Par une analyse savante, il force l’œuvre qu’il examine de trahir tous ses secrets ; il y surprend les éléments étrangers ou de mauvaise qualité qui la gâtent ; il découvre de la sorte ce qui échappe au vulgaire ; il fait dire au lecteur : « Comme c’est vrai ! […] Le critique aura donc voyagé dans le passé ; il aura aussi, ne fût-ce que dans son fauteuil, voyagé à l’étranger. […] Sa connaissance des langues étrangères lui a permis de jeter des coups d’œil en Angleterre, en Espagne, en Italie, et de saisir au vol le perpétuel échange des idées entre pays voisins. […] Il dit quelque part : « La France est en Europe ce que la pêche est dans une corbeille de fruits, ce qu’il y a de plus fin, de plus suave, de plus exquis. » Quel dommage que la phrase ne soit pas signée d’un nom étranger ! […] Deux étangs, qui jadis n’en formaient qu’un seul, mais qui sont séparés à jamais par une bande de terre, lui apparaissent comme deux amoureux dont le temps a fait deux étrangers.
Cette révélation produisit quelque émoi et Mirbeau fut obligé de supprimer le passage qui montrait sous un jour fâcheux l’attitude de « L’Etrangère ». […] Les littératures étrangères l’attiraient et sa connaissance de plusieurs langues lui en rendait l’accès facile. […] Quel vilain labeur que de disserter sur les littératures étrangères, que de traduire des romans russes ou anglais, que de dépouiller des revues allemandes ! […] A cette glorification, l’Académie française n’avait pas voulu rester étrangère et m’avait fait l’honneur de me désigner pour la représenter et pour apporter l’hommage des Lettres françaises à celui qui avait su exprimer si magnifiquement, dans le langage de France, l’âme tumultueuse tour à tour et méditative des Flandres. […] Aussi retrouvait-il en Espagne une atmosphère qui ne lui était pas étrangère.
Les unes me faisaient observer combien il est intéressant de connaître, sur un mouvement tout français par ses origines, les appréciations des étrangers ; d’autres pensaient trouver dans ce livre une lumière qui éclairerait d’un jour nouveau leurs théories les plus chères. […] Quoique habilement adaptées à notre langage, lues avec délices et même avec une fureur enthousiaste, leurs histoires ne perdent jamais une tournure étrangère qui répugne au goût national. […] Le principal mérite littéraire de Cervantès, — en laissant à part la valeur intrinsèque du Don Quichotte comme œuvre d’art, — c’est qu’il renoue la tradition nationale, en remplaçant la conception de l’Amadis étranger et aussi chimérique qu’Artus ou Roland, par un type réel comme notre héros castillan, le Cid Rodrigo Diaz. […] Bien qu’il soit allé à Paris, comme presque tout le monde y est allé, un étranger peut difficilement se rendre compte si les mœurs françaises sont aussi mauvaises. […] Les étrangers ont bien plus d’esprit : ils comprennent que le genre de lecture varie selon les âges et les situations, et que depuis le temps où l’enfant épelle jusqu’à celui où l’homme atteint la plénitude de sa raison, il y a une période durant laquelle il doit lire quelque chose.
Ajoutons qu’il se mêlait à cette admiration pour l’artiste une vive amitié pour l’homme et une profonde reconnaissance pour le maître bienveillant qui avait accueilli avec bonté ses débuts et qui, dans le Rapport sur les progrès de la Poésie avait signé, si l’on peut dire, au jeune étranger ses lettres de naturalisation poétique. […] À ce point de vue donc, il se pourrait fort bien que l’étude des Emaux et Camées n’ait pas été étrangère à l’adoption, à peu près exclusive par l’auteur des Trophées, de la forme forcément limitative du sonnet. […] Il faudrait en même temps que le critique ait subi ce charme mystérieux et ne l’ait pas subi au point de demeurer étranger aux artifices employés pour le faire naître. […] Au théâtre, par exemple, où la « baüta » était obligatoire, les dames et les gentilshommes usaient de divers stratagèmes, comme de la porter « alla forestiera », c’est-à-dire, suivant l’exemple donné par des étrangères, d’en rabattre le capuchon sur les épaules, ce qui valait aux délinquants et aux délinquantes des arrêts à domicile. Bien plus, la « baüta », en certains cas, obligatoire, en d’autres, privilégiée, était promue, en des occasions prévues, au rôle de costume officiel et cela dans les rapports entre les Ministres étrangers et les Patriciens.
Au moins, cette page errante à travers les caprices de la ville et les oisivetés de la province a vécu, ne fût-ce qu’une heure ; elle a rencontré au moins un lecteur ; elle a servi, peut-être, tout un jour à la conversation, aux commentaires, à l’oisiveté des salons parisiens ; parfois même, au fond des villes les plus lointaines, elle s’est fait jour dans quelque esprit novice ; ou bien quelque cité curieuse a voulu savoir ce que disait cette page enfouie aujourd’hui dans l’abîme, et alors cette mauvaise petite feuille, jetée aux ronces du chemin, a vécu en allemand, en anglais, en quelque langue étrangère qui lui donnait une grâce inattendue, une force inespérée. […] ce grand art d’arracher le rire ou les larmes, ce grand art d’intéresser et d’émouvoir tant de gens, venus de si loin et de côtés si opposés, tant de spectateurs, de fortunes si diverses, d’ambitions si différentes, si étrangers les uns aux autres, paysans, bourgeois, grands seigneurs. […] Pour ma part, si je voulais donner à un étranger l’idée de la grandeur, de la toute-puissance, de la sereine et calme majesté du roi Louis XIV, je n’irais pas m’amuser à citer les pompes de Versailles, ni cette suite de guerres et de victoires, ni cette liste d’heureux capitaines, ni ces noms charmants de La Vallière, de Fontanges et de Montespan, ni les vers et les louanges des poètes, ni l’éclat adorable des beaux-arts ; je dirais, tout simplement, à l’étranger qui me demanderait une preuve sans réplique, de la magnificence sans égale de ce beau règne : — Figurez-vous, Mylord, que le roi et sa cour ont ri comme des fous, au Malade imaginaire ; que le roi n’a pas pu s’en lasser, et qu’il l’a fait représenter plus d’une fois, toujours avec de nouveaux rires, sans que jamais, à lui et aux siens, à cette représentation fidèle des tortures de l’espèce humaine, l’idée leur soit venue qu’après tout, les uns et les autres, ils étaient tous mortels. […] Même, il faut dire qu’à l’Étranger, où la langue écrite est en plus grand honneur que la langue parlée, on a conservé — c’est vrai — mieux que chez nous le ton, l’accent, l’ornement, la richesse, l’élégance et la politesse du beau langage d’autrefois. […] Voilà pourquoi vous rencontrerez du vin de Bordeaux sous toutes les latitudes, et voilà pourquoi vous trouverez que la comédie de Marivaux est jouée, et passablement jouée, partout, en Europe, Plus d’une fois nous avons vu revenir de la Russie où elles avaient tout à fait oublié l’accent, le génie et le goût de la comédie de Molière, des actrices intelligentes qui se retrouvaient, très à l’aise, avec l’esprit de Marivaux ; elles le comprenaient à merveille ; elles le disaient avec beaucoup de grâce, et si parfois ces belles dames de la poésie exotique avaient rapporté de leur voyage un certain petit air étranger, ce petit air étranger les servait, loin de leur nuire, et leur donnait je ne sais quelle piquante nouveauté.
Leurs Poëtes, après un long séjour en Egypte, où ils s’étoient fait initier dans les Mystères des Dieux du pays, de retour dans leur patrie, chantèrent les premiers ces Divinités étrangères. […] Depuis que, mécontens de nous-mêmes, nous nous sommes pris d’enthousiasme & d’admiration pour tout ce qui est étranger ; depuis que l’Anglomanie s’est emparée de nous, il semble qu’on veuille, à quelque prix que ce soit, renverser toutes les idées reçues. […] Ce sont des Etrangers, incapables d’apprécier, de juger notre langue, qui ont semé les premiers parmi nous ces singuliers Paradoxes ; & ce sont des François, incapables de la bien écrire, qui les ont accueillis, soutenus & autorisés ! […] Nous abandonnons les véritables sources du goût, pour en chercher de nouvelles ; & devenus stériles par notre faute, nous nous abaissons jusqu’à devenir les imitateurs & les copistes serviles de tout ce qui porte le caractère étranger.
On ne saurait citer une seule contrée dont les habitants indigènes soient actuellement si bien adaptés les uns aux autres et aux conditions physiques sous lesquelles ils vivent, que nul d’entre eux ne puisse en quelque chose être plus parfait ; car en toute contrée les espèces natives ont été si complétement vaincues par des espèces naturalisées qu’elles ont laissé ces étrangères prendre définitivement possession du sol. Des races étrangères ayant ainsi battu partout quelques-unes des indigènes, on en peut conclure, en toute sûreté, que celles-ci auraient eu avantage à se modifier de manière à résister à cet envahissement de leur domaine. […] Mais qu’on ne suppose pas pour cela que les Abeilles produisent une multitude d’hybrides entre espèces distinctes ; car, s’il se trouve sur la même brosse du pollen de la plante mêlé avec celui d’une autre espèce, le premier annulera complétement l’influence du pollen étranger, ainsi que l’a démontré Gærtner. […] Au contraire, quand le croisement s’opère entre des espèces distinctes, l’effet est inverse, parce que le propre pollen d’une plante l’emporte presque toujours en puissance sur un pollen trop étranger.
Rigault a conçu son travail à un point de vue plus étendu que je ne l’aurais fait moi-même : j’en aurais voulu faire, ce me semble, et si l’on me permet cette imagination bien facile après coup, un épisode distinct et tranché de l’histoire littéraire française, une pure et vraie querelle, une fronde en trois actes, avec une sorte d’intérêt et de gradation, avec début, milieu et fin, les complications étrangères y tenant moins de place, et les grands philosophes énigmatiques comme Vico ne faisant tout au plus que s’apercevoir à l’horizon ; car, dès qu’ils interviennent, ils écrasent un peu trop les nôtres.
Est-ce d’elle qu’il est besoin de remarquer qu’elle était la plus étrangère aux vanités de l’amour-propre ?
Deplace avait un sens droit, une instruction ecclésiastique et théologique fort étendue ; il savait avec précision l’état des esprits et des opinions en France sur ces matières ardentes ; il pouvait donner de bons renseignements à l’éloquent étranger, et tempérer sa fougue là où elle aurait trop choqué, même les amis : motos componere fluctus.
C’est lui, un étranger, qui apporte en Bourgogne les nouvelles d’Alsace : l’insurrection y a été terrible ; la populace a saccagé l’hôtel de ville de Strasbourg, et personne n’en sait un mot à Dijon. « Cependant, écrit-il, voilà neuf jours que la chose est arrivée ; mais, quand il y en aurait dix-neuf, je doute qu’on eût été mieux renseigné. » Point de journaux dans les cafés ; nul centre d’information, de résolution, d’action locale.
Même si elles sont étrangères l’une à l’autre, elles n’ont pas le souci de se faire connaître, d’étaler leur caractère.
Il dit, en regrettant de n’avoir pas eu de maîtresse à dix-huit ans : « Elle eût trouvé en moi une âme romaine pour les choses étrangères à l’amour. » Or, il passe toute sa vie dans d’assez médiocres emplois.
Pour les besoins d’un travail étranger, il se trouve que je viens de relire les grands romans de Tolstoï, et Tolstoï, comme Balzac, comme Stendhal vous décourage de tout nouvel essai touchant les mœurs.
L’escouade rencontra un certain Simon de Cyrène, qui revenait de la campagne, et les soldats, avec les brusques procédés des garnisons étrangères, le forcèrent de porter l’arbre fatal.
Il est bien loin de pouvoir dresser avec sa force et animer avec son souffle des êtres étrangers.
Ce même duc a rempli avec succès, dans plusieurs cours étrangères, les fonctions d’ambassadeur.
… De même il croit de très bonne foi que, dans un pays qui avait dans sa tradition des siècles de chevalerie française, besoin était, à l’époque de Mazarin et de Richelieu, d’importer des pays étrangers de la galanterie et de la délicatesse, comme il était besoin aussi d’inventer une langue qui avait eu pour pères Rabelais, Montaigne et Régnier !
Il y a plus : quand le roi tarde à venir par lui ou par les siens, l’évêque l’appelle : « Ne nous forcez pas à faire appel à un roi étranger ou à l’empereur, — écrit Fulbert de Chartres au roi de France cité par Semichon, — parce que vous nous avez exilé d’auprès de vous et que vous n’avez pas voulu gouverner l’Église du Christ » ; et le roi venait.
Il reprit, il est vrai, la Rochelle aux protestants aidés de l’étranger, mais il ne put jamais refaire, comme elle l’avait été, l’unité française.
la France, la séductible France, qui s’éprend de toute chose et de toute personne étrangère, a européanisé la gloire de Gœthe.
… « Quand, il y a quelques jours, — continue-t-il dans la même lettre, — je vous disais que j’avais espéré faire un peu de progrès dans votre affection par l’habitude, mais que je vous étais aussi étranger que le premier jour, comment cela, par exemple, pourrait-il vous blesser ?