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597. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Livrée aux préjugés orgueilleux de l’esprit moderne, mais sans conviction réfléchie et profonde, elle a, entre le Catholicisme et le Protestantisme de ce temps dont elle écrit l’histoire, — entre Philippe II et Guillaume d’Orange — l’impartialité de l’indifférence ; car elle regarde les choses religieuses au point de vue de cette Libre-Pensée qui dit, comme les Médecins de Molière, que « tout est changé » quand il n’y a rien de changé !

598. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Ni ses velléités féodales, ni ses colères de frondeur rétrospectif, ni ce tempérament d’Alceste qui donne si souvent à Saint-Simon l’air du Misanthrope, mais d’un misanthrope bien autrement colossal que celui de Molière, n’étaient capables de si profondément altérer des facultés qui, après tout, aimaient la grandeur et qui étaient faites pour l’histoire.

599. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Renan, c’est « le Français du xixe  siècle » ; Émile Augier, c’est Molière « tombé en ses petits-fils » ; Jules Simon, « c’est le Robinson des croyances » ; Scribe, « le génie de l’opéra-comique » ; Octave Feuillet, « la littérature fashionable » ; etc.

600. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Vous l’aviez conduite hors du chemin dans une broussaille ; elle y est encore ; les physiologistes à qui l’on parle de psychologie se mettent à rire, citent Molière, l’opium qui fait dormir parce qu’il a une vertu dormitive ; l’homme qui perçoit les objets extérieurs parce qu’il a la faculté appelée perception extérieure ; l’âme qui ressent l’émulation parce qu’elle apporte en naissant un penchant à l’émulation ; l’esprit qui connaît les objets infinis parce qu’il possède la raison, faculté de l’infini.

601. (1921) Esquisses critiques. Première série

Du reste, on l’a bien vu : chez Molière, M.  […] Courteline avec Molière, et il est vrai de dire que M.  […] Il nous semble cependant que ce soit plutôt la veine même des vieux auteurs de farces et des conteurs de fabliaux (dont Molière était nourri) qui reparaisse en M.  […] Abel Hermant s’efforce de plaire par le dehors : Molière le faisait bien. […] Nous ne voulons pas à ce propos évoquer Molière ni rappeler par exemple la fulgurante ouverture du Tartuffe — où ce n’est pas des bavardages de valets qui servent à poser les personnages — mais il est constant sur notre scène, chez Labiche comme chez Scribe, chez Dumas fils comme chez Augier, chez M. 

602. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

On me découvrit quelque chose, on me traita par l’iodure de potassium qui détermina une ébullition, un bouillon de mauvais sang et d’« humeurs peccantes » (ils appellent plus terriblement que dans Molière, aujourd’hui nos bons médecins qui sont les mêmes que ceux du grand siècle, car je suis sûr qu’au fond Fagon et ses confrères en savaient plus long que leur latin de cuisine, de même ceux-ci sont évidemment au-dessus des mots dérivés du grec, qu’ils emploient, comme microbes et du latin, aussi, bacilles, etc.). […] Molière non ! […] Tous deux la portaient dans leur cœur, mais sans nul doute Racine la chérissait plus profondément, et, dans la littérature entière, je ne vois que Molière qui, plus que lui, la connaisse, la déteste, l’adore ou la maudisse. […] 12 D’autres traitèrent l’auteur d’Iphigénie, en compagnie de Rotrou, Corneille et Molière, et de tous les grands hommes de la grande époque, de « buste »13, « perruque », « ganache »14 et autres noms gracieux. […] (comme dit, à peu près, ce terrible et charmant Molière) — car tout est ennui et ne vaut pas qu’on s’attriste — bercent, disais-je, cette indéfinissable chose, toujours émue, qui vit en nous, jusqu’à en mourir — d’un beau rauquement ironique et douloureux, pareil en effet. à celui des tourterelles dans le large bois qu’on traverse avec un peu de peur mêlée à la grande joie d’être sûr de la terre vierge et sous de libres frondaisons parmi les âpres maternelles senteurs primitives !

603. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Bien plus, un même ouvrage peut être idéaliste par sa composition, et réaliste par son sujet, ainsi que La Galerie du Palais de Corneille et la plupart des pièces de Molière, ou encore idéaliste dans son ensemble et réaliste par la crudité de certains morceaux. […] Peut-être a-t-il manqué à Voltaire, à Molière de savoir parfois regarder les nuages et écouter les oiseaux. […] Les odes anacréontiques de la Pléiade, les Contes de La Fontaine, les vers badins ou burlesques de vingt poètes aujourd’hui dédaignés, quelques scènes de Molière nous laissent voir le sensualisme qui s’insinue en France. […] Mais leur façon d’observer est toujours celle de Molière dans la boutique du barbier et de La Fontaine le long des chemins : ils en font un usage plus exclusif, voilà toute la différence. […] Car l’auteur lui fait refaire son éducation, ce qui est un tour très adroit pour faire celle du lecteur sans en avoir l’air et l’intéresser successivement à la stréphocatopodie, à la stréphendopodie, à la stréphypopodie, à la stréphanopodie, sans qu’il songe le moindre instant à se croire l’objet d’une mystification à la Molière.

604. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

C’est chez nous l’incomparable Molière, et Dieu sait que presque tout son théâtre, ses scènes célèbres, ses mots que tout le monde a dans la mémoire, c’est presque toujours un vol, vol dont les critiques lui font un mérite, mais moi, non. […] Mardi 2 avril Causerie avec Daudet sur la femme française, que Molière dit dans une préface plus intellectuelle que sensuelle. […] le théâtre, s’écrie-t-il, c’est une ardoise et un torchon, et une chose à la craie qu’on efface à tout moment… ç’a été le procédé de Shakespeare et de Molière. » Mardi 24 septembre Une singulière forme de gouvernement, ce suffrage universel, qui ne tient aucun compte des minorités, quelque nombreuses qu’elles puissent être.

605. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Depuis quelque temps, on appelle le bourgeois : Prud’homme, du nom que Monnier croit avoir inventé, mais Montaigne, Molière, Voltaire et Beaumarchais peuvent être traités aussi de Prud’hommes, car l’esprit n’est au fond que du bon sens, si on y regarde. […] Rigal sur le théâtre d’Alexandre Hardy, le roman français au dix-septième siècle, Pascal, les jansénistes et les cartésiens, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Mme de Staël, toutes fort intéressantes, mais auxquelles je préfère, je ne sais pourquoi, sa belle étude sur la philosophie de Molière ; il est de fait que Molière aura toujours en France le don d’éveiller la sympathie ou tout au moins la curiosité et que, quoi qu’on ait dit sur lui, il restera toujours à dire. […] Brunetière aborde la fameuse question : Louis XIV a-t-il été trompé par Molière ? […] Voici, je crois le mot juste sur la conduite de Louis XIV, à l’apparition de Tartuffe : Même à ce propos, n’a-t-on pas pu dire que Louis XIV avait « commandé » Tartuffe à Molière ? […] Et si nous ne croyons pas, pour beaucoup de raisons, qu’il ait provoqué l’occasion de Tartuffe, tout nous permet de dire que, quand Molière la lui eut donnée, il s’en servit comme d’un instrument de règne.

606. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Songez à La Rochefoucauld et à La Bruyère, et à Racine et à Molière ; et puis à Corneille, qui est plutôt un grand idéaliste de la nature humaine qu’un peintre exact des hommes, et enfin à Rousseau, qui est bien le plus mauvais moraliste qui ait été. — Le grand moraliste commence par aimer les hommes, au moins par curiosité ; puis il les connaît, puis il s’en détache, ce qui, aussi bien, est nécessaire pour les peindre ; puis il les peint. […] La nuance de « plaisant » que Molière a laissée à Alceste tient à cela, en quoi Molière s’est montré très profond moraliste ; et c’est la raison aussi du ridicule ineffable de certains pessimistes contemporains. […] Il faut reconnaître que de l’esprit véritable, celui qu’ont La Fontaine, Molière, Voltaire, Henri Heine, Victor Hugo n’en a aucune trace. […] C’est le vieux développement classique, que Fénelon reprochait à Molière. « Térence dit en quatre mots, avec la plus élégante simplicité, ce que Molière ne dit qu’avec une multitude de métaphores qui approchent du galimatias84. » Par exemple : Eh !

607. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Il est de tous les écrivains de ce temps-là  sans peut-être en excepter Molière ni Saint-Évremond  celui qui, revenant au monde, aurait le moins d’étonnements. […] C’est le cas de dire, comme ce personnage de Molière : « J’y crois pour ce que j’y crois… » Néanmoins, si j’ose le dire, la conception du devoir, chez M. de Vogüé, ne me paraît que provisoirement coupée du dogme catholique.

608. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Pareillement les œuvres, tout estimables, de Molière, sont plutôt des romans dialogués. […] Dois-je dire que ni Racine, ni Molière, ni la plupart des écrivains en vers ce notre siècle ne furent des poètes ?

609. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Ayant découvert de nombreuses sources chez certains auteurs qu’on croyait « originaux », elle a prétendu que la valeur artistique de ces auteurs s’en trouvait diminuée ; à la vérité, elle n’a pas encore osé le prétendre de Molière, ni de La Fontaine, ni de Shakespeare ; mais elle s’en est prise à Desportes, puis à Du Bellay, à Chateaubriand, à Victor Hugo, à D’Annunzio, à bien d’autres encore, et sans se demander jamais comment le poète a utilisé ses sources. […] Tel était bien le principe de Molière, dont on a dit qu’il a créé « des individus qui diffèrent dans des situations qui se répètent ». — À cette argumentation M. 

610. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Cette manière de voir, qui est celle de toute une classe d’esprits vigoureux et francs, a été poussée à fond et couronnée du génie même de la gaieté par Molière, en son immortelle comédie.

611. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Molière, louant le peintre Mignard, son ami, et célébrant ses grands travaux du Val-de-Grâce, lui disait, ou plutôt disait à son sujet à Colbert : L’étude et la visite ont leurs talents à part ; Qui se donne à la Cour se dérobe à son art.

612. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Ce n’étaient pas seulement Molière et La Fontaine, c’était Boileau qui n’en était pas, et il n’en fut un jour que parce que Louis XIV, sur une question qu’il lui adressa, s’aperçut avec étonnement de cette absence.

613. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

— Malherbe, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Regnard et Voltaire. » — Il faisait cette énumération sans rire.

614. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Nisard et Sainte-Beuve, qu’entre…, mettons entre Corneille, Racine et Molière, et qu’enfin la critique est une représentation du monde aussi personnelle, aussi relative, aussi vaine et, par suite, aussi intéressante que celles qui constituent les autres genres littéraires.

615. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Il y a quelque chose que nous savons reconnaître dans les applications les plus diverses ; quelque chose qui appartint ou même degré à Galilée, à Pascal, à Michel-Ange, à Molière ; quelque chose qui fait la sublimité du poète, la profondeur du philosophe, la fascination de l’orateur, la divination du savant.

616. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Il peut arriver alors que le premier né de ces ouvrages similaires ne soit pas le meilleur, qu’une idée trouvée et mal exploitée par un talent novice ou secondaire soit plus tard mise en valeur par un maître, Molière a profité chacun le sait de trouvailles pareilles.

617. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Voilà une Ninon jeune, telle qu’elle put paraître en amitié et les jours où elle traversait la société des précieuses, elle qui l’était si peu, elle qui, causant avec la reine Christine, les lui définissait si bien d’un mot : « Les précieuses, ce sont les jansénistes de l’amour. » Mais, avec son esprit d’autant plus divers qu’il était plus à elle, elle savait s’accommoder à tous, et elle trouvait grâce, au besoin, et faveur devant l’hôtel Rambouillet, comme, les jours où il la consultait sur Tartuffe, elle rendait de sa même monnaie à Molière.

618. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Que pense Grimm, par exemple, je ne dirai pas sur Homère, Sophocle, Molière (il n’en parle qu’incidemment), mais sur Shakespeare, sur Montaigne, et sur tous les hommes du xviiie  siècle, Fontenelle, Montesquieu, Buffon, Voltaire, Jean-Jacques, Duclos, etc. ?

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