Ils ont tous le même air, parce que ces peintres n’ont pas les yeux assez bons pour discerner l’air naturel qui est different dans chaque personne, et pour le donner à chaque personne dans son portrait. Mais le peintre habile sçait donner à chacun dans son portrait l’air et l’attitude qui lui sont propres en vertu de sa conformation. […] Le commun des hommes est donc bien capable de reconnoître un caractere lorsque ce caractere a reçu sa forme et sa rondeur théatrale ; mais tant que les traits propres à ce caractere, et qui doivent servir à le composer demeurent noyez et confondus dans une infinité de discours et d’actions que les bienséances, la mode, la coûtume, la profession et l’interêt font faire à tous les hommes, à peu près du même air, et d’une maniere si uniforme que leur caractere ne s’y décele qu’imperceptiblement, il n’y a que ceux qui sont nez avec le genie de la comedie qui puissent les discerner.
Telles étaient les grandes actions de Toscar ; mais Toscar est maintenant sur le nuage qui vole dans les airs, et je suis resté seul à Lutha. […] L’étendard de Morven, déployé dans les airs, marche devant lui : son épaisse chevelure semble lutter avec les traits farouches de la guerre. […] Les jeunes gens se précipitent du haut des montagnes, et, marchant d’un air égaré, tremblent pour leur chef. […] Emportez-le au séjour de votre éternelle paix ; et vous, vierges du royaume aérien de Trenmor, apprêtez-lui sa brillante robe d’air et de vapeurs. […] Seule sur le rocher que la mer environne, ma fille faisait retentir les airs de ses plaintes.
L’air, la terre, les eaux, les plantes, les êtres animés ne forment qu’un concert dont la note universelle est la joie de vivre. […] On dit que les sphères ont leur harmonie, je le crois bien, puisque le moindre flot de l’air au printemps roule des voix et des chants. […] Il supportait la raillerie, les surnoms, les quolibets, en penchant sa belle tête enfantine sur sa poitrine et en souriant d’un air un peu confus qui encourageait à le railler davantage. […] Les notes de cet air ruisselaient comme un drapeau trempé de sang encore chaud sur un champ de bataille. […] Le froid le saisit ; il rentra chancelant dans sa chambre solitaire, chercha lentement l’inspiration, tantôt dans les palpitations de son âme de citoyen, tantôt sur le clavier de son instrument d’artiste, composant tantôt l’air avant les paroles, tantôt les paroles avant l’air, et les associant tellement dans sa pensée qu’il ne pouvait savoir lui-même lequel de la note ou des vers était né le premier, et qu’il était impossible de séparer la poésie de la musique et le sentiment de l’expression.
Il y a respiré, avec l’air chargé des émanations de la végétation primitive, ce respect de la dignité, cette conscience de l’énergie humaine qui ne l’ont jamais quitté. […] Le sein calme de l’Ohio est sillonné par une foule de bateaux à vapeur, qui troublent ses ondes et obscurcissent l’air de leur trace de fumée. […] Je me trouvais entre Shawancy et la crique du Canot ; le temps était beau ; l’air était doux ; je chevauchais lentement. […] — Je serais bien heureuse, s’écria-t-elle d’un air d’extase, si je possédais une montre pareille ! […] D’un élan, il se lança comme un trait à la distance de plusieurs mètres, resta quelque temps à se balancer d’un air tranquille ; puis, dès que ma baguette eut quitté l’eau, revint prendre son poste.
Nous nous tordions d’angoisse, il sautelait sur nous, cet éléphant, en se donnant des airs d’écureuil. […] Lorsque Sully Prudhomme entra un matin, je pris un air très grave et presque magistral. […] Elle pleure ; l’air est ancien Et triste jusqu’à la folie. […] Pour se promener sur les lagunes vénitiennes, son canot a pris des airs de gondole. […] Vraiment il y avait du spleen dans l’air.
L’air sérieux et grave est le premier devoir du monarque. […] La Fontaine est parent de Rabelais et leurs héros ont un air de famille. […] Je ne sache rien qui peigne mieux l’air dégagé et noble, la politesse élégante et digne. […] Nous vous voiturerons par l’air en Amérique. […] Ils ne pensent pas d’ordinaire, ils souffrent simplement, et font effort d’un air morne.
Ceux-ci ont les membres et même la base de la queue reliés ensemble par une large expansion de la peau qui leur sert comme de parachute et leur permet de se soutenir dans l’air et de sauter d’arbre en arbre à de surprenantes distances. […] Les Pétrels sont, plus que tous les autres oiseaux, des habitants exclusifs de l’air et de la mer. […] On peut citer comme exemple certains Poissons pourvus d’ouïes ou de branchies qui respirent l’air dissous dans l’eau, en même temps qu’ils respirent l’air atmosphérique par leur vessie natatoire, ce dernier organe ayant un conduit pneumatique destiné à le remplir et étant divisé par des cloisons essentiellement vasculaires. […] Ce nouvel ordre vainqueur dut promptement se réserver à lui seul la domination du royaume de l’air en causant l’extinction de toutes les formes successives qui étaient devenues sa proie après lui avoir servi d’ébauche, et qui, par conséquent, ne peuvent être venues jusqu’à nous. […] Il se passa donc encore ici une succession de phénomènes analogues à ceux qui résultèrent de la conquête de l’air par le poisson volant.
» Le paysage de cette contrée mitoyenne, un peu en-deçà du Midi et y confinant sans en être encore, qui tient de la Vendée et de l’Anjou, qui mêle l’air salin de la mer et la fraîcheur du bocage, et que Henri IV avait déjà décrite dans une charmante lettre à Gabrielle, datée de Marans, trouve en M. […] Ils murmuraient doucement à de longs intervalles, surtout par des soirées tièdes, et quand il y avait dans l’air je ne sais quel épanouissement plus actif de sève nouvelle et de jeunesse. […] Les pampres tombaient un à un, sans qu’un souffle d’air agitât les treilles. […] Il s’est bien gardé de nous peindre le postillon au trot, ou le sabot du cheval en l’air, ou de nous montrer, au front de Madeleine, des bandeaux ou des boucles de cheveux qu’il n’a pas eu le temps de regarder. […] Son teint, ranimé par un hâle léger, rapportait de ses courses en plein air comme un reflet de lumière et de chaleur qui le dorait.
Sur le milieu du parvis, devant la porte de l’hôpital, une mère agenouillée, les bras et les regards tournés vers le ciel et la sainte, la bouche entr’ouverte, l’air éploré, demande le salut de son enfant. […] Cette porte n’a point l’air d’une porte, c’est, en dépit de l’inscription, une fenêtre par laquelle on imagine au premier coup d’œil que ce malade s’élance. […] Je ne demande pas à son père plus d’expression qu’il n’en a, pour un peu plus de dignité, c’est autre chose ; on prétend qu’il a moins l’air de l’époux de cette femme que d’un de ses serviteurs, c’est l’avis général. […] Autre défaut et peut-être le plus considérable de tous, c’est qu’on y désire une meilleure connaissance de la perspective, des plans plus distincts, plus de profondeur ; tout cela n’a pas assez d’air et de champ, ne recule pas, n’avance pas assez. […] Ajoutez que tandis que le défaut d’air et de perspective porte les figures du devant vers le fond et du fond vers le devant, par une seconde malédiction elles sembleront encore chassées de la gauche vers la droite et de la droite vers la gauche, ou retenues comme par force dans l’enceinte de la toile ; en sorte que cet obstacle levé, on craindrait que tout n’échappât, et n’allât se disperser dans l’espace environnant.
Il est impossible d’exprimer l’âpreté de l’air et du froid. […] À l’air de franchise et de contentement qui brillait sur leur visage, on eût dit une réunion d’heureux. […] Un grand silence règne dans leur enceinte où tout est paisible, l’air, les eaux et la lumière. […] De même, quand l’écho me fait entendre les airs que tu joues sur ta flûte au haut de la montagne, j’en répète les paroles au fond de ce vallon. […] Pour Domingue, il se frappait la poitrine, et perçait l’air de ses cris douloureux.
les bêtes du moins n’ont qu’une saison. » — « C’est que ce sont des bêtes. » Mme Des Houlières, sans le dire de ce ton de prose, et sous air innocent de donner l’avantage aux bêtes, n’est pas si loin de cette idée en ses idylles : ses petits moutons sont aussitôt aimés qu’amoureux. […] Mlle de Lenclos, sur le luth, devait chanter ses airs : plus d’un rappelle cette Chanson pastorale du poète Lainez, qui commence par le rossignol et finit par les moineaux. […] Elle l’a senti depuis : dans les réimpressions, l’air vaurien d’Elmandre s’est corrigé en air lutin ; elle a supprimé ce vers incroyable : Son infidélité devient une faveur ! […] Cœur indompté, l’air des bois l’aiguillonne, L’odeur des pins l’enivre. […] Dans des vers adressés à Mlle Des Houlières la fille, Ménage l’appelle Hulleria, comme il avait appelé Mme de La Fayette Laverna ; ces noms en latin prennent un air effrayant.
Elle me semblait plus dans l’air du temps qu’autre chose. L’air du temps est aux réhabilitations. Cela donne un air de juges intègres et de Perrins Dandins aux éclectiques du xixe siècle. L’air du temps est aussi aux paradoxes, mais beaucoup moins ; car le paradoxe implique de l’invention dans l’esprit, chose rare ! […] comme on dit), l’air du temps.
S’il vient par ici, j’irai le joindre pour lui demander s’il me trouve toujours l’air philosophe. […] « Je me souviens d’une figure portant un air de souffrance céleste qui me peignait une âme en purgatoire. […] Cet état de langueur a bien des charmes, et ce mélange de verdure et de débris, de fleurs qui s’ouvrent sur des fleurs tombées, d’oiseaux qui chantent et de petits torrents qui coulent, cet air d’orage et cet air de mai, font quelque chose de chiffonné, de triste, de riant que j’aime. […] Tous les arbres s’inclinent sous ce déluge ; c’est pitié de leur voir cet air languissant et défait dans le beau triomphe de mai. […] C’en est bien un, qu’une belle nature, un air pur, un ciel radieux, petites images du séjour céleste, et qui font penser à Dieu.
Le bruit de la flamme vous réjouissait ; mais il fallut plus d’une bonne demi-heure pour sentir un peu l’air tiède. […] Catherine, après le dîner, chanta l’air : Der lieber Gott ! […] Quand un air était fini, nous en commencions un autre. […] « Comme tu as l’air content et l’air réjoui ! […] » dit-il en me regardant d’un air grave.
Cet homme de haute taille, d’une belle et noble physionomie, à l’air martial et intelligent, portait boucles d’oreilles. […] Catherine, qui se croyait prête elle-même, ne l’était pas ; elle avait envie et elle hésitait : Regardant le portrait de Pierre Ier qu’elle a toujours dans sa poche quand elle est en voyage, elle me dit plusieurs fois d’un air qui dictait ma réponse : Que dirait-il ? […] Il est étourdi comme un hanneton au milieu des canonnades les plus vives et les plus fréquentes, bruyant, chanteur impitoyable, me glapissant les plus beaux airs d’opéra, fertile en citations les plus folles au milieu des coups de fusil, et jugeant néanmoins de tout à merveille. […] Il est vrai qu’en sortant de ses mains, elle mettait les siennes dans ses cheveux pour s’arranger à l’air de son visage. […] C’est le prince de Ligne qui a écrit cette belle pensée : L’incrédulité est si bien un air que, si on en avait de bonne foi, je ne sais pas pourquoi on ne se tuerait pas à la première douleur du corps ou de l’esprit.
Pourquoi la trompette toujours, là où il suffirait d’un air de hautbois ? […] Parlant d’une beauté qui, dans l’habitude de la vie, avait « un certain air d’indolence et de nonchalance aristocratique, qu’on aurait pris quelquefois pour de l’ennui, quelquefois pour du dédain », M. de La Rochefoucauld n’aurait jamais ajouté, en se dessinant, et en se caressant le menton : « Je n’ai connu cet air-là qu’à une seule personne en France… » Comme si celui qui écrit cela avait connu vraiment toute la fleur des beautés de la France. […] Il ne faut jamais, dit La Rochefoucauld, rien dire avec un air d’autorité, ni montrer aucune supériorité d’esprit. […] Ce sont ces tons, ces airs et ces manières qui me choquent souvent chez M. […] » s’écrient les plus comédiens d’entre eux d’un air d’inspirés et en parodiant le sacerdoce, et ils n’ont pas la sagesse d’ajouter : Regardez autour de vous et à vos pieds.
que d’idées, que d’aperçus, que de bon sens sous air de boutade, que d’inspirations heureuses ainsi dispersées en germe et jetées au vent ! […] C’est au milieu de toutes ces difficultés, de tous ces écueils, que le feuilleton de Théophile Gautier a à se gouverner et à naviguer, et il s’en tire toujours d’un air d’aisance, d’élégance, avec infiniment d’adresse et toute la grâce d’une gondole qui se jouerait en plein canal54. […] Ce qu’il y a surtout, c’est infiniment d’esprit et, sous air de paradoxe, plus d’une vérité. […] Voici de lui un tout petit couplet, un air détaché qui est aussi daté de Grenade et qui fait songer : J’ai laissé de mon sein de neige Tomber un œillet rouge à l’eau.. […] C’est alors, dans une de ces heures de satisfaction et de naturel orgueil, qu’il put écrire ces vers qu’il a intitulés spirituellement Fatuité (le propre du poète est d’exprimer au vif chaque sentiment qui le traverse et qui fut vrai, ne fut-ce qu’un moment) : Je suis jeune, la pourpre en mes veines abonde ; Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu, Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu.
L’air, la couleur, l’eau, le roc, la fleur, la montagne, aspirés par son regard jusqu’à son être intime, allument en lui un enthousiasme qui déborde en accents d’un panthéisme grandiose. « Creusons sous son réalisme, et qu’y trouvons nous ? […] La prise de possession de la toile par l’air et la lumière le caractérise avant toute chose. […] Il semblerait qu’entre l’œil du peintre et son modèle, l’air ait été préalablement absorbé par quelque immense machine pneumatique. […] On le voit donc, l’art moderne a fait entrer la lumière et l’air dans le royaume de la peinture, qui craignait jusqu’ici de voir son aristocratique visage vulgarisé par de tels éléments. […] Leur peinture de rêve, privée de muscles, de chaleur et de sang, de soleil et d’air, dévorée de langueur, ne s’adaptera jamais aux conditions de la terre.
Il faut en outre que l’humidité n’empêche pas l’accès de l’air. […] Si les ailes s’élèvent, ils se remplissent d’air extérieur ; si elles s’abaissent, ils chassent cet air dans le parenchyme pulmonaire. […] Une souris est placée sous une cloche dans de l’air confiné : elle finit par y périr ; l’air est vicié, et si l’on introduit un autre animal, il tombe très rapidement et périt à son tour asphyxié. […] Pasteur, lorsque le ferment est privé d’air. […] Les substances altérables perdent ce caractère lorsqu’on a chassé tout l’air par ébullition et que l’on ne laisse pénétrer dans le vase qui les contient que de l’air préalablement chauffé au rouge.
Cela vient de ce qu’il a du génie ; mais l’esprit s’est rétréci par l’habitude du bon air et de la courtisanerie, où il s’est adonné plutôt qu’à la lecture de l’histoire. […] Le fond de sa pensée attaque toujours ses supérieurs, quoique avec l’abord humble, honteux et embarrassé à leur égard, sans se jouer pour cela, mais par habitude ; mais il ne se ravale pas pour cela avec les inférieurs, ce qui est la suite de ce caractère chez les gens véritablement généreux ; au contraire, il y porte un air important et distrait qui en impose aux égaux et qui le fait respecter des inférieurs. […] Il s’y montre lui-même par contrecoup mieux que partout ailleurs, et il plaide indirectement pour ses propres qualités et un peu aussi pour ses défauts ; continuant donc son monologue et ce parallèle secret entre son frère et lui : Qui prendra, dit-il, pour des affaires sérieuses son choix à la figure, aux airs importants, au discours spirituel, et au bon air dans la dépense et dans le maintien, fera toujours une mauvaise affaire ; ce n’est là que la superficie, et même la perfection de cette superficie a dû nécessairement prendre sur le fond, et être faite à ses dépens. […] La manière vive et précise dont il nous décrit ce vice, tel qu’il le voit, ôte à ses reproches tout air de lieu commun. […] J’ai vu alors chez lui une joie maligne et vive, quoiqu’il soit de mes amis ; le bon air aujourd’hui est de se réjouir de l’incommodité des autres, et de s’attrister de leur bien’être. » On ne saurait un meilleur commentaire à Gresset.
Premierement, on n’ébranle point, on n’agite point autant d’air en déclamant qu’en chantant. Secondement, lorsque nous déclamons nous ne brisons pas toûjours l’air contre des parties qui aient autant de ressort, et qui le froissent autant que les parties contre lesquelles nous le brisons en chantant. Or l’air retentit plus ou moins suivant qu’il a été froissé. […] On le loüoit de bien plaider, dans les vers galands qu’on faisoit pour lui, namque… etc. dit Horace en parlant à Venus d’un de ces hommes du bel air.
Des villes d’Italie où j’osai, jeune et svelte, Parmi ces hommes bruns montrer l’œil bleu d’un Celte, J'arrivais, plein des feux de leur volcan sacré, Mûri par leur soleil, de leurs arts enivré ; Mais, dès que je sentis, ô ma terre natale, L'odeur qui des genêts et des landes s’exhale, Lorsque je vis le flux, le reflux de la mer, Et les tristes sapins se balancer dans l’air, Adieu les orangers, les marbres de Carrare, Mon instinct l’emporta, je redevins barbare, Et j’oubliai les noms des antiques héros, Pour chanter les combats des loups et des taureaux ! […] Je suis jeune ; la pourpre en mes veines abonde ; Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu, Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu.
L’heureux, c’est le soleil, l’air doux, le chant des oiseaux, bonheurs à moi ; puis une lettre de Mimi, qui est à Gaillac, où elle me parle de Mme Vialar, qui t’a vu, et d’autres choses riantes. […] Il y a des esprits malins répandus dans l’air. […] Je ne voudrais pas que mon âme prît tant de part à l’état de l’air et des saisons, que, comme une fleur, elle s’épanouisse ou se ferme au froid ou au soleil. […] Tout verdit, tout fleurit, tout chante, tout l’air est embaumé comme s’il sortait d’une fleur. […] Tout est plein pour nous d’une merveilleuse bonté ; vois la rose qui, après avoir donné du miel à l’abeille, un baume à l’air, nous offre encore une eau si douce pour les yeux malades.
L’autre, d’un ton et d’un air tout aimable, et peut-être piquée de ce style : Tout ce que vous voudrez, madame, tout ce que vous voudrez. […] Elle se donnait des airs de reine à Bourbon. […] Enfin, sans rien demander de positif, elle lui fil voir les horreurs de son état, et la confiance qu’elle avait en sa bonté, et mit à tout cela un air qui ne peut venir que de Dieu. […] J’aurais voulu donner un autre air à ce retour, puisque c’est une pure amitié. » Le surlendemain, madame de Sévigné écrit à sa fille les détails de l’arrivée du roi : « Le bon ami de Quanto avait résolu de n’arriver que quand elle arriverait de son côté ; de sorte que si cela ne se fut trouvé juste le même jour, il aurait couché à trente lieues d’ici. […] Le P. de La Chaise est un honnête homme ; mais l’air de la cour gâte la vertu la plus pure, et adoucit la plus sévère. » M. de Beausset, dans son Histoire de Bossuet, voit avec peine que madame de Maintenon se soit montrée en cette occasion peu équitable envers Bossuet.
Ils sont suspendus dans les airs, et l’on n’est point surpris qu’ils y restent. […] Deshays n’a eu garde de lui donner cet air indigné et farouche qui convient si peu à un galant homme qu’une femme charmante prévient. […] Assemblez confusément des objets de toute espèce et de toutes couleurs, du linge, des fruits, des liqueurs du papier, des livres, des étoffes et des animaux, et vous verrez que l’air et la lumière, ces deux harmoniques universels, les accorderont tous, je ne sais comment, par des reflets imperceptibles. […] C’est que le musicien vous envoie les sons mêmes et que ce que le peintre broie sur sa palette, ce n’est pas de la chair, du sang, de la laine, la lumière du soleil, l’air de l’atmosphère, mais des terres, des sucs de plantes, des os calcinés, des pierres broyées, des chaux métalliques. […] Si l’on répand sur son visage quelque vestige léger de plaisir, c’est de respirer la douceur de l’air, c’est de retrouver la lumière du jour.
Comparez cette physionomie, forte et pourtant voilée de tristesse, avec l’air fat et triomphant des derniers soldats de l’ancienne monarchie, avec l’air austère et inspiré du soldat de la Révolution et de l’Empire, et vous trouverez ici que la physionomie est aussi différente que les uniformes. […] C’est un Turenne du peuple, sans génie, sans bâton de maréchal resté dans la giberne pour donner raison à Louis XVIII, et aussi sans la piété du grand Turenne, qui lui aurait ôté, s’il l’avait eue, cet air triste qui ne lui va pas, pour mettre à la place l’air serein, le véritable air d’une figure, d’une vie, d’une conscience comme la sienne ; car le scepticisme qui nous déborde, et qui n’a pas fait de foi aux plus grandes âmes, a versé son ombre et sa misère sur les fronts les mieux nés pour être sereins.
Le cardinal de Rohan, beau, brillant, de la plus noble libéralité et de la plus gracieuse prévenance, spirituel même si on ne s’arrêtait qu’à l’air et au-dehors, était un très grand seigneur des plus sujets à être séduit. […] Quelques points surtout fixaient mon attention : je croyais distinguer le troupeau et reconnaître le berger, qui peut-être regardait planer sur sa tête l’aigle que je voyais, bien au-dessous de moi, décrire de vastes cercles dans les airs. […] Quelques insectes bourdonnaient à l’entour ; un papillon même, parvenu à cette hauteur par les pentes méridionales, voltigea un moment d’une fleur à l’autre ; mais bientôt, emporté vers le précipice, il confia sa frêle existence à l’immense Océan de l’air. […] Leur bonnet était orné avec goût des fleurs de la montagne, et leur air aventurier avait quelques chose de singulièrement intéressant. […] Les vaches marchaient après les brebis, non, comme dans les Alpes, la tête haute et l’œil menaçant, mais l’air inquiet et effarouchées de tous les objets nouveaux.
Ceux qui sçavent que Germanicus avoit une femme uniquement attachée à lui, et qui reçut ses derniers soupirs, reconnoissent Agrippine aussi certainement que les antiquaires la reconnoissent à sa coëfure, et à son air de tête pris d’après les médailles de cette princesse. […] Saint Jean l’évangeliste répresenté jeune comme il l’étoit, est dépeint avec l’action d’un jeune homme : il applaudit avec le mouvement de franchise si naturel à son âge au digne choix que fait son maître, et qu’on croit appercevoir qu’il eut fait lui-même, tant la vivacité de son approbation est bien marquée par un air de visage et par un mouvement du corps très-empressé. […] Un autre philosophe qu’on juge à son air de tête un homme ferme et même obstiné, a le menton sur la poitrine : il est absorbé dans des reflexions sur les merveilles qu’il entend, et l’on croit s’appercevoir qu’il passe dans ce moment-là de l’ébranlement à la persuasion. […] Susanne y comparoît devant le peuple accusée d’adultere, et le peintre la represente dans l’instant où les deux vieillards déposent contre elle. à la phisionomie de Susanne, à l’air de son visage encore serein malgré son affliction, on connoît bien que si elle baisse les yeux, c’est par pudeur et non par remord. […] Ils ont une idée de l’air du visage et des habillemens de ceux qui ont fait la plus grande figure dans ces tems-là.
Il est en train d’inspecter son petit carré de vigne, en regardant de travers le fort qui l’empêchera de bâtir la maison, où le vieillard qui a passé tant d’heures dans l’air vicié des salles de vente, espérait faire respirer à sa vieillesse l’air vivifiant de la haute colline. […] Que de tours dans ce jardin, où je n’appartenais plus à la petite promenade, que mon corps faisait dans la petite allée tournante, mais où parcourant l’air sur un escabeau volant, j’étais l’inventeur d’une substance, décomposant, au-dessous de moi, l’oxygène ou l’hydrogène de l’air respirable, et le rendant mortel aux poumons prussiens de toute une armée ! […] Tout à coup jambes en l’air, et le monde de courir sur le quai, où je vois passer, dans les acclamations de la foule et un cortège de gamins, le gouverneur de Paris. […] La ligne lèvera la crosse en l’air. […] — J’ai vu des côtelettes de chien, c’est vraiment appétissant : ça a tout à fait l’air de côtelettes de mouton !
Un matin, le barbier me dit d’un air joyeux : « Monsieur, la bonne affaire ! […] Il sourit d’un air fin, Croyant avoir surpris quelque profond dessein. […] Telle de Maria (c’était ma jeune fille) Jusqu’à moi, du plus loin, la caresse gentille Souriait, s’égayait, et d’un air glorieux Elle accourait montrant à deux mains ses cheveux.
Cette attitude d’attelier quadre-t-elle bien avec l’air de noblesse ? […] Du reste l’air facile et dégagé d’un abbé grand seigneur et paillard. […] Son toupet gris avec sa mignardise lui donne l’air d’une vieille coquette qui fait encore l’aimable, la position, d’un secrétaire d’état et non d’un philosophe. […] C’est cette folle de Madame Van Loo qui venoit jaser avec lui, tandis qu’on le peignoit, qui lui a donné cet air-là et qui a tout gâté.
Avec son air de dire beaucoup, il alourdit. […] Celui des parfums sature l’air à la ronde. […] Quel air subtil y circule ! […] cet air, cette voix ! […] Soudain un bruit de pas emplit l’air.
. — Je suis entouré de splendeur, je m’élève au-dessus de l’air. […] Sous cet aspect effrayant, le Thiase guerrier de Bacchus garde un air de fête pastorale. […] Quoi qu’il en soit, Bacchus, dans l’Inde, prend vite l’air d’un dieu du pays. […] Ses parfums recelaient des miasmes de peste, l’air des harems s’insinua avec lui dans les gynécées. […] De leur thyrse dégarni de pampres, elles font le manche à balai qui les transporte, par les airs, au bal sabbatique.
Le vent apportait fréquemment une odeur de bois brûlé, et une petite fumée circulait en mince spirale dans l’air bleuâtre de la forêt. […] On désire respirer à pleine poitrine un air pur et léger, et non cet air étouffant à force de parfums et d’humidité. […] L’air immobile, sans lumière et sans ombre, brûlait le visage. […] Il regardait d’un air sombre et concentré, et ne s’anima que lorsque Lavretzky se leva pour prendre congé. […] Longtemps il le regarda, immobile, d’un air sévère, presque menaçant : « Ah !
Femme peu estimable, et dont quelques actions même sont voisines du crime, on se trouvait pris à son air de douceur et presque de bonté, si on l’approchait. […] Je n’ai jamais vu, depuis que j’existe, personne qui atteigne si au vif les défauts, les vanités, les faux airs d’un chacun, qui vous les développe avec tant de netteté, et qui vous en convainque si aisément. […] Et pour avoir tous les airs (aires) possibles, vous voulez vous donner celui d’être modeste. […] On a les lettres de Mme Geoffrin écrites de Varsovie, elles sont charmantes ; elles coururent Paris, et ce n’était pas avoir bon air dans ce temps-là que de les ignorer. […] Personne ne connaissait mieux qu’elle, mieux que cette bourgeoise de Paris, l’art d’en user avec les grands, d’en tirer ce qu’il fallait sans s’effacer ni se prévaloir, et de se tenir en tout et avec tous d’un air aisé sur la limite des bienséances.
Et si c’est toujours la même chose, si rien, dans cette promenade qu’on nous raconte, ne modifie en quoi que ce puisse être l’état des connaissances générales et des aperçus sur l’Amérique, le grand pays en question, dont la solution déconcertera peut-être bien des prophéties et des calculs, il ne reste plus au voyageur pour tout mérite que d’avoir montré les grâces de son esprit en prenant l’air. […] Ampère n’a pris que l’air dans sa promenade, mais il l’a bien pris, — comme on le prend sur une surface de trois mille lieues ; — seulement il n’a pris que cela, et, soyons juste ! […] J’ai dit qu’il prend l’air, mais c’est l’air plein qu’il faut entendre ; car les choses qui sont dans l’air, les choses matérielles, extérieures, sont les seules qui le préoccupent.
faisait-il un doigt sur les lèvres, en essayant de prendre un air sévère. […] Que de pensées, en effet, avaient saturé cet air ! […] Ma sœur subissait cet exercice d’un air très grave, mais sans marquer de déplaisir. […] Qu’elle est à son aise en l’air ! […] Il restait debout, le monocle à l’œil ; l’air mal à l’aise et mécontent.
Avec la foule des instruments qu’il a créés, l’homme sépare et façonne sans peine les bois, les métaux et les pierres ; avec les cabestans, les leviers et les roues, il soulève et transporte des fardeaux immenses ; avec le secours de l’eau, il communique un mouvement perpétuel et rapide à de vastes machines ; avec le secours de l’air, il fait moudre ses grains et mouvoir ses vaisseaux ; avec le secours du feu, il fait monter l’eau dans ses pompes, sépare les rochers, creuse les mines. […] L’invention de la poudre, c’est-à-dire l’application de l’air et du feu aux combats, a rendu de même la force inutile pour attaquer ou pour défendre. […] c’était là que les Grecs apprenaient à vaincre les Perses ; là ils apprenaient à mesurer le danger, à le prévoir, à user tour à tour de force ou d’adresse, à terrasser, à se relever, à lancer des poids énormes, à franchir des barrières, à parcourir rapidement de vastes espaces, à supporter les impressions de l’air, l’ardeur du soleil, les longs travaux, à voir couler leur sueur avec leur sang ; enfin à préférer la fatigue à la mollesse, et l’honneur à la vie.
C’est encore un effet de suggestion sympathique. « Il s’était arrêté au milieu du Pont-Neuf, et, tête nue, poitrine ouverte, il aspirait l’air. […] Où donc vibre dans l’air une voix plus qu’humaine ? […] L’air du siècle est mauvais aux esprits ulcérés. […] L’air est si doux qu’il empêche de mourir. […] … Et puis, quel air doux et honnête !
Félix Reyssié, opposant au portrait romantique « vague, impalpable », que le Lamartine des Confidences nous trace du Lamartine enfant, certain dessin au crayon qui nous le représente au naturel, à l’âge de huit ans : « C’est un bon gros garçon joufflu, l’air étonné, la bouche bée, le nez en l’air, cheveux en broussailles, l’air éveillé pourtant ; en somme, un beau gars de Milly qui a bien employé son temps et se porte à merveille. » — Et, à ce propos, je vous recommande la description que M. […] Le positivisme, l’évolutionnisme ou même le pessimisme et le néo-kantisme, qui sont pourtant encore du spiritualisme, et en plein ont bien meilleur air, semblent impliquer plus de liberté et d’étendue d’esprit. […] Mais les vers de Lamartine glissent sans secousse dans un air léger. […] Il peint par très larges touches, mais avec une réelle connaissance de son objet, et souvent avec une familiarité, une naïveté du plus grand air. […] Ainsi, dans le Rig-Véda : « Ô Varuna, le vent, c’est ton souffle agitant les airs… En toi repose l’immensité de la terre et du ciel.
Elles y préparent leur enchantement et s’envolent à travers l’air impur. […] Lorsque je brûlais de leur faire d’autres questions, elles se sont confondues dans l’air et y ont disparu. […] Partout où ces oiseaux nichent et se voient fréquemment, je l’ai remarqué, l’air est toujours pur. […] C’est une vision créée par votre peur, comme ce poignard dans l’air qui, m’avez-vous dit, guidait vos pas vers Duncan. […] Infecté soit l’air qu’elles traverseront, et damnation sur tous ceux qui croiront en elles !
Étant donné le choc muet du battant contre la sonnette, on fait rentrer l’air dans la cloche pneumatique ; aussitôt, le son recommence. […] Or, tous ces cas s’accordent en un point, à savoir que l’objet qui se couvre de rosée est plus froid que l’air qui le touche. […] Est-ce un fait que l’objet baigné de rosée est plus froid que l’air ? […] Toutes les fois qu’un objet se recouvre de rosée, il est plus froid que l’air. […] C’est pourquoi faisons varier autant que possible la substance seule, en exposant à l’air des surfaces polies de différentes sortes.
Un air transparent, un lever du jour radieusement calme, des nuages en monceaux, du nord au midi, des nuages d’un éclat, d’une couleur molle et vive, du coton d’or sur un ciel bleu. […] « Dans ce moment, je rentre d’une petite promenade au soleil, et rien ne bouge autour de moi, que quelques mouches qui bourdonnent à l’air chaud. […] Ces chants doux et réjouissants sous un genévrier, montant avec l’air dans ma chambrette, sont d’un effet que je ne puis dire. […] Il faut que j’y comprenne comme à un air simple ; mais les grands concerts, mais les opéras, mais les morceaux tant vantés, langue inconnue ! […] « La prière me désaccable, une conversation, le grand air, les promenades dans les bois et les champs.
La flûte aux accords champêtres Ne réjouit plus les hêtres Des airs de joie ou d’amours, Toute herbe aux champs est glanée : Ainsi finit une année, Ainsi finissent nos jours ! […] chantait-elle en entrecoupant son air de baisers et d’éclats de rire, comme quelqu’un qui pense à revoir et à être revue avec une égale ivresse, le soir de ce beau jour qui commence si bien. […] LVII Après les premiers compliments et les premières excuses, ces braves gens, chez qui tout respirait un air d’indigence, mais un air de fête, m’offrirent, sur une table de bois très propre, un repas champêtre : de belles châtaignes conservées en automne dans leur seconde écorce et bouillies dans du lait de chèvre, du fromage, du pain de couvent très blanc et très savoureux, de l’eau de la source. […] Il laissait le poil du chevreau en dehors sur la peau, afin qu’elle gardât mieux le son et que la pluie glissât dessus, comme sur la petite bête, sans l’amollir, et de plus c’était lui qui en jouait le mieux et qui essayait l’instrument en le corrigeant jusqu’à ce que l’air sortît aussi juste que la voix sort des ténèbres. […] Le bon air fin des collines ne fit que donner plus de force au poison qui était entré dans ses veines avec les rayons du soleil des Maremmes.
Pourtant, lorsque son père lui vante son bonheur, il en parle d’un ton si tranquille et si conjugal que ce bonheur prend un air inquiétant de béatitude. […] Ce petit Beaubourg est tellement convaincu de la vertu de sa dame, qu’il donne à son esclandre un air d’innocence. […] Rodin revient en lui sur la scène, mais un Rodin écourté, rogné, amoindri, lissant, d’un air machiavélique, des toiles d’araignée cousues de fils blancs. […] Mais, ce qui nous passe, c’est l’air de triomphe que prend d’Estrigaud, après avoir lâché cette sottise. […] Tant que M. de Sainte-Agathe est là, il garde l’air confit, la bouche en ogive, le jargon béat d’un séraphin de parloir.
Ce n’est pas de l’air qu’on y respire, c’est de l’âme ! […] Il n’y a pas de prose dans cet air, tout y est musique, mélodie, extase ou poème. […] Rossini est le Pétrarque de cette musique ; il a aspiré l’air de sa patrie, et il l’a soufflé sur tout l’univers. […] Je voyais le monde et l’Italie du même premier regard ; je savourais l’air respirable et l’air d’Italie de la même première aspiration. […] Je sentis que l’air même de cette contrée était littéraire, et qu’on pouvait lui enlever la liberté, mais jamais le génie.
M. de Chateaubriand, à la tribune des Pairs, eut ce jour-là de nobles paroles, et, cet autre jour, il en eut de malheureuses… » Sur les violences matérielles et les horreurs qui ensanglantèrent le Midi, on est unanime ; mais là encore on essaye de n’en pas trop dire et de limiter l’indignation ; on n’emprunte que discrètement à l’effroi de la tradition populaire qui a survécu et qui subsiste encore ; on craint de paraître donner dans la légende qui grossit les faits et les transfigure : à ce travail honorable, entrepris par de bons esprits qui ont oublié d’être de grands peintres, le courant incendiaire qui traversa alors et dévora toute une partie de la France, se dissipe et s’évapore ; l’atmosphère embrasée du temps ne se traduit point au milieu de ces justes, mais froides analyses ; l’air échappe à travers les mailles du filet, et c’est encore dans les historiens d’une seule pièce, d’une seule et uniforme nuance comme Vaulabelle, dans ce récit ferme, tendu et sombre, où se dresse énergiquement passion contre passion, qu’on reçoit le plus au vif et en toute franchise l’impression et le sentiment des fureurs qui caractérisent le fanatisme royaliste à cette époque. […] Pour moi, je crois être bien plus dans le vrai en comparant ces hommes honnêtes et convaincus, je ne le nie pas, mais ces hommes prévenus, longtemps refoulés et comprimés dans leurs préjugés et leurs passions, sitôt que la fenêtre et l’air libre leur furent ouverts, à ces armes qui sont restées trop longtemps chargées et sans usage : dès qu’on veut s’en servir, elles courent risque de vous crever entre les mains et d’éclater. […] Decazes, ministre de la police, gagnait chaque jour en crédit auprès du roi et devait, lui aussi, avec infiniment moins d’élévation, mais avec bien de l’insinuation et de l’habileté, devenir à son tour l’un des agents actifs de la politique modérée et conciliante : il ne l’était pas encore décidément à cette première date, et plusieurs de ceux avec qui il marcha bientôt de concert, étaient plutôt sensibles d’abord à ses défauts apparents qui étaient un ton de suffisance et des airs de favori déguisant mal quelque vulgarité. […] Osant blâmer M. de Richelieu d’avoir accédé, de guerre lasse et le cœur navré, à ce traité nécessaire et imposé qui diminua la France et qui en rogna la carte, bien moins pourtant qu’on ne l’avait craint, il disait d’un air capable : « Au reste, il y avait une autre carte plus respectable que celle dont on a parlé : elle était tracée dans le cœur de tous les Français attachés à leur roi. » Il répétait sans cesse, en se flattant d’avoir une recette royaliste de son invention : « On peut étouffer la faction, sans arracher un cheveu de la tête d’un seul factieux. » C’était le même qui, autrefois préfet à Metz sous l’Empire, un jour de cérémonie et de fête impériale, avait dit à sa fille en présence d’un buste de Napoléon : « Fille d’un guerrier, couronnez le buste d’un héros ! […] A l’occasion de ces projets et propositions de rétablir la corde et de garder apparemment la peine de la tête tranchée pour les crimes d’État et les hauts personnages, une femme de qualité rencontrant le garde des sceaux, s’échappa à lui dire, et d’un air de satisfaction : « Eh bien !
Selon eux, il y a une force qui réside dans le germe, le développe, l’organise, maintient l’ordre des parties, rend l’estomac capable de digérer, le cœur de se contracter, le foie de sécréter la bile, le poumon d’amener le sang au contact de l’air, les nerfs de remuer les muscles, les muscles de se bander en tirant les tendons et les os. […] L’air pesant est une force ; cela veut dire qu’en l’appliquant sur la cuvette du baromètre, il forcera le mercure à monter, en d’autres termes, que l’air s’appliquant sur le baromètre, le mercure montera nécessairement. — La chaleur a une force de dilatation : cela veut dire que la chaleur forcera cette barre à se dilater, en d’autres termes, que cette barre étant chauffée se dilatera nécessairement. — Le fer et l’oxygène ont une force d’affinité réciproque : cela veut dire que le fer exposé à l’air humide se combinera nécessairement avec l’oxygène. […] La présence de l’air et l’élévation du mercure ; la présence de la chaleur et la dilatation de la barre ; la présence du fer entouré d’air humide et la naissance de la rouille : dans tous ces cas, le premier fait étant donné, le second devient nécessaire, ce qu’on exprime en disant que le premier a la force de produire le second.
Le mammifère jeté dans l’air respire par des poumons que l’air vient baigner ; les branchies du poisson montent dans sa tête, vont toucher l’oxygène dans l’eau qui le contient, et se munissent d’ouïes pour rejeter cette eau inutile ; le poulet renfermé dans l’œuf respire, par les vaisseaux de l’allantoïde, l’air qui traverse la coquille poreuse ; le fœtus du mammifère reçoit l’air par la communication des vaisseaux de sa mère et des siens. […] Certaines larves de diptères respirent l’air par des tubes, et leurs nymphes devenues aquatiques respirent l’air de l’eau par des faisceaux de branchies attachés au thorax.
Tel poète, habitué au grand air des champs, s’étiole à respirer cet air renfermé. […] — Ne faisons pas trop fi des airs connus que répète M. […] s’habituent à respirer cet air malsain. […] À l’écart, loin de l’air méphitique. […] Pourquoi donner à une pochade cet air de conviction ?
La terre du sépulcre eût été plus légère Que l’air de l’exil à mes reins ! […] La cadence m’enchaîne à l’air mélodieux, La douceur du velours aux roses que je touche ; D’un sourire j’ai fait la chaîne de mes yeux, Et j’ai fait d’un baiser la chaîne de ma bouche. […] Heureux qui de son cœur voit l’image apparaître Au flot d’un verbe pur comme en un ruisseau clair, Et peut manifester comment frémit son être En faisant frémir l’air ! […] Il rend à l’aimable et douloureux génie tous les hommages que lui doivent les générations filles ou sœurs, mais il ne lui passe point son mépris de toute humanité, de toute réforme supérieure, ses airs de débauche, son indifférence affichée pour tout ce qui n’était pas Ninette ou Ninon. […] Sully Prudhomme un peu plus d’air et de dégagement.
» Il me regarda de l’air étonné d’un homme, qui voit percer le secret de sa pensée, et me répondit, en appuyant sur chaque mot : « Je sens que je ne pourrai plus jamais travailler… plus jamais ! […] Le temps était beau, et les petites allées étaient pleines d’hommes et de femmes, à l’air heureux de gens qui sortent de l’hiver et respirent le printemps. […] Il m’a laissé partir avec un air indifférent. […] Je le regarde, je lui vois un air étrange, avec des larmes et de l’effroi dans les yeux. […] une paralysie de la parole… Cela se calme un peu, au bout d’une heure, sans qu’il puisse dire d’autres paroles que des oui et des non, avec des yeux troubles, qui n’ont plus l’air de me comprendre.
Notre esprit vient se retremper dans la notion de l’infini, y prendre force et élan, comme les racines de l’arbre plongent toujours plus avant sous la terre, pour y puiser la sève qui étendra et élancera les branches dans l’air libre, sous le ciel profond. […] Ses doutes ou ses croyances, il les trouve la plupart du temps, comme chacun de nous, dans l’air ambiant. […] Pourtant chaque atome est un être, Chaque globule d’air est un monde habité ; Chaque monde y régit d’autres mondes, peut-être, Pour qui l’éclair qui passe est une éternité ! […] De tels vers font songer à de blancs clairs de lune, à la fraîcheur des brises, au jour adouci des rayons sous les arbres ; tout est grâce, demi-teinte et nonchalance, malgré un perpétuel souci, — notons-le en passant, — de la majesté et du grand air. […] Lorsque tu railles ta misère D’un air moqueur.
Il imitait à merveille l’aspect âpre et dur des choses — par un temps d’hiver : Chaque arbre a l’air d’un long balai debout dans l’air. […] Il y avait là, le couple Jacquemin : elle, longue, fine, éthérée, l’air d’une princesse de légende ; lui, sérieux, attentif, avec sa face soucieuse d’alchimiste, cuivré par les vapeurs du nitre et le feu des laboratoires, instruit de la vie des métaux et de la flore sous-marine. […] On juge de quel air ahuri les tenants de ce système entendaient Moréas se réclamer de Maurice Scève, Lemaire des Belges et Tailhade réciter, tout d’une haleine, des fragments latins de Claudien et des paragraphes entiers de Rabelais.
Justin martyr qui vivoit dans le second siecle, on en trouve une, qui décide que les fideles pouvoient emploïer à chanter les loüanges de Dieu des airs composez par les payens pour des usages prophanes, à condition qu’on executât cette musique avec modestie comme avec décence. […] Durant toute la nuit on y chantoit des airs profanes, et les gesticulateurs y déclamoient. " apparemment que quelque chrétien avoit mis en vers la passion de saint Cyprien, et qu’on executoit ce poëme sur son tombeau, de la même maniere qu’on executoit les pieces prophanes sur le théatre. Ainsi ce que Justin ne veut pas, c’est qu’en chantant dans les églises les airs composez par les payens, on les y déclame, il veut qu’on les chante sans faire aucun geste.
Sous air de comique et de ridicule, que d’heureuses vérités d’art poétique l’auteur trouve moyen d’insinuer et de débiter ! […] Sous air d’emphase, c’est la vérité. […] comme les autres l’ont altéré de crainte et d’espoir, et surtout comme tous ces airs-là, pour la plupart, sont faux à des eux clairvoyants ! […] Il en souffrait, sous air d’en rire. […] Son air aveugle lui donnait la physionomie d’un inspiré qui débite des oracles satiriques, non de son cru, mais par quelque suggestion étrangère.
Avec quelle lenteur et de quel air d’immense ennui, à ce théâtre égyptien, les deux Druses du mont Liban promènent dans l’air leurs grands sabres courbes et les cognent sur leurs petits boucliers ! […] Pendant ce temps-là, les femmes, l’air innocent et modeste, préparent le dîner. […] L’air fraîchit. […] ou sur un air de même qualité, et vous pourrez vous rendre compte de l’effet.) […] Et, tout en conversant ainsi de l’air le plus tranquille du monde, elle regarde Astier dans les yeux… Il ne bronche pas.
Tour à tour Géometre, Astronome, Naturaliste, Géographe, Moraliste, il est partout Ecrivain instructif & amusant, parce que les leçons plaisent toujours quand elles n’ont point l’air de leçons, & quand on a l’art d’éclairer l’esprit, sans le rebuter par un ton dogmatique. Les matieres les plus abstraites deviennent intéressantes sous sa plume, par la maniere agréable dont il les présente, & par les fleurs qu’il a su y répandre, sans cet air de prétention & de suffisance, qui rend les ornemens ridicules, & par conséquent plus qu’inutiles.
Si donc, dans la rigidité féodale et seigneuriale de la génération précédente, il y avait encore un excès de mœurs antiques, on voit, dans la seule façon dont le prince de Ligne en parle, qu’il y a chez lui de l’excès opposé, une légèreté de bel air et une affectation de laisser-aller qui suppose quelque manière et du genre. […] Voyez l’air caressant et respectueux à la fois de ceux que vous avez menés à la victoire. […] Mais, à côté de cet idéal noble et fortifiant, il en avait un autre d’un tout autre genre et qui tenait d’une imagination un peu atteinte et gâtée en naissant de l’air du siècle : Qui est-ce qui sait, dit-il, que Bussy se battait à la tête de la cavalerie légère de France à la bataille des Dunes ? […] Il traite des bâtiments dans leurs rapports avec la campagne : autre doit être une résidence et un palais, autre un château, autre une maison de plaisance, une maison de campagne, une maison de chasse, une maison des champs, une maison des vignes, etc. ; mais quels que soient les bâtiments, « j’exclus, dit-il, tous ceux qui ont une façade bourgeoise, sans mouvement dans le toit ou la bâtisse, sans milieu, sans saillant sur les ailes, ou en plâtre avec un air vulgaire ; et je recommande encore le beau ou le simple, le magnifique ou le joli, et toujours le propre, le piquant et le distingué. » Pourquoi dit-on jardins anglais, plutôt que jardins chinois, plutôt que jardins naturels ? […] J’aime l’air jardin aux forêts, et l’air forêt aux jardins ; et c’est comme cela que je compte toujours travailler.
Il y a aussi de ces étoffes rouge-brique, une pendue en l’air, l’autre dans le vêtement de la Vierge, qui sont une marque distinctive dans les tableaux des Le Nain. […] Il ne pense qu’à son air, et il joue pour lui tout seul. […] Il ne faut point séparer de ces chansons les airs qui les accompagnent et qui les soutiennent, qui les ont inspirées souvent ; M. […] Les chansons, dans son Recueil, sont classées par provinces ; ce classement ne saurait être qu’approximatif, car les chansons voyagent et volent comme les graines à travers l’air. […] Champfleury, et qui ne doit pas être un portrait en l’air, Gardilanne, a pour gibier spécial la faïence : l’objet n’est pas méprisable, et il y a de fort belles choses en faïence comme en porcelaine ; il y en a de fort curieuses, même pour l’histoire.
La Gloire et la Renommée sont en l’air, qui l’attendent avec des couronnes. […] Il avait quitté Turin pour Moncalieri, dont l’air semblait meilleur ; de là il devait aller à Nice ; puis il ne voulait plus. […] D’un air calme, le duc répondit qu’il s’étonnait qu’une pareille misère eut pu aller jusqu’au roi. […] Il y vit comme par hasard son cousin Eugène, et, sous air de ne chercher que la distraction, il y noua sans nul doute avec l’Allemagne et l’Empire des intelligences sérieuses. […] Il fait affaire de tout ; il additionne grief sur grief pour en former une somme de plaintes, pour se donner l’air d’une victime.
Parfois même, une seconde opération surajoutée la place plus loin ; les sons et les couleurs, qui ne sont que des sensations, nous semblent aujourd’hui situés, non dans nos organes, mais au loin, dans l’air ou à la surface des objets extérieurs ; le lecteur verra, dans l’examen de la perception extérieure, comment l’éducation des sens produit ce recul apparent. […] La chose est bien plus visible encore si l’on compare entre elles, non plus deux sensations différentes du même sens, mais les sensations de deux sens différents, même lorsqu’elles sont produites par la même cause extérieure, par exemple le chatouillement de la peau et le son produit par les mêmes vibrations de l’air, la sensation de douleur et le cercle lumineux produit par la même compression de l’œil, les sensations de lumière éclatante, de son sifflant, de choc ou de picotement, produites par la même électricité appliquée aux différents sens. […] Par bonheur, les physiciens et les physiologistes, en poussant leurs recherches, ont avancé les nôtres, et leurs découvertes sur les ondulations et les nerfs nous permettent de trouver ce que nous cherchions. — Ce qui provoque la sensation de son, c’est l’ébranlement du nerf acoustique ordinairement excité par la vibration de l’air extérieur ; de plus, on remarque en fait qu’en choisissant des ébranlements tous exactement semblables on provoque des sensations de son toutes exactement semblables. […] « Plus le son est bas, mieux l’oreille y distingue les pulsations successives de l’air. » Il est encore très voisin d’un bourdonnement, c’est-à-dire d’un simple bruit. […] On sait par l’acoustique qu’un son musical a pour condition une série uniforme de vibrations de l’air ; que chacune de ces vibrations a telle longueur et dure telle fraction de seconde ; que, plus sa longueur diminue et plus sa durée est courte, plus le son devient aigu.
Enfin ce sont tout des idées en l’air ! […] one is enough to viciate the air of a whole room. […] une seule suffit pour vicier l’air de tout un atelier. […] Les vieux airs des vieux opéras… Et Aïda… Ah ! […] Si vous saviez qu’on vous regarde, exprès vous auriez peut-être l’air bête.
C’était un vieillard à l’air noble et affable, et qui portait une large barbe étalée sur sa poitrine. […] Mais ce qui m’étonne, c’est que vous ayez su garder, dans une telle adversité, cet air de contentement qui paraît sur votre visage. […] Au moment où il parlait des deux millions de sa liste civile, les six autres rois détrônés s’étaient approchés de lui d’un air de déférence… » (Candide, appendice au chapitre XXVI.)
Il a bien l’air d’un petit enthousiaste à qui ses parens ont tant répété qu’il était charmant, qu’il avait de l’esprit comme un ange, et qu’en vérité, il était le messie, le sauveur de sa nation, qu’il n’en doute pas. à droite, deux pharisiens l’écoutent debout ; on voit toute la figure de l’un, on ne voit que la tête de l’autre entre le premier et la colonne du temple qui termine le tableau de ce côté. […] Effet médiocre ; lumières sur l’enfant trop faibles ; point de plans, point de dégradation, point d’air entre les figures ; noir, sale et discordant pour être vigoureux. […] Homère a dit : autant l’œil mesure d’espace dans le vague des airs, autant les célestes coursiers en franchissent d’un saut ; et c’est moins la force de la comparaison que la rapidité des syllabes en franchissent d’un saut, qui excite en moi l’idée de la célérité des coursiers. […] Il a le sourcil froncé, et l’air de l’humeur.
Il s’est abstenu avec un chaste respect de jouer sur la viole du Sentiment les grands airs trop connus que la Vulgarité aime à y jouer en l’honneur du génie mort, assez heureux pour ne pas l’entendre. […] Dans ce portrait dont il est question, son front, qui surplombe un visage tranquillement triste, jette l’ombre de sa voûte puissante à ces yeux rêveurs qui cherchent involontairement le ciel, mais qui, dans la réalité, revenaient se tourner vers les vôtres avec des airs fins et spirituels comme nous entendons le regard, nous autres polissons de la terre ! […] L’air militaire manque ici complètement à cet homme qui a fait pourtant un magnifique livre à l’usage des soldats : Grandeur et servitude militaires, et j’y trouverais bien plutôt la placidité de l’Église. […] et cette pièce : La Flûte, digne d’un André Chénier devenu profond, et, pour mieux dire, enfin, tous les vers de ce recueil qui y sont marqués du double caractère fatal et stoïque de cette Muse nouvelle d’Alfred de Vigny : Qui fend l’air de son front et de ses seins altiers !
Il ne fut jamais conscrit ni jaloux de l’être, et il lui suffit de son obscurité, de son existence naturellement peu saisissable, et aussi de son air facile et non embarrassé, de ce dos bon et ronddont parle Diderot, dans les circonstances qui l’eussent pu trahir, pour gagner l’amnistie du mariage de Marie-Louise. […] Mais Béranger vit à merveille que, dans une langue aussi peu rhythmique que la nôtre, le refrain était l’indispensable véhicule du chant, le frère de la rime, la rime de l’air comme l’autre l’est du vers, le seul anneau qui permît d’enchaîner quelque temps la poésie aux lèvres des hommes. […] L’air est vibrant au loin et embrasé, mille feux s’y croisent : ce qui flotte alors et pèse sur tous décharge son étincelle sur un seul ; les derniers coups de l’orage allument une âme ! […] De foudre alors et de fer couronné, L’Empire, lui, toujours avait tonné : Sans air joyeux, sans chanson applaudie. […] Naissaient aux flancs des taureaux immolés, Montaient dans l’air,… et la grappe enchantée Réjouissait le regard d’Aristée .
Tel vieux procureur général, blanchi dans la robe rouge, qui avait mangé toute sa vie le pain trempé de sang des réquisitoires, se composa tout à coup un air piteux et attesta les dieux qu’il était indigné de la guillotine. […] Il y avait pourtant toujours dans les prisons quelques malheureux condamnés vulgaires qui se promenaient dans les préaux depuis cinq ou six mois, respirant l’air, tranquilles désormais, sûrs de vivre, prenant leur sursis pour leur grâce. […] Est-ce qu’il n’y a pas en France assez d’air à respirer pour tout le monde ? […] En Angleterre, pays de commerce, on prend un contrebandier sur la côte de Douvres, on le pend pour l’exemple, pour l’exemple on le laisse accroché au gibet ; mais, comme les intempéries de l’air pourraient détériorer le cadavre, on l’enveloppe soigneusement d’une toile enduite de goudron, afin d’avoir à le renouveler moins souvent. […] L’air seul de notre civilisation doit dans un temps donné user la peine de mort.
Regardez ; au milieu du bois, sur la branche, — la feuille pliée sort du bouton, — sollicitée par la brise caressante ; — elle devient verte et large et ne prend point de souci, — toute baignée de soleil à midi, et, sous la lune, — nourrie de rosée nocturne ; puis elle jaunit, — tombe et descend en flottant à travers l’air […] Nous avons besoin de vivre dans un autre monde, de voler dans le grand royaume de l’air, de bâtir des palais dans les nuages, de les voir se faire et se défaire, de suivre dans un lointain vaporeux les caprices de leur architecture mouvante et les enroulements de leurs volutes d’or. […] Et vous avez bon air aussi dans vos habits de femme. » Elle est toute palpitante d’orgueil blessé ; elle balbutie, elle veut, puis elle ne veut plus ; elle tâche de se contraindre pour mieux insulter, et tout d’un coup elle éclate : « Vous qui avez osé forcer nos barrières et duper nos gardiennes, et nous froisser, et nous mentir, et nous outrager ! […] L’édifice nouveau a été raccordé avec l’ancien ; même seul et moderne, il ne manque point de style ; les pignons, les meneaux, les grandes fenêtres, les tourelles nichées à tous les coins ont dans leur fraîcheur un air gothique. […] Pour trouver du plaisir là, il faut qu’ils aient bien besoin d’excitation ; la poudre du boulevard vient imprégner la glace qu’ils mangent ; l’odeur du gaz et les émanations du pavé, la sueur laissée sur les murs fanés par la fièvre d’une journée parisienne, « l’air humain plein de râles immondes », voilà ce qu’ils viennent respirer de gaieté de cœur.
Et ce retour amer et délicieux à l’âge de pureté et d’innocence par l’air oublié et retrouvé d’un orgue dans la rue, comme il est compris et rendu dans ces vers funèbres. […] comme les vieux airs qu’on chantait à douze ans Frappent droit dans le cœur aux heures de souffrance ! […] Leurs déclamations sont comme des épées ; Elles tracent dans l’air un cercle éblouissant ; Mais il y pend toujours quelque goutte de sang. […] Sa vie, atteinte par une maladie qui ne pardonne pas aux êtres trop parfaits pour respirer l’air de la terre, n’était qu’un souffle ; son beau visage n’était qu’un tissu pâle et transparent que le premier coup d’aile de la mort allait déchirer comme le vent d’automne déchire ces fils lumineux qu’on appelle les fils de la Vierge. […] Je l’ai regardé, il m’a regardé, et nous ne nous sommes rien dit, comme si nous étions deux étrangers parlant des langues diverses et n’ayant de commun que l’air qu’ils respirent.
Il lui donne l’air d’un homme frappé, ahuri. […] L’air y ajoute encore ; cet air qui a été imaginé par Régnier et repris par Coquelin dériderait un mort. […] Ce n’est pas l’air de Molière ! […] Il sursaute, et son air effaré les réjouit. […] Ils sont là en l’air, pour ainsi dire, et frappent à vide.
Quand elle eut fini, elle fit un signe de croix en souriant avec l’air d’aller au paradis. […] dit-elle avec un air bien peiné ; moi, du regret de t’avoir suivi, mon ami ! […] Je les regardai en respirant un air qui sentait frais et bon. […] Il fallait qu’il y eût quelque chose dans l’air qui me poussât. […] ajouta-t-il d’un air qu’il voulait rendre fin et licencieux.
Dans l’Arabie méridionale, en pénétrant à l’intérieur des terres, l’azur profond de la voûte céleste et la grande sécheresse de l’air doivent aider à reconnaître les nuages magellaniques. […] Ces anneaux s’élargissent à mesure que le parasite grandit, et vont soutenir jusque dans les airs sa couronne de feuillage mêlée à celle de la victime, qu’ils tuent à la longue en arrêtant le cours de la sève. […] De là les troncs arc-boutés, les racines suspendues en l’air et autres phénomènes analogues. […] Que la tendance à grimper se soit imposée à diverses espèces par une nécessité de circonstance, celle d’arriver jusqu’à l’air et à la lumière au milieu d’une végétation aussi drue, cela est démontré jusqu’à l’évidence par ce fait, que les arbres grimpants ne constituent ni une famille ni un genre spécial. […] L’absence de ce fléau, un mélange de variété et d’immensité, la fraîcheur relative de l’air, les formes diverses et bizarres de la végétation, la majesté de l’ombre et du silence, tous ces éléments combinés donnent de l’attrait à ces solitudes sauvages, que peuplent seuls les arbres et les lianes.
sur le lit de Gilbert après Hégésippe Moreau, il a presque l’air d’un plagiaire. […] …………………… J’entends un vieux garde, Qui de loin regarde Fuir l’éclair, Qui chante et s’abrite, Seul en sa guérite, Contre l’air. […] Le lendemain était jour de marché à la ville, ce que n’annonçait que trop bien l’air affairé des habitants de la ferme, qui hâtaient les préparatifs du départ. […] Le maçon Abraham Knupfer chante, la truelle à la main, dans les airs échafaudé, si haut que, lisant les vers gothiques du bourdon, il nivelle de ses pieds et l’église aux trente arcs-boutants et la ville aux trente églises. […] Tantôt à l’ombre, le long des rues solitaires, on l’eût rencontré rôdant et filant d’un air de Pierre Gringoire, Comme un poëte qui prend des vers à la pipée.
C’est Progné « qui caracole, frisant l’air et les eaux », c’est Perrette qui « d’un oeil marri quitte sa fortune à terre répandue », c’est le souper du croyant « qui s’envole » avec la colombe. […] Notre corps se redresse à la vue d’un noble chêne ; notre main décrit une ligne sinueuse à l’aspect d’une eau ployante et penchée ; notre pas se mesure sur le rythme d’un air que nous entendons. […] Ce n’était pas assez, pour donner à la fable l’air naturel, de ployer l’alexandrin et de chiffonner la roide draperie classique. Si la fable n’eût employé qu’un seul mètre, elle eût perdu la moitié de sa vérité et de son agrément : car l’alexandrin a beau s’humaniser, il garde toujours un air solennel ; douze syllabes sont un trop long vêtement pour une pensée légère et folâtre ; elle s’embarrasse dans les plis de ce manteau magnifique, et ne peut marcher que d’un air sérieux et compassé. […] Son chant soutenu rassemble les impressions que ses accents imitatifs ont produites, et de toutes les sensations notées une à une elle compose un air. — Les gens d’esprit et savants s’y sont trompés.
L’extase de cet imbécile est extrême ; aussi il ne voit pas les deux grosses jambes de sa chère épouse, qui dépassent l’eau et se tiennent droites, les pointes en l’air. […] Là, au sein de ce théâtre abominable, a lieu une bataille acharnée entre deux sorcières suspendues au milieu des airs. […] Ces deux monstres roulent à travers l’air ténébreux. […] La formidable bête a soulevé avec ses cornes la chemise lacérée et mis à l’air les deux fesses du malheureux, et elle abaisse de nouveau son mufle menaçant ; mais cette indécence dans le carnage n’émeut guère l’assemblée.
Un tel pays fait des montagnards sveltes, actifs, sobres, nourris d’air pur. […] La qualité de l’air accroît encore la saillie des choses. […] Point de brume, presque point de pluie ; l’air est tiède ; le soleil bon et doux. […] Il se détache tout entier nettement dans l’air limpide25. […] Ajoutez à cet air de force l’air d’aisance et d’élégance ; l’édifice grec ne songe pas seulement à durer comme l’édifice égyptien.
Ce lieu sans air est inondé d’air ; les yeux ne rencontrent que des bois et des eaux dans ce lieu sans eau et sans bois ; le soleil se couche chaque soir au bout de la nappe d’eau lointaine qui termine ce lieu sans vue. […] L’amour n’est touchant que dans les grands cœurs, parce qu’il s’y trouve accompagné de la raison qui le rend naturel en lui ôtant tout air d’imitation, et honnête en le subordonnant au devoir ou en l’y sacrifiant. […] Cet excès même de grandeur qui y pousse toute vertu à l’héroïsme, tout vice au crime, ne vient que d’une ressemblance trop fidèle avec un temps où l’imitation étrangère avait donné un air de mode même à la vertu. […] Né un an seulement avant le roi, doué comme lui des plus rares qualités du corps et de l’esprit, ayant aussi ce grand air et cette majesté naturelle dont parle Saint-Simon, une sorte de fraternité rapproche le poète et le roi. […] L’occasion était belle pour les ennemis de Boileau de se récrier contre l’air d’hésitation et la parcimonie de ses louanges, et de dénoncer l’audace de ses conseils.
Pour completter la Bergerie, il chantoit des airs champêtres, pendant que sa Maîtresse jouoit de la harpe, [instrument qui n’est pas fort pastoral] & attiroit par ses airs des oiseaux de voliere, dressés péniblement à ce manége.
Ils sont habillés comme jamais des enfants ne l’ont été ; tout cela a un air de mascarade qui fait fort mal avec [l’]air de paysage et de bergerie ; et puis des chèvres, des brebis, des chiens, des animaux, qu’on ne reconnaît point.
Les bois n’ont pas encore de feuilles ; mais ils prennent je ne sais quel air vivant et gai, qui leur donne une physionomie toute nouvelle. […] J’ai ressenti aujourd’hui cette puissance étonnante, en respirant, couché dans un bois de hêtres, l’air chaud du printemps. […] comment se fait-il que mon repos soit altéré par ce qui se passe dans l’air, et que la paix de mon âme soit ainsi livrée au caprice des vents ? […] On dirait que le gosier des oiseaux s’est aussi rafraîchi à cette pluie : leur chant est plus pur, plus vif, plus éclatant, et vibre émerveille dans l’air devenu extrêmement sonore et retentissant. […] Un mois s’est écoulé ; le moment où le printemps longuement couvé et nourri éclate, non plus en fleurs mais en feuilles, où la verdure déborde, où il y a en deux ou trois matinées inondation presque subite de verdure, est admirablement rendu : 3 mai. — Jour réjouissant, plein de soleil, brise tiède, parfums dans l’air ; dans l’âme, félicité.
Un aperçu piquant qu’on saisit en l’air et qu’on attrape à la volée, une anecdote d’alcôve, n’est point une raison sérieuse, et il faudrait laisser à la porte de la sévère histoire toutes ces sciences conjecturales et qui sont à naître ou à peine nées encore. […] Souvent il porte ses coups en l’air, comme un taureau furieux, qui, de ses cornes aiguisées, va se battre comme les vents16. […] Or, voici la description : « D’un côté, cette médaille, qui est fort grande ; représente un enfant d’une figure très belle et très noble : on voit Pallas qui le couvre de son égide ; en même temps les-trois Grâces sèment son chemin de fleurs ; Apollon, suivi des Muses, lui offre sa lyre : Vénus paraît en l’air dans son char attelé de colombes, qui laisse tomber sur lui sa ceinture ; la Victoire lui montre d’une main un char de triomphe, et de l’autre lui présente une couronne. […] Il est manifeste que c’est le même enfant, car on reconnaît d’abord le même air de tête ; mais il n’a autour de lui que des masques grotesques et hideux, des reptiles venimeux, comme des vipères et des serpents, des insectes, des hiboux, enfin des harpies sales, qui répandent de l’ordure de tous côtés, et qui déchirent tout avec leurs ongles crochus. […] C’est par politesse que Fénelon dit de Mélanthe qu’il est comme un taureau qui porte ses coups en l’air : le duc de Bourgogne portait souvent ses coups moins à faux et battait son valet de chambre pendant que celui-ci était eu train de l’habiller.
Il y a en tête, de ce manuscrit : Discours des choses de Lesbos ; de ce mot discours (λόγοι) lu de travers, on aurait fait Longus, qui a si peu l’air en effet d’un nom grec ; la faute une fois mise en circulation, et voilà un auteur célèbre de plus à l’adresse de la postérité11. […] Daphnis est, à un moment, enlevé par des pirates et délivré par l’effet presque miraculeux d’un air de flûte que Chloé joue du rivage : toutes les vaches du berger prises et embarquées avec lui, reconnaissant l’air du rappel, se jettent d’un bond à la mer, comme les moutons de Panurge, et font chavirer le bateau : les pirates chargés de leurs armes, se noient ; Daphnis, qui est court vêtu, se sauve à la nage. […] Pas de trace de jours sombres, de nuages, de brouillard et d’humidité ; toujours le ciel du bleu le plus pur, l’air le plus doux, et partout un sol sec, sur lequel on pourrait s’étendre nu. […] Tout ce qu’il a dit à cet égard est juste : ce qu’il faut reconnaître en effet, c’est que ce sont deux œuvres parfaites, achevées, chacune dans son genre : Bernardin de Saint-Pierre, ce Grec d’imagination et de goût, s’est inspiré de l’une pour faire l’autre, et la faire un peu autrement ; il a vu, il a deviné au premier coup d’œil ce qu’il devait introduire de neuf dans la même donnée, pour inventer et réussir à la moderne ; non content de renouveler le paysage, il a renouvelé les âmes ; il les a montrées aussi naïves, aussi primitives, mais travaillées et comme perfectionnées à leur insu par l’air qu’elles ont respiré, par la nourriture qu’elles ont reçue des parents.
Cherchez l’antithèse, et vous obtiendrez cette maxime, qui vous a un air fin et qui en vaut une autre : L’amitié naît des confidences, et elle en meurt. […] Presque toujours ces boutades ont un air profond. […] » Pourtant la plupart des maximes, quand elles ne sont pas tout à fait misérables, semblent tout de suite piquantes et ingénieuses — justement parce qu’elles ont un petit air d’oracle, parce qu’on nous les jette à la tête sans explications et sans preuves, parce qu’elles sont, pour ainsi dire, coupées de leurs racines. […] Quelle drôle d’idée de psalmodier ses phrases sur un air d’enterrement pour bien marquer que c’est l’impératrice qui parle ! […] Et cet air de princesse de conte, de créature chimérique et lointaine, Mme Sarah Bernhardt l’exploite merveilleusement.
D’où vient cependant que dans toute réunion citadine un créateur de peintures ou de poèmes doive être reconnu à une faute de goût quelconque, même menue, à un certain égarement, à une attitude distraite qui n’est pas précisément la gaucherie ni la timidité, mais ce qu’on appelle « l’air artiste » qui donne toujours l’appréhension vague de quelque impair à la maîtresse de maison ? […] Il y a de tout cela dans « l’air artiste ». […] Interrogez là-dessus un peintre, un musicien ou un sculpteur, ou même un poète, du moment qu’il n’écrit pas en prose, car le journalisme et le roman forcent l’artiste à l’usage du monde : s’il est franc, il conviendra que le secret de son « air » est dans cette remarque psychologique. […] « L’air artiste » n’a rien d’indélébile. […] Il lui faudra quitter ce dernier enfantillage qui est de tenir à quelque débraillement, à un certain air négligé et détaché, et de permettre ainsi aux médiocres de prendre sur son âme et son talent une revanche de dénigrement.
» Puis, comme elle se sentait devenir folle, folle ainsi qu’elle l’avait été dans cette nuit de fuite à travers la neige, elle se releva et courut à la fenêtre pour se rafraîchir, boire de l’air nouveau, qui n’était point l’air de cette couche, l’air de cette morte. […] Ce fut un affreux compagnon, qui acheva d’empoisonner l’air. […] » et l’air dont il était dit. […] Soudain un cri, un cri déchirant traversa l’air. […] Les garçons étaient des gaillards délurés, à l’air intelligent et résolu.
Edmond Pilon C’est ainsi qu’est notre sort : nous nous éveillons héroïques ou triomphants, puis la vie vient et nous baise sur la bouche avec des fruits entre les dents ; nous connaissons l’amour au lieu des armes, et les airs pastoraux des flûtes, nous les rythmons dans nos caresses. […] Ce sont bien des confidences, en effet, ces poèmes où le rythme semble dérouler tout ce qui, dans la nature, souffre, s’effraie et s’atténue : l’automne et les suprêmes parfums passant dans le sillage des départs ailés ; les couchants dont des nuages en fuite pansent la gloire meurtrie ; les yeux stagnants des vieilles résignant, songe à songe, leur vie ; les vaisseaux que cerne la brume marine ; les pleurs que font tinter dans l’air les clochers exhalant l’Angélus ; — et la mélancolie du Désir, nostalgique et toujours inassouvi, qui supplante aux fins de l’étreinte la fougue lassée du déduit.
C’était un à-propos de boudoir jeté d’un air de conseil et de précepte. […] Joignez-y quelques maximes jetées d’un air de leçon. […] La favorite de Meudon avaient donc tout l’air et le ton d’une belle-mère. […] Louis XIV, tout à la fin de sa vie, s’était pris de goût et d’amitié pour une demoiselle de Chausseraye (ou de La Chausseraye), qui avait de l’esprit qu’elle cachait sous un air d’ingénuité. […] Elle en dit tant, et avec un air si simple, si indifférent sur les partis et si touchant sur l’intérêt qu’elle prenait au roi, qu’il lui répondit qu’elle avait raison ; qu’il suivrait son conseil en tout ce qu’il pourrait là-dessus, parce qu’il sentait que ces gens-là le feraient mourir… Or, que fait Duclos ?
La langue française est impuissante à rendre toutes les beautés de la langue grecque. » Ils répondaient : « Peu nous importe », et ajoutaient comme l’abbé de Pons, d’un air de compliment pour Mme Dacier : « Elle a entendu Homère autant qu’on le peut entendre aujourd’hui ; elle sait beaucoup mieux encore la langue française ; elle a rendu le plus élégamment qu’elle a pu, dans notre langue, ce qu’elle a vu, pensé et senti en lisant le grec : cela me suffit, j’ai L’Iliade en substance. » L’erreur, c’était de croire qu’un poète dont l’expression est un tableau, une peinture naïve continuelle, fût fidèlement rendu par une traduction tout occupée d’être suffisamment polie et élégante ; l’erreur, c’était de s’imaginer qu’il n’y avait là qu’une question de plus ou moins d’élégance et de précision, et qu’en supposant l’original doué de ces deux qualités à un plus haut degré que la traduction, on lui rendait toute la justice qu’il pouvait réclamer, il s’agissait bien de cela ! […] Nous savons que ce morceau, par son air d’évidence et par un grain d’enjouement qui en corrigeait la métaphysique, réussit beaucoup auprès des dames, « à qui ces matières avaient été jusqu’alors interdites » ; elles le lurent avec plaisir, et se flattèrent désormais de comprendre la question épique ; elles avaient déjà, par Fontenelle, été mises au fait de la question physique : elles en ont depuis compris bien d’autres. […] Dans cette même Dissertation, l’abbé de Pons soulevait vers la fin une autre matière à procès : il plaidait pour la prose contre les vers, il niait les vers et leur charme : « Les vers ne plaisent point par eux-mêmes ; il nous a fallu un long commerce avec eux pour n’être guère choqués de leur démarche affectée, de leur air contraint. » Il n’y voyait donc que de la singularité et de la gêne imposées par une convention arbitraire, et nuisibles à l’excellence de la diction, à son naturel, à sa vérité. […] Voilà la seule réponse à faire à ce négateur du nombre poétique, — un air de flûte pastorale, de la bouche d’André Chénier. […] La Dissertation de l’abbé de Pons amena l’aimable jésuite du Cerceau à le réfuter dans le Mercure du mois suivant, et à venir plaider la cause de la poésie et de la versification dans un article fort poli, assez juste, et où il s’applique à disculper les vers de ce reproche d’air gêné et d’affectation : Pour moi, observait-il assez finement, si j’ose dire ce que je pense, je m’en aperçois bien davantage (de cet air contraint) dans des ouvrages de prose, pleins d’esprit d’ailleurs, mais dont le style me paraît bien plus gêné et plus affecté que celui de la poésie.
Comment l’avait-il saisi et, pour ainsi dire, humé à travers l’air ? […] Ici, chez les jeunes France, on prenait même par ton des airs féroces ; on aurait cru ressembler à M. […] D’autres seront épris de la beauté du monde Et du rayonnement de la lumière blonde ; Ils resteront des mois assis devant des fleurs, Tâchant de s’imprégner de leurs vives couleurs ; Un air de tête heureux, une forme de jambe, Un reflet qui miroite, une flamme qui flambe, Il ne leur faut pas plus pour les faire contents. […] Je pourrais noter, comme dans un opéra, nombre de ces beaux airs ou de ces hymnes : Si tu viens trop tard, ô mon Idéal, je n’aurai plus la force de t’aimer, etc. ; Ô Beauté, nous ne sommes créés que pour t’aimer et t’adorer à genoux, etc. […] Mais le matin elles quittent les branches : Comme un collier qui s’égrène, on les voit S’éparpiller dans l’air bleu, toutes blanches, Et se poser plus loin sur quelque toit.
C’est l’abbesse de Caen, depuis abbesse de Malnoue, la célèbre Marie-Éléonore de Rohan, qui parle et qui lui fait son portrait selon la mode du temps : Vous êtes plus grand et de belle taille que vous n’avez bon air. […] Cette spirituelle abbesse revient assez souvent sur ce qui manque à ce beau jeune homme en bonne grâce et en air ; on dirait qu’en tout bien tout honneur elle le voudrait former12. […] Vous avez beaucoup de modestie, et jusqu’à avoir honte et être déconcerté quand on vous loue… Mais votre modestie est plus dans les sentiments que vous avez de vous-même, que dans votre air, car vous êtes modeste sans être doux, et vous êtes docile quoique vous ayez l’air rude. […] Boileau se fâcha de l’air et du ton qu’il prenait quand le goût lui semblait en cause. […] Huet, héritier et continuateur du xvie siècle et de la Renaissance, se contentant d’y joindre la politesse du grand règne, ne participe d’ailleurs que le moins possible à ces impulsions propres à son moment ; il n’a pas du tout l’air, en vérité, de se ressentir de ces avènements signalés.
Mme de Caylus elle-même ne fut pas sans tenir de ce grand aïeul : sous sa grâce de femme et sous son air d’ange, elle a l’esprit acéré, vif et mordant. […] Toutes les Champmeslé du monde n’avaient point ces tons ravissants qu’elle laissait échapper en déclamant ; et, si sa gaieté naturelle lui eût permis de retrancher certains petits airs un peu coquets que toute son innocence ne pouvait pas justifier, c’eût été une personne accomplie. […] Soit en habit du matin, soit en habit de cour, ou en habit d’hiver, elle y paraît fine, mince, grande, noble, élégante et jolie ; d’une taille élevée et qui a tout à fait grand air ; une figure un peu ronde, une figure d’ange, et où la douceur s’allie à la malice, une bouche fine où la raillerie se joue aisément, de beaux yeux où éclatent l’agrément et l’esprit : en tout la grâce et la distinction même. […] Selon l’abbé Gédoyn, l’urbanité, ce mot tout romain, qui dans l’origine ne signifiait que la douceur et la pureté du langage de la ville par excellence (Urbs), par opposition au langage des provinces, et qui était proprement pour Rome ce que l’atticisme était pour Athènes, ce mot-là en vint à exprimer bientôt un caractère de politesse qui n’était pas seulement dans le parler et dans l’accent, mais dans l’esprit, dans la manière et dans tout l’air des personnes. […] Mais les femmes alors, avec cette facilité de nature qui de tout temps les distingue, réussirent mieux encore que les hommes à offrir de parfaits modèles de ce que nous cherchons, et dont les semences étaient comme répandues dans l’air qu’on respirait.
Je trouve ici même un grand attrait. » Sophie sourit d’un air confus. […] Il lançait en l’air un tourbillon de fumée. […] avait-il l’air de dire, c’est moi. […] Gabriel prit un de ses grands airs et se mit à crier contre les cochers. […] Le garçon du cabaret l’observait d’un air étonné.
Le même air peut être à la fois un air de fête ou une marche funèbre. […] Le même air peut être à la fois un air de fête ou une marche funèbre. […] … » Et quel air penaud, si on le laissait seul ! […] Oscar Wilde me ravit par son air distingué et son beau sourire d’amertume. […] Tout ce qu’il dit a comme un air d’éternité. » En jugeant le caractère de M.
Pour les poésies en l’air, je n’en fais aucun cas. » Les Regrets de Du Bellay ne sont plus des poésies en l’air, et c’est ce qu’on en aime. […] Mais le talent était venu, et le poète était mûr ; c’est, je le répète, au moment où il a le plus l’air de se décourager qu’il entre en pleine possession de lui-même et du genre où il est maître. […] Et en effet, dans les vers latins tout remplis des réminiscences et des locutions d’Horace et de Virgile, il n’y a pas, il ne peut y avoir ces traits fins et caractéristiques, la cheminée de mon petit village , le clos de ma pauvre maison , l’ardoise fine, qui est la couleur locale des toits en Anjou, et ce je ne sais quoi de douceur angevine opposé à l’air marin et salé des rivages de l’Ouest. […] Du Bellay était dans cette disposition d’esprit aigrie et irritée, où il n’y a de guérison que l’embrassement des amis et le bain de l’air natal. […] Ce patron si loué m’a bien l’air, malgré tout, de n’avoir jamais assez apprécié, du sein de ses grandeurs, celui qui se donnait à lui.
La Fontaine à la cour en eût pris les airs, par facilité d’humeur et par imitation. […] La même brièveté donne à la morale l’air d’aphorismes tirés de quelque poète gnomique et adaptés à un petit récit. […] La Fontaine fait plus que rendre sien cet air d’antiquité que conservent ses emprunts ; il se rend lui-même aussi ancien que ceux qu’il imite. […] Nature heureuse entre toutes, il a les qualités sans les défauts, il peut aimer sans haïr, et il sait garder, jusque dans la perfection, je ne sais quelle aisance qui donne à la pureté de son goût l’air d’un instinct. […] On d’un plomb qui suit l’œil, et part avec l’éclair, Je vais taire la guerre aux habitants de l’air.
C’est parfois un son analogue à celui d’une barre de fer avec laquelle on frapperait sur un tronc dur et creux, ou bien c’est un cri perçant qui fend l’air. […] Le calme complet des airs laisse le navigateur indécis mesurer de combien de vagues il a avancé dans sa route vers un rivage toujours invisible. […] Michel-Ange, déjà vieux, pendant qu’il méditait d’élever jusqu’à cinq cents pieds dans les airs la coupole du temple du christianisme, fut trouvé seul, errant, pensif, dans les ruines du Colisée. […] Les brillantes pyramides d’écume blanche qui s’élèvent dans les airs retombent dans deux bassins formés chacun d’un seul morceau de granit oriental de cinquante pieds de circonférence. […] Je renonce à décrire le bruit du vent dans l’intérieur de cette oreille de bronze dont les moindres haleines de l’air frappent le tympan (que serait-ce dans la tempête ?).
De grands yeux noirs, sans innocence, protestaient seuls contre la pureté de cette physionomie virginale ; peut-être aussi la mobilité frémissante des narines, ouvertes à l’air, comme à l’aspiration d’un parfum. […] Et puis c’était pour la première fois que la courtisane moderne nous était montrée sur la scène, avec ses raffinements et ses élégances, son accent parisien et son air de race. […] Son tombeau même exhale une odeur de safran ; ses os sont encore imprégnés d’essence et de parfums ; de ses cheveux s’échappe un air embaumé. […] Elle l’a englué dans la toile d’araignée de l’habitude ; elle l’a confiné dans les malpropretés et les médiocrités du petit ménage, elle l’a isolé de ses maîtres, de ses amis, du monde vivant, de l’air extérieur. […] Alors la grande daine se redresse, et, devant l’artiste caché dans la chambre voisine, elle éconduit le malencontreux visiteur ; et de quel air !
La fonction de maître de quartier participe de celle du professeur et de celle du préfet : il fait la police comme le préfet lorsque le mauvais temps renferme les élèves dans l’intérieur de la maison et que les récréations ne se font pas en plein air. […] Hors de la classe, en récréation générale, en plein air, il est sous le préfet. […] A midi trois quarts, récréation générale de tous les étudiants ensemble, en plein air, s’il fait beau, ou récréation intérieure de chaque classe dans sa salle, s’il fait mauvais temps, jusqu’à une heure et demie. A une heure et demie, ils rentreront, s’ils sont en plein air, ou ils se placeront en silence dans leur salle pour y travailler séparément jusqu’à deux heures et demie.
Au point de vue de la correction, on lui avait fait faire une faute ; « dont je me sens à tel point oppressée » étant laissé sans complément et restant en l’air. […] « Comme un aigle qu’on voit toujours, soit qu’il vole au milieu des airs, soit qu’il se pose sur le haut de quelque rocher, porter de tous côtés ses regards perçants, | et tomber si sûrement sur sa proie qu’on ne peut éviter ses ongles non plus que ses yeux ; | aussi vifs étaient les regards, aussi vite et impétueuse était l’attaque, aussi fortes et inévitables, | étaient les mains du prince du Condé. » Au point de vue de la tenue de l’haleine, il faut scander, je crois, comme j’ai fait ; mais au point de vue de l’harmonie expressive il faut accentuer les mots airs, rocher, perçants, proie, yeux, regards, attaque et inévitables, et alors nous voyons que les choses sont peintes par les mots, et c’est-à-dire, ici, par le rythme général, par les sonorités et par les silences. […] Ouvrez La Fontaine n’importe où ; aussi bien c’est ce que je viens de faire ; et lisez à demi-voix : Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé… sons lourds, sourds, durs, rudes, compacts, sans air ; car il n’y a pas de muets ; sensation d’accablement.
Rien ne distingue un homme de naissance ; Tout le monde se donne un air de qualité. […] Par-tout on voit fausse Noblesse, Fausse apparence, faux dehors, Faux airs, fausse délicatesse, Faux bruits, faux avis, faux rapports.
Mais il n’y a point d’air entre les figures ; point de plans ; sa composition n’a que l’épaisseur du papier, c’est comme une plante qu’un botaniste met à sécher dans un livre ; elles sont applaties, collées les unes sur les autres. […] Je ne saurais m’empêcher d’insister sur un autre défaut qui n’est pas celui de l’artiste, c’est que la barbarie et le mauvais goût des vêtemens donnent à ces compositions un aspect bas, ignoble, un faux air de bambochades.
Sensible comme il est, les égards, les ménagements, les empressements, la délicate flatterie sont l’air natal hors duquel il respire avec peine. […] Leur moindre geste, un air de tête boudeur, ou mutin, un bras mignon qui sort de son nid de dentelles, une taille ployante qui se penche à demi sur le métier à broder, le froufrou preste d’un éventail qui s’ouvre, tout ici est un régal pour les yeux et pour l’esprit. […] Mais elles aiment mieux l’appartement que le grand air ; en ce temps-là le vrai soleil, c’est la clarté des bougies, et le plus beau ciel est un plafond peint ; y en a-t-il un moins sujet aux intempéries, plus commode pour causer, badiner On cause donc et l’on badine, en paroles avec les amis présents, par lettres avec les amis absents. […] On y fait de la musique en plein air, au clair de lune, Garat chante et le chevalier de Saint-Georges joue du violon275. […] Rien n’étouffe cette gaieté, ni l’âge, ni l’exil, ni le malheur ; en 1793, elle durait encore dans les prisons de la République Un homme en place n’est point alors gêné par son habit, raidi par son emploi, obligé de garder l’air important et digne, astreint à cette gravité de commande que l’envie démocratique nous impose comme une rançon.
L’atmosphère d’Allemagne, de France et d’Italie ne roule que les airs de Mozart devenus populaires, Non più andrai, comme nous avons vu de nos jours les échos de l’Europe entière faire chanter aux murs, aux arbres et aux fleuves les airs de Rossini, Di tanti palpiti ! […] fais-les entrer, répond Don Juan d’un air dégagé et courtois. — Approchez donc, signore Maschere, réplique le majordome ; mon maître serait heureux si vous daigniez prendre part à la fête.” […] Les musiciens du petit orchestre entament alors un petit air élégant dont le rythme à six-huit pétille comme les vins généreux que Leporello ne cesse de verser dans la coupe avide de don Juan, qui s’épanouit et rayonne à ce banquet de la vie où il a toujours été un fortuné convive. […] Est-ce qu’un air populaire jaillissant tout à coup à l’oreille des voyageurs d’une vague de la mer de Naples, d’une gorge du Tyrol, d’une île de la Grèce, d’un lac d’Écosse, ou par la flûte ou par la voix d’un berger, d’un pêcheur, d’une jeune fille sur la terrasse de sa chaumière, n’a pas fait monter et vibrer en vous mille fois plus de cordes sympathiques à l’âme que tous les orchestres d’opéra ? […] Je vais donc entendre tous les airs, tous les récitatifs tels que le grand maître les a conçus dans son esprit, et tels qu’il nous les a transmis !
Tu passes ; ils se rangent en haie, les bonnets volent en l’air. […] Il ne se reconnaît plus ; l’air saint qu’il respire le sanctifie à son insu. […] Sommes-nous donc le jouet de chaque impression de l’air ? […] Et son air noble ! […] S’il se montre à la porte, il a toujours l’air si ricaneur et presque fâché.
J’avais eu tellement l’air de l’épouser d’abord aux yeux de certaines personnes, que je sentais bien que je nuirais plus que je ne servirais à son retour de fortune en insistant. […] Il est de belle taille, de mine élégante, alerte et adroit aux exercices du corps, le front ouvert, l’air noble et généreux ; il a la conversation agréable et facile. […] Et surtout il y avait alors dans l’air un grand souffle et un grand courant qui enlevait et qui embrasait toutes les âmes studieuses, et, parmi les ignorants mêmes, tous ceux qui étaient capables d’une ambition vraiment libérale. […] Se percer, se piquer, se navrer, se tuer, Et parmi les assauts forcenant pêle-mêle Tomber mortes du ciel aussi menu que grêle, Portant un gentil cœur dedans un petit corps : Il verse parmi l’air un peu de poudre ; et lors Retenant des deux camps la fureur à son aise. […] Il y a une suspension qui est imitative et d’un effet pittoresque : Il verse parmi l’air un peu de poudre… La plupart des critiques que l’on a adressées à la première manière ardue et rocailleuse de Ronsard trouveraient peu leur application, à considérer cette portion plus rassise de ses œuvres ; je lui reprocherais plutôt d’y être trop détendu et de se relâcher dans le prosaïque, bien que de temps en temps il y ait des retours de verves et que le cheval de race y retrouve des élans.
Ce n’est donc pas pour vous dire une mauvaise plaisanterie, mais une vérité assez extraordinaire ; je vous prie, Madame, de conter cela, comme vous savez orner toutes les choses auxquelles vous voulez donner un air ; je vous expose seulement celle-ci, qu’on ne peut se promener dans une rivière, parce qu’il y a de la poudre. […] » Dans le courant de cette année 1680, il se fait une petite révolution de palais ; la duchesse de Terranova est destituée ; on nomme une autre camarera-mayor, la duchesse d’Albuquerque, et le régime intérieur en est modifié : « L’air du palais est déjà tout autre, et le roi aussi. […] L’air du palais en est tout différent. […] Le peuple de Madrid ne vivait plus que de l’air du temps, comme nous dirions ; et, comme on dit là-bas, il ne vivait plus que de prendre le soleil. […] Au contraire, le voyage d’Aranjuez, dans le cas présent, n’était qu’un extra, une envie particulière du roi, embarrassante pour les ministres qui ne savaient comment y pourvoir ; « Ils parurent néanmoins en faire les préparatifs ; ils en flattèrent le roi, et tandis qu’ils l’amusaient par ces apparences, ils surent faire naître des difficultés qui rompirent insensiblement le voyage, tantôt à cause des méchants chemins, tantôt pour le mauvais air de ce lieu après les pluies qui étaient survenues.
Dans un voyage et séjour de cinq mois à Paris, pendant lequel il alla prendre souvent l’air de Versailles, il commença par se bien pénétrer des intentions du roi et de ses désirs ; il exposa à Louis XIV, dans une audience particulière, et lui fit agréer toute la partie ostensible et séduisante de son plan ; il ne parla que de l’amour, de la vénération des Béarnais pour la mémoire de Henri IV, sentiments qui avaient passé à son petit-fils. […] A ces odieux, procédés, il mêle parfois des airs d’honnête homme, des semblants de sentiment ; il joue le bon apôtre : « Le sieur d’Audrehon, ministre de Lembeye, m’étant venu voir ; me dit qu’il sentait de grands mouvements dans son cœur pour embrasser la religion catholique ; mais qu’il avait encore besoin d’un, mois pour prendre sa résolution ; sur quoi, l’ayant fait entrer dans la chapelle du château de Pau, où M. l’évêque d’Oléron recevait l’abjuration d’un ancien avocat de Pau et où il y avait beaucoup de monde, je lui demandai s’il ne sentait rien dans son cœur qui le sollicitât, à la vue de son véritable pasteur, de s’aller jeter entre ses bras. […] Il eut l’honneur, en juillet 1690, de recevoir et de régaler à son passage le roi Jacques détrôné et fugitif, qui avait pris sa route par Caen : il fut très-frappé de l’air indifférent, passif, de ce roi opiniâtre,« qui paraissait aussi insensible au mauvais état de ses affaires que si elles ne le regardaient point ; qui racontait ce qu’il en savait en riant et sans aucune altération. » Le roi Jacques se flattait à cette date, que « le peuple anglais était entièrement dans ses intérêts » ; et il imputait tout le mal au prince d’Orange et aux troupes étrangères que l’usurpateur avait fait passer en Angleterre. « Ce pauvre prince, nous dit Foucault parlant du roi Jacques et ne revenant pas de ses airs riants, croit que ses sujets l’aiment encore. » Illusion et forme de consolation propre à ces vieux souverains déchus ! […] Cependant l’ensemble, l’air de la physionomie semble assez riant.
On vient avertir que la viande est portée ; on soupe ; ce ne sont qu’éloges de la part du roi sur l’air noble de la petite princesse, sur la façon dont elle mangeait. […] Elle fait mal la révérence et d’un air un peu italien. […] Jusqu’à cette heure j’ai fait merveille : j’espère que je soutiendrai un certain air aisé que j’ai pris, jusqu’à Fontainebleau, où j’ai grande envie de me retrouver. […] L’air est noble, et les manières polies et agréables ; j’ai plaisir à vous en dire du bien, car je trouve que, sans préoccupation et sans flatterie, je le peux faire, et que tout m’y oblige. […] Il est bien question de la modestie en un ou deux endroits de cette lettre ; mais c’est de l’air modeste et du bon effet qu’il produit, et de la grâce qui en dépend.
C’est là qu’il faut s’asseoir, c’est là qu’il faut entendre Les airs lointains d’un cor mélancolique et tendre. […] Par monsieur saint Denis, certes ce sont des âmes Qui passent dans les airs sur ces vapeurs de flammes. […] Les bons Tourangeaux sont simples comme leur vie, doux comme l’air qu’ils respirent, et forts comme le sol puissant qu’ils fertilisent. […] Nous nous avançâmes tous, prêts à nous élancer sur les gardes au signal convenu ; mais je vis avec douleur M. de Cinq-Mars jeter son chapeau loin de lui d’un air de dédain. […] Kitty Bell, émue profondément et l’air hagard.
» * * * — J’ai rarement vu à un amateur l’air amusé par l’art d’une chose. […] Elle regarde le monde d’un air intimidé, jetant dans l’oreille de Flaubert : « Il n’y a que vous ici qui ne me gêniez pas ! […] Et devant soi, dans les ténèbres, la grande voix rythmée de la lame molle, et, dans le dos, la musique des airs de valse qui joue dans la lumière. […] Au milieu d’eux un gilet blanc, un petit ventre qui pointe, un danseur à l’air d’un garçon de noce endimanché. […] Ils ont tous l’air de digérer le succès d’un ami.
Que Junon soit l’air, que Jupiter soit l’éther, et qu’ainsi frère et sœur, ils soient encore époux et épouse, où est le charme de cette personnification ? […] Remarquez même que l’esprit est moins choqué de la création des dryades, des naïades, des zéphyrs, des échos, que de celle des nymphes attachées à des objets muets et immobiles : c’est qu’il y a dans les arbres, dans l’eau et dans l’air un mouvement et un bruit qui rappellent l’idée de la vie, et qui peuvent par conséquent fournir une allégorie comme le mouvement de l’âme.
Le nerf est conducteur, comme l’air qui transmet les oscillations d’une corde vibrante, comme le fil de fer qui transmet l’action électrique. […] Ils conservèrent l’appétit, leurs forces, leur air guerrier même… ». […] Beaucoup de ces serinettes ne jouent qu’un seul air, et, à l’état normal, leur manche ne donne qu’une seule impulsion, toujours la même. […] La vérité est que la serinette, au lieu d’un seul air, en joue plusieurs et plusieurs dizaines, tous appropriés et adaptés. […] Selon que le premier choc du manche de la serinette a mis le cylindre intérieur à tel ou tel cran, la serinette joue tel ou tel air.
Rien de plus, car il n’existe pas d’Alexandrin idéal, passant dans les rêves des poètes, dieu suprême de l’Art, orchestre, mot synthétique, geste solennel résumant toutes les phrases et tous les poèmes, sorte de syllabe Om dont certains parlent, les yeux en extase, la voix tremblante, avec des airs de Bouddha contemplant son nombril. […] Parce que tu apportes, avec un pan du grand ciel bleu, l’âme des bois fleuris et sonores, parce que tu sens trop bon l’air libre dans ces lourdes salles gorgées de parfums artificiels et qu’éclaire uniquement la morte clarté des lampes, tes Maîtres te prendront en haine ; ils t’enseveliront à jamais au plus profond de la cave sans espoir. […] Ne t’arrête pas à leurs boniments mystérieux, ne t’effraye pas à cause des airs initiés avec lesquels ils répètent le mot Symbole ; malgré leurs cris, déchire tranquillement les voiles ; dessous, neuf fois sur dix, tu ne trouveras rien.
Jusques ici, je l’ai déja dit, le veritable mouvement d’une composition n’a pû se conserver que par tradition, pour parler ainsi, car les instrumens inventez pour tacher d’avoir par le moïen de l’horlogerie, le mouvement juste que les compositeurs avoient donné à leurs airs et à leurs chants, afin de le conserver avec précision, n’ont point eu jusques ici un grand succès. […] Les recits nous paroissent sans ame et les airs de ballet nous laissent presque tranquilles. Ces personnes alleguent comme une preuve de ce qu’elles disent que la representation des opera de Lulli dure aujourd’hui plus long-temps que lorsqu’il les faisoit executer lui-même, quoi qu’à present elle dut durer moins de temps, parce qu’on n’y repete plus bien des airs de violon que Lulli faisoit jouer deux fois.
L’État, cette chose en l’air, n’existe pas ; mais il y a une chose sur terre qui s’appelle l’État pour nous, et c’est la France. […] Tout autant que les individualistes, enfants trouvés ou perdus de Jean-Jacques Rousseau, auxquels il fait justement la guerre, Dupont-White n’a pas même l’air de se douter que l’État réel, dont il change les définitions aux pages viii, xiii xix, xx de sa préface, enfermé dans le cadre des mœurs, tient essentiellement dans cette double réserve de la famille et de l’ordre toujours retrouvée à la marée basse de toute révolution, et que peuvent toujours sortir de là, à la voix du législateur et du pouvoir, ramassé par le premier caporal venu, l’organisme social et la vie ! […] Malgré son amour pour l’État, ce mystère des mystères dans son livre, cet incompressible persistant qui disparaît à chaque révolution sans cesser d’être, Dupont-White n’est, au fond, qu’un individualiste comme les autres, un individualiste sans le savoir, lequel, avec des airs d’Hercule, file un coton assez maigre, sur une quenouille assez mince, aux pieds de l’Omphale du progrès !
C’était un beau jeune homme, une tête à caprices ; Son front à demi chauve, et le désordre heureux Où tout l’art d’Hippolyte avait mis ses cheveux, Son cou penché, son air tendre et mélancolique, Ses yeux à peine ouverts, et son regard oblique, Tout en lui décelait une peine de cœur, Que de son teint fleuri démentait la fraîcheur. […] Il faut voir de quel air Despréaux est traité : Ce rimeur, se traînant dans l’ornière d’Horace, Prétendait à son tour régenter le Parnasse, Aux lois du sens commun soumettre l’art des vers ; Limiter le génie et lui donner des fers. […] Ses histoires, d’ailleurs, sont des contes en l’air.
c’est une splendide vue — pour celui qui n’a point là d’ami ni de frère — de voir leurs écharpes rivales, aux broderies bigarrées, — de voir leurs armes variées qui étincellent dans l’air ! […] Les oiseaux sauvages criaient, — et dans leur épouvante venaient tomber à terre — et battaient l’air de leurs ailes inutiles. […] C’est le ciel comme l’imaginait saint François et le peignait Van Eyck, avec les anachorètes, les saintes femmes et les docteurs, les uns dans un paysage de rochers bleuâtres, les autres au-dessus dans l’air sublime, autour de la Vierge glorieuse, rangés par régions et flottant en chœurs. […] Élevés dans un air plus sain, ils auront peut-être une âme plus saine. […] It is a splendid sight to see (For one who hath no friend, no brother there) Their rival scarfs of mix’d embroidery, Their various arms that glitter in the air !
De cette complexité il résulte que l’air est chargé d’une sorte d’électricité ; il y a de la fièvre dans l’air, et ceux qui le respirent continûment ont une sorte d’excitation au cerveau. L’air de Paris, Musset l’a respiré toujours, et de là vient justement un côté de son caractère. […] Ce qui est vrai, c’est que dans l’air de Paris les choses prennent une apparence brillante, légère. […] L’air flamboie et brûle sans haleine ; La terre est assoupie en sa robe de feu. […] Il suppose qu’il s’adresse aux étoiles, aux étoiles de la voie lactée, et qu’il trouve que ces étoiles ont un air de tristesse.
Burette nous a conservé quelques airs grecs. […] La leçon des Lamentations de Jérémie porte un caractère particulier : elle peut avoir été retouchée par les modernes, mais le fond nous en paraît hébraïque ; car il ne ressemble point aux airs grecs du plain-chant.
« Les prés sourient et l’azur du ciel se rassérène, comme si le Créateur se réjouissait de regarder la terre sa fille ; les airs, les eaux, le firmament frémissent, tout ivres et tout palpitants d’amour ; tout ce qui vit éprouve l’instinct d’aimer et de doubler sa vie en aimant ; mais moi, misérable ! […] « Je respire d’ici mon air antique, et je vois surgir devant moi ces douces collines où naquit celle dont la splendide lumière éblouit si longtemps de ses clartés mes yeux avides et heureux, celle dont la disparition les attriste et les mouille aujourd’hui de larmes ! […] Vous connaissez ma maison : elle est en très bon air ; ma société : il n’y en a pas de meilleure. […] Si le séjour de Venise ne vous convient pas, si vous craignez l’intempérie de l’automne, qu’on ne peut mieux corriger, ce me semble, que par la gaieté des propos avec ses amis, nous irons à Capo d’Istria, à Trieste, où l’on m’écrit que l’air est très bon. […] C’est une scène de l’Arcadie dans la terre ferme de Venise ; l’air y est embaumé de l’odeur des foins et des gommes.
Emil Giani) ; Prél. de Lohengrin ; vision d’Elsa ; Prél. de Parsifal ; Romance de l’Etoile ; Siegfried et les Filles du Rhin ; Prière d’Elisabeth ; Marche de Tannhæuser ; — Air d’Elsa (2e acte) ; Verwandlungs-Musik (Parsifal) ; Air d’Elisabeth (2e acte) ; Marche fun. de la Gœtterdæmmerung ; Chevauchée. […] Air des Maîtres Chanteurs (Lloyd). […] Sir Arthur Sullivan) : Air des Maîtres Chanteurs (Lloyd). […] Sgambati) : Air, ballade et chœur du Hollandais ; Romance de l’Etoile ; marche de Tannhæuser ; Siegfried Idylle. […] Concert : Album-Blatt ; Sc. fin. de Tristan (piano) ; air de Walther (1er acte) ; chœur des Pèlerins.
Tout ce qui avait un air de conversation solide leur semblait grossier, vulgaire. […] Avec cela une taille accomplie, ce je ne sais quoi qui s’appelait bon air, air galant, dans toute la personne, et de tout point une façon suprême. […] « L’air qui lui revenoit le moins étoit l’air décisif et scientifique, et je sais des personnes très-estimables d’ailleurs, qu’elle n’a jamais goûtées, parce qu’elles avoient quelque chose de cet air. […] Ne serait-ce point que l’un des chevaliers, en s’engageant de plus en plus, et se croyant plus favorisé sans doute, a aussi par trop pris des héros de la Fronde l’air glorieux et conquérant, de ces airs de triomphe qui n’admettent plus ombre de rivalité et de partage ?
Mais borner n’est pas le mot, car ces montagnes semblaient transparentes comme le cristal et l’on voyait ou l’on croyait voir au-delà un horizon vague et indéfini s’étendre encore et nager dans les vapeurs ambiantes d’un air teint de pourpre et de céruse. […] Quand les sanglots de la jeune veuve arrivaient jusqu’aux enfans, ceux-ci se prenaient à pleurer, et les trois esclaves noires, après avoir répondu par un sanglot à celui de leur maîtresse, se mettaient à chanter des airs assoupissants et des paroles enfantines de leur pays pour apaiser les deux enfants. […] Ce golfe était à vingt lieues de nous, mais la transparence de l’air nous le montrait comme à nos pieds et nous distinguions même deux navires à la voile qui, suspendus entre le bleu du ciel et celui de la mer, et diminués par la distance, ressemblaient à deux cygnes planant dans notre horizon. […] À chaque détour du torrent où l’écume laissait un peu de place à la terre, un couvent de moines maronites se dessinait en pierres d’un brun sanguin sur le gris du rocher, et sa fumée s’élevait dans les airs entre des cimes de peupliers et de cyprès. […] On n’apercevait que la porte surmontée d’une ogive vide où pendait la cloche, et quelques petites terrasses taillées sous la voûte même du roc où les moines vieux et infirmes venaient respirer l’air et voir un peu de soleil, partout où le pied de l’homme pouvait atteindre.
Ainsi le Tétrarque biberonnant son houka, l’air vacant. […] Et les citoles des jongleurs sonnaient dans l’air. […] L’air se frayait un passage par sa bouche hocquetante. […] Gênes se noye dans la liquescence de l’air et des sons. […] torvus, qui regarde de travers, d’un air menaçant.
C’est, au ton près, la pensée de cet Ancien qui disait : « Lorsque tu auras doublé24 le soixantième soleil, ô Gryllus, Gryllus, meurs et deviens poussière : bien sombre en effet est le tournant par delà ce point de l’existence, car déjà le rayon de la vie est émoussé25. » Le propre du chansonnier, c’est que la parole chez lui soit à peu près inséparable de l’air. Un poëte lyrique a du nombre, de l’harmonie, de la mélodie ; mais le chant proprement dit, l’air, il faut que cela dans la chanson accompagne, inspire, comme d’un seul et même souffle, la parole et ne fasse qu’un avec elle. […] Désaugiers l’était, si jamais on le fut, et tout ce qu’il a fait en ce genre a été tellement lancé d’un jet, qu’on ne peut guère y adapter d’autres airs ; rhythme et pensée, la chose légère est née tout entière avec le chant. A ne les juger que sur le papier, les pièces lues (qu’on ne s’en étonne pas) ne rendent que bien peu les mêmes pièces chantées ; c’est une lettre morte et muette ; il faut l’air pour leur rendre le souffle et le sens. […] La sensibilité, chez Désaugiers, se glisse quelquefois dans l’air, même lorsqu’elle n’est pas dans les paroles. — Comme pendant à cette délicieuse chanson, il faut prendre aussitôt celle du Réformé content de l’être (1814), dont le refrain est d’un effet tout contraire au précédent, et dont l’air également va en sens inverse du trait final : Tout va bien (bis), Grâce au Ciel, je n’ai plus rien, Je n’ai plus rien, je n’ai plus rien.
Montaigne fait causer son monde, et il tire de chacun les particularités les plus marquées : ainsi cet homme qui le sert, cette espèce de sommelier, et qui est, sous son air de domestique, une manière de seigneur, lui dit entre autres choses qu’ils ne se font nulle difficulté ni scrupule de religion de servir le roi contre les huguenots mêmes, tout huguenots qu’ils sont. […] Tout se voit rempli de clochers et de villages bien haut dans la montagne ; et près de la ville, plusieurs belles maisons très plaisamment bâties et assises. — M. de Montaigne disait : « Qu’il s’était toute sa vie méfié du jugement d’autrui sur le discours des commodités des pays étrangers, chacun ne sachant goûter que selon l’ordonnance de sa coutume et de l’usage de son village, et avoir fait fort peu d’état des avertissements que les voyageurs lui donnaient : mais en ce lieu, il s’émerveillait encore plus de leur bêtise, ayant, et notamment en ce voyagé, ouï dire que l’entre-deux des Alpes en cet endroit était plein de difficultés, les mœurs des hommes étranges, chemins inaccessibles, logis sauvages, l’air insupportable. Quant à l’air, il remerciait Dieu de l’avoir trouvé si doux, car il inclinait plutôt sur trop de chaud que de froid, et en tout ce voyage, jusques lors, n’avions eu que trois jours de froid et de pluie environ une heure ; mais que du demeurant, s’il avait à promener sa fille, qui n’a que huit ans, il l’aimerait autant en ce chemin qu’en une allée de son jardin ; et quant aux logis, il ne vit jamais contrée où ils fussent si dru semés et si beaux, ayant toujours logé dans belles villes bien fournies de vivres, devin, et à meilleure raison qu’ailleurs. » Montaigne, à la veille de quitter l’Allemagne et le Tyrol autrichien, écrit une lettre à François Hotman, ce célèbre jurisconsulte qu’il avait rencontré à Bâle, pour lui exprimer sa satisfaction de tout ce qu’il a vu dans le pays et le regret qu’il avait d’en partir si tôt, quoique ce fût en Italie qu’il allât ; ajoutant qu’excepté quelques exactions à peu près inévitables des hôteliers guides et truchements, « tout le demeurant lui semblait plein de commodité et de courtoisie, et surtout de justice et de sûreté. » Cette première partie de son voyage, dont il se montrait si enchanté, n’avait fait que le mettre en goût et en appétit de découverte. […] Il remarque un air de dissipation pendant l’office : « Il lui sembla nouveau, et en cette messe et autres, que le Pape et cardinaux et autres prélats y sont assis, et quasi tout le long de la messe couverts, devisant et parlant ensemble. […] L’air de Rome lui allait ; il le trouvait « très plaisant et sain. » Surtout il ne s’y ennuyait pas un seul instant : « Je n’ai rien, disait-il, si ennemi à ma santé que l’ennui et oisiveté : là j’avais toujours quelque occupation, sinon si plaisante que j’eusse pu désirer, au moins suffisante à me désennuyer », Et il les énumère : à défaut d’antiquités, aller voir les Vignes « qui sont des jardins et lieux de plaisir de beauté singulière, où j’ai appris, ajoute-t-il, combien l’art se pouvait servir bien à point d’un lieu bossu, montueux et inégal » à d’autres jours, à défaut de promenades, aller entendre des sermons, des thèses, ou faire la conversation chez les dames : il mêle tout cela.
Vers la fin il souffrait de la poitrine ; il retourna au Cayla après cinq ans d’absence, en 1838, pour respirer l’air natal ; il se maria cette année-là même avec une jeune Anglaise née dans l’Inde, qui lui apportait de la fortune, « une Ève charmante, venue tout exprès d’Orient pour un paradis de quelques jours. » Elle et lui jouirent peu de ce bonheur ; il mourut dans l’année. […] Elle semble heureusement née pour habiter la campagne, tant son être« s’harmonise avec les fleurs, les oiseaux, les bois, l’air, le ciel, tout ce qui vit dehors, grandes ou gracieuses œuvres de Dieu. » Elle aussi, comme Bernardin de Saint-Pierre, elle a le sens des symboles naturels ; la vie sous toutes ses formes lui parle ; elle est femme à voir des mondes dans un fraisier : « Mon ami, je suis ce fraisier en rapport avec la terre, avec l’air, avec le ciel, avec les oiseaux, avec tant de choses visibles et invisibles que je n’aurais jamais fini si je me mettais à me décrire, sans compter ce qui vit aux replis du cœur, comme ces insectes qui logent dans l’épaisseur d’une feuille. » Toutes les saisons de l’année, toutes les heures de la journée ont pour elle leur charme particulier et leur langage. […] Cet état de langueur a bien des charmes, et ce mélange de verdure et de débris, de fleurs qui s’ouvrent sur des fleurs tombées, d’oiseaux qui chantent et de petits torrents qui coulent, cet air d’orage et cet air de mai font quelque chose de chiffonné, de triste, de riant, que j’aime… » Ne reconnaissez-vous pas le paysagiste d’instinct, qui se joue et qui s’essaye, sans maître, et auquel il faudrait bien peu de chose, — seulement un cadre, plus grand, — pour devenir, un maître en son genre, et lutter peut-être avec notre grand paysagiste du Berry ?
Le trait malin, proverbial, les alliances heureuses de noms et d’idées, la concision élégante, tout ce qui constitue le genre moral tempéré et en fait l’ornement, s’y trouve placé avec art, et il n’y manque vraiment qu’un souffle poétique moins sec et plus coloré, quand l’auteur tente de s’élever et de nous peindre, par exemple, le temple de l’Opinion promené dans les airs sur les nuages : c’est ici que l’on sent le défaut d’ailes et d’imagination véritable, l’absente de mollesse, de fraîcheur et de charme, comme dans toute la poésie de ce temps-là. […] Son air est d’une souveraine. […] Un jour, un matin de 1771, il rentrait du bal (il était neuf heures du matin), il voit entrer son voisin Dusaulx, l’air tout bouleversé. […] Ce n’est point en le flattant, c’est plutôt en le brusquant, en le raillant, en lui demandant d’un air délibéré, quand il lui parle des méchants : « Est-ce que vous croyez aux méchants, vous ? […] Daunou, dans son analyse des mérites de Rulhière, est allé jusqu’à remarquer que, dans les phrases courtes comme dans les plus longues, l’auteur varie sans cesse le ton, le rythme, les constructions, les mouvements : Il y a des livres, ajoute-t-il ingénieusement et en rhéteur consommé, où la plupart des phrases ressemblent plus ou moins, si l’on me permet cette comparaison, à une suite de couplets sur le même air ; et ce n’est pas sans quelque effort qu’un écrivain se tient en garde contre ce défaut ; car l’esprit ne s’habitue que trop aisément à un même genre de procédés, le style aux mêmes formes, l’oreille aux mêmes nombres.
Les scènes mélodramatiques de la fin et les airs de mélancolie, répandus çà et là dans l’ouvrage, sont la marque du temps ; ce qui est bien déjà à Mme Gay, c’est le style net, courant et généralement pur, quelques remarques fines du premier volume ; par exemple, lorsque Laure dit qu’en se retirant du monde pour vivre à la campagne, partagée entre les familles des deux châteaux voisins, elle avait cru se soustraire aux soins, aux tracas, aux passions, et qu’elle ajoute : « Eh bien ! […] Celle de Mœris, qui est d’elle, air et paroles, a eu bien de la vogue : Mais d’où me vient tant de langueur ? […] Mais Alfred paraît ; c’est à l’Opéra que Léonie l’aperçoit d’abord ; il y est fort occupé auprès d’une élégante, Mme de Rosbel ; ou plutôt, tandis que la foule des adorateurs s’agitait autour de la coquette, qui se mettait en frais pour eux tous, Alfred, plus tranquille, « lui parlait peu, ne la regardait jamais, et l’écoutait avec l’air de ne point approuver ce qu’elle disait, ou d’en rire avec ironie » : Cette espèce de gaieté (c’est Léonie qui raconte) contrastait si bien avec les airs doucereux et flatteurs des courtisans de Mme de Rosbel, que personne ne se serait trompé sur le genre d’intimité qui existait entre elle et M. de Nelfort. […] Comme la société pourtant et le cœur aiment les contrastes, il se mêlera, à cet amour avoué de la gloire et des exploits, des airs de rêverie et de romance.
C’est l’inconvénient quand on se fait juge soi-même de ses confrères et rivaux les plus immédiats, de ceux qui sont exactement du même métier que nous ; on a toujours l’air de s’accorder tout ce qu’on refuse aux autres. […] Ne lui demandez pas de retourner les idées reçues sur un personnage et sur un auteur, ou de dire des choses connues d’un air de paradoxe et de gentillesse. […] Sur le Télémaque, il y a tant de gens qui, après l’avoir lu enfants, l’ont oublié ou qui le rejettent d’un air d’ennui s’ils essayent de le relire, qu’on est surpris d’abord de voir un homme si sage et que de loin on jugerait un peu froid (pour ceux qui le connaissent, il ne l’est pas du tout), nous raconter comment il a passé par trois impressions successives au sujet du livre relu, et nous faire l’histoire de ces trois époques, de ces trois âges du Télémaque en lui. […] Je ne connais rien de plus irritant, en pareil cas, qu’un lecteur qui s’arrête en souriant à chaque vers amphigourique, de l’air de dire : Que c’est charmant !
C’est bien, c’est beau, un air de simplicité vient à propos s’ajouter à l’artifice ; mais qui osera dire que c’est là exactement le premier palais ? […] Je ne sais si tous ces exemples, et celui d’Euphorion en particulier, le tendre et gracieux poëte (car j’aime à le croire gracieux et tendre), de ce poëte tout entier enseveli, ne m’ont point un peu trop frappé l’imagination, mais je voudrais bien être le docteur Néophobus 138 pour oser lancer d’un air d’exagération certaines petites vérités. […] Et d’ailleurs, continuai-je en ouvrant ma fenêtre où entrait l’air frais du matin, le bon goût, évidemment, règne encore, et il régnera demain.
Sous ces bois jaunissants j’aime à m’ensevelir ; Couché sur un gazon qui commence à pâlir, Je jouis d’un air pur, de l’ombre et du silence. […] Hé bien, vous qui plaignez ces victimes crédules, Pénétrez avec moi ces murs religieux : N’y remplirez-vous pas l’air paisible des cieux ? […] combien à mon tour Plaît ce dôme noirci d’une divine horreur, Et le lierre embrassant ces débris de murailles Où croasse l’oiseau chantre des funérailles ; Les approches du soir, et ces ifs attristés Où glissent du soleil les dernières clartés ; Et ce buste pieux que la mousse environne, Et la cloche d’airain à l’accent monotone ; Ce temple où chaque aurore entend de saints concerts Sortir d’un long silence et monter dans les airs ; Un martyr dont l’autel a conservé les restes, Et le gazon qui croît sur ces tombeaux modestes Où l’heureux cénobite a passé sans remord Du silence du cloître à celui de la mort !
Parti de lord Byron avec la fougue que lord Byron communique à tous ceux qui l’aiment, il a fini par aboutir, dans son ralentissement d’ardeur, à Gray et à sa mélancolie ; mais, dans ce détiédissement d’un rayon qui n’est plus que doux et qui avait été brûlant, il n’a jamais dépouillé cet air que j’appelle l’air poétique anglais, et qu’il a encore dans les cendres de son Couvre-feu quand il caresse la tête de ses deux enfants et qu’il rabat jusqu’à eux et à leur souvenir cette hautaine idée de la gloire comme nous l’avons dans la jeunesse. Cet air, cet accent, il ne les a jamais perdus, même quand il est redevenu le plus Français, le plus spirituel, et même le plus poète de canapé chez les précieuses du xixe siècle ; car il y a de cela aussi chez Lefèvre-Deumier.
Des combats gigantesques eurent lieu contre les monstres énormes, fils du limon ; le fils de l’air, l’oiseau, prit taille de géant. […] Les feuilles absorbent, comme on sait, des poisons de l’air, les fleurs les résorbent. […] Il aime les mots qui ont un air tragique, les définitions pompeuses. […] Vois aussi, je te prie, comme l’air qui souffle ici est suave et tout à fait doux. […] L’homme, comme toute chose vivante, change avec l’air qui le nourrit.
Quel air important et mystérieux nous avions, en coudoyant les autres hommes, pauvres bourgeois qui ne se doutaient nullement de notre puissance ! […] s’écria-t-il avec un air d’accablement superbe et de dédain magnifique, s’il faut vous conter le sujet, nous n’aurons jamais fini ! […] — Je suis plus pauvre que jamais, répondait-il en prenant un air humble et papelard ; rien de tout cela n’est à moi. […] Ses poumons aspirent sans danger cet air où tout autre qu’elle et son père boirait une mort certaine. […] L’ensemble des visages était donc vermeil et souriant, avec un air de santé et de bonne humeur.
Ce régime, l’air salubre de la campagne, la tendresse maternelle de mistress Unwin et de lady Austen amenèrent quelques éclaircies. […] Il n’a point l’air de songer qu’on l’écoute, il ne se parle qu’à lui-même. […] Ses premiers souvenirs s’étaient imprimés en lui à l’âge de trois ans, dans une ferme où on l’avait porté pour essayer l’effet du grand air sur sa petite jambe paralysée. […] malgré cet air ecclésiastique et les tirades contre Voltaire et son siècle1221, on se sent pris comme par un discours de Théodore Jouffroy. […] Shelley passait la plus grande partie de sa vie en plein air, surtout en bateau, d’abord sur la Tamise, puis sur le lac de Genève, puis sur l’Arno et dans les mers d’Italie
Quoique le larmier des yeux de Goriot fût retourné, gonflé, pendant, ce qui l’obligeait à les essuyer assez fréquemment, elle lui trouva l’air agréable et comme il faut. […] Elle y parlait du bon air et de la solitude. […] l’air leur a fait du bien, elles sont roses. […] dit-il d’un air en apparence insouciant, à quoi cela me servirait-il d’être mieux ? […] En montant le chemin qui côtoie Clochegourde, j’admirais ces masses si bien disposées, j’y respirais un air chargé de bonheur.
répond un grand garçon blond, à l’air bonasse. […] Dans un enterrement, il ne mettra pas un air de mirliton. […] Mais enfin dans ce temps il n’y a pas d’air. […] Cette ombre assise, à l’air ensommeillé, est Mme Sand, et l’homme qui nous a ouvert est le graveur Manceau. […] Dans l’air, dans la nuit, dans l’haleine de l’ombre, il y a un souffle qui s’exhale, une aile qui s’essaye.
Mais ne vous en déplaise, je prendrois l’air sémillant, j’égayerois des gens comme çà. […] C’est presqu’un crime que de les regarder, à moins qu’on ne le fasse d’un air très-respectueux. […] elle prend du tabac comme un grenadier, & il ne lui manque qu’une pipe & qu’une cocarde pour relever son air martial….. […] Autrement, on bâille & l’on regarde d’un air de mépris celui qui a cru pouvoir amuser la compagnie. […] Tous les états n’ont par eux-mêmes ni air, ni ton.
Dans ces Réflexions estimées sur ces deux arts, il rapporte en partie à la différente température de l’air, la source de la décadence où tendent tous les genres. […] Selon cet abbé, si nous n’avons plus d’écrivains ni de peintres dont le pinceau égale celui des grands maîtres, c’est que ces derniers ont respiré un air qui leur étoit défavorable. […] L’air, plus ou moins serein, peut-il influer sur les écrivains & les artistes, comme sur les fruits & les récoltes ?
Regardez plutôt ma cousine (qui se mariait), son air, sa robe, ses pensées ; car je vous demanderai compte de tout cela. […] Elle comprit sa destinée tout d’un regard, et s’y résigna d’un haut dédain sous air de gaieté. […] voilà le comte. — C’était lui en effet, et il s’est approché de nous d’un air chagrin et mortifié. […] Elle avait repris un air serein. […] Les premières mesures vont bien ; mais je ne sais par quelle magie les airs si lents finissent toujours par devenir des prestissimo.
Le bruit de leurs armes qui se choquent monte dans les airs : leurs dogues animés y mêlent leurs longs aboiements. […] L’air siffle à leur passage comme les vents de l’hiver sur les neiges du sommet du Gormal. […] Des cris affreux se confondent dans les airs. […] L’Esprit de la tempête abandonna les airs ; la lune et les étoiles reparurent. » « Telle était l’intrépidité de ma race, et Calmar ressemble à ses ancêtres. […] Ossian, reste à mes côtés ; Gaul, lève ton épée terrible ; Fergus, bande ton arc ; et toi, Fillan, fais voler ta lance dans les airs.
Une fois appelé sur le terrain par Balzac et mis en situation de répondre à M. de Girac, il semble qu’il n’y avait rien de plus simple que le rôle de Costar : il n’avait qu’à relever ce qui lui paraissait peu juste dans la critique du savant ami de Balzac, à balancer lui-même les éloges entre le mort et le vivant, et à se faire honneur par un ton d’impartialité généreuse et un air de fidélité envers une chère mémoire. […] J’y vis même je ne sais quel air de l’heureux génie de feu M. de Voiture. […] L’un avait pour admirateurs et pour disciples des hommes savants de la province, de forte étude et de doctrine, des demeurants du xvie siècle, gardant un reste de la toge romaine, et qui prenaient au sérieux son élévation de ton et sa magniloquence empruntée ; l’autre avait pour adorateurs et défenseurs passionnés des gens du monde, des femmes, des militaires, des petits-maîtres ou qui voulaient s’en donner l’air. […] En présence d’une dissertation écrite dans cette mesure et sur ce ton, il n’y avait pas, ce semble, de quoi si fort se courroucer, et Costar ne put d’abord prendre l’affaire en main que d’un air souriant et sur le pied d’une aimable controverse. […] Costar rapporte ce propos d’un air triomphant.
Je les encourageais, je leur faisais des promesses : ils se contentaient de plier les épaules, et me regardaient d’un air de résignation qui m’attendrissait, mais sans plaintes ni murmures. […] Villars, durant ces années de campagne en Flandre, fit vers lui bien des avances ; Fénelon, tout en les accueillant d’un air de bonne grâce, réservait son jugement, et dans sa correspondance particulière avec le duc de Chevreuse, dans les mémoires et instructions confidentielles à l’usage du duc de Bourgogne, on voit qu’il n’estimait point Villars à sa valeur. […] On ne vous mandera pas que par ma contenance je donne lieu de croire que je le trouve tel ; mais on passe de mauvaises nuits. » Fénelon n’était pas dans le secret de ces mauvaises nuits, et il en restait sur l’air d’audace et de fête du personnage, sur ses allures de bal et de plaisir aux plus graves moments. […] Il n’y a que lui pour raconter de cet air-là les batailles perdues. […] Elle aimait sans doute en lui le fils d’un des contemporains et des adorateurs de sa jeunesse ; mais si ce fils n’avait pas eu du bon sens et de la solidité sous ses airs légers, s’il n’avait pas eu du fonds, elle ne lui aurait point été une si invariable amie et protectrice.
« Elle n’avait pas beaucoup de tons dans la voix, mais elle savait les varier à l’infini, et y joindre des inflexions, quelques éclats, et je ne sais quoi d’expressif dans l’air du visage et dans toute sa personne, qui ne laissait rien à désirer. » Elle excellait dans les gradations, dans ces passages subits d’un ton à un autre qui expriment les vicissitudes de la passion. […] Le Mercure nous la montre plus au naturel, « parfaitement bien faite dans sa taille médiocre, avec un maintien noble et assuré, la tête et les épaules bien placées, les yeux pleins de feu, la bouche belle, le nez un peu aquilin, et beaucoup d’agrément dans l’air et les manières ; sans embonpoint, mais les joues assez pleines, avec des traits bien marqués pour exprimer la tristesse, la joie, la tendresse, la terreur et la pitié ». […] « C’est une mode établie de dîner ou de souper avec moi, écrivait-elle, parce qu’il a plu à quelques duchesses de me faire cet honneur. » Cet honneur avait bien ses charges et entraînait des sujétions, elle nous l’avoue : Si ma pauvre santé, qui est faible, comme vous savez, me fait refuser ou manquer à une partie de dames que je n’aurais jamais vues, qui ne se souviennent de moi que par curiosité, ou, si j’ose le dire, par air (car il en entre dans tout) : « Vraiment, dit l’une, elle fait la merveilleuse ! […] Les jours où elle n’était pas trop envahie par les duchesses et par les personnes de bel air, Mlle Le Couvreur se plaisait à recevoir ses amis : Ma vanité, disait-elle, ne trouve point que le grand nombre dédommage du mérite réel des personnes ; je ne me soucie point de briller ; j’ai plus de plaisir cent fois à ne rien dire, mais à entendre de bonnes choses, à me trouver dans une société de gens sages et vertueux, qu’à être étourdie de toutes les louanges fades que l’on me prodigue à tort et à travers. […] Sa physionomie annonce d’abord son esprit : un air du monde, répandu dans toute sa personne, le rend aimable dans toutes ses actions.
Qui dit Lauzun tout court veut dire ce qu’il y a de plus recherché et de plus suprême en fait d’élégance, de fatuité et de bel air. […] Mme Du Deffand a peint cette même gracieuse personne quelques années plus tard (20 février 1767) : La petite Lauzun arriva… La petite femme est un petit oiseau qui n’a encore appris aucun des airs qu’on lui siffle ; elle fait de petits sons qui n’aboutissent à rien ; mais, comme son plumage est joli, on l’admire, on la loue sans cesse ; sa timidité plaît, son petit air effarouché intéresse. […] Il est remarquable pourtant que cet homme qui, par bel air, ne paraît s’occuper que de femmes, et qui croirait déroger à son personnage s’il ne prenait note du moindre minois qu’il rencontre, n’entre pas dans plus de développements quand il aborde les choses sérieuses et les hommes considérables. […] Rivarol, à ce qu’on raconte et à ce qu’il racontait lui-même, parcourut d’un air dédaigneux le canevas qu’on lui présentait.
« Toi qui gazouilles dans ton lit, va lentement, va lentement, petit ruisseau parmi tes galets sonores ; ne fais pas tant de bruit, car leurs deux âmes sont dans le même rayon de feu, parties comme une ruche qui essaime… Laissez-les se perdre dans les airs pleins d’étoiles ! […] De son manteau le bon vieux pâtre se décharge, et, crédule, en l’air le jette… Et le manteau resta suspendu au rayon éclatant. » — « “Homme de Dieu ! […] Le toucheur de bœufs triomphe, mais, jeté en l’air par les cornes de l’animal, il reste marqué d’une cicatrice au front. […] Ces génies ne poussent qu’en plein air, ou en plein champ, ou en pleine mer. […] On sait que l’aloès ne fleurit que tous les vingt-cinq ans et qu’il meurt après avoir répandu dans un effort suprême son âme embaumée dans les airs ; il y en avait un dans ce petit jardin dont on attendait la floraison d’un moment à l’autre.
Voyez la femelle du cokila : avant de prendre son vol libre et vagabond dans les airs, ne dépose-t-elle pas ses œufs dans un nid étranger, laissant à d’autres oiseaux le soin de faire éclore et d’élever ses petits ? […] Tout fier des faveurs du roi, ce misérable, à peine réchappé de la potence, n’a-t-il pas l’air de se pavaner, comme s’il était porté en triomphe sur les épaules d’un superbe éléphant ? […] Sa peau surtout est ferme au toucher comme celle de Rama, dure comme la coupe qui contient les graines du lotus… Mais son air… Ne me trompé-je pas ? […] Il reste immobile, quoiqu’autour de lui gronde la tempête du combat… Dans l’air obscurci par les nuages d’une poussière épaisse, le glaive flamboyant brille comme l’éclair. […] Je vois en eux ma propre image, et non pas seulement ma ressemblance ; mais, en beaucoup de traits, ils ont de l’air de ma chère Sita.
Et tout d’abord ouvrez ces volumes : comme le journaliste profite de la hauteur de l’idée religieuse pour y adosser son talent satirique, pour lui donner de la consistance et un air de dignité, de moralité ! […] Car il y a deux Veuillot : celui qui est debout, grave, triste, imposant d’attitude, d’un beau front, parlant d’or sur les grands sujets, prêchant aux autres le respect qu’il a lui-même si peu, prompt à en remontrer aux gouvernements sur le principe de l’autorité, et, quand il se fâche, le faisant au nom d’une autorité supérieure, et, pour ainsi dire, exerçant les justices de Dieu. — Je ne nie point la part de sentiments sérieux, qui sont d’accord en lui avec cet air-là. […] » Mais il n’est pas si sot, ce bourgeois. il n’a pas lu Locke, mais il lui est arrivé, je ne sais comment, — à travers l’air, — quelque chose de sa réserve prudente. […] Que de fleurs dans les champs, dans les airs quels murmures !
Il semblait qu’on passât d’une chambre étouffante à une pièce où il y avait de l’air et où l’on respirait. […] Jamais l’esprit humain n’eut, à cet égard, moins de fermeté ; dès qu’il a un peu de loisir, il s’obstine à chercher son assiette en l’air, sans jamais parvenir à la trouver. […] On vient déranger la dame et l’appeler : c’est le curé, un jeune homme de cinquante-neuf ans, et dont le docteur a tout l’air d’être un peu jaloux : il le laisse voir à sa vieille amie dès qu’elle reparaît, et aussi, par haine du rival, il se fait ce soir-là plus esprit-fort que jamais, surtout après qu’il a perdu sa partie de dames ; car il la perd. […] cet homme, jeune encore d’air et d’années, est assis devant vous, de côté, près d’une fenêtre ; le soleil se couche ; un rayon glisse et l’effleure, et alors, sur cette tête si riche et si fière de sa brune parure, vous voyez tout à coup se dessiner, avec une précision désespérante, quelques mèches qu’on ne soupçonnait pas et qui ont beau être mêlées artistement aux autres plus naturelles : une couleur rougeâtre, sous cette lumière rasante, les a trahies.
Ils sont où ils sont, et contrefaits par un artiste, quelque habile qu’il soit, ils ont un drôle d’air. […] Il purifie le théâtre en substituant, aux comédiens, qui sont d’os et de chair, des personnages de bois, qui sont parfaitement inaccessibles aux tentations et incapables de maléfices… Et le poète marche désormais vers l’amour avec une candeur de néophyte, en robe blanche, par des chemins fleuris, dans la nuit bleue, qui donne aux figures charnelles un air d’indécision et de spiritualité.
Avec son visage long ; son air indolent et fade, on le prendrait pour un robin déguisé. […] La figure a un air d’activité, de force et de menace ; et la flèche est une flèche, et non un morceau de fer de quelques lignes.
Au-dessus de la gaze qu’elle aurait tenue suspendue de ses doigts délicats, se serait montrée la tête divine de la déesse, sa gorge d’albâtre, ses beaux bras, et le reste de son corps mollement balancé dans les airs. […] C’est que dans l’instant choisi par Doyen, il a fallu donner l’air de la douleur à la déesse du plaisir ; c’est que les chevaux d’Enée d’origine céleste étaient une proie importante, et qu’il ne fallait pas oublier que Diomede avait recommandé à son écuyer de s’en emparer, s’il sortait victorieux du combat ; c’est qu’après la blessure de Venus, Diomede est tranquille ; c’est que Venus est hors de la scène. etc… Avec tout cela ; excepté Deshays, je ne crois pas qu’il y ait un peintre à l’Académie en état de faire ce tableau.
Enfin, pourquoi voit-on dans le même païs des siecles si sujets aux maladies épidemiques, et d’autres siecles presques exempts de ces maladies, si cette difference ne vient point des altérations survenuës dans les qualitez de l’air qui n’est pas le même dans tous ces siecles ? […] Quand on voit tant d’effets si bien marquez de l’altération des qualitez de l’air, quand on connoît si distinctement que cette altération est réelle, et quand même on en connoît la cause, peut-on s’empêcher de lui attribuer la difference sensible qui se rencontre dans le même païs entre les hommes de deux siecles differens.
Ils ne voyaient jamais d’autres enfants de leur âge ; ils n’avaient qu’un même nid dans la montagne, et un même sang dans le cœur ; un même souffle dans la poitrine, un même air sur le visage ! […] Le capitaine fit un signe de l’œil à ses compagnons, et se retourna deux ou trois fois, en me disant adieu avec un air de dire au revoir. […] Ma belle-sœur rentra triste et pensive à la maison ; elle me raconta l’air et les propos de l’avocat. […] Hyeronimo enfant l’avait appelé Zampogna, parce qu’il aimait la musique comme un pifferaro, et que toutes les fois que nous voulions le faire revenir avec les chevreaux du pâturage où il gardait les moutons, nous n’avions qu’à sonner un air de musette sur la porte. […] Et cependant l’air est si bon ici sur ces cimes où la mal’aria n’ose pas monter.
Il y avait, chez ma mère, une femme de chambre jolie, ayant l’air bête, mais vous savez, il y a quelques figures, où l’air bête met une grandeur. […] C’est l’air brouillardeux de Paris, c’est le gris de son pavé, c’est la silhouette diffuse de passant. […] On m’a couché sur un divan de la salle à manger, les jambes en l’air, on m’a jeté de l’eau de Cologne à la figure, la princesse m’a été chercher son éventail aux abeilles d’or — et je suis revenu. […] On doit pêcher au dessus de Polisot, et la pêche est le prétexte d’un dîner-souper en plein air. […] Il me semblait, qu’en entendant cet air vieillot, j’avais les cordes tendres de l’âme, caressées par de l’ingénu rococo.
Si nous lisons avec application ou si nous causons avec vivacité, pendant que, dans la chambre voisine, on chante un air, nous ne le retenons pas ; nous savons vaguement qu’on a chanté, rien de plus. Nous quittons alors notre lecture ou notre conversation, nous écartons toutes les préoccupations intérieures et toutes les sensations extérieures que le dedans et le dehors pourraient jeter à la traverse ; nous fermons les yeux, nous faisons le silence en nous et autour de nous, et, si l’air recommence, nous écoutons. […] Il en est alors de nous comme d’une dissolution où se construit un cristal ; les particules qui d’abord étaient indifférentes à toute structure particulière se prennent en bloc dans un ordre fixe ; à leur équilibre instable succède un équilibre stable dont la direction précise et rigide résiste aux diverses agitations de l’air et de la liqueur. […] C’est ainsi que nous parvenons à retenir une langue, des airs de musique, des morceaux de vers et de prose, les termes techniques et les propositions d’une science, bien plus que cela, tous les faits usuels d’après lesquels nous réglons notre conduite. […] Il en est de même d’un air qu’on ne chante plus, d’une pièce de vers qu’on ne récite plus, d’un pays qu’on a quitté depuis longtemps.
La cadette, je suppose, est restée recueillie en elle-même et discrète ; elle s’est rattachée par un retour pieux au foyer domestique, au bourg natal, aux mœurs, au paysage du lieu, aux amours de sa blonde enfance ; elle a gardé son culte simple ; elle peut retrouver au besoin son accent du pays ; elle se rappelle encore tous les noms, et s’enferme souvent pour chanter ses airs anciens et pleurer plus à l’aise à ses souvenirs. […] Marie, la gentille brune aux dents blanches, aux yeux bleus et clairs, l’habitante du Moustoir, qui tous les dimanches arrivait à l’église du bourg, qui passait des jours entiers au pont Kerlo, avec son amoureux de douze ans, à regarder l’eau qui coule, et les poissons variés, et dans l’air ces nombreuses phalènes dont Nodier sait les mystères ; Marie, qui sauvait la vie à l’alerte demoiselle abattue sur sa main ; qui l’hiver suivant avait les fièvres et grandissait si fort, et mûrissait si vite, qu’après ces six longs mois elle avait oublié les jeux d’enfant et les alertes demoiselles, et les poissons du pont Kerlo, et les distractions à l’office pour son amoureux de douze ans, et qu’elle se mariait avec quelque honnête métayer de l’endroit : cette Marie que le sensible poëte n’a jamais oubliée depuis ; qu’il a revue deux ou trois fois au plus peut-être ; à qui, en dernier lieu, il a acheté à la foire du bourg une bague de cuivre qu’elle porte sans mystère aux yeux de l’époux sans soupçons ; dont l’image, comme une bénédiction secrète, l’a suivi au sein de Paris et du monde ; dont le souvenir et la célébration silencieuse l’ont rafraîchi dans l’amertume ; dont il demandait naguère au conscrit Daniel, dans une élégie qui fait pleurer, une parole, un reflet, un débris, quelque chose qu’elle eût dit ou qu’elle eût touché, une feuille de sa porte, fût-elle sèche déjà : cette Marie belle encore, l’honneur modeste de la vallée inconnue qu’arrosent l’Été et le Laita, ne lira jamais ce livre qu’elle a dicté, et ne saura même jamais qu’il existe, car elle ne connaît que la langue du pays, et d’ailleurs elle ne le croirait pas. […] Lui, poëte, il aime le beau et le saint, la pitié et l’harmonie, la noblesse et la blancheur, Sophocle, Dante et Raphaël ; il s’écrierait volontiers avec l’esprit qui le tente, et serait heureux de répéter toujours : Quel bonheur d’être un ange, et, comme l’hirondelle, De se rouler par l’air au caprice de l’aile, De monter, de descendre, et de voiler son front, Quand parfois, au detour d’un nuage profond, Comme un maitre le soir qui parcourt son domaine On voit le pied de Dieu qui traverse la plaine !
J’ai remarqué que dans la société, c’est presque toujours d’un air méchant, et non pas d’un air gai, qu’une jolie femme dit d’une autre femme qui danse : Mon Dieu, qu’elle est ridicule ! […] Voyez cet Anglais morose qui vient déjeuner chez Tortoni, et y lit d’un air ennuyé, et à l’aide d’un lorgnon, de grosses lettres qu’il reçoit de Liverpool, et qui lui apportent des remises pour cent vingt mille francs ; ce n’est que la moitié de son revenu annuel ; mais il ne rit de rien : c’est que rien au monde n’est capable de lui procurer la vue du bonheur, pas même sa place de vice-président d’une société biblique.
Mais chez Rubys, un air de bassesse arrogante et l’aigreur distillée, mettent mal à l’aise et préviennent contre l’auteur. […] Le poète s’y montre, je crois, trop cuirassé, trop empanaché ; il prend même, par-ci par-là, des airs rébarbatifs. […] Et, à propos : ceux qu’un air hardi et une large envergure séduisent tant, devraient, je crois, se contenter de ce Mathurin Régnier. […] Mais ne respire-t-on pas dans toute cette scène comme un air shakespearien ? […] Lormian, auteur médiocre, apparaissait toutefois dans ses essais ossianiques, avec un air de nouveauté.
Il veut déniaiser son fils, lui donner l’air français, ajouter aux solides connaissances diplomatiques et aux grandes visées d’ambition l’air engageant, sémillant et frivole. […] L’esprit puritain attiédi couve encore sous terre et se jette du seul côté où se rencontrent l’aliment, l’air, la flamme et l’action. […] L’effet le plus général était une respiration bruyante comme celle de gens à demi étranglés et qui halètent pour avoir de l’air. […] Le déisme et l’athéisme ne sont ici qu’une éruption passagère que le mauvais air du grand monde et le trop-plein des forces natives développent à la surface du corps social. […] On s’empiffre aux frais du candidat ; l’ale, le gin et l’eau-de-vie coulent en plein air ; la mangeaille descend dans les ventres électoraux, les trognes deviennent rouges.
Si mes Aegri Somnia ont bon air, ils le devront, après Person, à André Romberg-Nisard. […] Vous avez en effet l’air de réciter tout ce que vous dites. […] Je le vis se tourner d’un air suppliant vers ceux qui la lui avaient si souvent donnée, les priant du regard de le tromper une fois encore. […] Au surplus, ajouta-t-il d’une voix et d’un air de tentateur, toute peine méritant salaire, la suite de votre travail vous sera payée. […] Un jour, je me crus tellement sûr de mon fait que je ne pus me défendre d’un air de satisfaction en lui en parlant.
Remercions-le donc et ne le payons pas en ingrats, par des épigrammes et avec des airs de supériorité. […] Je le voyais de nouveau, le soir, avec son étoile sur son habit noir, dans son salon brillamment éclairé, plaisanter au milieu de son cercle, rire et causer gaiement. — Je le voyais un autre jour par un beau temps, à côté de moi, dans sa voiture, en par-dessus brun, en casquette bleue, son manteau gris clair étendu sur les genoux : son teint brun est frais comme le temps, ses paroles jaillissent spirituelles et se perdent dans l’air, mêlées au roulement de la voiture qu’elles dominent. — Ou bien, je me voyais encore le soir, dans son cabinet d’étude éclairé par la tranquille lumière de la bougie : il était assis à la table en face de moi, en robe de chambre de flanelle blanche ; la douce émotion que l’on ressent au soir d’une journée bien employée respirait sur ses traits ; notre conversation roulait sur de grands et nobles sujets ; je voyais alors se montrer tout ce que sa nature renfermait de plus élevé, et mon âme s’enflammait à la sienne. […] Pour les poésies en l’air, je n’en fais aucun cas. » Et je ne puis m’interdire ici une remarque à l’adresse de nous autres Français qui avons la manie de découper les pensées de Gœthe et de les détacher de ses conversations comme des axiomes. Faites bien attention que si Gœthe ne veut pas de poésies en l’air, il ne fait pas de pensées en l’air non plus.
Parce qu’ils ne sont ni du sexe que nous aimons, ni de celui que nous estimons ; d’un autre côté ils peuvent nous plaire, parce qu’ils conservent très long-tems un air de jeunesse, & de plus parce qu’ils ont une voix flexible & qui leur est particuliere ; ainsi chaque chose nous donne un sentiment, qui est composé de beaucoup d’autres, lesquels s’affoiblissent & se choquent quelquefois. […] Le dôme de Saint-Pierre est immense ; on sait que Michel-Ange voyant le panthéon, qui étoit le plus grand temple de Rome, dit qu’il en vouloit faire un pareil, mais qu’il vouloit le mettre en l’air. […] Dans son fameux Bacchus, il ne fait point comme les peintres de Flandres qui nous montrent une figure tombante, & qui est pour ainsi dire en l’air. […] Jules Romain dans sa chambre des géans à Mantoue, où il a représenté Jupiter qui les foudroye, fait voir tous les dieux effrayés ; mais Junon est auprès de Jupiter, elle lui montre d’un air assuré un géant sur lequel il faut qu’il lance la foudre ; par-là il lui donne un air de grandeur que n’ont pas les autres dieux ; plus ils sont près de Jupiter, plus ils sont rassûrés ; & cela est bien naturel, car dans une bataille la frayeur cesse auprès de celui qui a de l’avantage. . . .
Il en a bien pris à Voltaire de quitter ces airs de prédicateur et cette mise en scène dans ses Satires et ses Épîtres. […] Ni les bergers de l’Astrée, ni les champs qui avoisinent Paris, trop peu cléments pour la vie en plein air que menaient les pâtres de Sicile et d’Italie, n’avaient pu leur donner l’idée de composer des idylles. […] Au lieu d’une Iris en l’air, le poète célébrait, — je devrais dire prostituait, — une maîtresse en chair et en os et nommée par son nom. […] Dans le galant des deux époques, il y a, outre de l’esprit, du respect pour la femme et pour le rêve de l’amour ; dans les confidences bourgeoises des élégiaques du dix-huitième siècle, il n’y a que les malhonnêtes indiscrétions du plaisir qui se donne l’air de la passion. […] De même que Virgile a vu Vénus, sous les traits d’une nymphe des forêts, apparaissant à Enée, et parfumant les airs de l’ambroisie qui s’exhale de sa chevelure, André Chénier a vu du bois voisin l’aimable manège des Naïades qui entraînent le jeune Hylas En un lit de joncs frais et de mousses nouvelles.
Abbé tonsuré dès l’enfance, mais surtout voué à la cornette et aux chiffons, coquette comme une nonne de Vert-Vert et libertin comme un perroquet, tour à tour comtesse de Sancy dans la paroisse Saint-Médard, et comtesse des Barres en Berry, puis pénitent, mais toujours léger, une manière d’apôtre à Siam converti et convertisseur sans tristesse, écrivain agréable et même délicat, finalement historien de l’Église, et doyen de l’Académie française, sa carrière, qui dura quatre-vingts ans, compose une mascarade complète, et, dans chacun de ses rôles, il fut au naturel, au sérieux, avec sincérité, et à la fois avec un air d’amusement et de badinage. […] Allez passer l’après-dînée avec les petits de Lesdiguières, le marquis de Villeroi, le comte de Guiche, Louvigny : vous vous accoutumerez de bonne heure à la complaisance, et il vous en restera toute la vie un air de civilité qui vous fera aimer de tout le monde. […] Il se ruina, s’endetta, et il en était à regretter d’un air sérieux ses premiers désordres, car « le ridicule, pensait-il, est préférable à la pauvreté ». […] Sous air de missionnaire, il est tout à fait de cette race de Français d’autrefois, qui ne doutaient de rien, s’en allaient au bout du monde à l’étourdie, à l’aventure, que leur gaieté soutenait dans les traverses, et qui s’en remettaient de leur salut, en chaque occasion, à Dieu, à leur étoile, à la première inspiration du moment. […] Il faisait ses questions sans empressement, dit-il, avec un air ingénu et de simple curiosité : Je fais parler M.
Tous les ans, en avril, les oiseaux chantent ; je ne sais s’ils ne redisent pas à peu près les mêmes chansons, il suffit qu’ils recommencent, pour nous charmer ; mais dans l’art il faut absolument changer les airs. […] j’ai répandu des larmes, Semblable au forgeron qui, préparant des armes, Avide des exploits qu’il ne partage pas, Siffle un air belliqueux et rêve des combats… Moreau, à cette date, n’avait que dix-neuf ans. […] Or, ce fabliau, le voici : Un jour, Dieu permit, dans ses desseins, que l’élément de vie, le feu, se retirât tout à coup de l’air, et vînt à manquer à la nature. […] Pierre Dupont perdraient à se séparer des airs, qui sont, la plupart, de son invention ou de son arrangement, et que, sans savoir beaucoup de musique, il trouve et il combine avec une facilité naturelle et un goût qui est un signe évident de vocation. […] Il a dit dans sa Chanson des prés, en y exprimant toute la douceur de son sujet : Bêlements et mugissements, Là vous me plaisez davantage ; Les airs des pâtres sont charmants Dans la senteur du pâturage.
Quand il nous définit la qualité du sol de l’Égypte et en quoi ce sol se distingue du désert d’Afrique, ce « terreau noir, gras et léger », qu’entraîne et que dépose le Nil ; quand il nous retrace aussi la nature des vents chauds du désert, leur chaleur sèche, dont « l’impression peut se comparer à celle qu’on reçoit de la bouche d’un four banal, au moment qu’on en tire le pain » ; l’aspect inquiétant de l’air dès qu’ils se mettent à souffler ; cet air « qui n’est pas nébuleux, mais gris et poudreux, et réellement plein d’une poussière très déliée qui ne se dépose pas et qui pénètre partout » ; le soleil « qui n’offre plus qu’un disque violacé » ; dans toutes ces descriptions, dont il faut voir en place l’ensemble et le détail, Volney atteint à une véritable beauté (si cette expression est permise, appliquée à une telle rigueur de lignes), une beauté physique, médicale en quelque sorte, et qui rappelle la touche d’Hippocrate dans son Traité de l’air, des lieux et des eaux. […] Saussure, on l’a dit, tout savant qu’il est, a de la candeur ; il a, en présence de la nature et à travers ses études de tout genre, le sentiment calme et serein des primitives beautés ; il se laisse faire à ces grands spectacles ; pour les peindre ou du moins pour en donner idée, pour dire la limpidité de l’air dans les hautes cimes, le frais jaillissement des sources ou de la verdure au sortir des neiges, la pureté resplendissante des glaciers, il ne craindra point d’emprunter à la langue vulgaire les comparaisons qui se présentent naturellement à la pensée, et que Volney, dans son rigorisme d’expression, s’interdit toujours ; il aura, au besoin, des images de paradis terrestre, de fées ou d’Olympe ; après un danger dont il est échappé, lui et son guide, il remerciera la Providence. […] L’air, autour de nous, avait cette pureté et cette limpidité parfaite qu’Homère attribue à celui de l’Olympe, tandis que les vallées, remplies des vapeurs qui s’y étaient condensées, semblaient un séjour d’épaisses ténèbres.
Shako de plomb en tête, emprisonnés dans des tuniques qui compriment leurs poumons, où prennent-ils l’air qu’ils soufflent dans leurs instruments de cuivre ? […] de larges épaules… avec un faux air de Cromwell… et un binocle en permanence sur le nez ? […] Le premier regard du petit vieux fut pour sa place ; en la voyant occupée, une vive contrariété entassa quelques rides de plus sur les rides permanentes qui sabraient son front. — Ce pendant, je dévorais — de mon air le plus innocent — la Gazette de France. […] Tenez, voici la foule des petits jeunes gens avec leurs petits panamas à petits bords, leur petite raie courant, entre deux haies de cheveux, du front à la nuque, — leurs petits airs qui voudraient bien paraître de grands airs, et leur petite vanité qui s’efforce d’être impertinente.
Jasmin, au milieu de ses airs d’improvisation, travaille beaucoup ses poëmes : il est de l’école qui fait difficilement des vers faciles, et qui revient par le goût à la nature. […] Il est homme à déclamer durant quinze jours de suite, en plein air, du matin au soir, et sans lasser les autres ni lui-même.
Helvétius l’avant-veille du funeste accès de goutte qui l’enleva aux Lettres & à la Société ; il auroit pu lui apprendre encore, que…… Admirez, je vous prie, Monsieur, l’adresse avec laquelle le Libelliste tâche de répandre un air de vérité sur la double imputation qui m’a été faite par M. de Voltaire, & à laquelle j’ai déjà répondu. […] Un homme sage qui lira les Libelles enfantés par ses défenseurs, verra toujours la personnalité substituée à la raison directe, l’injure mise à la place de la justification, un faux air de dédain opposé à la honte & au ridicule dont on les couvre, &c. »
Quand, du haut de la montagne, je t’aperçois au fond de ce vallon, tu me parais, au milieu de nos vergers, comme un bouton de rose… Quoique je te perde de vue à travers les arbres, je n’ai pas besoin de te voir pour te retrouver : quelque chose de toi que je ne puis dire, reste pour moi dans l’air où tu passes, sur l’herbe où tu t’assieds… Dis-moi par quel charme tu as pu m’enchanter. […] De même, quand l’écho me fait entendre les airs que tu joues sur ta flûte, j’en répète les paroles au fond de ce vallon… …………………………………………………………………………………………… Je prie Dieu tous les jours pour ma mère, pour la tienne, pour toi, pour nos pauvres serviteurs ; mais quand je prononce ton nom, il me semble que ma dévotion augmente.
Si son Pluton et sa Proserpine sont mesquins, n’ont rien de majestueux et de redoutable ; si son Euridice est niaise ; si ses juges infernaux ont un faux air d’apôtres ; si son Orphée est plus froid qu’un ménétrier de village qui suit une noce pour un écu ; si ses Parques sont tournées à la française, il faut le lui pardonner ; le sujet était trop fort pour son âge. […] Il est entouré de quelques-uns de ses ministres qui ont à la vérité l’air rustique : ce caractère déplaît fort à nos artistes modernes dont l’imagination captivée par des idées de dignité du dix-huitième siècle, ne remonta jamais dans l’Antiquité ; mais cela me plaît à moi.
L’air de famille est on ne peut pas mieux conservé dans les trois têtes. […] Un sculpteur un peu jaloux de la durée d’un ouvrage qui lui coûte tant de peines, devrait toujours en appuyer les parties délicates et fragiles sur des parties solides ; et le peintre, préparer et broyer lui-même ses couleurs, et exclure de sa palette toutes celles qui peuvent réagir les unes sur les autres, se décomposer, se revivifier, ou souffrir, comme les sels, par l’acide de l’air.
Pour parler de la sculpture moderne, tels sont le tombeau du cardinal De Richelieu, et l’enlevement de Proserpine par Girardon, la fontaine de la place Navonne, et l’extase de sainte Therese par Le Bernin, comme le grand bas-relief de l’Algarde qui représente saint Pierre et saint Paul en l’air ménaçants Attila, qui venoit à Rome pour la saccager. […] Non-seulement ils paroissent plus petits à mesure qu’ils s’eloignent de nous, mais ils se confondent encore quand ils sont à une certaine distance, à cause de l’interposition de la masse de l’air.
Souvent il est question de ses airs de bonté ou de malice. […] Leur poitrine s’élargit aux rudes manœuvres et à l’air vivifiant. […] Point d’air de bravoure, ni de virtuosité d’aucune sorte. […] L’air de la Bauche éveilla cette nature sommeillante. […] Certaine raillerie froide veut être dite de cet air et de ce ton.
Roger a recouvré l’hippogriffe, ce Pégase de la chevalerie ; il fend les airs sur ce coursier ; il arrive à la plage de la mer où Angélique, enchaînée nue au rocher, attend le monstre marin qui va la dévorer. […] Roger le foudroie en découvrant son écu magique, qui a la puissance d’éblouir et d’atterrer tout ce qui est frappé de son éclat ; profitant de l’éblouissement du monstre engourdi, Roger déchaîne Angélique, la fait monter en croupe sur l’hippogriffe, part à travers les airs et ne peut s’empêcher de se retourner souvent pour admirer trop amoureusement celle qu’il a sauvée. […] Il parcourt à tâtons le bocage, croyant ressaisir la fugitive ; il n’embrasse que l’air : Angélique était déjà loin de lui. […] Le pèlerin se mit aussitôt à jouer plusieurs airs différents, et le petit chien, ajustant ses sauts à la mesure, exécuta des danses variées de tous les pays, et parut obéir à son maître avec tant d’intelligence que tous ceux qui le regardaient ne prenaient pas le temps de cligner les yeux et osaient à peine respirer. […] Voilà pourquoi, malgré tout le plaisir que j’ai éprouvé en écoutant les belles histoires de Ginevra et d’Isabelle, je ne l’aime pas, votre poète ; il a trop l’air de se moquer de moi.
L’air et le jour arrivent à cette espèce d’antre humide, ou par le haut de la porte, ou par l’espace qui se trouve entre la voûte, le plancher et le petit mur à hauteur d’appui dans lequel s’encastrent de solides volets, ôtés le matin, remis et maintenus le soir avec des bandes de fer boulonnées. […] La vie est presque toujours en plein air : chaque ménage s’assied à sa porte, y déjeune, y dîne, s’y dispute. […] Si le Parisien leur jetait en souriant une dédaigneuse affirmation, ils se regardaient en hochant la tête d’un air d’incrédulité. […] Elle se mit à marcher à pas précipités, en s’étonnant de respirer un air plus pur, de sentir les rayons du soleil plus vivifiants, et d’y puiser une chaleur morale, une vie nouvelle. […] Sans ce beau phénomène humain, point de vie au cœur ; l’air lui manque alors, il souffre et dépérit.
On se plaît quelques instants au demi-jour de la grotte ; on y admire le caprice des formes et le jeu des rayons, mais bientôt on se sent glacé, on aspire à l’air libre et chaud des champs que féconde le soleil : les vraies fleurs sont celles qui vivent, s’épanouissent et aiment. […] Le condor, après avoir attendu la venue de la nuit du haut d’un pic des Cordillères, Baigné d’une lueur qui saigne sur la neige, râle de plaisir quand arrive enfin cette mer de ténèbres qui le couvre en entier ; il « agite sa plume », s’enlève en fouettant la neige, monte où le vent n’atteint pas : Et, loin du globe noir, loin de l’astre vivant, Il dort dans l’air glacé, les ailes toutes grandes. […] Dans la Ravine de Saint-Gilles, une de ses pièces les plus admirées, le poète photographie minutieusement une gorge orientale, avec ses bambous, ses lianes, ses vétivers et ses aloès ; tous les oiseaux sont passés en revue, le colibri, le cardinal, la « caille replète », le paille-en-queue ; nous voyons les bœufs de Tamatave, gardés par un noir qui fredonne un « air saklave », les lézards au dos d’émeraude, le chat-tigre qui rôde. […] Il est doux de mourir lentement à la vie, de se refroidir au milieu d’un air tiède et lumineux, de sentir toutes choses s’éloigner de soi : une sourdine est mise à tous les bruits de l’univers, un voile jeté sur tout ce qu’il y a de trop éblouissant dans son éclat ; la pensée se fond en un rêve impalpable, en un nuage léger que nulle lueur trop vive ne déchire, et où l’on se cache pour mourir en paix. […] Laisse Tes airs superbes, s’il te plaît.
Tout cela est dit à Mme de Coulanges pour qu’elle y donne l’air qu’elle savait mettre aux choses en les racontant ; mais la marquise fait à l’avance ce qu'elle recommande si bien à Mme de Coulanges. […] De même s’il avait un peu de romanesque dans l’humeur, il le devait sans doute à son père, à qui sa belle mine et ses airs de héros de roman avaient valu dans la société le surnom d’Orondate. […] Qu’il y ait dans tout ceci, et dans la manière dont Villars le raconte, un peu d’appareil, de mise en scène et d’air de gloire, qui en doute ? […] Sous ses airs bouillants il observe ; il étudie les terrains où il passe.
La chaleur était à peine tombée avec le soleil ; les oiseaux, déjà retirés et non encore endormis, annonçaient, par un ramage languissant et voluptueux, le plaisir qu’ils goûtaient à respirer un air plus frais ; une rosée abondante et salutaire ranimait déjà la verdure… Ici une de ces descriptions naturelles dont il a le premier dans notre littérature donné le parfait exemple, mais où il a été depuis surpassé par ses grands disciples, par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, par George Sand, tous bien autrement particuliers, nuancés et neufs, et qui ne se contentent pas de peindre la nature en traits généraux devenus trop aisément communsy ; — et il continue : À ce concours d’objets agréables, le philosophe, touché comme l’est toujours en pareil cas une âme sensible où règne la tranquille innocence, livre son cœur et ses sens à leurs douces impressions : pour les goûter plus à loisir, il se couche sur l’herbe, et appuyant sa tête sur sa main, il promène délicieusement ses regards sur tout ce qui les flatte. […] L’entrée d’un petit vieillard d’assez chétive mine dans le temple, l’adresse qu’il met à se faire admettre, à se faufiler, les airs d’aveugle qu’il se donne, puis, tout d’un coup, dès qu’il se voit à portée de l’autel, son brusque élan, son attaque à la statue de la Superstition ou du Fanatisme dont il déchire le voile, tout cela est ingénieux et symbolise bien Socrate ; mais ce Socrate lui-même, en mourant victime de son zèle pour la vérité, n’adresse-t-il pas à cette statue odieuse qu’il n’a pu que dévoiler sans la renverser, une espèce d’hommage un vœu de sacrifice : est-ce ironie ? […] — C’est alors que le vrai miracle commence : une voix se fait entendre dans les airs annonçant distinctement le fils de l’homme. […] Son air, son ton, son geste, causaient dans l’assemblée une extraordinaire fermentation ; le peuple en fut saisi jusqu’à l’enthousiasme, les ministres en furent irrités jusqu’à la fureur ; mais à peine étaient-ils écoutés. — L’homme populaire et ferme, en prêchant une morale divine, entraînait tout : tout annonçait une révolution ; il n’avait qu’à dire un mot, et ses ennemis n’étaient plus. — Mais celui qui venait détruire la sanguinaire intolérance n’avait garde de l’imiter, il n’employa que les voies qui convenaient aux choses qu’il avait à dire et aux fonctions dont il était chargé ; et le peuple, dont toutes les passions sont des fureurs en devint moins zélé et négligea de le défendre en voyant qu’il ne voulait point attaquer.
Mais qu’âgé de cinquante ans environ, devant ces mêmes personnes vivantes, lui qui peut les rencontrer nez à nez à chaque instant, il vienne nous raconter des entretiens plus ou moins intimes, et non agréables pour tout le monde, qui auraient eu lieu à table entre deux ou plusieurs convives ; que, sous prétexte de débiter ses mécomptes, il se donne les airs de supériorité ; qu’il nous exhibe le menu de la carte, additionne les petits verres de curaçao qu’on a bus et qu’il a payés, n’oublie jamais de rappeler qu’il est gentilhomme et propriétaire, qu’il a eu affaire à des confrères besoigneux ; mais tout cela est d’un goût détestable, d’un fonds illibéral et presque vulgaire, que tout l’esprit de malice dans le détail et un vernis extérieur d’élégance ne sauraient racheter ! […] Il lui est même arrivé comme à Lamennais, quand celui-ci fit ses Affaires de Rome : ne voilà-t-il pas qu’il a pris, du coup, un air plus dégagé, plus déluré que jamais ! […] Je ne prends pas à la lettre tout ce qu’il fait semblant d’être dans son livre ; il se donne comme le plus désappointé des hommes ; selon lui, il aurait tout manqué dans sa carrière, et il n’aurait recueilli qu’ingratitude et mécomptes : littérateur, on ne lui aurait pas su gré des services qu’il aurait rendus à la société à une certaine heure ; on lui aurait fait mainte promesse qu’on n’aurait pas tenue ; homme de province et propriétaire, il n’aurait eu qu’ennuis dans l’exercice de ses honneurs municipaux ou communaux ; homme de qualité (il ne l’oublie jamais), comme il n’allait qu’en fiacre dans les soirées du noble faubourg, les laquais souriaient d’un certain air en le voyant traverser l’antichambre et lui demandaient à la sortie sous quel nom il fallait appeler ses gens. […] Ville heureuse où l’on est dispensé d’avoir du bonheur, où il suffit d’être et de se sentir habiter ; qui fait plaisir, comme on le disait autrefois d’Athènes, rien qu’à regarder ; où l’on voit juste plus naturellement qu’ailleurs, où l’on ne s’exagère rien, où l’on ne se fait des monstres de rien ; où l’on respire, pour ainsi dire, avec l’air, même ce qu’on ne sait pas, où l’on n’est pas étranger même à ce qu’on ignore ; centre unique de ressources et de liberté, où la solitude est possible, où la société est commode et toujours voisine, où l’on est à cent lieues ou à deux pas ; où une seule matinée embrasse et satisfait toutes les curiosités, toutes les variétés de désirs ; où le plus sauvage, s’il est repris du besoin des hommes, n’a qu’à traverser les ponts, à parcourir cette zone brillante qui s’étend de la Madeleine au Gymnase ; et là, en quelques instants, il a tout retrouvé, il a tout vu, il s’est retrempé en plein courant, il a ressenti les plus vifs stimulants de la vie, il a compris la vraie philosophie parisienne, cette facilité, cette grâce à vivre, même au milieu du travail, cette sagesse rapide qui consiste à savoir profiter d’une heure de soleil !
Il s’aperçut tout à la fois de combien on était en arrière dans la maison de ses parents sur la marche qu’avaient suivie les arts depuis dix ans, et pressentit tout ce qu’il fallait qu’il connût et qu’il étudiât pour rattraper le gros de l’armée dans laquelle il se trouvait enrégimenté tout à coup. » La remarque est juste, et l’expression aussi : voilà Étienne enrégimenté et enrôlé dans l’armée de David ; c’est là son premier groupe et son premier milieu ; c’est ce qu’il va entendre, embrasser, admirer et puis commenter à merveille : mais que les années s’écoulent, que de nouveaux courants s’élèvent dans l’air, que l’École de David, en se prolongeant, se fige comme toutes les écoles, qu’elle ait besoin d’être secouée, refondue, renouvelée, traversée d’influences rafraîchissantes et de rayons plus lumineux, lui, il ne voudra jamais en convenir ; il y est, il y a été élevé, nourri ; il y a pris son pli, le premier pli et le dernier ; il n’en sortira pas. […] Il faisait, tout en sifflant un air de romance, un éternel tableau de Virginius, qu’il interrompait souvent et qui ne fut terminé qu’en 1827. […] Leurs figures paraissaient émues, et d’un air timide, mais où perçait un sourire plein de joie, ces deux jeunes artistes remercièrent leur généreux camarade de manière à laisser entendre à tous les assistants qu’ils attachaient plus d’importance encore qu’eux à ce qui venait de se passer. […] Ce bruit se communiqua, d’oreille en oreille, et jamais depuis ce jour on ne se permit la plus légère plaisanterie sur les habitudes religieuses des deux amis lyonnais. » La crise morale qui travaillait la société se réfléchit là en abrégé : la Guerre des Dieux de Parny, d’abord triomphante, est repoussée et bat en retraite ; le Génie du christianisme approche, il est dans l’air.
Sa haute taille et son air un peu Don Quichotte devaient en faire une caricature. […] « La Reine des cœurs, que j’avais vue à Rome, était de moyenne taille, blonde, aux yeux bleu foncé, le nez un peu retroussé, blanche comme une Anglaise, l’air gai, malin et sensible à faire tourner toutes les têtes. […] Elle était de taille moyenne, mais bien prise et d’une grande blancheur ; elle avait de très beaux yeux, les dents parfaitement belles, l’air noble et doux, un maintien simple, élégant et modeste ; son esprit, cultivé par la lecture des meilleurs auteurs, y avait puisé un discernement juste, et acquis la facilité de bien juger des hommes et des ouvrages de goût. » Alfieri, qui n’avait fait d’abord que traverser Rome et qui s’était livré ensuite à des courses errantes et comme haletantes dans le midi de l’Italie, n’y tint pas ; il revint, et lui, si altier, si fier, mais encore plus amoureux, il fit tant et si bien auprès du bon cardinal et de tout le Sacré Collège et de tous les monsignori du lieu, qu’il obtint à son tour la grâce d’habiter la même ville que son amie. […] « Sublime miroir de pensées sincères, montre-moi en corps et en âme tel que je suis : — cheveux maintenant rares au front, et tout roux ; — longue taille, et la tête penchée vers la terre ; — un buste fin sur deux jambes minces ; — peau blanche, yeux d’azur, l’air noble ; — nez juste, belles lèvres et dents parfaites ; — plus pâle de visage qu’un roi sur le trône ; — tantôt dur, amer, tantôt pitoyable et doux ; — courroucé toujours, et méchant jamais ; — l’esprit et le cœur en lutte perpétuelle ; — le plus souvent triste, et par moments très gai ; — tantôt m’estimant Achille, et tantôt Thersite. — Homme, es-tu grand ou vil ?
Au contraire, d’avoir édifié dans sa prime saison de jolies fantaisies en l’air, cela doit vous conduire, quand enfin l’on s’est tourné vers l’étude du monde réel, à négliger ce qu’il a de banal et d’insignifiant, ce qui ne mérite pas d’être noté, pour s’attacher à ce qu’il contient de particulier et d’inattendu ; car, si l’on s’adresse à lui, c’est que l’on compte qu’il vous fournira des documents plus intéressants encore que vos imaginations d’autrefois. […] Mais, comme l’explique un damné, « l’air du paradis est fatal à la mémoire : chacun de nous a là-haut un parent, un ami, un frère, une sœur, une mère, une femme ; de ces êtres chéris nous ne pûmes jamais obtenir un regard ». […] Au petit drame touchant se mêlent les jolis détails d’un paradis d’enfant de chœur, de petit clerc de la manécanterie de Saint-Nizier : « Mes yeux et mon cœur l’ont aussi reconnu, ce petit chérubin vêtu de mousseline, à ceinture d’azur, qui agite dans l’air, de toutes les forces de ses petits bras dodus et roses, une bannière à fleurs d’or aussi grande que lui ; c’est ma sœur, ma petite sœur Anna, que j’ai tant pleurée. » Surtout il y a dans ce rêve bien humain une tendresse profonde, un don de faire monter aux yeux de petites larmes chaudes, don précieux que M. […] La bonne-maman d’Athis et le grand-papa Sallé se rencontraient tous les soirs au coucher de leur petit-fils ; le vieux braconnier, son bout de pipe noire rivé au coin de la bouche, l’ancienne lectrice au château, avec ses cheveux poudrés, son grand air, regardaient ensemble le bel enfant qui se roulait devant eux sur le tapis et l’admiraient autant tous deux89.
Certes, le jour où Rabelais faisait dans l’amphithéâtre de Lyon cette leçon publique d’anatomie, il devait avoir, comme Vésale, cet air vénérable de docteur et de maître dont quelques-uns de ses biographes ont parlé, et il représentait dignement en lui la majesté de la science. […] Après cette petite leçon en plein air, viennent les leçons du dedans, trois bonnes heures de lecture ; puis les jeux, la balle, la paume, tout ce qui peut servir « à galamment exercer les corps, comme ils avoient auparavant exercé les âmes ». […] Faisant moins d’exercice en plein air, on se nourrit ces jours-là avec plus de sobriété. […] Dans le pur pantagruélisme en un mot, il y a un air d’initiation, et cela flatte toujours.
On sait la phrase finale du Pape, dans laquelle il est fait allusion au mot de Michel-Ange parlant du Panthéon : Je le mettrai en l’air. « Quinze siècles, écrit M. de Maistre, avaient passé sur la Ville sainte lorsque le génie chrétien, jusqu’à la fin vainqueur du paganisme, osa porter le Panthéon dans les airs, pour n’en faire que la couronne de son temple fameux, le centre de l’unité catholique, le chef-d’œuvre de l’art humain, etc., etc. » Cette phrase pompeuse et spécieuse, symbolique, comme nous les aimons tant, n’avait pas échappé au coup d’œil sérieux de M. Déplace, et on voit qu’elle tourmentait un peu l’auteur, qui craignait bien d’y avoir introduit une lueur de pensée fausse : « Car certainement, disait-il, le Panthéon est bien à sa place, et nullement en l’air. » — Et il propose diverses leçons, mais je n’insiste que sur l’inquiétude.
Ces plaisanteries ont ce faux air de bon sens si puissant en France, et qui y règle trop souvent l’opinion publique. […] En défendant à la science les airs d’école, nous ne faisons donc point une concession à l’esprit superficiel, qu’il ne faut jamais ménager. […] Elle peut se permettre des airs d’école et s’entourer d’un parfum de scolasticité qui, chez nous, passeraient pour scandaleux.
Engoulevent qui vit d’air, et qui, après avoir-fait du bruit, expire au bout… dans le silence ! […] S’il ne l’était pas de doctrine, il l’était d’air gourmé, de violence et de creux. […] Relisez ses écrits, et voyez s’il n’a pas toujours l’air de coucher son épée sous sa signature, comme il disait.
Il m’a tout l’air de vouloir faire faute : le relai manque. — Nous avons du moins de l’autre côté des détroits les admirables discours d’O'Connell. — Je vous recommande à ce sujet la fin d’un article de la Revue des Deux Mondes du 15, page 1021, sur la différence entre O'Connell et Lamartine : « A changer O'Connell de place, etc. … » C'est très-joli. […] Bouchard le charme est détruit, parce que la vérité n’est plus là… O'Connell est en plein air, il montre avec orgueil ses lacs et ses montagnes, et l’horizon sans bornes ; à Mâcon nous avons des tentes, des guirlandes de feuillage, des décorations mobiles.
Elles chantaient en cueillant les grappes avant que le soleil réchauffât l’air du matin. […] Tout le petit village eut un air de fête. […] Leur moindre bruit, leur plus faible voix montait jusqu’à nous comme si nous eussions été dans une église, tant l’air était pur et l’atmosphère limpide. […] Les sapins et les hêtres qui croissent à d’immenses profondeurs dans le lit d’un torrent s’élèvent et forment des berceaux sombres dans les airs comme pour chercher le soleil. […] En attendant, entrez dans ce petit salon qui ouvre sur cette salle d’arbres ou restez à l’ombre sous ce salon en plein air, je ne tarderai pas à revenir.
Les représentations wagnériennes commencent à quatre heures du soir pour finir à dix heures, — six grandes heures de jouissances sans pareilles, — vous supprimez toute promenade à la campagne ou ailleurs, ce qui est banal, pour aller respirer l’air si salubre de l’intérieur du théâtre, commodément assis à votre place. […] On a plaisir à relire le commentaire, d’une sincérité si touchante et en même temps d’une si charmante naïveté, écrit par le maître liégeois lui-même80, et qui commence ainsi : « on n’a peut-être pas remarqué combien de fois l’air de la romance est entendu dans le courant de la pièce, soit en entier ou en partie … » et finit par cette phrase : « il était aisé de fatiguer les spectateurs, en répétant si souvent le même air sans doute il fallait présenter cet air sous autant de formes différentes, pour oser le répéter si souvent ; cependant, je n’ai pas entendu dire qu’il fût trop répété, parce que le public a senti que cet air était le pivot sur lequel tournait toute la pièce. » En remarquant les différentes modifications de la Mélodie-mère, présentée tantôt en entier, tantôt en partie, tantôt derrière la scène, même sans accompagnement, et surtout les derniers mots de cette citation, vous seriez tenté de dire qu’il n’aurait fallu qu’un pas de plus (mais le pas décisif, définitif réservé à l’auteur de Lohengrin), pour que le véritable Leitmotiv, destiné à n’apparaître sur la scène qu’en 1865 (Tristan) fît déjà son entrée dans la musique dramatique en 1784. Notons en passant le retour humoristique de l’air des Nozze « Non più androi », dans le dernier Final de Don Giovanni (1786)81. […] Cependant, comme j’ai nommé Auber, je voudrais, afin de ne pas être par trop incomplet, indiquer encore une Réminiscence dramatique au second acte d’HAYDEE (1847), où le traître Malipiéri révèle devant le malheureux Lorédan sa connaissance du fameux Secret, en fredonnant l’air de la grande scène du premier acte : « Ah !
Il nous semblait voir les grands portraits de Versailles descendre de leurs cadres, avec l’air de génie qu’ils ont reçu du génie des peintres. […] Il attend le duc « d’un air allumé de crainte et d’espérance. » Son désir l’enflamme ; en véritable artiste, il s’échauffe à l’œuvre. […] Cela en vint au point qu’un jour, au sortir d’un conseil où, après l’avoir forcé de rapporter une affaire que je savais qu’il affectionnait, et sur laquelle je l’entrepris sans mesure et le fis tondre, je lui dictais l’arrêt tout de suite, et le lisais après qu’il l’eut écrit, en lui montrant avec hauteur et dérision ma défiance et à tout le conseil ; il se leva, jeta son tabouret à dix pas, et lui qui en place n’avait osé répondre un seul mot que de l’affaire même avec l’air le plus embarrassé et le plus respectueux : Mort… dit-il, “il n’y a plus moyen d’y durer ! […] « Madame de Castries était un quart de femme, une espèce de biscuit manqué, extrêmement petite, mais bien prise, et aurait passé par un médiocre anneau ; ni derrière, ni gorge, ni menton ; fort laide, l’air toujours en peine et étonné ; avec cela une physionomie qui éclatait d’esprit et qui tenait encore plus parole. » Il les palpe, il les retourne, il porte les mains partout, avec irrévérence, fougueux et rude. […] Dans les salles trottent les valets envoyés par les gens de la cabale contraire, qui questionnent d’un œil étincelant et hument dans l’air la bonne nouvelle.
Plus d’air pour soutenir un atome vivant ! […] Un diable, qui menait grande joie, vola en l’air. […] Mais, quand même, l’air allemand, l’air quasi provincial de sa principauté accompagne le grand homme dans son voyage. […] L’un des côtés avait roulé sur la route qu’il jonchait, l’autre restait en l’air, menaçant. […] Un grand air d’honnêteté, infiniment de grâce.
Mais quand il s’agit de morts déjà anciens, et dont la dépouille est à tout le monde, comment venir prétendre qu’on les possède mieux, qu’on a la tradition de leur manière et la clef de leur esprit, plutôt que le premier venu qui en parlera avec aplomb et d’un air de connaissance ? Avec les vivants du moins, on a des juges, des témoins de la ressemblance, un cercle rapproché qui peut dire si, au milieu de tout ce qu’on a sous-entendu ou peut-être omis, on a pourtant touché l’essentiel, et si l’on a saisi l’idée, l’air du personnage. […] Ou bien c’est un sentiment qui se prononce et qui bientôt demande et inspire une expression poétique et musicale ; peut-être un air connu, dans un secret accord avec sa disposition présente, vient comme par hasard errer sur ses lèvres et lui dicte un refrain qui semble traduire la note par la parole ; parfois enfin quelques mots fortuitement rassemblés, qui représentent une image, qui forment un vers, lui viennent à l’esprit, et bientôt rappellent un air qui les relève et les anime. […] Les barrières ayant été renversées et les hauteurs rasées, tout le monde est en plaine, l’air du dehors excite, l’examen pénètre partout ; le pour et le contre sollicitent chaque matin ; à ce jeu, l’esprit s’aiguise vite, en même temps que les convictions s’épuisent. […] Thiers dans le cabinet du 1er mars (1840), il est sorti de là de cet air de bonne grâce et d’aisance qui ne surprend personne, et on n’a pas même l’idée de louer en lui le désintéressement, tant cette élévation de cœur lui semble facile.
Sans doute David Copperfield, son meilleur roman, a bien l’air d’une confidence ; mais à quel point cesse la confidence, et dans quelle mesure la fiction orne-t-elle la vérité ? […] voilà un air ! […] Un enfant privé de ces affections et de ce bien-être semblera privé de l’air qu’on respire, et le romancier n’aura pas trop d’un volume pour expliquer son malheur. […] David est aimé par sa mère et par une brave servante, Peggotty ; il joue avec elle dans le jardin ; il la regarde coudre, il lui lit l’histoire naturelle des crocodiles ; il a peur des poules et des oies qui se promènent dans la cour d’un air formidable : il est parfaitement heureux. […] C’est l’histoire d’une plante fragile qui fleurissait dans un air chaud, sous un doux soleil, et qui tout d’un coup, transportée dans la neige, laisse tomber ses feuilles et se flétrit.
Ayant un air de sacrement, elles lui donnent un air de temple.
S’il accepte le divin en marge de sa philosophie historique, c’est pour avoir un plus bel air d’impartialité quand il contestera à l’Église autre chose qu’une origine humaine. […] Avouons-le, dans la philosophie renanienne, faite de politesse, d’habiletés et de réticences, nous sommes gênés, mal à l’aise, privés de grand air.
Les parterres et le parc sont encore un salon en plain air ; la nature n’y a plus rien de naturel ; elle est tout entière disposée et rectifiée en vue de la société ; ce n’est point là un endroit pour être seul et se détendre, mais un lieu pour se promener en compagnie et saluer. […] Ils retrouvent leurs pareils jusque dans les figures de marbre et de bronze qui peuplent les allées et les bassins, jusque dans la contenance digne d’un Apollon, dans l’air théâtral d’un Jupiter, dans l’aisance mondaine et dans la nonchalance voulue d’une Diane ou d’une Vénus. […] Il n’y a pas une toilette ici, pas un air de tête, pas un son de voix, pas une tournure de phrase qui ne soit le chef-d’œuvre de la culture mondaine, la quintessence distillée de tout ce que l’art social peut élaborer d’exquis. […] Véritablement le roi ressemble à un chêne étouffé par les innombrables lierres qui, depuis la base jusqu’à la cime, se sont collés autour de son tronc. — Sous un pareil régime, l’air manque ; il faut trouver une échappée : Louis XV avait ses petits soupers et la chasse ; Louis XVI a la chasse et la serrurerie. […] C’est un maquignon qui a des chevaux uniques à vendre… Ensuite c’est un polisson qui vient brailler un air et à qui on accorde sa protection pour le faire entrer à l’Opéra, après lui avoir donné quelques leçons de bon goût et lui avoir appris ce que c’est que la propreté du chant français.
Sa poésie par là est étroite, chétive, étouffée : on n’y voit pas un miroir large et pur de la nature dans sa grandeur, la force et la plénitude de sa vie : ses tableaux manquent d’air et de lointains fuyants. […] dit-il en souriant, avec un air de bonne foi communicatif. […] Pollion fit preuve jusqu’au bout d’habileté et d’un grand sens, et il sut vieillir d’un air d’indépendance sous Auguste, avec dignité et dans une considération extrême. […] que les colombes de Dodone quand l’aigle fond du haut des airs. » Puis il donne à entendre qu’il s’en est fallu de peu que Ménalque, cet aimable chantre de la contrée, n’eût perdu la vie : “Et qui donc alors eût chanté les Nymphes ? […] « Les portraits de lui qui nous le représentent les cheveux longs, l’air jeune, le profil pur, en regard de la majestueuse figure de vieillard d’Homère, n’ont rien d’authentique et seraient aussi bien des portraits d’Auguste ou d’Apollon.
que de bonté sous son air sévère ! que de vertu sous ses airs farouches ! […] L’air du palais en est tout différent. […] Il se traîna vers la fenêtre d’un air égaré, et salua son peuple en remuant les lèvres. […] L’air lumineux de la Grèce dissipe les visions.
Lundi 19 février Excelsior à l’Eden, un ballet, qu’on pourrait appeler le ballet de la danse de Saint-Guy, huit cents jambes perpétuellement en l’air, dans des flamboiements et des paillons de verre de kiosques chinois, dans des feux de Bengale canailles : — une frénésie de mouvement, vous donnant une courbature, parmi de la lumière faisant mal aux yeux, comme si, on avait, trois heures, l’œil à un kaléidoscope, vigoureusement secoué. […] Il y a comme un éveil de bonheur bruyant à la cantonade, que l’air charrie dans les premiers plans. […] Il est étrange, ce Rollinat, avec son air de petit paysan maladif, sa délicate figure tiraillée, et le perpétuel secouement nerveux de ses cheveux noirs. […] J’avais inventé un produit qui faisait évaporer l’hydrogène de l’air, et rendait cet air qui brûlait, irrespirable à des poumons humains. […] Samedi 27 octobre Les attentes, dans les petites gares de chemins de fer, aux heures entre chien et loup, après une journée de courses au grand air : ce sont des heures de la vie, comme passées dans un morne rêve, où s’entendrait un monotone tic-tac d’horloge, et où derrière un grillage rougeoyant apparaîtrait une silhouette fantastique de buraliste, à l’état d’ombre chinoise.
Nous sommes ce que l’air chasse au vent de son aile. […] Enfin toute la bizarre construction des œuvres de prose et de vers, résulté de cette dispersion de la pensée, le manque de proportion d’épisodes comme la bataille de Waterloo dans les Misérables, l’air déjeté et fruste des romans et des longues légendes, trop étendus et trop brefs, sans mesure et parfois difformes. […] De là son théâtre machiné, sanglant et surtendu dont les péripéties ont tantôt l’air apprêté des effets de M. Scribe, tantôt l’air excessif des fins de drames. […] Hugo s’en tient aux mots ; de là, l’air de famille de ses créatures similaires, et leur psychologie écourtée, qui se borne à assigner à chaque type les tendances convenables et conventionnelles, à rendre les vieillards vénérables elles mères tendres, les traîtres fourbes et les amantes éprises, sans nuance, sans complications et sans individualité, sans rien de ces contradictions abruptes et de ces hésitations frémissantes que présente tout être vivant.
Il ne s’empresse pas à acquérir l’estime et l’amitié des uns et des autres ; il choisit ceux qu’il veut connoître et qu’il veut aimer ; et, pour peu qu’il trouve de bonne volonté, il s’aide après cela de sa douceur naturelle et de certains airs de discrétion qui lui attirent la confiance… « Il a un caractère d’esprit net, aisé, capable de tout ce qu’il entreprend. […] Certains airs fins et spirituels marquent sur son visage ce qu’il approuve ou ce qu’il condamne, et son silence même est intelligible… » Cette gracieuse analyse continue ainsi durant des pages, et l’on s’y laisse aller sans peine avec lui. […] Ce ne serait pas rendre justice à la relation des Grands-Jours que de n’y voir qu’un recueil piquant d’historiettes singulières, d’incroyables cas et de causes célèbres, dans lesquelles Fléchier se trouve, sans le savoir, le rival et, avec ses airs modestes, le vainqueur de Tallemant des Réaux.
Vitet a été large, brillant, facile, d’une ordonnance lumineuse ; les parties en sont aisément liées, et le tout semble disposé de telle sorte que l’air et le jour y circulent. […] Soumet avait beaucoup de jolis mots, plus d’une épigramme sous air de madrigal. […] Il ne pouvait se faire à l’idée de n’être plus le beau Soumet, et il donnait aux longues boucles de sa perruque des airs de chevelure adolescente. — Il n’avait en tout que sept ou huit ouvrages dans sa bibliothèque, Homère, l’Énéide, Dante, Camoëns, le Tasse, Milton, et la Divine Épopée, laquelle, selon lui, tenait lieu de toutes les épopées précédentes, et dispensait de toutes les épopées futures.
23 Il avouait lui-même qu’il « fabriquait ses vers à force de temps. » Il n’atteignait l’air naturel que par le travail assidu. […] Et comme l’air avenant de la dame, son sourire complaisant et tout à la fois noble lui sied bien ! […] Voilà son imagination remplie de figures majestueuses, de discours ornés et corrects, de politesses condescendantes, d’airs de tête royaux. — Sans doute un roi est beau, mais un chien l’est davantage.
Le mot mer évoque pour un jeune Parisien l’idée de la saison joyeuse et du grand soleil, de la libre vie en plein air, de l’expansion irréfrénée de l’énergie musculaire, des jeux d’après-midi sur la plage et des danses du soir au casino, des bruyantes parties de bain ou de pêche aux crevettes : pour le pêcheur, la mer, c’est le mystérieux ami et le terrible ennemi, le pain d’aujourd’hui et la mort de demain : toute la destinée roule dans ces vagues. […] Un air humide et lourd enveloppe le monde ; Au bord de l’horizon, comme des caps dans l’onde, Les nuages rayés s’allongent lentement ; Et le soleil, immense au fond du firmament, Heurtant au brouillard gris sa lueur inégale, Sur le globe muet penche son disque pâle. […] Çà et là, des demi-clartés roses se posaient sur les pavés ; la rivière luisait doucement dans une brume naissante ; on apercevait de grands bateaux qui se laissaient couler au fil du courant, deux ou trois attelages sur la plage nue, une grue qui profilait son mât oblique sur l’air gris de l’orient.
On ne put s’empêcher de rire du portrait « d’un vieux capitaine de cavalerie travesti en philosophe, marchant en raison composée de l’air, distrait & de l’air précipité ; l’œil rond & petit, la perruque de même ; le nez écrasé ; la physionomie mauvaise, ayant le visage plein, & l’esprit plein de lui-même ». […] Le protégé déclaré de ce monarque parut à Paris avec l’air de la plus grande satisfaction.
Bourdaloue, avec un air concentré en lui-même, faisant très-peu de gestes, les yeux le plus souvent fermés, pénétroit tout le monde par un son de voix uniforme & terrible. […] « Il semble le voir, disent ses admirateurs, dans nos chaires avec cet air simple, ce maintien modeste, ces yeux humblement baissés, ce geste négligé, ce ton affectueux, cette contenance d’un homme pénétré, portant dans les esprits les plus brillantes lumières, & dans les cœurs les mouvemens les plus tendres. » Baron l’ayant rencontré dans une maison ouverte aux gens de lettres, le lendemain d’un jour qu’il avoit été l’entendre, lui fit ce compliment : « Continuez, mon pere, à débiter comme vous faites : vous avez une manière qui vous est propre, & laissez aux autres les règles. » Cet avis se ressent du caractère de Baron, le plus fier des hommes. […] Le même Riccoboni trouve qu’il n’y a que les avocats qui s’entendent à bien déclamer, qui sçachent modérer leur feu, prendre un air de vérité, & parler comme des hommes doivent parler à d’autres hommes, qu’il n’y a qu’eux qui soient attentifs à rendre les tons, & les accens de la nature.
Si je ne sais qui s’écrivait Jenesayki, cela aurait assez l’air d’un nom cosaque, mais l’auteur a mieux aimé celui de Robert Franz. […] Excepté une chasse aux loups, racontée presque avec la rapidité du traîneau sur lequel la dame est montée et avec des nerfs auxquels je reconnais la vraie femme, je n’aurais pas, littérairement, le moindre détail cosaque à me mettre sous la dent ; et encore le petit cochon de lait que je n’y mets pas, et qu’en cette chasse où les chasseurs sont chassés, on traîne au bout d’un cordon, derrière le traîneau, pour exciter les loups, qui finissent par le dévorer, ce petit cochon me gâte cette scène cosaque, avec son petit air français. […] … Ce n’est qu’une fantasia arabe, fusil en l’air, poudre brûlée mais sans balles, pour le plaisir de faire du bruit !
Chantre des lieux communs (ce n’est pas moi qui le dis, c’est Rigault) : « il fuyait l’absolu », et il n’était pas « un poète individuel », ajoute-t-il d’un air pincé. […] Il n’avait pas cette fraîche haleine de créateur qui, comme celle d’un enfant, pousse une bulle de savon dans le bleu des airs et l’y fait planer immortelle ! […] Vous vous rappelez l’aimable Joubert, le délicat des délicats, ce platonicien meilleur que Platon, qui sentait l’antiquité en maître et qui a déjà l’air d’un ancien, quoiqu’il soit d’hier ?
C’était Platon qui bouquinait, qui s’en allait flânant le long des quais et toussant, à l’air de la rivière, de cette petite toux dont on aurait dit qu’elle sentait la sapinette. […] IV Disons-le, voilà sa faiblesse, voilà par où il défaillait, ce Joubert-Platon, dont le génie discret et silencieux passa, dans l’air retentissant du siècle de Napoléon, comme ces images de femmes d’Herculanum dont il a parlé et dont il a dit : « qu’elles se coulent sans bruit dans « les airs, à peine enveloppées d’un corps ».
Donoso Cortès, cet écrivain incontestablement supérieur par un talent qui touche au premier ordre, cet orateur qui a poussé ces deux ou trois discours dont l’air que nous avons autour de la tête vibre encore, l’illustre Donoso Cortès… disons-le brutalement, ne serait rien sans le catholicisme, et ce n’est pas certes pour l’abaisser que nous disons cela ! […] « Ou un seul homme, dit-il un jour, suffirait pour sauver la société ; cet homme n’existe pas, ou, s’il existe, Dieu dissout pour lui un peu de poison dans les airs ! […] Voix de la bouche, voix de la plume, qui se sont fiées à l’air, à cette petite bouffée de vent dans laquelle elles ont parlé : le vent ne les trahit pas et il les emporte !
Le poète des Poésies philosophiques est une aigle, qui déplace beaucoup d’air autour d’elle quand elle vole… Rien que le livre qu’elle a publié ne peut montrer intégralement cela. […] Mais ce sont d’autres flots, c’est un bien autre orage Qui livre des combats dans les airs ténébreux ; La mer est plus profonde et surtout le naufrage Plus complet et plus désastreux. […] Les airs n’ont pas besoin, ni les vagues stupides, Pour frissonner, d’avoir compris.
Certains critiques ont toujours l’air de juges qui, leur sentence rendue, attendent le bourreau. […] La mer est d’argent, les saules sont d’argent, l’herbe est d’argent ; l’air est bleu, la lune est bleue, les animaux sont bleus. […] Et, ― au fond de son ennui, il songe au plaisir simple d’être d’accord, de rire avec naïveté, de sourire d’un air discret, de s’émouvoir aux longues commotions. […] Sa résignation aux ennuis de la vie était discrètement hilare : avec quel air fin, prudent et satisfait je l’ai vu fumer un mauvais cigare ! […] Hello est très simplet sous son air de profondeur.
Grâce à quelque vieil air, resté dans les mémoires, telle piécette de vers a gardé une popularité qu’elle n’avait pas le droit d’espérer. […] Mais aussi que de fois les vers d’un poète n’ont-ils pas été brisés, tordus, défigurés, massacrés sous prétexte de devenir un canevas à grands airs ou à chœurs plus ou moins ridicules ! […] Pendant que la mère s’étale avec éclat et fracas, la fille, malgré des succès qui la désignent aux regards, apparaît modeste, vêtue de blanc, le front grave, l’air inspiré, tenant le milieu entre l’ange et la muse. […] Des hommes accoutrés à la scandinave essayaient de mettre le feu à un sapin et chantaient d’un air inspiré en s’accompagnant d’une guitare. C’étaient des enthousiastes d’Ossian qui voulaient, comme ses héros, dormir en plein air et allumer des arbres pour se chauffer.