« Torquato », dit le marquis Manso, qui l’avait revu après ses malheurs et à un autre âge, « était un homme si accompli de forme, de stature et de visage, que, parmi les hommes de la plus haute taille, il pouvait être admiré comme un des plus imposants et des plus merveilleusement proportionnés ; son teint était frais, coloré, bien que dès sa jeunesse les études, les veilles, et plus tard les revers et les souffrances, eussent donné un peu de pâleur et de langueur à ses traits. […] Pendant l’absence de son protecteur les deux princesses ses sœurs, Lucrézia et Léonora d’Este, filles de Renée de France, admirent le jeune poète dans leur familiarité. […] … Je vis des divinités célestes et charmantes, et, parmi ces nymphes et ces sirènes… je restai frappé de stupeur, et je me sentis tout à coup grandir moi-même à la hauteur de ce que j’admirais… Rempli d’une vie inconnue, inondé d’une divinité intérieure toute nouvelle… je chantais les exploits et les héros, dédaignant désormais les humbles idylles… » XVI Cependant, soit que la distance et le respect eussent intimidé l’aveu de ces sentiments pour Léonora d’Este, soit qu’il eût voulu dérober sous un autre nom les hommages poétiques secrets qu’il adressait dans son cœur à Léonora, le Tasse affecta de célébrer quelque temps dans ses vers une autre beauté de la cour de Ferrare. […] L’impuissance d’admirer qui vient de l’impuissance de comprendre a une puissance de dénigrement dont Ronsard et le Tasse ont été longtemps les victimes parmi nous.
On doit admirer comme un prodige qu’après une pareille éducation il soit resté un cœur à l’idole. […] Son attitude (sur le char) était noble et modeste ; on apercevait bien qu’elle était contente d’être admirée, mais un sentiment de timidité se mêlait à sa joie et semblait demander grâce pour son triomphe ; l’expression de sa physionomie, de ses yeux, de son sourire, intéressait pour elle, et le premier regard fit de lord Nelvil son ami, avant même qu’une impression plus vive le subjuguât. […] La supériorité d’une épouse les offusque moins, parce qu’ayant moins de prétention pour eux-mêmes, ils placent leur orgueil dans la gloire de leur idole ; ils s’honorent d’admirer de plus près l’épouse que le monde admire loin ; leur amour n’a pas besoin de l’égalité, il est un culte ; ils se sacrifient en se subordonnant à celles qu’ils adorent.
J’ai maintes fois admiré quelle somme d’énergie inepte ils ont dépensée, à quelle longue et patiente dissimulation ils se sont astreints ; et, mettant en balance l’énorme travail des préparations et l’insignifiance du résultat, il me semblait que, dans le fond, ces laborieux mystificateurs étaient peut-être les vrais mystifiés. […] elle sait aimer et admirer, celle-là ! […] Et comme elle sait admirer ! […] Buvons l’heure qui coule ; Ne perdons pas de temps à nous laver les mains : Hâtons-nous d’admirer le pigeon qui roucoule, Car nous le mangerons demain.
Homère est sur le champ vaincu et admire. […] Mais il a une circonstance atténuante ; il a admiré ardemment le poëte de Prométhée, et l’admirer c’était le défendre. […] Théâtre à Salpé, en Apulie ; théâtre à Squillacium, en Calabre ; théâtre à Thernus, en Livadie ; théâtre à Lysimachia fondée par Lysimaque, lieutenant d’Alexandre ; théâtre à Scapta-Hyla, où Thucydide avait des mines d’or ; théâtre à Byzia, où avait habité Thésée ; théâtre en Chaonie, à Buthrotum, où jouaient ces équilibristes venus du mont Chimère qu’admira Apulée sur le Pœcile ; théâtre en Pannonie, à Bude, où étaient les métanastes, c’est-à-dire les Transplantés.
Voilà des genres de poésies dans lesquels trois grands hommes ont donné à la France une incontestable supériorité, et nous admirons sincèrement l’orgueil ou l’humilité de ceux de nos auteurs qui continuent à s’y exercer. […] Ils ont raison quand ils veulent que nos anciens chefs-d’œuvre soient étudiés et admirés avec enthousiasme ; ils ont tort quand ils veulent qu’ils soient continués perpétuellement et reproduits sous toutes les formes. […] … Pourquoi le public ne voudrait-il pas voir Shakespeare au Théâtre Français, comme il y a toujours vu, comme il y voit tous les jours, Sophocle, Euripide, Guillen de Castro, Maffey, Alfiéri, Schiller, etc., etc. ; comme il admire un tableau de Rubens et de Raphaël, dans notre musée ; comme il écoute la musique de Mozart ou de Rossini, à notre grand Opéra ? […] Il rappelle, en reflets effacés, dans ses hémistiches tout faits, dans ses images parasites, dans sa banale phraséologie, ce qu’on a justement admiré dans les chefs-d’œuvre de nos grands maîtres, et il y a des gens lettrés qui lui savent gré de cela.
J’admire les esprits dits philosophiques d’avoir, en telle matière, de ces certitudes. […] M. de Kergorlay (pour une raison ou pour une autre) se contentait d’être le dépositaire et le critique intelligent des idées de celui qu’il admirait sans le flatter ; en écoutant la suite des confidences et des épanchements de M. de Tocqueville, celui-ci se définira de lui-même à nos yeux.
Les nombreux passages traduits d’Homère qui ornent le Génie du Christianisme, et plus tard la docte reproduction poétique qu’on admira dans les Martyrs, relevèrent publiquement les images du Beau et indiquèrent à tous ceux qui en étaient dignes les chemins des hautes sources. […] Cette création tant admirée n’est-elle sortie que secondairement et par voie de compilation ?
La concision qu’il faut envier, c’est celle de Tacite, celle qui est tout à la fois éloquente et énergique ; et loin que les images nuisent à cette brièveté de style justement admirée, les expressions figurées sont celles qui retracent le plus de pensées avec le moins de termes. […] Ce que vous admirez véritablement, ce n’est pas une idée complètement inattendue, c’est une surprise assez graduée pour que l’esprit soit satisfait, et non pas troublé.
Nous acceptons « les faits accomplis », nous finissons même par admirer le succès et rire des gens battus, surtout quand le bâton a été promené sur leurs reins avec adresse. […] Jean-Jacques disait fort justement qu’il prend souvent pour héros les bêtes de proie, et qu’en faisant rire aux dépens du volé, il fait admirer le voleur.
Il fallait condamner en bloc ce qu’on admirait en bloc ; il serait temps après de mettre les nuances et d’adoucir la sévérité. […] Combien de ses ennemis et de ses victimes, et ceux qui paraissaient le plus s’égarer à la poursuite d’un autre idéal, ou dans les caprices d’une fantaisie sans idéal, combien ont ainsi, malgré eux, et croyant faire autre chose, travaillé pour lui, aussi réellement que Malherbe ou Pascal qu’il admire !
J’admire et j’applaudis de grand cœur avec la noble Chambre d’autrefois ce qu’il y a de jeune, de brillant, d’aventureux dans ce tournoi à outrance ; ce sont des exploits de tribune ; mais je me demande quels pouvaient être les résultats. […] Jusque-là on l’admirait, et, à moins d’être étroitement de son parti, on ne le suivait pas.
Machiavel, ce metteur en scène des attentats princiers, ce domestique des Médicis et des Borgia, avait dans sa jeunesse été mis à la torture pour avoir admiré Brutus et Cassius. […] La cour de Versailles admire comme un régiment fait l’exercice ; le peuple, lui, se rue dans le beau éperdument.
Tous les impuissants qui ont usé infructueusement leur belle jeunesse à casser des cordons de sonnettes à la porte des journaux et des théâtres de la capitale — l’académie de province les reçoit, les prend et les fait sauter maternellement sur ses genoux, en leur recommandant bien de ne plus aller vers ces méchants, qui n’ont eu garde de les écouter — craignant d’être obligés de les admirer. […] madame, comment pouvez-vous admirer les Romans de galanterie d’un homme qui porte de la flanelle et quitte, chaque soir, ses dents en même temps que son pantalon !
Vous observez que toute sa politique doit venir de là, et vous êtes amené ainsi à comparer tel ou tel texte des Lois à la fameuse prosopopée des Lois dans le Criton, Vous vous dites que Platon est avant tout un aristocrate, mais qu’une sorte de respect stoïque et même chevaleresque de la loi est une chose qu’il doit avoir dans le cœur puisqu’il l’admire si fort dans le cœur des autres. […] Et vous pouvez encore vous tromper ; mais vous ne mécontenteriez pas Platon qui, comme tous les philosophes, écrit moins pour être admiré que pour être compris et même moins pour être compris que pour faire penser.
Il l’admire, au contraire. […] Quant au poète, c’est-à-dire au romancier, il est temps de montrer, par-dessus la tête de Dumas qui l’admire, ce qu’il est, dans Manon Lescaut.
Dans l’ordre des passions qui ont vécu, que sont en comparaison les Lettres de la religieuse portugaise ou celles de mademoiselle de l’Espinasse, traditionnellement admirées ? […] Ce ne fut plus que l’intimité, — l’intimité plus forte que tout encore, l’intimité fatale, déchirée, déchirante, dont on ne peut plus se passer quand on a goûté à son philtre… Les lettres de Réa, de brûlantes, deviennent touchantes, tristement amères, courageusement maternelles, et le recueil finit avant que la généreuse créature blessée ait cessé d’admirer l’homme qui ne la méritait pas, et jusqu’à la fin elle s’obstine à la fidélité de l’enthousiasme dans l’amour !
J’admire et j’appelle grand celui qui la conserve. […] La sagesse est la seule qui répande encore plus d’éclat sur ceux qui l’honorent que sur ceux qui sont honorés ; car admirer la vertu dans les autres, c’est déjà une preuve de vertu. » « Ô mes amis !
L’ignorance est mère de l’admiration ; ignorant tout, ils admiraient vivement. Cette poésie fut d’abord divine : ils rapportaient à des dieux la cause de ce qu’ils admiraient.
Lamartine y était et ne cessait d’admirer : malgré sa banalité, ce qu’il disait (j’étais près de lui) avait de la valeur.
Tout y respire la saine critique, la fine plaisanterie ; on y admire sur-tout la justesse & la vérité des tableaux.
Il aurait fallu un autre cœur que le mien pour refuser une si agréable hospitalité, à une époque de première jeunesse et de première impression où l’on croit aimer tout ce qu’on admire. […] Sa beauté était une transparence ; on voyait au fond de son cœur, et tout ce qu’on y voyait était si bon, si tendre, si intelligent, si serein, si souriant et si compatissant à la fois, qu’on ne savait plus, en la regardant, si c’était l’enveloppe ou la personne qu’on admirait involontairement et unanimement en elle ; ou, pour mieux dire, on ne pensait plus à admirer, on s’attendrissait : l’attendrissement est la vraie forme, la forme pathétique de l’admiration. […] Je ne savais en vérité laquelle admirer davantage des deux : Thérésina, qui n’avait encore de formé que le corps, égalait Léna de taille et de stature ; mais elle était loin de l’égaler encore en charme et en maturité de physionomie. […] Quant à moi, je ne riais plus : j’admirais, et je n’aurais demandé qu’à adorer, sans bien savoir si j’aurais adoré la mère plus que la fille ou la fille plus que la mère, tant ces deux charmes étaient inséparables et confondus.
Seulement, si vous admirez Racine plus que Shakespeare et Calderón, c’est une opinion que vous ferez bien de garder pour vous : la tolérance n’est pas la vertu des néophytes. […] Le génie du poète dominait par instants les routines et les mauvais instincts de la foule qui regimbe contre tout ascendant qu’elle ne subissait pas la veille et trouve qu’elle admire déjà bien assez de gens comme cela. […] C’est lui qu’on admire et qu’on se propose pour modèle. […] Toute sa vie il resta sur la brèche, exposé aux coups, lorsque des maîtres plus adroits ou plus susceptibles se retiraient des expositions et se faisaient admirer en petite chapelle par des dévots choisis. […] On a été un peu injuste envers Boulanger, et s’il a trop admiré, on ne l’a pas admiré assez.