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1714. (1911) Études pp. 9-261

— Le Monde ne se développe pas par un enchaînement simplement mécanique ; il n’est pas une machine fonctionnant avec une nécessité indifférente ; les philosophes suppriment toute intention dans les choses ; sous prétexte de science, ils excluent toute fin extérieure à la Nature : Aussi devant eux : « Voici l’automate éternel dansant indéfiniment101 !  […] Car : « la joie éternelle n’est pas loin de nous ». […] Tous ces désirs qu’elle donne au monde, ne tendent qu’à la rendre à elle-même plus sensible ; en s’écartant de leur foyer, ils ne veulent que le faire plus intense : Heureux, pensais-je, qui ne s’attache à rien sur la terre et promène une éternelle ferveur à travers les constantes mobilités295.

1715. (1911) Nos directions

Quand on aura fini d’en rire, un beau jour on s’apercevra que ce fut comme le réveil, un peu trouble sans doute, de l’éternel esprit classique qui accepte le vrai, mais exige le beau. […] Suivant son rôle éternel, l’esprit français a accueilli et absorbé la pensée et l’art de tout l’univers ! […] C’est là sa force originale et la raison de son éternelle actualité.

1716. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Les chapitres sur Marseille sont à la fois plein d’amour et de réflexion : on n’a jamais mieux rendu, ni d’un trait plus approprié, la beauté de ligne et de lumière de ce golfe de Marseille, cette végétation rare et pâle, si odorante de près, la silhouette et les échancrures des rivages, la Tour Saint-Jean qui les termine, « au couchant, enfin, la Méditerranée qui pousse dans les terres des lames argentées ; la Méditerranée avec les îles de Pomègue et de Ratoneau, avec le château d’If, avec ses flots tantôt calmes ou agités, éclatants ou sombres, et son horizon immense où l’œil revient et erre sans cesse en décrivant des arcs de cercle éternels. » L’histoire civile de Marseille, avec ses vicissitudes et ses revirements, s’y résume très à fond ; son génie s’y révèle à nu, raconté avec feu par le plus avisé de ses enfants.

1717. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Les écrits sortis de sa plume dans ses dernières années sont insipides ; il baisse à vue d’œil, il se rouille ; il parle de la Cour en bel-esprit redevenu provincial ; il a des ressouvenirs d’épicurien qu’il amalgame comme il peut avec des visées platoniques, et, dans son type d’honnête homme qui est sa marotte éternelle, après avoir épuisé la liste des anciens philosophes, il va jusqu’à essayer en quelques endroits d’y rattacher… qui ?

1718. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Contractés par une expression fixe, ils persistent jusqu’au bout de la pièce dans leur grimace immobile ou dans leur froncement éternel.

1719. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Pope veut se venger de ses ennemis littéraires, et chante la Sottise, auguste déesse de la littérature, « fille du Chaos et de la Nuit éternelle, lourde comme son père, grave comme sa mère », reine des auteurs affamés, et qui choisit Théobald pour son fils et pour son favori.

1720. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Je le prie tous les jours de me donner la grâce de persévérer ici, afin que je fasse honneur à toute la nation allemande, que je gagne quelque argent pour être en état de vous venir en aide, qu’en un mot nous nous réunissions tous les quatre, et que nous passions le reste de nos jours dans la paix et dans la joie. » XV Cette paix et cette joie, qu’il aimait à voir en perspective, se changèrent peu de jours après en larmes éternelles et en complet isolement : la seule joie de sa solitude, sa mère, malade de tristesse et d’exil, lui donnait de temps en temps des appréhensions sur sa santé ; il la soignait comme le souffle de ses lèvres, il passait seul les jours et les nuits à composer, à prier, à espérer et à désespérer à son chevet.

1721. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

C’est le panorama militaire du globe ; seulement l’éternelle fumée du canon y voile trop tous les autres horizons de la civilisation moderne ; c’est l’histoire des armées plutôt que celle des peuples.

1722. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Cette croix, le Persée, et ses Mémoires furent ses éternels monuments, mais le plus impérissable furent ses Mémoires.

1723. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Mais comme au lac profond et sur son limon noir Le ciel se réfléchit, vaste et charmant à voir, Et, déroulant d’en haut la splendeur de ses voiles, Pour décorer l’abîme y sème les étoiles, Tel dans ce fond obscur de notre humble destin Se révèle l’espoir de l’éternel matin ; Et quand sous l’œil de Dieu l’on s’est mis de bonne heure, Quand on s’est fait une âme où la vertu demeure ; Quand, morts entre nos bras, les parents révérés Tout bas nous ont bénis avec des mots sacrés ; Quand nos enfants, nourris d’une douceur austère, Continueront le bien après nous sur la terre ; Quand un chaste devoir a réglé tous nos pas, Alors on peut encore être heureux ici-bas ; Aux instants de tristesse on peut, d’un œil plus ferme, Envisager la vie et ses biens et leur terme, Et ce grave penser, qui ramène au Seigneur, Soutient l’âme et console au milieu du bonheur.

1724. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Croyez-y tant que vous voudrez, mais n’oubliez pas que trop espérer n’est pas plus permis à l’humanité que trop craindre, et quel que soit l’enthousiasme de l’esprit humain, il est constamment borné par trois terribles conditions de sa nature, la brièveté de la vie, la rotation éternelle des choses, et la courte étendue de l’espace et du temps que Dieu a accordé à l’homme.

1725. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Mais il ne dormait pas, car, par un canal souterrain creusé de main d’homme, il traversait une large étoile de sentiers convergents dessinée là entre les avenues de charmilles, et il allait ressortir un peu plus bas en nappe bouillonnante et éternelle par la bouche d’un dauphin de pierre grise toute barbue de mousse d’un vert cru.

1726. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Quand donc partira-t-on de ce principe : qu’il n’y a pas deux raisons, deux logiques dans le monde, mais une seule dont les lois éternelles gouvernent tous les êtres, et dont les manifestations ne varient en eux que par leur intensité et nullement par leur nature ?

1727. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Si les oeuvres de la statuaire antique expriment des émotions légères, qui les effleurent à peine comme un souffle, en revanche la pâle immobilité de la pierre donne au sentiment exprimé, au mouvement commencé, je ne sais quoi de définitif et d’éternel, où notre pensée s’absorbe et où notre volonté se perd.

1728. (1898) La cité antique

C’est qu’il y allait du repos et du bonheur éternel. […] On punissait ainsi l’âme elle-même, et on lui infligeait un supplice presque éternel. […] Elle éleva sa pensée du visible à l’invisible, du passager à l’éternel, de l’humain au divin. […] On lui adressait de ferventes prières pour obtenir de lui ces éternels objets des désirs humains, santé, richesse, bonheur. […] Car alors sa religion disparaîtrait de la terre, son foyer serait éteint, toute la série de ses morts tomberait dans l’oubli et dans l’éternelle misère.

1729. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

À cette beauté, qui avait je ne sais quoi d’immuable et d’éternel comme celle des dieux, à ce grand caractère qui le faisait participer du Tout-Puissant, de Raphaël et du Jupiter de Myron, il semblait qu’on allait voir briller autour de sa tête les éclairs de l’Olympe et du Sinaï. […] « Elle compta son vingt-deuxième printemps, et à la fin de ce court exil, elle reprit le chemin de son éternelle patrie. […] Quand on a assisté à ces joies de la jeunesse, quand on a vu l’espérance briller également sur tant de fronts dont la plupart ont été prématurément jetés dans la poussière et privés de la couronne qu’ils attendaient, on admire les effets de cette ardeur permanente qui travaille régulièrement toutes les générations successives et donne au monde une jeunesse éternelle, une espérance toujours renaissante. […] Oui, mes amis, il est temps de donner un but pratique et sérieux à l’art et d’enfermer les grandes et éternelles vérités dans l’enveloppe du beau, afin qu’on les accepte avec plaisir, avec empressement même, et qu’elles germent et fructifient dans le cœur de l’homme.

1730. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Un mouvement éternel est inventé ; on le perfectionnera, mais ce qu’il contient d’essentiel ne périra jamais. […] C’est l’éternelle opposition du sentiment et, non pas de la raison, du raisonnement. […] Mais la rivière qui meurt est tout de même éternelle comme la mer qui la reçoit dans ses abîmes.

1731. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

La science grammaticale est antérieure à toutes les langues, parce que ses principes sont d’une vérité éternelle, & qu’ils ne supposent que la possibilité des langues : l’art grammatical au contraire est postérieur aux langues, parce que les usages des langues doivent exister avant qu’on les rapporte artificiellement aux principes généraux. […] C’est se méprendre pareillement, que de voir une hypallage dans Horace, quand il dit : Pocula lethoeos ut si ducentia somnos arente fauce traxerim : il est aisé de voir que le poëte compare l’état actuel où il se trouve, avec celui d’un homme qui a bu une coupe empoisonnée, un breuvage qui cause un sommeil éternel & semblable au sommeil de ceux qui passent le fleuve Léthé.

1732. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

c’est l’Abélard éternel, la voix triste et grave que toute haute intelligence porte en soi.

1733. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

À travers les discrètes moqueries ou les intentions morales, on sent que son imagination est heureuse, qu’elle se plaît à contempler les balancements des forêts qui peuplent les montagnes, l’éternelle verdure des vallées que vivifient les sources fraîches, et les larges horizons qui ondulent au bord du ciel lointain.

1734. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Depuis vingt-cinq ans, elle nous bordait tous les soirs dans nos lits, et tous les soirs, c’étaient les mêmes éternelles plaisanteries sur sa laideur et la disgrâce de son physique… Chagrins, joies, elle les partageait avec nous.

1735. (1925) Portraits et souvenirs

Sylvie, c’est le poème du premier amour, le poème de l’éternel regret et du souvenir. […] Quoi de plus humain et de plus éternel que cette simple donnée ?

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