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804. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Une première division s’était opérée entre les arts qui représentent la nature inerte ou purement animale, et ceux qui la manifestent à la fois comme animée et comme intelligente. […] Deux groupes rivaux se posaient vis-à-vis l’un de l’autre, celui de l’art plastique, architecture, sculpture, peinture, symbole de la nature inorganique et de la nature animale, celui de la poésie, expression de la vie de l’âme. […] Si le culte des Grecs s’adresse à une idole, cette idole n’est plus la matière et la forme animale, c’est l’homme dans sa beauté d’où transperce l’âme ; l’homme qui est ici-bas l’image, la force, l’idole nécessaire de l’Être divin. […] L’histoire nous apprend et la géographie nous atteste encore, que par des dégradations successives et par l’affaiblissement de la liberté morale, certaines races ont laissé le langage, la parole sociale, c’est-à-dire la civilisation tout entière, au point de tomber dans un état voisin de celui des animaux sans parole et sans liberté. […] Pour faire servir la poésie au renversement de ce qu’on avait adoré, pour donner le principal rôle à la difformité, au ridicule, on choisit des acteurs au-dessous de l’humanité ; les animaux investis de la parole, devinrent les organes du prosaïque bon sens, des instincts grossiers, des passions, des rancunes, et, il faut le dire aussi, des justes griefs de la race esclave.

805. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

La science la plus voisine de l’histoire par son objet, la zoologie descriptive, procède en examinant un animal réel et entier. […] Par analogie avec le corps d’un animal, on arrive à décrire la « structure » et le « fonctionnement » d’une société, — ou même son « anatomie » et sa « physiologie ». […] Il n’y a eu qu’une seule évolution de la terre, de la vie animale, de l’humanité. […] C’est une classification concrète analogue à celles de la zoologie où on classe non des fonctions, mais des animaux complets. […] Ce n’était qu’une hypothèse suggérée par le monde animal où chaque espèce a des caractères permanents.

806. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Ceux qui n’ont vu que les Alpes et les Pyrénées, ne peuvent se former une idée de l’aspect de ces solitudes hyperboréennes, de ces régions désolées, où l’on voit, comme après le déluge, « de rares animaux errer sur des montagnes inconnues ». […] Ce spectacle magnifique est décoré de toutes les espèces d’arbres, est peuplé de tous les genres d’animaux que puisse produire le pays. […] M. de Bonald commence par poser en principe que l’homme naît ignorant et faible, mais capable d’apprendre ; « bien différent de la brute, l’homme naît, dit-il, perfectible, et l’animal naît parfait ». […] — C’est un animal mammifère, qui a quatre extrémités, dont deux se terminent en mains. — Y a-t-il d’autres animaux de sa classe ? […] Cette mobilité des choses humaines est d’autant plus frappante pour le voyageur, qu’elle est en contraste avec l’immobilité du reste de la nature : comme pour insulter à l’instabilité des peuples, les animaux mêmes n’éprouvent ni révolution dans leurs empires, ni changements dans leurs mœurs.

807. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Mais c’est l’obscur frisson de l’animal vivant devant un trou noir, rien de plus. […] Il fait parler les animaux, les arbres, les pierres, tout ce qui ne parle point. […] Nul écrivain n’a été emprisonné plus que celui-ci dans la sensation personnelle et animale des choses. […] Le don de la métamorphose intellectuelle lui était refusé par l’énergie même de la sensation animale. […] Nécessairement aussi, et par suite de ce positivisme et de cet énervement, il aime les allusions libertines, la basse gaieté qui chatouille ce qu’il y a de plus sensuel dans l’animal humain.

808. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Voici qu’enfin on emploie le verre pour les fenêtres ; les murs nus sont tendus de tapisseries où les visiteurs contemplent avec bonheur et étonnement des herbes, des animaux, des figures ; on commence à faire usage des poêles, et l’on éprouve le plaisir inconnu d’avoir chaud. […] On les voit se vêtir magnifiquement d’étoffes éclatantes, avec le luxe de gens qui, pour la première fois, froissent la soie et font chatoyer l’or : pourpoints de satin écarlate, manteaux de zibeline de mille ducats, souliers de velours brodés d’or et d’argent, couverts de roses ou de rubans, bottes à collets rabattus d’où sortent des flots de dentelles, brodées de figures d’oiseaux, d’animaux, de constellations, de fleurs en argent, en or, en pierres précieuses, chemises ornementées qui coûtent dix livres sterling. « C’est une chose ordinaire de mettre mille chèvres et cent bœufs à un habit et de porter tout un manoir sur son dos250. » Les habits de ce temps ressemblent à des châsses. […] Ils font comme leurs graveurs, qui, dans leurs frontispices, prodiguent les fruits, les fleurs, les figures agissantes, les animaux, les dieux, et versent et entassent tout le trésor de la nature sur tous les coins de leur papier. […] Ce que le spectateur sent dans une madone florentine, c’est le magnifique animal vierge, dont le tronc puissant, la superbe pousse annoncent la race et la santé ; ce n’est pas l’expression morale, comme aujourd’hui, que les artistes peignent, la profondeur d’une âme tourmentée et raffinée par trois siècles de culture ; c’est au corps qu’ils s’attachent, jusqu’à parler avec enthousiasme des vertèbres « qui sont magnifiques », des omoplates qui, dans les mouvements du bras, « sont d’un admirable effet266. » « Le point important » pour eux « est de bien faire un homme et une femme nus. » La beauté pour eux est celle de la charpente osseuse qui s’emmanche, des tendons qui se tiennent et se bandent, des cuisses qui vont dresser le tronc, de la vaillante poitrine qui respire amplement, du col qui va tourner. […] Mummy is become merchandise ; Mizraim cures wounds, and Pharaoh is sold for balzams… Man is a noble animal, splendid in ashes, and pompous in the grave, solemnising nativities and deaths with equal lustre, nor omitting ceremonies of bravery in the infamy of his nature… Pyramids, arches, obelisks, were but the irregularities of vain glory, and wild enormities of ancient magnanimity.

809. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

On pourrait dire que c’est par le caractère religieux, ou par ce qu’on pourrait appeler le don du divin, que l’homme se distingue des animaux, auxquels il ressemble plus ou moins par la raison, et même par ces vertus humaines, comme les appelle le même Platon, qui se rattachent à l’intérêt bien entendu. Car qu’est-ce, je vous prie, que l’instinct des animaux, sinon une espèce de vertu animale qui se rattache à l’intérêt bien entendu, à savoir à la satisfaction de leurs besoins par les moyens les plus propres ; et qu’est-ce, par analogie, que la raison chez le plus grand nombre des hommes, sinon un certain raisonnement pour se prouver à eux-mêmes qu’ils font bien en faisant ce qu’ils veulent, en ne faisant pas ce qu’ils ne veulent pas ? C’est donc bien véritablement par le sens du divin que la raison, devenue alors, pour parler encore comme Platon, « divine », élève certains hommes au-dessus des autres, et que l’homme est infiniment au-dessus des animaux. […] Tandis qu’à l’encontre de l’opinion du genre humain qui donne pour origine à tout être organisé, animal ou végétal, un œuf ou une graine, une certaine doctrine affirmait qu’au plus bas de l’échelle, il est des êtres qui naissent spontanément d’une fermentation sans germes.

810. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Nombre de remarques justes sur l’humeur de la nation, et sur son étrange facilité à se plier pour un temps à cet atroce régime de terreur, révèle le publiciste moraliste, l’homme qui a vécu avec Tacite et qui en a pénétré tout le sens : Parmi les habitants de Paris, faibles, légers, indolents pour la plus grande partie, les gens riches ou aisés désiraient intérieurement, l’année passée (1792), le retour de la monarchie, pour assurer leur fortune ; mais ils craignaient la transition, et, semblables à ces malades qui ne peuvent supporter l’idée d’une opération douloureuse qui doit les sauver, ils se familiarisaient avec leurs maux… Aujourd’hui, stupides de terreur, ils attendent comme de vils animaux qu’on les conduise à la mort.

811. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Les lions, les hyènes et les chacals se chargeaient de la musique et se disputaient dans l’ombre les mules et les chevaux que nous laissions derrière nous sur la route ; car, ma chère amie, tu ne peux te faire une idée de la quantité de ces pauvres animaux qu’on abandonne, faute de pouvoir les nourrir.

812. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Tous mes compagnons étaient plus mal montés encore : des chevaux accoutumés à porter le bât, de mauvaises bardes recouvertes de tapis qui tombaient en lambeaux, des licols dont la corde était passée dans la bouche de l’animal pour tenir lieu de bride, tel était le noble appareil avec lequel la Sublime-Porte me faisait voyager.

813. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Ces jours sont assez rares ; ils pénètrent de leur harmonie et de leur douceur ; tous, jusqu’aux animaux, sont paisibles et soumis, et je n’entends ni imprécations ni jurements.

814. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Le grand bibliothécaire par excellence, Gabriel Naudé, en parle étrangement en son style plus énergique qu’élégant : « Les bibliothèques, dit-il, ne peuvent mieux être comparées qu’au pré de Sénèque, où chaque animal trouve ce qui lui est propre : Bos herbam, canis leporem, ciconia lacertam 181. » Et arrivant à la connaissance des livres des novateurs, il la conseille en temps et lieu, comme fournissant à l’esprit une milliasse d’ouvertures et de conceptions, le faisant parler à propos de toutes choses, et lui ôtant l’admiration, qui est le vrai signe de notre faiblesse.

815. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Le Clerc a fait comme ces curieux anatomistes qui retrouvent dans une classe d’animaux ou dans l’embryon la trace, jusque-là imperceptible, de ce qui plus tard dominera.

816. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

« D’autres au règne végétal ; ils ont de la sève. « D’autres enfin appartiennent au règne animal ou animé, et ils ont de la vie.

817. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Mais il faut que ce soit la nature même qui les distingue et les maintienne, comme elle maintient à peu près les espèces animales.

818. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Ou plutôt, il l’a demandé à sa science : ses manuels de médecine lui ont montré des cas pathologiques ; ses manuels de physiologie lui ont expliqué les fonctions de la vie animale.

819. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

La guerre était évidemment, de tous les travaux humains, celui où ses facultés essentielles et le fond de fougue animale qu’il portait en lui trouvaient le mieux leur emploi.

820. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Si nos oreilles avoient été faites comme celles de certains animaux, il auroit fallu réformer bien de nos instrumens de Musique : je sais bien que les rapports que les choses ont entre elles auroient subsiste ; mais le rapport qu’elles ont avec nous ayant changé, les choses qui dans l’état présent font un certain effet sur nous, ne le feroient plus ; & comme la perfection des Arts est de nous présenter les choses telles qu’elles nous fassent le plus de plaisir qu’il est possible, il faudroit qu’il y eût du changement dans les Arts, puisqu’il y en auroit dans la maniere la plus propre à nous donner du plaisir.

821. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

., dans cette version Et neanmoins que tout aultre animal Jecte toujours son regard principal Encore bas, Dieu à l’homme a donné La face haulte, et luy a ordonné De regarder l’excellence des cieux, Et d’eslever aux estoiles ses yeux.

822. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

En se solidarisant, les animaux, les sauvages, les civilisés accomplissent des œuvres qu’ils ne seraient pas arrivés à produire s’ils étaient restés isolés.

823. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et, parallèlement, les vertus qui nous distinguent, auraient-elles leurs torpeurs, et, soumises à des lois de nutrition, à des fonctions actives analogues à celles qui régissent la vie animale, courraient-elles les mêmes périls, et traverseraient-elles les mêmes crises !

824. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Si la plupart de ceux qui exercent les fonctions réputées serviles sont réellement abrutis, c’est qu’ils ont la tête vide, c’est qu’on ne les applique à ces nullités que parce qu’ils sont incapables du reste, c’est que cette fonction purement animale, quelque insignifiante qu’elle soit, les absorbe et les abâtardit encore davantage.

825. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Selon ces beaux récits, qui ont charmé des siècles, l’homme ne trouve sur la terre que l’épreuve ; cela est tout simple, il aura un jour la vie éternelle ; mais l’animal, qui n’a point de place dans l’éternité, est toujours récompensé ici-bas de ce qu’il fait pour le bien ; car enfin il faut que Dieu soit juste.

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