Je ne songe pas à leur en vouloir ; mais il me semble que peut-être il vaudrait mieux qu’ils s’adressassent à un autre art qu’à la littérature. Ce qui nous fait sortir de la vie où nous sommes, ce n’est ni la littérature, si romanesque ou si poétique qu’elle puisse être, ni la peinture, ni la sculpture, c’est l’architecture et la musique, aux deux pôles, pour ainsi dire, de l’art : l’architecture qui, tout compte fait et quoiqu’on ait pu dire, ne copie rien et n’est que combinaison de belles lignes tout abstraites et tirées de notre conception intime et pure des belles lignes ; la musique qui ne copie rien et qui ne peint que des états d’âme et qui ne suggère que des états d’âme. Encore l’architecture ramène la pensée à la vie civile, en ce sens qu’un monument est fait pour recevoir une foule en vue de tel ou tel acte et doit jusqu’à un certain point avoir le caractère qui convient à cet acte, comme il a la forme qui s’y prête, et une école ne doit pas présenter les mêmes combinaisons de lignes qu’une église ; — et la musique seule est tout à fait l’art qui permet qu’on échappe à la vie et qui aide à en sortir ; et c’est l’expression même de la rêverie. Les amateurs d’exceptionnel en littérature et qui l’aiment, non point parce qu’ils sont blasés sur le normal, mais par goût de s’évader de la vie réelle, se trompent donc, je crois, en s’adressant à la littérature, y entretiennent en se plaisant à lui un genre qui, en littérature, est un genre faux, et feraient mieux, je crois, de s’adresser, selon leurs tempéraments particuliers, à l’un ou à l’autre des deux autres arts que j’ai dits. […] Il était homme, par conséquent, à se tourner du côté des arts, peinture, musique, mais sans doute il n’avait point ces goûts ou ces aptitudes, et il est peu à peu revenu à ce qui l’avait, sinon charmé, du moins intéressé vers la quinzième année, et il s’est aperçu, son intelligence et sa sensibilité s’étant accrues, que ces auteurs sont d’excellents et d’exquis aliments de l’âme et de l’esprit.
La Bruyère, dont le chapitre intitulé Des ouvrages de l’esprit contient tout un art de ne pas bien lire, a touché l’un après l’autre tous ces points et nous n’avons qu’à l’écouter : « L’on m’a engagé, dit Ariste, à lire mes ouvrages à Zoïle : Je l’ai fait. […] Notre esthétique fut jusqu’à présent une esthétique de femme, en ce sens que ce sont seulement les hommes réceptifs à l’art qui ont formulé leurs expériences au sujet de ce qui est beau. […] » Par « modernes », Nietzsche entend ces artistes qui précisément, sont très intelligents, sont très critiques, raisonnent de leur art, surveillent leur art et font exactement ce qu’ils veulent faire. […] Délivré de son isolement en s’alliant à celui-ci, il put oser entreprendre une guerre monstrueuse contre les oeuvres d’art d’Eschyle, de Sophocle, et cela non par des ouvrages de polémique, mais par ses œuvres de poète dramatique opposant sa conception de la tragédie à celle de la tradition. » Voilà donc le poète conscient, le poète qui comprend, le poète qui analyse, le poète qui est mêlé d’un critique et qui fera exactement ce qu’il aura voulu faire.
L’art conspire avec la poésie. […] L’art en souffre ; mais qu’est-ce que la souffrance de l’art auprès d’un conseil de Barème ? […] Sans doute il l’a idéalisée ; il faut bien que l’art trouve partout sa place, et l’art ne photographie pas, il peint. […] Au point de vue de l’art, M. […] L’art vit de contrastes.
Une chose d’art, sans doute, mais surtout un document, un « signe ». […] Retenons seulement les démentis infligés à Taine par l’histoire de l’art et des lettres. […] La langue des arts est autre chose qu’un sémaphore perfectionne. […] Son art s’épurait. […] — Du marivaudage en tout… dans les mœurs, dans les lettres, dans l’art… un art d’éventails et de boîtes à mouches ; du piquant, du fugitif, des sourires d’art, et partout le caprice.
se dit l’enfant nourri sous un ciel toujours serein, sur un sol ferme et sec, et au milieu des flots d’une lumière brillante, c’est ici le centre des arts et de la civilisation ! […] Je ne discute pas ce point, quoiqu’en ce qui concerne l’art on le trouve bien décidément croyant au vrai et au beau. […] Ici, comme bien souvent ailleurs, quand on le lit comme on l’entend, on marche avec lui sans se heurter aux objections ; c’est son art et son prestige. […] Puis viennent les basiliques, l’art roman, le mélange de l’ogive du nord avec l’art arabe : il a là toute une théorie déduite historiquement, et qu’il croit pleinement justifiable sous le point de vue technique aux yeux des gens du métier. […] La distribution même des livres révèle un art de composition qui sait ménager la variété et veut maintenir l’équilibre.
Ainsi, dans les drames qu’on vient de citer, le poëte parfois atteint au sommet de son art, rencontre un personnage complet, un éclat de passion sublime ; puis il retombe, tâtonne parmi les demi-réussites, les figures ébauchées, les imitations affaiblies, et enfin se réfugie dans les procédés du métier. […] Les êtres s’organisent en lui comme dans la nature, c’est-à-dire d’eux-mêmes et par une force que les combinaisons de son art ne remplacent pas120. […] Ces créatures difformes, cette splendeur de l’or, cette bouffonnerie poétique et étrange, transportent à l’instant la pensée dans la cité sensuelle, reine des vices et des arts. […] O sacred Poesy, thou spirit of arts The soul of science, and the queen of souls, What profane violence, almost sacrilege, Hath here been offered thy divinities ! […] Thy looks are vows to me… Thou art a man made to make consuls.
Cultivé dans la première période par la religion, par la poésie et les arts, il accumule les faits dont la philosophie doit un jour faire usage. […] Cette création des caractères idéaux qui semblerait l’effort d’un art ingénieux, fut une nécessité pour l’esprit humain. […] C’est celle de quelques notes faites par Vico sur l’Art poétique d’Horace. […] Vico était aussi en correspondance avec le célèbre Gravina, avec Paolo Doria, philosophe cartésien, et avec ce prodigieux Aulisio, professeur de droit, à Naples, qui savait neuf langues, et qui écrivit sur la médecine, sur l’art militaire et sur l’histoire. […] Progrès et décadences alternatives des sciences et des arts.
L’expérience déjà longue du forum, du sénat, des tribunaux, du peuple, avait instruit les Romains des convenances et des moyens de l’art oratoire. […] Il passe de là aux règles les plus techniques de l’art ; il les énumère avec une admirable sagacité. […] On croit voir César ou Napoléon dictant leurs commentaires sur l’art de la guerre, devant les champs de bataille où ils ont remporté leurs victoires ou subi leurs défaites. Ces écrits sur l’art de penser et d’écrire sont les commentaires du parfait orateur et du parfait écrivain. […] Enfin les lieux ont si bien la vertu de nous faire ressouvenir de tout, que ce n’est pas sans raison qu’on a fondé sur eux l’art de la mémoire. — Rien n’est plus vrai, Pison, lui dit mon frère Quintus.
C’est l’homme pour qui les choses de l’esprit, du sentiment, de l’art n’existent plus, qui méprise tout ce qui ne se traduit pas en résultats tangibles et mesurables. L’art surtout l’exaspère. […] Tout ce qui a commencé doit avoir une fin et on doit prévoir celle de l’art, comme celles de toutes choses. […] Qui songeait alors à prendre pour de l’art la statuaire égyptienne ? […] Et comme on donne la préférence à la femme qui pousse le plus loin l’art de plaire, on choisirait le livre le mieux rempli de bonnes intentions.
Le pessimisme s’est introduit dans l’art avec cette manière de voir, quoi d’étonnant67 ? […] En outre, on confond souvent, dans cette question, l’art avec la science. — Le romancier, répète-t-on, est un naturaliste, qui n’a qu’à observer les hommes et à les classer ; or, c’est ainsi que la science agit à l’égard de toute chose : il n’y a rien de vil dans l’art, pas plus que dans la science. […] Ainsi ont pu trouver place dans le roman moderne des sujets qu’on avait coutume de regarder comme laids ou inconvenants ; mais il y faut de l’art, et beaucoup d’art ; ce qui est beau en demande moins, ce qui est laid en demande infiniment. […] Le maître lui-même nous dit : « L’art est grave ! l’art est triste !
Paul Verlaine qui avait loué Les Rayons jaunes de Joseph Delorme dans le journal L’Art, mais qui avait parlé légèrement de Lamartine. […] Paul Verlaine de toute sa bienveillance, et je le prie de recevoir, ainsi que ses amis du groupe de L’Art, l’assurance de mes sympathies dévouées.
Cette pensée, il voulait la revêtir de grâce et de charme, sachant bien que le but de la poésie c’est, avant tout, de satisfaire le besoin de la beauté ; mais il pensait, sans le dire, que le travail de la forme pour elle, même, permis aux arts plastiques, risque de réduire la poésie au rôle de simple amusement… Vers la lumière respire le bonheur partagé, mérité et permis. […] [Études de littérature et d’art (1895).]
L’art de l’auteur nous permet de retrouver leur véritable caractère derrière les phrases qu’ils écrivent. Il faut louer sans réserve le style de M. de Gourmont, d’une pureté et d’une souplesse admirables, la joliesse de ses descriptions, l’art avec lequel il sait choisir le détail qui doit frapper l’observateur.
Il aimait à la folie les lettres, les muses, comme on disait encore ; il cultivait les divers arts, particulièrement la musique, savait le grec et en traduisait ; il s’inspirait du poème du Musée pour donner en 1806 Héro et Léandre, poème en quatre chants, suivi de poésies diverses, de traductions ou imitations en vers de Virgile, d’Ovide, de Lucain, ou même du Cantique des cantiques. […] On y sent à chaque pas la renaissance du goût antique ; les gravures y témoignent de l’art retrouvé de Pompéi et d’Herculanum. […] On noterait encore de ces strophes qu’on aime à retenir, dans l’ode adressée par Denne-Baron Aux Mânes d’Octavie Devéria, sœur des célèbres peintres ; cette jeune femme, morte peu après le mariage, dans tout l’éclat de la beauté et entourée du charme des arts, a bien inspiré le poète ami : Des chœurs de l’Hyménée à peine tu déposesq, Ta chevelure encor sent l’haleine des roses Dont il te couronna comme un ciel du matin… Properce occupa de bonne heure M.
Aujourd’hui que, selon une expression mémorable, la pyramide a été retournée et replacée dans son vrai sens, quand la société est remise sur sa large base et dans son stable équilibre, ne serait-il pas plus simple, dans cet ordre aussi de récompenses dramatiques, de rendre aux choses leur vrai nom, d’encourager ce qui a toujours été la gloire de l’esprit aux grandes époques, ce qui est à la fois la morale et l’art, c’est-à-dire l’Art même dans sa plus haute expression, l’Art élevé, sous ses diverses formes, la tragédie ou le drame en vers, la haute comédie dans toute sa mâle vigueur et sa franchise ?
Fils de parents mêlés au monde, « lié de bonne heure avec tout ce que les arts, les sciences, la politique, avaient de noms éminents, André Chénier fut un homme considéré à son époque, et presque considérable. […] En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes. […] Ce fils et cet héritier des Grecs n’est point un Callimaque de moins de génie que d’art ; ce n’est point un Properce toujours difficile à lire, et qui, même dans ses nobles ardeurs, les complique et les masque de trop de doctes lectures : plus que Platen et comme Leopardi, il est de ceux dont l’âme moderne se laisse voir tout ardente à travers même les dépouilles de l’Antiquité dont elle s’enrichit ; il ne confond jamais l’érudition qu’il possède et qu’il maîtrise, avec la poésie dont il est possédé.
Depuis André Chénier, on n’a rien vu, — si ce n’est les chants grecs publiés par Fauriel, — d’une telle pureté de galbe antique, rien de plus gracieux et de plus fort dans le sens le plus juste de ces deux mots, qui expriment les deux grandes faces de tout art et de toute pensée. […] C’est donc sa volonté qui, bien heureusement, s’impose au Félibrige, en même temps que son art souverain. […] La grande gloire de ce siècle sera le lyrisme, fécond et fort, qui ferme l’anneau de la science et de l’art, de la tradition et de l’analyse, de la race et de l’individu, le lyrisme éperdu de leur Goethe, de notre Frédéric Mistral.
Rien de plus, car il n’existe pas d’Alexandrin idéal, passant dans les rêves des poètes, dieu suprême de l’Art, orchestre, mot synthétique, geste solennel résumant toutes les phrases et tous les poèmes, sorte de syllabe Om dont certains parlent, les yeux en extase, la voix tremblante, avec des airs de Bouddha contemplant son nombril. Or, la seule unité rationnelle est la strophe et le seul guide pour le poète est le rythme, non pas un rythme appris, garrotté par mille règles que d’autres inventèrent, mais un rythme personnel, qu’il doit trouver en lui-même, après avoir écarté les préjugés métaphysiques et culbuté les barrières que lui opposaient les Dictionnaires de Rimes et les Traités de Versification, les Arts poétiques et l’Autorité des Maîtres. […] Puis les Écoles se querellent entre elles : on voit pousser comme chiendent les Manifestes et les Professions de Foi, les Préfaces augurales et les Déclarations au nom de l’Art.
Les italiens presque aussi amoureux de la gloire de leur nation que les grecs le furent autrefois, sont très-jaloux de cette illustration qu’un peuple s’acquiert par la science et par les beaux arts. […] Mais les italiens ne pensent pas de même sur les beaux arts. […] Au contraire, la prévention de l’italien est peu favorable à tout étranger qui professe les arts liberaux.
Qui dit Dumas dit art dramatique et préoccupation dramatique. L’art dramatique porte en dehors, avec calcul, avec coquetterie, avec éclat, avec effraction ! Contrairement à l’art dramatique, la sainteté porte-t-elle en dedans ?
« C’est l’art de contredire sans paraître blâmer, d’objecter au lieu de combattre, de parler à demi-mots (oh ! […] L’art enfin des sous-entendus et des BLANCS (la critique en blanc : le blanc, c’est la couleur de l’innocence !) […] On en fait une femme qui sourit et ne rudoie pas, — une femme qui ne rudoie pas ceux qui outragent la vérité sous toutes les espèces : la vérité dans les idées, dans l’art, dans le style !
Art et critique sont-ils condamnés à dépérir dans l’engourdissement général de toutes ces facultés nobles et viriles qui purifient la passion sans l’étouffer et règlent l’imagination sans l’éteindre ? […] Il fallait, en un mot, proclamer le spiritualisme chrétien dans l’art comme le seul spécifique assez puissant pour le guérir de son mal, comme la seule piscine assez profonde pour le laver de ses souillures. […] La monomanie dans l’art, c’est une face nouvelle que n’avaient pressentie ni Aristote ni Schlegel, et que M. de Balzac nous a révélée. […] c’était la gageure étourdie d’un artiste infatué de l’art pour l’art, transportant dans sa sphère les procédés de l’avocat, et croyant qu’un conteur peut plaider, dans la vie réelle, l’innocence d’un criminel, comme il embellit, dans le roman, l’infamie d’une courtisane ou d’un repris de justice. […] L’art, la poésie, le roman, ne peuvent émouvoir et plaire qu’à la condition d’exprimer d’une façon exquise un moment, une attitude, une phase rapide de la figure ou de l’âme, du sentiment ou de la pensée.