Segrais, qui, avec Mme de Sévigné, suffit à faire connaître Mme de La Fayette, nous dit : « Trois mois après que Mme de La Fayette eut commencé d’apprendre le latin, elle en savoit déjà plus que M. […] Ménage nous apprend qu’elle répondit un jour à M. […] Son mari, après lui avoir donné le nom qu’elle allait illustrer, et qu’une si tendre lueur décorait déjà, s’efface et disparaît de sa vie, pour ainsi dire ; on n’apprend plus rien de lui qui le distingue104. […] Mme de La Fayette fut introduite jeune à l’hôtel de Rambouillet, et elle y apprit beaucoup de la marquise. […] Un beau passage, et qui a pu être qualifié admirable par d’Alembert, est celui où les deux amants, qui avaient été séparés peu de mois auparavant sans savoir la langue l’un de l’autre, se rencontrent inopinément, et s’abordent en se parlant chacun dans la langue qui n’est pas la leur, et qu’ils ont apprise dans l’intervalle, et puis s’arrêtent tout à coup en rougissant comme d’un mutuel aveu.
Sa qualité dominante, en apparence moins spéciale, parce qu’elle appartient plus ou moins à tous les hommes et surtout à un certain âge de la vie où le besoin d’apprendre et de découvrir nous possède, lui est propre par le degré d’intensité, de sagacité, d’étendue. […] Dans ce pays sauvage, montueux, séparé des routes, l’enfant grandissait, libre sous son père, et apprenait tout presque de lui-même. […] Il apprit tout de lui-même, avons-nous dit, et sa pensée y gagna en vigueur et en originalité ; il apprit tout à son heure et à sa fantaisie, et il n’y prit aucune habitude de discipline. […] Voilà bien des promenades tout au long, comme les aimaient La Fontaine et Ducis. — Je voudrais que les jeunes professeurs exilés en province, et souffrant de ces belles années contenues, si bien employées du reste et si décisives, pussent lire, comme je l’ai fait, toutes ces lettres d’un homme de génie pauvre, obscur alors, et s’efforçant comme eux ; ils apprendraient à redoubler de foi dans l’étude, dans les affections sévères : ils s’enhardiraient pour l’avenir. […] Il nous apprend aussi que, dans sa recherche sur le fondement de nos connaissances, il a commencé par rejeter l’existence objective et qu’il a été disciple de Kant : « Mais repoussé bientôt, dit-il, par ce nouvel idéalisme comme Reid l’avait été par celui de Hume, je l’ai vu disparaître devant l’examen de la nature des connaissances objectives généralement admises. » Tout ceci, on le voit, n’est qu’indiqué par lui, et laisse à désirer bien des explications.
Phèdre ne nous apprend rien quand il met sa critique en sermon. […] Elle ne nous apprend rien de son caractère ni de son histoire. […] Car je vous apprends, si vous ne le savez, que lorsque vos chars si triomphants entraient dans Rome et que de tous côtés on criait à haute voix : Vive, vive Rome l’invincible ! […] Vous le déshonorez.) « De plus, nous commandâmes au villageois de nous donner sa harangue. » (Il l’avait donc apprise par coeur ? […] Qu’avez-vous appris aux Germains ?
Il ne faut chercher chez lui ni une psychologie profonde ni de vastes sujets ; il n’est ni un romancier de notre école réaliste ou idéaliste, ni même un romancier véritable, ni surtout ce que nous avons appris à considérer comme un artiste. […] Mais ces descriptions pures sont rares dans Dickens ; le plus souvent, ce qui remplit ses pages, ce sont les aventures, les conversations de ses héros, les scènes où ils parlent et agissent à la fois, et ici encore, soit dans ses procédés de personation, soit dans l’aspect résultant de ses personnages, le romancier anglais demeure l’écrivain impressionnable et essentiellement subjectif que nous avons appris à connaître. […] Toujours Dickens reste l’artiste outrancier, partial et borné que nous avons appris à connaître et qui se plaît autant à accentuer le comique et la satire de ses pages dialoguées que le mystère et la terreur de celles où, usant d’indications descriptives disconnexes, il accumule sur certains incidents les ténèbres et le vague, conservant malgré tout une vérité dans l’excès, un air de réalité dans le fantaisiste, qui n’est pas le trait le moins curieux de cet art singulièrement complexe. […] Usant de cet art sobre et puissant des indications disconnexes que nous avons appris à connaître, employant quelque solennité de ton, s’abandonnant à tout le morose d’une imagination qui s’était lassée de trop d’humour, Dickens composa dans Les Grandes Espérances, dans L’Ami commun, Le Mystère d’Edwin Drood, dans certaines parties de Dombey et fils, de La Petite Dorrit, quelques épisodes d’une sinistre beauté, puissamment, écrits, et dans lesquels, par aventure, il atteignit du même coup la force d’un réalisme presque profond, et l’intérêt intense du fantastique. […] La fortune de sa famille se rétablit en partie ; Dickens put, comme il le désirait ardemment, aller à une école passable ; il entra chez un avoué ; ayant appris la sténographie, il devint reporter judiciaire puis parlementaire de divers journaux ; il publia dans l’un d’eux des sortes de chroniques qui plurent et qui ont été réimprimées sous le titre d’Esquises par Boz.
Les personnes qui, sans connaître notre ami, l’ont lu pendant dix années et l’ont suivi dans ses productions fréquentes et diverses, qui l’ont trouvé si facile et souvent si gracieux de plume, si riche de textes, si abondant et presque surabondant d’érudition, qui ont goûté son aisance heureuse à travers cette variété de sujets, ceux mêmes auxquels il est arrivé d’avoir à le contredire et à le combattre, peuvent-ils apprendre sans surprise et sans un vrai mouvement de sympathie que cet écrivain si fécond, si activement présent, si ancien déjà, ce semble, dans leur esprit et dans leur souvenir, est mort avant d’avoir ses vingt-neuf ans accomplis ? […] Il suivait ses classes au collége d’Abbeville ; il passait une partie des étés à la campagne de Blangermont près Saint-Pol, et, durant cette adolescence si peu assujettie, il apprenait beaucoup, il apprenait surtout de lui-même. […] Il semblait étudier non pas pour connaître seulement et pour apprendre, mais pour échapper à un dégoût de la vie. […] Les érudits, en définitive, étaient satisfaits, les gens instruits trouvaient à y apprendre, et tout esprit sérieux avait de quoi s’y plaire ; la conciliation était à point.
Je doute que Racine en eût plus appris à Talma sur la manière de jouer ses pièces, que Talma n’en apprenait tout seul dans la méditation de Racine, en ce temps si cher à nos souvenirs, où le grand acteur, tour à tour Mithridate, Néron, Oreste, Achille, Joad, eût étonné l’auteur de ces sublimes créations. […] Les événements du drame lui apprennent tour à tour qu’elle est chrétienne, de la race des anciens rois de Jérusalem, fille du dernier Lusignan, que son père vit encore. […] Des écoliers bien appris pouvaient se tirer agréablement de rôles qui ne dépassent pas pour la plupart la force d’une composition de rhétorique. […] Je n’ai rien retrouvé en moi de ce qui m’avait fait goûter ce vernis de politique révolutionnaire, d’antiquité romaine fraîchement apprise, répandu sur une pièce que Chénier, appelé à un poste dans l’instruction publique, écrivit, dit-on, pour faire preuve de latinité.
Ce nom était dû à Eschyle ; mais Eschyle apprit à Euripide et à Sophocle à le surpasser, et l’art fut porté à sa perfection dans la Grèce. […] On s’aperçut que c’était là des beautés absolument neuves ; mais Corneille et Racine n’en avoient pas encore appris assez à la nation pour qu’elle pût saisir tout ce qu’un pareil ouvrage avait d’étonnant. […] Et cette autre partie du drame non moins importante ; cet art des moeurs et des convenances, qui enseigne à faire parler chaque personnage selon son caractère et sa situation, et à mettre dans ses discours cette vérité soutenue qui fonde l’illusion du spectateur, qui l’avait appris à Racine ? […] Un esprit juste, et une imagination souple et flexible, naturellement disposée à repousser tout ce qui était faux et affecté, à se mettre à la place de chaque personnage, voilà ce qui lui apprit à prêter à Andromaque, à Hermione, à Pyrrhus, à Oreste un langage si vrai, si caractérisé, qui semble toujours appartenir à leurs passions, et jamais à l’esprit du poëte. […] Je n’ai sans doute rien à vous apprendre ; mais mon admiration m’entraîne, et vous l’excuserez sans peine, parce qu’elle est égale à la vôtre.
On lui avait appris à sentir et à parler en vers ; elle avait l’image dans les yeux, l’harmonie dans l’oreille, la passion en pressentiment dans le cœur, l’éclat dans l’esprit ; ses strophes peignaient, chantaient, pleuraient, brillaient comme les gazouillements poétiques de l’oiseau qui s’essaye au bord du nid à demi-voix, et dont on écoute en avril les notes futures. […] Je t’entends murmurer ces simples cris de l’âme Que l’amour maternel apprend à ressentir, Et ces chants du berceau que la plus humble femme Sait le mieux retentir. […] Peu de temps après, j’étais retourné à mon poste, à l’étranger ; j’appris, hors de France, que la charmante apparition de la cascade était devenue madame Émile de Girardin. […] Tout à coup on apprit qu’elle se mourait. […] Nous apprîmes avec stupeur, le lendemain, qu’elle avait expiré sans faiblesse et sans larmes, entre les regrets qu’elle laissait sur la terre et les espérances qu’elle avait depuis longtemps placées au ciel.
L’homme a besoin de tout apprendre ; et ses sens ne serviraient qu’à le tromper s’il n’était pas instruit à en rectifier les erreurs. […] Si les métaphysiciens qui ont attribué à l’homme l’invention du langage avaient, je ne dis pas étudié, mais seulement jeté les yeux sur le peu de renseignements historiques qui existent, sur le très petit nombre de faits qui ont été rassemblés, ils auraient appris que leurs théories étaient contraires à tout ce que nous savons de certain ; ils auraient appris que toutes les doctrines de l’antiquité leur sont opposées ; ils auraient appris que plus l’on remonte haut, c’est-à-dire plus l’on s’approche du berceau au moins présumé de l’espèce humaine, plus l’on trouve les langues parfaites et fécondes. […] Un enfant, dit-il, n’apprend sa langue maternelle que parce qu’il l’invente, en quelque sorte, avec sa mère.
Ce n’est qu’en Allemagne que la bonté est toujours bonne… » À mesure qu’il s’avançait vers le Nord proprement dit, il sentait le calme descendre en lui, sa gaieté prête à renaître, même au milieu de la mélancolie légère que lui apportait l’aspect des landes uniformes et des horizons voilés : « L’atmosphère brumeuse était partout embellie par le caractère et la bonté des habitants. » Sortant d’un pays où il laissait ses biens en séquestre, sa réputation calomniée, où il avait entendu siffler de toutes parts l’envie, et vu se dresser la haine, il entrait dans des régions paisibles où la bienveillance venait au-devant de lui : « Les hommes, dit-il spirituellement, qui ne témoignent leur bienveillance qu’après y avoir bien pensé, me font l’effet de ces juifs besogneux qui ne livrent leur marchandise qu’après en avoir reçu le payement. » Je ne puis ici raconter tout ce qu’il apprit et découvrit dans ces régions du Nord. « Pour écrire sur l’histoire de ce pays, il faut vivre aux bords de la Baltique, avec les hommes distingués et les livres que l’on ne trouve que là. » Il ne s’en tint pas au Danemark ; il fit une petite excursion en Scanie, et en reçut des impressions vives : « Quand j’eus passé la Baltique, je me sentis dans un pays nouveau : le ciel, la terre, les hommes, leur langage, n’étaient plus les mêmes pour moi. […] Bonstetten, sous ses airs de xviiie siècle, est spiritualiste, et très spiritualiste ; il croit à l’éducation continuelle, à l’acquisition et au renouvellement possible jusqu’à la fin de la vie : Ce n’est pas parce qu’on est jeune que l’on apprend quelque chose, mais parce que dans la jeunesse on vous tient au travail et qu’on vous fait suivre avec méthode une pensée. […] Les Grecs avaient un mot pour désigner celui qui apprend tard (ὀψιμαθής), celui qui, se mettant trop tard à une étude, apprend nécessairement mal.
. — Adieu, madame, il fait toujours bon connaître ceux qui nous apprennent à aimer. » C’est dans une lettre à une amie qu’il a glissé cette pensée. […] On apprend, par cette même lettre de Marais, que les tracas et les contrariétés qui affectèrent Boileau au sujet de cette dernière Satire, dont le Père Tellier empêcha la publication, hâtèrent probablement sa fin : « Je vous avoue, madame, qu’un si grand homme fait bien regretter sa perte, et que le dernier chagrin qu’il a eu, qui a été comme un assassinat, indigne bien les honnêtes gens. » La Satire de l’Équivoque, chère à l’auteur pour plusieurs raisons et parce qu’elle était son dernier-né, ne put être imprimée qu’après sa mort. […] Marais, à le bien lire, nous apprend ainsi quantité de détails curieux sur nos grands auteurs ses contemporains ; il donne la clef de particularités, déjà obscures. […] Je commence par celui où vous m’apprenez que mon Dictionnaire n’a point déplu à M.
Mais quand il professerait, non pas à Bâle, mais à Lausanne même, c’est-à-dire au sein de la Suisse française, il aurait encore affaire au français comme à une langue qui, bien qu’elle soit la sienne, doit toujours là un peu s’apprendre dans les grammaires ; pour être sue très-correctement. […] Voici, j’imagine tout spécieusement d’après lui-même, de quelle façon il s’y est pris pour atteindre à cette difficile perfection : « Il s’agit, dit-il14, d’apprendre notre langue à fond, d’en pénétrer le génie, d’en connaître les ressources, d’en apprécier les qualités et les défauts, de nous l’approprier dans tous les sens ; et ne me sera-t-il pas permis d’ajouter (puisque je parle du français et que j’en parle en vue de la culture vaudoise) que le français est pour nous, jusqu’à un certain point, une langue étrangère ? […] Il a publié en 1841 un volume de Nouveaux Discours religieux ; ses nombreux articles littéraires dans le Semeur ont appris à nos écrivains célèbres qu’ils avaient là-bas un juge de haute pensée, le plus attentif, le plus bienveillant, mais dont l’indulgence elle-même trouve, quand il le faut, ses limites. […] J’ai appris à mieux apprécier encore les promesses de son talent pendant mon séjour en Suisse.
Montesquieu, dans son sublime ouvrage sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, a traité, tout ensemble, les causes diverses qui ont influé sur le sort de cet Empire ; il faudrait apprendre dans son livre, et démêler dans l’histoire de tous les autres peuples, les événements qui sont la suite immédiate des constitutions, et peut-être trouverait-on que tous les événements dérivent de cette cause : les nations sont élevées par leur gouvernement, comme les enfants par l’autorité paternelle. […] L’homme qui se vouerait à la poursuite de la félicité parfaite, serait le plus infortuné des êtres ; la nation qui n’aurait en vue que d’obtenir le dernier terme abstrait de la liberté métaphysique, serait la nation la plus misérable ; les législateurs doivent donc compter et diriger les circonstances, et les individus chercher à s’en rendre indépendants ; les gouvernements doivent tendre au bonheur réel de tous, et les moralistes doivent apprendre aux individus à se passer de bonheur. […] Vos paroles, votre voix, vos accents, l’air qui vous environne, tout vous semble empreint de ce que vous êtes réellement, et l’on ne croit pas à la possibilité d’être longtemps mal jugé ; c’est avec ce sentiment de confiance qu’on vogue à pleine voile dans la vie ; tout ce qu’on a su, tout ce qu’on vous a dit de la mauvaise nature d’un grand nombre d’hommes, s’est classé dans votre tête comme l’histoire, comme tout ce qu’on apprend en morale sans l’avoir éprouvé. […] Enfin, si le temps et l’étude apprenaient, comment on peut donner aux principes politiques assez d’évidence pour qu’ils ne fussent plus l’objet de deux religions, et par conséquent des plus sanglantes fureurs, il semble que l’on aurait du moins offert un examen complet, de tout ce qui livre la destinée de l’homme à la puissance du malheur.
Il n’apprit point le latin. » Ce qui ne veut pas dire que Bailly n’en ait appris plus tard ce qui lui était nécessaire pour comprendre les livres de science écrits en cette langue, et pour choisir à ses divers ouvrages des épigraphes bien appropriées ; mais il manqua d’un premier fonds classique régulier et sévère, et ce défaut, qui qualifie en général son époque, contribua à donner ou à laisser quelque mollesse à sa manière, d’ailleurs agréable et pure. Le père de Bailly se borna d’abord à lui faire apprendre le dessin sans en faire un peintre ; en matière d’art, Bailly se distingua, dit-on, par le goût et le coup d’œil plus que par la main.
Élevé par une mère indulgente et tendre, il apprenait tant bien que mal le latin au logis sous un précepteur ; il aimait surtout à lire d’anciens romans français et les autres livres qui se rencontraient alors dans une bibliothèque de campagne assez bien garnie. […] Ce qui manqua, en effet, à Marolles doué d’une grande facilité et de dispositions vagues pour les lettres, ce fut précisément un maître digne de ce nom, qui lui transmît quelque chose des fortes habitudes et de la méthode du xvie siècle, et lui apprît à étudier les anciens avec précision, ou qui du moins l’avertît des dangers du trop de sans-gêne avec eux. […] Un mémoire écrit de sa main, et qui se trouve aux Manuscrits de la Bibliothèque impériale24, nous en apprend davantage.
Racine me dit le dernier jour qu’il avait appris à l’archevêché où il avait dîné qu’il y avait un nouveau miracle de M. […] Vif naturellement tout ce qu’il se peut, il est devenu patient et tranquille au-delà de ce qui se peut dire. — Comme j’en suis à cet endroit, on m’apprend qu’il est de mieux en mieux ; car je viens d’envoyer chez M. de Riberpré, son gendre, mon voisin. » De mieux en mieux ! […] Vuillart nous apprend.
Molé, au début de son discours, a parlé avec modestie, avec émotion, des jours de son enfance et des enseignements littéraires réguliers qui, a-t-il dit, lui ont manqué. « Vous, les maîtres de l’art d’écrire et de la parole, la chaîne des temps n’a pas été interrompue pour vous ; avant d’exceller vous-mêmes, vous avez appris. […] Le jeune homme ne se doutait pas qu’il avait déjà beaucoup appris. […] On a fort applaudi et l’on goûte de nouveau à la lecture cette parole de moraliste sur l’indulgence : « Pour moi, je le confesse, le résultat d’une longue suite de jours qui ne sont pas sans souvenirs, n’aura pas été uniquement de rendre mes convictions d’autant plus inébranlables, mais aussi, mais surtout de m’apprendre que l’indulgence, dont on se vante, a encore des rigueurs que n’aurait pas une complète justice105. » De simples mots ont produit un effet au passage : « Voilà, me dit-il un jour (en parlant de l’abbé Émery), voilà la première fois que je rencontre un homme doué d’un véritable pouvoir sur les hommes, et auquel je ne demande aucun compte de l’usage qu’il en fera. » Ce me dit-il un jour a fait mouvement ; il s’agissait de Napoléon.
Un travail sans relâche, une prière continuelle, point d’ambition que pour les emplois les plus vils et les plus humiliants, aucune impatience dans les sœurs, nulle bizarrerie dans les mères, l’obéissance toujours prompte et le commandement toujours raisonnable. » Et vers le même temps il écrivait à son fils : « M. de Rost m’a appris que la Champmeslé étoit à l’extrémité, de quoi il me paroît très-affligé ; mais ce qui est le plus affligeant, c’est de quoi il ne se soucie guère apparemment, je veux dire l’obstination avec laquelle cette pauvre malheureuse refuse de renoncer à la comédie, ayant déclaré, à ce qu’on m’a dit, qu’elle trouvoit très-glorieux pour elle de mourir comédienne. […] Ce fut madame de Caylus qui m’apprit hier cette particularité dont elle étoit effrayée, et qu’elle a sue, comme je crois, de M. le curé de Saint-Sulpice. » Et dans une autre lettre : « Le pauvre M. […] Despréaux me l’a dit ainsi, l’ayant appris du curé d’Auteuil, qui l’assista à la mort ; car elle est morte à Auteuil, dans la maison d’un maître à danser, où elle étoit venue prendre l’air. » On a besoin de croire, pour excuser ce ton de sécheresse, que Racine voulait faire indirectement la leçon à son fils, et condamner ses propres erreurs dans la personne de celle qui en avait été l’objet.
Dumas, dans une notice qu’il a écrite sur Millevoye, nous apprend lui-même qu’il eut à le ramener d’une admiration un peu excessive pour Florian à des modèles plus sérieux et plus solides. […] On m’apprenait dernièrement que cette Chute des Feuilles, traduite par un poëte russe, avait été de là retraduite en anglais par le docteur Bowring, et de nouveau citée en français, comme preuve, je crois, du génie rêveur et mélancolique des poëtes du Nord. […] J’avais lu la plupart de ces petits chants, j’avais lu ce Charlemagne, cet Alfred, où il en a inséré ; je trouvais l’ensemble élégant, monotone et pâli, et, n’y sentant que peu, je passais, quand un contemporain de la jeunesse de Millevoye et de la nôtre encore, qui me voyait indifférent, se mit à me chanter d’une voix émue, et l’œil humide, quelques-uns de ces refrains auxquels il rendit une vie d’enchantement ; et j’appris combien, un moment du moins, pour les sensibles et les amants d’alors, tout cela avait vécu, combien pour de jeunes cœurs, aujourd’hui éteints ou refroidis, cette légère poésie avait été une fois la musique de l’âme, et comment on avait usé de ces chants aussi pour charmer et pour aimer.
Le même goût épuré appauvrit l’initiative en même temps que la langue, et l’on agit comme on écrit, selon des formes apprises, dans un cercle borné. […] Ils ont appris l’escrime, et non la savate. […] En prison, hommes et femmes s’habilleront avec soin, se rendront des visites, tiendront salon ; ce sera au fond d’un corridor, entre quatre chandelles ; mais on y badinera, on y fera des madrigaux, on y dira des chansons, on se piquera d’y être aussi galant, aussi gai, aussi gracieux qu’auparavant : faut-il devenir morose et mal appris parce qu’un accident vous loge dans une mauvaise auberge Devant les juges, sur la charrette, ils garderont leur dignité et leur sourire ; les femmes surtout iront à l’échafaud avec l’aisance et la sérénité qu’elles portaient dans une soirée.
Mais pour des comédiens français, la nature les fait en dormant : elle les forme de la même pâte que les perroquets, qui ne disent que ce qu’on leur apprend par cœur : au lieu qu’un Italien tire tout de son propre fonds, n’emprunte l’esprit de personne pour parler ; semblables à ces rossignols éloquents, qui varient leurs ramages suivant leurs différents caprices. […] Ces messieurs ayant appris que vous vouliez marier mademoiselle votre fille, donner une charge considérable à monsieur votre fils, et acheter deux grandes maisons dans la Place Royale… PERSILLET. […] Ces messieurs, comme je vous disais, ayant appris que vous vouliez pourvoir à toutes ces petites choses-là, viennent vous offrir un million ou douze cent mille livres, sachant bien que leur argent ne peut être plus sûrement placé.
Or, 1º il y a de par le monde, spécialement à Paris, quelques milliers d’intelligences cultivées auxquelles on a appris le goût du travail, de la charité, de la fraternité ; on leur a confié des anecdotes slaves émouvantes, et ils ont entendu ce vers de Voltaire : « J’ai fait un peu de bien, c’est mon meilleur ouvrage. » Voilà l’éducation de cette élite. […] Il sait Les Disciples à Saïs et les Fragments de Novalis, les Biographia litteraria et L’Ami de Samuel Coleridge, le Timée de Platon, les Ennéades de Plotin, les Noms divins de saint Denis l’Aréopagite, l’Aurora du grand Jacob Böhme : c’est lui qui nous l’apprend dans son Introduction. […] Bérenger, et on apprend aussi à composer des romans, comme des vers.