres au rang des grands hommes ; si c’est sa gloire, c’est aussi son malheur ; moins virile, elle nous intéresserait davantage. […] La jeune femme, habituée de bonne heure au monologue par l’exercice quotidien de sa plume et par l’éloquence des hommes supérieurs entendus dès l’enfance chez son père, se laissait emporter par son enthousiasme ; la charmante timidité de son sexe et de son âge, cette pudeur de l’âme, aussi rougissante que celle du corps, n’était jamais née en elle.

807. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

D’ailleurs, cette action que le corps social exerce sur ses membres ne peut rien avoir de spécifique, puisque les fins politiques ne sont rien en elles-mêmes, mais une simple expression résumée des fins individuelles73. […] On est même en droit de se demander si cette loi ne pénètre pas jusque dans le monde minéral et si les différences qui séparent les corps inorganisés n’ont pas la même origine. […] Les représentations, les émotions, les tendances collectives n’ont pas pour causes génératrices certains états de la conscience des particuliers, mais les conditions où se trouve le corps social dans son ensemble. […]  « La société existe pour le profit de ses membres, les membres n’existent pas pour le profit de la société… : les droits du corps politique ne sont rien en eux-mêmes, ils ne deviennent quelque chose qu’à condition d’incarner les droits des individus qui le composent. » (Op. cit.

808. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Par la force de l’idée divine déposée en lui par son fondateur, il s’est reconstitué peu à peu, comme les tronçons d’un corps saignant et dispersé qui se rejoindraient par miracle. […] On a toujours sous sa main le corps chaud et saignant de César assassiné, pour en faire toucher les blessures. […] Les Jésuites, chassés jusque de Parme, terre vassale du Saint-Siège, — injure cruelle à la personne même du Pape et qui avait comblé l’amer calice de son agonie, — s’étaient repliés vers Rome comme vers leur corps d’armée naturel. […] Ils ont fait le compte de ces larmes, de ces cris, de ces déchirements de l’âme et du corps qui suivirent l’acte consommé et qui l’effacèrent.

809. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

La marquise d’Aumont était une respectable dame, qui, devenue veuve, s’était retirée à Port-Royal de Paris, y avait fait bâtir un corps de logis pour elle, avait procuré surtout l’agrandissement du monastère, et y était bienfaitrice en toute humilité. […] Celui-ci, ancien chevalier de Malte, brave guerrier, duelliste, frondeur, donnant des collations aux dames, s’était tout d’un coup retiré, après être devenu veuf, et s’était fait arranger un corps de logis près de Mme de Sablé dans les dehors de Port-Royal de Paris.

810. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Elle reparut peu à peu au Corps Législatif et au Sénat, à mesure que le droit de discussion, le droit d’interpellation, la publicité des débats furent rétablis. […] Jules Favre846, Lyonnais, républicain dès 1830, avocat des procès politiques de la monarchie de Juillet, démocrate un peu incohérent dans la seconde République, défenseur d’Orsini847, rentra au Corps législatif en 1858.

811. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Ce corps souple — ce trop de corps ! 

812. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

En même temps le triomphe de ce pouvoir d’arrêt crée dans l’esprit une fiction : quelque objet fragmentaire et que le pouvoir de dissociation pourra dissoudre dès qu’il viendra à l’emporter sur le pouvoir adverse, quelque objet fragmentaire est tenu momentanément pour une unité indécomposable, pour un corps solide qu’il est possible de combiner avec d’autres unités analogues afin d’en composer la diversité des corps de l’univers.

813. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Que ces castors ne soient qu’un corps vide d’esprit, Jamais on ne pourra m’obliger à le croire. […] J’entends les esprits corps….

814. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Gaston de Raousset-Boulbon — d’une des familles les plus nobles et les plus anciennes de Provence — était le dernier rejeton d’une de ces races militaires qui, selon le mot du grand-duc de Guise, « doivent se bâtir des renommées sur les ruines de leur propre corps ». […] Des jours que tu rêvais, Des soleils appelés par ton âme ravie, Peut-être les rayons luiront-ils sur ta vie ; Peut-être vers le soir, lorsque la trahison, La faim, la soif, le feu, le fer et le poison Se seront émoussés sur ton corps et ton âme, Alors si ton grand cœur n’a pas perdu sa flamme, Si, mille fois trompé, tu conserves ta foi, Si tu luttes encore… enfant, tu seras roi !

815. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Elle n’avait pas le droit de prendre un corps, de devenir Église, de s’organiser comme tout être vivant qui tend à sa fin. Elle se compromettait et se tuait, et se déshonorait, en devenant l’Église romaine avec son chef, — comme le corps est avec sa tête.

816. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Dallas tressaillait d’aise et secouait sur son grand corps toute sa peau mobile. […] Comme ses yeux se fermaient déjà, il sentit tout le corps de l’animal agonisant trembler contre lui. […] Puis il geignit ; tout son corps frissonna plusieurs minutes, comme une gelée inconsistante. […] On allait cependant débarquer le corps, lorsque la municipalité s’y opposa sous prétexte que l’artiste était mort du choléra. […] Dieu oblige alors le corps à « rendre l’âme ».

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