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1120. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Voilà sans doute aussi des vertus vraiment actives, et c’est ce que l’optimisme n’aperçoit pas non plus. […] Avons-nous besoin d’ajouter maintenant que, dans ce très rapide examen des conséquences du pessimisme, il est plus d’un point qu’on s’apercevra bien que nous avons dû négliger ? […] Car comment apercevons-nous, dans la vie même et dans la réalité de chaque jour, — les inconvénients ou les dangers d’une loi, d’une coutume, ou d’un préjugé social ? […] Nous avions oublié le second ; et, pour être franc, dans les Poèmes barbares, nous n’avions pas aperçu le premier. […] Car peut-être alors se fussent-ils aperçus que, si le roman était le théâtre, et si le théâtre était le roman, il n’y aurait, à proprement parler, ni roman ni théâtre, mais une forme unique et indivise de l’art.

1121. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Mais il y faut regarder plus attentivement, et l’on s’aperçoit alors que cette fécondité n’est qu’apparente. […] La ressemblance avait bien un corps, puisque je ne suis pas seul à l’avoir aperçue. […] Il suffirait, pour s’en apercevoir, de feuilleter les œuvres de Mme de Lambert, et d’y lire de près ses Réflexions sur les femmes. […] La critique s’en serait depuis longtemps aperçue, si seulement elle avait pris la peine, avant d’en parler, de lire les romans de Prévost. […] Des paysans qui survinrent par hasard, ayant aperçu son corps étendu au pied d’un arbre, le portèrent au curé du village le plus voisin.

1122. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Mes études de peinture me firent apercevoir d’un défaut que j’ignorais, c’est que j’avais la vue basse. […] Du dehors, on apercevait au-dessus du mur une sorte de coupole, repoussée par le plafond cintré d’un boudoir et la peinture fraîche des volets fermés. […] Du soleil on n’aperçoit plus qu’un mince fragment de disque échancré par la silhouette noire des affûts brisés. […] L’église n’était pas bâtie, et l’on apercevait du boulevard la butte Montmartre, avec ses moulins à vent et son télégraphe faisant les grands bras au sommet de la vieille tour. […] Il n’aperçut pas le noir fourmillement des bourgeois dans nos rues crottées, il n’entendit pas le tumulte de nos voitures.

1123. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

L’Adam de Michel-Ange, qui s’éveille à la vie, allonge son bras démesurément en regardant devant lui, et ce seul geste traduit sous une forme visible toute l’infinité du monde qu’il aperçoit pour la première fois. […] La Fontaine a aperçu quelque chose d’esthétique jusque dans une huître ouverte, s’offrant à deux gourmets enthousiasmés, A. de Musset, jusque dans un pâté chaud, d’un aspect délectable. […] En outre, si vous attribuez au cerveau humain dans l’avenir un développement aussi miraculeux, vous devez logiquement lui supposer assez d’intelligence pour s’apercevoir à temps de la décadence qui menacerait le reste du corps. […] En cet atome il avait aperçu, comme Pascal dans le ciron, un raccourci de la terre entière, des cieux et des mondes. […] On ne demande plus au mot que de laisser voir la pensée sans y projeter d’ombre, sans troubler le regard qui la fixe ; il coule sur elle, comme un flot pur dont le mouvement n’empêche pas d’apercevoir le lit qu’il recouvre sans le voiler.

1124. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

» C’était Sûzel qui venait de l’apercevoir et qui s’élançait sous le hangar pour appeler son père. […] J’ai fait ces deux petites lieues sans m’en apercevoir. […] » Et Fritz, la voyant ainsi, fraîche et souriante, ses grands yeux bleus écarquillés d’un air naïf, et sa petite bouche entr’ouverte laissant apercevoir de jolies dents blanches, Fritz ne put s’empêcher de faire la réflexion qu’elle était appétissante comme une assiette de fraises à la crème. […] Mayel, son balai à la main, regardait, le cou tendu, dans l’embrasure de la cuisine ; et tout autour des fenêtres, à cinq ou six pas, on apercevait des figures curieuses, les yeux écarquillés, se penchant pour voir et pour entendre.

1125. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Avant que cette victime de la restauration quittât pour jamais sa patrie, nous avions soif de l’apercevoir. […] XVII L’année précédente j’avais satisfait presque aussi malheureusement ma passion, bien plus vive encore, d’apercevoir madame de Staël et de graver cette Sapho du siècle dans un souvenir immortel de mes yeux. […] Je m’y tenais dans l’ombre et dans le silence, mais madame de Raigecourt ne manquait pas une occasion de m’y faire apercevoir et d’inspirer aux hommes ou aux femmes célèbres de la société le désir de me connaître. […] Je l’aperçus pour la première fois chez madame Émile de Girardin, à un de ces petits couverts de rois sans sujets qu’elle rassemblait à sa table.

1126. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

C’était dans l’émigration la portion instruite, acceptant la Charte par nécessité, mais ayant pour les choses de l’esprit un goût aussi ancien que la noblesse française ; c’étaient, parmi les amis de la liberté, des hommes nouveaux, acceptant les Bourbons comme les autres la Charte, par nécessité, mais très disposés à recevoir la liberté de leurs mains, et résolus à leur être fidèles s’ils étaient sincères ; c’étaient, dans les partis mécontents, les révolutionnaires, les militaires, les partisans de l’Empire, se déguisant en amis de la liberté, et le devenant sans s’en apercevoir.

1127. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Je suis tenté à un moment de m’écrier avec Bolingbroke lui-même, qui n’espérait plus de le revoir : « Adieu, cher Swift, je t’aime avec tous tes défauts ; fais un effort, et aime-moi avec tous les miens. » Mais si je n’y prends garde, je m’aperçois que je prêche pour mon saint, — la souplesse et une sympathie conciliante.

1128. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Je n’aurai que trop occasion d’y revenir et de reprendre cet aperçu, au point de vue de la résistance.

1129. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

tout d’un coup le voile se déchire, et je m’aperçois que ce que je désirais sous une forme équivoque est quelque chose de naturel et de pur, c’est un regret qui s’éveille, c’est de n’avoir pas à moi, comme je l’aurais pu, une fille de quinze ans qui ferait aujourd’hui la chaste joie d’un père et qui remplirait ce cœur de voluptés permises, au lieu des continuels égarements.

1130. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Ainsi, au premier acte, Cosima, qui n’entend parler depuis quelques jours, et à son oncle le chanoine, et à sa soubrette, que de son honneur à elle qu’Alvise son mari doit défendre, Cosima, ennuyée, excédée de cette surveillance qui la froisse comme femme de bien, et qui la tente comme toute fille d’Ève, s’écrie avec un sentiment douloureux d’oppression et en se dirigeant vers la fenêtre où elle apercevra peut-être l’ombre d’Ordonio ; « L’air qu’on respire ici depuis quelque temps est chargé d’idées blessantes et de paroles odieuses. » Si on murmure à une telle phrase au lieu d’applaudir, il faut renoncer, j’en demande pardon aux puristes du parterre, à faire parler la passion moderne au théâtre et à y traduire la pensée en d’énergiques images.

1131. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

On vit dans un temps où les journaux sont tout et où seuls, presque seuls, ils rétribuent convenablement leur homme : on est journaliste ; on l’est, fût-on romancier, car c’est en feuilletons que paraissent vos livres même, et l’on s’en aperçoit ; ils se ressentent à tout moment des coupures, des attentes et des suspensions d’intérêt du feuilleton ; ils en portent la marque et le pli.

1132. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

À travers tant de dangers, il persista à ne prendre pour guide que les maximes d’une piété superstitieuse ; mais c’est à l’époque où la religion seule triomphe encore, c’est à l’instant où le malheur est sans espoir, que la puissance de la foi se développa toute entière dans la conduite de Louis ; la force inébranlable de cette conviction ne permit plus d’apercevoir dans son âme l’ombre d’une faiblesse ; l’héroïsme de la philosophie fut contraint à se prosterner devant sa simple résignation ; il reçut passivement tous les arrêts du malheur, et se montra cependant sensible pour ce qu’il aimait, comme si les facultés de sa vie avaient doublé à l’instant de sa mort, il compta, sans frémir, tous les pas qui le menèrent du trône à l’échafaud, et dans l’instant terrible où lui fut encore prononcé cette sublime expression : Fils de Saint Louis, montez au Ciel.

1133. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Voici mon texte : « … Que si, malgré tout, on ne s’en est pas aperçu, je n’en sais que dire, sinon que cela nous donne le niveau intellectuel du public », etc.

1134. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Il en a fait assez pour mériter d’apercevoir ces premiers rayons de gloire que le marquis de Vauvenargues comparait aux premiers feux de l’aurore.

1135. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Dès qu’on aperçoit la terrible moustache du capitan, on est assuré qu’il va se livrer à d’extravagantes fanfaronnades.

1136. (1890) L’avenir de la science « IX »

Mais leur vue est courte et bornée, en ce qu’ils ne s’aperçoivent pas que la polymathie est la condition de la haute intelligence esthétique, morale, religieuse, poétique.

1137. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

On ne le trouve nulle part, et on désespérait même de le découvrir, quand Kuranosuké, plongeant les mains dans son lit, s’aperçoit que les couvertures sont encore chaudes.

1138. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Cette Troupe est si nombreuse que fort souvent il y a Comédie à la Cour et à Paris en même jour sans que la Cour ni la Ville s’aperçoivent de cette division.

1139. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Mais en vérité c’est la réflexion qui m’a fait trouver quelque chose à désirer à la manière dont j’ai été affecté ; car j’étais tellement occupé que je ne m’apercevais pas qu’il manquait un point de gradation et de variété à mon plaisir pour être parfait.

1140. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Pour que toujours, à toute époque, les choses se soient passées ainsi, ne faut-il pas qu’il y ait dans cette Chine, dont c’est là l’éternelle histoire, des faits d’un ordre providentiel, mystérieux et terrible, peu aperçus du commun des historiens, mais pourtant comme il s’en rencontre à certaines places dans les annales du genre humain… Pour les peuples, ainsi que pour les hommes, la grâce méprisée — longtemps et obstinément méprisée produit l’endurcissement, l’aveuglement, l’impénitence.

1141. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

D’ailleurs, elle est, de sa nature, quelque chose d’inférieur, et les choses inférieures ne méritent pas d’histoire… Certainement, si le diplomate est un observateur ou un écrivain de génie, il verra les choses et les dira comme le génie ; mais, alors, sa spécialité de diplomate sera débordée… La diplomatie ne sera pour rien dans sa supériorité d’aperçu et de style.

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