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602. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

La France a perdu, le 17 janvier 1863, un de ses grands peintres, un de ses talents supérieurs et populaires comme elle les a aimés de tous temps, comme elle les préfère toujours, un grand talent naturel et facile. […] Il ressentit vivement et profondément ce que la France éprouva à cette heure de gloire indicible et d’infortuné ; il l’exprima sous toutes les formes, promptes, aisées, touchantes, saisissantes, qui parlaient aux yeux et allaient au cœur de tous. […] Pourquoi la France entière sut-elle par cœur du premier jour l’élégie de Millevoye, le Jeune Malade ? […] Sans se contraindre à aucun style, à aucun genre, à aucune espèce de sujets, il s’est mis à reproduire tous les objets qui frappent journellement son imagination si mobile et si heureuse ; aussi est-il éminemment le peintre de la France et du xixe  siècle, par la manière dont il représente notre nature et notre époque ; aussi a-t-il un degré de vérité, de grâce, de génie, que le talent ne doit jamais qu’à la présence immédiate des objets qu’il veut peindre. […] Horace Vernet, en se trompant de gaieté de cœur et en confondant les deux France, a fait son groupe d’autant plus intéressant et bien pittoresque.

603. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Je n’ai plus qu’à esquisser l’historique du succès de Don Quichotte parmi nous, et de sa fortune en deçà des Pyrénées, en France. […] La langue espagnole était très en usage alors à la Cour de France. […] » Don Quichotte fut donc apprécié et lu de bonne heure en France. […] Quoi de plus naturel, en effet, et de plus indiqué, ce semble, que de rapprocher ce succès de Don Quichotte en Espagne ou en France du grand succès qu’avait eu le Cid, d’opposer l’un à l’autre, de mettre en contraste les points de vue, de voir dans l’une de ces créations une contre-partie de la création rivale, une revanche ? […] En France on vit à perpétuité sur ces mots-là qui dispensent d’une plus longue étude.

604. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Grote, l’un des associés étrangers de l’institut de France et dont l’œuvre est un des monuments originaux de notre époque. […] Grote envisage sous cet aspect les poëmes homériques, l’Iliade et l’Odyssée, et il arrive à des conclusions qui, par leur modération et leur plausibilité, m’ont beaucoup plu et m’ont paru apporter une certaine paix, une médiation conciliante, dans l’espèce de trouble et de partage où ont dû nous laisser en France les dernières guerres homériques engagées depuis plus de cinquante ans entre les savants d’outre-Rhin. […] Et c’est ainsi qu’il s’engagea alors et pendant des années en Allemagne une guerre homérique, dont nous restâmes en France les spectateurs trop peu attentifs et comme désintéressés. […] Nous avions en France le déisme d’Homère, tandis qu’en Allemagne on en était à la pluralité des Homères, ou à l’infinité des Homérides, au polythéisme ou au panthéisme en cette matière. […] Fox, qui le vit dans le voyage qu’il fit en France, en 1802, écrivait sur son compte à un ami : « Je devrais peut-être aussi faire mention de Villoison, le grand Grec, ne fût-ce que pour sa volubilité qui dépasse toute croyance.

605. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Le sentiment patriotique était très vif en lui ; il souffrait douloureusement des blessures de la France et des désastres qui marquèrent la chute de l’Empire. […] Une telle confusion semblait des plus fâcheuses à l’abbé Lacordaire ; elle lui paraissait une diminution et une dégradation du christianisme, et il crut qu’il était bon de montrer enfin à la France qu’on pouvait être fidèle à Jésus-Christ sans être inféodé au trône déchu, ce trône fût-il celui des descendants de saint Louis. […] Mais pour cela il faut un corps, un ordre ; or, cet ordre est tout trouvé, il existe ; il ne s’agit que de le ressusciter en France. » Toutefois, l’entreprise au premier abord était étrange. […] Il fit un Mémoire pour le rétablissement en France de l’ordre des Frères prêcheurs, qu’il dédia pour premier mot « À mon pays » ; il écrivit une Vie de saint Dominique, qui serait à discuter historiquement, mais où respire et reluit l’intelligence vive du Moyen Âge. […] Dieu, mais Dieu seul, avait vaincu la France, commandée jusqu’à la fin par le génie, et triomphante encore au quart d’heure même qui signalait sa chute.

606. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Le grand cardinal de Richelieu était de même : faire une belle tragédie eût été une chose presque aussi douce à son cœur et lui eût paru une œuvre presque aussi glorieuse que de triompher des Espagnols et de maintenir les alliés de la France en Allemagne : les lauriers du Cid l’empêchaient de dormir. […] Ce désir de gloire que nourrissait la jeune âme de Frédéric et qui cherchait encore son objet, lui faisait tourner naturellement ses regards vers la France. […] Considérant Voltaire de loin et d’après ses seuls ouvrages, l’embrassant avec cet enthousiasme de la jeunesse qu’il est honorable d’avoir ressenti au moins une fois dans sa vie, Frédéric le proclame l’unique héritier du grand siècle qui vient de finir, « le plus grand homme de la France et un mortel qui fait honneur à la parole ». […] Il revient en France reconnaissant, conquis à jamais de cœur à Frédéric, mais non vaincu. […] Revenu en France, d’Alembert continua de correspondre avec Frédéric ; et (si l’on oublie l’épigramme qui ne fut jamais connue) cette correspondance atteste des deux parts bien de la raison, de la philosophie véritable, et même de l’amitié, autant qu’il en pouvait exister alors entre un particulier et un monarque.

607. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 252-253

Son Dictionnaire Géographique, Historique & Politique des Gaules & de la France, est sur-tout généralement estimé. […] Il résulte de ces recherches, que la France contient plus d’habitans & recueille beaucoup moins de grain qu’on le ne supposoit.

608. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Ce n’est pas seulement un deuil pour l’Angleterre ; c’en doit être un pour la France et pour le monde civilisé, dont Walter Scott, plus qu’aucun autre des écrivains du temps, a été comme l’enchanteur prodigue et l’aimable bienfaiteur. […] La France a eu aussi ses pertes que chacun déplore. […] La France a eu de sévères reproches à lui adresser au sujet des jugements étranges dont il a rempli les Lettres de Paul et l’Histoire de Napoléon Bonaparte ; mais c’était, de sa part, légèreté et préventions d’habitude, bien plutôt que mauvais vouloir et système.

609. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

La France est une belle patrie ; elle a de ces jours où tous les cœurs n’ont qu’un seul vœu, qu’un cri éclatant ; ce sont des journées héroïques, populaires, militaires, même civiles, où l’on se retrouve, où tout se confond ; dates immortelles, véritables époques dans notre histoire ! […] Si l’on pouvait sur tous les points de la France, à commencer par nous-mêmes au centre, inspirer un esprit d’union qui ne soit point de servilité, mais d’affection à une chose commune, à une seule et même chose qui soit nôtre, et qu’on n’aspire qu’à améliorer, à perfectionner, oh ! Comme alors la France serait belle et forte, non-seulement dans ces grands jours qui ne sont qu’à elle dans l’histoire et par où elle éclate au monde, mais aussi dans ce tous les jours qui est bien de quelque prix dans la vie des peuples et dans celle des individus.

610. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Certes, le plus bel exemple qui put exister de renonciation à la vengeance, ce serait en France, si la haine cessait de renouveler les révolutions ; si le nom Français, par orgueil et par patriotisme, ralliait tous ceux qui ne sont pas assez criminels pour que le pardon même ne fût pas cru de leur propre cœur. […] La France ne peut être sauvée que par ce moyen, et les partisans de la liberté, les amateurs des arts, les admirateurs du génie, les amis d’un beau ciel, d’une nature féconde, tout ce qui sait penser, tout ce qui a besoin de sentir, tout ce qui veut vivre, enfin, de la vie des idées, ou des sensations fortes, implore à grands cris le salut de cette France.

611. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Je l’ai abordée par le côté où j’avais affaire, par le côté qui regarde la France et surtout qui regarde Molière. […] Mais il a eu chez nous une destinée à part : il n’a brillé que sur les théâtres de marionnettes ; il n’apparaît point ou guère dans les troupes italiennes qui vinrent en France ; il ne s’est point fait place, non plus, sur notre scène comique. […] Les ouvrages de Louis Riccoboni dit Lelio, dans la première moitié du dix-huitième siècle, l’Histoire de l’ancien théâtre italien, publiée par les frères Parfait en 1753, celle de Des Boulmiers en 1769, les Annales d’Antoine d’Origny en 1788, les études de Cailhava d’Estandoux, faites précisément au même point de vue que le mien, constituent toute une série de travaux d’histoire et de critique littéraire, qui témoignent que c’est déjà d’ancienne date que l’attention s’est portée en France sur cette sorte d’invasion comique que je vais décrire à mon tour.

612. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Pauvre France ! […] Ayez une règle absolue : c’est de suivre la France, c’est-à-dire la légalité, malgré toutes les objections, toutes les répugnances, toutes les antipathies. […] Ne vous brouillez jamais avec la France.

613. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

C’est cette envie de s’instruire & de se former le goût, qui le fit lier, dès son entrée dans le monde, avec les Sulli, les Châteauneuf, les Chaulieu, & tout ce qu’il y avoit en France de gens aimables & de mérite. […] A peine sa liaison avec Rousseau fut-elle formée, que celui-ci fut banni de France. […] Un trait à sa gloire, & dont la postérité parlera, ce sont les regrets qu’il ne put s’empêcher de témoigner avec toute la France, lorsqu’elle apprit la mort de Rousseau.

614. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Est-ce que cette France à demi barbare n’était plus assez couverte de forêts, pour qu’on n’y rencontrât pas quelques-uns de ces châteaux du vieux temps, avec des mâchicoulis, des souterrains, des tours verdies par le lierre, et pleines d’histoires merveilleuses ? […] Je m’assure qu’il y avait quelque chevalier du règne de François Ier qui regrettait dans son manoir les tournois de la vieille Cour, et ces temps où la France s’en allait en guerre contre les mécréants et les Infidèles. […] L’Europe, par le plus heureux des contrastes, présentait au poète le peuple pasteur en Suisse, le peuple commerçant en Angleterre, et le peuple des arts en Italie : la France se trouvait à son tour à l’époque la plus favorable pour la poésie épique ; époque qu’il faut toujours choisir, comme Voltaire l’avait fait, à la fin d’un âge, et à la naissance d’un autre âge, entre les anciennes mœurs et les mœurs nouvelles.

615. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

III Et la première, c’est la mort de l’esprit en France, ou du moins sa longue léthargie, pour parler comme ceux-là qui s’imaginent qu’en se cotisant d’un bon mot tous les mois, — ce qui n’est pas ruineux, — ils vont tout à l’heure le ressusciter et l’envoyer jouer à la fossette, comme le petit garçon de Sganarelle. […] — n’existe plus, on verra sur-le-champ s’élever contre nous une insurrection d’amours-propres, tout autant que quand nous disons que la critique n’existe pas en France et que nous le prouvons, de la plus humble manière, par de la statistique et des faits. Et, au contraire, qu’un homme qui voit juste en cela le dise comme nous, — mais que, pour mieux l’affirmer, il établisse une fondation de post-obit, une espèce de repas des funérailles comme les Écossais en font à la mort de leurs parents, le tout, dit-il, en se moquant un peu de nous, pour ressusciter le défunt, ce qui serait un miracle auquel ne croient pas les Écossais, ni lui non plus, tous les gens d’esprit de France et de Navarre qui l’entendent, cette redoutable impertinence, ne s’insurgent ni ne se gendarment, et disent même, en approuvant : « Tiens, c’est une idée ! 

616. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

… Les amants irrités sont terribles… Cladel ne ressemble pas à Balzac, qui a fait aussi des Paysans, lesquels, eux, n’étaient pas les siens, ni ceux d’aucun pays de France, excepté peut-être des environs de Paris. […] Il le hait au nom des campagnes, ce Paris dont on voudrait faire la France tout entière, ou du moins la grande Commune de France !

617. (1915) La philosophie française « II »

En un mot, l’union étroite de la philosophie et de la science est un fait si constant, en France qu’il pourrait suffire à caractériser et à définir la philosophie française. […] Assurément ce trait ne pourrait plus suffire, comme le précédent, à définir la tradition française, car l’aptitude à se sonder soi-même, et à pénétrer sympathiquement dans l’âme d’autrui, est sans doute aussi répandue en Angleterre et en Amérique, par exemple, qu’elle l’est en France. […] Bien rares, en France, sont les savants, les écrivains, les artistes et même les artisans qui s’absorbent dans la matérialité de ce qu’ils font, qui ne cherchent pas à extraire — fût-ce avec maladresse, fût-ce avec quelque naïveté — la philosophie de leur science, de leur art ou de leur métier.

618. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Comme elle venait régner en France, il en aurait tiré un augure favorable pour les arts et la littérature de ce pays. […] Heureux en France les écrivains, pour ne rien dire des hommes politiques, dont un nom de femme est inséparable ! […] ou croirons-nous avec Jurieu qu’il ait voulu, par ce pamphlet, se procurer les moyens de rentrer en France et de s’y faire pensionner ? […] Les protestants de France l’ont autrefois prouvé. […] Albert Le Roy dans son livre sur la France et Rome de 1700 à 1715.

619. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Pas plus que les tronçons du glaive de la France, les tronçons du livre ne se rejoindront. […] L’Allemagne, la France, la Russie, sont des constructions artificielles, variables, périssables. […] France ! […] Ni Jésus ni Épictète certes ne confondraient le son ivre du clairon avec la voix de la conscience et ne consentiraient à tuer pour les néants que vous êtes : France !

620. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Sous le regne de Henri IV le ton et l’accent des gascons s’introduisoient à la cour de France. […] La musique a eu en France depuis quatre-vingt ans une destinée approchante de celle que la déclamation eut à Rome du temps de Ciceron. Il y a six vingt ans que les chants qui se composoient en France, n’étoient, géneralement parlant, qu’une suite de notes longues, et ce que les musiciens appellent quelquefois du gros fa. […] Ceux qui ont vû notre danse théatrale arriver par dégrez à la perfection où elle est parvenuë, n’en sont pas si frappez, mais les étrangers qui ont été long-temps sans venir en France sont très-surpris d’un progrès qui leur semble un progrès subit.

621. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Nous avons, dès le premier pas, reculé de l’histoire à l’histoire de France, et de l’histoire de France nous sommes tombés dans des historiettes dont la plupart étaient déjà suspectes d’exagération ou d’infidélité, et quelques-unes brillaient d’une netteté d’apocryphe qui ne laissait rien à désirer bien avant que Fournier eût fait claquer son fouet… dans les airs ! […] je suis la fortune de la France. » Il faut lire : « Je suis l’infortuné roi de France », dit Fournier. […] » que la France, qui l’aurait écrit, disait Chateaubriand, tient pour authentique, Fournier ne le nie pas, mais le reporte dans une lettre de vingt lignes où il se noie, accusant Antonio de Vera, un historien espagnol, d’avoir le premier arrangé ce billet à la laconienne, — ce qui prouve seulement que l’historien Vera est plus artiste que Fournier, qui n’est qu’un grammairien historique.

622. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Nous avons bien des histoires de France, dues à des plumes de notre temps plus ou moins habiles, et dans lesquelles le xviiie  siècle est traversé et jugé, en passant, comme les autres siècles qui forment la longue vie de la monarchie et de la société françaises. […] L’acceptation de ce testament qui souleva toute l’Europe contre Louis XIV, et qu’à sa place aucun de ses ennemis n’aurait rejeté, produisit immédiatement cette guerre de coalition si acharnée et si funeste qui se fit partout : en Allemagne, en Flandre, en Italie, et plus tard enfin en Espagne, et dans laquelle la France opposa à ces fléaux incarnés contre nous : Guillaume III, Marlborough, le prince Eugène, le duc de Savoie, le regain magnifique encore de ses grands hommes : Vendôme, Villars, Berwick et Catinat. […] En France, l’esprit, dont on a tant, est si souvent le roi fainéant des idées communes ! […] Pour n’en donner qu’un seul exemple, entre bien d’autres que nous pourrions citer, il reproche à Louis XIV la reconnaissance du droit des Stuarts au moment où l’acceptation du testament de Charles II étendait sur la France une résille de complications, et, la vue bouchée par la préoccupation politique, par cet intérêt du moment, il ne voit pas que Louis XIV donné, Guillaume III donné et l’Europe donnée, cette Europe fendue en deux jusqu’à son axe depuis Luther, il était impossible — et même inconcevable — que le gouvernement de Louis XIV ne reconnût pas, quoi qu’il pût arriver, du reste, de cette reconnaissance, l’hérédité monarchique des Stuarts, et ne soutînt pas le catholicisme, directement, et peut-être, quoi qu’en dise Macaulay, uniquement attaqué par l’Angleterre dans leur personne.

623. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Ces Mémoires du duc de Luynes sont des papiers de famille comme ceux du duc de Saint-Simon, cette immense trouvaille historique qui a donné à la France un homme de génie de plus, un homme de génie aussi inconnu jusque-là qu’un crapaud dans un caillou ! […] , est à présent le Tacite que la France n’avait pas ; le Tacite aristocratique de la monarchie qui a tué l’aristocratie en l’étranglant doucement, sans lui faire le moindre mal, entre deux portes de l’Œil-de-bœuf, avec un cordon du Saint-Esprit, car il n’y a pas que le Grand-Turc qui ait jamais envoyé aux gens le cordon ! […] Hors les faits appartenant aux quatre catégories que je viens de signaler, il n’y a absolument rien, pas même le hasard d’un document, pas même (ce qui est bien plus singulier, car enfin nous sommes à la cour de France !) […] III Car c’est là le côté sérieux mais terrible de ces recueils de futilités, — de ces vains et tristes livres dans lesquels on nous rapporte avec une importance, maintenant grotesque, la façon dont les classes qui pouvaient tout et qu’on appelle l’ancien régime, passèrent leurs dernières heures en France !

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