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44. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Derrière la bourgeoisie satisfaite, il aurait continué d’apercevoir les graves et perpétuels symptômes généraux d’invasion qu’il avait dénoncés le premier dans ces termes en 1791 ; après avoir parlé de la grande et première invasion des barbares contre l’Empire romain : « Dans le tableau de cette mémorable subversion, disait-il, on découvre l’image de celle dont l’Europe est menacée. […] Nous continuerons de le suivre hors de France, en faisant remarquer un seul point pour l’explication morale de sa conduite ; c’est que Mallet du Pan n’était point Français. […] Cela dit pour ne laisser aucun embarras dans l’esprit du lecteur, continuons de suivre Mallet hors de France et dans son rôle d’observateur et d’informateur excellent. […] Exposant dans son Mercure britannique, peu de mois avant sa mort, en janvier de l’an 1800, le caractère de la grande commotion qui allait continuer de peser sur le nouveau siècle et qui ouvrait une époque de plus dans l’histoire des vicissitudes humaines, il y montrait en vrai philosophe que le caractère de cette Révolution portait avant tout sur la destruction de toutes les distinctions héréditaires préexistantes, que c’était au fond une guerre à toutes les inégalités créées par l’ancien ordre social, une question d’égalité, en un mot : « C’est sur ce conflit, ajoutait-il, infiniment plus que sur la liberté, à jamais inintelligible pour les Français, qu’a porté et que reposera jusqu’à la fin la Révolution. » Espérons que, même en tenant moins à la liberté qu’il ne faudrait (ce qui est trop évident), nous la comprendrons pourtant assez pour démentir un pronostic si absolu et si sévère. […] … Votre continent me fait horreur avec ses esclaves et ses bourreaux, ses bassesses et sa lâcheté ; il n’y a que l’Angleterre où l’on puisse écrire, parler, penser et agir : voilà ma place, il n’y en a plus d’autre pour quiconque veut continuer la guerre.

45. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

« Une série continue de changements étant ainsi le sujet de la psychologie, son œuvre c’est de terminer la loi de leur succession. […] Nous avons vu que, non-seulement la conscience naît en vertu d’un changement, par la production d’un état différent de l’état précédent, mais que la conscience ne peut continuer, qu’autant que les changements continuent, qu’autant qu’il s’établit des rapports de dissemblance. […] En d’autres termes, elle doit être une différenciation continue de ses états constitutifs. […] Chaque acte de connaissance doit être un acte d’intégration, c’est-à-dire qu’il doit y avoir une intégration continue d’états de conscience. […] Donc toute action mentale quelconque, considérée sous son aspect le plus général, peut se définir : la différenciation et l’intégration continue d’états de conscience.

46. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Ces faits de convergence et de répétition sont les facteurs indispensables de toute invention de réel : c’est par eux, au moyen du phénomène de ralentissement et de condensation qu’ils déterminent, que le réel apparaît stationnaire en marge de la fuite continue du mouvement, qu’il se détache, opaque et consistant, sur le tissu impalpable du changement. […] Constatons encore que la réalité nouvelle, que l’on voit se développer à Rome et en Grèce après l’affaiblissement de la première croyance, continue de prendre son point d’appui sur la réalité ancienne : les fictions romaines sont un admirable exemple de la façon dont se comporte une réalité qui conserve le pouvoir d’évoluer jusque dans sa maturité ; elle se meut et progresse, mais parmi, toutes les modifications scion lesquelles elle se métamorphose, elle ne manque pas de conserver avec son passé le plus ancien des communications secrètes et d’intimes analogies. […] En même temps cette réalité qui continue de vivre et do prospérer en se mouvant dans la pérennité et comme dans le relâchement du moule qui la pétrit, va se dissoudre et périr sitôt que le principe d’une forme idéologique différente, l’idée chrétienne, marque son empreinte sur ses institutions.

47. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

le Clerc qui enfantoit en même tems quantité d’autres ouvrages, & sur toutes sortes de matieres, fit encore paroître la Bibliothèque ancienne & moderne, qu’il continua jusqu’à ce qu’affoibli par l’âge il fut obligé de quitter la plume. […] Ces ouvrages écrits d’une maniere attrayante, ne furent continués que jusqu’en 1753. […] Le Journal des Dames, commencé par M. de Campigneules, & continué par M.

48. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Quelquefois ils continuaient leur nonchalante causerie. […] continua-t-il, les filous se rejoignent de tous les côtés. […] Boris continua à rêver à Viéra. […] » et continua sa marche. […] Pierre continua à la voir.

49. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 38, que les remarques des critiques ne font point abandonner la lecture des poëmes, et qu’on ne la quitte que pour lire des poëmes meilleurs » pp. 554-557

On continuera de les lire et de les admirer, à moins que les poëtes à venir ne produisent quelque chose de meilleur. […] Tandis qu’on ne fera pas mieux, ni même aussi-bien que les anciens, les hommes continueront à les lire et à les admirer, et cette véneration ira toujours en s’augmentant à mesure que les siecles s’écouleront sans qu’il paroisse personne qui ait pû les atteindre.

50. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Ainsi point de conclusion ; nous aimons notre métier de critique et de portraitiste, nous le continuerons selon l’occasion et le moment, suivant que le cœur et la fantaisie nous le diront, et en tâchant de ménager de notre mieux les convenances diverses. […] Si donc quelques-uns de nos confrères les critiques croient trouver qu’il serait de meilleur goût à nous de leur laisser le champ libre désormais et de nous taire, nous continuerons (ne leur en déplaise, et qu’ils nous le pardonnent !)

51. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

J’ai l’intention de continuer ce que j’avais déjà commencé à Tocqueville cet été, avec beaucoup d’entrain et de plaisir, qui était un récit de ce que j’avais vu dans la révolution de 1848 et depuis, choses et hommes. […] Je vois des parties d’un tel ouvrage, je n’aperçois pas d’ensemble ; j’ai bien les fils, mais la trame me manque pour faire la toile : il me faut trouver quelque part, pour mes idées, la base solide et continue des faits. […] J’ai depuis longtemps la pensée, que je t’ai exprimée, je crois, de choisir dans cette grande étendue de temps qui va de 1789 jusqu’à nos jours, et que je continue à appeler la Révolution française, les dix ans de l’Empire, la naissance, le développement, la décadence et la chute de cette prodigieuse entreprise. […] Un tel contre-temps funèbre, survenant en pleines obsèques, scandalisa et déconcerta nombre de hauts personnages officiels présents : on crut devoir télégraphier à Fontainebleau pour savoir si les voitures de la Cour devaient continuer de suivre. […] « Permettez-moi, Monsieur, d’attacher à quelque chose plus d’importance encore qu’au jugement que vous portez sur la Démocratie américaine, c’est à voir continuer et devenir plus fréquents les rapports qui se sont établis entre nous.

52. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Habitué à le voir chaque jour et à causer avec lui à chaque heure, il continue ce commerce de loin par de petits billets charmants d’intention et presque de bonhomie. […] Frédéric gronde son ami de s’être formalisé et d’avoir pris au sérieux un badinage ; il continue quelque temps encore ces plaisanteries qui, si elles ne sont pas de très bon goût, ne sont point du tout d’un mauvais cœur ; il essaye, tandis que la guerre se prolonge, de calmer les inquiétudes de son ami, d’adoucir son humeur noire et de lui insinuer de cette philosophie qui se sent déjà du voisinage de la politique : Je vous prie, mettez-vous l’esprit en repos sur l’Europe. […] C’est, en honneur, tout ce que la nature a droit de demander d’un bon citoyen… Jordan, tout en convenant que ce serait plus sage d’en agir ainsi, continue de s’affliger des maux qui frappent l’espèce en général, par la raison, dit-il, que « la société ne fait qu’un corps », et que tous les membres sont solidaires. […] Plus habituellement, il s’entretient avec lui de leurs goûts communs ; dans les intervalles de loisir, le roi continue d’étudier sous sa tente et d’appliquer son esprit à tous les sujets ; mieux vaut, pense-t-il, dans cette courte vie, user soi-même de ses ressorts, « car ils s’usent sans cela inutilement et par le temps, sans que l’on en profite ». […] Dans cette disette réelle, ayant essayé vainement d’amener d’Alembert, il y eut un seul homme qui lui fut d’une cordiale ressource pendant de longues années encore, et qui continua de lui procurer le sentiment et l’exercice de cette amitié à laquelle il était destiné par la nature : je veux parler de Milord Maréchal, le noble Écossais, le frère du brave maréchal Keith, tué au service du roi, et le protecteur de Jean-Jacques dans la principauté de Neuchâtel.

53. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Ce merveilleux talent d’artiste ne se réservait en rien pour le public, et il continuait de se dépenser en nature autour de lui. […] Il continuait de vivre et de jouer sous ces mille formes que lui dictait un secret instinct ; le crayon jouait sous ses doigts, et la saillie accompagnait le crayon, comme un air qu’on sait suit naturellement les paroles. […] Il ressentit d’abord, en y arrivant, une grande impression de solitude ; le bruit et la vanité qui, jusque dans la maladie, continuent de faire la vie apparente de ces grands rendez-vous, l’offusquaient ; il avait, si l’on ose le dire, quelques préventions un peu exagérées contre ce qu’il appelait notre beau monde ; nature genuine, comme disent les Anglais, il avait avant tout horreur du factice ; mais il ne tarda pas à s’y lier d’un commerce en tout convenable à son caractère et à son esprit avec quelques personnes qui lui prodiguèrent un intérêt affectueux, et particulièrement avec M.  […] Ses yeux, qui s’étaient opposés dès sa jeunesse à ce qu’il continuât, il n’avait plus à les ménager désormais, et il leur demandait comme une dernière sensation d’artiste ce jeu, cette harmonie des couleurs vers laquelle il se sentait irrésistiblement appelé ; il s’enivrait d’un dernier rayon.

54. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Les Gelosi furent libres alors de continuer leur voyage. […] Aussi, les confrères de la Passion, qui continuaient à jouer leurs Farces, leurs Soties et leurs Moralités à l’Hôtel de Bourgogne, et qui jouissaient d’un privilège en vertu duquel il était fait défense à tous autres de représenter des jeux dramatiques dans la ville, faubourgs et banlieue de Paris, s’émurent de la redoutable concurrence que leur faisaient les nouveaux venus. […] La cour défendit aux Italiens de continuer leurs représentations. […] Malgré ces arrêts redoublés, les Gelosi continuèrent pendant le mois de septembre à jouer leurs comédies, « par jussion expresse du roi, dit l’Estoile, la corruption de ce temps étant telle, que les farceurs, bouffons, p… et mignons avaient tout crédit auprès du roi ».

55. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note II. Sur l’hallucination progressive avec intégrité de la raison » pp. 396-399

La troisième nuit, ne dormant pas, il continuait à voir les images de ses rêves, même en ouvrant les yeux dans l’obscurité ; mais à la lumière, elles disparaissaient. […] Il le prit, sa diète était finie, et avec elle finirent les hallucinations ; mais il pense que, s’il avait continué, ses agréables chimères auraient de plus en plus complètement répondu aux bonnes dispositions qu’il commençait à avoir pour elles, et que finalement il eût pu soutenir avec elles ces relations de tousses sens réunis, sans être sûr pourtant que le contrôle impartial de son intelligence eût pu se maintenir. »

56. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

Toutes ces opérations sont simultanées autant que successives, et si l’esprit peut passer de la première à la seconde, c’est que la seconde est déjà dans la première, la continue et la parfait. […] Le seul contact des idées qui doivent être rapprochées suscite d’autres idées : la série qu’on ordonne se continue d’elle-même, après qu’on a classé ses premières acquisitions ; l’œuvre maintenue dans sa droite direction par la sévérité du plan est poussée plus loin, plus haut, plus profondément qu’on n’avait pensé d’abord, et le terme qu’on espérait à peine d’atteindre est allègrement franchi.

57. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 303-308

Il est fâcheux, après cela, que la monotonie trop continue du style, qu’une narration lente & trop timide, affoiblissent, en quelque sorte, aux yeux des Lecteurs délicats, le mérite de cet excellent Ouvrage. […] Si M. l’Abbé Ducreux, Auteur des Siecles Chrétiens, avoit un style moins inégal, ce seroit à lui qu’il appartiendroit de continuer cette Histoire, puisqu’au style près, ses Siecles Chrétiens annoncent toutes les qualités qu’on exige dans un Historien de l’Eglise.

58. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre III. Partie historique de la Peinture chez les Modernes. »

Les persécutions furent poussées si loin, qu’elles enveloppèrent les peintres eux-mêmes : on leur défendit, sous peine de mort, de continuer leurs études. […] Sous l’empire des Goths et des Lombards, le christianisme continua de tendre une main secourable aux talents.

59. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVII » pp. 153-157

— Aujourd’hui dimanche, l’abbé Lacordaire a commencé à prêcher à Notre-Dame pour l’Avent ; il continuera les dimanches suivants. […] — M. de Lamartine continue tous les matins ses improvisations politiques : il n’y a pas de raison pour qu’il n’en paraisse pas une chaque jour ainsi durant des années.

60. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXII » pp. 286-290

Ampère néglige de continuer la sienne qu’il n’a pas poussée au-delà des origines. […] Tel qu’il est, et avec tous les défauts et les infractions qu’il se permet, le Journal des Débats reste le journal le plus décent, le seul même en France qui continue de respecter jusqu’au sein de la publicité certaines habitudes de bonne compagnie, et il est à souhaiter que, dans cette lutte contre la Presse, il réussisse à garder sa prééminence.

61. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. […] Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune.

62. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

Au reste, cet écho intime et secret étant, aux yeux de l’auteur, la poésie même, ce volume, avec quelques nuances nouvelles peut-être et les développements que le temps a amenés, ne fait que continuer ceux qui l’ont précédé. […] Ce résultat, quoique l’auteur de ce livre soit bien peu de chose pour une fonction si haute, il continuera d’y tendre par toutes les voies ouvertes à sa pensée, par le théâtre comme par le livre, par le roman comme par le drame, par l’histoire comme par la poésie.

63. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

D’abord ce n’est qu’avec les plus grandes réserves que nous pouvons inférer de la continuité actuelle d’une région qu’elle est toujours demeurée continue depuis une époque très reculée. […] Mais je ne m’arrêterai pas plus longtemps à ce moyen d’échapper à la difficulté, car je crois que la formation d’espèces très distinctes est possible dans de vastes régions parfaitement continues. […] Or, nous savons que cet instrument a été perfectionné successivement par les efforts longtemps continués d’intelligences humaines d’ordre supérieur : et nous en inférons que l’œil doit avoir été formé par un procédé analogue. […] Chez les vertébrés supérieurs, les branchies ont complétement disparu : les fentes sur les côtés du cou et les arcs aortiques continuent seulement à marquer chez l’embryon leur position primitive. […] Les espèces proche-alliées qui vivent aujourd’hui dans une région continue, doivent souvent s’être formées à une époque où cette même région était discontinue, et lorsque les conditions de vie ne s’y dégradaient pas insensiblement les unes dans les autres.

64. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Il suffirait d’examiner l’Amérique pour en reconnaître la vérité ; car, si nous en retranchons les contrées boréales, où les terres circumpolaires sont presque continues, tous les auteurs s’accordent pour dire qu’une des divisions les plus fondamentales en distribution géographique est celle qu’on observe entre le Vieux monde et le Nouveau. […] Continuant toujours d’avancer vers l’ouest au-delà des îles orientales de la région tropicale de l’océan Pacifique, nous ne rencontrons plus aucune barrière, et nous trouvons, au contraire, des côtes continues ou d’innombrables îles servant de lieux de relâche, jusqu’à ce qu’après avoir traversé un hémisphère entier, nous arrivions aux côtes d’Afrique. […] Et à mesure que la neige disparaîtra du pied des montagnes, les formes arctiques se saisiront du sol découvert et dégelé, toujours s’élevant de plus en plus haut, tandis que leurs semblables continueront leur voyage vers le pôle. […] Maintenant, si nous examinons une sphère, nous voyons que sous le cercle polaire les terres sont presque continues depuis l’Europe occidentale, à travers la Sibérie, jusqu’à l’Amérique orientale. […] Il résulte aussi des lois de la mécanique que, si cet état de choses avait pu se présenter une fois, il n’y aurait pas de raison connue pour qu’il ne continuât pas d’exister ; et l’écran que M. 

65. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Cependant, Molière, qui voyait le train de la cour continuer, l’amour du roi et de madame de Montespan braver le scandale, imagina d’infliger un surcroît de ridicule aux femmes dont les mœurs chastes et l’esprit délicat étaient la censure muette mais profonde et continue de la dissolution de la cour. […] Dirai-je sérieusement, continue-t-il, et protesterai-je avec d’horribles serments, que je ne suis ni auteur, ni complice de ces clefs qui courent, et que je n’en ai donné aucune ?

66. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Ils n’ont pas fait attention que ce qui avait été fondé au commencement continuait d’exister par son énergie propre, et non point par une impulsion sans cesse renouvelée. […] Dieu n’a donné qu’une fois à tous les êtres la faculté de se perpétuer ; et les espèces continuent leur vie immortelle. […] La parole a répandu dans le monde toutes les idées qu’elle avait à y répandre : sa mission est en quelque sorte finie ; mais ce qui existe par elle continue d’exister.

67. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

. — La même barbarie continua dans les républiques aristocratiques ou héroïques. […] Les Romains continuèrent d’employer ce mot pour l’occupation d’une chose par la guerre ; les esclaves furent appelés mancipia, le butin et les conquêtes furent pour les Romains res mancipi, tandis qu’elles devenaient pour les vaincus res nec mancipi. […] L’usucapion fut d’abord une prise de possession au moyen du corps, et fut censée continuer par la seule intention.

68. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

» Il se fit un silence, pendant lequel Goethe continuait à marcher dans la chambre. […] — J’ai eu dans ma jeunesse un temps où je pouvais exiger de moi chaque jour la valeur d’une feuille d’impression, continua-t-il, et j’y parvenais sans difficulté. […] Si le sort m’est favorable, et si je continue à bien me porter, j’espère être arrivé loin dans le quatrième acte aux premiers mois du printemps. […] Elle a continué dans la chambre à nourrir sa famille, et, rendue à la liberté, elle est revenue d’elle-même avec ses petits. […] Il obligea tout le monde à aller se reposer, et il fit coucher sur le lit, à côté de lui, son domestique, épuisé par les veilles continues.

69. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Quand Tallemant des Réaux, par exemple, s’appuyant du manuscrit d’un ancien secrétaire de Du Plessis-Mornay, c’est-à-dire d’un témoignage ennemi, s’amuse à nous conter que tous les soirs, à l’Arsenal, jusqu’à la mort de Henri IV, Sully, déjà arrivé à la cinquantaine, continuait d’aimer si fort la danse « qu’il dansait tout seul avec je ne sais quel bonnet extravagant en tête, qu’il avait d’ordinaire quand il était dans son cabinet », une telle anecdote, qui n’a aucun rapport prochain ni éloigné avec les actes publics de Sully et qui ne saurait être contrôlée, est indigne d’être recueillie par un historien et n’est propre (fût-elle exacte à quelque degré) qu’à déjouer et à dérouter le jugement général, bien loin d’y rien apporter de nouveau. […] Il y fait son entrée et sa marche avec cortège, dans une ovation continue. […] Ce que fit soigneusement Rosny : dans les diverses alternatives et boutades de cour qui suivirent cette sanglante catastrophe, lorsque Henri était traité avec plus d’égards et que ses domestiques avaient liberté de le venir servir, Rosny ne manquait pas à son devoir ; lorsque le prince était retenu en prison et séparé de ses serviteurs, le jeune homme se tenait à l’écart et dans l’attente : Mais, en quelque condition que vous fussiez, lui disent ses secrétaires ; vous preniez toujours le temps de continuer vos études, surtout de l’histoire (de laquelle vous faisiez déjà des extraits tant pour les mœurs que les choses naturelles), et des mathématiques, lesquelles occupations faisaient paraître votre inclination à la vertu. […] On n’oublie pas de nous informer que, tout en se livrant à l’exercice de son métier, il continuait ses études, c’est-à-dire à faire des lectures, levées de plans, cartes du pays, etc. […] L’année suivante, à Nérac, il continue dans le même train : « La Cour y fut un temps fort douce et plaisante ; car on n’y parlait que d’amour et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent, auxquels vous participiez autant que vous pouviez, ayant une maîtresse comme les autres. » Une maîtresse avouée, c’est-à-dire une dame de ses pensées.

70. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Le mémoire, conçu et commencé dans une intention toute particulière, mais bientôt, à mesure que l’auteur avançait et s’y développait, continué et composé réellement en vue du public, est fort utile et fort attachant. […] Les nombreux amis auxquels il lut, cahier par cahier, ces mémoires dont il était si fier, eurent raison d’en féliciter l’auteur, de lui donner des encouragements et des conseils ; de lui recommander « de les continuer dans le plus grand détail qu’il pourrait », de ne rien retrancher « de ce qui peint l’homme dans les moindres circonstances de sa vie », de ne pas trop céder sur ces points au goût simple et un peu nu du trop classique abbé Fleury, lequel en fut d’ailleurs très satisfait. […] Dans le volume suivant, Le Dieu continue de se venger de l’abbé Bossuet au détriment de son oncle, et d’exercer sa mesquine jalousie en notant tout ce qu’il peut attraper de petit et de dénigrant. […] Ce ne sont point de ces détails qui nous déplaisent chez Le Dieu, pas plus que ceux qu’il donne sur la faiblesse tout humaine et plus touchante de Bossuet, sur son désir de guérir ou du moins de continuer de vivre, même avec ses maux. […] Je lui ai lu le quinzième chapitre de l’Évangile de saint Jean, où il a pris un grand goût, disant : « Voilà toute ma consolation. » Puis ajoutant : « Il faut bien remercier Dieu de ce qu’il nous a donné une telle consolation dans nos maux, sans laquelle on y succomberait. » Il s’est promené environ une heure, puis on a continué la lecture des voyages, et le soir il y a eu symphonie.

71. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

On se lisait les uns aux autres les ouvrages qu’on avait composés ; on se critiquait, on s’encourageait. « Les conférences étaient suivies tantôt d’une promenade, tantôt d’une collation en commun. » Pendant trois ou quatre ans, on continua de la sorte avec une entière obscurité et liberté : « Quand ils parlent encore aujourd’hui de ce temps-là et de ce premier âge de l’Académie, nous dit Pellisson, ils en parlent comme d’un âge d’or, durant lequel avec toute l’innocence et toute la liberté des premiers siècles, sans bruit et sans pompe, et sans autres lois que celles de l’amitié, ils goûtaient ensemble tout ce que la société des esprits et la vie raisonnable ont de plus doux et de plus charmant. » Il y avait secret promis et gardé : Qui sapit in tacito gaudeat ille sinu. […] Il est fâcheux que l’on n’ait pas continué l’histoire de l’Académie sur le plan et dans le détail de Pellisson : il s’est arrêté après l’exposé de ce qui arriva pour le jugement du Cid. D’Olivet, dans le morceau fort estimable qu’il a écrit pour continuer celui de Pellisson, raconte simplement et strictement les faits essentiels, mais il est sobre d’agrément. […] La généalogie des fauteuils continuée jusqu’à nos jours, et qui a été inventée, il y a une trentaine d’années, par je sais bien quel professeur d’histoire qui trouvait que cela faisait bon effet dans un tableau synoptique45, est donc fausse comme beaucoup de généalogies. Cependant le public y croit, et, malgré ce que je dis, il pourra bien continuer d’y croire.

72. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Une lettre de Montesquieu, du mois de mars 1748, nous montre Mme Geoffrin, à cette date, réunissant très bonne compagnie chez elle, et centre déjà de ce cercle qui devait, durant vingt-cinq ans, se continuer et s’agrandir. […] On ajoute que, lisant un volume de l’Encyclopédie ou de Bayle qui était imprimé sur deux colonnes, il continuait dans sa lecture la ligne de la première colonne avec la ligne correspondante de la seconde, ce qui lui faisait dire « que l’ouvrage lui paraissait bien, mais un peu abstrait ». […] Le soir, la maison de Mme Geoffrin continuait d’être ouverte, et la soirée se terminait par un petit souper très simple et très recherché, composé de cinq ou six amis intimes au plus, et cette fois de quelques femmes, la fleur du grand monde. […] En un mot, elle continue de représenter l’esprit déjà philosophique, mais encore modérateur, de la première partie du siècle, tant qu’il n’avait pas cessé de reconnaître de certaines bornes. […] Mme de Tencin appelait les gens d’esprit de son monde ses bêtes ; Mme Geoffrin continuait un peu de les traiter sur le même pied et à la baguette.

73. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

En un mot, et avant son mariage (un mariage d’amour qu’il fit à trente ans), et encore après, Diderot continua trop de mener cette vie de hasard, d’occasion, d’expédients, de labeur et d’improvisation continuelle. […] Mme Necker écrivait à Diderot : « Je continue à m’amuser infiniment de la lecture de votre Salon : je n’aime la peinture qu’en poésie ; et c’est ainsi que vous avez su nous traduire tous les ouvrages, même les plus communs, de nos peintres modernes. » Voilà bien l’éloge, et qui, selon quelques gens de goût, est la plus grande critique. […] Diderot trouve que cette pêche offerte par Calypso est une sottise, et que Télémaque a bien plus d’esprit que la nymphe et que son peintre, car il continue le récit de ses aventures sans prendre la pêche qu’on lui offre. […] … Et il continue, et il pousse son élégie à travers l’idylle. […] Mais Diderot y tient et ne manque pas d’y revenir : « Habite les champs avec elle, continue-t-il ; va voir le soleil se lever et se coucher… Quitte ton lit de grand malin, malgré la femme jeune et charmante près de laquelle tu reposes… » La suite de la description du paysage a beau être ravissante de pureté, et comme tout humectée de rosée et de lumière, on sent combien ce coin entrouvert de l’alcôve maritale, qui revient à deux ou trois reprises, est déplacé et presque indécent.

74. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

« Si cette mode continue, disait Voltaire, il y aura bientôt autant d’histoires de Ninon que de Louis XIV. » Tallemant des Réaux, depuis, a donné la chronique toute nue et des détails très circonstanciés. […] Elle ne partit point ; elle continua sa même vie, en en baissant légèrement le ton. […] qu’elle s’était acquise, le nombre et la distinction de ses amis et de ses connaissances, continuèrent à lui attirer du monde quand les charmes eurent cessé, et quand la bienséance et la mode lui défendirent de plus mêler le corps avec l’esprit… Sa conversation était charmante. […] Et Mme de Maintenon, très liée dans sa jeunesse avec Ninon, mais déjà en pied à la Cour et dans la plus haute faveur, lui écrivait, en lui recommandant son frère (Versailles, novembre 1679) : « Continuez, mademoiselle, à donner de bons conseils à M. d’Aubigné ; il a bien besoin des levons de Leontium 18. […] En sortant de là, les interlocuteurs continuent de parler d’elle et de se redire ses diverses qualités aimables.

75. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Ceux qui admiraient son art et sa force sentaient pourtant quelques-uns de ses défauts, cette description trop continue, cette tension perpétuelle qui faisait que chaque objet venait saillir au premier plan et tirer le regard ; on aurait voulu aussi que, sans renoncer à aucune hardiesse, à aucun droit de l’artiste sincère, il purgeât son œuvre prochaine de tout soupçon d’érotisme et de combinaison trop maligne en ce genre : l’artiste a bien des droits, y compris celui même des nudités ; mais il est besoin qu’un certain sérieux, la passion, la franchise de l’intention et la force du vrai l’absolvent et l’autorisent. […] Elle menace, si le désordre continue, d’emporter avec elle le Génie de la maison, le serpent noir qui dort là-haut sur des feuilles de lotus : « Je sifflerai, il me suivra, et, si je monte en galère, il courra dans le sillage de mon navire, sur l’écume des flots. » Tout ce qu’elle chante est harmonieux ; elle s’exprime dans un vieil idiome chananéen que n’entendent pas les Barbares ; ils n’en sont que plus étonnés. […] Or, je demande déjà (et chacun en est juge) si introduire et répandre sur le petit nombre de faits positifs donnés par Polybe et répétés par d’autres historiens un élément religieux et mystique de cette nouveauté conjecturale, et bientôt un élément de passion amoureuse et tout à fait romanesque, ce n’est pas faire un poème, une invention au premier chef. — Mais je continue d’exposer. […] Je continuerai cette analyse de Salammbô, et j’y ajouterai un jugement et quelques doutes sur le système embrassé par l’auteur, et que tout son talent et tout son effort, également visibles, n’ont pu me faire accepter.

76. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Il faut attendre le temps du voyage de Barèges, et le faire si le petit duc le fait… J’ai grande envie d’aller à Maintenon, mais les maux de ces enfants me retiennent. » Les irrésolutions concernaient l’alternative de se retirer de la cour ou d’y continuer sa résidence. […] Je ne reçois de lettres que d’un seul homme, et si l’on continue, on me persuadera qu’il ne faut faire fond que sur des gens dont l’amitié est plus vive que vous ne le voulez. […] Le 12 juin, elle lui écrit ce qui suit : « Madame de Montespan continue son bâtiment ; elle s’amuse fort à ses ouvriers. […] Nous ne tarderons pas à voir si c’était pour que ma prétendue pénitente fût dédommagée d’un sacrifice héroïque, ou pour qu’elle fût en position de continuer son ancienne vie, en se couvrant d’un voile imposteur.

77. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Il y avait des incrédules du temps de Pascal ; le xvie  siècle en avait engendré un assez grand nombre, surtout parmi les classes lettrées ; c’étaient des païens, plus ou moins sceptiques, dont Montaigne est pour nous le type le plus gracieux, et dont nous voyons se continuer la race dans Charron, La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé. […] Il continue dans cette voie de déduction large, agréable et facile, mêlée çà et là de petits élans d’affection, mais sans orage. […] Il faut citer ce passage d’une souveraine beauté : Qui voit Pythagore ravi d’avoir trouvé les carrés des côtés d’un certain triangle, avec le carré de sa base, sacrifier une hécatombe en actions de grâces ; qui voit Archimède attentif à quelque nouvelle découverte, en oublier le boire et le manger ; qui voit Platon célébrer la félicité de ceux qui contemplent le beau et le bon, premièrement dans les arts, secondement dans la nature, et enfin dans leur source et dans leur principe, qui est Dieu ; qui voit Aristote louer ces heureux moments où l’âme n’est possédée que de l’intelligence de la vérité, et juger une telle vie seule digne d’être éternelle, et d’être la vie de Dieu ; mais (surtout) qui voit les saints tellement ravis de ce divin exercice de connaître, d’aimer et de louer Dieu, qu’ils ne le quittent jamais, et qu’ils éteignent, pour le continuer durant tout le cours de leur vie, tous les désirs sensuels : qui voit, dis-je, toutes ces choses, reconnaît dans les opérations intellectuelles un principe et un exercice de vie éternellement heureuse. […] Quelques curieux et quelques érudits continueront d’étudier à fond tout Pascal ; mais le résultat qui paraît aujourd’hui bon et utile pour les esprits simplement sérieux et pour les cœurs droits, le conseil que je viens leur donner d’après une lecture faite dans cette dernière édition des Pensées, c’est de ne pas prétendre trop pénétrer dans le Pascal particulier et janséniste, de se contenter de le deviner par ce côté et de l’entendre en quelques articles essentiels, mais de se tenir avec lui au spectacle de la lutte morale, de l’orage et de cette passion qu’il ressent pour le bien et pour un digne bonheur.

78. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

I L’idée du moi On éprouve la même difficulté à construire la conscience continue avec des sensations qui, pour l’analyse abstraite, semblent détachées, qu’à construire une ligne avec des points, un mouvement continu avec des moments successifs. […] Enfin tout vient aboutir à l’idée du moi, comme les rayons au centre, et ce centre est un mobile toujours en progrès sur une ligne continue. […] La pensée continuera donc le mouvement vers l’unité commencée dans la sensibilité et l’appétit : pour se conserver et se développer, elle unifiera, elle aussi, elle réalisera, par une faim et une soif d’ordre supérieur, une intussusception, une assimilation, une nutrition interne. […] L’être vivant veut continuer de vivre, tout comme le mobile persévère dans son mouvement et dans la direction de son mouvement, à moins qu’une force extérieure ne l’arrête ou ne le dévie.

79. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Combien d’élèves des Facultés continueraient à étudier si les études ne rapportaient quelques avantages matériels ? […] Plus d’une jeunesse est une puérilité qui continue.

80. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

En 93, ils parlaient par la bouche de Camille Desmoulins du sans-culottisme de Jésus-Christ, et depuis ce temps-là ils ont continué de nous donner le Sauveur des hommes pour l’ennemi de ce pouvoir temporel qu’il est venu, au contraire, affermir en le purifiant. […] éperdu de sentiments qui entraînaient l’honneur de son passé et de sa vie, il passa outre, et la thèse qu’il soutint, il ne l’épuisa pas : elle fut continuée.

81. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Mais, justement, il est remarquable que ces lettres, adressées à une jeune cousine, d’humeur frivole, à ce qu’il semble, continuent, sous leur simplicité relative et leur demi-abandon, l’attitude morale qu’exprimaient Moïse, la Colère de Samson, le Christ aux Oliviers et la Maison du Berger, et attestent à la fois la sincérité et la profondeur de son pessimisme et l’efficacité merveilleuse de son orgueil. […] Il désire même ne plus la voir, sinon en passant. « … Si vous continuez à faire chaque jour vos trente visites nécessaires, indispensables, supposez-moi à Londres, et vous vous acquitterez de ces délicieux devoirs. » Ce qu’il attend d’elle, c’est, tout au plus, la dernière vision d’une forme agréable… Oui, sa mort sera bien la « Mort du Loup ». […] Toutefois, venu à Paris, il continue de gaspiller ses jours et les présents des fées : mais une femme — sa femme — le recueille, l’apaise à la fois et le fortifie, et, en apportant à ce tzigane l’ordre et la paix du foyer, le fait capable de tâches sérieuses et de beaux livres. […] Mais, presque autant que le pesant Balzac, Daudet, de sa main légère, pétrit des êtres qui continuent de vivre, et « fait concurrence à l’état civil ». […] Ce n’est qu’un paysage de la terre, allégé, angélisé, un paysage avec des fleurs, des arbres, des clochers et des noms de paroisses, et des angélus, et des cérémonies, et des processions ; et les saints et les élus continuent d’y faire ce qu’ils ont fait ici-bas, — comme les ombres des morts dans l’île des Cimmériens, avec plus de joie seulement.

82. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Dans Les Conditions du vrai Poète, il continue de mettre sa poétique en vers ; il paraphrase Horace pour le Quem tu Melpomene semel…  ; il combine divers endroits du lyrique romain, sentant qu’il ne peut les égaler. […] Le poète a ouvert la bouche et a poussé un beau son, mais les mots gaulois, le français de son temps, sont trop minces pour cette gravité latine et cette plénitude continue qu’il y faudrait. […] Par malheur, il ne s’arrête pas à temps, et, au lieu de clore le sonnet sur cet excellent tercet, il continue, il compare encore ses vers à la lance d’Achille, qui blesse et guérit tour à tour, au scorpion, qui sert de remède à son propre venin : en cela il est de son siècle ; le goût n’était pas venu. […] Par là, Monseigneur, vous pourrez juger si mon livre a été si mal reçu et interprété des personnages d’honneur comme de ceux qui vous l’ont envoyé avec persuasion si peu à moi avantageuse… » Du Bellay continue, en se défendant d’avoir voulu en rien toucher à l’honneur de Son Éminence, ce qui serait à lui « non une méchanceté, mais un vrai parricide et sacrilège ». […] Le chancelier y déclare n’avoir jamais rencontré jusque-là en aucun auteur français pareille vivacité et distinction de style et une grâce aussi continue.

83. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Le grand Alcandre, pour avoir le plaisir de voir madame de Montespan, allait plus souvent chez madame de La Vallière, et madame de La Vallière, se faisant l’application de ces nouvelles assiduités, en aimais davantage encore madame de Montespan… Mais enfin… elle s’aperçut bientôt de la vérité… elle se plaignit au grand Alexandre, qui lui dit qu’il était de trop bonne foi pour l’abuser davantage ; qu’il aimait madame de Montespan ; mais que cela n’empêchait pas qu’il ne l’aimait comme il devait, et qu’elle devait se contenter de ce qu’il faisait pour elle… Nouveaux pleurs, nouvelles plaintes… Mais le grand Alcandre n’en étant pas plus attendri, lui dit une seconde fois que si elle voulait qu’il continuât de l’aimer, elle ne devait rien exiger de lui au-delà de sa volonté ; qu’il désirait qu’elle vécût avec madame de Montespan comme par le passé, et que si elle témoignait la moindre chose de désobligeant à cette dame, elle l’obligerait à prendre des mesures. […] De Compiègne, la cour revint à Versailles, et là le roi, dit toujours Mademoiselle, continua les mêmes visites particulières à madame de Montespan . […] Elle alla à son retour voir madame de Montausier qui était malade à Paris depuis longtemps : l’origine de son mal venait d’une peur qu’elle avait eue dans un passage derrière la chambre de la reine. » Mademoiselle continue à dissimuler que la véritable cause de la maladie de madame de Montausier fût la certitude acquise inopinément de la trahison dont la reine et elle avaient été les dupes, et la honte d’avoir inconsidérément protégé l’outrage fait à un mari malheureux.

84. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Il suffit de se continuer soi-même par la pensée derrière l’obstacle qu’on rencontre, sous forme d’une volonté autre, d’un effort autre. […] Nous n’avons qu’à continuer ainsi : quand nous arrivons au groupe des sensations, émotions et appétitions qui nous constituent, il ne nous est pas difficile de concevoir autre chose que notre moi, comme nous concevons autre chose que la couleur, ou le son, ou l’odeur. […] Ce n’est pas le non-senti et l’inconscient que nous objectivons sous forme de réel au-delà du senti, c’est au contraire le senti et le conscient que nous continuons au-delà du non-voulu, du forcé, surtout si ce forcé est douloureux.

85. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Et, en effet, prendre un chef-d’œuvre où il a été laissé, le continuer ou le réparer dans ses parties endommagées ou croulantes, n’est-ce pas montrer que, si l’on n’est pas le créateur même du chef-d’œuvre, on en est aussi près que possible, puisqu’on peut le suppléer dans l’achèvement de sa création ? […] Nous avons l’œuvre spéculative de Daly, cette œuvre d’une haleine immense, qui respire dans les vingt volumes in-4º de la Revue de l’Architecture, et qui continuera d’y respirer pendant peut-être vingt autres encore, nous l’espérons, pour le bonheur de la science du xixe  siècle, qui peut s’y voir, et le profit du xxe qui devra l’y retrouver les jours qu’il aura besoin d’elle ! […] Où l’idéal se brise pour moi et devient l’impossible, il continue, pour lui, d’être à la portée de la main humaine.

86. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Alloury, le philosophe de son propre néant, continuait d’être ce qu’il avait toujours été : un simulacre. […] À mon sens, les Werther de la supériorité méconnue ou non prouvée sont aussi ennuyeux que les autres Werther, et même plus, quand, au lieu de se brûler la cervelle, ils continuent de se la vider dans une ribambelle d’articles pinces de dépit ou jaunes d’acrimonie. […] III J’ai dit maintenant à peu près tout ce que j’avais à dire sur un homme qu’il m’est impossible de ne pas croire fort au-dessous de la fortune littéraire qu’on lui a faite, mais qui aurait pu la continuer, et même mieux que s’il était fort au-dessus.

87. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il n’eût pas mieux demandé que de continuer de faire, comme un simple particulier, le cours d’économie politique qu’il avait repris à l’Athénée (1800-1801). […] Il en était encore à un certain projet de listes nationales de notabilités, projet conçu et adopté dans le premier ordre consulaire et provenant de Sieyès : comme Roederer avait été le rédacteur de ce projet de loi, il continuait de le croire existant, non incompatible avec les changements survenus, et il en écrivit en ce sens au premier consul, qui crut sentir à l’instant qu’il n’était plus compris. […] Mais, en perdant la faveur proprement dite, il garda et continua de mériter l’estime et jusqu’à un certain point la confiance du chef de l’État. […] En un mot, il est pour une raison trop continue, trop suivie ; il n’admet pas ces coups d’archet en toute chose qu’il faut de temps en temps en France. […] Je me borne, pour ces années, à noter quelques paroles tirées çà et là des conversations de l’empereur, et par lesquelles cette grande nature continue de se définir elle-même avec l’accent qui lui est propre.

88. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Elle continue de plaire de plus en plus ; M. le dauphin l’aime un peu trop ; il a des bouderies et des colères même dont elle sait très bien profiter, et elle passe pour une personne habile, parmi les femmes : ce qui est un cours de philosophie qui leur est particulier et dont nous ne faisons que nous douter. […] La mission secrète dont s’était doublée à Dresde la mission ostensible du duc de Richelieu, et qui consistait à prendre la Saxe pour médiatrice entre la France et l’Autriche, n’ayant point abouti ni même acheminé à une entente, la guerre continua de plus belle en Flandre, et le maréchal de Saxe dut se remettre résolument à la besogne dès le printemps de 1747. […] » Et dans la suite de son histoire, il ne retire qu’en partie ces éloges et continue d’exalter la résistance désespérée de la pauvre femme, « résistance faite au nom du devoir, au nom de l’honneur !  […] » — « La lecture », disait l’abbé. — « Oui, répliquait drôlement Mme Favart, nous disons notre bréviaire : allons, l’abbé, il est tard, il faut se lever ; continuez. » Et l’abbé de continuer, et elle de répondre amen.

89. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Lamoureux à continuer, en lui garantissant la sécurité de ses représentations. […] Lamoureux, pouvant continuer, NE L’A PAS VOULU, et qu’il a préféré une retraite avec pour lui tous les honneurs de la guerre, quitte à ruiner par là le wagnérisme. […] Carvalho rouvrira son usine ; les rendez-vous de noble compagnie continueront à s’y donner, sous les regards propices des agences matrimoniales, et l’on s’efforcera d’y célébrer dignement le vin, l’amour et le tabac, car c’est là, c’est là le refrain du bivouac. […] Seul, Albert de Lasalle continua d’associer le mort et le vivant : il avait la rancune ample et synthétique ; Berlioz et Wagner, c’était tout un pour le pauvre garçon. […] » — et ça continue encore aujourd’hui !

90. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Les langues sont donc une révélation générale qui ne quitte jamais les sociétés humaines ; elles sont aussi une révélation continue pour tout le genre humain depuis l’origine des choses, et qui durera jusqu’à la fin des temps. […] Les dieux d’Homère ne régnaient plus sur l’Olympe, mais les prestiges et les amulettes avaient encore une prise terrible sur les esprits effrayés ; et les sages voulaient pouvoir continuer à dédaigner les croyances de la multitude. […] Si Boileau se fût élevé à cette haute considération, il aurait connu les ressources de l’épopée chrétienne ; son esprit réservé et sévère n’aurait pas été effrayé d’une profanation qui était impossible pour le véritable poète ; et il n’aurait pas continué à perpétuer parmi nous le règne caduc des divinités de la Grèce. […] Ainsi donc, si le cycle épique de la haute antiquité nous fût parvenu entier, et qu’il eût été continué par les poètes des âges postérieurs ; si les modernes eussent conçu l’épopée dans toute son étendue, et eussent fait un cycle épique, éclairé par la révélation, nous aurions la vraie histoire du genre humain. […] La langue hébraïque, quoique perdue pour les Juifs eux-mêmes, continue d’enchaîner les enfants d’Israël dans ses liens immortels : ils ne peuvent se fondre parmi les nations au milieu desquelles ils vivent dispersés.

91. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Assez différents sont ceux que suggère une lumière continue et douce, comme celle de la lune. […] Nous continuons d’ailleurs, une fois endormis, à entendre certains bruits du dehors. […] Devant cet assemblage dépourvu de sens, l’intelligence (qui continue à raisonner, quoi qu’on en ait dit) cherche une signification ; elle attribue l’incohérence à des lacunes qu’elle comble en évoquant d’autres souvenirs, lesquels, se présentant souvent dans le même désordre, appellent à leur tour une explication nouvelle, et ainsi de suite indéfiniment. […] Car l’esprit continue à fonctionner pendant le sommeil ; il s’exerce — nous venons de le voir — sur des sensations, sur des souvenirs ; et soit qu’il dorme, soit qu’il veille, il combine la sensation avec le souvenir qu’elle appelle. […] Nous ne dormons pas pour ce qui continue à nous intéresser.

92. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Nous continuâmes à parcourir la forêt jusqu’au soir. […] oui, continua Kondrate ; il a perdu cette nuit sa dernière vache. […] Les images du passé continuèrent à monter lentement dans son âme, se mêlant et se confondant avec d’autres tableaux. […] La voix se tait, le cousin continue de bourdonner. […] La voiture continua sa route en se balançant sur ses ressorts.

93. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

On l’appelle la philosophie de la perfectibilité indéfinie et continue de l’humanité ici-bas. […] La philosophie de la perfectibilité continue et indéfinie n’est donc pas seulement l’illusion, elle est la dérision de l’espèce humaine. […] » continue cette philosophie primitive de l’Inde. […] Pendant que les bergeries de cette philosophie de la transfiguration de l’homme en dieu ici-bas font couler dans les idylles les ruisseaux de lait et de miel, l’homme continue à s’abreuver de ses pleurs, à gémir et à mourir aux chants faux de ces tristes épicuriens de la vallée de misère. […] « Poèmes épiques, continue le savant traducteur, systèmes de philosophes, théâtres, mathématiques, grammaire, droit, le génie indien a tenté toutes les grandes directions de l’intelligence.

94. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Michelet poursuit sans relâche, à travers les récréations d’histoire naturelle qui le délassent plutôt qu’elles ne le détournent, la série des études qui ont pour objet de continuer et de compléter les premiers volumes de son Histoire de France, commencée en 1833, interrompue en 1844, et qui doivent bientôt la rejoindre à son Histoire de la Révolution, conçue et composée depuis lors dans le feu des agitations sociales et des tempêtes civiles. […] Ne cherchez point de chaussée historique, bien cimentée, solide et continue : le parti pris des points de vue absolus domine ; on court avec lui sur des cimes, sur des pics, sur des aiguilles de granit, qu’il se choisit comme à plaisir pour en faire ses belvédères. […] « Les savants se donnent beaucoup de peine, continue le correspondant supposé, pour découvrir en quelle occasion cette médaille a pu être frappée dans l’antiquité. […] Il est sensible à nos chansons ; il aime la poésie : elle adoucira son cœur, et le rendra aussi aimable qu’il est fier. » Alors Philomèle continua seule : «  Que ce jeune héros croisse en vertu, comme une fleur que le printemps fait éclore !

95. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

En abordant aujourd’hui Napoléon, c’est-à-dire le plus grand des individus de ce temps-ci, il cherche, par une éclatante et courageuse épreuve, à confirmer et à continuer l’idée métaphysique qu’il a conçue du développement historique de l’humanité. […] Il est vrai qu’il faut lui tenir compte, en le comparant avec l’un, du souffle et de l’ampleur continue qu’il déploie ; et en le comparant avec l’autre, de la pensée et de la moralité idéale, qui, bien que parfois nuageuse, tend toujours à racheter ces imperfections de forme. […] On ne sait pas bien physiquement où il se termine, où l’homme, l’individu existe véritablement, et à partir de quel endroit le tourbillon d’idées environnantes imite et continue l’image. […] Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.

96. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

En effet, c’est seulement pour la commodité de l’étude que nous séparons nos événements les uns des autres ; ils forment effectivement une trame continue où notre regard délimite des tranches arbitraires166. […] La planche reste une et continue ; on ne peut pas dire qu’elle soit la série de ses morceaux ajoutés bout à bout, puisqu’elle n’est divisée que pour l’œil ; et cependant elle équivaut à la série de ses morceaux ; eux ôtés, elle ne serait plus rien ; ils la constituent. […] Par une illusion d’optique semblable, nous créons une substance vide qui est le moi pris en lui-même. — De même que la planche n’est que la série continue de ses divisions successives, de même le moi n’est que la trame continue de ses événements successifs.

97. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

A Lyon, où il fait souvent l’école buissonnière et passe des journées dans les bois ou le long de l’eau ; au collège de Sarlande, où il invente des histoires pour les « petits », à Paris même, où, fraîchement débarqué, de ses yeux de myope encore tout pleins de songerie, il s’essaye à regarder ce monde nouveau qu’il peindra si bien, le petit Chose, délicat et joli comme une fille, timide, fier, impressionnable, distrait, continue de rêver effrontément, fait des vers sur des cerises, des bottines et des prunes, chante le rouge-gorge et l’oiseau bleu, soupire le Miserere de l’amour, et adresse à Clairette et à Célimène des stances cavalières qui semblent d’un Musset mignard et où l’ironie, comme il convient, se mouille d’une petite larme. […] L’âme de ce cher petit Chose, qui n’a pas eu une enfance heureuse et qui a songé des songes si jolis et si tendres, continue de flotter, légère, sur les romans vrais de M.  […] Et la conversation continue sur ce ton… Pas la moindre émotion de se voir, rien à se dire, rien… Le litre fini, le fils se lève. […] C’est l’histoire du petit Turco Kadour fourvoyé dans la Commune au sortir de l’hôpital, croyant continuer la guerre contre les Allemands et tué par les Versaillais sans y rien comprendre83 .

98. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Mais par-delà la restriction apportée par la nouvelle formule, l’esprit continua de percevoir comme élément principal du Bovarysme ce pouvoir de se concevoir autre sur lequel le Bovarysme des personnages de Flaubert avait attiré l’attention ; le Bovarysme devint ce pouvoir même, si bien que l’on en est venu à conserver ici pour désigner la faculté d’évolution elle-même ce terme de Bovarysme qui fut employé d’abord pour désigner une défaillance de cette faculté. […] Or dans tous ces cas, ce que l’esprit distingue toujours avec netteté, ce qui continue de se montrer comme la marque caractéristique du phénomène, c’est ce pouvoir de se concevoir autre, cette sensibilité par laquelle l’être humain offre prise aux images, nous enseignant qu’il peut être par elles déplacé, entraîné hors du lieu psychologique où il est présentement situé. […] On peut leur opposer en contraste les peuples d’Europe qui, après avoir subi de multiples métamorphoses, continuent de se montrer aptes à accepter encore des changements nouveaux. […] Si l’instinct de conservation continue de l’animer, elle n’évoluera que dans le sens nécessité par ses antécédents historiques.

99. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Comment pourrais-je même passer de l’un à l’autre sans interruption, sans solution de continuité, s’il n’y avait pas en moi, outre la conscience de cette pluralité phénoménale, la conscience d’une unité continue, qui est la trame de toute ma vie, et qui en fait même l’intérêt, comme dans un drame l’unité d’action est l’âme et la vie du drame ? […] Ce que l’on appelle le moi, c’est cette union de l’un et du plusieurs rendue intérieure à soi-même par la conscience, et par une conscience continue. […] De là cette terreur de la mort dont la foi la plus vive ne parvient pas toujours à triompher, car la vie dans des conditions absolument inconnues nous est encore comme une espèce de mort, et le néant lui-même semble moins effrayant pour l’imagination que cette transformation radicale où le moi actuel continuerait à subsister dans un autre moi. Ce n’est pas tout ; non-seulement l’esprit n’a conscience de lui-même que dans une portion limitée du temps, resserrée entre un avant et un après infinis, mais cette durée même de la conscience n’est pas continue.

100. (1887) La banqueroute du naturalisme

étudier l’homme tel qu’il est, non plus leur pantin métaphysique, mais l’homme physique, déterminé par le milieu, agissant sous le jeu de tous ses organes… N’est-ce pas une farce que cette étude continue et exclusive de la fonction du cerveau ?.. […] Zola par lui-même, et de son naturalisme : à l’étude exclusive et continue des fonctions du cerveau, l’auteur de Pot-Bouille et de La Terre a substitué l’étude non moins exclusive et non moins continue des fonctions du ventre. […] Zola, — qu’il ne spécule point lui-même sur le mal que l’on dira de son roman, que les gravelures et les obscénités dont il l’a semé, c’est par scrupule d’observateur et conscience d’artiste, et que, s’il nous promène aussi complaisamment parmi de si sales images, ce sont toujours les excès de l’idéalisme ancien qui continuent de l’y obliger.

101. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Thiers continue le récit de la Révolution depuis le 9 thermidor et le poursuit jusqu’à la fin de l’année 1796 ; il nous donne la dernière moitié de la Convention et le commencement du Directoire. […] Le procès continua, il provoqua en partie l’insurrection du 12 germinal, espèce de 20 juin tenté contre l’Assemblée par les Jacobins des faubourgs ; et cette insurrection, à son tour, hâta l’issue du procès. […] Nous continuerons dans un prochain article l’examen de ces deux volumes encore plus remarquables que les précédents.

102. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Pour un esprit comme le sien, pour un esprit jeune alors, animé, plein de sève, et par-dessus tout cela poétique (il venait de publier un volume de vers), c’était une charge, mais non une charge d’âme, que de continuer Sismondi, — Sismondi, l’historien érudit, si l’on veut, mais l’historien sans vie réelle, sans mouvement, sans chaleur, et l’un des écrivains de cette belle école grise de Genève qui, pour le gris, le pesant et le froid, a remplacé avantageusement Port-Royal ! […] Il continua son Sismondi, mais sans l’imiter. […] Ce n’est pas uniquement, du reste, par la manière et le talent de l’expression qu’Amédée Renée diffère de ce Sismondi auquel il a succédé bien plus qu’il ne le continue.

103. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

À la page 143 de son recueil, il parle avec inquiétude de sa tâche, qu’il continuera, « au risque de glaner des riens et de tondre sur des vétilles ». […] Nous trouverons peut-être qu’il l’a répété dans le prochain ouvrage de Fournier, qui va continuer ses publications érudites, et va, je l’espère bien, continuer à râper son sucre toujours aussi fin, dans ces sucriers recherchés des dames et qui s’appellent de ces agréables noms : le Vieux-neuf 21 (j’aimerais mieux du Vieux-Sèvres !)

104. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

Je commence à bâtons rompus de petites nouvelles : —  L'abbé Lacordaire continue de prêcher l’Avent à Notre-Dame devant un auditoire immense. […] Honoré sous la Restauration de l’amitié du duc d’Orléans, estimé de tous, poëte politique le plus en faveur dans les classes moyennes, il n’a rien pris pour lui au moment du triomphe ; il a continué de cultiver les lettres et n’a pas changé de théâtre.

105. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Après que l’usage de ne plus chanter toutes les poësies eut été introduit, et qu’on eut commencé à reciter simplement quelques especes de vers, on ne laissa pas de continuer à nommer toujours chant la récitation de toute sorte de poësie. Il y eut encore plus, ajoute Strabon, on continua de dire chanter pour reciter, après qu’on se fut mis à composer en prose.

106. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

— Je continuerai à la servir, comme d’ordinaire. — Allons donc ! […] elle l’a abandonné, — continua-t-il à demi-voix en me montrant l’enfant. […] Nous continuâmes à nous avancer en marchant au milieu des fougères et des orties. […] Le ciel continuait à s’éclaircir ; on commençait à y voir dans le bois. […] La pluie continuait toujours ; j’attendais impatiemment le dénouement de cette triste scène.

107. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

Sorti de l’École, il continuerait à ne briller, par lui-même, que d’un éclat tempéré. […] On m’assure que cela a continué.

108. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Prenons donc une de ses parties : arrivé à sa limite, vous apercevez une autre partie qui la continue. […] Taine a écrit de plus ingénieux et de plus spécieux en philosophie, je trouve les vices de raisonnement suivants : de ce que, prenant une partie j’aperçois qu’elle est continuée par une autre, je dois conclure, dites-vous, que toute partie (étant semblable à la première par hypothèse) peut aussi être continuée. […] C’est un fait d’expérience que telle partie d’étendue est continuée par une autre : c’est une loi rationnelle et logique qu’une partie quelconque d’étendue ne peut pas ne pas être continuée par une autre. […] Car de la première, je dis qu’elle est continuée parce que je le vois ; mais de toute autre je l’affirme parce que je le conçois nécessairement. […] C’est donc à vous de démontrer qu’il n’y a point d’hiatus et que l’évolution est continue.

109. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Le résultat de cet examen ne nous paraît pas douteux : on s’apercevra bien vite que la grandeur de la sensation représentative tient à ce qu’on mettait la cause dans l’effet, et l’intensité de l’élément affectif à ce qu’on introduisait dans la sensation les mouvements de réaction plus ou moins importants qui continuent l’excitation extérieure. […] En effet, si la cause extensive varie d’une manière continue, la sensation colorée change d’une manière discontinue, passant d’une nuance à une autre nuance. […] La mesure se fait d’ailleurs sans peine, parce que les nuances successives du gris amenées par une diminution continue d’éclairage sont discontinues, étant des qualités, et que nous pouvons compter approximativement les principaux intermédiaires qui séparent deux d’entre elles. […] A mesure qu’il fait croître la différence d’éclat entre l’anneau extérieur et l’anneau moyen, l’écart entre les chiffres auxquels s’arrêtent tour à tour un même observateur ou des observateurs différents augmente d’une manière à peu près continue de 3 degrés à 94, de 5 à 73, de 10 à 25, de 7 à 40. […] Supposez, en effet, que j’éprouve une sensation S, et que, faisant croître l’excitation d’une manière continue, je m’aperçoive de cet accroissement au bout d’un certain temps.

110. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Elle continue à lui écrire dans l’autre vie. […] C’est tout ce qui vous viendra, ô vous qui voulez que je continue ces cahiers, mon tous les jours au Cayla. J’allais cesser de le faire, il y avait trop d’amertume à lui parler dans la tombe ; mais puisque vous êtes là, frère vivant, et avez plaisir de m’entendre, je continue ma causerie intime ; je rattache à vous ce qui restait là, tombé brisé par la mort. […] Là je m’arrête ; à cette pensée s’attache un million de pensées mortes et vives, mais surtout mortes ; mon mémorandum, commencé pour lui, continué pour vous au même jour, daté de quelque joie l’an dernier et maintenant tout de larmes. […] ce petit Journal qui continuera ma pensée et ma vie, cette vie maintenant hors de son cours ordinaire, comme si notre ruisseau se trouvait transporté sur les bords de la Loire, cette Loire, ce pays que je ne devais jamais voir, tant j’en étais née loin.

111. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Il part de cette idée qu’il y a une évolution continue du genre humain qui consiste dans une réalisation toujours plus complète de la nature humaine et le problème qu’il traite est de retrouver l’ordre de cette évolution. […] Un peuple qui en remplace un autre n’est pas simplement un prolongement de ce dernier avec quelques caractères nouveaux ; il est autre, il a des propriétés en plus, d’autres en moins ; il constitue une individualité nouvelle et toutes ces individualités distinctes, étant hétérogènes, ne peuvent pas se fondre en une même série continue, ni surtout en une série unique. […] Nous nous moquons aujourd’hui des singuliers raisonnements que les médecins du moyen âge construisaient avec les notions du chaud, du froid, de l’humide, du sec, etc., et nous ne nous apercevons pas que nous continuons à appliquer cette même méthode à l’ordre de phénomènes qui le comporte moins que tout autre, à cause de son extrême complexité. […] De même, les actes taxés crimes par les sociétés primitives, et qui ont perdu cette qualification, sont réellement criminels par rapport à ces sociétés, tout comme ceux que nous continuons à réprimer aujourd’hui. […] S’il y en a et si le concept formé par le groupement des faits ainsi rapprochés coïncide, sinon totalement (ce qui est rare), du moins en majeure partie, avec le concept vulgaire, on pourra continuer à désigner le premier par le même mot que le second et garder dans la science l’expression usitée dans la langue courante.

112. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Quant à continuer contre toutes sortes de survenants nouveaux la même guerre exactement qu’il avait faite à leurs devanciers, j’avoue que, quelque tentante à certains égards qu’eût été l’entreprise, il y avait des difficultés presque insurmontables, et que les chances de poésie et de succès populaire avaient un peu changé. […] D’abord, bien que la couleur politique, à proprement parler, ne soit pas celle qui domine dans le volume, Béranger, en quatre ou cinq places mémorables, a fermement marqué sa pensée, sa sympathie et ses pressentiments prophétiques dans le duel qui se continue ; par son éloge de Manuel, par son Conseil aux Belges. par la Restauration de la Chanson, et surtout par sa Prédiction de Nostradamus, il a fait acte de présence dans les rangs de la pure démocratie ; il a d’avance (bien qu’à une date inconnue) signé de son nom imposant les registres de la Constitution future. […] J’ai peu à dire de la préface dont tout le monde aura admiré le ton simple, l’aisance délicate, et cette clarté vive et continue qui caractérise la prose de Voltaire.

113. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Le siège continue, mais avec des alternatives de succès et de revers. […] Il continue, jusqu’à son dernier soupir, de brûler et de ravager : « Ce sont là, s’écriait-il, les messes funèbres d’Ostap !  […] La petite histoire intitulée un Ménage d’autrefois, et qui peint la vie monotone et heureuse de deux époux dans la Petite-Russie, est pourtant d’un contraste heureux avec les scènes dures et sauvages de Boulba : rien de plus calme, de plus reposé, de plus uni ; on ne se figure pas d’ordinaire que la Russie renferme de telles idylles à la Philémon et Baucis, de ces existences qui semblent réaliser l’idéal du home anglais et où le feeling respire dans toute sa douceur continue : Charles Lamb aurait pu écrire ce charmant et minutieux récit ; mais vers la fin, lorsque le vieillard a perdu son inséparable compagne, lorsque le voyageur, qui l’a quitté cinq années auparavant, le revoit veuf, infirme, paralytique et presque tombé en enfance, lorsqu’à un certain moment du repas un mets favori de friandise rappelle au pauvre homme la défunte et le fait éclater en sanglots, l’auteur retrouve cette profondeur d’accent dont il a déjà fait preuve dans Boulba, et il y a là des pages que j’aimerais à citer encore, s’il ne fallait se borner dans une analyse, et laisser au lecteur quelque chose à désirer. — En homme, le nom de M. 

114. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Il sentait que là étaient la force, l’avenir de notre poésie, mais il exerçait sa direction avec de tels scrupules qu’il allait jusqu’à sacrifier ses préférences et qu’il continuait à donner asile, concurremment, à toutes les autres manifestations d’art. […] En vain, les décadents (c’est ainsi qu’on appelait, faute de mieux, les écrivains nouveaux), en vain les décadents les plus pressés de fixer l’attention traînaient-ils Louise Michel aux conférences de la salle Jussieu ; en vain se glissaient-ils dans les réunions anarchistes pour y déraisonner sur la politique, tandis que les politiciens y déraisonnaient sur la poésie, chacun ayant l’habitude, remarque Rachilde, de s’occuper de ce qui ne le concerne pas : le public continuait d’ignorer ; la Presse ne soufflait mot. […] Elle se rappela que chez nous la gaieté est une force, et si elle continua d’attaquer çà et là quelques parvenus des lettres, c’était sans fiel et sans aigreur.

115. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Pourtant la vie propre des parties se manifeste encore, même chez les animaux supérieurs : le cœur enlevé à un éléphant peut continuer assez longtemps de battre ; l’homme décapité dont on blesse la poitrine peut, dans certaines conditions, faire avec le bras un mouvement de défense et porter la main à l’endroit menacé, — mouvement accompagné sans doute de vagues sensations douloureuses dans la moelle épinière. […] Cette machine « insensible et brute » continue de chercher une ouverture, la trouve et vient enfin respirer l’air. […] Renversez une pendule, elle ne se redressera pas pour continuer de marquer l’heure.

116. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Éveillez-le : s’il continue la série d’actions et de pensées que vous avez interrompue, c’est un fou. […] C’est là qu’il se produit, qu’il continue, qu’il s’étend, qu’il s’invétère, qu’il devient incurable. […] Si je viens à ressentir une grande douleur morale dans le moment où je suis occupé d’un travail intellectuel, je deviens incapable de le continuer, et si je veux m’y forcer, je ne sens mes idées ni si vives, ni si faciles, ni si suivies qu’auparavant.

117. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Mais la seconde réconciliation s’est opérée, et nous continuons notre marche vers la nouvelle terre sociale. […] Sans nous arrêter à un parallèle qui nous forcerait à une trop longue digression, et qui se fera de lui-même par la suite, continuons donc de peindre l’âge actuel, celui des ruines. […] Dans de certaines contrées de l’Asie ou de l’Afrique, des colonnes tronquées s’élèvent au milieu de vastes déserts qui furent jadis des villes florissantes, et attestent encore aujourd’hui la puissance des vastes empires qui, depuis tant de siècles, ont cessé de régner : nous ne souffrirons point que de pareils débris continuent de peser sur la terre de la patrie, pour nous retracer une civilisation qui n’est plus, pour nous rappeler des souvenirs qui semblent nous importuner.

118. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Les reins de son esprit sont soudés, et c’est l’institutrice qui se dégage avec le plus de netteté de tout l’ensemble de ses livres, à cette Enseignante, — il faut bien le dire, un peu cuistre, — qui professe l’instruction obligatoire et la morale indépendante et qui écrit des romans pour élargir, à la mesure d’un plus grand cercle, la petite classe qu’elle faisait peut-être autrefois, et pour, de cette manière, continuer son ancien et rogue plaisir de professer. […] Elle doit avoir cette espèce de caractère qui est de la volonté continue… Elle la prouvé, du reste. Dans un de ses romans (l’un des plus longs et des plus travaillés), elle a montré cette volonté, continue et indépendante, en se séparant bravement des frères et amis, ces enchaînés d’opinion qui voudraient enchaîner tout le monde au nom de la liberté, sur une des questions qui tiennent le plus au cœur de la Démocratie, et que cette recommenceuse éternelle de révolutions et de questions révolutionnaires a recommencé d’agiter !

119. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Le je ne sais quoi qui prend pitié du pauvre sauvage (comme dit Chateaubriand), mais qui se moque très bien du curieux civilisé, a continué de se moquer de nous. […] L’imagination pourra donc continuer à rêver en s’impatientant devant le mystère qui enveloppe la vie de l’homme qui l’a le plus remuée. Elle pourra continuer de se faire les questions que Guizot s’est lui-même posées, sans pouvoir y répondre, sur ce qui met en branle le génie puissant de Shakespeare et fut ce que Newton appelait, avec une familiarité presque sublime, « le coup de pied de Dieu ».

120. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Sans être marquée de ce cosmopolitisme du génie qui rend les grandes œuvres justiciables de la critique de tous les pays et en fait une acquisition pour le monde, cette histoire, que Macaulay s’est engagé à continuer jusqu’à nos jours, est, dans la pensée du célèbre écrivain, le monument de sa gloire future, ce point central sur lequel, quand on a quelque renommée, on veut en ramener les rayons. […] Doués de cet instinct politique qui distingue si éminemment l’esprit anglaisées whigs diffèrent en ceci des révolutionnaires des autres pays qu’ils savent la force du passé dans les institutions des hommes, et qu’en innovant ils veulent avoir l’air de maintenir et de continuer. […] et il continue, avec cette légèreté qui jette la dernière pelletée de terre sur la tête de toutes les questions : « Quelques points controversés avaient été décidés d’après les opinions des meilleurs juristes, et l’on s’était écarté de la ligne de la succession ; c’était tout, mais c’était assez. » Oui, c’était tout !

121. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Amédée Renée continue ses études de femmes au xviie  siècle. […] Elle continua d’aimer l’époux auquel Dieu l’avait unie, quoiqu’il fût indigne d’elle, et pour que son destin fût accompli, pour que rien ne manquât à son calice d’amertumes, elle souffrit plus de la mort sanglante de son mari qu’elle n’avait souffert de sa vie, — de sa mort qui fut un crime encore, mais du moins qui ne le fut pas envers elle. […] Richelieu, moins grand que Louis XI, continue Louis XI après Henri IV, et prépare Louis XIV ; et cet entre-deux dans l’Histoire est bien suffisant pour qu’il y soit à jamais respecté.

122. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Mais à cela près de cette conduite, de cette longue accoutumance d’une domination qui ne se renonça jamais, nous continuons d’ignorer le vrai Charles-Quint de Yuste, et il reste dans cet empereur retiré, qui n’est ni tout à fait un empereur, ni tout à fait un moine, un point central que le mystère et le silence recouvrent toujours. […] Mignet et Pichot ne laissent sur ce point aucun doute : Charles-Quint continua d’être dans son cloître l’Empereur, le Charles-Quint stator qu’il avait été partout. […] Mais Charles-Quint, de sa stalle au chœur, dans son monastère de l’Estramadure, continue de se montrer implacable.

123. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Bientôt des cordons de lumières se sont allongés à perte de vue, et le flamboiement indistinct, fourmillant du Paris populeux a surgi vers l’ouest, tandis qu’au pied des arches, le long des quais, dans les remous, le fleuve, toujours froissé, continuait son chuchotement nocturne. […] Lorsqu’on a écouté un beau timbre plein et frappant, par exemple une note haute et prolongée de violoncelle, une note moyenne et prolongée de clarinette ou de cor, si tout d’un coup ce son cesse, on continue pendant quelques secondes à l’entendre mentalement, et quoique, au bout de quelques secondes, son image s’affaiblisse et s’obscurcisse, on continue, pour peu que le plaisir ait été vif, à la répéter intérieurement avec une justesse singulière, sans laisser échapper presque aucune parcelle de son velouté et de son mordant. […] Lorsque je voulais continuer le premier portrait, je prenais l’homme dans mon esprit, je le mettais sur la chaise où je l’apercevais aussi distinctement que s’il y eût été en réalité, et, je puis même ajouter, avec des formes et des couleurs plus arrêtées et plus vives. […] Je ne puis fixer une forme, mais le développement de nouvelles fleurs continue aussi longtemps que je le désire, sans variation dans la rapidité des changements. […] L’image paraîtra alors située et extérieure ; et, quoique déclarée illusoire par les idées environnantes, elle continuera à paraître située et extérieure, parce que la sensation qui seule pourrait lui ôter ce caractère manque ou est comme si elle n’était pas.

124. (1909) De la poésie scientifique

Viélé-Griffin qui apporta ensuite à ce Vers « la force rythmique et une harmonie plus sûre et continue » : ce que désirait des poèmes de Gustave Kahn, M.  […] Son dernier livre le décèle, comme il montre que seul avec Verhaeren, parmi les Symbolistes, il continue son évolution. […] Et, nous l’avons dit, tout se tient et se continue et s’associe et s’appelle : notre Moi est une-unité-qui-devient. […] Cette action s’est continuée, que d’aucuns, plaçant en ma pensée leur point de départ, ont trouvée persuasive et puissante de devenirs poétiques. […] René Ghil a eu une réelle influence sur le Symbolisme, plus par ses théories « instrumentistes » que par son œuvre réalisée, et qu’il continue à réaliser méthodiquement » — Le Mercure, Mars 1905.

125. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Madame retournait ensuite écrire et continuait ainsi jusqu’à dix heures du soir. […] J’ai vu une fois cette princesse s’endormir, et, un instant après, se réveiller en sursaut et continuer d’écrire… Madame confesse quelque part qu’elle dormait à l’église : « Le matin, je n’y dors pas, mais le soir, après dîner, il m’est impossible d’y rester éveillée. — Je ne dors pas à la Comédie, ajoute-t-elle, mais très souvent à l’Opéra. » Ici nous venons de la surprendre dormant même dans ce qu’elle aime le mieux après la comédie, dans sa correspondance. […] Et tout en disant cela, et toujours sans écouter la réponse de la duchesse de Berry, qui, piquée, fit une profonde révérence et sortit, Madame continuait d’écrire sa lettre en allemand, et sa plume ne cessait de courir sur le papier. […] Madame savait cela et ne continuait pas moins son train, usant de son privilège de princesse, disant chemin faisant des vérités sans gêne ou des injures à ceux même qui, en décachetant le paquet, devaient y trouver le leur : Du temps de M. de Louvois, on lisait toutes les lettres aussi bien qu’à présent, mais on les remettait du moins en temps convenable ; maintenant (février 1705) que ce crapaud de Torcy a la direction de la poste, les lettres se font attendre un temps infini… Comme il ne sait pas beaucoup d’allemand, il faut qu’il les fasse traduire.

126. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Les grands écrivains du siècle de Louis XIV étaient tous morts, il ne restait plus que Fénelon : pourtant leur autorité régnait toujours ; c’était le même régime qui se continuait en apparence. […] Cette maturité, une fois acquise, dure encore selon lui et se continue avec des accidents et des variétés diverses ; mais le progrès se marque de plus en plus en un certain sens. […] La Motte continua de s’égayer aux dépens d’Homère dans ses Fables et ailleurs ; mais ce ne fut plus qu’en passant. Mme Dacier continua quelque temps de le défendre avec vigueur, mais contre d’autres ennemis, et en évitant de se rencontrer face à face avec son premier antagoniste.

127. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Je n’ai dessein pour cette fois encore que de continuer ma vue de Bossuet considéré dans sa première carrière, non pas avant sa renommée (car elle commença de bonne heure), mais avant sa gloire. […] Le grand orateur sacré continua de ne devoir qu’à lui-même et à l’esprit qui le remplissait ses inspirations et son originalité. […] Et pourtant, peut-être, cette égalité solide, forte et continue de Bourdaloue, sans tant d’audace ni d’éclat, atteignait-elle plus sûrement la masse moyenne des auditeurs. […] Cependant Bourdaloue continua d’être pour le siècle le prédicateur ordinaire par excellence, celui qui donnait un cours continuel de christianisme moral et pratique, et qui distribuait à tous fidèles sous la forme la plus saine le pain quotidien.

128. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

En attendant, Charron continuait son office de théologal et d’homme d’Église et combattait avec sincérité les protestants : il composait à Bordeaux, pendant ces années de troubles, et il publiait en 1595 son livre intitulé Les Trois Vérités. […] Il est ici-bas logé au dernier et pire étage de ce monde, plus éloigné de la voûte céleste, en la cloaque et sentine de l’univers, avec la bourbe et la lie, avec les animaux de la pire condition…, et se fait croire qu’il est le maître commandant à tout, que toutes créatures, même ces grands corps lumineux, incorruptibles, desquels il ne peut savoir la moindre vertu, et est contraint tout transi les admirer, ne branlent que pour lui et son service… Ici Charron combine et resserre deux passages différents ; il écourte Montaigne, mais il ne saurait faire oublier ni supprimer cette admirable interrogation que l’on dirait de Pascal s’adressant des objections à lui-même : Qui lui a persuadé que ce branle admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa tête, les mouvements épouvantables de cette mer infinie, soient établis et se continuent tant de siècles pour sa commodité et pour son service ? […] De tout ce parallèle qui se pourrait continuer à l’infini, il ne faudrait point conclure à une lutte entre Montaigne et Charron, ni encore moins à une tricherie de ce dernier. […] Mourin, il s’en levait bientôt vingt autres prêts à continuer leur œuvre avec la même violence et le même succès. « Charron un énergumène !

129. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Il y en a eu en l’Antiquité, mais il ne s’en trouve presque plus. » Il dira de Scipion accusé et dédaignant de se défendre : « Il avait le cœur trop gros de nature pour se savoir être criminel, etc. » Que ces expressions soient à lui ou primitivement à Montaigne, il a le talent de les poursuivre et de les continuer ; il est homme à en trouver à son tour de pareilles, et qui ne déparent pas celles qu’il tient de l’original. […] Nous n’aurions qu’à continuer la lecture de ce chapitre pour avoir à renouveler les remarques du même genre, et aussi pour apprécier l’utilité dont Charron a pu être dans les progrès si lents de l’éducation publique dans notre pays. […] Et Garasse continue de jouer sur ce nom de Charron et sur le chariot qu’il n’a pas su mener. […] Je ne voudrais pas pourtant l’imiter en cela, non plus qu’en ses mœurs et en sa doctrine. » Quoi qu’il en soit, Charron continuera d’offrir un problème psychologique et biographique, non entièrement résolu.

130. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Cette description n’est véritablement née qu’au xviiie  siècle avec Rousseau, Ruffon, Bernardin de Saint-Pierre, Volney, Saussure : elle s’est continuée avec éclat et distinction dans notre siècle par Chateaubriand, Ramond, de Humboldt… Cependant que de choses il restait encore à désirer pour le détail et la précision ! […] Ce n’est pas un de ces talents qui se réservent pour donner en deux ou trois grandes occasions, qui s’y préparent à l’avance, et qui, une fois le grand site décrit, le grand morceau exécuté, se détendent et se reposent : c’est chez lui un état pittoresque habituel, facile, une manière continue, et pour ainsi dire inévitable, de tout voir et de montrer ce qu’il a vu. […] L’endroit le plus étudié du livre et le plus caressé, s’il est permis encore une fois de choisir dans une peinture aussi continue, c’est Grenade et ses merveilles, l’Alhambra et le Généralife. […] oui, il suffit de vivre et de continuer d’aller pour que peu à peu ces premières tristesses s’abattent, pour que tôt ou tard ces grands orages s’apaisent.

131. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

. — Et tout d’abord je voudrais être peintre et paysagiste comme lui pour savoir décrire les Ardennes et ce qu’il a pu devoir de sensations d’enfance, continues et profondes, à ce grand paysage des forêts. […] Ce qui est certain, c’est qu’il y a dans son talent des masses un peu fortes, des suites un peu compactes et continues, et où l’éclat et la magnificence même n’épargnent pas la fatigue. […] Il faut admirer ce que nous avons et ce qui nous manque ; il faut faire autrement que nos ancêtres et louer ce que nos ancêtres ont fait. » Et après quelques exemples saillants empruntés à l’art du Moyen-Age et à celui de la Renaissance, si originaux chacun dans son genre et si caractérisés, passant à l’art tout littéraire et spirituel du xviie  siècle, il continue en ces termes : « Ouvrez maintenant un volume de Racine ou cette Princesse de Clèves, et vous y verrez la noblesse, la mesure, la délicatesse charmante, la simplicité et la perfection du style qu’une littérature naissante pouvait seule avoir, et que la vie de salon, les mœurs de Cour et les sentiments aristocratiques pouvaient seuls donner. […] Nous tous, partisans de la méthode naturelle en littérature et qui l’appliquons chacun selon notre mesure à des degrés différents18, nous tous, artisans et serviteurs d’une même science que nous cherchons à rendre aussi exacte que possible, sans nous payer de notions vagues et de vains mots, continuons donc d’observer sans relâche, d’étudier et de pénétrer les conditions des œuvres diversement remarquables et l’infinie variété des formes de talent ; forçons-les de nous rendre raison et de nous dire comment et pourquoi elles sont de telle ou telle façon et qualité plutôt que d’une autre, dussions-nous ne jamais tout expliquer et dût-il rester, après tout notre effort, un dernier point et comme une dernière citadelle irréductible.

132. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Les effets en furent lents, il est vrai, et deux siècles se passèrent avant qu’on se ressentît et qu’on s’aperçût des résultats :  « Mais alors arriva le Génie du mal, Richelieu ; il commença l’application de ces édits, application malheureusement continuée par Louis XIV. […] Avec de tels hommes, pas plus avec celui qui rendait ses oracles d’un ton chagrin, négatif et répulsif, qu’avec celui qui nous lançait à la tête ses anathèmes à l’état de singularités et de boutades, il n’y avait moyen de s’entendre ; la guerre continuait ; les passions s’entretenaient par contraste et se réchauffaient : c’était une contre-révolution de toutes pièces qu’eux et leurs amis nous proposaient, ce n’était pas une réforme véritable. […] Autrefois, après la lutte, on trouvait dans l’atelier et dans la maison la paix et un repos réparateur : aujourd’hui la lutte est dans la maison même ; elle continue d’une manière sourde, lorsqu’elle n’éclate pas ouvertement ; elle mine donc incessamment la société en détruisant toute chance de bonheur domestique. » La Révolution française, en s’attaquant aux désordres des règnes antérieurs et, du même coup, à tout l’ordre ancien, a dû faire appel à la passion plus encore qu’à la vérité. […] Une des réformes qu’il propose avec le plus d’insistance et d’énergie, c’est de changer la loi des successions et de rendre au père de famille l’entière liberté testamentaire, moyennant laquelle celui-ci pourrait instituer un principal héritier chargé de continuer son œuvre.

133. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Chacun, dès que le grand homme paraît et se déclare, après l’avoir admis volontiers au premier degré, s’empresse aussitôt de le continuer à sa guise, de l’achever à sa manière et selon ses goûts, de lui dicter son rôle de demain ; et si le personnage ne répond pas à cette idée qu’on s’en fait et ne suit pas le programme, on est bien près de le renier, de s’écrier qu’il fait fausse route et qu’il se perd, ce qui arrive quelquefois, mais par d’autres raisons le plus souvent que celles dont on se payait d’abord assez à la légère. […] Somme toute, et quoi qu’il en soit de ces critiques de détail, le premier il a permis aux lecteurs curieux et patients de se faire une vaste idée, une idée continue (j’y insiste) du génie et de la force complexe de son héros. […] Après l’avoir lu, on était tout préparé à aborder la Correspondance, cette grande source directe qui continue et continuera longtemps de se dérouler, claire, nette, rigide, incorruptible, vrai fleuve du Styx pour la plume de bronze qui viendra s’y tremper, pour l’historien concentré et philosophe, le Mommsen futur.

134. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Mais aujourd’hui l’Académie de médecine les représente et les continue toutes les deux également. […] Il continue de développer cette idée d’une doctrine secrète qu’il faut réserver pour soi et pour le petit nombre : En ce qui vous regarde, mon ami, croyez-moi, vous êtes né, pour votre bonheur, trop tôt de quelques siècles. […] Il continuait pour lui-même de former je ne sais quels projets dont il croyait le succès infaillible, et dont il se réservait de confier le secret à son ami. […] De loin, sur les épaules des infirmiers qui les apportaient à l’amphithéâtre, ils montraient le squallentem barbam et le concretos sanguine crines de Virgile ; mais ce qu’on ne saurait peindre, ce sont ces visages gonflés comme après la strangulation… Et il continue de décrire les deux cadavres en style poétique.

135. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Ainsi tout mobile auquel s’appliquent deux forces divergentes dont l’une est continue décrira une courbe ; et tout mobile, pour décrire une courbe, requiert au préalable l’application de deux forces divergentes dont l’une est continue. […] Vous n’avez point dégagé et suivi comme nous les idées très abstraites qui, par leur filière délicate et continue, soudent ensemble les deux membres de la proposition. […] Si elle a cessé de coïncider avec la première, c’est qu’elle a cessé d’être droite ; pour qu’elle reste droite, il faut qu’elle continue à coïncider avec la première ; pour qu’elle demeure toujours droite, il faut qu’elle continue toujours à coïncider avec la première. […] Voilà ce qu’on peut nommer son mouvement initial ou primitif ; continuera-t-il à se mouvoir et, en ce cas, quel sera son mouvement ? […] Voilà pour les collections qui sont des grandeurs artificielles et discontinues ; même raisonnement pour les durées, les lignes, les surfaces, les solides qui sont des grandeurs naturelles et continues.

136. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Vous avez vu, en effet, soutenir le droit par les mêmes arguments que le fait, le juste par les mêmes arguments que l’utile ; d’un autre côté, le fait et l’utile avaient des champions qui puisaient leurs moyens de défense dans les doctrines sur lesquelles reposent le droit et le juste ; la légitimité était confondue avec l’hérédité, avec l’hypothèse de l’élection continue ou du pacte primitif : il en résultait une grande confusion de langage ; mais tout, dans ce combat inégal, tournait au profit des idées nouvelles, parce que ce sont elles seulement qui sont douées de la force expansive. […] Dans une telle révolution, qui atteint jusqu’aux éléments mêmes de la société, il a été bien permis, sans doute, et il n’est peut-être encore que trop permis à un grand nombre d’hommes de désespérer de notre existence sociale ; et ce malaise si naturel, qui continue toujours de se faire sentir, pourra bien ne se prolonger que trop longtemps.

137. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Il continua en ces termes (et ici je ne fais que donner l’extrait même du Moniteur)  : « Le bon exemple ne serait peut-être pas suivi, hélas ! […] — À la loi. — Parlez, monsieur de Ségur, continuez. […] J’invite l’orateur à continuer son discours, mais en se renfermant dans la question, ainsi que le désire le Sénat, « (Le calme se rétablit peu à peu. […] Je suivais un raisonnement, je le continue : la question est celle de savoir pourquoi je suis ici. […] Nous continuerons maintenant la reproduction de la brochure où il avait été recueilli.

138. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Je continue. […] Et il continue de dire des choses assez vives2, mais qui se peuvent dire pourtant, et qui étaient loin de déplaire dans la circonstance. […] À l’heure où elle parle, il est à son régiment, et il continue de montrer un portrait qu’il a d’elle et des lettres : Jugez de mon indignation et de ma douleur. […] Le comte reprit et continua son discours avec la même tranquillité. […] Mais la passion continuait de l’en rapprocher.

139. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Si j’avais à juger l’école naturaliste française, non dans sa formule, où il entre beaucoup de vérité, non pas même dans l’œuvre de tel ou tel auteur, mais dans l’ensemble des livres qui se réclament du naturalisme, je dirais que son principal défaut littéraire a été de méconnaître la réalité ; je montrerais ce qu’il y a de contraire aux règles de l’observation et de la sincérité, dans le procédé qui consiste à ne peindre de l’homme que les instincts, à supprimer les âmes, à expliquer le monde moral par des causes inégales aux effets, à murer toutes les fenêtres que l’homme, accablé tant qu’on le voudra par la misère, le travail, la maladie, l’influence du milieu, continue et continuera d’ouvrir sur le ciel. […] Le combat intérieur qui la précède est plus magnifique encore, et il est conduit, ravivé, mené à son terme avec un art prodigieux. » De nos jours, un critique, l’un des plus sagaces et aussi l’un des plus sévères qui aient jugé Victor Hugo, — j’ai nommé Edmond Biré, — n’hésite pas à écrire ces lignes : « Si les Misérables avaient été continués et terminés dans le même esprit qui avait présidé à leur conception ; s’ils n’avaient pas été dénaturés, envenimés par les passions de l’auteur devenu démagogue et socialiste ; s’ils n’avaient pas été démesurément enflés par des épisodes qui débordent le cadre primitif, … l’œuvre du poète, qui reste encore très puissante et très belle, serait la plus admirable qu’il eût écrite, une des plus belles de notre littérature. » Tout le monde connaît la thèse, l’idée maîtresse des Misérables. […] Et il ajoute, pour que nous continuions d’observer Cosette et d’être heureux avec elle, ce couplet demeuré célèbre : « La poupée est un des plus impérieux besoins et en même temps un des plus charmants instincts de l’enfance féminine. […] Le premier enfant continue la dernière poupée. » Quel âge faut-il pour goûter ces lignes-là ?

140. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Continuons l’examen ; notre assurance deviendra plus ferme encore, et, en même temps, nous commencerons à démêler la loi qui règle l’opération localisante. — Dans tous les cas précédents, elle situait notre sensation à l’extrémité nerveuse d’où part ordinairement l’ébranlement qui se termine par la sensation. […] Ce signe, ayant une durée, est une grandeur continue ; partant, il peut, comme une ligne, être comparé à une autre grandeur de la même espèce, ne différer d’elle qu’en plus ou en moins, suggérer l’idée de son double ou de sa moitié, être mesuré ; ce sont là les conditions d’une carte représentative. — Il n’y a là qu’un cas d’une opération générale et déjà décrite. […] La figure visible d’un corps n’est qu’une double série de sensations optiques, les unes rétiniennes, les autres musculaires, toutes deux parallèles, continues et éprouvées lorsque l’œil suit le contour et parcourt la surface éclairée du corps. […] Je tourne les yeux, et, par ma rétine, j’ai la sensation d’une certaine tache brune un peu luisante ; grâce à l’accommodation du cristallin et à la contraction des muscles moteurs de l’œil, j’ai en même temps une certaine sensation musculaire, qui, par une correspondance acquise, éveille en moi l’image de trois pas accomplis sur la droite. — Mes yeux suivent le contour de la table, en d’autres termes ma rétine éprouve tour à tour une série continue d’impressions, à mesure que les rayons lumineux partis des bords de la table viennent frapper tour à tour son centre jaune ; or, pendant ce temps-là, l’accommodation et la contraction des muscles de l’œil me donnent une série parallèle et continue de sensations musculaires qui, par une correspondance acquise, réveillent en moi l’image des sensations tactiles et musculaires qu’éprouverait ma main en cheminant d’angle en angle le long du contour. — Remarquons le caractère de ces images réveillées. […] Prenons d’abord les sensations que nous continuons à nous attribuer, mais que nous projetons hors de leur siège cérébral, pour les situer dans les organes et, en général, en un point de notre superficie nerveuse, celles de saveur, d’odeur, de contact, de pression, de contraction musculaire, de douleur, de chaud et de froid.

141. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Vous l’entendrez, si Dieu nous donne la consolation de vous voir après Pâques ; car on croit qu’il continuera de prêcher dimanches et fêtes jusqu’à la Pentecôte. » — Un autre oratorien, le père Maur (ou Maure), brillait dans la chaire à la même date, et ses débuts semblaient balancer ceux de Massillon ; le père Maur n’a pas tenu depuis tout ce qu’il promettait et son nom n’a pas surnagé, mais on faisait alors de l’un à l’autre des parallèles ; C’est toujours M.  […] Même après les grands éloges qu’il se plaît à leur donner, il continue de ne parler du père Massillon et du père Maur que comme venant après lui et à titre de jeunes talents qui promettent : « Pour le père Massillon et le père Maur, c’est une réputation naissante que la leur.

142. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

» Le poète (on nous pardonnera de donner à Bossuet un titre qui fait la gloire de David), le poète continue de se faire entendre ; il ne touche plus la corde inspirée ; mais, baissant sa lyre d’un ton jusqu’à ce mode dont Salomon se servit pour chanter les troupeaux du mont Galaad, il soupire ces paroles paisibles : « Dans la solitude de Sainte-Fare, autant éloignée des voies du siècle, que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde ; dans cette sainte montagne que Dieu avait choisie depuis mille ans ; où les épouses de Jésus-Christ faisaient revivre la beauté des anciens jours ; où les joies de la terre étaient inconnues ; où les vestiges des hommes du monde, des curieux et des vagabonds ne paraissaient pas ; sous la conduite de la sainte Abbesse, qui savait donner le lait aux enfants aussi bien que le pain aux forts, les commencements de la princesse Anne étaient heureux200. » Cette page, qu’on dirait extraite du livre de Ruth, n’a point épuisé le pinceau de Bossuet ; il lui reste encore assez de cette antique et douce couleur pour peindre une mort heureuse. […] Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.

143. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Pendant ce doux loisir du père, le jeune Torquato continuait ses études à Bergame, dans la maison d’une grande dame de la famille des Tassi, qui traitait l’enfant comme son fils. […] À l’exception du duc d’Urbin, qui continua à combler l’auteur de sa faveur et de ses bienfaits, Bernardo Tasso ne reçut des autres princes de France et d’Italie, auxquels il adressa son œuvre, que des louanges et des remercîments. […] Continuez, Monsieur, réhabilitez notre siècle ; je le quitte sans regret. […] Les six premiers chants de la Jérusalem délivrée ne furent qu’une aspiration mélodieuse et continue du cœur du poète au cœur et à l’enthousiasme de Léonora. […] Le Tasse continuait lentement son poème pendant le voyage du cardinal d’Este en France ; il en écrivit plusieurs chants dans l’abbaye de Châlis, qui appartenait au cardinal.

144. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Guillaume prit le château et la terre de Tégel, où il continua de vivre avec sa charmante femme. […] Était-ce cette même étoile que les navigateurs du quinzième siècle, lorsqu’ils voyaient s’abaisser dans le nord l’étoile du ciel de la patrie, saluaient comme un signe d’heureux augure pour continuer joyeusement leur route ? […] Humboldt et Bonpland descendirent à Cumana, laissèrent le navire qui jusqu’alors les avait portés continuer sa route, et c’est ainsi que l’épidémie survenue sur le bâtiment fut la cause des grandes découvertes de Humboldt dans ces régions de l’Orénoque jusqu’aux frontières des possessions portugaises au Rio Negro. […] Convive assidu d’un roi, et ami demi-déclaré des libéraux, il continuait son vrai rôle : — capter la faveur des deux partis. — Goethe, envers lequel il était respectueux comme envers les puissances, écrivit de lui le 1er décembre 1826 : « Alexandre de Humboldt a passé quelques heures, ce matin, avec moi. […] Bastide, à qui j’avais laissé ma place de ministre des affaires étrangères de France, pour continuer à sièger dans la commission exécutive du gouvernement pendant les premiers mois de la république.

145. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

— C’est encore comme sa mère, redisait-il en admirant et en pleurant, et cela continuait comme cela tous les soirs des dimanches. […] Il se mit à marcher gaiement devant eux en laissant la pauvre Fior d’Aliza, un pied levé, tout étonnée et toute triste de ne plus pouvoir continuer la danse, par un si beau matin d’automne. […] LXXXI Nous ne fîmes pas beaucoup d’attention, les uns et les autres, à ces propos de buveurs ni à ces projets du dimanche que le lundi dissipe, et nous continuâmes à vivre en paix et en gaieté jusqu’après l’hiver. […] vous allez voir ce que nous eûmes à souffrir, ces pauvres innocents et nous, continua l’aveugle. […] que j’y ai passé de bons soirs à causer à l’ombre, avec vos braves pères, en buvant une goutte du bon jus de vos ceps et en bénissant san Francisco des dons de Dieu pour les cœurs simples ; mais à présent, continua-t-il, je ne repasserai jamais là sans maudire la perversité des méchants !

146. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Or, tout en s’occupant, il est vrai, de l’Amérique, mais en pensant aussi beaucoup à l’Europe, Franklin a porté les jugements les plus irrévérencieux et les plus moqueurs sur le système d’éducation qui continuait de prévaloir sous ses yeux. Il avait l’habitude de s’exprimer à ce sujet sous la forme, à lui si familière, de l’apologue, et il disait : Il y a dans l’humanité un inexplicable préjugé en faveur des anciennes coutumes et habitudes, qui dispose à les continuer même après que les circonstances qui les avaient rendues utiles ont cessé d’exister. […] Quoi qu’il en soit, nous ne savons pas, continue ironiquement Franklin, à quelle époque les chapeaux furent, pour la première fois, introduits, mais dans le dernier siècle ils étaient généralement en usage par toute l’Europe. Peu à peu cependant, à mesure que la mode des perruques et celle des coiffures élégantes prévalut, les gens comme il faut perdirent l’habitude de mettre leur chapeau pour ne point déranger l’édifice artificiel ou la poudre de leur chevelure ; les parapluies commencèrent à faire l’office du chapeau ; cependant on a continué de considérer celui-ci comme une part si essentielle de la toilette, qu’un homme du monde n’est point censé habillé sans en avoir un ou quelque chose d’approchant, qu’il porte sous le bras ; si bien qu’il y a quantité de gens polis dans toutes les cours et les capitales d’Europe qui n’ont jamais, eux ni leurs pères, porté un chapeau autrement que sous le bras, quoique l’utilité d’une telle mode ne soit aucunement évidente, et que ce soit même très gênant.

147. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Peintre de l’armée française, peintre d’histoire d’une grande époque et de tous les généreux souvenirs qui s’y rattachaient, comme de tous les brillants faits d’armes qui en continuaient la tradition, il était de plus un homme d’esprit, un caractère aimable, une nature droite, honnête, loyale, vive et sensée. […] Je continue de tourner les feuillets, j’achève mon volume d’estampes : des chevaux de poste anglais, des chevaux de fermes français ; des scènes de chasse, la plupart bourgeoises ; puis les portraits de nos célébrités du temps, le général Foy, Chauvelin, Talmà (rôle de Syilà dans le songé), Perlet (rôle de Rigaudin de la Maisoneh loterie) ; Mohammed-Ali, vice-roi d’Égypte, qui commençait à être populaire en France ; le général Quiroga ; — un très-beau dessin de Louvel, l’assassin du duc de Berry. […] Fallait-il continuer le genre académique, ce qu’on entendait sous ce nom ? […] Il avait de grand matin, et avant l’invasion des visites, des heures à lui, de travail de secret, des heures non banales et, à leur manière, sacrées ; et ce n’est qu’ensuite qu’arrivaient les amis, les camarades, les brillants colonels ; il continuait avec sa merveilleuse facilité de main à exécuter ce qu’il avait posé auparavant.

148. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Le prince Eugène, en portant son armée entre l’Escaut et la Sambre, continuait de tirer ses approvisionnements et ses vivres de la place de Marchiennes avec laquelle il restait en communication, moyennant le camp retranché de Denain sur l’Escaut. Les lignes de communication, de Marchiennes à Denain, s’appelaient insolemment « le chemin de Paris. » Louis XIV, il faut lui rendre cette justice, écrivait de Fontainebleau, le 17 juillet, au maréchal de Villars, cette lettre qui en suppose une autre antérieure sur le même sujet : « Ma première pensée avait été, dans l’éloignement où se trouve Landrecies de toutes les autres places d’où les ennemis peuvent tirer leurs munitions et convois, d’interrompre leur communication en faisant attaquer les lignes de Marchiennes (ou de Denain), ce qui les mettrait dans l’impossibilité de continuer le siège ; mais, comme il m’a paru que vous ne jugez pas cette entreprise sur les lignes de Marchiennes praticable, je m’en remets à votre sentiment par la connaissance plus parfaite que vous avez étant sur les lieux… » Le ministre de la guerre, M.  […] Le maréchal de Montesquiou, qui semblait avoir fait de cette opération sur Denain son affaire, insista pour continuer ; on arriva à l’Escaut à l’heure dite, et tandis que Montesquiou faisait construire en toute hâte des ponts, Villars diligenta l’armée et l’arrivée des troupes : les deux maréchaux passèrent ensemble l’Escaut. […] Il se rendit à mes raisons, et nous continuâmes notre marche, après avoir perdu une heure de temps. » Telle est la version de Montesquiou, désobligeante pour Villars.

149. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Aussi, Eugénie de Guérin et elle, quand elles sont tristes, elles n’ont pas la tristesse elle-même semblable : l’une, tout heureuse qu’elle est, a la tristesse plus rude, poignante, froissante, violente, qui se proclame sur les toits, — qui crie « comme une aigle », — une tristesse ardente, de cœur et d’âme, je le veux, mais aussi de tête, tout d’un coup relevée de joies puissantes et vigoureuses : l’autre, plus atteinte au cœur, a la tristesse plus vraie, plus douce et résignée, continue, non intermittente, calme, profonde et intérieure ; elle est plus une colombe blessée. […] Un colloque insignifiant s’engage à l’occasion des petits objets à acheter ; laissons Mme de Gasparin continuer son récit, où la protestante tient absolument à planter son drapeau devant le camp catholique : « Que faire, se disent les visiteuses, d’escargots et de saintes ? […] Eugénie qui voit juste, qui voit bien, mais qui n’a pas, comme on dit, le diable au corps, continue en ces termes sa description souriante et sobre, que nous donnerons jusqu’à la fin comme un exemple parfait en son genre : « Le verre cassé, on s’est mis en danse. […] Elle dure quelque temps dans la prairie et se continue dans les rues de la ville à peu près jusqu’à la nuit.

150. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Elles arrivèrent le soir, et, dès le lendemain, elles occupaient, dans la rue qui continue la place, la petite maison où depuis bien des années était situé le bureau. […] La faiblesse de Christel continuait ; la pâleur et le froid du marbre n’avaient pas quitté ses joues ; seulement elle souriait désormais, et ses yeux, d’un bleu plus céleste, semblaient remercier d’un bonheur. […] D’autres fois, tu t’attaques lentement et d’une ruine continue à l’enveloppe en même temps qu’au fond, tu opères degré par degré l’œuvre de destruction dans les plus florissantes natures, tu y ravages tout avec un art cruel avant de frapper le dernier coup au cœur : une vieillesse comme centenaire est empreinte sur des visages de vingt ans. […] Il a souffert, mais il a continué de vivre.

151. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Il serait temps que cette impression reprît et continuât. […] Il continue de se rendre justice, et de la faire sur ce roi ingrat : Des siècles, dit-il, passeront sur ce livre, et quiconque aura de l’intelligence le lira. […] » Le combat continue à coups de massue ; nous sommes en plein âge héroïque. […] Pour moi, la moralité que je déduirai ici sera à la moderne, tout étroite et toute positive : c’est qu’il convient que l’impression de ce grand livre où se trouve ce bel épisode, et d’autres épisodes encore, se remette en train au plus vite et s’achève, et que les contrariétés, les ennuis qui, il y a huit cents ans, sous le régime du sultan Mahmoud, ont traversé la vie et l’œuvre du poète Ferdousi, ne continuent pas aujourd’hui de le poursuivre dans la personne de son savant éditeur et traducteur, qui mérite à la fois si bien et de lui et de nous.

152. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

C’est à La Mare au diable seulement que commencent nos vraies géorgiques ; elles se continuent dans François le Champi, dans La Petite Fadette. […] Marie continue de s’occuper de petit Pierre, elle le rassure dans ses terreurs, elle l’amuse, et Germain ne peut s’empêcher de remarquer : « Il n’y a personne comme toi pour parler aux enfants, et pour leur faire entendre raison. » Au milieu de cela il reparle toujours de sa première femme, de sa pauvre défunte, et maudit ce voyage entrepris pour la remplacer. […] Je n’ai pas à continuer ici cette analyse ; je n’ai voulu insister que sur les parties tout à fait rares et neuves de l’idylle, sur la première partie du voyage. […] « Il est écrit dans la loi de nature, remarque l’auteur, que de deux personnes qui s’aiment, soit d’amour, soit d’amitié, il y en a toujours une qui doit donner de son cœur plus que l’autre, qui doit y mettre plus du sien. » Les sympathies mystérieuses qui continuent, après la naissance, d’enchaîner ces deux êtres appartiennent à une physiologie obscure que l’auteur a sentie et devinée sans s’y trop enfoncer ; les superstitions populaires s’y mêlent sans invraisemblance.

153. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Pendant que le vaisseau de la France va un peu à l’aventure, qu’il gagne les mers inconnues et s’apprête à doubler ce que nos pilotes (si pilote il y a) appellent à l’avance le cap des Tempêtes, pendant que la vigie au haut du mât croit voir se dresser déjà à l’horizon le spectre du géant Adamastor, bien d’honnêtes et paisibles esprits s’obstinent à continuer leurs travaux, leurs études, et suivent jusqu’au bout et tant qu’ils peuvent leur idée favorite. […] De nos jours, des amateurs, gens d’esprit, ont continué sous une autre forme cette religion : ils se sont consacrés à recueillir les moindres vestiges de l’auteur des Essais, à rassembler ses moindres reliques : et, en tête de ce groupe, il est juste de mettre le docteur Payen, qui prépare depuis des années un livre sur Montaigne, lequel aura pour titre : Michel de Montaigne. […] Il continuera de juger des choses à sa guise et avec impartialité, même en agissant loyalement pour la cause qui lui est confiée. […] Et il continue de les montrer travaillant jusqu’à l’extrémité, même dans leur douleur, même dans leurs maladies, jusqu’au moment où la force leur manque : « Celui-là qui fouit mon jardin, il a ce matin enterré son père ou son fils… ils ne s’alitent que pour mourir. » Tout ce chapitre est beau, touchant, approprié, se sentant à la fois d’une noble élévation stoïque, et de cette nature débonnaire et populaire de laquelle Montaigne se disait à bon droit issu et formé.

154. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

S’il continuait de lire les anciens pêle-mêle et à la diable, il ne les respectait guère ; il les parodiait d’abord par instinct et divertissement avant que ce fût par calcul. […] Avant lui les élections académiques se faisaient comme à l’amiable, à haute voix, et sans qu’on allât au scrutin : Peu de temps après ma réception, je dis qu’il me semblait que Dieu avait bien assisté l’Académie dans le choix de ceux qu’elle avait reçus jusqu’alors, vu la manière dont elle les nommait, mais que ce serait le tenter que de vouloir continuer à en user de la sorte ; que ma pensée était qu’il faudrait dorénavant élire par scrutin et par billets, afin que chacun fût dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. […] Je suis persuadé, continuai-je, que les jardins des rois ne sont si grands et si spacieux, qu’afin que tous leurs enfants puissent s’y promener. » Il sourit à ce discours, et dans ce même temps la plupart des jardiniers des Tuileries s’étant présentés devant lui, il leur demanda si le peuple ne faisait pas bien du dégât dans leur jardin : « Point du tout, monseigneur, répondirent-ils presque tous en même temps, ils se contentent de s’y promener et de regarder. » — « Ces messieurs, repris-je, y trouvent même leur compte, car l’herbe ne croît pas si aisément dans les allées. » M.  […] Le Parallèle des anciens et des modernes de Perrault (quatre volumes) commença à paraître en 1688, et se continua les années suivantes.

155. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

On avait essayé dans le temps de recueillir toutes les lettres de la mère Agnès comme on avait fait pour celles de sa sœur publiées en 1742-1744 ; mais l’entreprise était restée en chemin, soit qu’on n’eût pas réussi à réunir tout ce qu’on espérait, soit que le public qui s’intéressait à ce genre d’ouvrages eût fort diminué à mesure qu’on avançait dans le xviiie  siècle. « Il y a lieu surtout d’être étonné, remarquait dom Clémencet au sujet de ces mêmes lettres, que nous en ayons si peu de celles qu’elle a écrites à la reine de Pologne, avec laquelle les mémoires de Port-Royal nous apprennent que la mère Agnès continua la relation qu’avait eue la mère Angélique durant les sept années que cette reine survécut. » C’est qu’on avait eu, dès le principe, moins de précautions dans un cas que dans l’autre pour s’assurer de ne rien perdre. […] Mais si je ne craignais de blesser quelques bonnes âmes restées peut-être encore jansénistes au pied de la lettre, je dirais tout simplement qu’après avoir bien considéré les incidents et les personnages de ce drame intérieur, je suis persuadé que la mère Agnès, livrée à elle-même et à sa propre nature, eût été plus soumise qu’elle ne l’a été, qu’elle était portée, comme elle l’a écrit un jour, à l’indifférence sur ces questions de controverse, mot très sage chez une religieuse et dont elle eut tort ensuite de se repentir ; je dirais que la manière indulgente dont elle continua de traiter une de ses nièces qui avait signé ce qu’exigeait l’archevêque et ce que conseillait Bossuet, que la parole tolérante qui lui échappa alors : « À Dieu ne plaise que je domine sur la foi d’autrui !  […] … Elle est fille d’une mère qui a été fort persécutée des tyrans, qui l’ont voulu étouffer dans le sang de ses martyrs, et encore des hérétiques, qui ont fait mille efforts à ce qu’elle ne mît point ce béni enfant au monde ; mais enfin elle s’est couronnée de lys aussi bien que de roses, portant en son sein des vierges et des martyrs… Cette excellente épouse n’a jamais été maltraitée de son mari, qui au contraire est mort pour elle… Et elle continue sur ce ton, multipliant, épuisant les images, les allusions emblématiques, s’y jouant plus que de raison, oubliant un peu le goût, mais faisant ses preuves en fait de grâce : je prends le mot dans le double sens, dans le sien et dans le nôtre.

156. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Le socialisme, repris par les Allemands avec plus de sérieux et de profondeur, continue de troubler le monde, sans arborer de solution claire. […] Continuons de jouir du don suprême qui nous a été départi, celui d’être et de contempler la réalité. […] Si j’étais à recommencer, je referais ce que j’ai fait, et, pendant le peu de temps qui me reste à vivre, je continuerai.

157. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Donc, les révélations continuent. […] Continuez, éditeurs, à ouvrir les tombes.

158. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Mais l’esprit continue, une fois lancé. […] Notre conscience, en esquissant le mouvement, nous en montre la direction et nous fait entrevoir la possibilité pour lui de se continuer jusqu’au bout ; elle ne va pas aussi loin. […] Bien vite il faut en appeler au bon sens, c’est-à-dire à l’expérience continue du réel, pour infléchir les conséquences déduites et les recourber le long des sinuosités de la vie. […] Tantôt il suit sa direction naturelle : c’est alors le progrès sous forme de tension, la création continue, l’activité libre. […] L’homme continue donc indéfiniment le mouvement vital, quoiqu’il n’entraîne pas avec lui tout ce que la vie portait en elle.

159. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Il se continue par des souvenirs. […] Et l’opération peut se continuer sans fin, la mémoire fortifiant et enrichissant la perception, qui, à son tour, de plus en plus développée, attire à elle un nombre croissant de souvenirs complémentaires. […] Ce qui suggère les hypothèses, ce qui préside de loin à la sélection, ce sont les mouvements d’imitation par lesquels la perception se continue, et qui serviront de cadre commun à la perception et aux images remémorées. […] Dans le premier cas, la lésion portera sur les mécanismes qui continuent l’ébranlement recueilli en mouvement automatiquement exécuté : l’attention ne pourra plus être fixée par l’objet. […] Le malade lit correctement les premiers mots d’une phrase, puis s’arrête brusquement, incapable de continuer, comme si les mouvements d’articulation avaient Inhibé les souvenirs.

160. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Ainsi, autrefois, on disait Sarge, et la Cour même continuait de le dire ; mais Paris, où le mot revenait plus souvent, prononçait Serge. […] Dans la seconde partie de son Discours, La Mothe passe à la considération des Périodes pour lesquelles il rend justice à Balzac ; il n’en attaque pourtant pas moins à outrance cette école de la correction qui continue Balzac et qui ne fait guère qu’appliquer ses principes. […] Il continua toute sa vie de balancer les opinions des Anciens, de les équilibrer les unes par les autres, de dire : « Ceci est juste, cela ne l’est pas ; il y a un milieu ; dans le doute il est bon de s’y tenir. » — Mais ce n’est point avec ces balancements et ces alternatives qu’on agit sur le public et qu’on entre dans les esprits, surtout quand le style est aussi neutre et aussi peu tranchant que la pensée. […] D’abord il semble que la matière, non-seulement n’est pas fort importante, mais qu’elle est tout à fait inutile et indigne d’un homme de votre âge, de votre condition, et, ce qui est plus considérable, de votre vertu et de votre esprit… » Et Godeau, faisant l’agréable, continue sur ce ton pendant une douzaine de pages, comme s’il avait pris à tâche de résumer toutes les objections des La Mothe-Le-Vayer et autres, et de rassembler tout ce qu’on avait pu adresser de critiques justes ou injustes à Vaugelas sur le peu de raison et de philosophie de sa méthode, sur le peu de solidité et de gravité de son livre ; puis, tout à la fin de la douzième ou treizième page, tournant court tout à coup et comme pirouettant sur le talon, il ajoute : « Mais, Monsieur, c’est assez me jouer et parler contre mes sentiments. […] Sous prétexte de continuer ce curieux, mais interminable Dictionnaire historique, elle abandonne et néglige de tenir au courant son Dictionnaire de l’usage ; elle se laisse devancer et déborder par tous les lexicographes libres et les Furetières du dehors, Furetières plus probes et plus savants que ceux d’autrefois et envers qui elle affecte de se donner presque les mêmes torts.

161. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

La première classe continua de comprendre les Sciences physiques et mathématiques ; la seconde fut exclusivement consacrée à la Langue et à la Littérature françaises qui se dégageaient de la sorte et se définissaient davantage. […] Raynouard, il est vrai, continua, malgré sa démission, de se charger des rapports annuels jusqu’en 1830 et de s’acquitter de cette tâche fort honnêtement ; mais M.  […] Arnault, qui lui succéda et qui eût continué le même air d’une voix plus rauque, ne fit que paraître et disparaître au fauteuil de secrétaire perpétuel ; mais, avec M.  […] l’Académie est encore le lieu de France où l’on parle le mieux de littérature et où l’on en goûte le mieux toutes les aménités. » Mais dans les mois d’hiver, on est moins entre soi : les hommes politiques, absents depuis des mois et dispersés, se retrouvent, se rejoignent, s’y donnent rendez-vous comme dans un salon ; avant chaque séance, des pelotons animés se forment autour de la cheminée et dans le cercle de l’hémicycle : c’est en petit la physionomie d’une Assemblée ; et même alors que la littérature est mise en avant, quand le secrétaire perpétuel, lisant son très beau et très élégant procès-verbal, attend ou réclame le silence, de nombreux apartés se continuent à voix basse et s’obstinent parfois, bien après la séance commencée : pour quelques-uns, l’intérêt visiblement est ailleurs. — Mais bientôt, vers le milieu de l’hiver, après janvier, l’ordre des travaux, l’examen des livres à juger, dont quelques-uns curieux ou importants, la matière académique enfin, force l’attention, occupe et ressaisit tout le monde. […] Il y aurait lieu, je le crois, d’aviser à une application meilleure et plus appropriée d’un prix qui trop souvent, à continuer comme on fait, se dérobe à son titre.

162. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Dans le premier moment, j’avais voulu arrêter ce journal à ses dernières notes, à la note du mourant se retournant vers sa jeunesse, vers son enfance… À quoi bon continuer ce livre ? […] » Et tout ce que je pus lui dire, n’eut d’autre effet que d’apporter un accent colère à la phrase désespérée, qu’il continuait à répéter. […] si cela pouvait continuer, durer… mais j’ai eu de si terribles déceptions, après des journées pleines de promesses ! […] Je l’engage à continuer. […] Une respiration ronflante comme une basse, coupée d’une plainte, continue et râlante qui vous déchire… Du milieu de cette plainte jaillissent des mots, des phrases qu’on ne peut saisir, et parmi lesquels il me semble entendre : « Maman, maman, à moi, maman ! 

163. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

C’est un précieux qui continue de l’être alors qu’il n’y avait déjà plus de précieuses, ou qu’il n’y avait plus que la vieille Mlle de Scudery qui l’était encore. […] « On le vint avertir qu’on avoit servi à souper, et monsieur me fit mettre auprès de ses enfants et me dit qu’il souhaiteroit bien de les voir savants, mais de la science du monde plutôt que de celle des docteurs. — Autrefois, continua-t-il, j’étudiai plus que je n’eusse voulu, parce que j’avois un père qui, n’ayant pas étudié, rapportoit à l’ignorance des lettres tout ce qui lui avoit mal réussi. […] « Comme je discourais de la sorte (continue-t-il), madame m’écoutoit avec une attention qui témoignoit assez qu’elle se plaisoit à m’entendre. […] J’avois eu tant d’attention à son discours, que j’allois le prier de continuer, quand je vis dans ses yeux une tristesse si tendre et si profonde, que je crus qu’il étoit près de s’évanouir. […] Il me semble aussi que ceux qui ont l’esprit fait entendent tout ce qu’on dit, et qu’il ne leur faut plus après cela que de bons avertisseurs. » Quand le Dictionnaire de l’Académie, continué par nos petits-neveux, en sera au mot incompatible, quel meilleur exemple aura-t-on à citer, pour le sens absolu du mot, que ce trait du chevalier contre les raffinés qui ne savent causer, dit-il, qu’avec ceux de leur cabale, et qui voudraient toujours être en particulier, comme s’ils avaient à dire quelque mystère : « Je trouve d’ailleurs que d’être comme incompatible, et de ne pouvoir souffrir que des gens qui nous reviennent, c’est une heureuse invention pour se rendre insupportable à la plupart des dames, parce que, d’ordinaire, elles sont bien aises d’avoir à choisir. » Je pourrais continuer ainsi et varier les détails sur ce mérite d’écrivain et presque de grammairien du chevalier, qui s’en piquait tant soit peu ; mais il ne faut pas abuser.

164. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

C’est un beau rêve qu’il serait dangereux de continuer, mais qu’il sera peut-être possible de reprendre un jour avec de meilleurs acteurs et des plans militaires mieux combinés… Plus j’ai été chargé immédiatement de cette grande alliance, plus on doit m’en croire quand je conseille la paix. […] Dans cette suite de confidences lamentables, un trait de ces lettres me fait sourire ; j’y vois comme le cachet et la couleur de l’époque, et aussi un reste de cette frivolité qui, chez Bernis, continuait encore de s’attacher même à l’homme public. […] Il y parvint heureusement en plus d’une occasion, et il continua de rendre des services de ce genre jusque dans les derniers jours et comme à l’extrémité de son ministère. […] Avec cela, il continua d’y mêler sa chimère, laquelle consistait à rester dans le Conseil après avoir résigné son portefeuille à M. de Choiseul, à chercher à compléter le nouveau ministre et à se laisser compléter par lui : « Il peut se concerter avec moi, j’ai des choses qu’il n’a pas, il en a qui me manquent : tout cela ensemble ne peut produire qu’un bon effet. » Louis XV mécontent ne répondit pas sur cet article : il consentit à la démission de Bernis en faveur de M. de Choiseul par une lettre datée de Versailles (9 octobre 1758), qui commence ainsi : « Je suis fâché, monsieur l’abbé-comte, que les affaires dont je vous charge affectent votre santé au point de ne pouvoir plus soutenir le poids du travail… » Il y marquait nettement son système personnel en ces mots : « Je consens à regret que vous remettiez les Affaires étrangères entre les mains du duc de Choiseul, que je pense être le seul en ce moment qui y soit propre, ne voulant absolument pas changer le système que j’ai adopté, ni même qu’on m’en parle. » Choiseul n’avait plus qu’à arriver de Vienne.

165. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Dans ce premier volume, l’historien exposait et développait avec le plus grand détail l’état et la constitution de l’Empire sous les Antonins ; il remontait dans ses explications jusqu’à la politique d’Auguste ; il caractérisait en traits généraux les règnes et l’esprit des cinq empereurs à qui le genre humain dut le dernier beau siècle, le plus beau et le plus heureux peut-être de tous ceux qu’a enregistrés l’histoire ; et, à partir de Commode, il entrait dans la narration continue. […] C’est l’histoire la plus compréhensive qui se puisse voir ; le fleuve, à mesure qu’il diminue et va se perdre dans les sables, reçoit quelque nouveau torrent désastreux qui achève de détruire sa rive, mais qui aussi le continue quelque temps et l’alimente. […] Je me borne à rendre l’impression que me fait cette lecture continue, et à en tirer la forme de talent et d’esprit de l’auteur. […] Et il continue de suivre, de caresser un peu trop sa métaphore.

166. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Il faut lui passer d’être érudite comme à la fille de Pythagore d’avoir été philosophe, comme à la fille de l’orateur Hortensius d’avoir été éloquente, comme à la fille du grand jurisconsulte Accurse d’avoir excellé dans le droit ; de telles vocations filiales n’apportent point de trouble dans les mœurs de famille ; elles ne font, dans l’exception, que les continuer et les confirmer. […] Du caractère dont elle est, Mme Dacier entend mieux la force, l’abondance, la veine pleine et continue d’un auteur ancien que la grâce et la légèreté ; elle rend mieux l’effet du texte avec Plaute, avec Térence qu’avec Anacréon ; et surtout elle nous rendra mieux Homère. […] Ne lui demandez ni la grâce ni l’éclat, ni la noblesse continue : et pourtant, à force de savoir et de bonne foi, elle atteint dans l’ensemble à un certain effet homérique ; il y a une certaine naïveté et magniloquence qui se retrouve dans sa langue naturelle plus qu’élégante. […] Dieu n’a pas voulu continuer jusqu’à la fin de nos jours une félicité si grande.

167. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Signé : Benjamin de Rohan. » Forcé de se rendre après vingt-quatre jours de siège (24 juin 1624), en vertu d’une capitulation qui eut la forme de lettres de grâce, Soubise, bien qu’en sortant il eût demandé pardon au roi à deux genoux, alla immédiatement, dans cette même guerre et cette année même, continuer l’œuvre de résistance et de révolte dont il ne se départit jamais. […] Gardons-nous d’oublier que ceux qui n’ont pas réussi ont contre eux bien des apparences et des commencements équivoques qui auraient un tout autre air moyennant une autre issue : un rayon de soleil tombant à propos change bien les aspects. « Mais pour ce que les histoires, dit quelque part Rohan, ne se font que par les victorieux, nous ne voyons ordinairement d’estimes que les enfants de la fortune. » Tout cela est vrai ; et toutefois c’est bien Richelieu qui dans cette lutte a raison, et qui a la conscience de la grande cause qu’il sert, de la noble monarchie qu’il continue, et de la France incomparable qu’il achève. […] L’honneur de Richelieu est de l’avoir senti avec une énergie ardente et un indomptable génie d’exécution : le malheur de Rohan, celui de sa position, est de n’avoir pu le sentir, d’avoir été l’allié naturel et comme nécessaire de l’étranger, de quiconque était alors l’ennemi de la patrie, d’avoir continué de penser là-dessus comme un seigneur féodal en retard, devenu républicain par rencontre, et qui, en vue d’une conviction religieuse particulière, usait de tous les moyens de défense, sans se douter de ce qu’il allait choquer au sein de cet autre sentiment moral et religieux aussi, de ce sentiment patriotique, tout à l’heure universel. […] Le sieur de Rohan, plus propre à être procureur dans un palais que chef d’un parti, les avantages duquel il faut procurer par courage en guerre, et en paix par franchise et ingénuité, … continue ses pratiques, et par mille factions fait connaître à un chacun qu’il fait aussi bien durant la paix tout ce qui peut apporter la guerre, comme durant la guerre tout ce qui semble ne convenir qu’à la paix.

168. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Marie-Joseph Chénier continuait de tout admirer de Voltaire, et l’épître qu’il lui adressa put devenir le programme brillant du peuple des voltairiens : mais les gens de goût et dont en même temps l’esprit s’ouvrait à des aperçus d’un ordre plus élevé, des hommes tels que M. de Fontanes, par exemple, savaient fort bien concilier ce que méritait en Voltaire l’auteur charmant, et ce qui était dû au satirique indécent, au philosophe imprudent, inexcusable. […] L’homme et l’écrivain chez Voltaire sont parfaitement définis et connus, ou du moins peuvent l’être : le combattant et le chef de parti Voltaire continue toujours. […] Que la guerre continue (celle de Sept Ans), que la paix se fasse, vivamus et bibamus ! […] — Nous continuerons de parcourir librement la vie de Voltaire, en prenant autant que possibles nos preuves et témoignages dans le recueil nouveau.

169. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Si on ignore ainsi l’épanouissement varié auquel se livrent les natures heureuses ; si, sous ce vent aride, les couleurs sèchent plus vite dans les jeux de la séve, et bien avant que les combinaisons riantes soient épuisées ; si, par cette oppression qui nous arrête d’abord et nous refoule, quelque portion de nous-même se stérilise dans sa fleur, et si les plus riches ramures de l’arbre ne doivent rien donner ; — quand l’arbre est fort, quand les racines plongent au loin, quand la séve continue de se nourrir et monte ardemment ; — qu’importe ? […] Si l’on cherche la raison de cet oubli bizarre, de cette inadvertance ironique de la renommée, on la trouvera en partie dans le caractère des débuts de M. de Sénancour, dans cette pensée trop continue à celle du xviiie siècle, quand tout poussait à une brusque réaction, dans ce style trop franc, trop réel, d’un pittoresque simple et prématuré, à une époque encore académique de descriptions et de périphrases ; de sorte que, pour le fond comme pour la forme, la mode et lui ne se rencontrèrent jamais ; — on la trouvera dans la censure impériale qui étouffa dès lors sa parole indépendante et suspecte d’idéologie, dans l’absence d’un public jeune, viril, enthousiaste ; ce public était occupé sur les champs de bataille, et, en fait de jeunesse, il n’y avait que les valétudinaires réformés, ou les fils de famille à quatre remplaçants, qui vécussent de régime littéraire. […] Il continue donc, sans faire la moindre allusion à l’expérience flagrante, de poursuivre le Discours sur l’Inégalité des Conditions et l’Émile, de vouloir ramener l’homme au centre primitif des affections simples et naturelles. […] Ainsi livrés à tout ce qui s’agite et se succède autour de nous, affectés par l’oiseau qui passe, la pierre qui tombe, le vent qui mugit, le nuage qui s’avance, modifiés accidentellement dans cette sphère toujours mobile, nous sommes ce que nous font le calme, l’ombre, le bruit d’un insecte, l’odeur émanée d’une herbe, tout cet univers animé qui végète ou se minéralise sous nos pieds ; nous changeons selon ses formes instantanées, nous sommes mus de son mouvement, nous vivons de sa vie. » Cette abdication de la volonté au sein de la nature, cette lenteur habituelle d’une sensation primordiale et continue, il la trouve si nécessaire au calme du sage en ces temps de vertige, qu’il va jusqu’à dire quelque part que, plutôt que de s’en passer, on la devrait demander aux spiritueux, si la philosophie ne la donnait pas.

170. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Les amis furent forcés alors d’opter, entre l’une ou l’autre de ces rivales déclarées, et il n’y eut moyen pour aucun de continuer de se maintenir auprès de toutes les deux. […] Une année après, dans une lettre de Mlle de Lespinasse, datée de minuit (1775), on lit ces mots qui laissent peu de doute : « C’est le 10 février de l’année dernière (1774) que je fus enivrée d’un poison dont l’effet dure encore… » Et elle continue cette commémoration délirante et douloureuse, dans laquelle l’image, le spectre de M. de Mora, mourant à deux cents lieues de là, revient se mêler à l’image plus présente et plus charmante qui l’enveloppe d’un attrait funeste. […] Elle continue donc de l’aimer tout en le jugeant. […] Elle continue donc, malgré tout, à aimer M. de Guibert, sans plus rien lui demander que de se laisser aimer.

171. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Flourens promet de continuer cette série consacrée à populariser les méthodes des savants célèbres, et qui, remontant en arrière par les noms les plus en vue, complète très bien les éloges qu’il est chargé annuellement de faire des modernes académiciens décédés. […] Le grand Corneille, à travers ses hautes qualités, avait, je ne dirai pas beaucoup d’esprit, mais prodigieusement de bel esprit ; quand ils ne sont point passionnés et grandioses, et même alors, une fois que leur mot sublime est lâché, ses personnages continuent de raisonner, et ils le font avec subtilité et à outrance ; ils parlent de tête ; le cerveau chez eux prend la place du cœur ; ils raffinent et quintessencient les idées et les choses. […] Et il continue de plaisanter avec insistance, et parfois avec indélicatesse, sur cette situation équivoque. […] Il n’avait jamais pleuré, continue Mme Geoffrin ; il ne s’était jamais mis en colère ; il n’avait jamais couru ; et, comme il ne faisait rien par sentiment, il ne prenait point les impressions des autres.

172. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Deux réflexions me retinrent : je n’ai jamais voulu devoir une femme à un instant dont elle peut se repentir, et je n’eusse pu supporter l’idée que Mme Czartoryska se crût sacrifiée à l’ambition. » Quoi qu’il en soit de cette réserve dont il se donne avantageusement tout l’honneur, Lauzun continua, durant dix-huit mois ou deux années environ (1775-1777), de courir les chances de la faveur la plus périlleuse et la plus enviée. […] C’est vous seule que je veux servir, vous êtes mon unique souveraine… » À travers mille échecs et mille traverses qu’il rencontrait à chaque pas, il continuait de jouir, selon son expression de fat, « de la plus ridicule faveur dont on puisse se former une idée ». […] Je lui répondis, continue M. de Bouillé : Mais comment, vous qui êtes un honnête homme et qui avez de l’esprit, n’avez-vous pas pris l’ascendant sur votre ami, et n’avez-vous pas dirigé sa conduite vers un but utile et honnête ? […] Et après avoir proposé un projet de loi assez vague et assez peu intelligible contre la diffamation et contre toute espèce d’imputation ayant un caractère personnel, M. de Talleyrand continuait : Mais, ces lois n’existant point encore, je crois devoir à la mémoire d’un homme dont je fus l’ami, de déclarer qu’il n’a point fait, qu’il était incapable de faire et qu’il aurait eu horreur d’écrire les Mémoires qu’on a osé mettre sous son nom.

173. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Son fils, avec sa veuve, demeuré en Angleterre, placé aussitôt dans un poste honorable et modeste par les amis de son père, a continué d’y habiter depuis sans interruption. […] Linguet s’étant fait mettre à la Bastille en 1779, Mallet entreprit de continuer ses Annales, espèce de revue politique et littéraire, et il suffit seul au fardeau. […] Il continue de raisonner en ce sens avec vigueur, avec ironie. […] Mallet, dans une lettre datée du 4 septembre 1793, expliquait au maréchal qu’étant neutre, sans conséquence et parfaitement désintéressé, il avait cru pouvoir développer avec franchise, à l’adresse des cabinets étrangers, plusieurs considérations qu’on n’eût pas écoutées deux minutes dans une autre bouche : J’ai demandé qu’on voulût bien se pénétrer de la certitude et de la profondeur du danger, qu’on le combattit partout, et surtout avec les véritables armes, et qu’on se désabusât de l’idée qu’avec des sièges, des virements systématiques de troupes et quelques prises de possession, on parvint à effleurer le monstre. — Cet écrit, continuait-il, a produit une assez forte sensation sur quelques cabinets : c’est à eux, c’est à quiconque influe sur cette crise, que je m’adressais, et non au vulgaire des insensés et des furieux, à qui le malheur ôte la raison, et dont les emportements ne sont pardonnables qu’en faveur des souffrances qui les occasionnent.

174. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Fiévée en 1814 ; il la continua avec M.  […] Le journaliste du temps du Directoire avait gardé des guerres de plume de la Révolution et de sa persécution de Fructidor un certain goût pour la liberté de la presse ; il l’aimait comme un Vendéen qui aurait continué d’aimer la guerre des haies et des buissons. […] Après en avoir, l’Évangile en main, rappelé les stations principales et sacrées qui sont dans la mémoire des petits enfants : Je ne suis, continue M.  […] Il continua de vivre en sage, ne s’étonnant de rien, fidèle à son passé, mais sans amertume, et accordant jusqu’à la fin aux choses un sourire doucement moqueur et désintéressé.

175. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Cependant son frère fut arrêté et emprisonné par ordre du président de l’Assemblée générale du pays pour avoir inséré un article politique d’opposition : il ne fut relâché que moyennant défense de continuer à imprimer son journal. Il éluda cette défense en passant le journal sous le nom de son frère, le jeune Benjamin, auquel il remit à cet effet, et pour la forme, son brevet d’apprentissage avec libération ; il fut convenu toutefois, par un nouvel engagement destiné à rester secret, que Benjamin continuerait de le servir comme apprenti jusqu’au terme primitivement convenu. […] Franklin y retourne et, tout en restant ouvrier imprimeur, il continue de se former à l’étude, à la composition littéraire ; il se lie avec les jeunes gens de la ville qui aiment comme lui la lecture ; il fait un peu la cour à miss Read ; puis, tenté de nouveau par les promesses du gouverneur, qui lui parle sans cesse d’un établissement, il se décide à faire le voyage d’Angleterre pour y acheter le matériel d’une petite imprimerie. […] Pendant qu’il cause agréablement avec Helvétius, survient la nouvelle Mme Helvétius apportant le café qu’elle vient de préparer : À l’instant, continue l’enjoué vieillard, je l’ai reconnue pour Mme Franklin, mon ancienne amie américaine.

176. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

. — Tous les jours il arrive que tel jeune romancier, tel jeune économiste qui a passé par les feuilles et les feuilletons de la littérature courante vient vous déclarer qu’il ne peut plus continuer sa collaboration, parce qu’il est devenu catholique : cela veut dire qu’il a trouvé un meilleur placement. — Pour tout dire, les condottieri de plume abondent aujourd’hui, ils battent le pavé de Paris, et le clergé a moyen de les enrôler. […] Il est de fait, en outre, que pour une certaine éducation morale, paternelle, un peu aristocratique, et qui continue doucement les traditions du foyer et de la famille, les pensionnats tenus par des Pères plus ou moins jésuites sont incomparablement plus sûrs que les colléges de l’Université : ceux-ci produisent des lycéens bien appris, éveillés, de bonnes manières, et qui deviennent très-aisément de gentils libertins.

177. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

Aujourd’hui nous voudrions réfuter ceux qui s’alarment d’une comparaison superficielle de 1830 avec 1789 ; qui dirigent leur politique comme si de sombres catastrophes sociales étaient là toujours menaçantes devant eux ; et qui ne comprennent pas le moins du monde dans quelle acception véritable nous sommes revenus à 89, dans quel sens pacifique il est exact de dire que nous allons le continuer. […] Il n’y a nulle crainte et nul péril à continuer 89 par ce côté intelligent et pacifique, en y ajoutant tout ce qu’une expérience éclairée a pu donner depuis.

178. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

.) — Dona Teresa aime don Juan, qui a tué son père, continue de l’aimer au cloître, le revoit, consent à l’enlèvement et meurt de ne pas être enlevée, comme elle serait morte de l’avoir été. […] Ironie presque inexprimée, mais continue, et condensée comme un élixir.

179. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

C’est comme si vous me disiez que les pommiers continueront de donner des pommes, et les rosiers des roses, et que M. Dupuis et Mme Judic continueront de jouer les Judics et les Dupuis.

180. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Je ne pense pas que personne, dans aucun temps, ait pris plus sérieusement la vie que ce petit Breton de vingt-cinq ans dont l’enfance avait été si pure, l’adolescence si grave et si studieuse, et qui, au sortir du plus tragique drame de conscience, seul dans sa petite chambre de savant pauvre, continuait à s’interroger sur le sens de l’univers, — et cela, dans un tel détachement des vanités humaines, que ces pensées devaient rester quarante ans inédites par la volonté de leur auteur. […] Il a continué d’agir très fermement, comme si ce qu’il espérait était le vrai.

181. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Paul Ginisty J’arrive aux chercheurs d’une formule nouvelle qui, malgré les railleries, continuent à donner des vers d’une intelligence difficile pour les profanes. […] Gustave Kahn innova une strophe ondoyante et libre dont les vers appuyés sur des syllabes toniques créaient presque en sa perfection la reforme attendue ; il ne leur manquait qu’un peu de force rythmique à telles places et une harmonie sonore plus ferme et plus continue que remplaçait d’ailleurs une heureuse harmonie de tons lumineux.

182. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

La pensée française, j’entends la pensée officielle — car l’autre, la vraie, continue à sourdre, mais couverte et méconnue — la pensée officielle, dis-je, stagne pour s’adapter au goût du jour et la moralité publique s’en ressent. […] Par un reste de tradition, la noblesse continue à recevoir les poètes dans ses salons, mais à l’heure du thé.

183. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Maintenant, continuons. […] Ce livre les continue.

184. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Il continue et il complète Régnier. […] Mais, dans ce raffinement, l’Espagne continuait d’exprimer son génie national par les sonorités emphatiques des mots, et par l’héroïque boursouflure des pensées. […] Racan appartint toute sa vie à l’école du négligé facile, et continua tout seul la tradition du lyrisme élégiaque des Mont-chrétien et des Bertaut. […] Ils n’entendent rien au genre qu’ils traitent, et en cela ils continuent Ronsard et annoncent Boileau. […] Il ne pardonna pas à Henri IV son abjuration, mais continua à le servir : il fut gouverneur de Maillezais, vice-amiral de Guyenne et de Bretagne.

185. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Écoutez-le bien : ce n’est pas un son articulé, net, terminé ; c’est quelque chose qui voudrait se prolonger en se répercutant de proche en proche, quelque chose qui commence par un éclat pour se continuer par des roulements, ainsi que le tonnerre dans la montagne. […] Mais par manque de souplesse, par distraction ou obstination du corps, par un effet de raideur ou de vitesse acquise, les muscles ont continué d’accomplir le même mouvement quand les circonstances demandaient autre chose. […] Mais point du tout, on a continué machinalement en ligne droite. […] Mais il faut aussi que la suggestion soit discrète, et que l’ensemble de la personne, où chaque membre a été raidi en pièce mécanique, continue à nous donner l’impression d’un être qui vit. […] Elle continuait sur ce ton qui m’embarrassait fort.

186. (1881) Le roman expérimental

Nous continuons, par nos observations et nos expériences, la besogne du physiologiste, qui a continué celle du physicien et du chimiste. […] Nous continuons fatalement, je le répète, la besogne du physiologiste et du médecin, qui ont continué celle du physicien et du chimiste. […] L’éclosion était générale, et elle continue. […] Il me serait facile de continuer les exemples. […] Je pourrais continuer ces comparaisons.

187. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Il continue d’être le mainteneur de la mesure en Europe, politiquement. […] Il lui est loisible, quand il en sort, de continuer ses études à travers son métier. […] Continuons à considérer notre locomotive. […] Il trouve encore des articles où cette tradition se continue. […] L’expression : « vivre bourgeoisement », continue d’avoir un sens à peu près net.

188. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Les mémoires, qui, à la différence du journal, sont d’une lecture pleine et aisée, nous montrent Bossuet dans sa généalogie et dans sa race, dans son enfance et son éducation première, dans sa croissance naturelle et continue. […] Éliacin n’eut qu’à grandir, à se continuer, pour devenir un Joad. […] Bossuet avait tous les genres d’éloquence ; et cette facilité merveilleuse d’une parole née de source et si nourrie d’étude et de doctrine, les occasions de toutes sortes qu’il eut de bonne heure dans les emplois du sacerdoce pour appliquer ces dons de nature et en distribuer les fruits, expliquent jusqu’à un certain point cette satisfaction tranquille, cette stabilité précoce d’un esprit qui sent qu’il n’a qu’à continuer et suivre sa marche droite, et qu’il est dans le chemin qui mène à Jérusalem.

189. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

. — Sur ces deux premières fondations, il continue à bâtir, et, à partir de l’invasion, pendant plus de cinq cents ans, il sauve ce qu’on peut encore sauver de la culture humaine. […] Ils seront ses serfs ; ses mainmortables ; quelque part qu’ils aillent, il aura le droit de les ressaisir et ils seront, de père en fils, ses domestiques-nés, applicables au métier qu’il lui plaira, taillables et corvéables à sa merci, ne pouvant rien transmettre à leur enfant que si celui-ci, « vivant à leur pot », peut après leur mort continuer leur service. « Ne pas être tué, dit Stendhal, et avoir l’hiver un bon habit de peau, tel était pour beaucoup de gens le suprême bonheur au dixième siècle » ; ajoutons-y pour une femme celui de ne pas être violée par toute une bande. […] Au dedans, dès le douzième siècle, le casque en tête et toujours par chemins, il est le grand justicier, il démolit les tours des brigands féodaux, il réprime les excès des forts, il protège les opprimés13, il abolit les guerres privées, il établit l’ordre et la paix : œuvre immense qui, de Louis le Gros à saint Louis, de Philippe le Bel à Charles VII et à Louis XI, de Henri IV à Louis XIII et à Louis XIV, se continue sans s’interrompre jusqu’au milieu du dix-septième siècle, par l’édit contre les duels et par les Grands Jours14.

190. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Je dirais, si je ne craignais la barbarie scolastique des termes, que cette conception de l’amour est toute éclatante d’un « idéalisme naturiste » qui rappelle celui de Rousseau et qui en réalité le continue. […] La physiologie conseille et veut en quelque façon la monogamie. « La fécondation s’étend bien au-delà du présent immédiat ; l’acte générateur ne donne pas un résultat unique, mais il a des effets multiples, durables, et souvent continués longtemps dans l’avenir. » Les enfants de l’amant ressemblent au mari. […] Mais elle est profonde et continue.

191. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Nous savons qu’il existe des fonctions continues dépourvues de dérivées. […] Nos pères n’auraient pas manqué de dire : « Il est évident que toute fonction continue a une dérivée, puisque toute courbe a une tangente. » Comment l’intuition peut-elle nous tromper à ce point ? […] Voyons ce qui est arrivé, par exemple pour l’idée de fonction continue.

192. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Pendant ce temps-là le génie continue son éruption. […] Il n’est ni à continuer, ni à recommencer. […] L’école, c’est la résultante des pédantismes ; l’école, c’est l’excroissance littéraire du budget ; l’école, c’est le mandarinat intellectuel dominant dans les divers enseignements autorisés et officiels, soit de la presse, soit de l’état, depuis le feuilleton de théâtre de la préfecture jusqu’aux Biographies et Encyclopédies vérifiées, estampillées et colportées, et faites parfois, raffinement, par des républicains agréables à la police ; l’école, c’est l’orthodoxie classique et scolastique à enceinte continue, l’antiquité homérique et virgilienne exploitée par des lettrés fonctionnaires et patentés, une espèce de Chine soi-disant Grèce ; l’école, c’est, résumées dans une concrétion qui fait partie de l’ordre public, toute la science des pédagogues, toute l’histoire des historiographes, toute la poésie des lauréats, toute la philosophie des sophistes, toute la critique des magisters, toute la férule des ignorantins, toute la religion des bigots, toute la pudeur des prudes, toute la métaphysique des ralliés, toute la justice des salariés, toute la vieillesse des petits jeunes gens qui ont subi l’opération, toute la flatterie des courtisans, toute la diatribe des thuriféraires, toute l’indépendance des domestiques, toute la certitude des vues basses et des âmes basses.

193. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Chapitre II : Partie critique du spiritualisme On voit par ces développements comment Maine de Biran a pu dire que l’âme, considérée dans son absolu, c’est-à-dire dans son essence intime, est un x, une inconnue, un noumène, tout en soutenant que l’intuition du sujet par lui-même va au-delà du pur phénomène et atteint la force active et continue qui constitue le moi. […] La pluralité des consciences a donc pour corollaire la discontinuité des consciences : d’où je tire cette conséquence, c’est que, dans l’hypothèse d’une unité primitive, homogène, sans division et absolument continue, la pluralité des consciences serait impossible. […] Nous conclurons donc par les deux propositions suivantes : 1° une pluralité quelconque (atomes, forces, phénomènes) ne peut être le principe d’une unité consciente, ce qui se connaît soi-même ne sera jamais une résultante ; 2° la pluralité des consciences ne peut s’expliquer dans l’hypothèse d’une unité uniforme et continue sans qu’il y ait quelque intermédiaire entre l’unité primitive et les consciences discontinues.

194. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Siécle, contenant ce qu’il y a de plus curieux, de plus utile & de mieux vérifié dans toutes les rélations des différentes Nations du monde : ouvrage d’abord traduit de l’anglois, & continué depuis par ordre de Monseigneur le Chancelier de France, 1745. […] M. de Querlon, si connu par sa vaste littérature, s’est chargé de continuer cet ouvrage, & l’on a ouvert une souscription pour cette continuation de l’histoire des voyages, ou collection nouvelle 1°. […] L’auteur de cet ouvrage (M. l’Abbé de la Porte) a cru qu’une histoire abrégée des Voyages, en forme de Lettres, dont le style familier, commode, est à la portée de tous les lecteurs, amuseroit plus & soutiendroit mieux l’attention, qu’une rélation suivie, continue, didactique & surement il a trouvé des partisans de sa méthode.

195. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Comment en serait-il autrement, puisque le mouvement aperçu dans l’espace n’est qu’une variation continue de distance ? […] Les couleurs nous apparaîtraient sans doute différemment si notre œil et notre conscience étaient autrement conformés — il n’y en aurait pas moins, toujours, quelque chose d’inébranlablement réel que la physique continuerait à résoudre en vibrations élémentaires. […] Du « système » au « système de référence » la transition est d’ailleurs continue si l’on se place dans la théorie de la Relativité.

196. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Il paraît que, dans les années qui suivirent, au lieu de continuer l’exercice de la charge paternelle, il alla étudier le droit à Orléans et s’y fit recevoir avocat. […] Le fleuve continua de charrier du bois de tous bords, mais dans un courant de plus en plus étendu et puissant. […] Les Placets au Roi et la préface du Tartufe marquent assez le caractère tout moral et philosophique de la seconde lutte, si souvent depuis et si ardemment continuée. […] Jourdain, Argant, c’est le côté de Sganarelle continué, mais plus poétique, plus dégagé de la farce du Barbouillé, plus enlevé souvent par-delà le réel. […] Continuez cependant à faire vos efforts ; ils feront leur effet lorsque vous y penserez le moins ; pour moi, je vais faire des vœux afin que vous soyez bientôt content.

197. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

En ce moment, des physiciens107 se demandent si elle ne peut pas se ramener à une poussée continue, à la pression exercée par l’éther. […] Parce que ses vibrations ont, entre autres caractères, le pouvoir de se propager à travers le milieu ambiant jusqu’à notre nerf acoustique ; en effet, ôtez-leur cette propriété, ce que l’on fait par la suppression du milieu et en mettant le corps dans le vide : les vibrations continuent ; mais, comme elles cessent de se propager, la sensation ne se produit plus. […] Voilà donc la position du point définie par le rapport mutuel de deux grandeurs auxiliaires. — À présent, au lieu d’un point unique, supposons une série continue de points, c’est-à-dire une ligne telle, que ce rapport soit le même pour tous ses points ; la ligne et sa forme seront entièrement définies, et définies par un caractère commun de leurs éléments. […] Or cette direction constante nous montre en quel sens il faut appliquer notre effort, et par quel travail ultérieur doit se continuer l’édifice. […] Si le type se retrouve le même à travers tant d’espèces différentes, c’est que toutes ces espèces, en vertu de l’hérédité, répètent les traits de leur progéniteur commun. — Par l’autre de ces propriétés, l’organe est un instrument utile qui accorde sa structure et sa fonction avec celles des autres, de manière que les espèces différentes puissent subsister dans leurs différents milieux : c’est que, grâce à une sélection continue, le plan commun légué par le progéniteur commun s’est modifié ici dans un sens, là-bas dans un autre, pour accommoder ses détails aux différences et aux changements du milieu.

198. (1898) La cité antique

Le grand intérêt de la vie humaine est de continuer la descendance pour continuer le culte. […] Il n’était pas né par hasard ; on l’avait introduit dans la vie pour qu’il continuât un culte ; il ne devait pas quitter la vie sans être sûr que ce culte serait continué après lui. […] L’enfant qui naissait de là était considéré comme fils du mari, et continuait son culte. […] La religion domestique se continuant, le droit de propriété doit se continuer avec elle. […] Elle se continuait par la légende des dieux de la cité, des héros protecteurs.

199. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Les rhéteurs, les panégyristes à la suite de Pline, les Eumène, les Nazaire, les Pacatus, que vous pouvez chercher dans le recueil des Panegyrici veteres, continuent de justifier la réputation des Gaulois, et leur prétention à bien dire, à parler avec hardiesse, subtilité et bel esprit. […] « Dans l’Armorique de César, alors nommée Bretagne, on continuait à faire usage du celtique, dès lors, ou bientôt après, désigné par le nom de breton. […] Raynouard, le premier, mit fin à cette méthode désordonnée, qui n’en était pas une, qui n’était qu’une routine, et qui, en supposant un pêle-mêle inextricable, le continuait et le prolongeait. […] Raynouard est le premier auteur et promoteur du bien qui s’est fait et qui se continue en cette branche de la linguistique. […] Et pour tout dire, quand même l’Empire, au lieu de succomber sous l’effort de ses ennemis et d’être en proie à une longue invasion, eût continué à exister ou se fût dissous par la seule réaction des éléments contenus en son propre sein, le latin ne s’en serait pas moins transformé en langues romanes avec tous les caractères qu’elles possèdent.

200. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — À quoi se ramène la notion d’espace vide parcouru et d’étendue solide continue. — Toutes les propriétés du corps se ramènent au pouvoir de provoquer des sensations. […] « Quand nous contractons les muscles de notre bras24 soit par un exercice de notre volonté, soit par une décharge involontaire de notre activité nerveuse spontanée, la contraction est accompagnée par une sorte de sensation qui est différente, selon que la, locomotion qui suit la contraction musculaire continue librement ou rencontre un empêchement. — Dans le premier cas, la sensation est celle de mouvement à travers l’espace vide. […] Remarquons d’abord qu’elles se ramènent à une propriété principale, l’étendue, et à l’un des pouvoirs énumérés plus haut, la résistance. — Un corps est une étendue solide ou résistante ; cela signifie que cette étendue, par toutes ses parties continues et successivement explorées, peut provoquer la sensation de résistance ; si ce n’est pas en nous, c’est en un être dont les sensations seraient plus fines que les nôtres. […] En cet état d’atténuation et d’amoindrissement suprême, la série continue des événements successifs qui constituent le mouvement d’une pierre transportée par notre main n’est plus qu’un extrait très mince, le plus mince possible, de cette série continue de sensations musculaires successives qui constituent d’abord pour nous le mouvement de notre main. […] À la limite extrême de simplicité, toutes se réduiraient à des mouvements, lesquels ne seraient eux-mêmes que des séries continues de sensations infinitésimales, dépouillées de toute qualité et définissables seulement au point de vue de la quantité, c’est-à-dire par la durée employée à leur accomplissement et par la grandeur de l’effet consécutif.

201. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Et sans s’occuper de ceux qui étaient là, et comme pour se faire plaisir à elles-mêmes, toutes à leur chant, ces femmes ont continué à vous remuer douloureusement l’âme, avec leurs voix. […] Il y a là, certes, une qualité délicate de dévouement particulière à la femme, et que l’homme ne possède jamais d’une manière si réglée, si continue, si persistante. […] Le jour baisse, elle continue. […] Elle parle en phrases douces, et non comédiennes, du désagrément de se séparer, de l’ennui de ne pas toujours continuer cette vie commune, et elle bâtit bientôt dans le rêve et l’impossible humain, une espèce de phalanstère, où l’on mêlerait ses existences jusqu’à la mort. […] Il continue la tradition.

202. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

J’ai dit autre part pourquoi ces formes de transition ne pouvaient exister actuellement, même dans les circonstances en apparence les plus favorables à leur formation et à leur conservation, c’est-à-dire dans une vaste région continue présentant des conditions de vie graduellement différentes. […] Pour qu’on puisse trouver une série de formes parfaitement graduées entre deux espèces propres aux étages supérieurs et inférieurs de la même formation, il faudrait que le dépôt eût continué de s’accumuler pendant une très longue période, afin qu’il se fût écoulé un temps suffisant pour que le lent procédé de variation pût avoir effectué des changements de valeur spécifique. […] Il faudrait de plus que l’espèce en voie de se modifier eût continué à vivre dans la même région pendant toute la durée de cette période130. […] Le problème peut être insoluble quant à présent, et continuer à servir d’objection valable contre ma théorie. […] Or, de deux choses l’une : ou les espèces changeront, et le dépôt sera probablement interrompu, ou les espèces ne changeront pas, et alors il importe peu que le dépôt continue de s’accumuler.

203. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Nous vous avons déjà dit qu’après la privation des aliments, la production du sucre dans le foie continue à avoir lieu uniquement aux dépens des matériaux du sang. […] Magendie, et, si on l’abandonne à lui-même dans un milieu qui n’a pas plus de 18 à 20 degrés, sa température continuera à baisser et il ne tardera pas à mourir. […] Vous savez, d’ailleurs, que ce gaz ne fait qu’imprimer à la masse fermentescible un mouvement qui peut ensuite se continuer sans lui. […] Il n’y a que les excrétions qui peuvent être continues. […] Si nous en trouvons encore, vous verrez qu’il y en a beaucoup moins que chez l’autre chien, chez lequel, bien qu’il soit à jeun, la glycogénie a continué de s’exercer.

204. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Lemaître continue la lecture des questions. […] À Loti : continuez à débiter votre solde exotique de « rêves » à l’usage de bourgeois et caillettes. […] — Vous savez, continue M.  […] — Et l’œuvre de Mendès, continua M.  […] Geffroy, le dos enfoncé dans son fauteuil, continua : — Et puis, comme tous ceux qui nous ont précédés, on continuera à écrire les Mémoires de son esprit.

205. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Qu’il continue à vivre, le pauvre vieux papisme, tant qu’il sera capable de fortifier ou de consoler une âme, d’inspirer une vie pieuse ou une bonne action !  […] Si leur souvenir continue à briller avec une extraordinaire intensité de vie, c’est à l’écriture littéraire qu’ils en sont redevables. […] Tu continueras à te faire illusion et à écrire, espérant être l’un des douze. […] La multitude myope continue à travailler au fond du fossé où elle périt sans gloire, pendant que le grand homme aperçoit le gué et passe le premier. […] Vous n’avez, cher lecteur, qu’à me continuer votre attention patiente.

206. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Ainsi la critique est devenue, continue toujours Brunetière, « dogmatique avec Boileau, mondaine avec Perrault, esthétique avec Voltaire et Diderot, historique enfin avec La Harpe ». […] On fait d’abord de la critique par goût de ce qui est beau, puis on continue à en faire par dégoût de ce qu’on ne trouve pas beau, et on ne trouve plus rien de beau. […] L’histoire littéraire, telle que l’ont pratiquée les Bénédictins, telle que la continuent tant d’érudits remarquables, c’est encore autre chose. […] * * * Création continuée de l’artiste par la critique, mais aussi, sur un autre registre, création continuée de l’œuvre par les artistes, où la critique dit son mot et fait son travail propre. […] * * * L’imitation est une création continuée qui se dégrade, la parodie est une création continuée qui se retourne.

207. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

., la rumeur éclata malgré tout, énorme et continue. […] Il poursuit les critiques et les chroniqueurs d’une obséquiosité continue. […] Qu’il continue donc dans le silence à démarquer La Villemarqué. […] Il croit à l’avenir du Naturalisme transformé, élargi et continué dans un sens panthéiste. […] La personnalité de Napoléon continue, parmi la jeunesse, à être violemment discutée.

208. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Une idylle, composée, il y avait quatre-vingts ans environ, par un ancien évêque de Meaux, Philippe de Vitry, sur le bonheur de la vie champêtre, continuait de faire fureur, et le bûcheron Franc-Gontier et dame Hélène sa femme (un Philémon et une Baucis plus jeunes) recrutaient, parmi les badauds de la cité, bien des admirateurs à froid de la vie des forêts, louant la médiocrité non dorée, l’eau pure du ruisseau et le gland du chêne. […] Et il continuait sa question pour les païens : Où est César ? […] Il n’est pas homme à s’écrier avec un poète moderne7, maudissant les passions que l’on continue à subir sans qu’elles nous plaisent : Je bois avec horreur le vin dont je m’enivre. […] En un mot, le jeune homme aura connu assez Villon pour l’admirer encore plus, et il l’aura fréquenté assez peu pour continuer de l’estimer et de l’aimer.

209. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Mais la meilleure réponse que Jomini pût faire à toutes les récriminations exagérées et injustes, à tous les jugements prévenus dont il se sentait l’objet, c’était de continuer résolument ses grands travaux et de poursuivre, sans se laisser détourner, ses belles études militaires. Je ne puis que signaler brièvement ici son histoire des Guerres de la Révolution, qui, ébauchée en 1806 et dans les années suivantes, fut reprise et refondue en 1820 et se déroula dès lors dans une publication continue ne formant pas moins de quinze volumes (1820-1824). […] Et quand on songe qu’une telle histoire est ainsi continuée d’un cours égal et plein à travers la Convention et le Directoire jusques et y compris l’époque du Consulat et les victoires de Marengo et de Hohenlinden, on appréciera tout ce que Jomini a préparé de matière toute digérée et de besogne, relativement facile, aux historiens de la Révolution qui ont succédé. […] Si vous lisez tout cela à monsieur de Motschanoff, je vous souhaite bien du plaisir. » Revenons aux études sévères. — Son Histoire des Guerres de la Révolution terminée, Jomini, malgré ses plaintes et cet ennui d’écrire qu’il ne faudrait cependant pas s’exagérer, devait n’avoir qu’une pensée et qu’un désir : continuer son récit et donner l’histoire des guerres de l’Empire.

210. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Ouvrier actif, infatigable, il continua, tout en remplissant comme par parenthèse nos deux scènes lyriques, de parfaire et de compléter son monde du Gymnase, que je voudrais bien caractériser. […] Tout se rassit pourtant, le frais théâtre continua de fleurir ; mais M. […] Scribe en a changé moins le principe que l’application et les proportions : il était difficile qu’il en advînt autrement ; même en se renouvelant, on se continue toujours. […] Scribe ne s’en est pas plus inquiété que du torrent qui passe ; il a continué son train d’homme du métier, se laissant dédaigner des grands novateurs, et sentant bien qu’il avait en lui le ressort, le seul ressort qui joue au théâtre.

211. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Je vais continuer de lui paraître bien léger en telle matière ; mais je suis persuadé que Mme de Krüdner, déjà convertie, eût été choquée elle-même, au milieu de tous ses repentirs, qu’on vînt dire que l’homme qu’elle avait un jour aimé pût être humilié à ce souvenir. […] Des physiologistes et des moralistes plus positifs pensent seulement que celui qui a l’air de se convertir se retourne, et qu’à la bien suivre, la même nature, aux divers âges et dans les divers emplois, se retrouverait au fond jusque sous le déguisement. — Dans toutes ses lettres au docteur Gay, Mme de Krüdner continue de commander instamment les vers désirés et de varier l’inépuisable thème cher à son amour-propre ; elle continue de faire l’article, comme on dit : « Je vous ai prié d’envoyer des vers à Sidonie, nous les ferons insérer ici. […] Un spirituel et sage moraliste, Saint-Évremond, qui avait vu en son temps bien des conversions de femmes du grand monde, a écrit d’agréables pages pour expliquer et démêler les secrets motifs et les ressorts qu’il continuait de suivre sous ces changements193.

212. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Hors de la cour, d’autres rivalisent avec eux : d’autres continuent Coquillart et, dans ses basses parties, Villon161. […] On continua d’étudier exclusivement le latin. […] Née en 1492, en un temps où il fallait encore vouloir s’instruire, et le vouloir fortement, elle s’est instruite, et toute sa vie elle a continué de s’instruire ; elle apprit l’italien, l’espagnol, l’allemand, le latin ; Paradis lui donna des leçons d’hébreu, et à quarante ans elle poursuivait encore l’étude du grec avec Duchâtel. […] Il continua sa traduction des Psaumes, même après qu’il fut entendu que ce travail était incompatible avec la fidélité d’un bon catholique.

213. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Mais il y a plus, et, s’il est vrai qu’il procède quelque peu de George Sand et d’Alfred de Musset, on soutiendrait tout aussi justement que, sauf les modifications inévitables imposées par la différence des temps, une partie de son œuvre continue les romans d’amour et d’aventures du XVIIe siècle et, par-delà, les anciens romans grecs, et que M.  […] (La vision de ce suicide équestre est, soit dit en passant, une très belle chose. ) — Mlle Charlotte de Luc d’Estrelles, orpheline pauvre, s’est offerte un jour sans succès à son cousin Louis de Camors ; peu après, elle épouse pour sa fortune le général de Campvallon, puis ressaisit son beau cousin, l’oblige à se marier pour détourner les soupçons de son vieux mari, continue d’être à lui, est surprise une nuit par le général qui tombe foudroyé du coup, reprend et garde son amant épouvanté et qui ne l’aime plus, et tout cela sans l’ombre d’un remords  Certes ce sont là, Bathilde, Julia et Charlotte, trois grandes amoureuses : elles aiment absolument, elles aiment furieusement. […] Les données de ses romans, réduites à leurs termes essentiels, continuent d’être à peu près les mêmes. […] Et, d’un autre côté, il est très vrai que la foi religieuse peut être un frein, que plus d’une femme qui allait à confesse avant d’avoir un amant n’y va plus après ; mais quelques-unes aussi continuent d’y aller.

214. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

En outre, ce ne doit pas être un mince plaisir, et c’est tout au moins une raison de vivre, que de savoir que l’on continue une race célèbre, de retrouver son nom mêlé partout à l’histoire, de reconnaître des aïeux dans les conducteurs de peuples et parmi les premiers acteurs qui ont joué publiquement leur rôle sur la scène du monde. Nous autres, nous continuons une foule anonyme, et c’est une foule anonyme qui nous continuera. […] Son père, qui continuait à le surveiller de fort près, l’arrache à la société des petits-maîtres : « Ils feront de mon fils un joueur et un libertin. » Il n’aimait pas la femme à qui on l’avait marié.

215. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

C’est à la fin de cette même année que parut le numéro i du format revue, sous couverture jaune-citron, avec, au sommaire, les noms de Paul Verlaine, Maurice du Plessys, Laurent Tailhade, Jean Lorrain, Anatole Baju, Ernest Raynaud, auxquels se joindront, dans les numéros suivants, d’une façon régulière et continue, les noms de : Jules Renard, Albert Aurier, Pillard d’Arkaï, Georges Fourest, Boyer d’Agen, Édouard Dubus, Louis Dumur, André de Bréville, Louis de Saint-Jacques, vicomte Jean Vassili, Valère Gille, Martial Besson, Paterne Berrichon, Félix Noore, Norbert Lorédan, Émile Cottinet, Charles Darantière, A. […] Verlaine, froissé de ces procédés qu’il jugeait, à tort ou à raison, injurieux pour la mémoire de son ami, m’avait prié d’intervenir auprès de Baju pour qu’il s’en abstînt désormais, ce qui n’empêcha pas ce dernier de continuer — en l’absence de sonnets où il était incompétent — à émailler la revue d’annonces fantaisistes sur le grand disparu. […] Paul Bourget continue dans la Vie parisienne la série de ses « naïvetés psychologiques ». […] Déchaînés aussi, mais liturgiques, sur les dômes et par les vals, que le tympanon et la saquebute ; que les cymbales clair-sonnantes et les harpes funéraires ; que le psaltérion décacorde ; que la viole d’amour et les orgues de douleur ; que les flûtes onaniaques des ithyphalliques adônies ; que les trompettes écarlates, les buccins de pourpre et de sinople, les tubas ; que les clairons vermeils ; que les hautbois agrigentins ; que le tambour des Mimallonnes où s’effare l’Evohé ; que le cri des Thyades et le rugissement des panthères ; que la fureur des Béhémoth et le souffle du Léviathan ; que l’onagre et l’étalon gorgé de chair humaine ; que la licorne et l’unicorne ; que l’hircocerf et le caprimulge ; que le guivre et l’alérion ; que l’âne priapique aux dons joyeux, vocifèrent la louange de ce poète bien venu… » Ce faire-part de naissance continuait longtemps sur ce ton et le Timbalier ne manquait pas d’ajouter : « Par un jeu coutumier à la professionnelle modestie, l’Auteur, exposa naguère, sous des noms aimés, ses poèmes, aveuglants joyaux, curieux de savoir, peut-être, ce que la vitre du pseudonyme interposée entre son œuvre et lui absorbait de rayons.

216. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Il continue d’être pour les Jésuites, de les priser et de les estimer, de croire à leur avenir, comme si Pascal n’avait pas tonné ; il continue d’être pour la philosophie des sages d’avant Descartes, pour la philosophie sceptique des Gabriel Naudé, des La Mothe Le Vayer, des Charron, comme si ce grand révolutionnaire et ce grand ennemi de la tradition, Descartes, n’avait point paru pour tout changer ; il continue enfin de goûter les fleurs un peu surannées de l’ancienne littérature, les beautés des d’Urfé, des Scudéry et autres, comme si Boileau n’était pas venu brusquement mettre le holà et réformer le goût. Huet est de ces hommes qui continuent, qui achèvent et épuisent un mouvement, non pas de ceux qui le recommencent.

217. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Une mère ne continue pas d’aimer et de révérer à ce point un fils jusqu’à la dernière heure, quand il a envers elle un tort grave. […] Il appelait ces pages de Bettina les « évangiles de la nature » : « Continue de prêcher, lui disait-il, tes évangiles de la nature. » Il se sentait le dieu fait homme de cet Évangile-là. Elle lui rendait surtout, et utilement pour son talent d’artiste, les impressions et la fraîcheur du passé qu’il avait perdues dans sa vie un peu factice : « Mes souvenirs de jeunesse connaissent tout ce que tu me dis, lui écrivait-il ; cela me fait l’effet du lointain qu’on se rappelle tout à coup distinctement, quoiqu’on l’ait pendant longtemps oublié. » Il ne se prodigue pas pour elle, mais jamais il ne la rebute ; il lui donne la réplique tout juste assez pour qu’elle ne se décourage pas et qu’elle continue. […] Avec toute la complaisance possible d’imagination, il n’y avait plus moyen de continuer comme auparavant le rêve.

218. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Il va continuer ses études au collège des Jésuites à Mauriac ; il nous peint ses maîtres, ses camarades ; il nous fait sentir et aimer ses privations, ses joies d’écolier, ses triomphes. […] Marmontel, dans les livres suivants, continue d’exposer les faits avec lucidité et de peindre les personnages politiques avec intelligence et mouvement ; mais ce n’est plus le père qui parle à ses enfants, c’est l’historiographe de France qui remplit sa charge et ses derniers devoirs envers Louis XVI. […] Menacé de ruine à son tour et voyant sa fortune crouler avec l’ancien ordre de choses, il songea à s’abriter dans quelque asile champêtre pour continuer d’y vaquer à l’éducation de ses enfants. […] Vie de Grosley écrite par lui-même, continuée et publiée par l’abbé Maydieu (1787) ; on y trouve, p. 95-99, quelques détails à ajouter à ceux que donne Marmontel sur Mlle Navarre.

219. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

« Parmi les soggetti, les sujets, sortis de mon débile cerveau, dit-il, c’est celui qui a été le plus généralement accepté par les comédiens, le plus applaudi du roi de France, des princes de Savoie et d’Italie et de tout le monde. » Elle continua à servir de canevas pour la comédie improvisée, ainsi qu’on peut s’en assurer, du reste, par une analyse de ce canevas, différent de la pièce en plus d’un point, que Cailhava a publiée25 et qu’il a donnée à tort pour l’analyse de l’œuvre même de Beltrame. […] Pendant cette période du gouvernement de Richelieu, notre art comique suivait une marche ascendante continue.

220. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Nous n’aurons donc qu’à passer la main aux expérimentateurs, et en attendant qu’ils aient tranché définitivement le débat, à ne pas nous préoccuper de ces inquiétants problèmes, et à continuer tranquillement notre œuvre comme si les principes étaient encore incontestés. […] Nous n’aurions pas à regretter d’avoir cru aux principes, et même, comme les vitesses trop grandes pour les anciennes formules ne seraient jamais qu’exceptionnelles, le plus sûr dans la pratique serait encore de faire comme si on continuait à y croire.

221. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Ce n’est donc pas une raison, parce que aujourd’hui d’autres vieilleries croulent à leur tour autour de nous, et remarquons en passant que Luther est dans les vieilleries et que Michel-Ange n’y est pas, ce n’est pas une raison parce qu’à leur tour aussi d’autres nouveautés surgissent dans ces décombres, pour que l’art, cette chose éternelle, ne continue pas de verdoyer et de florir entre la ruine d’une société qui n’est plus et l’ébauche d’une société qui n’est pas encore. […] Le cœur humain est comme la terre ; on peut semer, on peut planter, on peut bâtir ce qu’on veut à sa surface ; mais il n’en continuera pas moins à produire ses verdures, ses fleurs, ses fruits naturels ; mais jamais pioches ni sondes ne le troubleront à de certaines profondeurs ; mais, de même qu’elle sera toujours la terre, il sera toujours le cœur humain ; la base de l’art, comme elle de la nature.

222. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Les romains ne ressemblent plus, continuera-t-on, aux anciens romains si fameux par leurs vertus militaires et que Tacite définit, des gens ennemis de toutes ces vaines démonstrations de respect qui ne sont que des céremonies. […] L’eau a donc continué d’entrer dans ces canaux sans issuë.

223. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Or, toujours enlevé par la toute-puissante Fonction intime dont il a semblé déjà deux fois avoir senti si prodigieusement l’influence, Capefigue continuera-t-il d’être, dans sa nouvelle histoire, l’historien qu’il fut dans sa Madame du Barry ou sa Madame de Pompadour ? […] Et je doute qu’après ce portrait, si peu chargé et si peu fidèle, de cet heureux de la gloire, on continue de nous donner ce triple Gascon, qui gasconnait avec ses amis, avec les femmes, avec Dieu même, pour le modèle des rois français.

224. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

. — En considération des beaux ouvrages qu’il a donnés au théâtre, et pour lui donner moyen de les continuer, 2 000 livres. […] Ainsi continuons. — Et si je m’oppose à ce que l’on continue, qu’arrivera-t-il ? […] Buloz, je continuai à lui donner mes volumes à cinq cents francs meilleur marché qu’à tout autre. […] Buloz est un adversaire commode, et je le remercie, quand je voulais me reposer un jour ou deux, de me donner des armes pour continuer le combat.

225. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Des Florentins en grand nombre, à chaque trouble survenu dans la république des Médicis, avaient émigré sur ce point et y avaient fondé une espèce de colonie qui continuait d’associer, comme dans la patrie première, l’instinct et le génie du négoce au noble goût des arts et des lettres. […] , fut-elle antérieure à son mariage avec l’honnête et riche cordier Ennemond Perrin, ou se continua-t-elle jusqu’à travers les lois conjugales ? […] Apollon y fait valoir Amour comme le précepteur de la grâce et du savoir-vivre dans la société ; la description qu’il trace de la vie sordide du misanthrope et du loug-garou, de celui qui n’aime que soi seul, est énergique, grotesque, et sent son Rabelais : « Ainsi entre les hommes, continue Apollon, Amour cause une connoissance de soi-mesme. […] Elle dut pourtant continuer de jouir plus que jamais du contrecoup de sa renommée ; tout ce que Lyon avait de considérable, tout ce qui passait d’étrangers de distinction allant en Italie, devait désirer de la connaître, et sa cour sans doute ne diminua pas. […] Il eut beau faire, lui et ceux qui le copièrent : malgré l’injure des doctes qui voulurent transformer sa vie en une sorte de fabliau grivois, la belle Cordière resta populaire dans le public lyonnais ; la bonne tradition triompha, et quelque chose d’un intérêt vague et touchant continua de s’attacher à son souvenir, à sa rue, à sa maison, comme à Paris on l’a vu pour Héloïse.

226. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Depuis longtemps, les économistes ont dressé le budget d’une terre et prouvé par des chiffres l’excès des charges dont le cultivateur est accablé  Si l’on veut qu’il continue à cultiver, il faut lui faire sa part dans la récolte, part inviolable, qui est d’environ la moitié du produit brut, et de laquelle on ne peut rien distraire sans le ruiner. […] Outre le scribe, ils ont avec eux les garnisaires, gens de la plus basse classe, mauvais ouvriers sans ouvrage, qui se sentent haïs et qui agissent en conséquence. « Quelques défenses qu’on leur fasse de rien prendre, de se faire nourrir par les habitants ou d’aller dans les cabarets avec les collecteurs », le pli est pris, « l’abus continuera toujours680 ». […] Un intendant, visitant la subdélégation de Bar-sur-Seine, remarque « que les riches cultivateurs parviennent à se faire pourvoir de petites charges chez le roi et jouissent des privilèges qui y sont attachés, ce qui fait retomber le poids des impositions sur les autres712. » — « Une des principales causes de notre surtaxe prodigieuse, dit l’assemblée provinciale d’Auvergne, c’est le nombre inconcevable des privilégiés qui s’accroît chaque jour par le trafic et la location des charges ; il y en a qui, en moins de vingt ans, ont anobli six familles. » Si cet abus continuait, « il finirait par anoblir en un siècle tous les contribuables le plus en état de porter la charge des contributions713 ». […] … Nous sommes accablés d’impôts de toute sorte ; nous vous avons donné jusqu’à présent une partie de notre pain, et il va bientôt nous manquer si cela continue… Si vous voyiez les pauvres chaumières que nous habitons, la pauvre nourriture que nous prenons, vous en seriez touché ; cela vous dirait mieux que nos paroles que nous n’en pouvons plus et qu’il faut nous diminuer… Ce qui nous fait bien de la peine, c’est que ceux qui ont le plus de bien payent le moins. […] Nous vous le demandons, sire, avec tous vos autres sujets, qui sont aussi las que nous… Nous vous demanderions encore bien d’autres choses, mais vous ne pouvez pas tout faire à la fois. » — Les impôts et les privilèges, voilà, dans les cahiers vraiment populaires, les deux ennemis contre lesquels les plaintes ne tarissent pas728. « Nous sommes écrasés par les demandes de subsides…, nos impositions sont au-delà de nos forces… Nous ne nous sentons pas la force d’en supporter davantage…, nous périssons terrassés par les sacrifices qu’on exige de nous… Le travail est assujetti à un taux et la vie oisive en est exempte… Le plus désastreux des abus est la féodalité, et les maux qu’elle cause surpassent de beaucoup la foudre et la grêle… Impossible de subsister, si l’on continue à enlever les trois quarts des moissons par champart, terrage, etc.

227. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Mais je pense qu’il vous paraîtra plus intéressant d’apprendre que plusieurs de nos compositeurs russes, encouragés par des critiques très autorisés, se sont ouvertement déclarés Wagnériens, et ont essayé de continuer avec l’originalité de leur tempérament et de leur race, l’œuvre admirable du maître de Bayreuth. […] Le drame doit être un récitatif, une mélodie continue. […] Le principal lien avec Wagner est la prédominance du drame sur la symphonie et la volonté d’éviter les formes canoniques (airs, cavatines, duos) imposées par les opéras italiens et français… Ils préfèrent, suivant Wagner, la mélodie continue et le récitatif continu pour laisser s’exprimer l’émotion. […] Dans La Musique en Russie (1880), il dévoile sa recherche d’un arioso aussi éloigné de la tradition italienne que de la mélodie continue wagnérienne. […] On peut établir un parallèle entre sa recherche d’un « récitatif mélodique » et la « mélodie continue » wagnérienne.

228. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Il en est de même dans le domaine de la vue, quand nous venons de regarder un objet brillant et que le nerf optique continue de vibrer. […] Sans doute, outre la simple propagation continue du mouvement, il faut considérer encore les modifications de structure que subit le cerveau, c’est-à-dire les traces laissées par le mouvement même dans cet organe. […] Quand nous passons au point de vue psychologique, nous ne pouvons plus dire avec Maudsley que le visage défiguré par la variole « se souvienne du virus », avec Luys, que la gravure devenue phosphorescente par l’exposition au soleil « se souvienne des rayons solaires » ; nous ne saurions davantage admettre avec Richet qu’une corde pincée qui continue de vibrer à la manière de nos nerfs « se souvienne de l’excitation ». […] On croit qu’il y a des représentations de perceptions et de pensées, mais non de sentiments ; on se figure je ne sais quelles images réfléchies, je ne sais quels fantômes intermédiaires entre la réalité et la non réalité ; mais, en fait, on ne peut se rappeler une pensée qu’en la repensant, une impression éprouvée qu’en l’éprouvant de nouveau à un degré plus faible, une action accomplie qu’en la recommençant sans la continuer ni l’achever. […] Un annélide peut perdre une partie de ses organes et continuer de vivre.

229. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Et il continuait à vivre comme s’il ne se savait pas condamné à jour fixe, donnant toujours ses consultations, recevant le soir, à des soirées où l’on faisait de la musique, — serein et impénétrable. […] Alors il renvoyait sa voiture au mois, et continuait à donner des consultations, chez lui. […] Il n’avait rien laissé percer de son inquiétude, auprès de sa mère, mais, samedi, comme son père était en retard pour le dîner, et qu’on dînait sans lui, tout à coup, il se mettait à fondre en larmes, et comme sa mère se moquait de ses larmes imbéciles de petit garçon, sur le retard de son père, il continuait à pleurer, mais ne disait rien de ce qu’il devinait, se passer dans le moment. […] Samedi 7 juillet C’est chez moi une occupation perpétuelle à me continuer après ma mort, à me survivre, à laisser des images de ma personne, de ma maison. […] Là, je trouve chez le mari, une prompte et sympathique compréhension de ma pensée, chez la femme une tendre estime pour le vieil écrivain, et chez tous les deux une amitié, égale, continue, et qui n’a ni haut ni bas dans l’affection.

230. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

D’abord elle sembla simplement devoir se continuer par lui. […] Notre lecteur continue à feuilleter le roman où il a rencontré cette prédiction, puis ceux de la série où ce livre rentre. […] Jadis, les familles se continuaient. […] Elle a démérité au dix-huitième siècle et elle continue, de nos jours. […] Conçu dans l’anxiété civique, il continue de représenter ce sentiment à travers les différences de siècles et de patries.

231. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

L’âne marcha librement, comme à l’ordinaire, et il continua à manger sans s’apercevoir de rien. […] En ouvrant la grenouille empoisonnée, je vis que son cœur continuait à battre. […] D’abord les nerfs moteurs des organes de la voix sont paralysés ; mais la vie n’en continue pas moins, parce que l’animal respire toujours. […] On recommença aussitôt la respiration artificielle et on la continua sans interruption pendant deux heures encore. […] C’est dans cette pensée que l’on a pu dire avec raison que la nutrition n’était qu’une génération continuée.

232. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Même dans une aire très étendue, restée continue pendant une longue période, mais dont le climat et les autres conditions de vie changent insensiblement en allant d’un district habité par une espèce à un autre district occupé par des espèces étroitement alliées, nous ne pouvons prétendre que rarement à trouver les variétés moyennes dans les zones intermédiaires. […] Aussi longtemps que les conditions de vie restent les mêmes, nous avons des raisons de croire qu’une modification, qui s’est déjà transmise pendant plusieurs générations, peut continuer à se transmettre pendant une suite presque infinie de degrés généalogiques. […] Il suit de là que, durant le cours longtemps continué de leurs modifications successives, les légères différences, qui caractérisent les variétés de la même espèce, tendent à s’accroître jusqu’aux différences plus grandes qui caractérisent les espèces du même genre. […] Ils rejettent du rang spécifique une multitude de formes que, jusqu’à ces derniers temps, ils avaient eux-mêmes regardées comme des créations spéciales, que la majorité des naturalistes continuent de considérer comme telles, et qui, conséquemment, ont tous les caractères extérieurs de véritables espèces. […] Et tandis que notre planète a continué de décrire ces cycles perpétuels, d’après les lois fixes de la gravitation, d’un si petit commencement, des formes sans nombre, de plus en plus belles, de plus en plus merveilleuses, se sont développées et se développeront par une évolution sans fin.

233. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Dans son Éloge de Gaubius, médecin et professeur de Leyde, il nous le montre survivant à ses autres collègues contemporains, et, jusque dans les chaires voisines de la sienne, n’étant plus entouré que de disciples, réunissant enfin toutes les jouissances d’une vieillesse robuste, savante et respectée ; et il continue par cette réflexion pleine de charme : Il est donc dans les différents âges de la vie des consolations et des récompenses pour ces hommes courageux qui se dévouent tout entiers au travail et à l’étude. […] Il poursuivait en apparence et avec le même zèle ses travaux de savant, et continuait de remplir ses fonctions de secrétaire de la Société royale. […] Semblable à ce météore terrible qui, formé de mille courants divers, menace du haut de la nue les sommets escarpés et semble être destiné par la nature à maintenir l’égalité physique sur le globe, la foudre révolutionnaire qui est en vos mains, et que dirige habilement votre génie, continuera de renverser les trônes, fera tomber les têtes superbes qui voudraient s’élever au-dessus du niveau que vous avez tracé ; elle établira l’égalité politique et (l’égalité) morale, qui sont les bases de notre liberté sainte… Voilà jusqu’où l’exaltation de la peur et l’espoir de se faire pardonner de Couthon, Saint-Just et consorts, pouvaient conduire le ci-devant médecin de la reine, un écrivain académique élégant.

234. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

M. de Nangis n’avoua jamais qu’il eût la permission et continua son chemin, répondant de mauvaises raisons à tout ce que lui dit M. le duc de Berry, et ensuite à M. le premier (le premier écuyer) qui était venu lui parler, étant persuadé que cette démarche déplairait au roi. […] Son Éminence a besoin de repos ; elle a l’estomac dérangé : M. de Luynes sait dans la dernière exactitude tous les détails de santé qui font rire quand Molière nous les étale, mais qu’on n’écrit plus ; il les note ; on a le compte, le chiffre exact des coliques du cardinal dans les vingt-quatre heures ; et « d’ailleurs, les différentes situations de la santé de M. le cardinal se remarquent aisément, se reflètent — sur le visage du roi. » Quant au cardinal, il continue de s’occuper d’affaires dans ses intervalles de répit ; il reçoit le viatique, mais il ne songe pas à lâcher le ministère ; il n’a pas l’idée qu’il puisse s’en aller déjà, et il le dit même assez agréablement à l’adresse de ceux qui attendent. […] Les quatre premiers volumes sont en vente. — (La publication a continué depuis.)

235. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Puis il terminait en disant (car il avait eu depuis peu des soupçons sur la fidélité de la poste, et il avait craint que quelque curieux ou malveillant ne s’immisçât pour intercepter la correspondance) : « Après de telles réflexions que vous faites, monsieur, et que vous me mettez en voie de faire aussi, voyez si je n’ai pas grand sujet de désirer que vos lettres me viennent en leur entier et que Dieu continue de me faire par vous, jusqu’à la fin de votre vie ou de la mienne, le bien qu’il a daigné me faire durant près de trente ans par feu monsieur votre frère, mon très-honoré père en Jésus-Christ et mon très-libéral bienfaiteur104.… » J’abrège un peu, car il le faut, mais j’ai toujours quelque regret, je l’avoue, à ne pas laisser les phrases de ces dignes gens dans toute leur longueur, afin de mieux respecter aussi l’intégrité de leurs sentiments. […] Vuillart reprend la plume, et après avoir rapporté une nouvelle intéressante (l’arrivée de la Bulle condamnant le livre des Maximes de Fénelon) qu’il avait apprise de l’abbé Renaudot dans la chambre même de Racine, il continue ainsi : « Il (l’abbé Renaudot) me laissa chez le malade parce que je voulus voir lever le premier appareil d’une incision qu’on lui avait faite la veille au côté droit, un peu au-dessous de la mamelle. […] On a un fragment de lettre de l’abbé de Vaubrun, sans date, mais qui paraît bien se rapporter à ce moment : « Je suis persuadé que vous serez tout à fait fâché d’apprendre l’extrémité de la maladie du pauvre Racine : il a une grande fièvre continue avec des redoublements, causée vraisemblablement par un abcès dans le foie ; il est sans espérance et quasi sans connaissance.

236. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Arlequin se désespère, fait des sauts, des extravagances ; les autres l’imitent en tout, à l’exception du butor qui se remue lourdement. » Ces jeux se continuent longtemps et forment à eux seuls une partie du spectacle ; comme ils n’avaient pas eu grand succès à la première représentation, Dominique les redouble : il inscrit sur son livre : « Il faut que nous fassions des postures d’estropiés, de gros ventres, de tourner les mains derrière le dos, de former des attitudes singulières. […] S’il se présente à heure indue un gentilhomme qui ait bien de l’or et nous en fasse part généreusement, il ne convient pas de l’empêcher de continuer librement son chemin. […] La liberté la plus grande continuait de régner sur cette scène.

237. (1890) L’avenir de la science « XII »

Les rares savants et penseurs, qui, à cette époque, ont cherché par la vraie méthode, alors inaperçus ou per-sécutés, sont à nos yeux sur le premier plan ; car seuls ils ont été continués ; seuls ils ont eu de la postérité. […] Rien de plus difficile que de prédire l’importance que l’avenir attachera à tel ordre de faits, les recherches qui seront continuées et celles qui seront abandonnées. […] Tel discours de nos parlements vaut assurément les meilleures harangues de Démosthène ; tel plaidoyer de Chaix-d’Est-Ange est comparable aux invectives de Cicéron ; et pourtant Cicéron et Démosthène continueront d’être publiés, admirés, commentés en classiques ; tandis que le discours de M. 

238. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Mais seul quelque rythme plotinien expliquera comment elle se continue ensuite vers une sorte de perfection contraire. […] Pour peu qu’on continue, le mot « écriture » devenu inutile périra dans son acception littéraire. […] Voici pourtant un critique — dont j’ignore la vie extérieure et s’il parle du haut d’une chaire — qui débute quelquefois par de la pensée ; mais il continue toujours par de la prudence et de la naïveté professorales.

239. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

C’est par là qu’une fois établie historiquement dans cette mesure qui est belle encore, elle continuera d’intéresser à divers les âges tous ceux qui, de plus en plus indifférents aux formes politiques du passé, garderont les sentiments délicats et humains qui font partie de la civilisation comme de la nature, de tous ceux qui pleurent aux malheurs d’Hécube et d’Andromaque, et qui, en lisant le récit de malheurs pareils et plus grands encore, s’attendriront aux siens. […] Elle continuait sa vie de féerie et d’illusion, quand déjà les propos odieux, les couplets satiriques et les pamphlets infâmes couraient Paris, et lui imputaient une influence secrète et continue qu’elle n’avait pas.

240. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il y a, en M. de Rémusat, plusieurs hommes qui se continuent l’un à côté de l’autre, et qui se sont fait quelquefois concurrence entre eux. […] Anselme, continue M. de Rémusat, Anselme en rappelant cette petite aventure, songeait sans doute au pain céleste du rêve de son enfance. […] Le fait est que j’ai invariablement remarqué, pour mon compte, que s’il y a une certaine quantité et une certaine qualité d’esprits qui admettent, qui embrassent volontiers cet ordre métaphysique d’idées et croient les comprendre, il y a, pour le moins, une très grande moitié du monde, même du monde intellectuel, qui ne s’en trouve pas plus convaincue après qu’auparavant, et qui continue d’attendre la preuve après qu’on a prouvé.

241. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

On continua, & l’on continue encore à prêcher de mémoire, parce que l’on croit que c’est un usage universel. […] Il eut peut-être donné dans l’esprit sans le propos que lui tint un courtisan : « Mon père, lui dit-il, continuez à prêcher comme vous faites ; nous vous écouterons toujours avec plaisir, tant que vous nous présenterez la raison.

242. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

La succession à la couronne n’est point non plus une élection continuée, car alors il y aurait une première élection. […] Pendant les horribles saturnales qui coûtèrent tant de larmes à la patrie, les traditions de l’honneur et de la gloire continuaient de se perpétuer parmi nous. […] On a trop prêché l’oubli aux vaincus : sans doute il faut qu’ils oublient ce qu’ils furent ; mais il ne faut pas que les vainqueurs continuent de les traiter comme le lendemain de la bataille ; car l’outrage peut rendre la victoire incertaine, en produisant un courage de désespoir.

243. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Daguerre continuait ses essais. […] Il va d’abord se développer comme à l’ordinaire : « Saisi par cette idée, continue l’auteur, je me mis immédiatement à l’œuvre. […] « Mais, continue M.  […] L’œuvre a évolué, s’est développée, mais il s’est aussi développé en elle des parties parasites, discordantes, qui ont évolué et ont pu continuer à vivre. […] Après la mort de Godin l’œuvre a continué à vivre et à prospérer.

244. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Toute propriété n’est qu’une conquête continue, mais par quel moyen ? […] Une fois de plus nous constatons que le romancier continue d’être d’abord un philosophe. […] Pourquoi continuer une énumération qu’il faudrait renouveler à l’occasion de toutes les églises ? […] Demain, il monterait dans sa chaire pour continuer son cours. […] Continuons à lire Régis.

245. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Tous ces exemples historiques au reste, ces interprétations diverses d’un passé que la doctrine nouvelle embrasse et domine, ne sont, sous la plume du jeune apôtre, que des lumières qui sillonnent pour lui le chemin de la foi, des rayons qui ramènent au foyer dont ils émanent, des excitations fécondes pour passer outre et entraîner ceux que le grand développement providentiel saisit au cœur, et qui, à l’aspect des antiques traditions enfin comprises, se sentent le désir de travailler, pour leur part, à en continuer l’enchaînement éternel. […] Mais le sentiment, qui anime les pères et les frères en Saint-Simon d’Eugène Rodrigues, est à la fois plus simple et plus haut, plus calme et plus touchant ; leur langage est plus d’accord avec ce qu’il a dû désirer et espérer lui-même, avec ce qu’il doit continuer de sentir au sein de la vie nouvelle où il est déjà entré.

246. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Par le goût littéraire, le xviiie  siècle est, ou se croit classique, continue, ou croit continuer le xviie siècle.

247. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

 » Mais cette imputation réitérée de changement ne tarda pas à être dissipée, par une visite d’affection que madame de Maintenon alla faire à madame de Coulanges, qui était malade, au plus tard, le 12 novembre 1677, dans le premier éclat de sa faveur, elle écrivait à mademoiselle de Lenclos, pour l’engager à continuer ses conseils à son frère, qui en avait grand besoin. […] Les documents fournis jusqu’ici par sa correspondance sur ses progrès dans l’estime et l’affection du roi, manquent tout à fait, et, par une fatalité très fâcheuse, madame de Grignan étant venue passer 22 mois avec sa mère à Paris, depuis la fin d’octobre 1677 jusqu’en septembre 1679, nous nous trouvons aussi privés des informations que madame de Sévigné était à portée de recueillir et qu’elle aurait continué à transmettre à sa fille.

248. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

… Les familles littéraires vont continuer, dans le monde mouvementé du progrès, ce qu’ont fait, dans le monde stationnaire, les familles militaires et sacerdotales, et ce que nous avons trouvé si mauvais ! […] … Et s’il n’y avait que les enfants, ivres du mérite de leur père, qui crussent le continuer, on pardonnerait cette illusion à la jeunesse et à l’admiration filiale ; mais la société tout entière daube là-dedans, avec une incomparable naïveté !!

249. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Et Tucker continue. […] Et pourtant il continue à intéresser, à passionner le monde. […] Je continue à penser qu’à cela aucun socialisme ne réussira jamais. […] Cette pension, Ibsen continue, depuis trente ans, à la recevoir. […] Ibsen a continué dix ans de vouloir être un philosophe et un réformateur.

250. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Je n’y serai que ce soir, et j’en partirai demain matin pour continuer tout de bon ma route que les lacs du Westmoreland et du Cumberland ont interrompue. […] Gaullieur, ils s’adressaient des messages dans lesquels ils échangeaient leurs observations de chaque heure, et continuaient sans trêve leurs conversations à peine interrompues. […] S’il continue à perdre, basta, adieu les feuilles ! S’il y trouve son compte, il continuera à ses frais, à condition qu’il m’enverra cinq exemplaires de chacune à Brunswick. […] « On continue toujours ici à me traiter assez bien.

251. (1932) Le clavecin de Diderot

» et il est resté fidèle à André Breton, ce qui ne l’a pas empêché de continuer à croire fermement en la synthèse du surréalisme et du communisme. […] Ainsi, continuait-on à ne voir dans la poésie qu’une mine à sujets de pendules. […] De l’obscurantisme, est né, a vécu, continue de vivre l’idée de Dieu. […] Que les touristes continuent donc à se réjouir de leur tourisme. […] Et comme l’époque continuera de faire la laïque, à seule fin de cultiver en plus grande paix l’idéologie chrétienne, au messianisme de s’en donner à cœur joie.

252. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

L’organisme complexe et quasi-discontinu fonctionne ainsi comme eût fait une masse vivante continue, qui aurait simplement grandi. […] Parmi les développements divergents auxquels elle donne naissance, les uns continuent indéfiniment, les autres arrivent plus ou moins vite au bout de leur rouleau. […] Les deux tendances de la plante et de l’animal se pénétraient si bien d’abord qu’il n’y a jamais eu rupture complète entre elles : l’une continue à hanter l’autre ; partout nous les trouvons mêlées ; c’est la proportion qui diffère. […] Déjà se manifeste parmi les savants une tendance à considérer la substance de l’organisme comme continue, et la cellule comme une entité artificielle 65. […] Car il ne fait que continuer le travail par lequel la vie organise la matière, à tel point que nous ne saurions dire, comme on l’a montré bien souvent, où l’organisation finit et où l’instinct commence.

253. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Cette pensée me laisse dans un calme parfait, car j’ai la ferme conviction que notre esprit est une essence d’une nature absolument indestructible ; il continue à agir d’éternité en éternité. […] — Lord Byron, continuai-je, ne se montre pas plus sage lorsqu’il dépèce votre Faust et prétend que vous aurez pris cela ici, et ceci là. » — Toutes les belles choses que lord Byron cite, dit Goethe, je ne les avais, pour la plupart, pas même lues, et j’y ai encore moins pensé, quand j’ai fait le Faust. […] Mais continuez, vous m’intéressez. […] Mais tout en moi continue à bien se maintenir, et j’espère que ce n’est pas aujourd’hui la dernière fois que nous nous donnons ensemble une bonne journée. […] Continuez vos études et vos observations !

254. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Notre père et notre mère nous y conduisaient tout petits pour y continuer notre éducation domestique et pour animer un peu cette solitude par ce doux tumulte dont six enfants en bas âge remplissent la maison d’un homme sans famille. […] » Elle continua à lire le récit du voyage des deux jeunes gens jusqu’à leur arrivée à Lacédémone chez le roi Ménélas, le mari d’Hélène, rendue enfin à son époux. « Écoutez, dit-elle, l’arrivée du char chez le roi. » « L’écuyer de Ménélas, Étéomnée, appelle les autres serviteurs et leur commande de le suivre. […] continua-t-elle. — C’est que la douleur défigure le visage, répondit une de mes sœurs, et que nous n’aimons pas nous laisser voir enlaidies par les larmes. — N’est-ce pas aussi, répondis-je à mon tour, parce que la douleur est une faiblesse et que l’homme doit se montrer fort, même contre le chagrin ? […] Mais continuons. » XXIV « Ulysse à cet aspect s’arrête sous un poirier et répand des larmes ; puis il aborde le vieillard. — Ô vieillard ! […] … Nous aurions écouté sans fin et sans lassitude pendant dix étés de suite un si délicieux poème, si Homère, par la voix de notre jeune mère, avait continué à raconter ainsi ; mais le poème finit avec les beaux jours.

255. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Je fis dans le premier numéro le premier article intitulé Boileau 9, et je continuai cette série de biographies critiques et littéraires dans les numéros suivants. […] Véron, et j’y commençai la série de mes Lundis, que j’y continuai sans interruption pendant trois ans jusqu’à la fin de 1852. […] Il se livra ensuite à des études de sciences et de médecine, et il continua ces dernières jusqu’en 1827, c’est-à-dire pendant près de quatre ans. […] Sainte-Beuve les continua trois ans au Constitutionnel, puis ensuite dans le Moniteur, devenu journal de l’Empire. […] Sainte-Beuve a continué de figurer en qualité de professeur titulaire sur les affiches du Collège de France, mais il a depuis longtemps renoncé à tous ses droits.

256. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Son père était juge de paix à Lyon avant le siége, et pendant le siége il avait continué de l’être, tandis que la femme et les enfants étaient restés à la campagne. […] Je continue en choisissant : Samedi, 12 novembre. — Madame Carron (la mère) étant sortie, je parlai un peu à Julie qui me rembourra bien et sortit. […] Il continuait ses leçons de mathématiques à Lyon, et y demeurait avec sa femme, qui d’ailleurs était souvent à Saint-Germain. […] Je m’imagine encore qu’Euler, Lagrange, avaient cette expression prompte, nette, élégante, cette économie continue du développement, qui s’alliait à leur fécondité intérieure et la servait à merveille. […] Parti pour sa tournée d’inspecteur général, il se trouva malade dès Roanne ; sa poitrine, sept ans auparavant, apaisée par l’air du Midi, s’irritait cette fois davantage : il voulut continuer.

257. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Voyons Fléchier tel qu’il était, apprenons à le goûter dans les qualités qui lui sont propres et qui lui assurent un rang durable comme écrivain et comme narrateur ; ne craignons pas de nous le représenter dans sa première fleur d’imagination et d’âme, dans sa première forme de jeune homme, d’abbé honnête homme et encore mondain ; et bientôt sans trop de complaisance, sans presque avoir à retrancher, nous arriverons insensiblement à celui qui n’avait eu en effet qu’à se continuer lui-même, et à se laisser mûrir pour devenir l’orateur accompli si digne de célébrer Montausier et Turenne, et l’évêque régulier, pacifique, exemplaire, édifiant. […] Il s’était exercé jusque-là dans de petites compositions, dans des jeux d’esprit scolaires ou académiques ; il va continuer dans le même sens, en étendant un peu ses cadres. […] Colbert, Chapelain après avoir parlé de Huet, qui, disait-il, « écrit galamment bien en prose latine et en vers latin », et du gentilhomme provençal Du Périer, aujourd’hui très oublié, continue sa liste en disant : « Fléchier est encore un très bon poète latin. » Vers cette année 1662, faisant un voyage en Normandie, et sans doute pour y voir M de Montausier nommé gouverneur de cette province, Fléchier arrivait à l’improviste chez Huet avec qui il était très lié, se glissait à pas de loup jusqu’à lui dans sa bibliothèque et le serrait tout surpris entre ses bras : « Je ne fus pas médiocrement réjoui, nous dit Huet en ses Mémoires, de la visite d’un si agréable ami. » On voit d’ici cette jolie scène familière des deux futurs prélats, dont l’un petit abbé alors, et l’autre un simple gentilhomme normand. […] Par exemple, le chapitre sur « L’esprit critique et satirique » est d’un homme qui préférait de beaucoup la morale insinuante de La Fontaine fabuliste à la franche satire de Boileau et même de Molière ; on dirait que l’auteur continue de faire, à l’égard de ces derniers, quelques-unes des restrictions et des réserves de M. de Montausier. […] Telle est la qualité nouvelle que la relation de Fléchier a acquise en vieillissant : ce qui, pour l’auteur devenu tout à fait grave, n’était plus qu’une bagatelle de société, ce qui a pu continuer de paraître tel en effet jusqu’à la fin du xviiie  siècle, et tant que dura l’ancienne monarchie, a pris, à la distance où nous sommes, toute l’importance d’un témoignage circonstancié, d’un tableau neuf et hors de prix.

258. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) I Continuons encore pendant quelques pages cette critique sincère de l’Histoire des Girondins. […] Cet excellent homme s’appelait Georges Duval ; il avait autrefois joué un rôle d’aimable comparse dans les folies de jeunesse de Danton, de Camille Desmoulins et de leurs affidés ; à leur mort il avait continué son rôle de témoin désintéressé dans les grandes scènes de la Convention ou de l’échafaud, sans exciter aucun ombrage : sa légèreté et sa gaieté le préservaient des soupçons des terroristes, comme le myrte couvrait le poignard d’Harmodius et d’Aristogiton. […] La loi n’était, dans cette usurpation réciproque et continue, ni dans la Montagne, ni dans la Gironde, ni dans la commune, ni à Paris, ni à Bordeaux. […] « Il continua ainsi, abattu et muet, jusqu’à l’entrée de la place de la Révolution par la rue Royale. […] Le prêtre continuait à le presser plus vivement d’accepter les secours de son ministère.

259. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Voilà des genres de poésies dans lesquels trois grands hommes ont donné à la France une incontestable supériorité, et nous admirons sincèrement l’orgueil ou l’humilité de ceux de nos auteurs qui continuent à s’y exercer. […] Ils ont raison quand ils veulent que nos anciens chefs-d’œuvre soient étudiés et admirés avec enthousiasme ; ils ont tort quand ils veulent qu’ils soient continués perpétuellement et reproduits sous toutes les formes. […] Vous tous, qui avez la science, le jugement et l’imagination, ne formez qu’une ligue en faveur de l’ordre et de la civilisation ; tournez vers le bien et vers le beau toutes les facultés que vous avez reçues du Ciel, mettez en commun tous vos trésors et toutes vos forces pour faire avancer le grand œuvre du 19e siècle, et laissez les versificateurs continuer en paix leur innocent métier. […] Ce fut aussi un tribut que le grand homme a payé au mauvais goût de son temps ; mais tel est l’art qu’il a mis dans ces monstruosités mêmes, qu’elles peuvent s’enlever toutes, sans rien déranger à l’échafaudage de ses pièces et à la marche de l’action ; cette épuration, commencée par lui-même et continuée depuis en Angleterre, souvent avec peu de goût et de discernement, fait nécessairement partie du travail d’un traducteur français qui ne doit pas rejeter ou garder tout ce qu’ont gardé ou rejeté les arrangeurs anglais ; mais la traduction n’en sera pas moins littérale, en ce sens, que si elle ne donne pas tout Shakespeare, du moins elle ne contiendra rien qui ne soit de Shakespeare. […] Comment ne sent-on pas que le rhythme continue sous ce désordre apparent et qu’il n’y manque rien que la monotonie !

260. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

On continua. […] Cela n’a que deux volumes, mais cela pouvait en avoir dix ; car des aventures aussi plates et aussi bêtes que celles de Frédéric Moreau pourraient continuer indéfiniment. […] Il n’est plus que cela, et s’il continue dans ce sens, affreux progrès ! […] XI11 Les chacals de la littérature posthume continuent leur triste besogne, qui est de ramasser les restes des lions morts, pour en vivre. […] Y en a-t-il vraiment, des bourgeois, de cette absurdité complète, violente, et continue ?

261. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

C’était en effet avec quelques anneaux ainsi choisis à distance, et en omettant bien des intermédiaires, que l’on pouvait parvenir, moyennant un peu de bonne volonté, à établir une espèce de chaîne continue dans la doctrine déjà si disparate et à travers la carrière déjà si accidentée de M. de La Mennais ; mais depuis lors la chaîne s’est rompue à trop d’endroits pour qu’on essaye, par aucun artifice, d’en ressouder les fragments et d’en rejoindre les bouts. […] Son monstrum horrendum continue d’être l’Université. […] Une armée étrangère peut seule le maintenir sur le trône ; et si cette année reste en France, si le pillage régulièrement organisé continue, en un mot si l’on nous traite comme Buonaparte a traité l’Espagne, nous n’avons non plus qu’un exemple à suivre, celui des Espagnols ; car il n’y a point de maux pour un peuple qui ne soient préférables à la perte de l’honneur et de l’indépendance. […] Il engendrait le désespoir et l’inquiétude ; son impatience lui faisait une vraie fièvre continue.

262. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Tout auteur tant soit peu influent et à la mode crée un monde qui le copie, qui le continue, et qui souvent l’outrepasse. […] De là cette grande querelle qu’il s’est faite, et que nous allons, bien que plus modérément, continuer. […] Il n’a vu, il n’a voulu voir qu’un côté, le petit et le vilain, d’un grand règne ; il a parlé de Louis XIV en opprimé, presque en homme lésé ; il s’est mis passionnément de la cabale des gens d’esprit et des libertins contre le grand roi, il a fait cause commune avec Vardes, Bussy, Lauzun, Rohan, les Vendôme, avec tous ceux qui regrettaient ou qui appelaient la précédente ou la future régence ; durant une oraison funèbre de Bossuet, durant les chœurs d’Athalie ou d’Esther, il a continué de chanter à la cantonade quelque noël satirique. […] Je pourrais continuer plus ou moins longtemps ces remarques, mais je me ferais mal comprendre, si je ne concluais nettement que Jean Cavalier ajoute, dans un genre nouveau, à l’idée qu’avaient déjà donnée de M.

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