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1988. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

On sentait que la vie, le public, la raison du plus fort, étaient du côté des vengeurs des principes monarchiques et chrétiens, longtemps calomniés et méconnus. […] Ici l’on me dispensera, je crois, de citer ou de prouver davantage, et l’on comprendra les vives raisons qui m’arrêtent sur le seuil. […] Par hasard, M. de Balzac a eu raison cette fois, et c’est contre lui-même. […] Goriot aime ses filles par une sorte de besoin ou d’instinct animal, où vous chercheriez en vain une lueur de sens moral ou seulement d’intelligence et de raison. […] Il représenta, sinon avec grandeur, au moins avec éclat, ce type qui allait disparaître, qui avait fait son temps, et qui déjà n’avait plus sa raison d’être entre Richelieu et Louis XIV.

1989. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « IV » pp. 16-18

Rossi, dans la chronique dernière de la Revue des Deux Mondes, a raison de dire que Lamartine grandit au dehors.

1990. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Veuillot, Louis (1813-1883) »

Veuillot, qui est très chrétien, a baptisé ses vers du nom symbolique de couleuvres : il a raison ; ils rampent et ne mordent pas.

1991. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la première édition »

Et quelle histoire réussirait à rendre moins précieuses les leçons d’un professeur illustre, écrivain du goût le plus délicat et de la raison la plus ornée, qui a élevé la critique littéraire au rang de l’histoire, et qui, à l’exemple des antiques orateurs retravaillant leurs harangues pour l’épreuve de la lecture, a changé de brillantes improvisations en écrits durables ?

1992. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre premier. Le problème des antinomies » pp. 1-3

Nous n’érigeons pas la société en être de raison, que ce soit pour la diviniser ou pour l’anathématiser.

1993. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 245-247

Ses amis conviennent, & il en est convenu lui-même, que l’inexpérience de la jeunesse, la trop grande fermentation des idées, la liberté des pays où il écrivoit alors, l’ont entraîné dans des assertions sur la politique, que sa raison plus mûre a condamnées ensuite.

1994. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 252-254

Ceux qui l’ont entendu ont donc raison de le regarder comme un Orateur dont la maniere n’appartient qu’à lui seul, qui, laissant aux autres le soin de prouver les dogmes de la Religion, se borne à un objet non moins estimable, & plus utile peut-être, celui d’en développer la morale, d’en faire aimer les devoirs & respecter l’autorité.

1995. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 414-416

Par cette raison, il n’en écrivoit que mieux.

1996. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 418-420

On peur, par cette raison, le placer entre Quinault & la Mothe, en distinguant les différentes nuances qui les caractérisent tous trois.

1997. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 378-380

Le doute est une espece de fonds héréditaire que les Philosophes se transmettent les uns aux autres : mais la vérité n’est point leur héritage ; elle est celui du bon usage, des lumieres, & de la raison.

1998. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de février 1829 »

Cependant il regrette que quelques censeurs, de bonne foi d’ailleurs, se soient formé de lui une fausse idée, et se soient mis à le traiter sans plus de façon qu’une hypothèse, le construisant a priori comme une abstraction, le refaisant de toutes pièces, de manière que lui, poète, homme de fantaisie et de caprice, mais aussi de conviction et de probité, est devenu sous leur plume un être de raison, d’étrange sorte, qui a dans une main un système pour faire ses livres, et dans l’autre une tactique pour les défendre.

1999. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

La raison doit en cette circonstance dominer l’imagination ; mais j’ai moi-même éprouvé trop vivement combien cela lui est malaisé d’y parvenir, pour être le moins du monde surpris qu’on hésite à étendre jusqu’à des conséquences aussi étonnantes le principe de sélection naturelle. […] En accordant quelque chose à l’action directe des conditions physiques, chaque détail d’organisation dans toute créature vivante peut être considéré comme ayant été avantageux à l’une de ses formes antérieures, ou comme étant aujourd’hui d’une utilité spéciale aux descendants de cette forme ancienne, soit directement, soit indirectement, en raison des lois si complexes de la croissance. […] Si le témoignage de notre raison nous fait admirer avec enthousiasme dans la nature vivante une foule de combinaisons d’un mécanisme inimitable pour nos faibles moyens artificiels, néanmoins, cette même raison nous montre aussi d’autres combinaisons organiques plus défectueuses, bien que toutefois il faille avouer que nos jugements peuvent errer dans l’un comme dans l’autre cas. […] C’est à ces types de transition entre les reptiles, les oiseaux et les mammifères que se rattache peut-être la souche originelle de l’Ornithorynque, ce collatéral éloigné de nos classes actuelles, descendant isolé d’autres types sans doute autrefois nombreux qui semblent préparer les Marsupiaux et qu’on a nommé avec raison un véritable fossile vivant. […] Dans la floraison, il y a absorption d’oxygène, dégagement d’acide carbonique, combustion en un mot, et c’est pour cette raison que beaucoup de chaleur se développe aussi dans certains cas de floraison.

2000. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VIII » pp. 30-32

Cousin, le grand héraut littéraire depuis quelque temps, a proposé jeudi à l’Académie de décerner à l’auteur de Lucrèce le prix réservé à la meilleure tragédie, prix qui, depuis nombre d’années, était demeuré vacant, in partibus… ; mais le règlement s’oppose avec raison à ce qu’on enlève ainsi les choses d’emblée.

2001. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVIII » pp. 313-315

Quant à M. de Lamartine, il n’a pu, un seul instant, maîtriser l’inattention de la Chambre ; il en souffrait, il le laissait voir, mais il ne parvenait point à fléchir cet auditoire impatient et irrité ; sous la magnificence que gardait encore sa parole jusque dans ce désarroi, on se demandait en vain ses raisons et ce qu’il voulait dire, et l’on n’a pu s’en rendre compte pas plus que lui-même il ne le savait bien peut-être. — Nous ne prétendons dans tout ceci, comme on le voit, que noter l’effet oratoire et, en quelque sorte, littéraire de ces deux séances.

2002. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fabié, François (1846-1928) »

Cladel a écrit pour lui une préface curieuse et il a eu bien raison de signaler la Chatte noire comme un chef-d’œuvre en son genre : Dans le moulin de Ponpeyrac, Se tient assise sur son sac Une chatte couleur d’ébène, Il est bien certain qu’elle dort : Ses yeux ne sont que deux fils d’or Et ses griffes sont dans leur gaine.

2003. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pichat, Laurent = Laurent-Pichat, Léon (1823-1886) »

Laurent Pichat vient, parmi eux, de gagner sa place, — mais, il faut en convenir, Baudelaire, la mâle Ackermann, et, plus près de nous, Jean Richepin, l’auteur de la Chanson des gueux , Richepin qui rirait bien de Pichat avec sa religion du progrès, qui n’est que du christianisme déplacé, sont des blasphémateurs d’un autre poing montré au ciel et d’un autre calibre de passion impie que Pichat, l’égorgeur de songes, comme il s’appelle et le pleureur sur les légendes religieuses auxquelles il a cru, et que, du fond de sa stérile et vide raison, il a l’air de regretter encore… Quoique l’auteur des Réveils n’en ait, que je sache, jamais recommencé d’aussi beaux, il y en a pourtant d’autres qu’on lit après ceux-là et qui dénotent une puissance de variété singulière dans l’inspiration et dans l’originalité… C’est dans de tels vers et par de tels vers que Laurent Pichat, l’athée et le démocrate, reconquiert son blason de poète.

2004. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIII. Des sympathies anarchistes de quelques littérateurs » pp. 288-290

Les raisons de cette sympathie sont faciles à préciser.

2005. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

Semblable à ces athletes qui s’exercent long-temps avant de paroître sur l’arene, quoique né avec les plus heureuses dispositions, il a eu la sagesse de ne se montrer au Public qu’après avoir mûri sa raison & formé son esprit par l’étude des hommes & celle des bons Auteurs.

2006. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 13-15

Nous avons vu beaucoup de femmes cesser d’écrire après un pareil accident, & beaucoup d’autres sont à la veille de ne plus écrire, par la même raison.

2007. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 340-342

Depuis que leur malheureux Auteur a osé parler de regles & de goût à des Poëtes bizarres & volontaires, de clarté & de méthode à des Prosateurs décousus & nébuleux, de force & de chaleur à des Ecrivains froids & symétriques, de bons sens & de précision à des Moralistes enthousiastes & confus, de justesse & de raison à des Philosophes inconséquens & téméraires ; dès-lors notre Siecle, ce Siecle, grace à leurs prouesses, le plus ingénieux, le plus éclairé, le plus merveilleux, le plus heureux des Siecles, s’est vu, d’après leurs déclarations, méconnu dans ses richesses, calomnié dans ses lumieres, ouvrage dans ses prodiges, troublé dans sa felicité ; dès-lors des milliers de bouches éloquentes se sont ouvertes à la plainte, aux clameurs, à la plaisanterie ; dès-lors l’Abbé SABATIER n’a plus été qu’un Cuistre, qu’un polisson, qu’un méchant Critique & un Critique méchant.

2008. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 380-382

Tout ce qu’on peut lui reprocher, se réduit à des assertions philosophiques réprouvées par la raison, & à un style incorrect & diffus, condamné par le bon goût.

2009. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 544-546

C’est ce qui a fait dire avec raison à J.

2010. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 412-415

Il est vrai qu’il a composé des Epigrammes où la malignité & la licence lui font oublier les égards ; mais ces sortes de Productions ne peuvent-elles pas être regardées comme des éclipses de la raison & de l’honnêteté, réparées par tant d’Ecrits postérieurs aux égaremens de sa plume ?

2011. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 207-209

Après avoir prouvé, par des raisons convaincantes, que l'Ouvrage étoit de lui, il se récrie avec force contre les qualifications que Voltaire a coutume de donner à tous les Ecrits qui ne lui plaisent pas.

2012. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

Le merveilleux chrétien, d’accord avec la raison, les sciences et l’expansion de notre âme, s’enfonce de monde en monde, d’univers en univers, dans des espaces où l’imagination effrayée frissonne et recule.

2013. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Ces personnes sont sujettes à faire souvent un mauvais rapport par les raisons que nous exposerons.

2014. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

Cousin, dans son livre sur madame de Longueville, salue en passant le tendre génie de madame de La Fayette, et il a raison.

2015. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Notre raison et nos sens voient peu et nous trompent souvent. […] L’homme bon et vraiment pieux dispose d’abord au-dedans de lui tout ce qu’il doit faire au dehors ; il ne se laisse point entraîner, dans ses actions, aux désirs d’une inclination vicieuse ; mais il les soumet à la règle d’une droite raison. […] Imperfection et vicissitude sont les deux termes qui définissent l’humanité ; changement est sa nature ; cette vicissitude humaine, que la raison proclame, l’expérience et l’histoire ne la proclament pas moins. […] Des myriades d’hommes qui ont traversé la terre depuis qu’elle tourne, montrez-m’en un seul qui ait indéfiniment progressé, un seul dont un cheveu n’ait pas blanchi, un seul qui ait ajouté à son être un organe nouveau, un poil, une plume, un atome de raison ou de matière ! La raison et la matière sont à Dieu, et non à l’homme.

2016. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Un libelle s’avisa de mettre en vers cette malencontreuse harangue, si bien qu’un plaisant déclara que de la sorte elle aurait la rime à défaut de la raison ; Il n’est pas étonnant qu’avec un pareil personnage les affaires les plus graves tournent au grotesque. […] Par la victoire complète de la raison, des règles, de la discipline. […] Quand on va plus loin, quand on célèbre le culte de la déesse Raison, quand on supprime les noms des saints, quand on remplace la semaine par la décade, ce sont les opinions de Diderot, de d’Holbach qui mènent le branle. […] Il faut dire encore que la pensée devient plus hardie et plus franche ; qu’elle soumet au contrôle de la raison les traditions les plus accréditées ; qu’elle réduit, par le contact étroit avec les réalités, la part du merveilleux, du romanesque, du préjugé ; qu’elle juge avec une entière indépendance les hommes et les doctrines ; qu’elle est d’ailleurs dans un perpétuel état de fermentation qui produit pêle-mêle des rêveries, des utopies, des chimères, mais aussi des idées neuves et des projets viables. […] On trouve étrange qu’applaudir et aplanir, malgré leur formation identique, s’écrivent de façon différente ; que poids, venant de pensum et non de pondus, reste agrémenté d’un d superflu, n’ayant d’autre raison d’être que de perpétuer une vieille erreur d’étymologie.

2017. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Notre Opéra-comique n’est point ce théâtre : il a raison, étant ce qu’il doit être. […] Alors il comprend les raisons du cauchemar : il regarde en soi-même, se connaît la seule cause ; il est libre, et le Prisonnier de la Caverne devient le Mage Divin. […] Raison de plus pour y insister. […] Nous citerons encore si l’on veut, le duo, vanté avec raison, entre Brünnhilde et Gunther. […] Quand on considère l’attitude du public envers lui, envers Berlioz, envers tous les grands artistes enfin, il est difficile de ne pas lui donner raison sur ce point.

2018. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Est-ce une raison pour les attribuer au pur esprit, à la spontanéité et à l’activité de l’intellect ? […] L’intensité suppose une réaction de la conscience, de l’appétit, de l’effort ; mais la raison ni l’entendement n’ont rien à y voir. […] Un psychologue français qui n’admet point l’a priori des catégories et qui, par une inconséquence curieuse, admet celle de l’espace et du temps, ajustement objecté aux kantiens : — S’il faut que je reconnaisse la similitude effective de deux objets pour appliquer ma catégorie de ressemblance, la catégorie vient trop tard, le problème est résolu, elle ne fait rien qui n’ait été déjà fait sans elle114. — Pareillement, dirons-nous, s’il faut que je reconnaisse l’étendue effective de deux objets ou l’extensité effective de deux sensations pour appliquer ma forme a priori de l’espace, cette forme vient trop tard, le problème est résolu, L’application des formes a priori serait donc arbitraire s’il n’y avait pas des raisons et marques tirées des sensations mêmes qui motivent et règlent cette application, c’est-à-dire au fond qui les rendent inutiles. […] William James remarque avec raison que, même aujourd’hui, la principale fonction des régions périphériques de la rétine, c’est d’être des sentinelles qui, dès que des rayons de lumière se meuvent sur elles, crient : qui va là ? […] William James dit avec raison que, dans le champ de la quantité, les relations entre deux nombres sont simplement un autre nombre, et que, pareillement, dans le domaine de l’espace, les relations sont des faits du même ordre que les faits qu’elles relient.

2019. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

On ne lui montre qu’un monde, il en veut deux ; et il a raison d’en vouloir deux, car il y en a deux dans un. […] Cela dit, nous convenons avec eux que le plus grand nombre de nos écrivains et de nos poètes, dans ce que nous appelons avec raison notre grand siècle, ont été aussi peu Français qu’on peut l’être en France. […] La langue lui doit en précision sentie tout ce qu’il fait perdre de droits et de bon sens à la raison humaine. […] La raison de cette complète originalité de Molière est toute simple. […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style.

2020. (1739) Vie de Molière

Cette salle est aussi mal construite que la pièce pour laquelle elle fut bâtie ; et je suis obligé de remarquer à cette occasion, que nous n’avons aujourd’hui aucun théâtre supportable ; c’est une barbarie gothique, que les Italiens nous reprochent avec raison. […] L’esprit de raison s’est introduit dans toutes les sciences, et la politesse dans toutes les conditions. […] Son Misanthrope hait les hommes, encore plus par humeur que par raison. […] Si on osait encore chercher dans le cœur humain la raison de cette tiédeur du public aux représentations du Misanthrope, peut-être les trouverait-on dans l’intrigue de la pièce, dont les beautés ingénieuses et fines ne sont pas également vives et intéressantes ; dans ces conversations même, qui sont des morceaux inimitables, mais qui n’étant pas toujours nécessaires à la pièce, peut-être refroidissent un peu l’action, pendant qu’elles font admirer l’auteur ; enfin dans le dénouement, qui, tout bien amené et tout sage qu’il est, semble être attendu du public sans inquiétude, et qui venant après une intrigue peu attachante, ne peut avoir rien de piquant. […] Si Molière avait donné la farce des Fourberies de Scapin pour une vraie comédie, Despréaux aurait eu raison de dire dans son Art poétique : C’est par là que Molière, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût remporté le prix, Si moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin.

2021. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Préparé, le dénouement n’avait aucune raison d’être, puisque l’effet voulu était la surprise. […] Tous ces mots ont leur raison d’être, de par leurs étymologies, mais quelle peine, quel travail pour le lecteur ! […] Prudhomme a dû bien se moquer et avec raison devant certaines peintures impressionnistes. […] Bien des fois, il avait fait des remontrances à son fils, mais celui-ci avait des raisons pour ne pas me quitter. […] Dans tous les pays et par tous les temps, la prolongation de cet état donnerait des maladies, à plus forte raison ici.

2022. (1925) Portraits et souvenirs

Il acquiescera à l’hommage rendu, s’il en connaît les raisons. […] J’en vois la raison dans les préoccupations de plus en plus absorbantes du poète. […] Je me suis confié aux poètes et j’ai eu grandement raison. […] Il lui fallait d’autres raisons de vivre que celles que lui avait fournies le « culte du Moi ». […] Il doit donner des idées de grandeur, de dignité et de raison.

2023. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Sous cet effort, la raison peu à peu défaillait. […] Vous pouvez l’imiter sans manquer à la raison ni au devoir ; ce n’est ni un freluquet ni un viveur. […] L’agrément recouvrait la raison sans l’étouffer. […] Je viendrai dîner quand il me plaira ; je dînerai dans mon boudoir quand je serai de mauvaise humeur, et cela sans donner de raison. […] » — Il a raison, car l’œuvre lui a coûté de la peine ; il n’en fera pas une seconde.

2024. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Ils cherchent, au dehors, des raisons d’agir et des motifs d’espérer. […] Plusieurs raisons ont déterminé le cadre où M.  […] Désormais sa courtoisie raffinée n’aura plus de raison d’être. […] Et il se rend un compte fort exact des raisons qui le poussent à cette prédilection. […] C’est peut-être une des raisons qui les ont fortifiés dans leur dessein.

2025. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bertrand, Aloysius (1807-1841) »

Charles Asselineau Sans réclamer pour lui le premier rang qu’il convient sans doute de réserver à des talents plus amples et plus robustes, je ne crains pas de dire que parmi les écrivains du second, en ce temps-là, il est peut-être celui dont le nom est le plus assuré de vivre, par cette seule raison qu’il s’est plus exclusivement qu’aucun autre attaché à l’art.

2026. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fleury, Albert (1875-1911) »

Albert Fleury donne raison à ceux qui augurèrent beaucoup de ses œuvres antérieures, à M. 

2027. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Goudeau, Émile (1849-1906) »

comme vous avez raison de jouer du fifre, mon cher Goudeau.

2028. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Millevoye, Charles (1782-1816) »

Bernard Jullien Millevoye, poète digne à plusieurs égards de l’attention de la postérité, s’est exercé assez souvent dans la narration poétique, et malheureusement il l’a toujours fait sans le moindre succès ; tellement que si l’on voulait juger de son mérite par ses travaux dans ce genre, on le mettrait avec raison au rang de ceux dont le nom est devenu ridicule.

2029. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schuré, Édouard (1841-1929) »

L’un et l’autre ont leur empire, leur raison, leur beauté.

2030. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 285-288

Hardouin, son confrere & son maître ; trop de fécondité à trouver des raisons pour se séduire lui-même ; trop de fermeté, disons même trop d’opiniâtreté dans les sentimens qu’il avoit adoptés avec peu de précaution, ont répandu quelques nuages, non sur sa foi (car sa soumission en écarte toute idée désavantageuse), mais sur son discernement & sur sa prudence.

2031. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

C’est renverser les notions du goût, que de vouloir dégrader les genres pour lesquels on n’a nulle disposition ; & c’est outrager la raison, que d’exhaler contre ses Rivaux les vapeurs de l’envie, qui retournent bientôt sur celui qui les a soufflées.

2032. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 111-114

Daniel prétendoit avoir pour lui la raison & la vérité, son Adversaire avoit eu en sa faveur, ce qui a plus d’ascendant sur l’esprit des hommes, les armes du ridicule & de la bonne plaisanterie.

2033. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

D’ailleurs personne ne devroit être plus réservé sur la plaisanterie, lorsqu’il s’agit de Comédie, que l’Auteur de la Prude, de l’Indiscret, de la Femme qui a raison, du Droit du Seigneur, de Charlot ou la Comtesse de Givry, du Dépositaire, en un mot, de toutes les Comédies réprouvées qui ont paru sous son nom.

2034. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 544-547

Cet Ouvrage a soulevé quiconque n’a pas perdu toute étincelle de raison & d’humanité ; on y combat jusqu’à l’existence de l’Etre suprême.

2035. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

Peut-être a-t-on eu raison de lui reprocher trop de penchant à la critique, trop d'affectation à combattre certaines traditions accréditées par la multitude & le poids des témoignages, trop de facilité à tourner les textes à l'appui de ses idées, trop de complaisance dans les tableaux qu'il trace des abus qui lui déplaisent, trop d'amertume dans les censures ; mais en convenant de quelques-uns de ces défauts, il n'en est pas moins vrai, que si une plus longue carriere lui eût permis d'exécuter l'Ouvrage en entier, il auroit eu la gloire de nous avoir laissé une Histoire aussi estimable par la recherche des faits, leur ordonnance & leur variété, que par le mérite du style, qui est simple, aisé, naturel, & piquant, sans jamais s'éloigner de l'élégance & de la pureté, qui sont le partage d'un excellent Ecrivain.

2036. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Préface »

Gaston Paris, dont nous sommes tous les disciples, ce qui n’est pas une raison pour qu’il ait approuvé autre chose dans mon Esthétique que le soin avec lequel j’ai défendu les principes que m’ont donnés ses travaux ; c’est plutôt en manière de dédicace, et alors je n’oublierais pas M. 

2037. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Chardin » pp. 128-129

Chardin et Vernet voient leurs ouvrages à douze ans du moment où ils peignent, et ceux qui les jugent ont aussi peu de raison que ces jeunes artistes qui s’en vont copier servilement à Rome des tableaux faits il y a cent cinquante ans ; ne soupçonnant pas l’altération que le temps a faite à la couleur, ils ne soupçonnent pas davantage qu’ils ne verraient pas les morceaux des Carraches tels qu’ils les ont sous les yeux, s’ils avaient été sur le chevalet des Carraches tels qu’ils les voient.

2038. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

-vous avez raison.

2039. (1860) Ceci n’est pas un livre « À M. Henri Tolra » pp. 1-4

Nos poètes eux-mêmes, « ces contempteurs superbes de la foule, qui planaient dans les hauteurs », voilà qu’ils redescendent aux exigences mesquines de la foule — et que « les aigles » se font une raison, comme on dit. — Savez-vous quel volume de poésies a, dans ces dernières années, remporté le prix de la faveur publique ?

2040. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Dans la défaillance de la foi, la raison n’a pas pris l’empire, et l’opinion est aussi dépourvue d’autorité que la tradition. […] Point de ces plaidoyers solides, point de ces discussions probantes, qui, de moment en moment, ajoutent une raison aux raisons précédentes, une objection aux objections précédentes : on dirait qu’ils ne savent qu’injurier, se répéter et piétiner en place. […] Son frère lui envoie une bande de fous qui gambadent, et hurlent, et divaguent lugubrement autour d’elle, horrible vue capable de renverser la raison, et qui est comme un avant-goût de l’enfer. […] —  La mort, et la perte éternelle de tout ce que nous aimons, la jeunesse, la force, le plaisir, la compagnie, l’avenir, la raison elle-même. […] Quand elles aiment en vain et sans espérance, ni leur raison, ni leur vie n’y résistent ; elles languissent, deviennent folles, et meurent comme Ophélia.

2041. (1933) De mon temps…

Il est de ceux qui préfèrent se tromper brillamment plutôt que d’avoir modérément raison. […] Georges Servières avait raison. […] Il ne survécut guère à sa raison. […] Ce fut la raison de sa retraite à Guétary, où il se maria. […] Pauvre père Ubu, le croc de la mort allait bientôt avoir raison de ses forces détruites, de ses tissus alcoolisés, de son ubuisme et de sa pataphysique !

2042. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Il n’en a pas alors tout à fait cent mille, et ce ne sera que quand il aura payé ses dettes ; mais il se trouve encore et avec raison bien honnêtement partagé. […] Il expose ses raisons en judicieux critique et en bon académicien. […] Consulté par Voltaire sur la tragédie du Triumvirat, il lui fait une bonne réponse fondée sur des raisons historiques, et qui n’est point du tout fade.

2043. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Dans les raisons alléguées par la Faculté, par ceux qui écrivent en son nom, et par Gui Patin en particulier, contre Renaudot, et pour preuve de son incapacité et de son indignité à pratiquer la médecine, ce qui tient la première place, c’est le trafic et négociation qu’il fait « à vendre des gazettes, à enregistrer des valets, des terres, des maisons, des gardes de malades, à exercer une friperie, prêter argent sur gages, et autres choses indignes de la dignité et de l’emploi d’un médecin. […] Mais quand le roi fut mort et qu’on fut sous la bonne régente, la Faculté jugea que le moment était venu d’avoir raison du Gazetier que Richelieu n’était plus là pour protéger. […] Enfin M. l’avocat général Talon donna ses conclusions par un plaidoyer de trois quarts d’heure, plein d’éloquence, de beaux passages bien triés et de bonnes raisons, et conclut que le Gazetier ni ses adhérents n’avaient nul droit de faire la médecine à Paris, de quelque université qu’ils fussent docteurs, s’ils n’étaient approuvés de notre faculté, ou des médecins du roi ou de quelque prince du sang, servant actuellement.

2044. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Est-il vrai qu’un tribun soit condamné à s’opposer toujours, sans raison et sans mesure, au gouvernement ; à attaquer tout ce qu’il fait et tout ce qu’il propose ; à déclamer contre lui quand il approuve le plus sa conduite ? […] En un mot, il est pour une raison trop continue, trop suivie ; il n’admet pas ces coups d’archet en toute chose qu’il faut de temps en temps en France. […] Pourtant l’âge venait ; Louis XIV se tempérait à son tour, et une femme sortie du plus pur milieu de la société de Mme de Rambouillet et qui en était moralement l’héritière, une femme accomplie par le ton, la raison ornée, la justesse du langage et le sentiment des convenances, Mme de Maintenon, s’y prenait si bien qu’elle faisait asseoir sur le trône, dans un demi-jour modeste, tous les genres d’esprit et de mérite qui composent la perfection de la société française dans son meilleur temps.

2045. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

 » Duclos remarquait avec raison que : « l’homme de la Cour le plus instruit ne peut jamais l’être aussi parfaitement qu’un historien à qui l’on remettrait les actes, les lettres, les traités, les comptes, et généralement tout ce qui sert de fondement à l’histoire ». […] Elle en dit tant, et avec un air si simple, si indifférent sur les partis et si touchant sur l’intérêt qu’elle prenait au roi, qu’il lui répondit qu’elle avait raison ; qu’il suivrait son conseil en tout ce qu’il pourrait là-dessus, parce qu’il sentait que ces gens-là le feraient mourir… Or, que fait Duclos ? […] — Tu as raison, répondit le roi, j’ai quelque chose qui me tracasse ; on veut m’engager dans une démarche qui me répugne, et cela me fâche… — Je respecte vos secrets, Sire, poursuivit-elle ; mais je parierais que c’est pour cette Bulle où je n’entends rien ; je ne suis qu’une bonne chrétienne qui ne m’embarrasse pas de leurs disputes.

2046. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Les crimes du dedans frappaient pourtant Saint-Martin, mais ils ne l’épouvantaient et ne le révoltaient pas autant, ce semble, qu’ils auraient dû le faire pour une âme aussi délicate et aussi sensible ; il nous en donne naïvement la raison, lorsqu’il avoue que le sort de tant d’émigrés traqués de toutes parts et sans asile ne laisse pas de lui paraître véritablement lamentable : Moi-même, dit-il, j’ai été embarrassé un moment de résoudre cette question ; mais, comme j’ai cru à la main de la Providence dans notre Révolution, je puis bien croire également qu’il est peut-être nécessaire qu’il y ait des victimes d’expiation pour consolider l’édifice ; et sûrement alors je ne suis pas inquiet sur leur sort, quelque horrible que soit dans ce bas monde celui que nous leur voyons éprouver. […] Malgré cela on me laissa lire jusqu’au bout, et le professeur ne me répondit que par des assertions et des raisons collatérales, de manière que mes trois observations restent encore dans leur entier, et je puis dire qu’il s’y trouve des bases neuves que je n’aurais pas eues sans cette circonstance. […] Les grands objets s’annonçaient à lui d’une manière de plus en plus imposante et douce, et proportionnée à son état présent : « J’ai mille preuves réitérées que la Providence ne s’occupe, pour ainsi dire, qu’à me ménager. » Il était d’ailleurs tellement inapplicable et impropre aux choses positives, que dans le second trimestre de l’an IV, ayant été porté sur la liste du jury pour le tribunal criminel de son département, il crut devoir se récuser par toutes sortes de raisons qui, si elles étaient admises, paralyseraient la société : Je ne cachai point mon opinion ; je dis tout haut que, ne me croyant pas le droit de condamner un homme, je ne me croyais pas plus en droit de le trouver coupable, et que sûrement, tout en obéissant à la loi qui me convoquait, je me proposais de ne trouver jamais les informations et les preuves assez claires pour oser disposer ainsi des jours de mon semblable.

2047. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Deschanel, en célébrant, selon le goût du siècle, qui en cela va un peu loin, l’amour et l’adoration des parents pour les enfants, insiste avec raison sur une idée des plus vraies : c’est une bonne habitude morale d’avoir près de soi quelqu’un qu’on aime mieux que soi. […] Et pourtant je sens la force ou plutôt l’agrément des raisons qu’on m’oppose ; je le sens si bien, que je suis tenté parfois de m’y associer et de pousser aussi mon léger soupir ; tout en marchant vers l’avenir, je suis tout prêt cependant, pour peu que j’y songe, à faire, moi aussi, ma dernière complainte au passé en m’écriant : Où est-il le temps où, quand on lisait un livre, eût-on été soi-même un auteur et un homme du métier, on n’y mettait pas tant de raisonnements et de façons ; où l’impression de la lecture venait doucement vous prendre et vous saisir, comme au spectacle la pièce qu’on joue prend et intéresse l’amateur commodément assis dans sa stalle ; où on lisait Anciens et Modernes couché sur son lit de repos comme Horace pendant la canicule, ou étendu sur son sofa comme Gray, en se disant qu’on avait mieux que les joies du Paradis ou de l’Olympe ; le temps où l’on se promenait à l’ombre en lisant, comme ce respectable Hollandais qui ne concevait pas, disait-il, de plus grand bonheur ici-bas à l’âge de cinquante ans que de marcher lentement dans une belle campagne, un livre à la main, et en le fermant quelquefois, sans passion, sans désir, tout à la réflexion de la pensée ; le temps où, comme le Liseur de Meissonier, dans sa chambre solitaire, une après-midi de dimanche, près de la fenêtre ouverte qu’encadre le chèvrefeuille, on lisait un livre unique et chéri ? […] Je me réservais, dans cette réimpression, de mettre le nom de la personne à laquelle j’avais songé par contraste ; mais je ne le ferai point, et par une très bonne raison : c’est que le portrait a cessé pour moi d’être exact et ressemblant.

2048. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Ce changement embarrassa quelquefois le nouveau maréchal, qui d’ailleurs croyait avec raison que son élévation excitait l’envie. […] Mais ce n’est pas tout, et il était à désirer pour plus d’une raison que Jomini devînt bientôt le chef de cet état-major, si laissé à lui-même et si peu conduit. […] Les événements furent foin de lui donner tort, et ils faillirent lui donner trop raison.

2049. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

La raison s’y gonfle, le cœur s’y dérange, et ils n’indiquent aucune guérison. […] Il a raison, pensais-je, il dit vrai, le poëte ! […] Sa suprême raison, à lui, n’est autre que l’éternel logos, le Verbe de Jean, incarné une fois et habitant perpétuellement parmi les hommes.

2050. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Cependant une raison précoce, une maturité vigilante le plaçaient au premier rang du très-petit nombre des publicistes sages en ces temps de passion et d’inexpérience. […] Descarte en vain se cherche au bout d’un syllogisme ; En vain vous trouvez Dieu dans un froid argument : Toute raison n’est pas dans le raisonnement. Il est une clarté plus prompte et non moins sûre Qu’allume à notre insu l’infaillible nature, Et qui, de notre esprit enfermant l’horizon, Est pour nous la première et dernière raison.

2051. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Quand je dis que la critique issue en droite ligne de la philosophie du xviiie  siècle se prenait surtout aux mots, je sais bien que parmi ces mots on faisait sonner très-haut ceux de philosophie et de raison ; mais, sous ce couvert imposant et creux, on était trop souvent puriste et servile. […] En venant plaider dans sa préface contre l’histoire officielle et oratoire, il n’a jamais demandé, il n’a pu demander que l’histoire vraiment philosophique fût supprimée ; il n’a pas dit, à le bien entendre, il n’a pas cru que l’histoire morale, celle des Tacite, des Salluste et des grands historiens d’Italie, dût cesser d’avoir ses applications diverses, surtout à des époques moins extérieures et plus politiques, aux époques d’intrigue et de cabinet : mais, ce jour-là, il demandait pour le genre qui était le sien, pour cette méthode appliquée une fois à une époque particulière qui y prêtait, il demandait place au soleil et admission légitime, et, en homme d’esprit, il a trouvé à ce propos toutes sortes de raisons et de motifs qu’il a déduits ; et il en a su trouver un si grand nombre là même où l’on s’était dit qu’il y avait objection, qu’on a pu croire que les conclusions chez lui dépassaient le but. […] Traducteur des œuvres dramatiques de Schiller, il a mis en tête une notice développée, telle que la peut dicter une haute et fine raison.

2052. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Liberté, royauté, aristocratie, démocratie, préjugés, raison, nouveauté, philosophie, tout se réunissait pour rendre nos jours heureux, et jamais réveil plus terrible ne fut précédé par un sommeil plus doux et par des songes plus séduisants. » Ainsi on ne se privait de rien en cet âge d’or rapide ; on était aisément prodigue de ce qu’on n’avait pas perdu encore ; on cumulait légèrement toutes les fleurs. […] Ce gracieux bagage de famille et de société172 offrait à la fin son étiquette et comme son cachet dans une spirituelle approbation et un privilège en parodie qui étaient censés émaner de la jeune épouse de l’auteur, petite-fille d’un illustre chancelier : D’Aguesseau de Ségur, par la grâce d’amour, L’ornement de Paris, l’ornement de la cour, A tous les gens à qui nous avons l’art de plaire, C’est-à-dire à tous ceux que le bon goût éclaire, Salut, honneur, plaisir, richesse et volupté, Presque point de raison et beaucoup de santé ! […] Il avait de plus quelques autres raisons sans doute, comme on peut supposer qu’en suggère aisément la morale ou la jeunesse.

2053. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Lainé, homme d’État de l’école de Cicéron ; M. de Bonald, écrivain remarqué et remarquable, plus par la raison et la piété que par l’imagination et par le cœur ; M. le baron Monnier, fils du président de l’Assemblée constituante, M. de Rayneval, son ami, les plus spirituels et les plus aimables des hommes ; leurs deux femmes, Polonaises charmantes, qu’ils avaient épousées d’amour, à Varsovie, pendant la campagne de Pologne, et qui les aimaient comme elles en étaient aimées. […] Si tu savais combien de pleurs tes erreurs ont fait répandre à notre respectable mère, combien elles paraissent déplorables à tout ce qui pense et fait profession non-seulement de piété, mais de raison ; si tu le savais, peut-être cela contribuerait-il à t’ouvrir les yeux, à te faire renoncer à écrire ; et si le ciel touché de nos vœux permettait notre réunion, tu trouverais au milieu de nous tout le bonheur qu’on peut goûter sur la terre ; tu nous donnerais ce bonheur, car il n’en est point pour nous, tandis que tu nous manques et que nous avons lieu d’être inquiets sur ton sort. » XIX Cette lettre l’attendrit ; il crut y entendre une voix du ciel. […] Il se trouve toujours sur son chemin, à son entrée, quelques hommes de bon esprit d’ailleurs et de sens, mais d’un esprit difficile, négatif, qui le prennent par ses défauts, qui essayent de se mesurer avec lui avec toutes sortes de raisons dont quelques unes peuvent être fort bonnes et même solides.

2054. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Il veut que le roman soit objectif, impersonnel, « impassible » ; et, malgré les violences ou les gaucheries des formules dont il use dans sa Correspondance, il a raison lorsqu’il veut que l’émotion, la pitié sortent, s’il y a lieu, des choses mêmes, et non pas d’une pression directe de l’auteur sur le lecteur, lorsqu’il défend au romancier de forcer pour ainsi dire la carte de la sympathie ou de l’attendrissement par une intervention indiscrète. […] Par ces théories, Flaubert se rapproche sensiblement de la doctrine classique, et son impassibilité ressemble fort à la raison du xviie  siècle. […] Aussi se faisait-il de l’art la plus haute idée : c’était sa religion, le remède au mal métaphysique, la raison de vivre.

2055. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Pour la même raison l’amour lui paraîtra le plus intéressant des sentiments, et de beaucoup, et même le seul digne d’intérêts. […] Ou plutôt non, ce n’est point la vraie raison de notre énervement, car j’admets très bien qu’il se joue entre des personnages excessivement select des drames d’une brutalité hardie. […] Feuillet, que c’est encore pour bien d’autres raisons.

2056. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

N’a-t-elle donc pas eu raison plus tard de dire en s’accusant, dans ses Réflexions sur la miséricorde de Dieu, que sa gloire et son ambition (il faut entendre son ambition et sa joie d’être aimée et préférée) avaient été comme des chevaux furieux qui entraînaient son âme dans le précipice ? […] Fort inférieure aux deux autres par l’esprit, elle leur est incomparablement supérieure par le cœur : on peut dire qu’à cet égard elle habite dans une autre sphère, où ces deux femmes d’esprit (et la dernière qui fut de plus une femme de raison) n’atteignirent jamais. […] Aimer pour aimer, sans orgueil, sans coquetterie, sans insulte, sans arrière-pensée d’ambition, ni d’intérêt, ni de raison étroite, sans ombre de vanité, puis souffrir, se diminuer, sacrifier même de sa dignité tant qu’on espère, se laisser humilier ensuite pour expier ; quand l’heure est venue, s’immoler courageusement dans une espérance plus haute, trouver dans la prière et du côté de Dieu des trésors d’énergie, de tendresse encore et de renouvellement ; persévérer, mûrir et s’affermir à chaque pas, arriver à la plénitude de son esprit par le cœur, telle fut sa vie, dont la dernière partie développa des ressources de vigueur et d’héroïsme chrétien qu’on n’aurait jamais attendues de sa délicatesse première.

2057. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Encore une fois, voilà de la raison, et il y en a beaucoup dans les livres de Mlle de Scudéry, mêlée, il est vrai, à beaucoup trop de raisonnement et de dissertation, et aussi noyée dans ce qui nous semble aujourd’hui des extravagances romanesques. […] Elle conjecture, elle raffine, elle symbolise ; elle cherche et donne les raisons de tout. […] Sapho n’était pas au-dessus de toutes ces petites raisons de métier : « Ma foi, dit Tallemant, elle a besoin de mettre toutes pierres en œuvre ; quand j’y pense bien, je lui pardonne. » Petits cadeaux, gratifications, pensions, elle aimait à joindre ces preuves positives à la considération, qui ne lui a jamais manqué.

2058. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

J’opinai contre et appuyai longtemps sur les raisons de n’en jamais accorder pour pareil crime. […] Il cite pour excuse et pour exemple le duc de Lorraine, beau-frère de l’empereur Léopold, qui s’est bien battu un jour avec un simple lieutenant de cavalerie et lui a fait raison d’un outrage l’épée à la main. […] Voltaire, qui, lorsqu’il a raison, l’a avec une gaieté et une grâce qui n’est qu’à lui, a jugé Bonneval à fond, en disant : Tout ce qui m’étonne, c’est qu’ayant été exilé dans l’Asie Mineure, il n’alla pas servir le sophi de Perse, Thamas Kouli Khan ; il aurait pu avoir le plaisir d’aller à la Chine, en se brouillant successivement avec tous les ministres : sa tête me paraît avoir eu plus besoin de cervelle que d’un turban.

2059. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Nouvelle défense et interdiction au dernier moment, en raison du procès pendant de Beaumarchais devant le Parlement. […] c’est l’intrigue que tu définis », et non la politique, il a simplement raison. […] Dans une réponse pourtant qu’il fit à l’un d’eux (juin 1785), on lit : Vous me demandez s’il est vrai que le roi m’ait accordé des secours puissants dans ma détresse actuelle ; je n’ai pas plus de raisons de dissimuler les traits de sa justice, que je n’en eus de cacher l’affliction profonde où me plongea sa colère inopinée.

2060. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

C’est de la bouffonnerie sans esprit. » Enfin, Pope, en 1725, trouve la raison pour laquelle Shakespeare a fait ses drames, et s’écrie : Il faut bien manger ! […] Ce qui vous semble odieux ou bizarre a une intime raison d’être. […] Homère rencontre l’envieux et le frappe du sceptre, Shakespeare donne le sceptre à l’envieux, et de Thersite il fait Richard III ; l’envie est d’autant plus mise à nu qu’elle est vêtue de pourpre ; sa raison d’être est alors visiblement toute en elle-même ; le trône envieux, quoi de plus saisissant !

2061. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

En les peignant comme il devait les peindre, il aurait peut-être fait raison d’une idée commune et fausse, comme le sont presque toujours les idées communes. […] Mais, encore une fois, la ressemblance y est… Je ne sache pas que la Critique l’ait jamais signalée, si elle l’a vue, et la raison de cela, je la dirai. […] … Pourquoi voir dans le Mystique et dans le Saint « seulement un pauvre moine grand par le cœur et par son dévouement à la patrie », et parler, avec l’embarras du rationalisme, cette lâcheté de la raison, du génie héroïque presque divin du grand homme dont oh extrait doucement Dieu pour le faire humainement plus grand.

2062. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Et elle avait raison, dans sa prudence immense, puisque, malgré la condamnation qu’elle a faite de Galilée, il a brouillé cette question, qui paraît si nette, au point qu’il faut la débrouiller encore aujourd’hui ! […] Elle a eu raison de condamner Galilée, et en le condamnant elle a respecté son génie et pris pitié de sa vieillesse. […] Seulement, ici, il y a une raison pour n’avoir pas vu.

2063. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Elle file, elle coud et garde, à la maison, Un père vieux, aveugle et privé de raison. […] Et il a bien raison de dire qu’elle est à lui ! […] Dans le Dévouement, qui n’est plus que la générosité de ce cœur exaspéré de solitude, — dans ce beau portrait d’une touche lumineuse et cependant si mélancolique, Toujours je la connus, pensive et sérieuse, où, sous la placidité familière des images, on sent l’agitation de l’âme qui voudrait se rasséréner dans ce calme de la raison et de la vertu ; dans L’Enfant rêveur, Le Creux de la vallée, En m’en revenant un soir d’été, après neuf heures et demie, La Gronderie, la Pensée d’automne ; dans la magnifique pièce, souvenir, allumé comme un candélabre, dans l’âme de tout ce qui eut vingt-ans : Les flambeaux pâlissaient, le bal allait finir, Et les mères disaient qu’il fallait s’en venir… où le néant de la vie se met à sonner tout à coup, dans ces deux poitrines rapprochées qui étouffent de la valse et du bonheur de se toucher, ce glas funèbre :                                      … Ah !

2064. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Mais quand il veut à toute force en donner une explication, sa logique, destinée à relier entre elles des images incohérentes, ne peut que parodier celle de la raison et frôler l’absurdité. […] Or, une multitude aussi grande qu’on voudra d’images visuelles peut être donnée tout d’un coup, en panorama ; à plus forte raison tiendra-t-elle dans la succession d’un petit nombre d’instants. […] J’incline à croire — mais pour des raisons surtout théoriques et par conséquent hypothétiques — que nous avons alors une vision beaucoup plus étendue et plus détaillée de notre passé.

2065. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Ceux-là mêmes qui ne s’accordent nullement sur les modes de l’intervention de l’État, semblent plus près de s’entendre sur sa raison d’être : les questions qui divisent sont des questions de « moyens » plutôt que des questions de « fins »4. […] En ce sens Guizot avait raison de déclarer qu’il n’y a plus de luttes de classes : les classes n’ont plus d’existence officiellement reconnue. […] Le Droit nouveau est un Droit à principes philosophiques ; les auteurs des Pandectes, en juristes stoïciens, prétendent conformer les lois aux exigences de la Raison ; pour l’éducation de l’humanité ils inscrivent les maximes égalitaires au fronton du temple. — Et si l’on exagère lorsqu’on représente, à la fin de l’Empire romain, tout le peuple pénétré des idées nouvelles, on ne se tromperait pas moins en croyant qu’elles demeuraient cachées dans le cerveau des quelques juristes isolés.

2066. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — [Note.] » pp. 444-445

Quoique le résultat de mes dernières lectures et de mes réflexions sur la cause réelle qui a pu déterminer le suicide de Léopold Robert soit le doute et que je n’exclue aucune explication, je suis de ceux qui ne font pas la part la plus grande, dans son acte fatal, à un désespoir d’amour, et je ne puis m’empêcher de donner raison à M. 

2067. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXII » pp. 91-93

» Elle trouve que c’est bien assez d’un été comme celui-ci, et elle a bien raison.

2068. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

Il se livre vraiment aux dieux qu’il ne connaît pas et qui sont les dieux de son cœur ; le Dieu qu’il connaît n’est que le dieu de sa raison.

2069. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

Rebell est quelqu’un et c’est tout ce qu’il faut : l’essentiel n’est peut-être pas de ne point se tromper, mais d’avoir sa façon à soi de se tromper, et quand on est soi, on a raison.

2070. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 241-244

Goësman ; la raison s’y trouve assaisonnée du sel de la meilleure plaisanterie.

2071. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 465-468

Il soumettra de même à l’examen de sa critique vraiment profonde & lumineuse, les premiers temps historiques de l’Empire Romain, qu’il regarde avec raison comme altérés par quantité de Fables que les Historiens ont copiées les uns après les autres.

2072. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

On a souvent dit, avec raison, que la meilleure de toutes ne sauroit ressembler qu’à l’envers d’une tapisserie, ou, tout au plus, qu’à l’Estampe d’un tableau.

2073. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 489-492

« Si l’on en excepte Perrault, dont le Versificateur Boileau n’étoit pas en état d’apprécier le mérite, & quelques autres, tels que la Motte, Terrasson, Boindin, Fontenelle, sous lesquels la raison & l’esprit philosophique ont fait de si grands progrès, il n’y avoit peut-être pas un homme [dans le Siecle dernier] qui eût écrit une page de l’Encyclopédie qu’on daignât lire aujourd’hui ».

2074. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 58-61

Nous ne lui attribuerons pas, comme le Public, l'Histoire de l'établissement du Commerce dans les deux Indes : il seroit trop humiliant pour lui de vieillir au milieu des fables, en enchérissant sur le défaut de véracité, à mesure que les progrès de l'âge devroient perfectionner ses lumieres & mûrir sa raison.

2075. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 66-69

Il n'est pas possible qu'ils se dissimulent leurs méprises, à la vue de l'oubli où sont tombées & où tombent tous les jours quantité de Pieces, applaudies d'abord avec enthousiasme, & rejetées ensuite avec dégoût : tant la réflexion & le retour des vrais principes sont ennemis des Productions contraires à la raison & au bon goût !

2076. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XV. Du Purgatoire. »

La gradation des souffrances en raison des fautes passées, ces âmes, plus ou moins heureuses, plus ou moins brillantes, selon qu’elles approchent plus ou moins de la double éternité des plaisirs ou des peines, pourraient fournir des sujets touchants au pinceau.

2077. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

Ajoutons que la religion chrétienne est essentiellement mélodieuse, par la seule raison qu’elle aime la solitude.

2078. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

On y lit : Monsieur, Je reçus votre lettre et le poème latin qui l’accompagnait avec beaucoup de pudeur, ne pouvant sans rougir voir que vous le soumettez à mon jugement, lequel je ne puis exercer sans témérité sur d’autres ouvrages que sur les miens propres ; et je vous avoue que soit par cette raison, soit par le peu de loisir que me laissent mes occupations, je fus tenté de m’excuser du travail que vous exigiez de moi, et que le seul nom de M.  […] […] Si j’expose à ses yeux l’objet le plus charmant, Il le regarde en juge et non pas en amant ; Et si j’offre à ses feux quelque illustre matière, À son peu de chaleur il joint trop de lumière ; Il examine trop les lois de sa prison, Et veut joindre à l’amour un peu trop de raison. […] Fléchier nous fait discrètement sentir ces raisons combinées, et il exprime, en la partageant, l’opinion de M. de Caumartin, plus humain et plus équitable. […] Vous avez raison, madame, de nous féliciter de l’état paisible où nous sommes présentement dans nos diocèses.

2079. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

il préfère, par toutes sortes de raisons de cabinet, Virgile à Homère ; on s’est cru très-loin de Scaliger, et on a fait longtemps comme lui ; on a toujours été, chez nous, très-tenté de préférer des maîtres élaborés et polis117, accomplis en leur genre, des maîtres de seconde venue, et qui prêtaient davantage aux poétiques. […] Il paraît qu’il fut amoureux de quelque Romaine peu lettrée, et il disait dans une jolie épigramme que je traduis un peu librement : « O pied, ô jambe, ô contours accomplis pour lesquels ce m’a été raison de périr, ô épaules, sein, col délié, ô mains, ô petits yeux qui font mon délire, ô mouvements divins, petits cris, baisers suprêmes ! […] Y a-t-il ombre de raison dans l’amour ?  […] Qu’importent toutes les raisons d’auparavant ?

2080. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Cette idée seule d’une tendresse enfantine (dont tu ris maintenant avec raison, et qui cependant pourrait servir de matière à de jolis vers) est gracieuse et vraie. […] Les ligueurs modérés, comme Villeroy et Jeannin, se rangeront même un jour sous ce drapeau qui deviendra celui de Henri IV et de Sully. » Voilà le vrai, le sens commun en pareille matière, et Charles Labitte l’a su rafraîchir de toutes sortes de raisons neuves et revêtir de textes peu connus. […] Bernard y voyait, non sans raison, un précis historique très-net de la naissance, des progrès et des différentes péripéties de la Ligue ; il y voyait, d’un coup d’œil moins juste à mon sens, la ligne principale et comme la grande route de l’histoire à ce moment ; ce n’en était plus au contraire qu’un sentier escarpé et perdu, qui menait au précipice. […] Moi-même, longtemps préoccupé de cette question de la Ménippée, j’ai besoin d’ajouter ici dans l’intérêt de notre ami quelques raisons subsidiaires qu’il eût pu donner pour se défendre.

2081. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Le langage rationnel et spécialement humain est tout autre ; considérés dans leur sens primitif, les mots qui le composent évoquent non des représentations sensibles, mais des concepts généraux ; à ce titre, on l’appelle rationnel, parce que la raison est la faculté de « former et de manier ces concepts généraux ». […] Ce nom, le rapide, aurait pu être appliqué aussi à beaucoup d’autres animaux ; mais, ayant été appliqué à maintes reprises aux chevaux, il devint pour cette raison impropre à tout autre usage. […] À grand’peine, et par des efforts multipliés, ils parviendront à monter un ou deux des échelons ; jamais ils n’arriveront à la moitié de l’échelle, à plus forte raison au sommet. De même un singe, un chien, un perroquet fait quelques pas dans le premier stade du langage ; il comprend son nom, souvent le nom de son maître, parfois un ou deux autres mots, surtout d’après l’intonation avec laquelle on les prononce ; mais il en reste là ; il ne dépasse pas la période des interjections et imitations ; il est même fort loin de la parcourir tout entière ; à plus forte raison il n’entre point dans le second stade, celui des racines.

2082. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

La société doit favoriser de tout son pouvoir le progrès de la raison publique, et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens. […] C’est par cette raison que les théories pures de la Révolution, dépopularisées par les douleurs et les crimes dont leur enfantement a travaillé la France, revivent et revivront de plus en plus dans les aspirations des hommes. […] L’histoire, quand le temps d’être juste sera venu pour elle, rendra à la France l’hommage unique qui lui est dû pour ces cinq mois pendant lesquels elle se gouverna sans gouvernement légal, par sa propre sagesse et par la seule autorité de la raison publique. […] La polémique rigoureuse peut contester avec raison ce droit, l’histoire ne peut le nier.

2083. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Et si ma remarque est fondée, n’est-ce pas une raison pour nous faire des idées plus larges sur la vie intime et les relations mutuelles des êtres qui peuplent la terre avec nous ? […] On ne peut que le conjecturer : la conjecture n’est point orgueilleuse ; elle est l’humiliation de la raison. […] Avec rage, c’est la révolte et l’impiété ; Avec amour, c’est la raison et la vertu. […] » XXVII Mais cela suffit-il à l’inquiète raison humaine, qui n’a de repos que quand elle a trouvé son aplomb ?

2084. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

On l’a dit avec raison, une épopée française ne peut sortir que de chants en langue française, ou en langue latine, puisque le français est du latin qui a évolué. […] Je n’en veux pour preuve que le morceau, si souvent cité et avec raison, de la mort de Raoul : cet Ernaut de Douai qui fuit devant Raoul, la main coupée, demandant grâce à son impitoyable ennemi, secours à tous les amis qu’il rencontre, reprenant haleine, chaque fois qu’un baron de son parti arrête Raoul, piquant son cheval avec désespoir, dès qu il voit son défenseur abattu, cette poursuite sans cesse interrompue et reprise, acharnée, haletante, puis Bernier enfin s’interposant, le combat de Bernier contre Raoul, et la mort de Raoul, combat et mort décomposés en chacun de leurs moments avec une vigoureuse précision, la tristesse du vainqueur, et la rage féroce d’Ernaut qui, se voyant sauvé, se venge de ses terreurs récentes sur son ennemi abattu, voilà, à coup sûr, une scène neuve, rare, émouvante. […] Il est à peu près certain que ceux qui la rattachent à la poésie latine rythmique ont raison. […] Bartsch et Rajna, ne donnent guère de bonnes raisons positives, et M. 

2085. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

D’esprit plus libre, d’ailleurs, que les poètes de la Pléiade, Horace fut, à tort ou à raison, ce que nous appellerions aujourd’hui un enragé moderniste. […] On trouve dans Horace les plus fortes maximes de vie intérieure, de vie retirée et retranchée en soi, supérieure aux accidents, attachée au seul bien moral et l’embrassant uniquement pour sa beauté propre. — Soldat de Brutus, il accepta le principat d’Auguste par raison, par considération de l’intérêt public ; mais il fut, ce semble, moins complaisant pour l’empereur et pour Mécène et sut beaucoup mieux défendre contre eux sa liberté et son quant-à-soi que le tendre Virgile. […] J’avais raison. […] Mais dans les endroits, plus nombreux, où il parlait au nom de la raison, il a montré une puissance que ses amis même attendaient à peine de lui.

2086. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

« Le prince qui règne sur le pays, c’est l’amour coquet, frère de l’amour, mais frère bâtard, enfant de la nature et du désordre, dont les dérèglements et la débauche sont plus habituels que la raison. […] Il n’en est pas de même de la dénégation d’écrivains qui ont cru se faire une place distinguée au temple de mémoire, en accusant de mauvais goût, des personnages de liante célébrité ; ils ont un grand intérêt à mettre à couvert leurs accusations sous une autorité telle que celle de Molière, et ont de bonnes raisons pour nier que Les Précieuses aient été représentées à Béziers, cinq ans avant de l’être à Paris. […] Henri Étienne avait grande raison de dire qu’on enlevait à langue ses robustes et viriles accents pour lui en donner de mignards et efféminés. […] Mais comme l’approbation des yeux est d’un ordre inférieur au mérite de ces belles, elles s’élèvent par la raison et par l’esprit, et tâchent de fonder en droit les passions qu’elles peuvent faire naître Il y a les beautés fières et les beautés sévères : les premières souffrent les désirs accompagnés de respect : le respect n’adoucit pas les sévères ; ni les unes ni les autres ne sont invincibles. » De Pure ajoute qu’elles font solennellement vœu de subtilité dans les pensées, et de méthode dans les désirs.

2087. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

La raison physique de cela était le garçon de la poste qui, peu content de moi, l’aura malicieusement et traîtreusement débouchée. […] J’en ai pourtant fait une dont je vous prierai de me rendre raison dans vos loisirs philosophiques : c’est que, depuis Pétersbourg jusqu’à Lübeck, toute cette grande étendue de rivage de la mer Baltique n’est qu’une grande plaine sablonneuse où l’on ne trouve pas un seul rocher, et tout le côté septentrional, en prenant par Vyborg, Fredrikshamn, et les côtes de Suède qui sont opposées, ne sont absolument qu’une grande masse de rochers tout nus6. […] Il a bien raison, car je ne donnerais pas votre amitié pour un trône. […] Mais la preuve que j’ai raison, c’est qu’ils n’ont osé me contredire dans la démonstration géométrique et évidente que j’ai donnée de l’erreur qu’ils professent depuis si longtemps sur la foi d’autrui.

2088. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Mais une société dont il ne faut pas séparer l’homme, comme l’ont fait les théories les plus fausses du xviiie  siècle, et qui sont restées le plus populaires en raison même de leur fausseté, est autre chose qu’un animal qui ne relève que du microscope et du scalpel et qu’on étudie du dehors, pour en expliquer le dedans. […] Taine, logique et fataliste comme tout matérialiste de bon lieu qui ne peut croire qu’à la toute-puissance des faits, cette société a mérité sa guillotine… Et nous aussi, mais pour d’autres raisons, probablement, que celles qui sont dans la conscience de M.  […] Pour toutes ces raisons, il semblait cacher dans les entrailles de son esprit quelque chose comme un révolutionnaire en puissance, qui devait, un jour, en sortir. […] Liberté, égalité, droits de l’homme, avènement de la raison, toutes ces vagues et sublimes images flottent devant leurs yeux quand ils gravissent sous la mitraille l’escarpement de Jemmapes, ou quand ils hivernent, pieds nus, dans la neige des Vosges.

2089. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Faugère a dit ce qui était à dire ; il a fait valoir les lettres et celle qui les a écrites par tous les bons endroits ; il a écarté avec raison tout ce qui est de controverse, et il n’a présenté la publication dont il a pris soin que comme une œuvre d’histoire et de piété. […] … Elle est fille d’une mère qui a été fort persécutée des tyrans, qui l’ont voulu étouffer dans le sang de ses martyrs, et encore des hérétiques, qui ont fait mille efforts à ce qu’elle ne mît point ce béni enfant au monde ; mais enfin elle s’est couronnée de lys aussi bien que de roses, portant en son sein des vierges et des martyrs… Cette excellente épouse n’a jamais été maltraitée de son mari, qui au contraire est mort pour elle… Et elle continue sur ce ton, multipliant, épuisant les images, les allusions emblématiques, s’y jouant plus que de raison, oubliant un peu le goût, mais faisant ses preuves en fait de grâce : je prends le mot dans le double sens, dans le sien et dans le nôtre.

2090. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

André Lemoyne renferment des pièces parfaites de limpidité et de sentiment : j’ai des raisons pour recommander celle qui a pour titre l’Étoile du berger. […] Il n’est pas de raison pour que je m’arrête dans cette énumération et dans ces regrets.

2091. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Sainte-Beuve la lettre suivante que nous trouvons publiée dans le numéro du Figaro d’hier, et que pour cette raison nous croyons pouvoir reproduire, quoiqu’elle n’ait été nullement destinée à la publicité : « Paris, 20 janvier 1837. […] Elle eut de nobles amitiés auxquelles elle resta fidèle, et elle offrait ce caractère singulier que la raison se mêlait chez elle au cœur sans l’étouffer, sans pourtant lui laisser prendre jamais le dessus.

2092. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Nous avons en commun, eux et nous, les instruments de travail naturels, ceux que nommait déjà Montaigne, la raison et l’expérience. […] On a confondu longtemps avec l’esprit scientifique même, la méthode de telle science, en raison des résultats précis où elle conduisait.

2093. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Verlaine avait mille raisons, de s’obstiner dans la salle de débit, chaude et éclairée. […] bon saint Verlaine, que vous aviez raison de vous plaire au milieu des humbles et des simples d’esprit !

2094. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

On croyait (non sans raison) que le sang juif était chez eux très mélangé, et il passait pour constant que la Galilée ne pouvait produire un prophète 592. […] Moïse est dépassé ; le temple n’a plus de raison d’être et est irrévocablement condamné.

2095. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

« De ce que j’ai fait une faute, ce n’est pas une raison de les commettre toutes », répondait Mme de Montespan à quelqu’un qui s’étonnait de la voir faire maigre en carême. De ce que nous avons fait bien des fautes en politique, ce n’est pas une raison non plus d’y ajouter ; un gouvernement qui, de gaieté de cœur, se dessaisirait de ce qu’il peut conserver de force et d’initiative avec l’assentiment public, raisonnerait moins bien que Mme de Montespan.

2096. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Au moi créateur comme à l’être universel de la métaphysique, en l’absence d’une vérité objective qui commande leur activité, on ne saurait attribuer d’autre raison d’agir, de créer la réalité phénoménale et d’en déterminer les formes, qu’un principe d’utilité personnelle dont nous ne saisissons le sens que dans les fins où il semble qu’il aboutit. […] La raison d’être de l’activité du moi s’exprimerait en une formule de pur intellectualisme : transmuer la sensation en perception, transformer en spectacles des émotions.

2097. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

À notre sens, les uns et les autres avaient à la fois tort et raison. […] La raison humaine, d’accord en cela avec la loi Spartiate, oblige, dans certains cas, à dire l’avis qu’on a.

2098. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

On a donc raison de dire que la lumière prise en soi est un mouvement ; mais, prise en soi, elle n’a rien de semblable à ce que nous appelons lumière, et tant qu’elle n’a pas rencontré un sujet sentant, elle n’est rigoureusement qu’un mouvement et pas autre chose. […] On a bien raison d’assimiler le rapport des vibrations du cerveau à la pensée et celui des vibrations de l’éther à la sensation lumineuse, car c’est une seule et même chose, la sensation étant déjà une pensée.

2099. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Le premier étoit, comme on va le voir, plus facile que l’autre, et la raison porte à croire que de deux arts qui ont à peu près le même objet, celui dont la pratique est la plus aisée, ait été trouvé le premier. […] Dans cette supposition, il n’y avoit rien de plus facile à comprendre que la mécanique de la composition et de l’execution de la declamation des anciens, et saint Augustin aura eu raison de dire qu’il n’en traiteroit point, parce que c’étoient des choses connues du comedien le plus chetif.

2100. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Il n’y a pas de centralisation littéraire, pas plus qu’il n’y a de centralisation politique — par la raison bien simple qu’il n’y a pas de centre. […] Grâce à la Décentralisation littéraire, il n’aura plus, pour s’y réfugier, Paris « ce lieu d’asile » où toute force a raison tôt ou tard de l’Envie.

2101. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

De sorte que je pouvais presque me dispenser de citer des exemples : cette constatation eût suffi à me donner raison et à prouver que Bossuet corrigeait la plupart du temps, non en théologien, mais en écrivain et en poète.‌ […] oui, il faut bien en convenir à la fin… Mais alors, si les ratures sont une nécessité, pourquoi nous blâmez-vous de les conseiller, et n’avons-nous pas mille fois raison de vouloir guider, éclairer, fortifier les débutants, en leur expliquant les corrections des grands écrivains ?

2102. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Celui du capitaine d’Arpentigny, qui s’appelle toujours capitaine et qui a bien raison, a été, par une de ces contradictions qui existent souvent entre nos instincts et notre métaphysique, mis au service d’une philosophie très peu militaire et qu’on regrette de rencontrer sous une plume qui a la beauté mâle d’une arme. […] … Reviendra-t-il à ses tendances naturelles, qui ont raison en lui et auxquelles il s’acharne en vain à donner tort ; car, dans la sphère du talent comme dans l’autre sphère, il n’y a jamais rien de dérangé que notre conscience et de renversé que notre esprit.

2103. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Selon le comte de Gasparin, ce Pape, qui fut grand, mais certainement moins grand que Grégoire VII, — qui, à distance de plus d’un siècle, sut lui paver la voie Appienne de sa grandeur future, — représente pourtant, sinon le plus haut degré du génie absolu de l’Église, au moins le plus haut point de sa fortune, et c’est pour cette raison que le comte de Gasparin, en le choisissant, l’a frappé. […] C’est toujours la séparation de Jésus-Christ et de son Église, malgré les paroles divines de Jésus-Christ, auquel croit pourtant le comte de Gasparin, sur leur identification éternelle. « Si Jésus-Christ ne ment pas, l’Église ne peut errer », disait ce saltimbanque de Luther, qui, par là, se condamnait lui-même… C’était assez, à ce qu’il semblait, pour l’hérésie, que ce mensonge de Jésus-Christ, mais l’historien d’Innocent III a cru devoir ajouter aux raisons connues, et réfutées tant de fois par les théologiens catholiques, d’être et de rester protestant, une conception nouvelle, qui ne fausse pas que l’idée chrétienne, mais la nature des choses elle-même, et c’est cette conception, qui n’est qu’une chimère, qui donne à la publication intitulée Innocent III le peu qu’elle a de triste originalité.

2104. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

C’est pour cela qu’Alexandre Dumas, le divertisseur des gens superficiels, est déjà à moitié passé, pendant que Léon Gozlan, l’artiste solitaire apprécié seulement durant sa vie des connaisseurs, qui sont des solitaires aussi, vivra plus longtemps que ces deux gloires bouffies, qui s’aplatiront demain comme des éléphants de baudruche sur lesquels on aura marché, par la seule raison que Gozlan mit dans ses livres cette toute petite chose qu’avait Voltaire, qu’avait Beaumarchais, qu’avait le prince de Ligne, et qui nous fait trouver une volupté si particulière jusque dans une anecdote de trois lignes contée par Chamfort ou un mot lancé par Rivarol ! […] Il avait plus piraté dans les connaissances humaines et les livres qu’il n’y avait fait des acquisitions régulières et légitimes, et cela se voit suffisamment quand, par exemple, dans Les Martyrs inconnus, il change de siècle et dresse son roman dans l’histoire, et cela se voit encore dans La Sœur grise, où son ignorance catholique est presque honteuse, et semble donner raison à ceux qui ont prétendu un instant qu’il n’avait pas été baptisé.

2105. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Il fallut le dévergondage de l’imagination romantique pour voir dans ce livre — que je ne crains point d’appeler une pauvreté littéraire — des beautés qui n’y étaient pas… Assurément moins corrompus qu’au temps peint par l’abbé Prévost dans son livre et le redoutable Laclos dans le sien, par la raison que nous avions traversé le sang de deux époques sanglantes et que le sang, n’importe comme il soit versé, purifie toujours, nous n’en avions pas moins, péché originel ineffaçable ! […] continue, fais ton œuvre, paye-toi des muscles de cet homme, de sa fortune, de sa raison, de son sang, de son honneur, de son âme.

2106. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Il avait les deux raisons fondamentales des réussites qui doivent durer. […] Bovary est un de ces hommes pour lesquels les femmes les meilleures seraient impitoyables : à plus forte raison Emma Rouault !

2107. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Gobineau, qui pense, et avec juste raison, qu’on ne peut plus s’intéresser à l’histoire de la décrépitude et de l’avilissement continu des peuples actuels, et que le seul intérêt et le seul mérite appartiennent à quelques individualités supérieures, — étoiles (pour parler son langage) pointant encore dans un firmament dévas té, — nous a fait un livre à plusieurs héros, dont il a décrit les passions et développé les caractères. […] Dans le monde trop rare qu’on a inventé, dans cette bergerie céleste où du moins on voudrait un loup, on introduit les deux choses les plus rares, et qu’on voit le moins présentement dans ce monde qu’on méprise et qu’on a raison de mépriser, — le stoïcisme, qui est le christianisme de ceux qui ne sont pas chrétiens, et l’amour, qui n’existe plus que de nom dans une société athée à tout, jusqu’à l’amour !

2108. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Nous n’avons plus le discours de Thémiste, mais il nous reste celui où il félicite l’empereur de son changement ; c’est l’ouvrage à la fois de l’éloquence et de la raison. […] Il avait donc raison de dire à Constance : « Pour la première fois, ô empereur !

2109. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Tant qu’il exerce sa profession, il est soumis à l’autorité du conseil de l’ordre, qui applique, avec raison, une discipline sévère. […] L’acharnement et surtout le talent eurent raison des résistances du sol, et la moisson d’aujourd’hui a plus que payé les labeurs du passé. […] Le fils de Paganini revint alors à Marseille, où l’entrée du port lui fut interdite pour les mêmes raisons. […] C’est pour cette raison que j’ai voulu consacrer un chapitre à ces novateurs qui, ayant ou non réussi, méritent leur place au soleil littéraire. […] Catulle Mendès, car ce n’est pas par la froide raison qu’il pèche, lui !

2110. (1875) Premiers lundis. Tome III « Senac de Meilhan »

On donne volontiers raison au prince de Ligne, lorsqu’il disait : « Dans les pensées de M. de Meilhan, il y a des traits de feu qui éclairent toujours, et des fusées qui vont plus haut qu’elles ne font de bruit. » M. de Meilhan s’était exercé, dans la première partie de sa vie, à traduire les Annales de Tacite, une double école de politique et de style.

2111. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 5-9

Le Rédacteur de l’article en question n’a pas craint, malgré cela, d’altérer le dispositif de cette Sentence, & de la tourner tout à l’avantage de ma Partie adverse, par la raison qu’elle n’a pas donné lieu, comme moi, à la haine philosophique.

2112. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

On a remarqué, avec raison, qu’il s’étoit trop laissé aller aux impressions d’une mélancolie sombre, qui rembrunit ses tableaux, donne à ses Héros un air farouche, diminue enfin l’intérêt, à force de vouloir le presser & l’étendre.

2113. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Préface » pp. 1-3

Il me donna enfin des raisons qui me convainquirent.

2114. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre V. Beau côté de l’Histoire moderne. »

Là, ce sont ces Bataves qui ont de l’esprit par bon sens, du génie par industrie, des vertus par froideur, et des passions par raison.

2115. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XII. Des livres de jurisprudence » pp. 320-324

C’est un corps de droit fondé sur la raison & sur les constitutions des Etats du Roi de Prusse pour lequel il a été fait.

2116. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 16, de quelques tragedies dont le sujet est mal choisi » pp. 120-123

Une pareille raison pourroit tout au plus justifier celui d’une jeune princesse qui, durant quatre actes, auroit fait voir la foiblesse que montre cet empereur.

2117. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Avant-propos » pp. 1-5

Aristides Quintilianus nous a laissé un excellent livre sur la musique, écrit en langue grecque, et cet auteur vivoit sous le regne de Domitien ou sous celui de Trajan, comme le conjecture sur de bonnes raisons Monsieur Meibomius qui a fait imprimer avec une traduction latine l’ouvrage dont je parle.

2118. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Préface de l’auteur »

Telles sont les deux raisons qui nous déterminent à publier la présente étude.

2119. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Si l’on ajoute à ces noms celui de Domitius Afer, l’heureux et habile avocat des mauvaises causes, éloquent jusqu’à faire ombrage à Caligula (comme Lucain poète faisait ombrage à Néron), trop perdu de mœurs, trop aisément accusateur, démentant le vir probus dicendi peritus, mais qui garde auprès de la postérité le mérite d’avoir eu pour disciple Quintilien ; — Marcus Aper, célèbre à meilleur titre, l’honneur du barreau sous Vespasien, qui joue un grand rôle et le principal dans le Dialogue sur la corruption de l’éloquence, dont quelques personnes même l’ont cru auteur, tant il y plaidé bien la cause des modernes ; — le sophiste Favorinus, né à Arles, célèbre dès le règne de Trajan, en haut crédit et en faveur sous Adrien, et le maître d’Aulu-Gelle ; qui parlait disertement sur tous sujets, qui fit en plaisantant l’éloge de la fièvre quarte (il écrivait en grec), mais qui ne portait pas seulement de l’esprit, qui avait quelquefois de la raison dans les thèses paradoxales qu’il soutenait ; — Fronton, le maître de Marc-Aurèle, dont les lettres retrouvées par M.  […] Villon, Marot, à plus forte raison Ronsard, étaient, de fait, plus éloignés que nous du moyen âge, dans ce sens qu’ils y étaient plus étrangers. […] Mais on ne voit aucune raison suffisante à cette grande uniformité première, et tout indique, au contraire, que la diversité, d’abord, dut être extrême, infinie ; que sur chaque point, dans chaque bassin, les choses ont dû se former d’après quelques conditions générales sans doute, mais aussi d’après les éléments particuliers préexistants et avec des différences que la raison indique, et que deux ou trois mots, une phrase grossière transmise par hasard, dans quelque chronique latine, et commentée à grand renfort de science, ne sauraient effacer ni démentir. […] Littré, « une érudition quelquefois paradoxale, souvent heureuse, toujours spirituelle. » En in mot, Génin a quelquefois raison avec esprit sur des points particuliers28.

2120. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Et cependant leur raison les convainc qu’ils ne courent pas plus de risque que s’ils étaient à terre sur leurs pieds. » En effet, quand le regard plonge tout d’un coup jusqu’au sol, nous nous imaginons subitement transportés et précipités jusqu’en bas, et cette seule image nous glace, parce que, pour un instant imperceptible, elle est croyance ; nous nous rejetons instinctivement en arrière, comme si nous nous sentions tomber en effet. […] Ce n’est pas alors la raison qui manque ; car souvent dans cet état l’esprit reste sain et le malade sait que la figure n’est pas réelle ; c’est le réducteur spécial, à savoir la sensation contradictoire, qui, dans ce conflit, subit elle-même l’effacement au lieu d’ôter à son adversaire l’extériorité. […] J’ai témoigné à mes camarades tous mes regrets de ce que j’avais fait et me suis informé tout de suite de l’état de celui que j’avais blessé. » À partir de ce moment, les hallucinations ont cessé, la raison de S… est intacte ; aucun trouble ne s’y produit, il est calme et sérieux pendant tout son séjour à l’asile des aliénés ; ensuite il est réintégré dans la brigade de gendarmerie, et, depuis ce moment, il fait très régulièrement son service. […] Il faut laisser de côté les mots de raison, d’intelligence, de volonté, de pouvoir personnel, et même de moi, comme on laisse de côté les mots de force vitale, de force médicatrice, d’âme végétative ; ce sont des métaphores littéraires ; elles sont tout au plus commodes à titre d’expressions abréviatives et sommaires, pour exprimer des états généraux et des effets d’ensemble. […] , 240) cite le récit d’une autre personne qui, pendant une pneumonie, eut des hallucinations semblables, en gardant, comme Nicolaï, toute sa raison.

2121. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Ne serait-ce pas d’ailleurs une grande folie à moi de m’abandonner à un attrait toujours combattu par la raison ? […] Sans être superstitieux, il y a des coïncidences qui frappent, quoique la raison les écarte ; il me semble que je suis encore plus seul depuis hier ! […] Je ne puis penser à Florence sans émotion ; la raison, le devoir, le caractère de mon attachement peut-être ne permettent pas à une tristesse violente de s’emparer de moi ; c’est seulement une mélancolie qui ne peut nuire à mes travaux. […] Sa mort ne fut pas une délibération de sa raison, mais un accès de défaillance qui anéantit sa raison.

2122. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Au commencement, Goethe avait respiré, comme toute l’Allemagne, avec quelque ivresse les idées démocratiques de la France ; il se flattait que la raison, triomphant du même coup de la monarchie absolue, de l’Église dominante et de la féodalité arriérée, allait créer un exemplaire d’institutions et de gouvernement qui servirait de modèle au monde moderne. […] La froide raison a éteint cet enthousiasme ; il n’y a rien de véritablement sacré que la vérité et ce que la raison reconnaît comme vérité. Ma raison maintenant est le seul guide qui me reste pour me porter à Dieu, à la vertu, à l’éternité.… Toutes les perfections de la nature sont réunies en Dieu. […] On ne monte pas plus haut que certaines pages extatiques de Faust : plus haut, l’air raréfié ne porte plus l’homme ; mais il y a de grandes raisons de penser que, si la nature n’enfante pas souvent une individualité poétique de la force de Goethe, la littérature allemande dans son ensemble retrouvera une période de splendeur égale à la période qui porte le nom de Goethe.

2123. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il me parla de ma lettre, et me dit que j’avais raison en soutenant que, si un homme a su traiter avec clarté un certain sujet, il a prouvé par là qu’il pouvait se distinguer dans beaucoup d’autres occasions toutes différentes. […] Il n’en est pas de même avec un livre ; s’il déplaît, on le jette de ses mains ; au théâtre, c’est mieux, il faut tout endurer. » Je trouvai qu’il avait raison, et je pensai que tout était pour le vieillard une occasion de dire quelque chose de juste. […] — Vous avez pleinement raison, dit Goethe, et voilà pourquoi le livre encore maintenant a sur un certain moment de la jeunesse la même action qu’il a eue autrefois. […] Oui, on a raison, je ne pouvais pas être un ami de la Révolution française, parce que j’étais trop touché de ses horreurs, qui, à chaque jour, à chaque heure, me révoltaient, tandis qu’on ne pouvait pas encore prévoir ses suites bienfaisantes. […] Il aurait fallu pour cela que la destinée m’eût fermé plus hermétiquement et plus obstinément toutes les carrières de la vie active… Si j’avais concentré toutes les forces de ma sensibilité, de mon imagination, de ma raison dans la seule faculté poétique… je crois… que j’aurais pu accomplir quelque œuvre non égale, mais parallèle aux beaux monuments poétiques de nos littératures… Il en a été autrement, il est trop tard pour revenir sur ses pas !

2124. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Et puisque cette figure de Tristan ne tarda pas à être entraînée dans le giron des légendes de la Table Ronde, déjà si imprégnées d’orientalisme, qu’il fut chanté par les Trouvères et par les Minnesinger, et puisque, surtout, les poètes français des 12e et 13e siècles n’avaient point du tout le respect religieux des mythologies celtiques qu’ils ne comprenaient point, et qu’au contraire ils ont profondément altéré ce qui en restait pour le mettre au diapason de leur époque, en faisant de ces vénérables divinités des preux chevaliers et de belles princesses, pour toutes ces raisons, nous n’apercevons plus aujourd’hui ce mythe de Tristan que comme à travers un épais nuage. […] Ce serait trop généraliser que de dire que la rime et l’allitération sont, dans Tristan, en raison inverse l’une de l’autre. […] Car c’est précisément de ce monde « illogique » des émotions, que la musique est l’organe. « La musique, dit Wagner, exprime précisément ce que la parole ne peut exprimer, ce que la raison humaine dénomme l’Inexprimable » (IV, 218). […] Si donc les tristes nécessités de mon intelligence me forcent à examiner dialectiquement, un à un, les éléments que ma raison perçoit comme divers, quoique mon sentiment me les indique comme sûrement un et indivisible : toujours est-il que je ne pourrai prendre comme mesure de la perfection de chaque élément, que le degré dans lequel il est adapté à concourir au but total de l’œuvre. […] Wagner dit (IV, 174) : « Le poète prend de nombreux faits épars, tels que la raison les perçoit, des actions, des sentiments, des passions, et il les fait converger, autant que possible, en un seul point ; c’est ainsi qu’il peut arriver à agir sur l’émotion.

2125. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Ajoutons ceci, qu’abandonner les phénomènes à la crédulité, c’est faire une trahison à la raison humaine. […] La sagesse tout de suite, la raison fort tard ; c’est là l’histoire étrange de l’esprit humain. […] La sagesse est dans Homère et dans Job ; la raison, telle qu’elle doit être pour vaincre les préjugés, c’est-à-dire complète et armée en guerre, ne sera que dans Voltaire. Le bon sens n’est pas la sagesse, et n’est pas la raison ; il est un peu l’une et un peu l’autre, avec une nuance d’égoïsme. […] Ces œuvres sont anonymes, et, par cette grande raison de l’Homo sum, tout en les admirant, tout en les constatant au sommet de l’art, nous leur préférons les œuvres nommées.

2126. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

… » Alors, celui avec lequel il s’entretenait reprit en ces mots : « Ô Crésus, si c’est avec raison qu’une juste espérance du succès vous fait désirer vivement que les habitants des îles viennent réellement attaquer le continent avec de la cavalerie, que pensez-vous que ces mêmes insulaires doivent de leur côté souhaiter plus ardemment, lorsqu’ils ont appris que vous étiez occupé à faire construire des vaisseaux, que de rencontrer vos Lydiens en mer, et de vous voir ainsi leur offrir vous-même l’occasion de venger les malheurs des Grecs du continent, que vous venez de réduire en servitude ?  […] « — Tu l’emportes, mon fils, reprit Crésus ; cette explication que tu donnes à mon rêve me persuade, et je cède à tes raisons ; je reviens donc sur ma résolution, et consens que tu prennes part à cette chasse. » « En achevant ces mots, Crésus fit appeler le Phrygien Adraste et lui parla ainsi : « Adraste, lorsque, chargé du poids importun d’un malheur que je suis loin de vous reprocher, vous êtes venu me trouver, je vous ai purifié. […] quelle partie du monde habitent-ils, et par quelle raison vous-mêmes êtes-vous venus à Sardes ?  […] À sa mort, les Lacédémoniens voulurent, comme la loi le prescrivait, prendre pour roi l’aîné de ces enfants ; mais, ne pouvant les distinguer et n’ayant conséquemment aucune raison pour choisir l’un de préférence à l’autre, ils résolurent de consulter celle qui les avait mis au jour. […] Il est le père du bon sens dans l’histoire ; mais de l’histoire, non ; il faut aller aux Indes, il faut aller à Moïse, pour trouver les historiens sans critique, les historiens primitifs et miraculeux, miraculeux de style comme de traditions ; l’époque critique naît longtemps après ; la raison éclaire, mais elle n’impressionne pas.

2127. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Nous avons entendu un petit garçon de treize ans appeler sa mère « vache, bonne à rien », lui dire que son père avait bien raison de lui administrer de bonnes danses en attendant qu’il soit assez fort pour en faire autant8 » Ces réflexions si judicieuses d’un homme qui a passé sa vie avec les ouvriers et qui ne prend la plume que pour proposer des remèdes à leur misère, sont-elles suffisantes à faire comprendre l’expression employée par M.  […] Lui-même d’ailleurs, explique très clairement les raisons qui l’ont engagé à rester en dehors du drame : « Personnellement, dit-il dans son feuilleton » du Voltaire, je regardais la scène comme une tentative grave et dangereuse. […] Il s’agit de découper en quelques tableaux une œuvre traitée sans considérations d’espace ; d’amener, dans un même acte, des personnages qui semblent n’avoir aucune raison de se trouver dans les mêmes lieux ; de condenser en quelques heures une action qui met souvent des années à se développer ; de faire ressortir, par l’action seulement, une foule de faits, de détails que le romancier peut mettre en relief par la description. […] Les spectateurs qui ont quelque souci de la logique ont mille raisons d’être surpris, et, par conséquent, mécontents. […] Zola, qu’il n’y a aucune raison d’employer une périphrase pour désigner une chose, tandis qu’on a le mot propre sous la main ; nous verrons que Shakespeare et ses contemporains : Ben-Johnson, Fletscher, Marlowe, ne reculaient devant aucune crudité de langage, devant aucune observation humaine, quelque cruelle et amère qu’elle fût ; nous les verrons  et Molière avec eux  rechercher et mettre en évidence la cause des mauvais penchants : ce qui est tout le procédé naturaliste   Seulement, Rabelais, Shakespeare, Molière étaient des faits isolés dans leur époque.

2128. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

. — Ces raisons sont bonnes assurément, et pourtant nos naturalistes n’ont pas tort : le détail psychologique, qui abonde chez Stendhal, y est en effet toujours lié à la vue nette de la réalité, de chacun de ses personnages, de ses mouvements, de son attitude, d’une fenêtre qu’il ouvre ou d’une taille qu’il enveloppe discrètement de son bras58. […] Il donne pour raison de cette définition ambitieuse qu’il a le même but et les mêmes méthodes que la science. […] Avant les progrès envahissants de la science contemporaine, le romancier, dans une étude psychologique, se contentait de prendre l’état d’âme existant et le dépeignait tel qu’il le trouvait, sans en demander compte ni aux raisons physiologiques, ni au milieu dans lequel son héros se trouvait placé. […] Le docteur Maudsley remarque avec raison que le suicide était l’inévitable et naturelle terminaison des tristesses maladives d’un tel caractère. […] … » « Froide et fixe, la Niobé se redresse, sans espérance, et les yeux fixés au ciel, les flèches inévitables, et l’implacable sérénité des dieux… » Pour Taine, la « raison et la santé sont des accidents heureux » ; « le meilleur fruit de la science est la résignation froide, qui, pacifiant et préparant l’âme, réduit la souffrance à la douleur du corps… » … Après avoir montré que l’imperfection humaine est dans l’ordre, comme l’irrégularité foncière des facettes dans un cristal.

2129. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorchain, Auguste (1857-1930) »

Ce n’est point qu’il ne se donne de bonnes raisons : « Tu seras plus tranquille ensuite, tu auras la tête moins lourde et tu travailleras mieux ».

2130. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Expressions parfaites d’un idéal où la raison, la vertu et la beauté sont inséparables, les littératures antiques, soit sous leur forme profane, soit sous leur forme chrétienne, étaient pour lui une révélation lumineuse, où il trouvait à toute heure ce qui nourrit l’esprit et réchauffe le cœur.

2131. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Zola une renaissance imminente de l’idéalisme et lui en donner les raisons.

2132. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 234-238

Bayle, à le bien examiner, n’est qu’un tissu de contradictions, où l’abus du raisonnement se fait toujours sentir au préjudice de la raison même, ce qui doit le rendre moins dangereux pour tout esprit éclairé & solide.

2133. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 451-455

Voici ce qu’on dit de M. l’Abbé de Caveirac, dans la Réponse aux Docteurs modernes *, Ouvrage où l’éloquence se fait sentir, autant que le courage & la raison.

2134. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 285-289

Le Président Cousin avoit ses raisons.

2135. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

La Philosophie et la Religion, ces deux pôles de la raison humaine, sont l’objet des deux dernières études.

2136. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre II. De l’Allégorie. »

Enfin, il est si vrai que l’allégorie physique, ou les dieux de la fable, détruisaient les charmes de la nature, que les anciens n’ont point eu de vrais peintres de paysage59, par la même raison qu’ils n’avaient point de poésie descriptive.

2137. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 19, de la galanterie qui est dans nos poëmes » pp. 143-146

L’amour ne sçauroit mieux se faire sentir que par cette repetition : c’est la marque de l’yvresse de la passion que de n’entendre pas les raisons qu’on lui oppose.

2138. (1912) L’art de lire « Avant-propos »

Ce n’est plus lire, cela ; ce n’est plus s’abandonner ; c’est réagir ; c’est lire en soi beaucoup plus que dans l’auteur. » Il avait bien un peu raison.

2139. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Par une raison très simple, qui s’est reproduite en beaucoup de lieux. […] Raynouard cite des faits curieux, allègue des raisons ingénieuses. […] Il en donnait la raison, que je vous dirai un peu plus tard. […] Chacun des interlocuteurs donne ses raisons pour et contre la croisade. […] La raison avait déjà ses droits.

2140. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Faite pour parler au sentiment, comme la logique et la grammaire parl ent à l’esprit, elle impose silence à la raison même. — Les hommes sont le premier livre que l’écrivain doive étudier pour réussir, après quoi il étudiera les grands modèles !  […] Seulement, Hamlet a peur de ce grand peut-être qu’il affronte ; Don Juan, au contraire, se rassure derrière le faible abri de sa raison à laquelle il a bien soin de ne pas adresser de question impertinente. — Voilà la question ! […] Son imagination lui parle plus haut que sa raison. Le spectateur croit au fantôme, par la raison que dit saint Thomas quelque part : —  Credo quia absurdum ; j’y crois parce que c’est absurde  ; et c’est là tout à fait une excellente, une admirable, une irrésistible raison. […] poursuivi dans ses derniers retranchements par une raison inflexible et lumineuse.

2141. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Victor Hugo n’a pas changé d’opinion, pour une raison excellente : c’est qu’il n’en a jamais eu. […] Ils causent, et leur conversation effleure tous les sujets, sans peine, sans effort, et surtout sans raison. […] Elsbeth épouse par résignation, pour la raison d’État, le prince de Mantoue, qui est ridicule et sot. […] Elle sait très bien que les petites princesses ne sont pas sur la terre pour être heureuses, — et les petites bourgeoises non plus… Pour les princesses, il y a la raison d’État, et pour les petites bourgeoises, il y a le mariage de raison. […] Et quelle était la raison qui faisait qu’on avait toujours échoué jusque-là ?

2142. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cros, Charles (1842-1888) »

Lisez encore ces choses, ni poèmes en prose (titre et forme bien affadis depuis ces maîtres, Aloysius Bertrand, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé, Arthur Rimbaud), ni contes, ni récits, ni même histoires, le Hareng saur, angélique enfantillage justement célèbre, et le Meuble, que j’ai toutes raisons d’environner de sympathies même intrinsèques pour ainsi parler, l’ayant possédé, ce meuble, du temps où je possédais quelque chose au soleil de tout le monde.

2143. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

Ce vœu de négliger les muettes dans le corps du vers répugne à notre tempérament analytique, et c’est Ronsard qui a raison quand il écrit : Mari-e, vous avez la joue aussi vermeille Qu’une rose de mai… Encore ne faut-il pas considérer comme étrangers les écrivains de race gréco-latine (Pélasges).

2144. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Au bout de quarante ans, je trouve encore que nous eûmes pleinement raison de nous attacher à elle.

2145. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 424-428

A-t-il pu ignorer que ceux de Périclès, d’Auguste, de Léon X, & de Louis XIV, seront toujours, par excellence, les Siecles du goût & de la raison ?

2146. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 94-98

Nourri de la lecture des Anciens, dont il paroît s'être pénétré ; appuyé sur les principes invariables de la nature, qui sont ceux du vrai & du beau ; toujours armé du flambeau de la raison, l'Auteur parcourt d'un pas noble & ferme les différens âges du Génie Littéraire de la France, découvre les causes qui l'ont retenu long-temps captif dans les chaînes de l'ignorance & du mauvais goût, & nous montre par quels secours il en a triomphé.

2147. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

Qu’on vante tant qu’on voudra celui qui, démêlant les secrets de nos cœurs, fait sortir les plus grands événements des sources les plus misérables : Dieu attentif aux royaumes des hommes ; l’impiété, c’est-à-dire l’absence des vertus morales, devenant la raison immédiate des malheurs des peuples : voilà, ce nous semble, une base historique bien plus noble, et aussi bien plus certaine que la première.

2148. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Notre raison n’est pas pervertie par un culte abominable ; nous n’adorons pas des monstres ; l’impudicité ne marche pas le front levé chez les chrétiens ; nous n’avons ni gladiateurs ni esclaves.

2149. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 38, que les remarques des critiques ne font point abandonner la lecture des poëmes, et qu’on ne la quitte que pour lire des poëmes meilleurs » pp. 554-557

Mais les raisons que nous avons exposées dans ces refléxions et l’expérience du passé, montrent suffisamment que la possibilité de faire un poëme épique françois meilleur que l’éneïde, n’est qu’une possibilité métaphisique, et telle qu’est la possibilité d’ébranler la terre en donnant un point fixe hors du globe.

2150. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il savait bien qu’un jour ou l’autre il aurait raison de la foule. […] Nous nous plaignons parfois, et avec raison, de la censure. […] Molière a raison, je vous jure, et le zèle de ces gens est intolérable à la fin. […] On y reviendra, je gage, et on aura raison. […] bon Dieu, dit Molière, en montrant Fourcroi, qu’est-ce que la raison avec un filet de voix contre une gueule comme celle-là ? 

2151. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Mignon insiste, avec beau coup de raison, sur la valeur éducative de l’exemple. […] et avais-je raison ? […] Cette probité intellectuelle, Grasset y voyait, avec raison, une des formes de son apologétique. […] Autre danger et pour la même raison du côté de l’Angleterre. […] Avais-je raison de dire que ces deux syllabes résument l’essence même du génie français ?

2152. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Henry Laujol a raison de parler ainsi. […] Malgré l’opérette et le trottoir, tu es un être de raison, une chimère ; tu es — oh ! […] Il y a une bonne raison à cela. […] Il y avait eu une raison à cela, que nous ne démêlons bien qu’aujourd’hui. […] Ces gens-là ont bien raison.

2153. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Je pense que j’en entrevois la double raison. […] Cette lumière-là, c’est la Raison. […] J’ai pu, il y a longtemps déjà, écrire avec raison : « Hélas ! […] Il avait bien raison. […] André Lefèvre, (cette fois il avait raison), de M. 

2154. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Aimé Martin. De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes. »

Depuis quelques années, l’attention des philosophes et de tous ceux qui s’occupent sérieusement du problème social s’est tournée sur la condition de la femme, sur les changements de destinée auxquels elle était appelée, sur la fonction importante qu’elle aurait à remplir dans un ordre où l’on suppose que devront prévaloir l’égalité et la raison.

2155. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Georges Rodenbach Ils sont exquis de sentiment, de vocabulaire, d’image, ces vers choisis au hasard dans un livre soigné, et d’un métier sur de lui-même, qui, sans rompre avec toute la tradition d’une prosodie fondée en raison, profite des acquêts nouveaux, aère l’alexandrin, ductilise le sonnet, embrume la rime jusqu’à l’assonance ; et ce n’est pas un des moindres charmes de ce poème que la netteté des impressions et des pensées en une forme fluide et flottante, comme qui dirait des figures de géométrie faites avec de la fumée.

2156. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

J’ai voulu aussi professer, à mon début dans la science, ma foi profonde à la raison et à l’esprit moderne, dans un moment où tant d’âmes affaissées se laissent défaillir entre les bras de ceux qui regrettent l’ignorance et maudissent la critique.

2157. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Si la matiere principale de l’Histoire n’est pas la Vie des Princes, le but principal qu’on doit se proposer en l’écrivant, c’est de les instruire : & c’est une raison de rapporter tout aux affaires publiques, & de leur faire connoître qu’il n’y a rien de beau ou de bon à exécuter, que ce qui tend à détourner un mal ou à procurer un bien public. » Les Littérateurs cultivés reconnoîtront d’abord dans ces maximes, bien des principes qui nous ont été débités récemment comme des découvertes ; & si l’on jugeoit d’après elles certains Historiens qui s’en sont fait honneur, pourroient-ils seulement mériter ce titre ?

2158. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

On croit, au moins, que c’est la raison pour laquelle deux autres filles de Lycambe suivirent l’exemple de leur père.

2159. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Préface »

Du reste, quoique ces trois poètes qui, à tort ou à raison, ont passionné l’imagination de leur temps, ne soient pas personnellement pris à partie dans cette première fournée des Poètes du xixe  siècle, ils y sont pourtant à bien des pages où les imitateurs qu’on y juge font des repoussoirs à leurs maîtres et les grandissent de leur petitesse, à eux.

2160. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Les idées de Dieu sont le moule et le modèle de tout, la raison efficiente de toute beauté et de toute bonté dans les choses. […] — Tais-toi, mon cher, répondit-il, j’ai quitté l’amour avec joie comme on quitte un maître furieux et intraitable. — Je jugeai dès lors qu’il avait raison de parler de la sorte, et le temps ne m’a pas fait changer de sentiment. […] « — Ainsi donc, réunir ces diverses fonctions, ou passer de l’une à l’autre, c’est ce qui peut arriver de plus funeste à l’État et ce qu’on peut très bien appeler un véritable crime. » XV La communauté des femmes et des enfants, ce scandale de la raison et ce sacrilège contre la nature, est un des fondements de sa société. […] La philosophie selon la raison précéda ainsi la philosophie selon la foi.

2161. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

La poésie sera de la raison chantée ; voilà sa destinée pour longtemps ; elle sera philosophique, religieuse, politique, sociale, comme les époques que le genre humain va traverser ; elle sera intime surtout, personnelle, méditative et grave ; non plus un jeu de l’esprit, un caprice mélodieux de la pensée légère et superficielle, mais l’écho profond, réel, sincère, des plus hautes conceptions de l’intelligence, des plus mystérieuses impressions de l’âme. […]   À côté de cette destinée philosophique, rationnelle, politique, sociale de la poésie à venir, elle a une destinée nouvelle à accomplir ; elle doit suivre la pente des institutions et de la presse ; elle doit se faire peuple et devenir populaire comme la religion, la raison et la philosophie. La presse commence à pressentir cette œuvre, œuvre immense et puissante qui, en portant sans cesse à tous la pensée de tous, abaissera les montagnes, élèvera les vallées, nivellera les inégalités des intelligences, et ne laissera bientôt plus d’autre puissance sur la terre que celle de la raison universelle qui aura multiplié sa force par la force de tous. […] C’est à populariser des vérités, de l’amour, de la raison, des sentiments exaltés de religion et d’enthousiasme, que ces génies populaires doivent consacrer leur puissance à l’avenir.

2162. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

À plus forte raison, pour les races futures en sera-t-il ainsi de notre génération qui vénère Hugo dans le splendide épanouissement d’une gloire impérissable. […] Leconte de Lisle Quelles que soient les causes, les raisons, les influences qui ont modifié sa pensée ; bien qu’il se soit mêlé ardemment aux luttes politiques et aux revendications sociales, Victor Hugo est, avant tout, et surtout, un grand et sublime poète, c’est-à-dire un irréprochable artiste, car les deux termes sont nécessairement identiques. […] Il a raison, il faut admirer et aimer, toute la force est là. […] Chaque fois qu’une œuvre nouvelle de Victor Hugo est divulguée, elle justifie l’admiration presque aveugle que lui ont vouée les poètes et donne raison à leur ferveur envers lui.

2163. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Whistler a remplacé, sans raison, par les formes ingracieuses d’un personnage en habit noir, ce qui, l’année dernière, rendait si intense l’émotion de son tableau, ces vagues contours féminins, et cette ressemblance d’un mince visage lascif, imprégnant à peine d’une mystérieuse tache claire l’harmonie sombre des couleurs, Aujourd’hui ce n’est plus une symphonie, mais un portrait : et nous nous affligeons, alors, de ce que la réalité visuelle n’ait pas été reproduite. […] C’est pour cette raison que hors d’Angleterre les noms de nos meilleurs maîtres ne sont pas même connus. […] Soldi prouve savamment, ce caractère réaliste de la première sculpture, et par quelles raisons elle fut modifiée. […] Elle préfère s’acharner, sans raison à des efforts vains.

2164. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Ce qui est vrai de nos sens est vrai aussi de notre imagination, de notre mémoire, de notre entendement, de notre raison, de notre conscience même : nous ne pouvons connaître les choses que selon ce que nous sommes, non directement selon ce qu’elles sont. […] La ligne qui joint deux points est déjà, en un sens, préformée dans la sensation avant d’être formée et tirée par la réflexion. — À quoi les platoniciens répondent : Si ces rapports sont représentés dans l’ensemble des données, ils n’en sont pas dégagés, abstraits et remarqués à part ; or, ils ne sont vraiment perçus que quand ils sont remarqués et extraits ; pour cela, il faut que les parties diverses de l’étendue et de la durée soient dissociées, séparées par l’analyse, puis réunies par une synthèse. — Assurément, répondrons-nous ; mais cette dissociation et cette association ultérieures ne supposent pas un acte de raison pure. […] La différence des ténèbres à la lumière n’est assurément pas analogue aux ténèbres mêmes, ni à la lumière, la différence n’est pas une donnée des cinq sens ; mais ce n’est pas une raison pour croire qu’elle ne puisse se sentir, car on pourrait appliquer le même raisonnement au bien-être et au malaise, à la chaleur, au mal de tête ou, plus généralement, au sentiment d’une vie facile, d’une vie entravée, toutes choses qu’un peintre serait bien embarrassé de dessiner. […] Lachelier, on peut sentir sans savoir qu’on sent, et par conséquent Platon aurait raison de dire que la sensation est étrangère à toute connaissance, même aveugle et obscure.

2165. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Il est bien Français avant d’être catholique, et il n’a pas l’air de se douter qu’être catholique, dans cette monarchie fondée par les Évêques, — a dit Gibbon, mais qui s’est arrêté là, et qui n’a pas dit que tous ces Évêques étaient des Saints, — c’est encore la meilleure manière d’être Français et la meilleure raison pour l’être… Homme moderne, — mais plus élevé et plus étendu que l’esprit moderne, puisqu’il se croise, dans son livre, en l’honneur de l’unité de pouvoir si haïe de l’esprit moderne, qui ne veut que des pouvoirs multiples et des gouvernements qui ressemblent à des peuples, — l’auteur des Ducs de Guise, qui sait assez d’histoire pour ne jamais séparer la Royauté de la France, — l’ennemi de la Féodalité, mais, pour les mêmes raisons, l’ennemi de la Démocratie, parce que, ici ou là, c’est le pouvoir multiple, éparpillé, croulant en anarchie toujours, — l’auteur des Ducs de Guise croit justement que cette unité de pouvoir à conserver, ou à refaire quand elle a été défaite, fut la gloire de tout ce qui fut grand et sera la gloire de tout ce qui doit le redevenir dans notre histoire, mais il ne croit pas que cette gloire ne soit que la seconde. […] Il pèse sur tout cela, par la juste raison que, dans tout pays et dans tout siècle, tout cela, c’est la ruine, la dévastation, la misère et la honte d’un gouvernement et d’un peuple. […] Henri IV n’a pas le fanatisme religieux qui fut la plus honorable passion du xvie  siècle, et pour cette raison, qui n’est pas la seule, du reste, mais qui est la plus puissante, il est peut-être la seule figure de son histoire qui soit entièrement sympathique à Forneron, l’écrivain politique de ce temps, qui, au temps de Henri IV, se serait certainement rangé dans le parti des politiques qui mirent fin à la guerre civile, et tirèrent de la vieille Constitution de la monarchie catholique, qui avait été la monarchie française, une monarchie d’un autre ordre, — la monarchie des temps modernes.

2166. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Gui Patin a pourtant raison de dire que, bien qu’on joigne souvent, pour les comparer, Voiture à Balzac, il ne doute point que ce dernier « ne le doive emporter de beaucoup, tant pour son érudition universelle que pour la force de son élocution ». […] Je n’aime point qu’on fasse tant de livres De venenis par la même raison. […] Diafoirus dit en parlant de son fils : « Mais sur toute chose, ce qui me plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions de nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle touchant la circulation du sang, et autres opinions de même farine. » Les créations comiques de Molière sont immortelles en ce qu’elles ont pied à tout moment dans la réalité.

2167. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Pour le bien connaître enfin, Roederer, à la fois pratique et un peu paradoxal, ayant son grain d’humeur, mais obéissant à son mouvement d’idées, fut pendant des années un précepteur actif du public, et, dans cette voie ouverte par la Constituante, admettant tous les correctifs de l’expérience, prompt à les indiquer, il ne craignit pas, en se multipliant de la sorte, de perdre quelquefois en autorité personnelle, pourvu qu’il fût utile à la raison de tous : il ne cessa d’écrire, de conseiller, de dire son avis à chaque nouvelle phase de la Révolution et pendant chaque intervalle, et toujours avec un grand tact des événements et des situations54. […] Le 5 juin 1796, par exemple, Roederer écrivait, sous forme de « Lettre à une dame », une réponse à une question qu’on lui avait adressée : « De quelques livres bons à emporter à la campagne ». — Il faisait plus, il prenait les initiales d’une femme de ses amis, en imprimant un opuscule : Conseils d’une mère à ses filles (1796) ; il s’autorisait du déguisement et tenait assez bien la gageure dans ses préceptes maternels d’une raison modeste et solide. […] Vous aviez grande raison en principe, mais vous étiez en erreur de fait ; car je faisais ce que vous demandiez que je fisse. » — L’article auquel Bonaparte faisait allusion, et qui était dans le Journal de Paris du 25 juillet 1796, avait pour but de signaler le grand changement survenu dans les rapports du gouvernement et des généraux.

2168. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Faut-il que les raisons de cour, les protections, certains emplois déjà occupés, le grand âge, de longs mais froids services… Il s’embrouille dans sa phrase (ce qui lui arrive quelquefois quand les phrases sont longues), et il ne l’achève pas ; mais il suit très bien sa pensée, et il veut dire ce qu’il redit souvent encore ailleurs en des termes que je résume ainsi : « Les hommes à la guerre sont rares ; avec mes défauts, je crois en être un ; essayez de moi. » Villars, à la tête d’un détachement considérable et par le fait général en chef, investi de la confiance du roi, ne songe qu’à la justifier. […] Villars insista pour un retard, il donna des raisons militaires de tout genre. […] Je serai plus circonspect à l’avenir, et je ressens une vive douleur de m’en être écarté… Quand on lit la suite de ses lettres, il semble toutefois que les bonnes raisons pour la conduite qu’il tint alors ne lui ont pas tout à fait manqué.

2169. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Damas-Hinard croit avoir de bonnes raisons de supposer que ce mariage était le second de Rodrigue qui avait alors quarante-huit ans environ ; il y aurait eu une première Chimène. […] En ce qui est du Cid en particulier, et quel que soit le contraste de ce qu’il est devenu dans la poésie à ce qu’il s’est montré dans l’histoire, il y a quelque raison pourtant à ce travail d’adoucissement et d’épuration dont il a été l’objet. […] si je prends ou fais tuer le Cid, mes Cortès se révolteront ; et, si je ne fais point justice, mon âme le payera. » Et là-dessus Chimène prend la balle au bond et dit : « Tiens, toi, tes Cortès, ô roi ; que personne ne les soulève ; et celui qui tua mon père, donne-le-moi pour égal : car celui qui m’a fait tant de mal me fera, je sais, quelque bien. » Chimène se conduit encore ici comme dans la Chronique ; elle insiste seulement beaucoup plus sur ses griefs et sur les raisons qu’elle a de demander justice.

2170. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

C’est à eux d’avoir raison de la routine, de remettre au pas l’enseignement secondaire, et de faire que l’humaniste, en nos écoles, rejoigne au plus tôt le philologue. […] La répétition, la reprise de domus alta à la fin d’un vers et au commencement du vers suivant a paru avec raison un de ces accents particuliers au génie du poète, et que même l’œil ne retrouverait pas dans Racine. […] Après un Conseil où la question avait été une dernière fois agitée, où toutes les raisons s’étaient produites, toutes les considérations pour et contre, et où, chaque chose bien pesée, le Cabinet se décidait pour l’action avec toutes ses chances, on allait se séparer : la discussion s’était prolongée jusque bien avant dans la nuit ; M. de Rémusat, ministre patriote et lettre, s’écria en se levant et en concluant le débat : « Fata viam invenient… » Par malheur, la décision resta sans effet ; le roi ayant reculé au dernier moment, le Cabinet donna sa démission, et le ministre en fut pour sa belle allusion virgilienne.

2171. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Mille raisons les plus fortes m’attachent à M.  […] Si l’on a remarqué avec raison que les grandes crises révolutionnaires et les tempêtes politiques ont pour effet de ramener en foule les naufragés et les vaincus au pied des autels, cela n’est pas moins vrai des intelligences supérieures que l’imagination ou que la sensibilité domine, et qui sont tentées dans ces terribles catastrophes de voir et de discerner comme deux plans et deux sphères, l’inférieure où les lutteurs humains se combattent, la supérieure qui en est comme la transfiguration et où se déroulent dans leur harmonie les causes providentielles. […] Et, quelques jours après, dans une lettre du 9 juillet, il réitère et confirme l’aveu, même en l’adoucissant : « On m’a fait entendre, et, je crois, avec raison, que ma dernière lettre était trop vive.

2172. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est possible pourtant que l’ordre daté de Dresde, le 13 mai au soir, ait paru indiquer plus probablement au maréchal cette direction de Berlin, et que Jomini ait dû alors insister auprès de lui par toutes les raisons stratégiques qui tendaient à la contre-indiquer. […] Était-ce une raison pour qu’à l’épreuve il ne sût point conduire une troupe au feu ? […] Il eut raison, à la longue, de l’envie et des préventions hostiles.

2173. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Une des raisons qui expliquent encore la vogue rapide de M. de Balzac par toute la France, c’est son habileté dans le choix successif des lieux où il établit la scène de ses récits. […] » Ailleurs, dans Louis Lambert, non loin des brûlantes et simples lettres du jeune homme, ce sent des expressions de mnémotechnie pécuniaire, un enfant dont je partageais l’idiosyncrase ; dans les Célibataires, je trouve une raison coefficiente des événements, des phrases jetées en avant par les tuyaux capillaires du grand conciliabule femelle, etc. […] Enfin je commençai à craindre que ma joie ne me fît perdre la raison.

2174. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Il est arrivé qu’il y a eu, pour les ouvrages de l’esprit, une critique alerte, quotidienne, publique, toujours présente, une clinique chaque matin au lit du malade, si l’on ose ainsi parler ; tout ce qu’on peut dire pour ou contre l’utilité de la médecine se peut dire, à plus forte raison, pour ou contre l’utilité de cette critique pratique à laquelle les bien portants même, en littérature, n’échappent pas. […] Ces consciences tendres ont-elles tort ou raison ? […] L’obscénité de Bayle (on l’a dit avec raison) n’est que celle même des savants qui s’émancipent sans bien savoir, et ne gardent pas de nuances.

2175. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

On avait toujours dit, et avec assez de raison, que je le servais fort à ma commodité, et on avait voulu me faire de cette légèreté un grand démérite à ses yeux ; mais son apathie, qui lui rendait tout indifférent, l’avait empêché de s’en choquer, et j’avais usé plus que personne de cette facilité que l’on admirait en lui pour les gens qui l’approchaient, et qui n’était que l’effet de la plus complète indifférence. […] Mais la meilleure raison encore du peu d’effet que faisait sur l’esprit de la Cour et de Paris la conduite véritablement respectable de Mesdames, c’était l’objet de leur sacrifice. […] Quelque ferme que l’on soit dans son opinion, quand on y attache un grand prix, et quelque raison que l’on croie avoir de l’être, on la voit encore avec plaisir être celle des autres, et cette idée y confirme davantage.

2176. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Avant lui, on se demandait s’il était facile d’écrire des poèmes en russe, et toute une école de critiques autorisés soutenait, « par vives raisons », qu’on devait employer pour la poésie la langue slavone, c’est-à-dire celle dans laquelle sont traduits les livres saints, la langue de la liturgie et de la chaire. […] J’entends par l’histoire officielle, celle de Karamzine, approuvée par la censure de son temps, car j’ai de bonnes raisons pour croire que l’imposteur n’était pas le moine défroqué Grégoire Otrépiev, que l’Église russe maudit encore aujourd’hui pour un crime dont il me paraît fort innocent. Et ma grande raison, c’est que je suis l’auteur d’un travail historique sur le même sujet, où je crois avoir prouvé que le faux Démétrius était un Cosaque ou un Polonais ; mais je suis accommodant et prêt à me prêter à toutes les hypothèses, pourvu qu’on donne à l’imposteur des sentiments et un caractère conformes au rôle qu’il a joué.

2177. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Les héros sonores ont jusqu’à ce jour assourdi la raison humaine. […] Ôtez Pitt et mettez Fox, plus de raison d’être à cette exorbitante bataille de vingt-trois ans. […] Cela n’est pas, pour deux raisons : Dieu n’a pas de main, et les rois n’ont pas de cœur.

2178. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Cette étude s’impose encore à nous pour une autre raison : c’est que la signification est un caractère très important, bien que nullement intrinsèque, de la parole intérieure. […] Plus une pensée est banale, plus facilement elle s’exprime ; plus elle est neuve, moins de chances elle a d’être énoncée vite et bien ; dire cela, c’est formuler une loi psychologique indiscutable ; mais dire que les penseurs le plus originaux sont des écrivains barbares, tandis que les maîtres du style sont les apôtres du sens commun, et qu’en général les qualités du style sont en raison inverse de la pénétration de la pensée, c’est formuler une loi d’éthologie ; or les lois de cet ordre ne sont jamais vraies qu’entre certaines limites et souffrent toujours un certain nombre d’exceptions ; il y a des esprits médiocres qui cherchent leurs mots et ne trouvent pas ceux qu’il faudrait ; il y a des esprits inventifs qui les trouvent promptement et chez lesquels ils se combinent heureusement du premier coup. […] Voici le passage entier : Il est certains esprits dont les sombres pensées Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ; Le jour de la raison ne le saurait percer.

2179. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Il faut qu’elle soit une France consacrée, où chacun n’aura qu’une raison d’être, le Devoir. […] »‌ Et cette exaltation tendre s’associe à la plus ferme raison. […] La merveille est que ce petit guerrier, qui sait éviter la bassesse sentimentale et l’aveuglement démagogique, conserve une noble humanité dans son âme, et c’est là le miracle de la raison française, la divine souplesse de notre race, quand elle atteint son point de perfection.‌

2180. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Ainsi, ni dans la perception, ni dans la mémoire, ni, à plus forte raison, dans les opérations supérieures de l’esprit, le corps ne contribue directement à la représentation. […] Mais le réalisme, si on ne le corrige sur un point essentiel, est aussi inacceptable que l’idéalisme, et pour la même raison. […] Si, dans le cas d’un objet présent, un état de notre corps suffisait déjà à créer la représentation de l’objet, à plus forte raison cet état suffira-t-il encore dans le cas du même objet absent.

2181. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Il s’extasie, au début de la première olympique sur « tant de sublimes figures qui se s’y trouvent réunies1, la métaphore, l’apostrophe, la métonymie », et définit Pindare « un génie qui, pour mieux entrer dans la raison, sort de la raison même ». […] Par-là, et non pas seulement par de belles formes d’imagination, le poëte de Dircé s’élève ; il est lui-même un prêtre et, selon toute apparence, le prêtre du culte plus épuré que, sous la forme mythologique, la raison commençait à démêler, à travers les traditions confuses et les nombreux symboles du polythéisme.

2182. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Bien que, pour plus d’une raison, je doive m’interdire l’examen de cette partie toute théologique du volume, je ne puis omettre de remarquer que M.  […] Scherer a raison de dire que « Lamennais est, avec Chateaubriand, le plus grand maître d’invective que nous offre la langue française ».

2183. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

On lui reproche La Guerre des dieux et on a raison ; mais les élégies restent, ces élégies sont un des plus agréables monuments de notre poésie moderne. » Fontanes, Projet de rétablissement de l’Académie française, 1800. […] Le plus rébarbatif de tous, M. de Bonald, a dit : « Je crois que la poésie érotique est finie chez nous, et que, dans une société avancée, on sentira le ridicule d’entretenir le public de faiblesses qu’un homme en âge de raison ne confie pas même à son ami.

2184. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Elle lui donnait les meilleurs conseils pour son Holstein ; c’est même par là qu’elle fit son premier apprentissage en politique, traitant les affaires de ce petit État avec l’ambassadeur de Vienne qui était à Pétersbourg et qui disait au grand-duc : « Votre femme a raison ; vous feriez bien de l’écouter. » Il suivit le conseil et n’eut pas à s’en repentir. […]  » Sans vouloir contredire aux idées d’un vieillard, et les regardant d’ailleurs comme un pur radotage, elle n’avait pas, dit-elle, mordu à cette amorce, par la raison « qu’elle regardait le projet comme nuisible à l’Empire, que chaque querelle entre un époux qui, ne l’aimait pas, et elle, aurait, déchiré » :— C’est qu’aussi elle ne marchandait point en fait de puissance, et qu’elle voulait être Impératrice, comme elle l’a dit, de son chef ; sinon, elle aimait mieux n’être rien : aut Cæsar, aut nihil.

2185. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Les esprits curieux et libres, les esprits délicats et fins, sont enclins à ne pas goûter Bossuet, et ils ont leurs raisons pour cette antipathie. […] Et montrant de plus, au sujet de la controverse avec Leibnitz, que Bossuet n’était entré, à aucun moment, dans l’esprit même de cet essai de conciliation chrétienne supérieure et avait prolongé, sans paraître s’en douter, un malentendu perpétuel, il se risquait à dire que cela donnait quasi raison à certains critiques délicats « qui trouvent à Bossuet l’imagination d’Homère et point d’esprit ».

2186. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Deux voix s’élèvent tour à tour Des profondeurs troubles de l’âme : La raison blasphème, et l’amour Rêve un dieu juste et le proclame. […] Elle s’attriste vite du trop de raison, du trop de prudence.

2187. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

En cela, il avait fort raison, et le procédé si vanté de Voltaire, d’écrire les vers sous forme de prose pour juger s’ils sont bons, ne mène qu’à faire des vers prosaïques, comme le sont, au reste, trop souvent ceux de Voltaire. Mais, à force de méditer sur les prérogatives de la poésie, Le Brun en était venu à envisager les hardiesses comme une qualité à part, indépendante du mouvement des idées et de la marche du style, une sorte de beauté mystique touchant à l’essence même de l’ode ; de là, chez lui, un souci perpétuel des hardiesses, un accouplement forcé des termes les plus disparates, un placage extérieur de métaphores ; de là, surtout vers la fin, un abus intolérable de la Majuscule, une minutieuse personnification de tous les substantifs, qui reporte involontairement le lecteur au culte de la déesse Raison et à ces temps d’apothéose pour toutes les vertus et pour tous les vices.

2188. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

La puissance de la raison se développe et s’étend chaque jour à des objets nouveaux. […] On remarque, avec raison, que le goût de la première littérature (à quelques exceptions près que je motiverai en parlant des pièces de théâtre) était d’une grande pureté ; mais comment le bon goût n’existerait-il pas, dans l’abondance et dans la nouveauté de tous les objets agréables ?

2189. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Si le libre examen leur est inconnu, à plus forte raison la demi-croyance, le doute et toutes ces mille nuances qui séparent la certitude de l’ignorance. […] Dans cette continuelle opposition, votre personnalité se formera, se reconnaîtra, votre esprit s’habituera à tenir tête aux pensées d’autrui, à chercher les raisons de ses jugements, à débrouiller la masse confuse de ses sentiments, à secouer le joug de la chose écrite.

2190. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

À plus forte raison, quand il s’agit de textes littéraires, tout gonflés de substance et riches de nuances, où les intentions se croisent et se superposent, et dont les possibilités de signification ne sont en quelque sorte limitées que par la capacité des esprits qui s’y appliquent, il ne suffît pas, pour les bien lire, d’avoir appris à lire à l’école. […] Le ministère, après l’épreuve décisive de l’enseignement de l’histoire littéraire, leur donna raison, et l’explication française devint officiellement un des exercices réguliers et importants de la classe de français.

2191. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Emmanuel Des Essarts Qu’on proclame l’Aède éternisé parmi Les maîtres du grand Art radieux et prospère, J’adorerai Celui dont il fut dit : « le Père » Et dont nous disions, fils respectueux : « l’Ami », Mâle raison, courage ardemment affermi, Qui, de rares vertus immuable exemplaire, Vint embrasser Paris dans la chance contraire, Et ne sut ni vouloir ni souffrir à demi ; Être indulgent et bon, soulevant les poètes, Tel qu’on voit Apollon sur un socle romain Tenir un petit dieu d’ivoire dans sa main, Et qui, plein de pudeur en ses fiertés muettes, Voilait discrètement, hormis pour notre chœur, Le plus beau, le plus pur des diamants, son cœur ! […] grâce à lui, la raison reprend peu à peu sa place légitime, celle de frein dans les impulsions de l’imagination et de la sensibilité, et c’est là le vrai sens de la boutade : « Mes métaphores se tiennent, tout est là » ; c’est beaucoup du moins ; et comme on l’avait oublié autour de lui, Vigny et Sainte-Beuve exceptés !

2192. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Il ne peut être question d’antinomies au sens absolu qu’à propos de thèses et d’antithèses métaphysiques, telles que celles que Kant a mises aux prises, vainement d’ailleurs, dans sa Critique de la raison pure et qui ne sont que des couples de notions contradictoires érigées en absolus, chacune de son côté, par la vertu d’un artifice dialectique. — Pris au sens relatif, le mot antinomie signifie que deux choses sont dans un rapport tel que le développement de l’une se fait aux dépens du développement de l’autre, que la pleine affirmation de l’une contrarie la pleine affirmation de l’autre, que l’une tend à détruire ou du moins à amoindrir et à affaiblir l’autre. […] L’individualisme uniciste revêt d’ailleurs autant d’aspects particuliers qu’il y a de modes possibles de différenciation pour les individus. — Un homme ne peut voir le monde, un homme ne peut penser exactement comme un autre homme ; de là un individualisme intellectuel. — Un homme ne peut sentir exactement comme un autre ; de là un individualisme sentimental. — Un homme ne peut avoir exactement les mêmes raisons d’agir qu’un autre ; de là un individualisme moral. — Un homme ne peut avoir exactement la même manière de sentir la beauté qu’un autre ; de là un individualisme esthétique. — Un homme ne peut avoir exactement les mêmes intérêts qu’un autre ; de là un individualisme économique. — Un homme ne peut avoir exactement la même puissance, ni par conséquent le même droit qu’un autre ; de là un individualisme juridique ou antijuridique, comme on voudra. — Ainsi dans les différents ordres de pensée et d’activité, l’individualisme uniciste nie tout idéal collectif : idéal intellectuel, sentimental, moral, esthétique, économique, juridique, politique.

2193. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

La Sagesse de Dieu a eu bien raison de dire 987 : « Je vous enverrai des prophètes, des sages, des savants ; vous tuerez et crucifierez les uns, vous ferez fouetter les autres dans vos synagogues, vous les poursuivrez de ville en ville ; afin qu’un jour retombe sur vous tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie 988, que vous avez tué entre le temple et l’autel. » Je vous le dis, c’est à la génération présente que tout ce sang sera redemandé 989. » Son dogme terrible de la substitution des gentils, cette idée que le royaume de Dieu allait être transféré à d’autres, ceux à qui il était destiné n’en ayant pas voulu 990, revenait comme une menace sanglante contre l’aristocratie, et son titre de Fils de Dieu qu’il avouait ouvertement dans de vives paraboles 991, où ses ennemis jouaient le rôle de meurtriers des envoyés célestes, était un défi au judaïsme légal. […] Luc (XI, 37 et suiv.) suppose, non peut-être sans raison, que ce verset fut prononcé dans un repas, en réponse à de vains scrupules des pharisiens.

2194. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Les sensations musculaires ont un double caractère affectif ou émotionnel et intellectuel ; tous deux160 en raison inverse l’un de l’autre. […] Bain revendique avec raison comme l’une des parties les plus originales de son œuvre, n’a été jusqu’ici l’objet d’aucune recherche importante chez les psychologistes.

2195. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Les fins passionnées et exagérées, en désaccord avec la raison, comme la fascination, l’enivrement, l’idée fixe, qui se rencontrent dans les faits bizarres du sommeil magnétique et des tables tournantes. […] Rien de plus commun que le désaccord des appréciations humaines sur les grandeurs, forces, poids, formes, couleurs… S’il en est ainsi pour les objets des sens externes, quelle raison avons-nous de croire que le sens interne est plus exact ?

2196. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Walckenaer, plein d’intérêt et de longueur, qui ressemble à la promenade en zigzag dont nous parlions ; c’est un livre qui rendrait Mme de Sévigné bien reconnaissante et qui l’impatienterait un peu ; elle dirait de son d’Hacqueville biographe, comme elle disait de l’autre quand elle le voyait se prodiguer pour des personnes du dehors : « Il est, en vérité, un peu étendu dans ses soins. » Mais la reconnaissance surnagerait, et elle doit à plus forte raison surnager chez nous, qui ne sommes point Mme de Sévigné, et que cet habile homme, informé comme on ne l’est pas, initie à tant de choses que, sans lui, nous n’aurions jamais eu chance de savoir. […] La seconde raison, c’est qu’elle aimait déjà un cousin de son mari, l’aimable et séduisant marquis de Villeroi.

2197. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Tout ce qui contribuerait à nous rendre dans l’expression la netteté première, à débarrasser la langue et l’esprit français du pathos et de l’emphase, de la fausse couleur et du faux lyrique qui se mêle à tout, serait un vrai service rendu non seulement au goût, mais aussi à la raison publique. […] [NdA] Lord Byron, dans une lettre à Murray (Ravenne, 12 octobre 1820), écrivait au sujet de son Don Juan et de ce qu’en disaient les femmes : « La vérité, c’est que c’est trop vrai, et les femmes détestent tout ce qui ternit l’oripeau du sentiment ; elles ont raison, car c’est leur arracher leurs armes.

2198. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Les disputes du quiétisme, de l’amour pur & parfait, si humiliantes pour la raison humaine, auroient eu le même sort, sans le nom des personnages qui s’y trouvèrent entraînés ; Louis XIV, madame de Maintenon, & les deux plus beaux génies qui fussent alors dans l’église. […] Mais, chacun croyant avoir également raison, ils écrivirent l’un contre l’autre.

2199. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

On avait tout d’abord parlé de Mémoires, mais dans ces Souvenirs il n’y a guère qu’une dizaine de pages ébauchées de ces Mémoires projetés par Madame Récamier, et que cette main charmante, qui n’aimait pas à écrire, et qui avait bien raison, n’écrivit jamais. […] des noms comme ceux de Chateaubriand, de Montmorency, de Noailles, de Devonshire, de Benjamin Constant, de Ballanche ; et de tant d’autres plus ou moins illustres, pour telle ou telle raison, et que je ne puis écrire ici.

2200. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

L’orpheline, nommée Madelaine, dans le roman, est madame Raison et Caractère, mais Hélène, qui est madame sans raison et sans caractère, est, de cette gerbe de trois femmes, la plus vraie, la plus humaine, la plus femme, et celle qui plaît davantage : je dirai tout à l’heure pourquoi… C’est ainsi que pour un premier roman (un coup d’essai), nécessairement d’une certaine étendue, madame de Molènes nous en donne trois, mais trois dans cette manière raccourcie qui, jusque-là, avait été la sienne.

2201. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

  La France ne se compare pas : telle est la raison de son insouciance. […] Ici ont raison les avertisseurs. » Je me permettrai tout d’abord d’exprimer l’étonnement que fait naître en moi cette constatation, faisant suite à la précédente.

2202. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

La fondation de ces colonies est du petit nombre des faits dans lesquels nous nous écartons de la chronologie ordinaire, mais nous y sommes contraints par une raison puissante. […] On sent ce qu’ont de sérieux ces communications entre les premiers peuples, qui, à peine sortis de l’état sauvage, vivaient ignorés même de leurs voisins, et n’avaient connaissance les uns des autres qu’autant que la guerre ou le commerce leur en donnait l’occasion.Ce que nous disons de l’isolement des premiers peuples s’applique particulièrement aux Hébreux. — Lactance assure que Pythagore n’a pu être disciple d’Isaïe. — Un passage de Josèphe prouve que les Hébreux, au temps d’Homère et de Pythagore, vivaient inconnus à leurs voisins de l’intérieur des terres, et à plus forte raison aux nations éloignées dont la mer les séparait. — Ptolémée Philadelphe s’étonnant qu’aucun poète, aucun historien n’eût fait mention des lois de Moïse, le juif Démétrius lui répondit que ceux qui avaient tenté de les faire connaître aux Gentils, avaient été punis miraculeusement, tels que Théopompe qui en perdit le sens, et Théodecte qui fut privé de la vue. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.

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