/ 2928
49. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Son récit est suivi, sans interruption, sans digressions, sans remarques, sans affectation de savoir. […] Il expose dans le discours qui est à la tête du premier volume, les regles qu’il s’est prescrites & qu’il a suivies exactement. […] Il a corrigé Baronius dans plusieurs endroits, mais dans d’autres il le suit trop aveuglément. […] Les autres se suivirent avec une excessive promptitude. […] Il a suivi quelquefois sans examen des auteurs peu exacts, & dont le récit méritoit des discussions.

50. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Il était extrêmement distrait : il partit un jour de Fontainebleau et fit aller son carrosse devant lui, afin de le suivre à pied pendant une heure pour faire de l’exercice ; il alla jusqu’à Villejuif croyant n’être qu’à Chailly. […] Nous n’étions pas revenus de notre surprise, elle augmenta encore lorsque nous vîmes entrer le président, dont l’aspect et les manières étaient tout à fait opposés à l’idée que nous nous étions faite de lui : au lieu d’un grave et austère philosophe dont la présence aurait pu intimider des enfants comme nous étions, la personne qui s’adressait à nous était un Français gai, poli, plein de vivacité, qui, après mille agréables compliments et mille remerciements pour l’honneur que nous lui faisions, désira savoir si nous ne voudrions pas déjeuner ; et comme nous nous excusions (car nous avions déjà mangé en route) : « Venez donc, nous dit-il, promenons-nous ; il fait une belle journée, et je désire vous montrer comme j’ai tâché de pratiquer ici le goût de votre pays et d’arranger mon habitation à l’anglaise. » Nous le suivîmes, et, du côté de la ferme, nous arrivâmes bientôt à la lisière d’un beau bois coupé en allées, clos de palissades, et dont l’entrée était fermée d’une barrière mobile d’environ trois pieds de haut, attachée avec un cadenas : « Venez, dit-il après avoir cherché dans sa poche ; ce n’est pas la peine d’attendre la clef ; vous pouvez, j’en suis sûr, sauter aussi bien que moi, et ce n’est pas cette barrière qui me gêne. » Ainsi disant, il courut à la barrière et sauta par-dessus le plus lestement du monde. Nous le suivîmes avec surprise, et non sans un secret plaisir de voir le philosophe si prêt à devenir notre camarade de jeux.

51. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Mais nous avons suivi en réalité la méthode inverse : c’est du haut vers le bas que nous avons dirigé la lumière. […] Est comique le personnage qui suit automatiquement son chemin sans se soucier de prendre contact avec les autres. […] Il suit de là que l’art vise toujours l’individuel. […] De ce qu’un sentiment est reconnu généralement pour vrai, il ne suit pas que ce soit un sentiment général. […] Une écume blanche, légère et gaie, en suit les contours changeants.

52. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

On admire Aristote comme on admire Euclide ; mais le suivre, ce serait le refaire. […] Suivons-le donc pas à pas et voyons ce qu’il nous enseigne. […] Mais je dis que les germes de tout ce qui a suivi sont déjà dans l’œuvre du philosophe grec. […] Mais Platon et Descartes ont montré la route ; les esprits attentifs et sérieux n’ont plus qu’à les y suivre. […] Le plan est, comme on l’a vu plus haut, parfaitement simple et parfaitement suivi.

53. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Ses guerriers impétueux le suivaient. […] Combats ; mais ma lance te suivra de près, pour voler à ton secours au milieu du péril. […] Huit guerriers le suivaient, et la plaine resplendissait des éclairs de leurs armes. […] Gaul fond comme un tourbillon d’Arven : la destruction suit son épée. […] La victoire suivit nos armes : pas un chef qui n’accomplît sa promesse.

54. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

A Metz, en 1524, eut lieu le premier supplice, et dès lors, ils se suivirent à de très courts intervalles. […] Après la Révocation, ce mortel coup de hache porté à l’arbre de leur liberté, malgré la défense, ils suivirent en foule vers l’exil, leurs chefs spirituels bannis. […] C’est ici que je suis malheureusement contraint d’abandonner ces derniers à leur filiale dévotion pour suivre le fougueux adversaire de la Réforme dans une vote que des témoignages irrécusables l’accusent d’avoir suivie, au péril de sa renommée sans tache. […] Le bas clergé suivait avec enthousiasme l’exemple de ses maîtres. […] Mais il reste à savoir si les sautes brusques, précédées et suivies de stagnations, valent les évolutions méthodiques et lentes.

55. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

La conversion de M. et de Mme Dacier suivit de près l’époque de leur mariage. […] Là, pendant plus d’une année, ils suivirent leur méthode studieuse en la transportant et la renfermant cette fois dans les matières de religion, et ils tombèrent tout à fait d’accord sur la conduite qu’ils avaient à tenir ; mais ils voulurent faire plus, ils aimèrent mieux différer de quelques mois leur déclaration publique, et ils s’appliquèrent dans l’intervalle à user de leur influence, de l’estime qu’ils inspiraient et des raisons dont ils étaient remplis, pour ramener la ville entière avec eux. […] Dacier depuis son mariage, il entra plus ou moins de Mme Dacier ; elle lui était supérieure, et, par une ignorance qui était chez elle une vertu plutôt qu’une grâce, elle ne s’en apercevait pas : « Dans leurs productions d’esprit, disait Boileau, c’est Mme Dacier qui est le père. » Elle se dégagea pourtant et se remit à suivre, en traduisant, ses propres choix et ses instincts. […] Cette traduction qui ralluma la guerre des anciens et des modernes, et qui fut suivie de l’Odyssée en 1716, donne à Mme Dacier un rôle imprévu et assez considérable dans l’histoire de la littérature française. […] Mme Dacier a tiré bon parti, pour ses remarques et ses interprétations, d’Eustathe, l’archevêque de Thessalonique, excellent critique moral, critique surtout des beautés ; Eustathe, qu’a suivi volontiers Mme Dacier, est lui-même une espèce de Rollin byzantin, mais plus fort.

56. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

On n’a pas plus exactement le journal de la santé de Louis XIV qu’on n’a présentement le journal des espérances ou des déceptions de Marie-Antoinette pour cette grossesse toujours reculée : on en suit tous les moments, on sait les époques. […] Elle parle du futur Louis XVIII comme d’un caractère faux, dissimulé, cauteleux, mêlé par goût dans des intrigues et y mêlant sa femme qui, « peur, bêtise ou inclination », le suit. […] Des complaisances outrées sont des bassesses ou faiblesses : il faut savoir jouer son rôle, si on veut être estimé ; vous le pouvez, si vous voulez vous gêner un peu et suivre ce qu’on vous conseille ; si vous vous abandonnez, je prévois de grands malheurs pour vous ; rien que des tracasseries et petites cabales qui rendront vos jours malheureux. […] Vous savez que j’étais toujours d’opinion de suivre les modes modérément, mais de ne jamais les outrer. Une jeune jolie reine, pleine d’agréments, n’a pas besoin de toutes ces folies, au contraire la simplicité de la parure fait mieux paraître et est plus adaptable au rang de reine ; celle-ci doit donner le ton, et tout le monde s’empressera de cœur à suivre même vos petits travers ; mais moi qui aime et suis ma petite reine à chaque pas, je ne puis m’empêcher de l’avertir sur cette petite frivolité, ayant au reste tant de raisons d’être satisfaite et même glorieuse sur tout ce que vous faites

57. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Déjà compromis à l’époque du 10 août par sa collaboration dans des feuilles royalistes, il eut à se dérober aux dangers qui le menaçaient, et, dans les années qui suivirent, il plia la tête sous la nécessité. […] Michaud publia son Printemps d’un proscrit, précédé d’une préface sur le genre descriptif, et suivi de plusieurs Lettres à Delille sur la pitié (1803), l’ouvrage eut un succès d’à-propos. […] Michaud suivait alors cette ligne un peu vague de sentiments politiques. […] C’est exact, suivi, grave ; mais il n’y a rien qui morde ni qui prenne vivement l’attention. […] Comparant les jugements contradictoires qui ont été exprimés sur les croisades, il suit une voie moyenne et d’entre-deux, et s’attache à adopter ce que « tous ces jugements divers ont de modéré et de raisonnable ».

58. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Et d’abord, il est incontestable, qu’en général, l’instant qui suit dépend beaucoup de celui qui précède ; que pour qui saurait bien l’un, l’autre ne serait plus guère un mystère ; et qu’un être auquel serait accordée la connaissance pleine et entière du présent n’aurait pas grand effort à faire pour y voir immédiatement et comme par intuition l’avenir. […] N’est-il pas vrai qu’il lui sera possible et convenable de signaler dans chaque progrès de la Révolution un progrès de l’idée qui l’enfanta, de suivre cette idée dans l’ensemble des faits par lesquels elle éclate, et de la montrer, presque toujours vague encore à son origine, se dégageant, se précisant en même temps qu’elle s’exagère, et de degré en degré passant sans interruption jusqu’à ses dernières conséquences ? […] C’est quand il suit à l’échafaud des victimes sans tache, les Girondins, madame Roland, Marie-Antoinette, qu’il faut l’entendre alors n’épargnant pas les accents d’une pitié d’autant plus éloquente qu’elle est sans réserve. […] Toujours fidèle à la destinée de la patrie, qui n’est que la destinée de la Révolution, il se range parmi ceux qui défendent et sauvent cette grande cause ; en sont-ils indignes en eux-mêmes, il les suit encore par devoir à travers les maux qu’ils infligent, et dont il gémit sans que sa constance s’ébranle : Mens immota manet, lacrymæ volvuntur inanes.

59. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Le problème ainsi posé, tout le reste suit  Conformément aux habitudes de l’esprit classique et aux préceptes de l’idéologie régnante, on construit la politique sur le modèle des mathématiques426. […] En effet, on le croyait raisonnable et même bon par essence  Raisonnable, c’est-à-dire capable de donner son assentiment à un principe clair, de suivre la filière des raisonnements ultérieurs, d’entendre et d’accepter la conclusion finale, pour en tirer soi-même à l’occasion les conséquences variées qu’elle renferme : tel est l’homme ordinaire aux yeux des écrivains du temps : c’est qu’ils le jugent d’après eux-mêmes. […] Les idées générales et le raisonnement suivi ne se rencontrent que chez une petite élite. Pour acquérir l’intelligence des mots abstraits et l’habitude des déductions suivies, il faut au préalable une préparation spéciale, un exercice prolongé, une pratique ancienne, outre cela, s’il s’agit de politique, le sang-froid qui, laissant à la réflexion toutes ses prises, permet à l’homme de se détacher un instant de lui-même pour considérer ses intérêts en spectateur désintéressé. […] D’où il suit qu’il peut mettre des conditions à son cadeau, limiter à son gré l’usage que j’en ferai, restreindre et régler ma faculté de donner, de tester. « Par nature443, le droit de propriété ne s’étend pas au-delà de la vie du propriétaire ; à l’instant qu’un homme est mort, son bien ne lui appartient plus.

60. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

La douleur profonde qu’il laisse à ses amis de Genève sera ressentie ici de tous ceux qui l’ont connu, et elle trouvera accès et sympathie auprès de ces lecteurs nombreux en qui il a éveillé si souvent un sourire à la fois et une larme. » Mais c’est trop peu dire, et ceux qui l’ont lu, qui l’ont suivi tant de fois dans ces excursions alpestres dont il savait si bien rendre la saine allégresse et l’âpre fraîcheur, ceux qui le suivront encore avec un intérêt ému dans les productions dernières où se jouait jusqu’au sein de la mort son talent de plus en plus mûr et fécond, ont droit à quelques particularités intimes sur l’écrivain ami et sur l’homme excellent. […] Il continuait de vivre et de jouer sous ces mille formes que lui dictait un secret instinct ; le crayon jouait sous ses doigts, et la saillie accompagnait le crayon, comme un air qu’on sait suit naturellement les paroles. […] Dès cette époque, le journal où il consignait les détails relatifs à ses affaires privées se remplit de pensées personnelles, qui permettraient de suivre l’enchaînement de ses impressions, de ses alarmes, de ses espérances, de ses consolations aussi. […] Topffer, on le sait, a une langue à lui ; il suit à sa manière le procédé de Montaigne, de Paul-Louis Courier. Profitant de sa situation excentrique en dehors de la capitale, il s’était fait un mode d’expression libre, franc, pittoresque, une langue moins encore genevoise de dialecte que véritablement composite  ; comme l’auteur des Essais, il s’était dit : « C’est aux paroles à servir et à suivre, et que le gascon y arrive, si le françois n’y peut aller. » Cette veine lui est heureuse en mainte page de ses écrits, de ses voyages ; il renouvelle ou crée de bien jolis mots.

61. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Cette idée de nécessité a aussi cela de bon qu’elle doit couper court à tous les regrets, à tous les gémissements rétrospectifs ; que, quelles qu’aient été à nous tous, amis de l’empire dès la première heure, nos vues d’avenir, nos ambitions pour ce régime d’une dictature éclairée et progressive, nos espérances plus ou moins réalisées, plus ou moins déçues, nous n’avons plus qu’une seule idée à suivre, un seul soin à prendre : — entrer sans arrière-pensée de retour dans la nouvelle voie commandée et imposée. […] Et la meilleure preuve, c’est que parmi ces hommes distingués et d’un si bon esprit, qui ont assisté à la naissance et participé à la rédaction de ce sénatus-consulte, pas un ne s’est avancé jusqu’à dire à l’empereur : « Sire, je vous supplie de ne pas laisser subsister ces mots malencontreux en eux-mêmes, qui semblent en contradiction ouverte avec ce qui suit, et qui gâtent jusqu’à un certain point votre sénatus-consulte, qui y font tache en commençant. » Car c’était là le langage direct à tenir à l’empereur. […] Les vraies chances de succès n’existent que si la mesure est complète, suivie dans son véritable esprit, prévue et acceptée dans tout son développement. […] Une fois écrits et livrés, ces morceaux ne m’appartenaient plus. » Les pages qui vont suivre n’ont pas besoin d’autre Préface ni d’autre explication. […] Nous avons suivi, en la réimprimant plus loin, un texte corrigé de la main de M. 

62. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Sans chercher à le suivre, bornons-nous à choisir dans cette étude deux points essentiels, traites avec originalité et profondeur : la nature du sens organique, la perception du monde extérieur par le toucher et la vue. […] La forme dépend des mouvements musculaires, faits pour suivre les contours d’un objet matériel. […] Si nous suivons de l’œil une lumière qui se meut, nous avons là à la fois deux sensations : l’une de lumière, l’autre de mouvement. […] Le chien qui, le matin, dépense en courses folles sa surabondance d’activité, ne suit que son instinct ; mais c’est juste au moment où il est épuisé que le besoin de nourriture se fait sentir, et qu’il lui faudrait agir pour s’en procurer. […] On suit que Spinoza ramène toutes nos inclinations à l’amour que chaque être a pour lui-même.

63. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

On va suivre l’épisode mémorable dont il est le narrateur fidèle. […] On suivit le ruisseau ; on arriva à un village abandonné. […] Les moindres incidents de cette seconde moitié de la marche sont à suivre dans le récit de M. de Fezensac. […] Les officiers de mon régiment furent consultés, et l’on suivit la direction que le plus grand nombre d’entre eux indiqua. […] L’obscurité de la nuit, l’incertitude de la direction que nous suivions, la difficulté de marcher à travers bois, tout augmentait notre embarras.

64. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 122-127

Il est vrai que la Langue seroit restée dans une barbarie ridicule, si son style avoit servi de modele à ceux qui l'ont suivi ; mais on trouve dans ses Ouvrages une verve qui étonne, & des traits d'esprit, qui, revêtus d'expressions moins baroques, feroient honneur aux meilleurs Poëtes de ce Siecle. […] Boileau a très-bien jugé ce Poëte ; quand il a dit après avoir parlé de Marot : Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouillant tout, fit un Art à sa mode, Et toutefois long-temps eut un heureux destin ; Mais sa Muse, en François, parlant Grec & Latin, Vit dans l'âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesque. […] Les honneurs qu'on prodigua à ce Poëte le suivirent jusqu'au tombeau.

65. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Ce travail est suivi d’un essai de dramatisation du dernier épisode, c’est-à-dire, de la mort de Siegfried, mais ce poème d’opéra « La Mort de Siegfried » est bien moins intéressant que l’esquisse qui le précède. […] Et comment suivre cette cristallisation lente d’une inspiration musicale vaguement générale, extrêmement élastique, à un motif précis et clair ? […] Ce qu’il est par contre facile de suivre, c’est l’achèvement définitif de tout ce travail de longues années, c’est la création des partitions. […] Je vais tâcher d’expliquer la chose aussi clairement que possible, et je prie le lecteur, quelle que soit son opinion personnelle sur Wagner, de bien vouloir me suivre. […] Mais en attendant, qu’on se contente de suivre les préceptes wagnériens, et de chercher dans la nation elle-même et dans sa langue, non pas à l’étranger, les bases du nouveau drame.

66. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Charron n’entre en rien dans cette intelligence et cette explication vraiment philosophique de l’humanité, qui, pour la mieux comprendre, en suivrait d’abord les directions générales et en reconnaîtrait les vastes courants : il prend l’homme au rebours et dans ses écarts ; il l’observe malade, infirme, le voit toujours en faute, dans une sottise continuelle, dans une malveillance presque constante : « La plupart des hommes avec lesquels il nous faut vivre dans le monde, dit-il quelque part, ne prennent plaisir qu’à mal faire, ne mesurent leur puissance que par le dédain et injure d’autrui. » De ce qu’il y a certains cas où les sens se trompent et ont besoin d’être redressés, il en conclut que ce qui nous arrive par leur canal n’est qu’une longue et absolue incertitude. […] Il doit cependant au commerce de son maître et ami, et à son propre sens, bien de bonnes pensées qu’il exprime heureusement : dès le début de son second livre, où il en vient à exposer les instructions et règles générales de sagesse, il remarque combien, telle qu’il l’entend et qu’il la conçoit, elle est chose rare dans le monde, et il le dit avec bien de la vivacité (je suppose que l’expression dans ce qui suit est de lui et non de Montaigne, car je n’ai pas tout vérifié, et l’on a toujours à prendre garde, quand on loue Charron, d’avoir affaire à Montaigne lui-même) : Chacun, dit-il donc, se sent de l’air qu’il haleine et où il vit, suit le train de vivre suivi de tous : comment voulez-vous qu’il s’en avise d’un autre ? Nous nous suivons à la piste, voire nous nous pressons, échauffons ; nous nous coiffons et investissons les vices et passions les uns aux autres ; personne ne crie Holà ! […] Goûté et suivi par ces hommes de l’école érudite et libre, La Mothe Vayer, Gassendi, Naudé, il eut l’honneur d’être burlesquement insulté par le père Garasse : Quant au sieur Charron, disait ce facétieux dénonciateur des beaux esprits de son temps, je suis contraint d’en dire un mot pour désabuser le monde et les faibles esprits qui avalent le venin couvert de quelques douces paroles et de pensées aucunement favorables, lesquelles il a tirées de Sénèque et naturalisées à la française, sans voir bonnement ce qu’il faisait ; car c’était un franc ignorant, et semblable à ce petit oiseau du Pérou, qui s’appelle le tocan, et qui n’a rien que le bec et la plume. […] C’est un naturaliste religieux, mais observateur, et qui suit la voie expérimentale.

67. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

De retour à Berne, et en attendant son entrée dans la vie publique, Bonstetten passa quelques années de fin de jeunesse, très animées encore et très variées, qu’on suit à la trace dans ses correspondances. […] Cependant Bonstetten, sans trop raisonner son choix, était engagé, et il dut suivre jusqu’au bout cette carrière publique jusqu’à ce que des événements impérieux vinssent le délivrer. Seulement il ne la suivit, cette carrière, qu’en homme à demi convaincu ; il avait des regrets, de fréquents soupirs vers une vie plus agréable, plus conforme à la délicatesse de ses goûts. […] là-bas, disait Matthisson, c’est mieux encore : un cours paisible suivi d’un vif entraînement. — Ce sera joli, lui dis-je ; et plus loin, vois-tu ces chutes d’eau sur de durs cailloux ? […] Ces journées de fermentation poétique étaient toujours suivies de quelque beau poème.

68. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Comme Tarquin, je sais abattre d’une main courageuse ces fleurs de la vie qui s’élèvent au-dessus des autres, et ce triste nivellement m’est devenu si familier, que je remplis ma tâche sans murmure et sans plainte. » Il faut partir de là avec elle, sans quoi on est arrêté à tout instant et on ne la suit pas. […] Je prends son traité de la Vieillesse ; c’est son écrit capital et le plus suivi, quoiqu’il puisse s’y être glissé, dans la transcription qu’on en a faite, quelque pensée d’emprunt et qui n’est pas d’elle. […] Arrêté sur la hauteur d’où le pays se montre plus étendu et plus riche, il suit le cours des eaux qu’il a su maîtriser, il reconnaît ses ombrages, ses abris de prédilection, les champs fécondés par ses sueurs, des glands semés par lui devenus chênes ; le même soleil éclaire encore de ses rayons obliques et toujours amis la longue route qu’il a suivie, et les sentiers mystérieux par lesquels la bonne Providence l’a doucement conduit à elle… » Ce qui suit, et qu’il faut lire, sur les infirmités et l’usage moral qu’on en peut faire est fort beau, Dans ces termes adoucis, je cesse de contredire, et je m’efforcerais plutôt de m’associer aux affectueuses espérances de l’auteur. […] Elle s’attache à définir la résignation chrétienne dans les caractères qui lui sont propres, à la distinguer du fatalisme des Musulmans, du quiétisme des Hindous, à la suivre dans ses applications diverses et les plus délicates. […] « J’ai souvent pensé, dit-elle, que c’était par le cœur qu’on ne s’ennuyait jamais, les deux héros de l’ennui, M. de Chateaubriand et Benjamin Constant, m’ayant mise sur la voie de cette vérité en démontrant sibien que ce n’est pas l’esprit qui sauve d’un tel mal. » On trouve son compte avec elle par bien des pensées de ce genre, même quand on ne la suit pas dans ses plus hautes régions Enfin, sans tant épiloguer sur les mots, ceux qui se livreront à cette lecture, dussent-ils comme moi rester à mi-chemin de la sympathie, y gagneront au moins une vue intéressante sur une nature de femme très rare et très distinguée, qui fait le plus grand honneur au monde aristocratique où elle a vécu.

69. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Son intention, il le déclare, est de suivre la méthode naturelle, et il le fait à beaucoup d’égards. […] Mais ce n’est pas là la seule direction que puisse suivre l’action nerveuse pour se dépenser. […] Enfin la décharge nerveuse peut s’opérer dans une autre direction, qu’elle suit d’ordinaire quand l’excitation n’est pas forte. […] L’excitation nerveuse doit suivre celui des trois canaux qui s’ouvrira le plus facilement : dans le cas du rire, la décharge agit sur les muscles. […] Confucius déclare suivre la tradition des ancêtres si puissants en Chine, Mahomet se donne comme restaurateur, le bouddhisme est né d’une effusion des cœurs vers la charité, la tendresse et la doctrine du non-agir.

70. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Nous continuerons de le suivre hors de France, en faisant remarquer un seul point pour l’explication morale de sa conduite ; c’est que Mallet du Pan n’était point Français. […] Cela dit pour ne laisser aucun embarras dans l’esprit du lecteur, continuons de suivre Mallet hors de France et dans son rôle d’observateur et d’informateur excellent. Nul n’a mieux saisi et noté que Mallet du Pan les diverses étapes et les temps d’arrêt de la Révolution : à Paris dans le Mercure, et à Bruxelles dans sa brochure publiée en 1793, il n’avait cessé de l’étudier, de la caractériser dans sa marche d’invasion et dans sa période croissante : après le 9 Thermidor et depuis la chute de Robespierre, il va la suivre pas à pas dans sa période de décours, absolument comme un savant médecin qui suit et distingue toutes les phases d’une maladie. […] Ce qui frappe Mallet aux diverses époques de notre Révolution, surtout pendant la période qui suit la Terreur, et au lendemain des nouvelles rechutes (telles que le 13 Vendémiaire, le 18 Fructidor), c’est l’absence complète d’opinion et d’esprit public, dans le sens où on l’entend dans les États libres : L’esprit public proprement dit, écrit-il le 28 janvier 1796, est un esprit de résignation et d’obéissance ; chacun cherche à se tirer, coûte que coûte, c’est-à-dire par mille bassesses infâmes, de la détresse générale. […] sa conviction, toute sa moralité et sa personne même étant engagées dans les conseils qu’il donnait, il demandait sinon qu’on les suivît à la lettre, au moins qu’au même moment on n’agît point dans un sens directement contraire.

71. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Il est clair, d’après cela, que, quoiqu’il soit infiniment plus facile et plus court d’apprendre que d’inventer, il serait certainement impossible d’atteindre le but proposé si l’on voulait assujettir chaque esprit individuel à passer successivement par les mêmes intermédiaires qu’a dû suivre nécessairement le génie collectif de l’espèce humaine. […] Le prétendu ordre historique d’exposition, même quand il pourrait être suivi rigoureusement pour les détails de chaque science en particulier, serait déjà purement hypothétique et abstrait sous le rapport le plus important, en ce qu’il considérerait le développement de cette science comme isolé. […] Il serait facile, en effet, de rattacher cette sous-division au principe de classification que nous avons constamment suivi, puisque les phénomènes de la vie animale se présentent, en général du moins, comme plus compliqués et plus spéciaux que ceux de la vie végétale. […] Il s’en faut d’ailleurs que cette classification soit ordinairement conçue et surtout suivie avec toute la précision nécessaire, et que son importance soit convenablement appréciée ; il suffirait, pour s’en convaincre, de considérer les graves infractions qui sont commises tous les jours contre cette loi encyclopédique, au grand préjudice de l’esprit humain. […] C’est ce que vérifie tout ce qu’on sait de l’histoire des sciences, particulièrement dans les deux derniers siècles, où nous pouvons suivre leur marche avec plus d’exactitude.

72. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Le solitaire découvreur des terres vierges du songe ne permet pas aux grossiers produits d’humanité d’embarrasser la route qu’il suit, perdu qu’il est dans son rêve d’épuration toujours plus artistique et plus parfaite. […] Pour ce raffiné dilettante, jouir d’une chose importe peu : c’est la méthode à suivre pour n’en pas jouir, qui occupe tous ses instants. […] Sa marche saccadée, tantôt rapide, tantôt incertaine, le conduit indirectement vers vous par un chemin qu’assurément nul être vivant sur ce globe n’eut instinctivement suivi. […] De la série d’objections qu’il m’opposa, je vais noter les principales, en les faisant suivre des réflexions qu’elles me suggèrent « Il suffit, dit M. Panizza, d’observer un jeune garçon, pendant ses années de développement, et de suivre les agitations de son âme : on le trouvera beaucoup plus intéressant que le jeune homme qui sort des bras d’une cocotte.‌

73. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Je suivais avec la pension les classes du collège Charlemagne ; quoique ayant fait ma rhétorique en province, j’entrai en troisième sous M.  […] , et il est facile à tout biographe d’y suivre mes tâtonnements et mes commencements. […] Landry, rue de la Cerisaie au Marais, il suivit les classes du collège Charlemagne à partir de la troisième. […] Cette leçon d’ouverture, qui fut suivie d’une seconde, fut troublée par des manifestations tenant à la politique, et le cours en resta là. […] Louis Favre, qui vient de lui élever ce beau monument littéraire, un livre qui est un exemple à suivre, venait s’en entretenir avec lui.

74. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

Dans les années qui suivirent Marie Stuart, on essaya encore, mais sans succès auprès du public ; le Cid d’Andalousie du même auteur n’obtenait point grâce. […] Je ne puis mieux comparer la critique d’alors qu’à ces ingénieurs et à ces officiers du génie qu’on envoie d’avance pour frayer le chemin, établir une chaussée à une armée qui les suit et qui fait une halte forcée. […] Après douze ou quinze ans d’excès et de catastrophes de tous genres, le public en est venu à ne plus aspirer qu’à quelque chose d’un peu noble, d’un peu raisonnable et de suffisamment poétique ; toutes les pensées suivies et les vues projetées, il y a vingt-cinq ans, ont été interrompues, et la tradition n’en a pas été recueillie par les générations mal guidées, survenues pêle-mêle, et sans aucun lien qui les rattachât à leurs aînées.

75. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

Maintenant la même critique métaphysique peut, en nous montrant la cours d’idées que suivirent les anciens peuples, jeter un jour tout nouveau sur l’histoire des poètes dramatiques et lyriques. […] Cet abus ouvrit la route de la nouvelle comédie que Ménandre suivit plus tard. […] Quant aux tragiques et aux comiques, on peut tracer ainsi la route qu’ils suivirent.

76. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Maintenant, éclairés sur tant de points par la philosophie et par la philologie, nous allons dans ce quatrième livre esquisser l’histoire idéale indiquée dans les axiomes, et exposer la marche que suivent éternellement les nations. […] Aux trois âges répondirent encore trois espèces de jurisprudences appuyées d’autant d’autorités et de raisons diverses, donnant lieu à autant d’espèces de jugements, et suivies dans trois périodes (sectæ temporum). […] Nous avons déjà traité séparément de toutes ces choses dans plusieurs endroits de cet ouvrage ; nous montrerons ici l’ordre qu’elles suivent dans le cours des affaires humaines.

77. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle La marche que nous avons tracée ne fut point suivie par Carthage, Capoue et Numance, ces trois cités qui firent craindre à Rome d’être supplantée dans l’empire du Monde. […] Après avoir observé dans ce Livre comment les sociétés recommencent la même carrière, réfléchissons sur les nombreux rapprochements que nous présente cet ouvrage entre l’antiquité et les temps modernes, et nous y trouverons expliquée non plus l’histoire particulière et temporelle des lois et des faits des Romains ou des Grecs, mais l’histoire idéale des lois éternelles que suivent toutes les nations dans leurs commencements et leurs progrès, dans leur décadence et leur fin, et qu’elles suivraient toujours quand même (ce qui n’est point) des mondes infinis naîtraient successivement dans toute l’éternité.

78. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Est-il besoin d’ajouter qu’au lieu de suivre le procédé un peu trop commode de M.  […] On a beaucoup écrit dernièrement contre la direction littéraire que l’auteur a suivie dans cet ouvrage. […] Et aucune des révolutions tant prédites par les seigneurs ne s’en est suivie. […] La petite fille jeta les yeux sur moi, et rentra dans l’isba : je la suivis. […] Nous partîmes ; Birouk marchait en avant, et moi je le suivais de près.

79. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Suivons-le pas à pas dans cette exposition synthétique. […] Nous ne pouvons suivre ici les détails de ce progrès, qui, chez l’homme civilisé, conduit aux plus surprenants résultats. […] Qu’ils se suivent les uns les autres d’une manière particulière, l’existence même de l’intelligence en est un témoignage. […] Il ne faut pas perdre de vue d’abord, que nous allons suivre une marche totalement opposée à celle de la synthèse. […] Mais il n’est pas vrai que ceux qui acceptent cette doctrine et suivent cette méthode sont disciples de Comte.

80. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

D’autres services de lui, d’autres travaux seront plus appréciés des générations instruites qui nous suivent : M.  […] Élève de la Sainte-Barbe-Delanneau, il suivit les classes du lycée Napoléon, et obtint en rhétorique, au concours général de 1812, le premier prix de discours français des nouveaux et un accessit en version grecque. […] Il voulait, dit-on, les unir, les coordonner suivant les matières pour en former un volume nouveau : il aurait mieux fait de suivre simplement l’ordre des dates et de recueillir tout ce qui avait gardé de l’intérêt. […] Magnin avait mises à en suivre le mouvement l’avait évidemment arriéré un peu ; il en est encore à l’admiration quand le public était arrivé à la fatigue. […] On n’a qu’à le suivre et à se laisser guider ; on se donne aisément ensuite les airs de s’y connaître, en l’arrêtant sur quelque point de détail où il se montre un peu vétilleux.

81. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

La mienne, j’en conviens, mal servie par les trompettes de la renommée, s’est toujours bornée à suivre dans la carrière ces hommes de génie que nos pères avaient la faiblesse d’appeler grands. […] Voilà les règles que mes contemporains et moi avons toujours suivies, et voilà ce dont vous ne voulez pas. […] Les chefs d’une opposition, en soulevant leurs partisans contre de prétendus abus, se forment des disciples qui, bientôt devenus leurs maîtres, les forcent à suivre une phalange immorale et perturbatrice. […] Quelle que soit la carrière que veuille suivre un jeune homme, ce complément d’éducation ne peut jamais que lui être utile. […] Est-ce que Beaumarchais, et quelques autres qui n’ont point suivi de modèles, ont jeté de la boue à leurs prédécesseurs ?

82. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Ils devoient, pour user de cette expression, être un discours suivi. […] Nos ancêtres, dit Cassiodore, ont appellé musique muette celui des arts musicaux, qui montre à parler sans ouvrir la bouche, à dire tout avec les gestes, et qui enseigne même à faire entendre par certains mouvemens des mains comme par differentes attitudes du corps, ce qu’on auroit bien de la peine à faire comprendre par un discours suivi ou par une page d’écriture. […] quand vous m’écrivez, dit Ovide à un ami qui lui mandoit que Médée ou quelque autre piece de la composition de ce poëte étoit fort suivie, que le théatre est plein lorsqu’on y danse notre piece, et qu’on y applaudit à mes vers. […] Enfin Aristides Quintilianus après avoir parlé de l’amitié de Ciceron pour Roscius, qui charmoit Ciceron par son exactitude à suivre la mesure et par l’élegance de son geste, appelle ce comédien célebre un danseur. […] Mais notre sujet ne demande pas que nous suivions la saltation dans tous les usages qu’ils en faisoient.

83. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Le plan suivi pour cette histoire a empêché d’introduire dans le texte de longues dissertations critiques sur les points controversés. […] La théologie chrétienne et la théologie juive ayant suivi au fond deux marches parallèles, l’histoire de l’une ne peut bien être comprise sans l’histoire de l’autre. […] En prêtant ces nouvelles idées à Jésus, il ne fit que suivre un penchant bien naturel. […] Pour exposer l’enseignement socratique, faut-il suivre les « Dialogues » de Platon ou les « Entretiens » de Xénophon ? […] Telles sont les règles qui ont été suivies dans la composition de cet écrit.

84. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Suivons dans le passé la marche de ce développement : elle pourra éclairer pour nous l’avenir et le laisser entrevoir. […] Ceci posé, nous nous proposons dans ce qui va suivre d’examiner la conception courante de la psychologie particulièrement en France et de voir à quels résultats elle conduit. […] Comte, ont si bien pris le contre-pied de toute évidence et donné si beau jeu à leurs adversaires, que leurs plus fidèles disciples ne les ont pas suivis jusque-là. […] Des deux parts, c’est ne comprendre la question qu’à demi : chacune de ces deux méthodes a besoin de l’autre Dans l’étude qui va suivre sur M.  […] L’Ethologie ne se proposerait point d’ailleurs une étude simplement statique des caractères, elle essayerait de déterminer les phases qu’ils parcourent et de les suivre dans leur évolution.

85. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Avec des goûts sérieux, il paraît s’être demandé de bonne heure comment il pourrait remplir de quelque occupation suivie cette existence toute d’étiquette ou de loisir, et il pensa qu’un journal dans le genre de celui de Dangeau, mais dressé et digéré avec plus de soin, pourrait avoir son utilité. […] Cependant, quand il s’agit de Louis XIV et de l’importance qu’avaient alors ces grâces d’entrées, ces permissions de suivre, ces faveurs singulières si fort recherchées du courtisan, il y a lieu de s’arrêter avec M. de Luynes, et de les relever comme des traits de mœurs qui ont leur signification et leur physionomie. […] Étant à la chasse avec le feu roi dans la forêt de Marly, il imagina, pour lui faire sa cour, de lui demander la permission de le suivre à la chasse à tirer ; mais étant fort embarrassé de demander une si grande grâce au roi (M. de Nangis n’avait alors que vingt-cinq ou vingt-six ans), le roi lui dit qu’il était bien jeune pour lui demander une pareille grâce, et qu’il verrait. […] Voici, du reste, le passage duquel on peut tirer cette conséquence On sait, dit-il (août 1738), qu’il y a longtemps qu’il est en usage, lorsqu’on a l’honneur de manger avec le roi, d’ôter son chapeau ; ce n’était pas autrefois le respect, et Mme la maréchale de Villars m’a dit que dans le temps qu’elle suivait M. le maréchal dans ses campagnes, les officiers qui mangeaient avec elle et M. le maréchal, même les ordonnances de la maison du roi, le gendarme, le chevau-léger, etc., qui ont toujours l’honneur de manger avec le général, y mangeaient avec leurs chapeaux sur la tête. […] Ce conseil fut suivi exactement ; il vint de toutes parts un prodigieux nombre d’étrangers.

86. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Je ne fatiguerai pas le lecteur à suivre chez lui cette interprétation et cette vue du Messie montré de loin à tous les pas, à tous les degrés et à travers tous les accidents de l’histoire juive : cette vue est capitale chez l’auteur ; il ne peut un seul instant la laisser absente ni s’en distraire. […] Il y avait eu un concours, une effusion de bouches inspirées et prophétiques, qui est suivie d’un long silence, un silence d’environ cinq cents ans. […] On ne saurait mieux comprendre qu’en lisant Bossuet à cet endroit et dans tout ce qui suit, la difficulté qu’il y avait pour le monde, pour l’univers païen, à faire ce grand pas, à sortir non plus en la personne de quelques individus d’élite, mais en masse et par classes et nations tout entières, de cette chose confuse et qui nous paraît si absurde, l’idolâtrie. […] Si l’on ne voit pas, dit-il, « que tous les temps sont unis ensemble, que la tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font qu’une seule et même suite, que les Écritures des deux Testaments ne font qu’un même corps et un même livre » ; si on n’y découvre pas « un dessein éternel toujours soutenu et toujours suivi » ; si on n’y voit pas « un même ordre des conseils de Dieu qui prépare dès l’origine du monde ce qu’il achève à la fin des temps, et qui, sous divers états, mais avec une succession toujours constante, perpétue aux yeux de tout l’univers la sainte Société où il veut être servi, on mérite de ne rien voir et d’être livré à son propre endurcissement comme au plus juste et au plus rigoureux de tous les supplices. » A un moment l’orateur impatient, le prédicateur se lève : « Qu’attendons-nous donc à nous soumettre ? […] … » Et tout le développement qui suit.

87. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Quant aux erreurs d’interprétation qui suivent longtemps — et parfois toujours — un livre, elles viennent bien souvent d’un titre peu clair ou fâcheusement amphibologique. […] Et il sera suivi et imité en cela par plus d’un auteur. […] Pour l’ordinaire, ces titres étaient rédigés comme il suit : Très élégante et délicieuse histoire du très noble et victorieux et excellentissime roy Perceforest, roy de la Grande-Bretagne (1528). […] Sa première pièce — que plus de cent autres allaient suivre, — s’appelait Seligo ou le Nègre généreux. […] Citons cependant ce fait assez peu connu que la pièce de Tolstoï, la Puissance des Ténèbres doit être complétée comme il suit : ou si l’oiseau s’est une fois englué le bout de la griffe, toute la bête y passera.

88. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MARIA » pp. 538-542

Sur un front de quinze ans la chevelure est belle, Elle est de l’arbre en fleur la grâce naturelle, Le luxe du printemps et son premier amour : Le sourire la suit et voltige alentour ; La mère en est heureuse, et dans sa chaste joie Seule en sait les trésors et seule les déploie ; Les cœurs des jeunes gens, en passant remués, Sont pris aux frais bandeaux décemment renoués ; Y poser une fleur est la gloire suprême : Qui la pose une fois la détache lui-même. Même aux jeunes garçons, sous l’airain des combats, La boucle à flots tombants, certes, ne messied pas : Qu’Euphorbe si charmant, la tête renversée, Boive aux murs d’Ilion la sanglante rosée, C’est un jeune olivier au feuillage léger, Qui, tendrement nourri dans l’enclos d’un verger, N’a connu que vents frais et source qui s’épanche, Et, tout blanc, s’est couvert de fleurs à chaque branche ; Mais d’un coup furieux l’ouragan l’a détruit ; Il jonche au loin la terre, et la pitié le suit. […] J’ai quitté le pays, j’ai traversé des mers ; Ce doux parfum me suit parmi d’autres amers.

89. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Il n’y a pas longtemps que, me trouvant distrait et peu capable d’un travail suivi, je me mis, à mes menus instants et dans mes quarts d’heure de loisir, à refeuilleter tout Vaugelas. […] Vaugelas fut gentilhomme ordinaire, puis chambellan du duc d’Orléans, Gaston, et le suivit en toutes ses aventures. […] Cette observation bien saisie eût été un correctif contre les excès même de régularité qui ont suivi. […] Il en est un peu d’ailleurs des mots comme des costumes, et de l’usage comme de la mode ; et il leur citerait volontiers ces vers, s’ils avaient été faits de son temps : La mode est un tyran dont rien ne vous délivre ; A son bizarre goût il faut s’accommoder ; Mais sous ses folles lois étant forcé de vivre, Le sage n’est jamais le premier à les suivre, Ni le dernier à les garder. […] Ce qui suit va répondre plus directement à la plaisanterie de Voiture et des gens d’esprit plus malins que sérieux : « Mais quand ces Remarques ne serviraient que vingt-cinq ou trente ans, ne seraient-elles pas bien employées ?

90. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Il y a joint à son tour un travail biographique, littéraire et même grammatical, très soigné, qui permet de classer désormais le savant ami de Montaigne au nombre des auteurs que tout le monde peut aborder directement et suivre avec intelligence. […] Ainsi, en toutes choses, nous le voyons suivre une sorte de voie moyenne et sûre. […] En ceci comme en tout, il suit sa ligne et fait preuve d’un sens pratique étendu. […] On eut des minorités turbulentes, suivies de régimes absolus et presque despotiques. […] En droit comme en toute chose, Pasquier suit ce grand chemin de raison qui ne donne dans aucun extrême.

91. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Ferdinand Denis Scènes de la nature sous les tropiques de leur influence sur la poésie, suivies de Camoëns et de José Indio 18 décembre 1824. […] Mais comme il ne précise pas nettement le lieu de ses observations ; et que, par conséquent, il ne fait qu’énoncer les effets dans leur généralité, sans les suivre et les analyser dans leurs détails, il ne satisfait que peu l’esprit qui cherche des applications positives. […] Il suit du premier défaut que le style dans cette partie est trop tendu et trop continuellement magnifique. […] Si la beauté confie à la colombe messagère le secret qu’elle n’oserait révéler à ses austères gardiens, il ajoute : « Prête à voir l’oiseau charmant s’élever dans les airs, en emportant les vœux de sa tendresse, elle voudrait le retenir, comme on retient un aveu qui va s’échapper. » S’il parle des bouquets mystérieux qui racontent et les tendres inquiétudes et les douces espérances d’une jeune captive : « Messager, dit-il, plus discret que notre écriture, maintenant si connue, son parfum est déjà un langage, ses couleurs sont une idée. » L’ouvrage dont nous venons de rendre compte est suivi d’une espèce de nouvelle historique sur la vie du Camoëns.

92. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Turquety, il est vrai, suit cette idée avec un sentiment de composition et d’ensemble systématique : ainsi, son présent volume, qui commence par un hosannah au Père céleste, s’achève par un hymne à son terrestre représentant, le pape. […] dans cette enceinte profonde, Vous reniez, vous dépouillez Les derniers souvenirs du monde, Comme autant de bandeaux souillés Là-bas, près du fleuve qui coule, Vous n’avez plus, à tout moment, Le frémissement de la foule Qui vous suivait en vous nommant ; Plus de ces parures brillantes Qu’à votre âge on recherche encor ; Plus de fêtes étincelantes Du doux reflet des lampes d’or. […] Parmi les pièces qu’il traduit et qui sont peut-être trop exclusivement lyriques, je distingue le Novembre de Pouschkine, espèce d’élégie d’intérieur, et le piquant adieu du même à une jeune Kalmouque entrevue au passage, et qu’il est tenté de suivre dans la kibitka, espèce de chariot couvert où elle se rembarque pour le steppe immense. […] Mon regard a suivi leur course circulaire    Sans s’éblouir de leur beauté ;   Mais, arrivé soudain à l’Étoile polaire,    Mon œil errant s’est arrêté.

93. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Nous savions que les deux grands départements du système nerveux, celui en qui s’opèrent les sensations et celui qui produit les images, sont antagonistes ; en d’autres termes, que les sensations faiblissent à mesure que les images se fortifient, et réciproquement ; d’où il suit que la fin de la veille rend l’ascendant aux images en l’ôtant aux sensations, et que la fin du sommeil ôte l’ascendant aux images en le rendant aux sensations. — Mais ici se présente un phénomène nouveau : non seulement le fantôme pâlit, mais il cesse de paraître objet réel. […] Quantité d’exemples, cités plus haut, ont, je crois, mis cette vérité hors de doute, et l’on a vu que la transformation se fait de deux façons, tantôt par un progrès lent dont on peut suivre plusieurs phases : c’est le cas de la rêverie qui aboutit au sommeil ; tantôt brusquement, après une incubation sourde dont souvent on retrouve les traces : c’est le cas ordinaire pour l’hallucination17. […] Telle est l’histoire du réveil ; tout à l’heure, je songeais en rêve que j’étais dans une atmosphère brûlante ; je m’éveille, j’ai la sensation de demi-fraîcheur et de demi-tiédeur ordinaire ; cette sensation de froid contredit l’image de la sensation de chaud, et, grâce à cet accolement, l’image apparaît telle qu’elle est, c’est-à-dire comme simple image. — Mais si, par un dérangement quelconque, les petites sonneries continuent à faire tinter la grosse cloche, ce qui est l’état de l’halluciné qui voit un personnage absent, si la grosse cloche répète d’elle-même ses tintements, ce qui arrive dans les hallucinations qui suivent l’usage prolongé du microscope, l’issue est autre. […] D’où il suit que la correction apportée par l’image contradictoire est limitée. […] D’où il suit que toute image, occupant un fragment du temps, possède deux bouts, l’un antérieur, plus voisin des événements précédents, l’autre postérieur, plus voisin des événements ultérieurs, le premier contigu au passé, le second contigu à l’avenir.

94. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

En donnant ses Traditions populaires de Franche-Comté, poésies suivies de notes, M.  […] Aussi bientôt notre beau page Que suit, triste, son lévrier, Quitte ces lieux où l’on outrage Amour et foi de chevalier. […] Les trois dames, effrayées du choix, veillent toute la nuit et tiennent conseil : et le matin, Berthe, d’une voix de velours, demande pour elle et pour ses sœurs aux prétendants de ne les suivre à l’autel que voilées : c’est un vœu fait par modestie !

95. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VI. Exordes. — Péroraisons. — Transitions. »

Remarquez en effet que souvent des idées se suivent, qui ne dépendent point les unes des autres, mais qui se rattachent toutes pour ainsi dire parallèlement à une idée maîtresse, génératrice, que le titre et le début du chapitre et du morceau expliquent : chercher des transitions entre celles de ces idées qui se suivent, c’est chercher le point de rencontre de deux lignes parallèles. […] Ce décousu, dans une lettre, et dans tout écrit dont la matière est déterminée par des causes extrinsèques et particulières, comme dans les écrits périodiques, qui suivent forcément non pas la logique et la nature, mais la date des événements, ce décousu ne peut guère disparaître sans emporter le naturel.

96. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Il les suivit de la Grèce en Italie. […] Au milieu de toutes ces disputes, soutenues de part & d’autre avec tant de chaleur, à travers ce fatras d’injures & de libèles, parmi ces révolutions continuelles de la république des lettres, le lecteur pourra suivre le fil de nos connoissances, les progrès du goût, la marche de l’esprit humain. […] Dans la première & troisième division, on a suivi l’ordre des temps ; &, dans la seconde, celui des matières.

97. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Il suit leurs émotions, il refait leurs raisonnements, il s’attendrit, il s’égaye, il prend part à leurs sentiments. […] Il s’était amusé à suivre l’enterrement d’une fourmi jusqu’à la sépulture, puis il avait reconduit les gens du cortège jusqu’à leur trou. […] Nous n’avons plus dans l’esprit de forme précise dont nous souhaitions l’accomplissement, ou dont nous redoutions la gêne ; nous nous laissons vivre ; nous nous trouvons à l’aise ; nous sommes comme au bord d’un fleuve, occupés à suivre les petits flots qui se dressent et luisent, contents de suivre leurs teintes verdâtres, de voir l’eau transparente regorger et s’étaler sur la grève où elle aboutit. […] Ils y demeurent opiniâtrement, et, pour les obliger à changer de lieu et à prendre une route, il leur faut un chef qu’on instruit à marcher le premier, et dont ils suivent tous les mouvements pas à pas. […] Ainsi vaincues par ton attrait et par tes charmes, toutes les natures vivantes te suivent avidement où tu veux les mener.

98. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Pour comprendre ce qui va suivre, il faut être très versé dans les choses de l’esprit humain et en particulier dans les choses de la foi. […] Je fus deux ans sans suivre d’autre rue que la rue de Vaugirard, qui, une fois par semaine, nous menait à Issy. […] L’étude de l’hébreu n’était pas obligatoire au séminaire elle était même suivie par un très petit nombre d’élèves. […] En suivant la vérité au prix de tous les sacrifices, j’étais convaincu de le suivre et d’obéir au premier de ses enseignements. […] Qu’il est cruel d’être obligé de remonter ainsi le courant qu’on a longtemps suivi, et où l’on était si doucement porté !

99. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Elles se présentaient surtout comme indiquant une certaine direction d’effort à suivre pour arriver à l’articulation du nom cherché. […] Pouvons-nous suivre un calcul si nous ne le refaisons pas pour notre propre compte ? […] Celle-ci se développe ensuite en images représentées qui prennent contact à leur tour avec les images perçues, les suivent à la trace, s’efforcent de les recouvrir. […] Chacun d’eux emprunte une nuance de signification particulière à ce qui le précède et à ce qui le suit. […] Mais de ce qu’une représentation est une, il ne suit pas que ce soit une représentation simple.

100. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Nous allons tâcher de le suivre, et de suivre à la trace son saint et sublime héros. […] Il y remit le pied le 10 mai 1666, et ne s’appliqua plus qu’à embrasser pour lui et pour les siens la vraie pratique de cette pénitence sur laquelle on disputait ailleurs. — Le biographe de Rancé n’a pu s’empêcher de rappeler, à propos de ce voyage de Rome et de ce procès perdu, un autre voyage et une autre condamnation qui ont eu bien du retentissement de nos jours ; mais les moments, les situations, les intentions, diffèrent autant des deux parts que la conduite qui a suivi. […] La princesse Palatine le consultait et suivait ses directions ; le roi d’Angleterre, pour se consoler de la perte d’un trône, revenait l’entretenir de Dieu chaque année ; la duchesse de Guise (fille de Gaston d’Orléans) faisait des stations à la Trappe deux et trois fois l’an et se logeait dans les dehors ; le maréchal de Bellefonds se tenait toujours à portée et avait une maison dans le voisinage. […] En introduisant ainsi les reflets d’alentour, en entr’ouvrant chez Rancé la porte aux souvenirs, l’illustre biographe a moins encore obéi à un dessein suivi qu’à un retour irrésistible. […] « Quand vous suivez cette correspondance, vous tournez la page, et le nom écrit d’un côté ne l’est plus de l’autre ; un nouveau Genonville, une nouvelle du Châtelet paraissent et vont, à vingt lettres de là, s’abîmer sans retour ; et les amitiés succèdent aux amitiés, les amours aux amours.

101. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

La carrière publique de Malesherbes s’ouvrit donc en 1750, et, à partir de ce moment, il faudrait le diviser lui-même sous plusieurs aspects et sous plusieurs chefs pour le suivre et l’étudier convenablement. […] Ce n’était cependant pas une raison pour qu’à la rigueur, même après la publication du livre, et nonobstant cette censure préalable, suivie d’approbation, il ne pût y avoir poursuite, soit par arrêt du Conseil du roi, soit par le fait du Parlement. […] Pour retrouver de part et d’autre quelque justesse d’appréciation et de la lucidité de coup d’œil, il ne sera pas mauvais de se reporter au temps de M. de Malesherbes et de le suivre dans quelques-unes des mille affaires contentieuses qu’il eut à démêler. […] L’auteur des Cacouacs, en attaquant l’Encyclopédie en général et quelques-uns des auteurs en particulier, avait jugé à propos de ne rien dire nommément contre moi ; il a plu à Fréron de ne pas suivre cet exemple. […] (Suivent des détails relatifs à son cousin.)

102. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il a des innovations de termes les plus inutiles : « Nous avions toujours un grand atlas sur la table, pour suivre la position du local des événements » ; pour dire, le lieu des événements. […] Depuis cela, on a beaucoup suivi cet essai. […] Depuis cela, on suit cette invention, et, dans la dernière guerre, on a pratiqué la même chose, tant que les troupes n’ont pas été campées et en marche en front de bandière devant l’ennemi. […] la France l’aime et la suit volontiers. […] Cet empressement visible et naïf, qui se flatte de n’être pas de l’intrigue, mais qui se marque dans un flux et reflux étrange d’opinions, dans un va-et-vient de chaque jour, ces bouffées d’homme d’État aux aguets, de candidat ministre à l’affût, qui s’exhalent à chaque page du Journal, ces fumées d’un amour-propre échauffé qui se suit à la trace et qui a plus de retours qu’il ne croit, ce sous-entendu perpétuel, qui n’en est pas un, et dont le dernier mot est : Il faut me prendre.

103. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Au sortir du couvent, revenue chez son père au quai des Lunettes, elle entretint une Correspondance active et suivie avec Sophie, retournée elle-même à Amiens. […] Mais ici le développement se montre dans chaque lettre, abondant, naïf, continu ; on suit à vue d’œil l’âme, le talent, la raison, qui s’empressent d’éclore et de se former. […] C’est l’intérêt des vies domestiques que d’y deviner, d’y suivre le caractère et le génie qui vont tout à l’heure éclater, qui auraient pu aussi bien n’en jamais sortir. […] Parcourons tous les détours, etc., etc… » Suit toute une petite harangue de sainte croisade contre ce haïssable moi. […] Il suivrait do la page des Mémoires, qu’elle mit La Blancherie à la porte, ou peu s’en faut, d’un air de reine ; et il suit de la lettre à Sophie (21 décembre 1776), qu’entendant venir une visite, elle lui fit signe lestement de passer par une porte, tandis qu’elle allait recevoir par l’autre, prenant, dit-elle, son air le plus folichon pour couvrir son adroit manège.

104. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Mais depuis que j’ai eu à examiner de plus près les récits qui le concernent, et à le suivre lui-même dans les pages qu’il a laissées, il m’a semblé que la méthode pour l’expliquer et le présenter sous le meilleur jour à tous était simple, et qu’il suffisait de raconter et d’exposer. […] Marmont suivit la ligne moyenne. […] Dans le beau portrait qu’il a tracé d’un général qui remplit toutes les conditions du commandement, il n’oublie pas celle-ci : « Un général doit être aussi magnifique que sa fortune le lui permet. » Ce n’est pas mon fait ici de suivre pas à pas Marmont dans tous les degrés de sa carrière. […] Dans les années qui suivirent, il réforma les différentes parties de cette arme, il simplifia les calibres de campagne, rendit le matériel léger, d’un facile transport, et établit le système qui a fait le tour de l’Europe pendant toutes les guerres de l’Empire. […] Dans cette conversation de plus de cinq heures, il passe en revue tous les points importants qui l’occupent, discute les divers partis qui lui restent à suivre, et, après les questions militaires, il en aborde d’autres plus générales, comme il faisait souvent.

105. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

La raison, après tout, en est simple : la haute critique, en quelque genre que ce soit, ne précède pas les chefs-d’œuvre de l’art ; elle les suit. […] Il suivait chaque bulletin sur la carte, tenait un petit journal des opérations de guerre, lisait en même temps l’histoire des campagnes du grand Frédéric et entrait avec une facilité merveilleuse dans le sens et l’intelligence de ces grandes opérations qui étonnaient et éblouissaient le monde. […] Il faut être consommé pour les entendre ; et il est impossible de se former le jugement sur les historiens qui ne parlent de la guerre que selon qu’elle se peint à leur imagination… — Gustave-Adolphe a créé une méthode que ses disciples ont suivie, et tous ont fait de grandes choses. […] Ces notes pourront être utiles à l’auteur pour ses prochaines éditions et intéresseront les militaires. » Suivent quelques renseignements précis sur les batailles de Montenotte, Lodi, Castiglione, etc. […] Frédéric restait pour lui le plus grand des capitaines qui avaient suivi l’ancien système ; mais il avait cru devoir montrer ce qu’il eût pu faire en inventant le système nouveau.

106. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Mais les bons et louables esprits sont ceux qui ont dans le passé un goût bien net, une préférence bien déclarée, et qui s’en iraient tout droit par exemple à Molière, même sans s’arrêter devant Bossuet ; ce sont ceux enfin qui osent avoir une passion, une admiration hautement placée, et qui la suivent. […] Ponocrates laisse donc le jeune Gargantua suivre quelque temps son train accoutumé, et Rabelais nous décrit cette routine de paresse, de gloutonnerie, de fainéantise, résultat d’une première éducation mal dirigée. […] Suivent quelques détails d’hygiène, car le médecin en Rabelais n’oublie rien. […] Il y a une autre manière d’admirer Rabelais, c’est de vouloir en faire un homme de son parti, de son bord, de le tirer à soi, de le montrer, comme Ginguené l’a fait dans une brochure, un des précurseurs et des apôtres de la Révolution de 89 et de celles qui suivront. […] Eugène Noël, suit un peu cette dernière méthode, en l’appliquant selon les idées et les données de notre temps, c’est à dire en l’exagérant encore.

107. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Or, l’homme habile, à expédients, le génie à métamorphoses, le Mercure politique, financier ou galant, l’aventurier en un mot, ne dit jamais non aux choses ; il s’y accommode, il les prend de biais, il a l’air parfois de les dominer, et elles le portent parce qu’il s’y livre et qu’il les suit ; elles le mènent où elles peuvent ; pourvu qu’il s’en tire et qu’il en tire parti, que lui importe le but ? […] A ceux qui ont toujours dans leur poche et souvent dans leurs mains le petit Horace Elzevir non expurgé par Jouvency, à ceux qui savent par cœur les épigrammes salées de Catulle et de Martial, les vers de Solon, qui citent volontiers certains passages d’Ovide et de Tibulle, et les fredaines du Lucius d’Apulée, qui suivent sans répugnance la naïve Chloé dans la grotte des Nymphes, faciles nymphæ risere ; à ceux que notre vieille littérature grivoise et conteuse ne rebute pas, qui se dérident à La Fontaine, qui se délectent aux Amours des Gaules, qui ne perdraient pas une ligne des Mémoires de Choisy, si tout le manuscrit de l’Arsenal était imprimé ; à ceux que les premières pages des Confessions n’irritent nullement, que les lettres de Diderot à Mlle Yoland enchantent sans réserve, qui en aiment jusqu’aux propos de madame d’Aine, jusqu’aux allusions insinuantes de Diderot comptant les arbres de ses vordes chéries : à ceux-là, loin de le défendre, nous conseillerons plutôt Casanova ; ce ne sera pas pour eux une dangereuse nouveauté ni un scandale attrayant, ce sera un tableau de plus, non le moins vif et le moins varié, dans le réfectoire de leur abbaye de Thélème. — Un jour, durant l’année que le docte Saumaise passa à Stockholm près de la reine Christine, comme il avait la goutte et gardait le lit, la reine le vint visiter ; or, en ce moment, pour se désennuyer et tromper son mal, le grave commentateur lisait un livre très agréable, mais assez leste (perfacetum guidem, at subturpiculum), Le Moyen de parvenir, de Béroalde de Verville. […] On le mit bientôt en pension à Padoue chez un bon chanoine Gozzi, très ignorant, très zélé pour la prédication, ayant en sa faveur la figure et la voix, et par conséquent fort suivi des femmes, dont il était d’ailleurs l’ennemi juré, et qu’il ne regardait jamais en face. […] Nous reviendrons une autre fois sur Casanova, et nous le suivrons à Paris où il se perfectionne dans le français sous le vieux Crébillon le tragique, singulier maître de langue, de qui il apprit, j’imagine, bien moins qu’il ne prétend. […] Patu, jeune poète, qui, s’il avait vécu, aurait suivi de près Voltaire.

108. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Ce n’est point un adhérent qui parle, c’est encore moins un adversaire ; c’est quelqu’un qui l’a suivi dès son entrée sur la scène publique avec curiosité et intérêt, et bientôt avec admiration et applaudissement. […] Pourtant, je le dirai d’abord, si M. de Montalembert était resté purement et simplement dans la ligne qu’il suivait avant février 1848, j’aurais éprouvé quelque difficulté à parler de lui en toute liberté, même dans un autre lieu que Le Constitutionnel. […] Jusque-là on l’admirait, et, à moins d’être étroitement de son parti, on ne le suivait pas. Maintenant, de quelque côté qu’on vienne, on le suit volontiers ; on accepte non pas seulement la vibration et l’éclat, mais le sens de ses nobles paroles. […] À la nouvelle du projet de loi, c’est-à-dire du danger, il lança de ce rocher de Madère une brochure où il traçait aux catholiques leurs devoirs et la ligne de conduite à suivre dans la conjoncture présente.

109. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Moréas s’était rendu compte que le Symbolisme, utile à son heure, n’offrait que les caractères d’un Art transitoire, et qu’à le suivre inconsidérément, au lieu de s’acheminer à la Terre promise, on risquait de choir dans un cul-de-sac. […] Elle ne s’est pas terminée que Samain nous quitte, suivi dans la tombe, à quelques jours d’intervalle, par Emmanuel Signoret. […] Que ne suit-il l’exemple de la reine de Saxe que nous avons accablée d’hommages ? […] Lucien March, chef de la statistique générale de France, a constaté que le coût de la vie, qu’il avait étudié depuis 1875, suivait une courbe descendante et qu’en l’an de grâce 1900, il n’en suffit plus, à une famille de quatre personnes, que de la misérable somme de 1 029 francs — chiffre rond sans centime — pour boucler son budget annuel.

110. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

M. de Voltaire passe pour avoir innové à son tour ; mais la pratique qu’il suit & qu’il est parvenu à rendre assez commune, avoit été proposée avant lui. […] On voit assez de François, de femmes même, qui le lisent & l’entendent ; mais très-peu qui le parlent, & qui soient en état de suivre une conversation angloise. […] Suivre la raison & l’autorité, voilà, selon les écrivains les plus judicieux, la règle la plus sûre par rapport à l’orthographe. […] Pour décider la question agitée, il n’y avoit qu’à consulter nos grands dictionnaires François : leur orthographe devoit faire loi ; mais ils n’en ont point suivi d’uniforme.

111. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Mais la sagesse divine n’a pas besoin de la force des lois ; elle aime mieux nous conduire par les coutumes que nous observons librement, puisque les suivre, c’est suivre notre nature. […] Les théories des philosophes relativement à la vertu fournissent seulement des motifs à l’éloquence pour enflammer le sentiment, et le porter à suivre le devoir121. […] Voilà, à ce qu’il semble, le caractère de l’éloquence romaine au temps de Scipion-l’Africain ; mais les états populaires venant à se corrompre, la philosophie suit cette corruption, tombe dans le scepticisme, et se met, par un écart de la science, à calomnier la vérité.

112. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Les transports qui suivent la reconnaissance des deux époux ; cette comparaison si touchante d’une veuve qui retrouve son époux, à un matelot qui découvre la terre au moment du naufrage ; le couple conduit au flambeau dans son appartement ; les plaisirs de l’amour, suivis des joies de la douleur ou de la confidence des peines passées ; la double volupté du bonheur présent, et du malheur en souvenir ; le sommeil qui vient par degrés fermer les yeux et la bouche d’Ulysse, tandis qu’il raconte ses aventures à Pénélope attentive, ce sont autant de traits du grand maître ; on ne les saurait trop admirer. […] L’art d’écrire semble avoir suivi l’art de la peinture : la palette du poète moderne se couvre d’une variété infinie de teintes et de nuances ; le poète antique compose ses tableaux avec les trois couleurs de Polygnote.

113. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

sont pleines de chaleur ; autant elles remuent le cœur, autant elles rendent déchirantes les paroles qui suivent. […] Enfin, le silence d’Hector, son soupir, suivi du fuge, eripe flammis , font dresser les cheveux sur la tête. […] Quel Hector paraît au premier moment devant Énée, quel il se montre à la fin : mais la pompe, mais l’éclat emprunté de Jésabel, Pour réparer des ans l’irréparable outrage, suivi tout à coup, non d’une forme entière, mais ………………… De lambeaux affreux Que des chiens dévorants se disputoient entre eux, est une sorte de changement d’état, de péripétie, qui donne au songe de Racine une beauté qui manque à celui de Virgile.

114. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Ces mouvements, en se répétant, se créent un mécanisme, passent à l’état d’habitude, et déterminent chez nous des attitudes qui suivent automatiquement notre perception des choses. […] Je puis saisir une mélodie, en suivre le dessin, la fixer même dans ma mémoire, et ne pas savoir la chanter. […] On peut encore suivre et comprendre la parole alors qu’on est devenu incapable de parler. […] Suivre un calcul, c’est le refaire pour son propre compte. […] Comment expliquer que l’amnésie suive ici une marche méthodique, commençant par les noms propres et finissant par les verbes ?

115. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Si Dieu le veut, peut-être me suivra-t-elle aux bords du Rhin. […] Hagene le suivit de si près, qu’il put examiner son vêtement. […] Voulez-vous me suivre jusqu’à la fontaine ? […] Tout ce qu’il avait là d’amis suivait en pleurant. […] Quant à tous ceux qui les suivront, je n’ai pu l’apprendre.

116. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

On sent tout ce qu’il dut lui en couter de dégoûts, de travail & d’efforts, pour suivre tous les exercices d’esprit & de corps, sans trahir le secret de son sexe, qu’on ne soupçonna jamais. […] Pétersbourg, avec M. le Chevalier Douglas ; & le fruit de leurs négociations fut de déterminer, en faveur des Cours de Vienne & de Versailles, la marche de quatre-vingt mille Moscovites, qui, dans l’origine, étoient destinés à suivre les Drapeaux Prussiens. […] Des événemens célebres suivirent cette époque, & causerent sa disgrace.

117. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Vois comme cet oiseau dont le nid est la tuile Nous suit pour emporter à son frileux asile Nos cheveux blancs pareils à la toison que file La vieille femme assise au seuil de sa maison ! […] Printemps après printemps de belles fiancées         Suivirent de chers ravisseurs, Et, par la mère en pleurs sur le seuil embrassées,         Partirent en baisant leurs sœurs. […] Je partis seul, suivi de mes trois chiens. […] Mes chiens seuls me suivaient, et je pensais au jour où il faudrait aussi les congédier. […] Le vieux curé les suivait en récitant quelques versets de liturgie latine sur la brièveté de la vie ; un père et une mère pleuraient, en chancelant, derrière lui.

118. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

En ceci, je me conforme à l’ordre qu’on doit suivre dans l’étude de chaque chose. […] Ce serait sortir de mon sujet que de le suivre ici : ne tendons maintenant qu’au but proposé, qui est d’éclaircir les principes d’instruction. […] C’est déjà beaucoup de suivre quelques rhéteurs, sans m’engager encore à vous dérouler la liste des pédants. […] Ces deux intrigues n’agissent pas même alternativement, mais se suivent, et sont mal attachées. […] Un projet se forme, et l’exécution peut le suivre à l’instant : là, il n’y a point de gradation dramatique.

119. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Suit-on en effet, pas à pas, le progrès de la perception externe depuis la monère jusqu’aux vertébrés supérieurs ? […] C’est que, solidaire de la totalité des autres images, elle se continue dans celles qui la suivent comme elle prolongeait celles qui la précèdent. […] Il ne suit nullement de là qu’il n’y ait pas, pour chaque genre d’affection, une localisation immédiate d’un certain genre, une couleur locale qui lui soit propre. […] Mais, par un étrange aveuglement, le spiritualisme a toujours suivi le matérialisme dans cette voie. […] La marche que nous avons à suivre est donc toute tracée.

120. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Le premier venu, en revanche, saura voir et faire voir dans l’Oraison funèbre du prince de Condé, par Bossuet, un ordre nettement indiqué dès le début et rigoureusement suivi jusqu’à la fin9. […] Se suivent-elles dans la correction et la régularité uniformes de l’ordre grammatical ? […] Voltaire fut des premiers à écrire par ai les imparfaits comme on les prononçait depuis longtemps déjà à Paris ; et, quand, en 1835, l’Académie se décida à adopter cette réforme, certaines maisons religieuses se refusèrent à suivre l’orthographe nouvelle, qui devait avoir quelque chose de satanique, puisqu’elle avait été préconisée par Voltaire. […] La science a ainsi deux façons de procéder qui se suivent, s’enchaînent régulièrement et se complètent l’une l’autre.

121. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Il y est parlé du protestantisme et de ces guerres de religion qui n’ont été que la première phase de nos guerres révolutionnaires, et si l’auteur n’y a pas toute la justice qui devrait suivre l’indifférence, il y a au moins l’indifférence qui la précède. […] En somme, dans ce premier volume, qui doit être suivi d’un second, on voit que l’auteur sera pour Boileau plus tard On sent l’homme de grand sens, l’homme de bon sens, l’homme du pouvoir, le monarchique en littérature, très peu gâté par le langage de son temps quoique, ici ou là, il en ait encore de temps en temps les logomachies. […] Là est sa force, parce que là est son tempérament, qui ne le trahit pas quand ses opinions le trahissent, qui ne bouge point quand elles oscillent… Suivez-le ! […] Si nous le suivions dans le pas à pas de son livre, nous nierions sans broncher sa justice envers un écrivain comme Mathieu (l’auteur du Louis XI, dont il ne parle pas !)

122. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

La Germanie suivit la même règle dans les premiers temps, et l’on peut conjecturer la même chose des autres nations primitives du moyen âge. […] La multitude des lois est, comme le remarquent les politiques, la route la plus prompte qui conduise les états à la monarchie ; aussi Auguste pour l’établir en fit un grand nombre ; et les princes qui suivirent, employèrent surtout le sénat à faire des sénatus-consultes d’intérêt privé. Néanmoins dans le temps même où le gouvernement romain était déjà devenu démocratique, les formules d’actions étaient suivies si rigoureusement qu’il fallut toute l’éloquence de Crassus (que Cicéron appelait le Démosthène104 romain), pour que la substitution pupillaire expresse fût regardée comme contenant la vulgaire qui n’était pas exprimée. […] Ce qui est sûr, c’est qu’en Italie, les nobles auraient rougi de suivre les rois romaines, et se faisaient honneur de n’être soumis qu’à celles des Lombards ; les gens du peuple au contraire qui ne quittent point facilement leurs usages, observaient plusieurs lois romaines qui avaient conservé force de coutumes.

123. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

La douce malice du Voyage se répand et se suit dans toutes les distractions de l’autre, comme il appelle la bête par opposition à l’âme ; l’observation du moraliste, sous air d’étonnement et de découverte, s’y produit en une foule de traits que la naïveté du tour ne fait qu’aiguiser. […] Je souffre beaucoup alors ; mais la bonté divine est partout… » Suit une longue page d’analyse qui finit par une vision. […] La Jeune Sibérienne est surtout délicieuse par le pathétique vrai, suivi, profond de source, modéré de ton, entremêlé d’une observation fine et doucement malicieuse de la nature humaine, que le sobre auteur discerne encore même à travers une larme. […] Ces opuscules avaient été envoyés de Russie par l’auteur39 ; il ne tarda pas à les suivre et à revoir des cieux depuis trop longtemps quittés. […] Leur mère les suivra sans doute, Triste compagne de leurs jeux : Vole alors gaiment devant eux Pour les distraire de la route.

124. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Loyson suivait la ligne modérée de M. […] On voit l’idée ; elle est suivie et variée jusqu’au bout. […] M. de Lamartine, le plus lyrique de tous, a lui-même suivi cette direction ; elle est surtout très-sensible chez M. […] On suit Érostrate dans le gynécée, dans l’hippodrome, au bois sacré ; les peintures locales que promettent ces divers titres sont exécutées avec étude, conscience, talent. […] Sous ce titre : Empédocle, vision poétique, suivie d’autres poésies.

125. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

A examiner attentivement les faits contemporains, à suivre quelques-uns de leurs courants si ondoyants et si divers, il semble qu’il sera impossible de les fixer avec étendue et variété. […] Son récit entame et suit l’histoire de l’idée d’empire, de royauté et de dynastie, à partir d’Auguste : ses Prolégomènes remontent beaucoup plus haut et nous transportent du premier pas aux plateaux les plus reculés de la mystérieuse Asie. […] Cette idée est en quelque sorte le personnage intéressant et vivant, l’héroïne de l’ouvrage ; suivons-en l’histoire, selon M. de Saint-Priest, en ne touchant que légèrement aux épisodes dont elle se trouve, chemin faisant, enveloppée. […] Cependant l’idée de royauté, dont nous suivons l’histoire, faisait le grand tour ; elle arrivait de l’Asie par le Nord ; elle suivait assez obscurément, durant des siècles, la grande voie des migrations germaniques, et venait planter son drapeau dans les Gaules avec les Franks, avec Clovis. […] Nous achevons de suivre les intéressantes considérations qu’à son tour, et à son point de vue, M. de Saint-Priest nous développe sur les vicissitudes de l’idée de royauté en ces siècles obscurs.

126. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

L’on peut suivre sans peine, dès ses ouvrages de début, et dans Deuxième amour notamment, la trace de cette persévérance de l’observateur qui ne sait rien sacrifier de bonne grâce au romancier. […] Mais nous ne l’avons pas, au contraire, appelé charmeur, exprimant ainsi cette impression ineffable de prédilection qu’ont éprouvée, pour tout ce qui est sorti de cette plume experte, ceux qui l’ont pu suivre, sans songer à ce que ses sujets offrent de vitalité intense, au souci qu’ils accusent du cas compliqué et à l’intelligence qu’ils révèlent de la difficulté sentimentale. […] * *  * Quiconque a étudié et suivi M.  […] Il faudrait pouvoir suivre l’auteur des Essais de psychologie contemporaine dans les logiques et successifs développements de son esprit affiné et élégant, curieux et circonspect, vite éclairé et déçu, mais, par un fonds d’orgueil, dont la première marque, et la plus expressive, est une aveugle puissance de révolte, parallèle à l’amour-propre le plus ombrageux, — assombri d’insatisfaction précoce ; le suivre surtout dans cette jeunesse troublée, qui fut par instants inquiète, et terriblement, mais non pas mal confiante, soucieuse de tout pour en jouir et aussi pour en souffrir, quelque inclination qu’elle ait failli affirmer pour un dilettantisme qui n’a jamais été que littéraire, faite pour le boulevard beaucoup moins que pour la cellule de couvent, pour l’absorption réfléchie de toutes les jouissances, comme, et peut-être mieux, pour l’ascétisme monacal. […] France que son esprit croit suivre et ne suit pas en soi les choses, mais se borne à les voir faire et elles-mêmes s’affirmer, — de quelle façon prismatique, on s’en rend compte.

127. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Ce seroit perdre son tems, & risquer de s’ennuyer beaucoup, que d’entreprendre une lecture suivie de tous nos grammairiens. […] Le nom de l’auteur prévint en faveur de l’ouvrage : mais on ne tarda pas à s’appercevoir que l’Abbé Regnier, quoique Secrétaire de l’Académie françoise, n’avoit point suivi le plan qui lui avoir été proposé plusieurs fois par cette Compagnie. […] Chaque mot y est d’abord suivi de son qualificatif, de la signification latine & même de son étymologie, lorsque celle-ci mérite la peine d’être indiquée. […] On donne pour tous les sens une définition courte & précise, suivie d’un exemple relatif au sens expliqué, & une exposition plus détaillée, lorsque la matiere le demande. […] Quand Bossuet, Fénélon, Pelisson, vouloient exprimer qu’on suivoit ses anciennes idées, ses projets, ses engagemens, qu’on travailloit sur un plan proposé, qu’on remplissoit ses promesses, qu’on reprenoit une affaire, &c. ; ils ne disoient point j’ai suivi mes erremens, j’ai travaillé sur mes erremens ; & aujourdhui, je vois que, dans les discours les plus graves, le Roi a suivi ses derniers erremens vis-à-vis des rentiers.

128. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Et pour suivre la même image, l’humble aîné, toujours vivant, se serait présenté après le décès de l’illustre cadet et aurait simplement repris ses droits au patrimoine. […] Ampère, enfin, troisième guide, qui suit volontiers M.  […] Mais ce mouvement de retour vers la vieille poésie ne se suivit point alors. […] Littré l’y suit de près et l’y rectifie souvent. […] Ces langues sont pures dans leur transmission ; elles ont suivi, ou plutôt le latin a suivi en elles une marche nécessaire et ascendante, qui l’appropriait au nouvel esprit des temps nouveaux.

129. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Elle est à son côté, cette épée dont le premier coup est toujours suivi de la mort. […] Suivent Ossian, le roi des chants, et Gaul, le premier des mortels. […] Ses guerriers le suivent à quelque distance, et admirent sa démarche altière. […] Je sollicitai son amour, et l’invitai à me suivre dans la plaine d’I-una. […] Jusqu’à ce jour, ô mon bien-aimé, je t’ai suivi de loin, sur les mers, les montagnes et les collines.

130. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

La note du préfet de police de Paris y est l’objet d’une discussion claire, suivie, détaillée, même élégante, le genre admis : Il y a, disait M.  […] Cette république noble et marchande, dont l’origine se perd dans les plus anciens débris de l’Empire romain ; qui eut la première en Italie, en face et à côté de la nouvelle politique romaine, une politique à elle, profonde, suivie, consommée, indépendante ; qui eut ses épisodes de grandeur héroïque et de chevalerie maritime, bien qu’un intérêt de commerce fût toujours au fond ; qui, dans le cours de sa longue et séculaire décadence, sut trouver tant de degrés encore brillants et des temps d’arrêt si glorieux ; qui ne s’abaissa véritablement que depuis la fin du xviie  siècle ; ce gouvernement jaloux, mystérieux, si longtemps sage, de qui la continuelle terreur était tempérée par un carnaval non moins continuel, comme en France la monarchie absolue l’était par des chansons ; cette cité originale en tout, et qui le fut hier encore jusque dans l’insurrection dernière par laquelle, déjà si morte, elle essayait d’un réveil impossible ; cet ensemble d’institutions, d’intérêts, d’exploits et de prouesses, de conjurations, d’espionnages et de crimes ; tant de majesté, de splendeur et d’austère vigilance, se terminant en douceurs molles et en plaisirs, tout cela se suit et se comprend d’autant mieux dans le récit de M.  […] Daru prit depuis lors une part active aux travaux de ses collègues et suivit la ligne de l’opposition modérée qui, dans plus d’un cas, et sans déroger aux idées de gouvernement, eut à défendre les principes constitutifs de la société moderne, les bases mêmes du Code civil qu’on osait remettre en cause. […] Dans cette ligne politique qu’il suivait avec réserve et dignité, on me dit qu’il eût pu, en de certains moments et à de certaines conditions, rentrer au ministère de la Guerre : peut-être lui-même, dans quelque combinaison qui lui eût paru utile et favorable, y eût-il consenti. […] Enfin, les revers, les chagrins sont venus ; peu de vies en sont exemptes : j’ai dû alors au goût et à l’habitude du travail les seuls remèdes que l’on puisse opposer soit au vide de l’âme qui suit souvent la perte du pouvoir, soit aux épreuves qui vous frappent dans la vie de ceux que l’on aime.

131. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

On commence à employer les troupes pour aider aux conversions : « Samedi, 11 août 1685, à Versailles. — J’appris qu’Asfeld, brigadier des dragons, était allé en Poitou commander les troupes qui y sont, et dont les intendants ont quelquefois tiré des secours pour de bons effets. » Ce qui est immédiatement suivi de la nouvelle du dimanche 12 : « Le roi envoya force faisandeaux à Monseigneur, et Monseigneur lui renvoya force perdreaux, se faisant part l’un à l’autre de leurs chasses. » — Tout cela vient ex aequo. […] Quinze jours après, pendant un voyage à Chambord et sur la route, jeudi 6 septembre : On dîna au bois de Fougère, et l’on vint coucher à Châteaudun. — Le roi apprit qu’il y avait eu plus de cinquante mille huguenots convertis dans la généralité de Bordeaux, et nous dit cette bonne nouvelle-là avec grand plaisir, espérant même que beaucoup d’autres gens suivront un si bon exemple. […] Il y avait un chef du vol du cabinet, qui suivait le roi dans tous ses voyages et même à l’armée, et dont la charge ne dépendait point de celle du Grand Fauconnier. […] Mme la Dauphine distribua les rubans, les manchons et les tabliers aux demoiselles qui l’avaient suivie. […] Suivent les noms de ceux et celles qui ont tiré.

132. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Mais avant d’en dire quelque chose, il est indispensable de parler du genre même des Mystères, duquel il n’est, après-tout, qu’une variante ; et cela nous mène à expliquer ce qu’était notre ancien théâtre ; car tout s’y tient, et il n’est pas possible d’en prendre une juste idée sans remonter aux origines et le suivre dans ses progrès et son développement. […] » Et Marie est censée répondre : « J’ai vu le sépulcre du Christ vivant et de ressuscité dans sa gloire… » et tout ce qui suit. […] Mais la première condition de l’esprit critique bien entendu est (sans cependant tout niveler dans son estime) de reprendre, chaque grand fleuve à sa source, chaque grande production et végétation humaine à sa racine, et de la suivre dans son vrai sens et comme de droit fil pour la bien posséder tout entière et être ensuite à même d’en juger tout à fait pertinemment, par comparaison avec d’autres, et en pleine connaissance de cause. […] Moland, à qui nous sommes heureux de rendre en ce moment toute justice pour les lumières qu’il a répandues à son tour sur ces questions littéraires du moyen âge, a donné une fort bonne analyse de ce drame et de toute la légende d’Adam, dont il a suivi les progrès ou altérations en ces siècles de crédulité active et d’invention sourde et continue67. […] Qu’Adam soit vêtu d’une tunique rouge, mais Ève d’un vêtement de femme blanc, avec un voile de soie blanc, et que tous deux se tiennent debout devant la Figure (la Figure, c’est le nom par lequel Dieu est habituellement désigné dans le courant de la pièce), Adam plus rapproché pourtant, le visage respectueux, Ève la tête un peu plus inclinée. » Tout ceci est pour la mise en scène ; ce qui suit est pour la récitation ; écoutez !

133. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

L’impartialité nous oblige à dire que tous les conseils de Marie-Thérèse à sa fille n’étaient pas également bons ; nous distinguerons entre ceux qu’elle lui donnait sur son métier de reine, conseils sages, utiles, excellents à suivre en tout point, et ceux que la politique particulière de l’Autriche lui dictait : ces derniers conseils, soupçonnés du public, étaient parfois périlleux pour Marie-Antoinette, tendaient à la rendre impopulaire et à justifier le reproche qu’on lui faisait généralement, de sacrifier l’intérêt de la France à celui de l’Autriche. […] Elle eût évoqué l’affaire, s’en fût emparée par l’intelligence comme par le cœur, l’eût comprise dans le fond et dans la forme ; elle eût écouté les raisons des ministres de Louis XVI, y eût ajouté l’autorité de sa raison propre ; elle eût épargné à un roi faible ses tiraillements et son embarras, elle eût épousé sa politique sans abjurer la voix du sang : au lieu d’être un simple écho et de répéter sa leçon de Vienne, elle aurait eu sa façon de voir, un avis à elle, et indiquant toute la première la voie moyenne à suivre, la seule possible, renvoyant à Marie-Thérèse quelques-unes des objections que l’impératrice avait faites à Joseph II, elle eût réjoui Marie-Thérèse elle-même, et celle-ci, reconnaissant jusque dans les demi-résistances de sa fille ses propres pensées, sa propre sagesse, se fût écriée avec orgueil : « Elle est deux fois ma fille et mon sang !  […] Marie-Thérèse, dans ses lettres à sa fille, a toujours soin de dissimuler le jeune parti autrichien ardent, et de présenter une Autriche à son image, ayant les mêmes intérêts que la France, les mêmes inclinations, les mêmes ennemis naturels, bien différente en cela de la Prusse et de la Russie, qu’elle confond volontiers dans une « réprobation commune » : « Qu’on ne se flatte pas sur cette dernière, dit-elle en parlant de la Russie et de l’impératrice Catherine ; elle suit les mêmes maximes que le roi (de Prusse), et le successeur (Paul Ier) est plus Prussien que ne l’était son soi-disant père (Pierre III), et que ne l’est sa mère qui en est un peu revenue, mais jamais assez pour rien espérer contre le roi de Prusse, pas même des démonstrations : très-généreuse en belles paroles qui ne disent rien, ou, selon la foi grecque : Græca fides. […] Ce n’est qu’en consultant les Archives des Affaires étrangères qu’on pourrait suivre de point on point la marche de cette négociation, et en bien fixer les divers instants. […] Peu de princes, ne l’oublions pas, ont eu un plus sincère amour de l’humanité, une pensée plus fixe et plus suivie d’améliorer le sort des hommes confiés à leurs soins.

134. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Ils n’ont pourtant pas renoncé à assister aux suites, à y présider même par leur esprit ; ils ont donné de leur présence constante des témoignages trop rares sans doute pour ceux qui les admirent et auraient voulu les suivre encore, mais des témoignages suffisants pour maintenir leur influence supérieure et leur nom. […] Décidément, la littérature qui a suivi l’ordre de choses du 8 août144 ne paraît pas, non plus que la politique, devoir se marquer par quelques grandes influences centrales, glorieuses, qui dominent le reste, et autour desquelles tout se subordonne avec plus ou moins d’harmonie en monument. […] Les générations prennent, à mesure qu’elles avancent, des teintes plus uniformes, de certaines couches générales de lumière qui les différencient en masse d’avec celles qui suivent, et en font ressembler davantage entre eux les individus. […] En somme, chacun, sur ce terrain commun que nous tâchons bien plutôt d’indiquer et de fixer que de définir, y gagnerait précisément de ne pas négliger, de reconnaître au contraire et de suivre les parties de son emploi les moins contestables et les mieux agréées. […] Un retour, ne fût-il qu’assez rare de la part d’un chacun, s’il est réel et suivi, peut suffire à renouer le lien et à maintenir les lignes.

135. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

. — Rousseau, le moins instruit de tous, suit les cours du chimiste Rouelle, herborise, et s’approprie, pour écrire son Émile, tous les éléments des connaissances humaines. — Diderot a enseigné les mathématiques, dévoré toute science, tout art et jusqu’aux procédés techniques des industries. […] Tout événement, quel qu’il soit, a des conditions, et, ces conditions données, il ne manque jamais de suivre. […] En tout ceci l’homme continue la nature ; d’où il suit que, pour le connaître, il faut l’observer en elle, après elle, et comme elle, avec la même indépendance, les mêmes précautions et le même esprit  Par cette seule remarque, la méthode des sciences morales est fixée. […] Car, si l’horloge marche, c’est par l’accord de ses diverses pièces, d’où il suit que, si l’accord cesse, l’horloge se détraquera. […] Considérons les débuts de la vie, l’animal au plus bas degré de l’échelle, l’homme à l’instant qui suit sa naissance.

136. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Même spectacle à l’Académie, si l’on en veut suivre les élections pendant une vingtaine d’années, de 1661 à 1680. […] Plus tard encore, de 1683 à 1693, nous voyons, après La Fontaine et Despréaux, s’introduire Fontenelle, que suivent de près Fénelon et La Bruyère. […] Partout où Boileau paraissait encourager la littérature mondaine, ingénieuse, artificielle et noble, partout où il avait l’air d’avoir peur ou mépris de la nature, et d’encourager l’esprit à la farder, en un mot, dans ses erreurs, ses timidités et ses incorrections, on le suivit, et l’on érigea sa théorie mutilée en loi souveraine de la poésie. […] Sous ce respect de convention, on le suit à peu près autant que les anciens. […] La littérature a suivi sa marche sans regarder en arrière : d’autres influences en ont réglé le mouvement, et elle s’est orientée vers de nouveaux principes.

137. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Développement de Rabelais Le grand mouvement d’idées que la découverte de l’antiquité détermina chez nous pendant le premier tiers du xvie  siècle ne s’était fait encore sentir qu’incidemment dans la littérature, quand soudain il éclata dans le premier livre de Pantagruel (fin de 1532), bientôt suivi de son père Gargantua 175. […] Rabelais suivit la voie de Despériers : mais Berquin et Caturce brûlés comme le Cymbalum lui servirent de leçons ; il savait la vigoureuse joie de son Pantagruel odieuse à Genève autant qu’en Sorbonne, et il était averti qu’il ne ferait pas bon pour lui d’aller trouver Calvin. […] Il les posera nettement, vigoureusement ; il les suivra avec amour, d’un rire éclatant et serein, dans le tumultueux jaillissement de leurs énergies naturelles. […] Qu’on suive Pantagruel dans son tour de France : on verra comment Rabelais fait ressortir les choses d’un trait bref, avec quelle vigueur il enlève en trois mots une esquisse : au contraire, dans les amples scènes du roman, dans les discours étalés et les larges dialogues, dans la harangue de Janotus, dans les propos des buveurs, dans le marché de Panurge et Dindenaut, dans la défense du clos de l’abbaye ou dans cette étourdissante tempête, on sera confondu de la patience et de la verve tout à la fois avec lesquelles Rabelais suit le dessin de la réalité dans ses plus légers accidents et ses plus baroques caprices. […] Il fut comme médecin dans la maison du cardinal Jean du Bellay, qu’il suit au moins trois fois à Rome (1533, 1535, 1538).

138. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Nous avons vu plus haut qu’en 1673, à l’époque de la mort de Molière, les trois amis qui lui survécurent avaient déjà arrêté le cours de leur fécondité, et qu’ils avaient exprimé, par un long silence, l’étonnement de ce qui se passait, le besoin d’étudier, d’observer, de suivre le changement qui s’opérait dans les mœurs de la haute société. […] C’est que sur le calcul, dit-on, de Cassini, Un astrolabe en main, elle a, dans sa gouttière, À suivre Jupiter passé la nuit entière. […] La Fontaine, entraîné par son goût pour le plaisir, suivait le torrent ; et cependant il avait déjà quelques pressentiments du nouveau système de vie qu’il devait professer plutôt qu’embrasser deux ans plus tard, système dont il reconnut la convenance quand il fut élu à l’Académie, et que madame de La Sablière se livra sans partage à la vie pieuse. […] C’est peu que leurs conseils si je ne sais les suivre… Et qu’au moins vers ma fin je recommence à vivre ; Car je n’ai pas vécu ; j’ai suivi deux tyrans : En vain bruit et l’amour ont partagé mes ans… » Racine, homme plus grave, caractère plus élevé que ses trois amis, son tenait glorieusement sa marche dans la carrière qu’il s’était ouverte. […] On suit que cette épitre ne désigne personne comme admirateur de Pradon.

139. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Il y a d’autres discours suivis que les vainqueurs adressent quelquefois à ceux qu’ils ont tués. […] Pour le traduire, il faut suivre son ordre, rendre son sens, et trouver, s’il se peut, des expressions équivalentes aux siennes. […] Le traducteur y abandonne même le tour et le génie de sa langue, pour suivre servilement celle de son original. […] Jamais la tyrannie de la rime ne permettra de suivre les tours et les expressions d’un auteur, aussi exactement que la prose le peut faire. […] Un vers est toûjours plus beau, toutes choses égales, selon qu’il dépend moins pour la liaison de ce qui le précéde et de ce qui le suit.

140. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

L’art d’un roi qui, sans être supérieur, eût été pratique et prudent, c’eût été de pourvoir au plus tôt, de porter remède à cette fièvre soudaine, à cette chaleur de réforme qui avait saisi à la fois toute la nation, moins les classes privilégiées, et qui gagnait, jusque dans ces classes privilégiées, bien des têtes ardentes et généreuses ; c’eût été de donner à cet enthousiasme le temps et les moyens de se calmer ; c’eût été, par des réformes partielles vigoureusement suivies, de donner satisfaction à des intérêts justes et, par là, de décomposer petit à petit ce nuage gros d’illusions, qui renfermait des tonnerres. […] Par une succession d’essais incomplets, non suivis, toujours interrompus, il irrita la fièvre publique et ne fit que la redoubler pendant quatorze ans. […] (Suivaient quelques extraits du livre.)

141. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Cooper est allé se perfectionnant de jour en jour ; il a mieux connu son talent, à force de le mettre à l’œuvre ; sa manière, d‘abord timide et douteuse, est devenue plus ferme, plus large, plus originale ; il a osé avoir ses qualités et ses défauts propres ; en un mot, sans jamais cesser d’appartenir à la famille du romancier écossais, il a suivi sa route à part, et le colon s’est émancipé. […] Le fleuve, si l’on peut parler ainsi, n’est pas là pour couler et suivre sa pente ; le propriétaire veut en faire quelque chose, et s’en sert comme d’un moyen pour un but. […] Tantôt c’est un oiseau de mer qui rase l’écume de ses ailes, et suit avec grâce les contours des vagues ; tantôt c’est un coursier qui s’abat, se redresse et frémit d’effroi.

142. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Nous ne suivrons pas cette loi dans le détail de ses applications immédiates. […] Soit ; mais qu’il s’astreigne alors à suivre la pensée dans le détail de ses évolutions. […] Nous allons les suivre l’une après l’autre, puis nous reprendrons notre chemin en ligne droite. […] Des trois directions où nous devions nous engager, nous avons suivi maintenant la première jusqu’au bout. […] Ici encore nous avons voulu suivre fidèlement une direction naturelle du mouvement de l’imagination.

143. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Elle lui donnait les meilleurs conseils pour son Holstein ; c’est même par là qu’elle fit son premier apprentissage en politique, traitant les affaires de ce petit État avec l’ambassadeur de Vienne qui était à Pétersbourg et qui disait au grand-duc : « Votre femme a raison ; vous feriez bien de l’écouter. » Il suivit le conseil et n’eut pas à s’en repentir. […] Les autres intrigues plus légères s’entre-croisent, et on les suit sans trop de peine à travers son récit. […] Je résolus donc, autant que je pourrais, de continuer à lui donner tous les conseils dont je pourrais m’aviser pour son bien, mais de ne jamais m’opiniâtrer jusqu’à le fâcher comme ci-devant, quand il ne les suivrait pas ; de lui ouvrir les yeux sur ses vrais intérêts, chaque fois que l’occasion s’en présenterait, et le reste du temps de me renfermer dans un très-morne silence ; de ménager, d’un autre côté, dans le public, mes intérêts, de telle façon que celui-ci vît en moi le sauveur de la chose publique dans l’occasion. » Le grand chancelier Bestoucheff, à la veille d’une chute et d’une entière disgrâce, s’inquiétait également de l’avenir, comme si de rien n’était, et il avait préparé un plan en prévision du décès de l’Impératrice : d’après ce projet, le grand-duc eut été proclamé comme de droit empereur ; mais en même temps, la grande-duchesse eût été déclarée avec lui « participante à l’administration. […] Si j’avais compris, dès le commencement, qu’aimer un mari qui n’était pas aimable, ni ne se donnait aucune peine pour l’être, était une chose difficile, sinon impossible, au moins lui avais-je, et à ses intérêts, voué l’attachement le plus sincère qu’un ami, et même un serviteur, peut vouer à son ami et son maître ; mes conseils avaient toujours été les meilleurs dont j’avais pu m’aviser pour son bien ; s’il ne les suivait pas, ce n’était pas ma faute, mais celle de son jugement qui n’était ni sain ni juste. […] Naturellement indulgente, je m’attirais la confiance de ceux qui avaient affaire avec moi, parce que chacun sentait que la plus exacte probité et la bonne volonté étaient les mobiles que je suivais le plus volontiers.

144. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Que peuvent-ils contre ton cœur dont le témoignage consolant te récompense d’avoir suivi ce qui étoit juste & grand ? […] As-tu toujours suivi l’inspiration secrette de cette voix qui nous dirige ? […] qu’il est doux dans le sein de cette auguste amitié, de n’obéir qu’à la voix du génie, de suivre ses inspirations secrettes, de nourrir chaque jour ce feu sacré des beaux Arts, ce goût épuré qui forme une trempe d’ame également vigoureuse & sensible. […] Dans mes promenades solitaires, je te suivrai dans les combats impétueux, Homére & tes héros me paroîtront aussi grands que tes Dieux. […] Je l’avouerai elle est fouillée par des Auteurs mercenaires & méprisables, dignes milices de l’ignorance & de la calomnie dont ils suivent les mouvemens désordonnés.

145. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Les travaux philologiques et les excursions érudites de Leopardi, vers cette époque de son adolescence et de sa première jeunesse, feraient une longue et trop sèche énumération, si on la voulait complète ; singulier prélude, ouverture bien austère, à la destinée toute poétique qui suivra. […] Le jeune critique s’autorise d’un passage de Fronton, du silence de Velleius et de quelques autres indices, pour conjecturer qu’Horace, dans le siècle qui suivit le sien et même un peu au delà, était loin d’avoir acquis cette renommée classique incontestée qui ne s’est consolidée que plus tard. […] Le caractère de ces premières pièces et de celles qui suivirent est grandiose, mâle, généreux, et d’une inspiration patriotique aussi élevée que douloureuse. […] Brutus, on le sait, près de se percer de son épée, s’écria, selon Dion Cassius : « O misérable Vertu, tu n’étais qu’un nom, et moi je te suivais comme une réalité ; mais tu obéissais en esclave à la fortune145 » Et le vieux Théophraste, comblé de jours et d’honneurs, à l’âge de plus de cent ans, interrogé par ses disciples au moment d’expirer, leur répondit par des paroles moins connues, non moins mémorables, et qui revenaient à dire qu’il n’avait suivi qu’une fumée, et qu’il se repentait de la gloire, autant que Brutus de son côté se repentait de la vertu146. […] Durant les six années qui suivirent (1831-1837), une correspondance aussi fréquente que le permettait l’état de santé de Leopardi se continua entre eux.

146. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Suivons la file de voitures qui, de Paris à Versailles, roule incessamment comme un fleuve. […] Les princes et princesses du sang, ayant le droit « d’envoyer prendre du poisson à la recette les jours maigres, quand ils ne font pas à la cour de résidence suivie », ce seul article revient, en 1778, à 175 116 livres. […] Si leur femme les a suivis, elle s’ennuie et « végète au milieu de cinquante personnes, ne disant que des lieux communs, faisant des nœuds ou jouant au loto, et passant trois heures à table ». […] On peut suivre à la trace ces brillants oiseaux, de volière en volière ; ils restent une semaine, un mois, trois mois, étalant leur ramage et leur plumage. […] — Là-dessus une réforme suivit (17 août 1780). — La maison du roi justifiée (1789), 24.

147. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Seulement, pour l’avenir, j’y prendrai une sérieuse attention… (Suivaient des points de détails et des exemples d’endroits qu’elle avait corrigés.) […] Mme Valmore, qui, en dehors de toute question politique, ne voyait en lui qu’un bienfaiteur du peuple et un martyr humanitaire, ne cessa de le suivre de sa pensée et de ses vœux dans l’exil et le bannissement. […] Ondine suivait sa ligne de vie à part, en amitié, en étude. […] Mme Valmore ne peut s’empêcher d’y applaudir ; elle ne se raisonne pas, elle suit son élan, elle sent à la manière du peuple ; elle a, je l’ai dit, l’âme populaire. […] Une seule circonstance heureuse en rompt la note uniforme et triste : le mariage de sa fille Ondine, si tôt suivi d’une fin funeste.

148. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Desportes et Bertaut ont eu peur du vol de leur maître ; ils ne l’ont pas suivi dans l’ode, n’étant pas aussi assurés que lui d’échapper au sort dont Horace a menacé les émules du Pindare thébain. […] Ces esprits emportoient la gloire tout entière, Si toujours la façon eût suivi la matière. […] Pour le fond et le cadre de ses poésies, Desportes suit fidèlement Ronsard. […] La nouveauté, ce fut d’en avoir fait un troisième pour Cléonice, suivi d’un quatrième pour diverses beautés qu’il ne nomme pas. […] La langue suit ces deux dispositions du poëte tantôt relâchée et vague, et tantôt forcée ; ce qui est le vice caractéristique des poésies de Desportes et de toutes les poésies que n’inspire ni la passion ni la raison.

149. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

le Franc, qu'il s'est efforcé de rabaisser, après avoir fait de vains efforts pour les suivre. […] Tous les Poëtes qui l'ont précédé, lui sont inférieurs, & l'on pourroit prédire que ceux qui le suivront, auront de la peine à l'égaler. […] Du Monde poétique, suivons M. de Voltaire dans la vaste carriere de la Prose. […] Son imagination en a suivi tous les mouvemens, & porté toutes les empreintes. […] Qu'on l'écoute & qu'on le suive ; qu'en résultera-t-il ?

150. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Suivez-le vous-même à la fête ; conduisez avec lui la carriole dans la traîne si verte, si ombragée, si embaumée ; voyez-le déposer orgueilleusement sa fiancée au milieu d’un cercle d’admirateurs et d’envieux, et se perdre bientôt dans la foule, jusqu’à ce que, la rumeur publique lui annonçant ces dames de Raimbault, il monte, pour les mieux apercevoir, sur une croix de pierre, au grand scandale des curieux moins bien placés que lui.  […] Ces courses de Valentine avec Louise et Athénaïs, Bénédict toujours présent, par les prairies, à travers le foin des granges et au bord de la rivière ; le moment surtout où Bénédict, lassé de courir et de pêcher, en blouse, négligemment assis les jambes pendantes sur un tronc de chêne au-dessus des eaux, est admiré pour la première fois et trouvé beau par Valentine qui le regarde du bord ; ce moment et les tendresses folâtres qui l’amènent et le suivent sont le triomphe du roman. […] Je n’ai point pardonné non plus à Valentine, dans la matinée qui suit la scène du cabinet, d’offrir à M. de Lansac de le suivre partout où il le voudra.

151. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Marie, roman, est simplement un recueil d’élégies, parmi lesquelles il s’en trouve huit intitulées Marie, qui, sans se suivre du tout, reviennent par intervalles, et, au milieu des distractions de l’amant et des caprices du poëte, renouent le fil de lin flottant de cette première liaison villageoise et printanière. […] Marie, la gentille brune aux dents blanches, aux yeux bleus et clairs, l’habitante du Moustoir, qui tous les dimanches arrivait à l’église du bourg, qui passait des jours entiers au pont Kerlo, avec son amoureux de douze ans, à regarder l’eau qui coule, et les poissons variés, et dans l’air ces nombreuses phalènes dont Nodier sait les mystères ; Marie, qui sauvait la vie à l’alerte demoiselle abattue sur sa main ; qui l’hiver suivant avait les fièvres et grandissait si fort, et mûrissait si vite, qu’après ces six longs mois elle avait oublié les jeux d’enfant et les alertes demoiselles, et les poissons du pont Kerlo, et les distractions à l’office pour son amoureux de douze ans, et qu’elle se mariait avec quelque honnête métayer de l’endroit : cette Marie que le sensible poëte n’a jamais oubliée depuis ; qu’il a revue deux ou trois fois au plus peut-être ; à qui, en dernier lieu, il a acheté à la foire du bourg une bague de cuivre qu’elle porte sans mystère aux yeux de l’époux sans soupçons ; dont l’image, comme une bénédiction secrète, l’a suivi au sein de Paris et du monde ; dont le souvenir et la célébration silencieuse l’ont rafraîchi dans l’amertume ; dont il demandait naguère au conscrit Daniel, dans une élégie qui fait pleurer, une parole, un reflet, un débris, quelque chose qu’elle eût dit ou qu’elle eût touché, une feuille de sa porte, fût-elle sèche déjà : cette Marie belle encore, l’honneur modeste de la vallée inconnue qu’arrosent l’Été et le Laita, ne lira jamais ce livre qu’elle a dicté, et ne saura même jamais qu’il existe, car elle ne connaît que la langue du pays, et d’ailleurs elle ne le croirait pas. […] Si je l’osais dire, je trouverais dans ces comparaisons de l’artiste quelque secret rapport de conformité avec sa propre et intime organisation, avec ses sauvageries bretonnes, sa pureté un peu farouche, et cette ombrageuse vigilance qu’il nous a lui-même si délicatement accusée : J’aime dans tout esprit l’orgueil de la pensée Qui n’accepte aucun frein, aucune loi tracée, Par delà le réel s’élance et cherche à voir, Et de rien ne s’effraye, et sait tout concevoir : Mais avec cet esprit j’aime une âme ingénue, Pleine de bons instincts, de sage retenue, Qui s’ombrage de peu, surveille son honneur, De scrupules sans fin tourmente son bonheur, Suit, même en ses écarts, sa droiture pour guide, Et, pour autrui facile, est pour elle timide. […] … (Suivait ici l’élégie du conscrit Daniel)82.

152. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

On raisonne donc, on examine, on pose des principes, mais par jeu, pour passer le temps, sans méthode suivie, sans intention de propagande. […] Il suivait en tout la vérité ; il était juste, il était bienfaisant par intelligence. […] Il demandait aux dames, pour comprendre sa Pluralité des mondes, tout juste la même somme d’attention dont elles ont besoin pour suivre la Princesse de Clèves. […] Les catholiques avaient suivi les réformés sur ce terrain ; et l’on avait vu Bossuet, dans son Histoire des Variations, démontrer par la méthode historique le développement continu et divergent des doctrines réformées.

153. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Cela précédait la prise de Douay qui eut lieu le 24 juin 1667, et fut suivie de celle de Tournay, le 6 juillet suivant. […] Au commencement d’août, le roi retourne à l’armée ; la reine le suit, accompagnée de madame de Montespan, dont elle était loin de suspecter la conduite. […] On peut donc tenir pour positif, que depuis le mois de mai 1667, jusqu’au mois d’août de la même année, Mademoiselle reconnut et suivit l’intrigue des deux amants. […] Je la suivis d’assez près pour m’être trouvée en tiers lorsqu’elle (madame de Montausier) lui conta que son mari était venu lui dire mille injures, dont elle paraissait si outrée, qu’elle tremblait de colère sur son lit.

154. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Ainsi, la poésie, qui suit les démarches de l’âme, doit se composer de petits mouvements et à chaque instant changer d’allure. […] Vous allez la suivre dans les récits, les descriptions et les discours. […] Presque tous les grands écrivains suivaient alors le précepte que Buffon donna plus tard. […] Nous avons suivi les longs détails du monologue de Perrette ; mais, plus il est long, plus il est sot. […] Suivons toutes ces réfutations et tous ces actes de tyrannie.

155. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

On aime pourtant à suivre les sources et les lenteurs mystérieuses des eaux aux flancs du rocher. […] Est-ce à Genève qu’il va suivre ses études ? […] Nous allons l’y suivre et le considérer dans cette phase nouvelle, définitive. […] Tout en le combattant, on l’abordera, on le suivra. […] Claude Têtu va essayer de répondre dans ce qui suit à cette dernière opinion si spécieuse.

156. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

La chèvre laitière était tombée morte du coup, sur le corps d’un des deux chevreaux blancs qu’elle allaitait ; l’autre, blessé d’une chevrotine au cou, tout près des oreilles, perdait tout son sang et était venu se réfugier, par instinct, entre les pieds nus de Fior d’Aliza ; le petit chien, une jambe de devant à demi coupée par une balle, hurlait, en traînant sa jambe, derrière elle ; la pauvre petite, atteinte elle-même de quelques gros grains de plomb qui avaient ricoché, aux deux bras, jetait des cris déchirants, non sur ses blessures qu’elle ne sentait pas, mais sur le carnage de sa chèvre, de ses chers chevreaux et du pauvre Zampogna ; elle courait vers nous en emportant le chevreau expirant sur son sein, suivie de Zampogna qui marchait sur trois pattes et qui arrosait l’herbe de son sang. […] — Bénie soit l’idée de ta mère, m’écriai-je en embrassant Hyeronimo, qui pleurait en regardant sa cousine endormie.… Allons, courage, mon pauvre garçon, lui dis-je ; le seul moyen de les revoir et de nous revoir tous dans de meilleurs jours, c’est de suivre le conseil de ta mère ; c’est l’âme de ton père qui l’inspire. […] Je les suivis de l’oreille et du cœur aussi longtemps que je pus entendre le bruit des pas de l’escorte. […] CXXXIII — Je leur dis alors, comme on parle dans le délire de la fièvre, tout ce qu’on peut dire quand on a perdu sa raison et qu’on n’écoute rien de ce qui combat votre folie par des raisons, des caresses ou des menaces, que mon parti était pris ; que si Hyeronimo devait mourir, il valait autant que je mourusse avec lui, car je sentais bien que ma vie serait coupée avec la sienne ; que des deux manières ils seraient également privés de leurs deux enfants ; que, vivant, il aurait peut-être besoin de moi là-bas ; que, mourant, il lui serait doux de me charger au moins pour eux de son dernier soupir et de prier en voyant un regard de sœur le congédier de l’échafaud et le suivre au ciel ; que la Providence était grande, qu’elle se servait des plus vils et des plus faibles instruments pour faire des miracles de sa bonté ; que je l’avais bien vu dans notre Bible, dont ma tante nous disait le dimanche des histoires ; que Joseph dans son puits avait bien été sauvé par la compassion du plus jeune de ses frères ; que Daniel dans sa fosse avait bien été épargné par les lions, enfin tant d’autres exemples de l’Ancien Testament ; que j’étais décidée à ne pas abandonner, sans le suivre, ce frère de mon cœur, la chair de ma chair, le regard de mes yeux, la vie de ma vie ; qu’il fallait me laisser suivre ma résolution, bonne ou mauvaise, comme on laisse suivre la pente à la pierre détachée par le pas des chevreaux, qui roule par son poids du haut de la montagne, quand même elle doit se briser en bas ; que toutes leurs larmes, tous leurs baisers, toutes leurs paroles n’y feraient rien, et que, si je ne me sauvais pas aujourd’hui, je me sauverais demain, et que peut-être je me sauverais alors trop tard pour assister le pauvre Hyeronimo. […] J’étais vaincue, monsieur, et je demandais à Dieu de mourir en cet instant pour tous mes parents, afin de m’éviter l’horrible et impossible choix, ou d’abandonner mon père et ma tante, ou d’abandonner mon cher et malheureux Hyeronimo, lorsqu’une voix, comme si elle fût descendue du ciel, interrompant tout à coup le silence de nos embrassements, dit d’un ton d’autorité à mon père et à ma tante : « Ne résistez pas à Dieu, qui parle par le cœur des innocents, laissez Fior d’Aliza courir sur les traces de son frère, la protection de Dieu la suivra peut-être dans la foule, comme elle a suivi Sarah dans le désert.

157. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

On y sent les inflexions de la voix suivre chaque mouvement de l’idée, en gardant une couleur sonore assez continue selon l’objet de cette idée. […] Verlaine et Moréas, qui suivaient eux-mêmes la tentative heureuse de Rimbaud, M.  […] La publication de ces vers fut immédiatement suivie, en Belgique et en France, de poèmes conçus selon des formes voisines. […] M. de Régnier suivit peu après, mais de plus loin. […] Griffin suit, je crois, à l’excès.

158. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

C’est un peintre hardi à la fois et discret, qui a voilé une partie de ses personnages et qui s’est dérobé lui-même ; il laisse entrevoir autant de choses qu’il en montre ; on le suivrait volontiers dans sa demi-ombre et dans ses mystères ; on cherche toujours une clef avec lui. […] Une fois entré chez les Jésuites, Bourdaloue, qui n’avait que seize ans (10 novembre 1648), suivit ses études, enseigna et professa soit les lettres, soit la théologie, et fut appliqué, durant dix-huit ans, à divers emplois scolastiques où il se munissait et s’aguerrissait, sans le savoir, pour sa destination future. […] C’était un orateur, et il en avait tous les dons pour le genre d’enseignement sacré auquel il s’était voué : il avait l’action, le feu, la rapidité, et, en déroulant ce fleuve de la parole qui chez lui, à la lecture, nous paraît volontiers égal et surtout puissant par sa vigueur suivie et sa continuité, il y avait des endroits où il tonnait. […] Là comme toujours, il enseigne ouvertement et sans détour : « Écoutez-moi, et ne perdez rien d’une instruction si édifiante. » Car le propre de Bourdaloue (tant il est sûr de sa modestie et tant il s’oublie lui-même) est de se confondre totalement avec son ministère de prédicateur et d’apôtre ; il ne laisse rien aux délicatesses du siècle : « Écoutez-moi. — Suivez-moi. — Appliquez-vous […] Ce prince, qui m’avait écouté, a depuis écouté votre voix secrète, et, parce qu’il avait un cœur droit, il a suivi l’attrait de votre grâce… On voit bien que ceux qui dénient l’onction à Bourdaloue n’ont pas entendu de sa bouche ces passages, et ils les ont lus négligemment.

159. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Lorsque Cowper s’était senti mieux et plus fort d’esprit, il avait commencé une correspondance avec un petit nombre d’amis, et il la suivit sans interruption pendant plusieurs années ; c’est là surtout qu’on apprend à le connaître et à pénétrer dans les mystères de son esprit ou de sa sensibilité. […] Cette rose élégante, si je l’avais secouée moins brusquement, aurait pu fleurir un moment avec celle à qui on l’offrait : une larme qu’on essuie avec un peu d’adresse peut être bientôt suivie d’un sourire. […] Elle ira en chaise de poste, avec enfants, sœur, neveu ou nièce, six en tout ; son mari suivra à cheval par derrière. […] Je suis un brave drapier qu’on estime à la ronde : certainement, pour cette fête, mon ami le décatisseur me prêtera sa bête. » Il est convenu aussi qu’on emportera le vin du logis, car le vin cette année-là est cher. « Le matin venu, la chaise s’avance, mais non jusqu’à la porte, afin qu’on ne puisse pas dire que Mme Gilpin est fière. » Surviennent les contretemps du voyage : au moment où part la chaise de poste, Gilpin, prêt à la suivre et déjà en selle, voit arriver trois pratiques ; on ne refuse jamais des pratiques, et il met pied à terre pour les servir. […] Mais le vrai Cowper ne reparaît et ne se dessine tout entier que dans les vers qui suivent immédiatement.

160. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Bien des jeunes gens s’en fussent accommodés encore ; les familles, elles, ne s’en accommodaient pas autant, et l’on maintenait jusqu’au bout, dans une voie d’études trop souvent suivies à contrecœur, des intelligences sans vocation qui s’y traînaient et n’y marchaient pas. […] Une longue et forte culture s’en est suivie, où tout n’a pas été parfaitement sage et sain sans doute, mais où, avec quelque hasard, il y a eu bien de la spontanéité féconde et du noble éclat. […] En remerciant donc les lecteurs qui m’ont suivi jusqu’ici avec tant de bienveillance dans mes excursions toutes modernes, j’ai besoin de leur demander de me laisser pour quelque temps interrompre ces communications habituelles : le jour où je me sentirais en mesure de les reprendre, serait, on peut le croire, un jour heureux pour moi. […] Les grands hommes ont toujours une grande influence sur les générations qui les suivent, quoique cette influence soit souvent niée et combattue. […] Il ne lui a pas été donné de la suivre dans son application et de la perfectionner.

161. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

(Suit une prière. […] Je suivrai donc ton conseil, ô mon cher docteur, et je ne me hasarderai point à ce qu’on puisse penser que j’ai écourté ma vie par mon inconstance : et certes la vie entière est si courte qu’elle nous interdit d’entamer les longues espérances. […] Le siège de sa conscience, mené et suivi de très près par l’habile et persuasif du Perron, ne dura pas moins de dix ans (1600-1640) ; c’est plus long que le siège de Troie, et Casaubon n’a point capitulé. […] En une chose de cette importance, qui suivrons-nous, Dieu éternel ? qui suivre en d’autres difficultés du même genre ?

162. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Chéruel ne suit pas les adversaires de Saint-Simon jusqu’à cette extrémité ; il rétablit le sens du mot substituer, qui est chez M. de Luynes. […] Avouez toutefois qu’on profite grandement de lui pour connaître les personnages, même lorsqu’on ne les accepte pas tout entiers de sa main tels qu’il les fait : il vous procure de belles avances pour les peindre, même lorsqu’on ne le suit pas jusqu’au bout. […] Je ne fais que suivre M.  […] La marche fut ouverte par le régiment des gardes, le maréchal à la tête, ensuite les officiers et les archers de la maréchaussée, puis le duc de Gèvres, gouverneur de Paris, précédé des archers de ville et suivi du prévôt des marchands et de tout le Corps de ville. […] Il poussa la servitude jusqu’à monter une fois derrière le carrosse du roi, pour le suivre où il avait été refusé d’aller, et cela lui réussit à merveille.

163. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Je ne suivrai pas M. […] La prose plus souvent vient subir d’autres lois, Et se transforme, et suit mes poétiques doigts : De rimes couronnée, et légère et dansante, En nombres mesurés elle s’agite et chante. […] remy s’était borné à faire remarquer qu’André Chénier, malgré tout, était de son temps ; à indiquer en quoi il composait avec le goût d’alentour, comment dans tel sujet transposé, dans tel cadre de couleur grecque, il se glisse un coin, un arrière-fond peut-être de mœurs et d’intérêt moderne, on n’aurait eu qu’à le suivre dans ses analyses. […] Le xviiie  siècle comptait sans doute, ou plutôt ne se donnait plus la peine de compter une foule de pièces galantes, satiriques, badines, étincelantes d’esprit ; Voltaire y excelle ; les Saint-Lambert, les Rulhière, les Boufflers l’y suivaient à l’envi ; mais dans l’art sérieux, dans cet idéal qui s’applique aussi à ces formes légères, dans ce tour sévère et accompli qui achève la couronne de la grâce elle-même, qu’avait-on, depuis longtemps, à citer ? […] » Les critiques difficultueux peuvent se demander si, en procédant ainsi, en se livrant à ces délices de poésie qui d’ordinaire suivent les grands siècles, il se montrait rigoureusement fidèle à l’esprit de ces grands siècles eux-mêmes.

164. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Force est donc que nous nous contentions de fragments, de petites parties détachées ; heureux encore qu’il se rencontre çà et là quelque chose à notre usage dans ce favori des Allemands, et que, ne pouvant le suivre comme eux avec une fidèle admiration dans le labyrinthe de ses pensées, nous puissions du moins l’aborder quelquefois hors de ces routes mystérieuses dont l’accès nous est interdit. […] Ils sont si mystérieux, et tellement allégoristes, que leurs compatriotes ont peine à les suivre dans leur monde idéal. […] Mais encore une fois ce n’est pas son but ; et quand il arrive au génie, il oublie ses deux images, il brise ses deux miroirs, et, au lieu de contempler son objet spirituel dans un emblème physique, il change d’inspiration, il se sert d’expressions abstraites ; il parle des accès d’une sainte manie , de l’ardeur qui le possède  ; il prend ses figures à toutes sources : rien n’est suivi ; c’est une manière fragmentaire et hachée. […] Roméo et Juliette, nouvelle de Luigi da Porto, suivi d’Observations. […] Le procédé de l’esprit humain est un ; et le poète, dans ses inventions, suit la même loi que Napier inventant les logarithmes ou Descartes l’analyse géométrique.

165. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Ce fut au printemps de 1740 que fut publiée, sans nom d’auteur, Introduction à la connaissance de l’esprit humain, suivie de réflexions et de maximes. […] Qui peut se sauver des misères qui suivent la médiocrité ? […] tout le reste m’enchante ; vous êtes l’homme que je n’osais espérer. » Ces choses qui affligeaient la philosophie de Voltaire sont la Méditation sur la foi et la Prière qui la suit, deux pièces qui avaient sans doute quelques années de date et que Vauvenargues crut devoir insérer néanmoins dans sa première édition. […] Il veut qu’on suive ses amis, non seulement dans leurs disgrâces, mais jusque dans leurs faiblesses, et qu’on ne les abandonne jamais. […] Au reste, pour se figurer la ligne de hardiesse et à la fois de modération qu’eût affectionnée et suivie Vauvenargues dans des circonstances différentes et dans les conjonctures publiques qui ont éclaté depuis, il me semble que nous n’avons qu’à le considérer en un autre lui-même, et à le reconnaître dans André Chénier.

166. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Cela dit, et les objections écartées, je reprends Richelieu au point où je l’ai laissé la dernière fois, et je veux le suivre encore en m’aidant de la publication de M.  […] Cependant les années qui suivent le laissent encore dans une situation secondaire, et où il a besoin de toute son insinuation, de sa souplesse et de sa patience. […] N’y ayant point de conseil si judicieux, pense-t-il, qui ne puisse avoir une mauvaise issue, on est souvent obligé de suivre les opinions qu’on approuve le moins ». […] Non ; Richelieu donna alors, même aux gens de guerre, de meilleurs conseils, et qui ne furent point suivis ; mais ce qui est la vraie explication, selon moi, c’est qu’il n’était point de cœur avec les confédérés. […] À tous les conseils hasardeux qu’on donnait à celle-ci, il était d’avis d’opposer une prudence suivie et la patience.

167. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Polonius, Jean = Labenski, Ksaveri Ksaverievitch (1800-1855) »

. — Empédocle (vision poétique), suivi d’autres poésies (1829). […] Sainte-Beuve Jean Polonius n’est pas un précurseur de Lamartine ; il l’a suivi et peut servir très distinctement à représenter la quantité d’esprits distingués, d’âmes nobles et sensibles qui le rappellent avec pureté dans leurs accents… La langue poétique intermédiaire dans laquelle Jean Polonius se produisit, a cela d’avantageux qu’elle est noble, saine, pure, dégagée des pompons de la vieille mythologie, et encore exempte de l’attirail d’images qui a succédé ; ses inconvénients, quand le génie de l’inventeur ne la relève pas fréquemment, sont une certaine monotonie et langueur, une lumière peu variée, quelque chose d’assez pareil à ces blancs soleils du Nord, sitôt que l’été rapide a succédé.

168. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 339-340

L’Ami des Femmes, plus sérieux, renferme d’excellens conseils que le Sexe ne suivra pas, mais qu’il lui seroit avantageux de suivre.

169. (1864) Études sur Shakespeare

Il grandit et brilla sur son sol comme le soleil se levait et suivait sa carrière dans le ciel qui le couvrait. […] Asile des mœurs comme des libertés germaines, l’Angleterre suivit, sans obstacle, le cours irrégulier, mais naturel, de la civilisation qu’elles devaient enfanter. […] Au dehors, cependant, son existence paraît avoir suivi un cours tranquille. […] Un grand écrivain obtient rarement, de la génération qui le suit, les hommages que lui prodiguera la postérité. […] On est entré sans effort dans cette nouvelle partie de la situation ; elle suit son cours ; les assassins se présentent ; le massacre commence.

170. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

L’observation morale, mêlée à l’appréciation littéraire, n’est pas tenue de suivre, d’une marche inflexible, la chaussée romaine de l’histoire. […] Un quatrième volume suivra plus tard les trois qui se trouvent publiés aujourd’hui, et suffira, nous le croyons, à compléter l’ouvrage. […] Quérard, l’auteur insère ici, faute d’autre lieu, le renseignement qui suit : Les Critiques et Portraits, auxquels se rattache ce petit volume, forment, à cette date de 1842, cinq volumes in 8° : le premier volume publié en 1832, les second et troisième en 1830, les quatrième et cinquième en 1839.

171. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Le snob ne s’aperçoit pas que, d’être aveuglément pour l’art et la littérature de demain, cela est à la portée même des sots ; qu’il est aussi peu original de suivre de parti pris toute nouveauté que de s’attacher de parti pris à toute tradition, et que l’un ne demande pas plus d’effort que l’autre ; car, comme le dit La Bruyère, « deux choses contraires nous préviennent également, l’habitude et la nouveauté. » C’est par ce contraste entre sa banalité réelle et sa prétention à l’originalité que le snob prête à sourire. […] Je crois vraiment que quelques-uns des événements les plus heureux de notre littérature, et par exemple l’épuration et l’affinement de la langue dans la première moitié du dix-septième siècle, l’entrée des sciences politiques et naturelles dans le domaine littéraire au dix-huitième, le mouvement sentimental et naturiste provoqué par Jean-Jacques, et l’évolution romantique suivie de l’évolution réaliste qu’a suivie la réaction idéaliste, un peu trouble, à laquelle nous assistons, ne se seraient point accomplis aussi vite sans les snobs.

172. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Nous en parlerons plus loin, ici nous suivons le cours de la fortune qui favorisait madame Scarron. […] Durant ces misérables vicissitudes, madame Scarron fera des progrès suivis dans la faveur du roi ainsi que dans l’estime et l’affection de la reine. […] Remarquez enfin dans la lettre de madame de Coulanges le mot qui commence la phrase qui suit la nouvelle : « Cependant, dit-elle, elle est plus occupée de ses anciennes amies qu’elle ne l’a jamais été. » Cependant vient bien après l’approbation d’un homme tel que le roi ; mais quel ridicule serait égal à celui de madame de Coulanges disant : M. de Coulanges mon mari trouve madame Scarron de fort bonne compagnie, et cependant elle veut toujours bien nous regarder !

173. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Suit un subtil éloge du contentement de soy que laisse l’étude. […] Même, elle continua à le suivre assez tard. […] On les suit sans déplaisir, et, avec eux, les qualités passent, comme les fautes. […] Mais suivre les exemples du Cavalier Marin, voilà qui est original. […] il n’était pas si paresseux pour accomplir sa destinée, c’est-à-dire à suivre les Muses immortelles.

174. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Elle reparaît à plus forte raison si notre attention se laisse détourner, si nous cessons d’écouter, nous reprenant à suivre le cours de nos pensées ou nous laissant séduire à contempler les objets qui nous entourent. […] — Cardaillac a évité l’erreur de Bonald : pour lui, le mot tantôt précède, tantôt suit l’idée dont il est l’expression94. […] I). — Dans cet ordre d’idées, où il a été suivi par de Cardaillac [§ 5], Maine de Biran avait été précédé par Buffon (Ravaisson, De l’habitude, p. 22). […] L’ordre suivi par Cardaillac est très défectueux, surtout parce qu’il rattache les faits à une série de problèmes mal posés. […] Jean-Philibert Damiron (1794-1862), philosophe français, admis à l’Ecole Normale en 1813, et ayant suivi les cours de Cousin, il garde une grande estime pour le futur chef de l’école éclectique.

175. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Qui osera le suivre dans son enthousiasme, si ce n’est celui qui l’éprouve ? […] Ce prodige fit oublier tout ce qui l’avoit précédé, & fut le digne modele de tout qui ce devoit le suivre. […] Il n’est pas moins vrai que la prison de Sigismond en est une qu’on auroit dû suivre. […] Ovide la donne ; Tibule & Properce la suivent, & la suivent bien mieux que lui. […] Suivons ce principe dans ses conséquences.

176. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Argument » pp. 355-356

Il suit dans ces rapprochements sa division des âges divin, héroïque et humain. […] (Âge humain.) — Rome, n’étant arrêtée par aucun obstacle extérieur, a fourni toute la carrière politique que suivent les nations, passant de l’aristocratie à la démocratie, et de la démocratie à la monarchie. — Conformément aux principes de la Science nouvelle, on trouve aujourd’hui dans le monde beaucoup de monarchies, quelques démocraties, presque plus d’aristocraties.

177. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Le Parallèle des anciens et des modernes suivit de près ; Boileau intervient comme contradicteur et principal adversaire. […] Ces ricochets ne sont pas désagréables à suivre. — Tel est le canevas que M.  […] Rigault, qui n’a jamais perdu de vue l’idée générale et la doctrine du progrès, a tenu, au contraire, à être le plus complet possible, à tout décrire successivement avec une curiosité égale, à suivre le fleuve, comme il l’appelle quelque part, dans toutes ses sinuosités, dans ses tours et retours, jusqu’à ce qu’il se perde dans l’idée générale et théorique qui est son océan. […] Il admirait La Motte, il vantait La Motte, il exagérait pieusement les idées de La Motte, il suivait La Motte comme son ombre.

178. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Les nœuds ont éclaté : les roses envolées, Dans le vent, à la mer s’en sont toutes allées ; Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir. […] Dans l’absence d’un cœur toujours lent à venir, Lorsque tous la suivaient, pensive et couronnée, Ce cœur, elle eût donné ses jours pour l’obtenir. […] Il faut lire encore la pièce qui suit et qui a pour titre : La Voix perdue. — Rapprochement singulier et qui est un lien entre ces natures poétiques, mystérieuses ! […] Elle a été plus qu’une muse, elle n’a jamais cessé d’être la bonne fée de la poésie ; et dans mes nombreux souvenirs du cœur, mon titre le plus doux est d’avoir conservé sa sympathie qui m’a suivi à travers tous mes barreaux.

179. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Guy-Marie Deplace, suivie de sept lettres inédites du compte Joseph de Maistre, par M.  […] Dans l’article sur Joseph de Maistre, inséré le  1er août dernier, il a été parlé d’un savant de Lyon, respectable et modeste, auquel l’illustre auteur du Pape avait accordé toute sa confiance sans l’avoir jamais vu, qu’il aimait à consulter sur ses ouvrages, et dont, bien souvent, il suivit docilement les avis. […] Le plus grand reproche qu’on puisse adresser au réfutateur de M. de Maistre, c’est qu’il n’embrasse nulle part l’étendue de son sujet, et qu’il ne le domine du coup d’œil à aucun moment ; il suit pas à pas son auteur, et distribue à chaque propos les pièces diverses et notes qu’il a recueillies. […] Joseph de Maistre injuste dans sa critique et dépassant presque toujours le but qu’il voulait atteindre, parce que, pour ne suivre que les inspirations de la raison, il lui aurait fallu avoir dans l’esprit plus de calme qu’il n’en Avait. »  — Ce sont là des truisms, comme disent les Anglais, et il semble que le réfutateur ait voulu infliger cette pénitence à l’impatient et paradoxal de Maistre, de ne pas les lui ménager.

180. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Entre ces deux excès apparaît la route à suivre. […] C’est ce que font les romanciers quand ils suivent les aventures de plusieurs individus ou de plusieurs groupes : dans la dispersion des actions particulières, il y a de temps à autre comme des nœuds qui resserrent tous les fils : les individus, les groupes se mêlent et se démêlent incessamment, et le sujet, à chaque moment dispersé, à chaque moment rassemblé, reste toujours facile à suivre pour l’esprit qui y trouve l’ordre et la clarté nécessaires. […] S’il suit la réalité, il risque d’être insignifiant, plat, superficiel : s’il tire les idées et les sentiments du fond des cœurs, il devient symbolique, froid, invraisemblable.

181. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

On peut affirmer avec plus de certitude que les fidèles amies de Galilée, qui avaient suivi Jésus à Jérusalem, et continuaient à le servir, ne l’abandonnèrent pas. […] Pleinement vainqueur de la mort, prends possession de ton royaume, où te suivront, par la voie royale que tu as tracée, des siècles d’adorateurs. […] S’ils n’eussent suivi qu’un vain caprice, ils eussent placé le Golgotha à un endroit plus apparent, au sommet de quelqu’un des mamelons voisins de Jérusalem, pour suivre l’imagination chrétienne, qui de très-bonne heure voulut que la mort du Christ eût eu lieu sur une montagne.

182. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Bataille, fait pour mieux aussi, de nature, que pour suivre M. Champfleury, ce chef de file que je ne voudrais pas cependant changer, car il peut de dégoût mettre un jour tout le monde qui le suit en fuite ; M.  […] Bataille, que je n’ai pas suivi dans les bois réels, mais dans le livre d’aujourd’hui, et qui, je l’ai dit, ne me fait pas l’effet d’avoir une autre morale que les Faunes pétulants dans le fond des bois ! […] corrompue peut-être, mais intelligentielle ; c’est de la combinaison, détestable, il est vrai, mais spirituelle et volontaire, et ce forcené de chair et de sang qui s’appelle Bataille et qui ne conçoit que comme une bataille la volupté, ne se donne pas la peine d’en chercher si long… Premier bond de dégoût pour le cœur et l’esprit, quand on lit ce livre ; premier bond suivi de bien d’autres, quand on s’obstine à cette lecture, et on s’y obstine ; la violence du talent vous tient… Pas de séduction !

183. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Nous ne pouvons prendre parti pour ou contre l’une d’elles, nous commander de la suivre ou nous reprocher de l’avoir suivie sans avoir, implicitement ou explicitement, résolu ces problèmes. […] En un mot, indépendamment de leur matière, il y a lieu de classer les formes des sociétés, de déterminer les relations qu’elles peuvent soutenir avec les différents ordres de phénomènes historiques, de fixer ainsi les faits qui les précèdent ou ceux qui les suivent régulièrement : c’est-à-dire qu’il, y a place, à côté des différentes sciences sociales, pour une science de ce qui est spécialement social, la sociologie proprement dite. […] On verra, d’ailleurs, par les notes des chapitres qui vont suivre, que nous avons fréquemment utilisé, pour la solution du problème que nous venons de poser, les idées et les faits rassemblés dans la Sociale Differenzierung dans la Division du travail social.

184. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Ton grand-père ne voulut pas suivre l’exemple des autres, acheter des biens nationaux. […] Tout le pays le suivait. […] — Ç’aurait été impossible ; tout le peuple l’eût suivi on l’aimait trop. […] Les événements qui suivirent la Révolution de 1848 me fortifièrent dans cette idée. […] Une expérience assez suivie m’avait montré, en effet, que la cause que j’aimais échouait toujours et que ce qui me répugnait était ce qui devait triompher.

185. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Cependant on voyait des troupeaux de loups qui, pressés par la faim, suivaient les voyageurs comme une proie. […] Les pères et les mères de ces oiseaux suivirent leurs petits, et vinrent s’établir dans cette nouvelle colonie. […] Un chœur de petits enfants le suivait en chantant des hymnes: après eux venait tout ce que l’île avait de plus distingué dans ses habitants et dans son état-major, à la suite duquel marchait le gouverneur, suivi de la foule du peuple. […] Je résolus de suivre son conseil. […] Dans les jours de désordre, on ne vous demande pas de suivre votre conscience, mais de suivre un parti.

186. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Aux époques régulières, une certaine sagesse élevée peut consister à suivre et à maintenir le train des choses établies, à embrasser tout un ordre prévu et à n’en point sortir : droiture, prudence et modération y suffisent. […] Dans les temps qui ont précédé et suivi la Terreur, sous la Constituante, sous le Directoire, sous le Consulat, il y a eu de tels hommes ; il serait curieux d’en pouvoir étudier de près quelques-uns, et dans leurs mémoires, dans leur correspondance, de pouvoir montrer ces preuves de bon conseil et de rare jugement qui les recommandaient de près, même aux adversaires, et qui les ont ensuite naturellement portés aux premiers rangs civils dans la société rétablie. […] Il commençait ce rôle de conseiller écouté, et non suivi, qu’il tiendra durant bien des années auprès de ce prince. […] Du reste, il ne croit avoir à se justifier qu’en ce qui touche à Henri III, car envers le roi de Navarre il n’avait aucun engagement particulier ; Henri III assassiné (août 1589), il se pouvait considérer comme libre jusqu’à un certain point de suivre le parti de Mayenne, tant que Henri IV ne se faisait point catholique, et moyennant que lui-même il avait conscience de ne donner que les meilleurs avis possibles, les plus favorables à l’État, et de rester un bon conseiller jusque dans un méchant parti. […] Mayenne n’est pas un homme commode à gouverner, bien qu’il écoute volontiers les conseils ; mais il les suit très peu.

187. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

  Telle est la méthode qu’on a tâché de suivre dans cet ouvrage. […] Des observations minutieuses et suivies jour par jour, comme celle de la cataleptique magnétisée involontairement par le docteur Puel, seraient du plus vif intérêt5. — Deux points surtout sont importants : l’un est la prépondérance du roman intérieur, suggéré ou spontané, qui se déroule dans le patient sans répression possible et avec le même ascendant qu’auraient des perceptions vraies ; l’autre est l’abolition isolée ou l’exaltation isolée d’un sens ou d’une faculté (sensation de la douleur, du son, sens tactile et musculaire, appréciation de la durée, talent de discourir, d’écrire en vers, de dessiner, et parfois divinations de diverses sortes dont nous ne pouvons encore fixer la limite). […] J’ai vu une personne qui, en causant, en chantant, écrit, sans regarder son papier, des phrases suivies et même des pages entières, sans avoir conscience de ce qu’elle écrit. […] L’écrit finit toujours par une signature, celle d’une personne morte, et porte l’empreinte de pensées intimes, d’un arrière-fond mental que l’auteur ne voudrait pas divulguer. — Certainement on constate ici un dédoublement du moi, la présence simultanée de deux séries d’idées parallèles et indépendantes, de deux centres d’action, ou, si l’on veut, de deux personnes morales juxtaposées dans le même cerveau, chacune à son œuvre et chacune à une œuvre différente, l’une sur la scène et l’autre dans la coulisse, la seconde aussi complète que la première, puisque, seule et hors des regards de l’autre, elle construit des idées suivies et aligne des phrases liées auxquelles l’autre n’a point de part. — En général, tout état singulier de l’intelligence doit être le sujet d’une monographie ; car il faut voir l’horloge dérangée pour distinguer les contrepoids et les rouages que nous ne remarquons pas dans l’horloge qui va bien. […] En effet, les recherches qui suivent montrent en quoi consiste « l’élaboration intellectuelle ».

188. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Le philosophe anglais a constaté que tout mouvement, et par conséquent tout changement, toute évolution, suit un certain rythme plus ou moins compliqué. […] Est-ce qu’une génération ne transmet pas à celle qui la suit une langue toute formée, des moules et des procédés éprouvés par une longue expérience, toute une technique enfin ? […] Veut-on un cas plus restreint, plus aisé à suivre dans le détail ? […] Je crois qu’en somme la loi d’alternance suffit à expliquer comment il se fait qu’une époque soit toujours contredite et continuée par celle qui la suit. […] Ainsi dans notre période classique, le respect et l’imitation de l’antiquité subissent plusieurs flux et reflux qu’il est aisé de suivre ; et en même temps la littérature passe tour à tour de l’idéalisme au réalisme, de la synthèse à l’analyse, de l’amour pour la vie mondaine à la passion de la nature, de la dévotion à l’impiété, de l’effusion sentimentale à l’impassibilité, etc.

189. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

J’oubliais de dire que dans ces écoles on cultive aussi la musique, et qu’elle est particulièrement enseignée à un certain nombre de pauvres écoliers qui, par une fondation particulière, sont nourris, logés et quelquefois vêtus sous l’inspection spéciale d’un préfet, et suivent d’ailleurs toutes les études avec les autres écoliers. […] Dans les universités, chaque étudiant choisit l’objet et le nombre des cours qu’il veut suivre, et que les professeurs ont soin d’annoncer publiquement avec l’heure et le lieu. […] Chaque faculté a des titres d’honneur qu’elle accorde avec solennité à ceux qui ont suivi ses différentes leçons pendant trois ou quatre années, et qui, au bout de ce terme, sont en état de soutenir les examens qu’on fait subir à ceux qui se présentent pour obtenir ces honneurs académiques. […] Ordinairement les cours publics sont peu suivis, et, pour dire la vérité, peu soignés par les professeurs. […] Le tribunal, qui consulte ainsi la faculté (ou même les facultés de plusieurs universités sur le même procès), n’est pas obligé de suivre leur décision, il reste le maître de prononcer suivant ses principes et ses lumières ; mais dans les villes impériales, par exemple, où le magistrat est intéressé à convaincre ses sujets de la plus grande intégrité et impartialité dans l’administration de la justice, il s’en tient volontiers, et surtout dans les cas criminels, à la décision d’une faculté.

190. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 230-231

Ceux qui ont suivi depuis la même carriere, & qui se font un point d’honneur de le mépriser, ont oublié, sans doute, que les premiers pas, en tout genre, sont ceux qui coutent le plus, & qu’une route non frayée rend toujours les progrès plus difficiles. […] Par-là, il est devenu un guide sûr, qu’ils n’ont eu que la peine de suivre.

191. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

On suivit la lettre plutôt que l’esprit de cet ordre. […] L’armistice qui suivit la demi-victoire de Bautzen fut la période fatale pour Jomini et dans laquelle le drame moral s’agita en lui dans tout son orage (4 juin-16 août 1813). […] Au lieu d’un coup de main vigoureux, qui avait toute chance de réussir, on eut un premier combat sans résultat, engagé par une sorte de malentendu, et suivi le lendemain de l’immense bataille où le génie de Napoléon ressaisit toute sa supériorité. […] C’est ce qui le fit raccourir au quartier général à Francfort, et de là suivre ce quartier général en France, pour ne quitter de nouveau l’armée qu’à Troyes avant l’entrée à Paris. […] Il profita de la circonstance pour donner à sa patrie d’excellents et de généreux conseils militaires, qu’elle a en partie suivis.

192. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Le genre qu’il importait chez nous fut à l’instant suivi et pratiqué avec succès par plusieurs ; les juges compétents paraissent reconnaître que, de nos romanciers de mer, le plus exact à la manœuvre est M. […] Il nous a permis au reste de suivre les diverses transformations de sa pensée sur cette question même. […] Cavalier, simple boulanger d’abord, et fils d’un paysan des Cévennes, prit vite dans l’insurrection un rang que tant d’exemples analogues, dans toutes les Vendées qui ont suivi, nous font aujourd’hui aisément comprendre : c’était alors une énigme inexpliquée. […] Le roman suit, comme il peut, le titre, et s’y conforme bon gré mal gré. […] L’intérieur politique du règne est là ; on y suit et on y admire cette constante application aux affaires, du sein des pompes et des plaisirs.

193. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

D’où il suit que, dans les ouvrages des esprits supérieurs, il est un degré relatif où chaque esprit inférieur s’élève, mais qu’il ne franchit pas, et d’où il juge l’ensemble comme il peut. […] La Thébaïde suivit de près. […] Et si l’on descendait à son style et à l’harmonie de sa versification, on y suivrait des beautés du même ordre restreintes aux mêmes limites, et des variations de ton mélodieuses sans doute, mais dans l’échelle d’une seule octave. […] Quand pourrai-je, au travers d’une noble poussière, Suivre de l’œil un char fuyant dans la carrière ? […] Il est à regretter qu’il n’ait pas poussé plus loin cette espèce de composition religieuse, et que, dans les huit dernières années qui suivirent Athalie, il n’ait pas fini par jeter avec originalité quelques-uns des sentiments personnels, tendres, passionnés, fervents, que recelait son cœur.

194. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Destiné, comme je l’étais, à voir un jour le roi malade, je m’étais toujours proposé de suivre avec la plus grande attention toute la scène de sa maladie, et tous les différents mouvements qu’elle devait produire. […] Il voulait suivre le même plan ; mais il avait affaire à gens qui connaissaient toutes ses prétentions, qui se tenaient en garde contre elles, et qui, sans vouloir augmenter leurs droits, étaient déterminés à n’en rien laisser attaquer. […] La Faculté, rangée autour du lit, fit place, en se mettant en haie, au maître apothicaire, qui arrivait la canule à la main, suivi du garçon apothicaire qui portait respectueusement le corps de la seringue, et du garçon de la chambre qui portait la lumière destinée naturellement à éclairer la scène. […] Je vis mon avis prévaloir, non sans regret, mais sans remords, et j’en aurais eu beaucoup de ne l’avoir pas donné, quoiqu’encore une fois je fusse très-contrarié de le voir suivi. […] M. le duc de Chartres s’était retiré pour rester avec M. le Dauphin, pour le voir quand il le pourrait, et M. le duc de Bourbon avait suivi son exemple.

195. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Pendant que les passions politiques et religieuses tournaient la poésie, l’éloquence, la science même et la philosophie en armes envenimées au service des partis, un homme anticipait la paix future, et offrait à ses concitoyens trop forcenés encore pour le suivre l’image de l’état moral où la force des choses devait finir par les amener eux-mêmes. […] Nulle part il n’y a plus d’unité, une idée générale mieux suivie que dans les trois cents pages qui s’intitulent Apologie de Raimond Sebond : mais justement le sens de tous ces beaux discours est une absolue condamnation du dessein de ce théologien, et dans le détail le singulier défenseur donne à chaque moment des démentis à son client. […] Montaigne, en somme, fait de sa langue le même emploi que tous ses contemporains : il suit son besoin, et ne sent encore aucune règle qui l’empêche d’y satisfaire. […] Donc il suivra en politique et en religion les opinions qui préviennent le mieux la guerre civile. […] En religion, il sera bon catholique, lui de qui l’âme est si peu chrétienne : c’est qu’il faut suivre aussi la religion de son prince et de son pays.

196. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Il a lu Darwin, Haeckel… Il a étudié les mystères de notre origine, suivi notre évolution depuis la monère primitive. […] Dans les fleurs, aux plis blancs de sa robe échappées, Suivez sa chevelure au vent, comme le chien Suit la flûte du pâtre au temps des épopées… Elle cueille humblement dans la joie en éveil Les lauriers les plus verts des plus nobles conquêtes Sans vieux fracas d’acier ni dur clairon vermeil. […] Camille Spiess, parti de l’histologie du tube digestif de la sangsue pour arriver à une conception biologique de l’âme, a suivi les leçons de Gobineau et de Nietzsche. […] Camille Spiess car, si au lieu de l’interpréter librement, je le suivais à la lettre, je n’aurais que mépris pour les poètes symbolistes qu’il trouve trop ennuagés de vapeurs judéo-chrétiennes. […] Il jette de la boue sur le commencement, sur la condition première de notre vie. » À merveille, et je comprendrais cela dans la bouche d’un énergumène décidé, coûte que coûte, à « vivre sa vie » et à suivre en dépit du gendarme et des lois, ses inclinations orageuses, mais que signifie cette protestation chez Nietzsche qui nous ramène à l’ascétisme et prescrit l’abstinence avec rigueur ?

197. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

L’historien doit suivre avec soin ces changements d’opinion sur telle ou telle façon d’agir ; il doit aussi distinguer les particularités morales propres à chaque classe sociale. […] § 3. — Je choisis un autre exemple, un cas particulier que je suivrai dans trois époques. […] Si bien qu’on peut résumer ainsi la conduite de cette élite sociale qui seule importe aux écrivains d’alors : brèves victoires de la passion sur le devoir ; mais victoires mêlées de tremblement, de remords et suivies d’une pénitence finale. […] Corneille ne fait pas épouser Pauline par Sévère, une fois que Polyeucte a disparu ; elle devient chrétienne comme son époux ; elle veut le suivre jusque dans le martyre. […] On peut utilement suivre de siècle en siècle les variations d’une légende.

198. (1908) Après le naturalisme

Allant à l’opposé, comme on le voudrait, du chemin qu’il suivit, il s’anéantirait lui-même. […] On en suit les phénomènes exacts. […] Ce qui fait la sagesse, c’est l’harmonie des facultés et l’homme primitif ne suit que ses impulsions du moment. […] Mais la politique ne la voit pas, et pour cause, et c’est la politique qu’ont suivie les pauvres littérateurs. […] Ajoutons à ce propos que l’âme française suit l’évolution de l’esprit.

199. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Note préliminaire » pp. 5-6

La presse quotidienne, qui suit et quelquefois devance les goûts du public, n’a rien de mieux à faire ici que de chercher à les satisfaire. […] À partir du 1er octobre, les articles, chaque lundi, se succédèrent dans l’ordre qui suit.

200. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

On peut suivre tous les degrés par lesquels l’image ordinaire atteint ce comble de minutie et de netteté. […] Il en est de même après une odeur, une saveur, une impression de froid, de chaud, de douleur locale, et le reste. — Si la sensation, au lieu de précéder, va suivre, l’effet est le même. […] En outre, ce qui se comprend très bien chez un psychologue, j’ai contracté l’habitude de remonter en arrière après ces incidents et de suivre à partir d’eux tout le courant des représentations antécédentes. […] Peu d’exemples sont plus instructifs ; on y suit l’hallucination depuis sa première origine jusqu’à son achèvement et sa guérison. […] Maury a montré le premier, par une série d’expériences bien suivies, la proche parenté de la sensation, du souvenir, de l’image et de l’hallucination.

201. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il suivit les cours de Sorbonne. […] « Une vive discussion suivit. […] Elles ont été suivies d’une fluxion qui me rend présentement hideux. […] La misère l’y suit. […] ils brisent le corps, et, la fatigue venue, le découragement suit !

202. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Elle est rare entre artistes qui suivent le même sillon. […] Il entonna l’hymne sacré, puis nous levâmes nos verres à sa santé, et il se retira suivi de son premier vizir, qui est le chancelier du félibrige, M.  […] François Coppée, qu’il veuille ou non l’avouer, suit avec curiosité les choses publiques. […] Les autres suivirent. […] Un soldat exténué dépose son sac le long d’une haie ; un autre jette son fusil, tous suivent le mauvais exemple.

203. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Ce Panyasis, qui était de la grande époque et oncle ou cousin germain d’Hérodote, avait composé chez les Grecs la troisième épopée célèbre, celle qui suivait en renom les deux filles d’Homère. […] Nous n’avons qu’à suivre dans son plein la source même. […] L’autre professeur de rhétorique, dont le jeune Désaugiers suivait également les leçons, était un M. […] Pendant les deux ou trois premières années qui suivirent son retour, nous le perdons un peu de vue : il ne resta pas tout ce temps à Paris. […] Nous n’aurons point à l’y suivre ; la plupart de ces productions légères ressemblent à un champagne autrefois piquant, mais dont la mousse s’est dès longtemps évaporée.

204. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Il connaît ce que Dieu m’a mis au cœur, j’avais besoin de sa force pour le suivre. […] Une femme, qui nous suivait, l’a délogée du fumier, une autre a apporté des fagots ; nous avons fait du feu, nous l’avons assise sur un sélou, et, comme j’étais fatiguée, je me suis mise auprès d’elle sur le fagot qui restait. […] il ne me quitte jamais : quand je m’assieds, il vient sur mes genoux ; si je marche, il suit mes pas. […] C’est joli de laver, de voir passer des poissons, des flots, des brins d’herbe, des feuilles, des fleurs tombées, de suivre cela et je ne sais quoi au fil de l’eau. […] Elle va plus vite dans le ciel que ma plume sur ce papier, mais je puis la suivre des yeux ; merveilleuse faculté de voir, si élevée, si étendue, si jouissante !

205. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Werther et Faust, Childe-Harold et don Juan suivent l’ombre d’Hamlet, suivis eux-mêmes d’une foule de fantômes désolés qui me peignent toutes les douleurs, et qui semblent tous avoir lu la terrible devise de l’enfer : Lasciate ogni speranza . […] Mais si on lui refuse d’être le père de tant d’ouvrages du même genre qui l’ont suivi, au moins faut-il reconnaître qu’il fut le premier-né de cette famille si nombreuse, et qu’il a précédé de bien des années tous ses frères et sœurs. […] Le plus facile, à coup sûr, c’est de suivre alternativement ou de mêler et de combiner ensemble ces deux aspirations. […] Des deux artistes, ses disciples à bien des égards, qui le suivirent immédiatement, Goethe et Bernardin de Saint-Pierre, ce dernier est celui qui a encore le sentiment le plus vif de l’Humanité et de ses destinées générales. […] Il tente donc l’art actuel : il se peint lui-même avec toute sa fougue dans Werther, et ouvre ainsi à distance la carrière où Byron et tant d’autres doivent le suivre.

206. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Parfois l’image suit immédiatement la sensation et se produit dans l’organe même du sens. […] Reconnaître avec Mausdley et Ribot que la mémoire est une fonction biologique et non seulement mécanique, ce n’est donc pas assez ; elle est encore et par cela même psychologique, c’est-à-dire qu’elle suppose le phénomène mental élémentaire : l’émotion suivie de réaction motrice, la sensation suivie d’appétition, dont l’acte réflexe n’est que la manifestation extérieure. […] Au point de vue mécanique, la mémoire a lieu en vertu du jeu des actions réflexes, où l’excitation extérieure est suivie d’un mouvement de contraction qui, une fois produit, est plus facile à reproduire ; au point de vue psychologique, elle a lieu en vertu de la loi parallèle qui fait qu’une sensation agréable ou désagréable est suivie d’un effort volontaire pour la conserver ou l’écarter, effort qui, une fois produit, est plus facile à reproduire. […] Pour cela, il faut employer un procédé indirect, et ce procédé consiste à évoquer d’abord les images des réactions motrices qui accompagnent ou suivent le mal de dents. […] Dans le cas de dissolution générale de la mémoire, la perte des souvenirs suit une marche invariable : d’abord disparaissent les faits les plus récents, puis les faits moins récents71.

207. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Victor Hugo se propose d’amplifier ; puis vient une redite, puis une autre en termes de plus en plus abstraits, magnifiques ou abrupts, aboutissant de pousse en pousse à cette efflorescence, l’image, qui termine le développement, marque le passage à un autre thème indéfiniment suivi d’autres. […] Comme un mouvement transmis des roues petites aux plus grandes, puis au volant, qui le renvoie à toute la machine et la règle par l’allure qu’il en reçoit, nous avons suivi les trois tendances formelles de l’esprit de M.  […] Et celles-ci étant l’équivalent non de l’idée, depuis longtemps oubliée, mais des premiers mots dans laquelle elle était conçue, il suit qu’elles paraîtront d’habitude imprévues, incohérentes, neuves et curieuses aux personnes habituées à penser en pensées. […] Hugo dût s’abandonner à cette tendance anthithétique que les mots eux-mêmes et les mots seuls possèdent, paraîtra naturel à qui aura suivi nos explications. […] Cette explication psychologique, devrait, en bonne méthode être suivie d’une explication physiologique, qui semble possible, pour le cas de M. 

208. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Pourtant, à une troisième lecture complète et suivie, l’impression première, corrigée sans doute par la seconde, mais non détruite, surnagea et se maintint ; et, sauf les restrictions et les réserves subsistantes, M.  […] Ce premier volume fut suivi de cinq autres dont deux parurent en 1781, et les trois derniers en 1788. […] la goutte, quand il l’a, ne le prend jamais par accès et le traite à peu près comme elle faisait Fontenelle, elle suit une marche lente et régulière ; son Histoire, de même, marche uniformément d’un pas égal, sans accès et sans violence. […] … Au reste, chacun des deux suivait sa voie, et Gibbon n’était pas intolérant en fait de manières d’être heureux ; il savait que chaque nature a la sienne. […] Et il continue de suivre, de caresser un peu trop sa métaphore.

209. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Je n’ai pas à suivre l’histoire de cette croisade de saint Louis, mais à y noter seulement quelques faits qui caractérisent le saint roi, son naïf historien et le siècle. […] À partir de ce jour-là, les malheurs et les disgrâces ne font plus que se suivre et s’accumuler. […] Les autres chevaliers cependant se mirent à le railler et à le narguer à la française : « Bien fol est le roi, lui disait-on, s’il ne vous croit contre tout le conseil du royaume de France. » Au dîner qui suivit, le roi ne lui adressa point la parole comme il faisait d’ordinaire. […] Pendant les seize ans qui suivent (1254-1270), Joinville revoyait souvent saint Louis qui lui faisait toujours fête et joyeux accueil, et c’est à ces heures de familiarité et de libre entretien que se rapportent la plupart des anecdotes qui composent la première partie de ses mémoires, et qui se pourraient véritablement intituler : L’Esprit de saint Louis. […] Joinville puisa cette fois dans son bon sens encore plus que dans aucune interprétation superstitieuse la force de résister à son saint maître : il lui opposa, pour ne pas le suivre, les plus légitimes raisons, les raisons tirées de l’intérêt de ses vassaux et de son peuple, les seules qui, auprès de saint Louis, pussent faire balance à l’intérêt de la foi.

210. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Son esprit vif, aiguisé, subtil, sa fermeté et son élévation de caractère, un certain art suivi de serrer les liens et de rattacher sans cesse les relations de société à des convictions et à des espérances d’un ordre supérieur, créèrent son ascendant sur tout ce qui l’entourait et l’approchait : son influence peu à peu s’organisa. […] Quelques grands athlètes y viennent de temps en temps se mesurer dans des duels ingénieux : ils entrent dans la lice, ils brillent, on écoute, on applaudit, et bientôt chacun des habitués reprend, le fil de ses propres réflexions dans des à parte suivis et qui, après les airs de bravoure, composent un fond de bourdonnements plus doux. […] Ce fut en 1848 et dans les deux années qui suivirent. […] Charles Eynard, de Genève, qui dédiait autrefois son livre de Madame de Krüdnerà M. de Falloux et qui avait été en correspondance suivie avec Mme Edling, a été interrogé, et M.  […] Il résulte du premier qu’en décembre 1839, Mm Edling reconnaît que Mme Swetchine « dévie un peu pour elle de la ligne ni roide qu’elle suit », et qu’en janvier 1840, elle se montre plus satisfaite.

211. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

M. de Pontmartin appartient à la génération littéraire qui a suivi immédiatement la nôtre, et qui a été la première à nous faire apercevoir que nous n’étions plus très jeunes. […] Il était par sa mère cousin germain d’un jeune homme également distingué, Henri de Cambis, mort trop tôt avant son digne père, le marquis de Cambis, que nous À tous, qui sous la Restauration suivions les cours de MM.  […] Il est trop aisé de déclamer alors dans un sens ou dans un autre ; le thème est tout donné, on n’a qu’à le suivre ; mais l’appréciation véritable et distincte des œuvres de l’esprit demande plus de précaution et l’emploi d’un art tout différent, qui a ses principes aussi sans les afficher. […] Je ne puis le suivre en détail sur ce terrain, où il n’est pas le plus à son avantage ; je veux cependant le prendre dans une de ses productions les plus goûtées de ses amis, pour lui montrer que je l’ai lu. […] Mais ce qui suit est encore plus dur à accepter.

212. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Cependant la demande directe de Ney à l’Empereur avait été suivie d’une lettre de Jomini, aussi motivée que respectueuse, et l’Empereur avait accordé. — Et voilà que quelques jours après, Jomini reçoit sa nomination comme sous-chef d’état-major sous le général Dutaillis. […] Là encore les conseils de son chef d’état-major, qui proposait de laisser une garnison suffisante dans ces deux places, ne sont pas suivis. […] Le maréchal s’élançait comme moi volontairement à une brèche où personne ne l’envoyait, et voulait vaincre toute l’armée du prince de Hohenlohe avec les quatre mille hommes seulement qui le suivaient : la moitié de ces braves paya de la vie une téméraire intrépidité, et trois de ses aides de camp y furent grièvement blessés. […] Après avoir suivi le plus grand des capitaines pendant plusieurs campagnes, personne ne doit regretter plus que moi de ne pouvoir plus servir dans ses armées. […] Cependant la demande de service était déjà faite à l’empereur Alexandre, et elle suivait son cours.

213. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Bertrand, à sa manière, tient d’eux, et jusque dans son romantisme il suit leur veine. […] Mais ces longs efforts suivis n’allaient pas à son haleine, et, comme tant d’organisations ardentes et fines, c’est dans le prélude et dans l’escarmouche qu’il s’est consumé. […] Je ne suivrai point le pauvre poëte en peine dans la quantité de petits journaux oubliés auxquels, çà et là, il payait et demandait l’obole. […] Un jour pourtant il revint, et ne trouvant pas l’éditeur au gîte, il lui laissa pour memento gracieux la jolie pièce qui suit : A M.  […] David suivit seul son cercueil ; c’était la veille de l’Ascension ; un orage effroyable grondait ; la messe mortuaire était dite, et le corbillard ne venait pas.

214. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Il est vrai qu’il a reçu l’instruction des événements : il a vu s’achever le long et lourd règne de Louis XIV, il écrit dans le fort de la réaction qui suivit la mort du grand roi ; et il y aide, pour son compte, de tout son cœur. […] Or il est impossible d’affirmer que les causes définies et connues sont les véritables causes, nécessaires et suffisantes, des effets, plutôt qu’un inconnu, qu’on néglige ; et par suite on se trompe quand on dit que, ces causes étant données, ces effets devaient suivre ; car ils pouvaient ne pas suivre, si le résidu inaperçu, inexpliqué, n’y avait été joint. On se trompe bien plus dangereusement quand on dit que, ces causes étant de nouveau données, les mêmes effets suivront : car ils suivront ou ne suivront pas, selon qu’à ces causes sera joint ou non le même inconnu.

215. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Après avoir vu ce qu’il faut entendre par progrès, nous suivrons la loi d’évolution dans son explication de la genèse cosmique, du développement de l’organisme social, enfin de la genèse de la science. […] Il ne faudra donc voir, dans quelques-uns des rapprochements qui vont suivre, qu’une illustration, un éclaircissement des phénomènes sociaux par les phénomènes biologiques. […] Ce serait sortir de notre sujet que de suivre M.  […] L’auteur la transportera sans doute quelque jour dans les questions de morale, où il eût été intéressant de le suivre : car l’hypothèse du progrès peut seule mettre d’accord ceux qui soutiennent, contre toute évidence, que la morale ne varie point et ceux qui soutiennent, contre toute raison, qu’elle n’a rien que de mobile et d’arbitraire. […] D’autre part, le savant sincère, content de suivre l’évidence partout où elle le mène, se convainc plus profondément par chaque recherche que l’univers est un problème insoluble.

216. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Richelieu mort et Louis XIII l’ayant suivi de près, on eut la régence, et la plus débonnaire d’abord qui se pût voir. […] Cette douceur et cette facilité des quatre premières années de la régence, suivies tout d’un coup et sans cause apparente d’un mécontentement subit et d’un souffle de tempête, sont décrites et traduites dans ces pages de manière à défier et à déjouer tous les historiens futurs. […] Mazarin, étranger à la France, habile négociateur au-dehors, mais sans idée de notre droit public et de nos maximes, suivait, à pas plus lents, la voie tracée par Richelieu, mais il la suivait sans se douter qu’elle était « de tous côtés bordée de précipices ». Il croyait à la légèreté française par-dessus tout, et n’y soupçonnait rien de logique ni de suivi. […] Ce qui suit nous fait assister à tous les degrés de ce réveil si imprévu, bientôt changé en effroi, en consternation et en fureur.

217. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Les deux rayons, réfléchis par les miroirs B et A respectivement, reviennent en O : le premier, traversant la lame de verre, suit la ligne OM, prolongement de BO ; le second est réfléchi par la lame selon la même ligne OM.  […] Mais le spectateur stationné dans l’éther, qui suit des yeux le trajet effectué dans ce milieu par le rayon, sait bien que la distance parcourue est en réalité équation . […] Nous venons de supposer, il est vrai, que l’observateur terrestre suivait l’aller et le retour du rayon lumineux de O en A et de A en O, et mesurait la vitesse de la lumière sans avoir à consulter d’autre horloge que celle du point O. […] L’observateur immobile dans l’éther suivra d’ailleurs de point en point ce qui s’est passé. […] Il ne faudra pas oublier, dans tout ce qui va suivre, que les radiations émises par la source S sont déposées aussitôt dans l’éther immobile et dès lors indépendantes, quant à leur propagation, du mouvement de la source.

218. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Duval ; maintenant en voici les effets désastreux : Comme les jeunes rédacteurs d’un journal scientifique et littéraire emploient beaucoup de talent et d’esprit à prouver que tous les ouvrages français n’ont pas le sens commun et à proposer pour modèles les étrangers, qui n’ont pas d’autre théâtre que le nôtre, il s’en est suivi : 1° que, de nos jours, tout vise à l’originalité, au bizarre ; que la vraisemblance et la raison sont bannies ; et que, à force de chercher la vérité, on arrive au trivial pour tomber bientôt dans l’absurde ; 2° que les jeunes gens, égarés par les prédicateurs des nouvelles doctrines, ne sachant plus quelle est la meilleure route, de celle qu’ont suivie nos pères ou de celle qu’on leur indique, se bornent, en attendant la solution du problème, à faire des tiers de vaudevilles, ou à mettre de petits articles dans les journaux littéraires ; et que notamment l’un d’entre eux, à force d’esprit et de savoir-faire, en est venu (ô scandale !) […] Duval est suivie d’une Relation de voyage dans les Pays-Bas et dans une petite partie de l’Allemagne. […] On remarquera, en effet, que nous passons brusquement, dans l’article qui suit, de juillet 1828 au mois d’avril 1830, sans rien donner de 1829.

219. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? […] Essayez d’écarter pour un moment le voile jeté par l’habitude, sur des actions qui ont lieu si vite, que vous en avez presque perdu le pouvoir de les suivre de l’œil et de les voir se passer. […] S’il vivait de nos jours, et qu’il osât suivre les règles nouvelles, il ferait cent fois mieux qu’Iphigénie. […] Les gens de cet âge à Paris ont pris leur parti sur toutes choses, et même sur des choses d’une bien autre importance que celle de savoir si, pour faire des tragédies intéressantes en 1825, il faut suivre le système de Racine ou celui de Shakspeare.

220. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Irritée, elle enjoint à Pedrolino de la suivre et rentre sans vouloir écouter Oratio. […] Piombino les suit avec des gestes de désespoir. […] Le 10 juin, ses obsèques eurent lieu avec beaucoup de solennité ; les échevins y envoyèrent les bannières de la ville avec leurs massiers ; la corporation des marchands suivit le convoi avec des torches. […]  » Une médaille fut frappée à son effigie avec son nom suivi des deux lettres C. 

221. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

On lui répondit que la déclamation tragique, quoique chargée, ne détruisoit point l’illusion nécessaire au spectacle ; que l’imagination des spectateurs se prêtoit à ce langage comme à la mesure, à la rime & au chant de nos opéra ; que cette supposition, une fois admise, est une source de plaisir, pourvu que l’auteur ne la pousse pas trop loin, & qu’en conservant « la sublimité du ton de la tragédie, il suive, autant qu’il est possible, la nature, & ne fasse que l’élever sans la guinder, l’aggrandir sans l’enfler, l’ennoblir sans la détruire ». […] L’abbé Desfontaines a suivi tous les raisonnemens de Riccoboni, & n’en a pas trouvé un seul fondé. […] Étant un jour aux Thuileries, il se vit tout d’un coup environné d’ouvriers qui avoient quitté leur travail pour le suivre, dans la crainte que ce ne fût un homme prêt de se jetter, par désespoir, dans le bassin. […] Mais la Le Couvreur n’en est pas moins louable d’avoir suivi les conseils de cet homme vrai, simple & naturel, qu’on a nommé le La Fontaine des philosophes, & qui, sans avoir aucun talent pour le théâtre, en jugeoit sainement.

222. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Laujon, y est venu prendre séance le jeudi 7 novembre 1811, et a prononcé le discours qui suit :   Messieurs, Cette imposante solennité porte dans mon âme un trouble dont je cherche en vain à me défendre ; glorieux de vos suffrages, étonné de mon bonheur, j’éprouve l’embarras d’un disciple qui s’assied pour la première fois parmi ses maîtres. […] Peut-être est-ce une erreur de prétendre que la comédie dirige les mœurs ; elle les suit, elle en reçoit l’influence, et devient en quelque sorte l’histoire morale, des nations. […] Eh bien, Messieurs, j’ose l’affirmer, on y suivrait la trace de tous les grands événements ; on devinerait, par elles, toutes les révolutions politiques et morales des deux siècles, et c’est dans la comédie que se retrouverait l’histoire. […] Je n’ai tracé qu’une esquisse rapide et légère, et cependant les événements s’y succèdent, les faits s’y enchaînent, sans effort ; on y voit la comédie suivre et recevoir l’influence du temps où elle a paru, et en devenir, si je puis m’exprimer ainsi, l’histoire dialoguée.

223. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Il suit les débris de l’homme jusque dans sa tombe. […] On dirait que l’orateur suit la marche du conquérant qu’il peint, et se précipite avec lui sur les royaumes. […] La divinité est dans ses discours comme dans l’univers, remuant tout, agitant tout ; cependant l’orateur suit de l’œil cet ordre caché. […] Comme le style n’est que la représentation des mouvements de l’âme, son élocution est rapide et forte : il crée ses expressions comme ses idées ; il force impérieusement la langue à le suivre, et, au lieu de se plier à elle, il la domine et l’entraîne ; elle devient l’esclave de son génie, mais c’est pour acquérir de la grandeur.

224. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Rien ne l’encouragea à suivre les vestiges de ses prédécesseurs. […] Les hommes médiocres n’ont point appris à suivre ces traces. […] Kant rechercha les règles que suit constamment l’intelligence humaine dans ses procédés. […] Descartes et ses disciples ont suivi une route plus élevée. […] Montesquieu suivit expressément cette direction.

225. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

il suit depuis des années et a l’air de devancer. […] Sa marche, à la suivre dans l’ensemble, serait extrêmement curieuse à noter. […] Ce sont là du reste les plus belles gloires réservées encore aux époques dites de décadence. — A propos de cette distribution des prix de l’Université, qu’on veuille bien nous excuser d’avoir discouru un peu au long sur les trois chefs qu’elle est accoutumée dès longtemps à suivre et à reconnaître.

226. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Nous verrons que l’intelligence humaine se sent chez elle tant qu’on la laisse parmi les objets inertes, plus spécialement parmi les solides, où notre action trouve son point d’appui et notre industrie ses instruments de travail, que nos concepts ont été formés à l’image des solides, que notre logique est surtout la logique des solides, que, par là même, notre intelligence triomphe dans la géométrie, où se révèle la parenté de la pensée logique avec la matière inerte, et où l’intelligence n’a qu’à suivre son mouvement naturel, après le plus léger contact possible avec l’expérience, pour aller de découverte en découverte avec la certitude que l’expérience marche derrière elle et lui donnera invariablement raison. […] Elles substitueraient au faux évolutionnisme de Spencer, — qui consiste à découper la réalité actuelle, déjà évoluée, en petits morceaux non moins évolués, puis à la recomposer avec ces fragments, et à se donner ainsi, par avance, tout ce qu’il s’agit d’expliquer, un évolutionnisme vrai, où la réalité serait suivie dans sa génération et sa croissance. […] L’intelligence se trouve ainsi replacée dans sa cause génératrice, qu’il s’agirait alors de saisir en elle-même et de suivre dans son mouvement.

227. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Cette prière faite, les jeunes gens offrirent leur sacrifice, et, après le festin qui le suivit, s’endormirent dans le temple même. […] C’est une inclination que vous devez tenir de votre naissance, et la force du corps ne vous manque pas pour la suivre. […] Cyrus, reprenant alors la parole, leur découvrit sa pensée et leur dit : « Citoyens de la Perse, il en sera de même à jamais pour vous, si vous voulez me suivre. […] Il appela donc près de lui Démarate, fils d’Ariston, qui suivait, comme je l’ai dit, l’armée des Perses. […] Tel fut le sort d’Épialte, dont la mort suivit de près ces événements.

228. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Souvent nos classifications suivent tout simplement la chaîne des affinités. […] La classification des variétés suit enfin à peu près les mêmes règles que celles des espèces. […] Je crois fortement que tel est le guide qu’on a inconsciemment suivi ; et je ne saurais m’expliquer autrement la raison des diverses règles que nos meilleurs systématistes ont suivies. […] Il a été suivi en cela par Macleay et par quelques autres. […] Serait-il suffisant de dire que, les planètes parcourant des orbites elliptiques autour du soleil, les satellites suivent aussi des routes semblables par amour pour la symétrie ou pour compléter le plan de la nature ?

229. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Mais qui les suit meurt sans gloire et sans argent. […] Ainsi le devoir et la passion se suivent comme l’ombre suit le corps ; ils s’observent, ils se pressent, ils ne se laissent pas respirer. […] La principale, c’est le système dramatique suivi par Corneille. […] Cet art parasite qui a les situations pour but, et l’intrigue pour moyen, gâte toutes les pièces où Corneille a suivi le système espagnol. […] Où Mairet suivait l’histoire, il s’en est écarté ; où Mairet l’avait altérée, il l’a rétablie.

230. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Mais ils donnent le sens des poèmes wagnériens, le mouvement général, la portée ; ils suivent exactement l’original ; ils sont d’une lecture aisée, agréable : ils présentent au public quelque chose qu’il peut et qu’il doit entendre ; et, à ce point de vue, ils sont ce qu’ils doivent être. […] Cet élan de reconnaissance envers la nuit qui les rapproche, cette haine pour le jour qui les sépare, formaient une antithèse poétique heureuse ; mais le développement qui suit n’est plus qu’une dissertation philosophique, et voici ce que Wagner leur fait chanter au moment le plus délicieux de leur étreinte amoureuse : « Descends sur nous, nuit de l’amour, donne-moi l’oubli de la vie, recueille-moi dans ton sein, affranchis-moi de l’univers. […] Comme penseur, il aura déblayé le terrain encombré et inculte avant lui ; il aura facilité à ceux qui le suivront les voies à suivre pour l’art libre et un tout ensemble. […] Qu’elle vous saisisse au début, on la suivra jusqu’au bout ; sinon elle restera lettre close. […] Les rôles sont distribués comme suit : Brunnhilde, Mlle Litvinne ; Sieglinde, Mlle Balensi ; Fricka, Mlle Martini ; Siegmound, M. 

231. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Les documents fournis par la première sont évidemment antérieurs à ceux déduits de la seconde ; mais, à notre sens, on arrive à concilier très bien ces deux sources en considérant comme il suit la formation du cycle. […] Dans le Parsifal de Wolfram, où l’auteur fait allusion au poème de Chrestien de Troyes et déclare avoir suivi « Kiot le Provencal » (Guyot de Provins ?) […] L’arrivée de Parsifal et de Gurnemanz, suivis de Kundry, marque la fin de la malédiction qui pèse sur le Gral. […] Puis elle tombe foudroyée au milieu de l’effondrement du sortilège et, quand Parsifal s’en va, elle se relève et le suit d’un long regard. […] Elle est désormais liée à lui, et, quand il se lève pour accomplir sa mission, elle le suit un peu à distance ; enfin, dans le tableau de la splendeur du Gral, elle rampe jusqu’à l’autel, où, le regard fixé sur le sauveur, elle s’affaisse lentement, inanimée.

232. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 377-379

Ces différens objets avoient répandu un nouveau degré d’intérêt sur les travaux de ses Prédécesseurs, qui s’étoient écartés, en ce point, du plan suivi par tous ceux qui ont écrit l’Histoire de France. […] Villaret avoit suivi la route de son modele, & l’on a lieu d’être étonné que M.

233. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Or, tout à coup, dans une rue étroite, Condé, suivi de ses gens, rencontre Retz il la tête d’une procession. […] Il importe de voir s’il y a eu entre les deux ordres de phénomènes dont nous suivons la marche, non seulement une corrélation étroite, mais aussi des rapports de cause à effet. […] La Révolution, qui parcourt en quelques années avec une rapidité vertigineuse le chemin que les esprits ont parcouru en un siècle, suit la marche que les idées ont suivie. […] Démocratisée, elle s’efforce de suivre l’obscure ascension des masses anonymes vers le mieux être, le lent et pénible dégrossissement des nations et de l’humanité entière. […] § 7. — On peut encore, si l’on veut (et on doit le vouloir), se préoccuper de la politique extérieure qui a été suivie dans une époque donnée.

234. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

La philosophie suit la même fortune, puisque la philosophie n’est tantôt que la base secrète, et tantôt le faîte de ces trois grands développemens de l’esprit, et leur expression la plus pure et la plus élevée. […] Plusieurs de ces conquérans rapportèrent dans leur patrie les habitudes de la conquête ; le despotisme militaire suivit les chefs victorieux et s’établit à la faveur même de leurs services et de leur gloire. […] La philosophie du protestantisme suivit sa fortune. […] Ce fut donc la raison qu’ils suivirent, même en travaillant sur la nature ; ce furent les principes de cette raison qu’ils cherchèrent dans la nature, et c’est en devenant rationnelle que la physique devint une science. […] Ce jugement, il est vrai, a l’air de devancer l’expérience, mais en réalité il la suit ; car toute sa force repose en dernière analyse sur l’observation que les corps non soutenus tombent.

235. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Un second moineau le suivit. […] Que ceux qui aiment la nature et qui ne sont pas attendus à heure fixe le suivent ! […] Au banquet funéraire qui suit l’enterrement, les paysans jurent de tuer Bagrianof. […] Décidé à vivre en paix, il suivra sa dentition où ses caprices le conduiront. […] Suivez la voie que vous avez choisie, suivez-la en homme de bien, et je me consolerai.

236. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

François Arago, né le 26 février 1786 dans la commune d’Estagel en Roussillon, d’une famille où le type méridional est expressivement marqué, suivit dans ses premières années le collège de la ville de Perpignan, où son père avait la place de trésorier de la monnaie. […] Ici se termine à peu près le récit d’Arago ; les dix ou douze pages qui suivent sont peu intéressantes ; il s’y donne le plaisir trop facile de lancer un dernier trait contre quelque uns de ses confrères encore vivants. […] Professeur dès 1809 à l’École polytechnique, membre jeune, ardent, influent, de l’Académie des sciences dont Laplace l’avait surnommé le grand électeur, Arago, sauf les distractions passionnées inévitables à sa nature, suivit durant vingt ans la carrière scientifique pure et simple. […] La notice sur Fresnel, qui ouvre la série des biographies dans le premier volume, celles qui suivent, sur Fourier, sur le docteur Young, sur Watt, sont pleines de qualités substantielles et procurent de l’instruction. […] Voilà les caractères et les défauts que je pourrais appuyer et démontrer par maint exemple : mais, à côté de cela, on sent l’homme compétent et supérieur quand il parle du fond des sujets ; on s’efforce de le comprendre et de le suivre, et on y parvient avec quelque application.

237. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Il aime à suivre dans les portions de Ronsard qu’on lit le moins, et qui ont peu prêté jusqu’ici aux extraits, dans les discours, les hymnes, les poèmes moraux, des preuves de cette disposition altière et généreuse qui appartenait proprement au tour d’esprit et au talent du poète. […] Gandar croit voir « un bas-relief antique » ; mais pour cela il est obligé de découper les vers et de les isoler, en retranchant ceux qui précèdent et qui suivent. […] Mellin de Saint-Gelais suit le texte et le délaie ; il en fait simplement, une paraphrase en gros, sans lutter d’expression, sans chercher d’équivalent. […] Ronsard, à son tour, dans une pièce adressée au cardinal de Châtillon, traduit et encadre cet éloge de la vie rurale d’après Claudien ; il suit son texte de plus près, et il y ajoute un joli vers : Il dort au bord de l’eau qui court parmi les prées. […] Avec tout cela, je ne le tiens nullement méprisable, et je trouve chez lui, parmi cette affectation de paraître savant, toute une autre noblesse que dans les afféteries ignorantes de ceux qui l’ont suivi ; et jusqu’ici, comme je donne à ces derniers l’avantage dans les ruelles de nos dames, je crois qu’on le doit donner à Ronsard dans les bibliothèques de ceux qui ont le bon goût de l’Antiquité.

238. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Calemard de Lafayette était, il y a une quinzaine d’années, un jeune littérateur de Paris ; il s’occupait de poésie et de critique ; il était du groupe de l’Artiste et en train de se faire un nom, tout en se livrant à ses goûts préférés, lorsque, vers ce temps, des circonstances de famille et de fortune l’enlevèrent à la vie parisienne : il avait le bonheur et l’embarras d’être propriétaire foncier ; il se retira dans ses terres aux environs du Puy, dans la Haute-Loire, et se mit à les exploiter lui-même ; il prit goût à l’agriculture, à l’amélioration du sol et des colons ; l’amour de la poésie l’y suivit, et il combina ces deux amours, celui des champs et celui des vers : il en est résulté le poème dont j’ai à parler et qui a paru il y a quelques mois. Le poème est divisé en huit livres ; il ne faut pas y chercher une composition bien exacte et bien méthodique : tel livre pourrait aussi bien et presque indifféremment précéder ou suivre l’autre ; c’est une suite de tableaux, de petits cadres, avec des effusions de sentiment et même des digressions morales. […] Suivent des observations physiques, hygiéniques, dignes d’un Hippocrate, sur la convenance des travaux selon les saisons, sur le corps plus léger en automne qu’en été ; des conseils techniques pour faire une charrue, de quel bois les différentes parties dont elle se compose ; de quel âge les bœufs qu’on y attelle ; le serviteur même n’aura pas moins de quarante ans, car plus jeune il s’égaye et quitte le travail pour aller courir avec ceux de son âge. […] heureux qui l’invoque et le prie à chaque accident de la saison, qui compte sur lui seul comme aux jours de la manne dans le désert qui suit en fidèle ému, entre deux haies en fleur, la procession d’une Fête-Dieu champêtre, ou qui prend part avec foi et ferveur, le long des blés couchés ou desséchés, aux cantiques d’alarmes et aux pieux circuits des Rogations extraordinaires ; qui sait le chemin qui mène à la statue de la Vierge dressée au sommet du rocher ou logée au cœur du chêne antique où hantaient jadis les Fées ; qui ne méprise pas le Saint même du lieu et le miracle d’hier qu’on en raconte, toutes croyances et coutumes innocentes et charmantes, si, au lieu de devenir des affaires de parti, elles restaient ce qu’elles devraient être toujours, de touchantes religions locales et rurales !  […] Voici le portrait du taureau, du mezenc pur-sang, et qui rappelle les portraits d’animaux au livre III des Géorgiques ( optima torvæ forma bovis… ) : Portant haut, bien campé sur un jarret d’acier, Trapu, tout près de terre, encore un peu grossier ; Groupe longtemps étroite, et déjà suffisante ; Le rein large et suivi, l’encolure puissante, Le garrot s’évasant en un large plateau, L’épaule nette, — et forte à porter un château ; La poitrine, en sa cage, ample et si bien à l’aise Qu’il faudrait l’admirer dans une bête anglaise ; Sobre et fort, patient et dur, bon travailleur, À ce point qu’un salers à peine fût meilleur, Lent à croître, mais apte à la graisse à tout âge, Tel est le pur mezenc, taureau demi-sauvage ; Et tel voici Gaillard, roi de mes basses-cours, Sultan de mon troupeau, connu dans les concours, Lauréat de renom, vainqueur en deux batailles, Et qui n’est pas plus fier ayant eu deux médailles.

239. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

On sait que cette belle langue, si florissante au xiie  siècle et qui balançait pour le moins celle du Nord, avait été vaincue, compromise dans le désastre même qui suivit la croisade contre les Albigeois, et que, privée désormais de ses principaux centres et foyers où elle était cultivée avec pureté et avec élégance, elle était bientôt retombée à l’état de patois ; c’est en parlant d’elle qu’il m’est arrivé de dire que le patois est « une langue qui a eu des malheurs. » Mais ce patois de la langue provençale ainsi réduite était encore le plus riche de tous, le plus pittoresque et le plus sonore ; il n’avait cessé, même dans sa décadence, de permettre à de vrais poëtes de se produire : Goudouli est le plus célèbre ; mais combien d’autres dignes de plus de renom et d’un auditoire plus étendu ! […] Boulav-Paty adorait Pétrarque, sa forme, son tour de sentiment ; il se plaisait à le suivre par tous ses sentiers. […] Boulay-Paty, nous te saluons une dernière fois, brave et digne poëte, fidèle jusqu’à la fin au vœu de toute ta vie, qui as eu, même en expirant, le rêve et l’illusion de la postérité, comme si cette postérité avait le temps de s’arrêter un moment, de se retourner, de regarder quiconque ne la suit point au pas de course ou ne la précède pas ! […] Ses premiers vers imprimés sont de 1825 : les Grecs, dithyrambes (anonyme), 1825, suivis bientôt des Athéniennes, vendues au profit des Grecs, 1827. […] Il y avait cinq croix sur son drap funéraire : il n’y avait pas cinq personnes à suivre son cercueil. » 65.

240. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Quinet dont nous parlerons tout à l’heure, appartient comme lui à cette génération infatigable et généreuse, pure, avide d’espérance, insatiable de beaux désirs, de laquelle lui-même il a dit en un endroit : Toute une nation puissante qui s’éprend Pour le bien, pour le bon, pour le beau, pour le grand ; Et toute une jeunesse ardente et sérieuse, Qui pâlit de travail, et, les larmes aux yeux, Cherchant son avenir, au plus profond des cieux Suit l’étoile mystérieuse. […] La raison en est manifeste : ces grands individus, venus à des époques très-éclairées, se sont trouvés de toutes parts entourés et suivis de récits exacts, circonstanciés, de mémoires, de commentaires. […] Toutefois, Français de la tradition grecque et latine rajeunie, mais non brisée, ami surtout de la culture polie, studieuse, élaborée et perfectionnée, de la poésie des siècles d’Auguste, et, à leur défaut, des époques de Renaissance, le lendemain matin qui suit le jour de cette lecture, je reprends (tombant dans l’excès contraire sans doute) une ode latine en vers saphiques de Gray à son ami West, une dissertation d’Andrieux sur quelques points de la diction de Corneille, voire même les remarques grammaticales de d’Olivet sur Racine ; et aussi je me mets à goûter à loisir, et à retourner en tous sens, au plus pur rayon de l’aurore. le plus cristallin des sonnets de Pétrarque. […] En vain, des races se sont mêlées ou renouvelées ; sitôt qu’elle retombe dans la solitude, elle reprend, comme si rien ne s’était passé, le début de son ancien poëme, et recompose incessamment le premier tableau de l’épopée. » Or c’est précisément ce début de l’ancien poëme pélasgique, ce tableau si obscurci de l’épopée primitive dont on retrouve à tout moment les vestiges confus, mais certains, et les débris parlants, si l’on suit le voyageur au mont Ithôme, au mont Lycée, à Tyrinthe. Aujourd’hui nous ne voulons que citer, extraire, pour donner une idée du livre, et certes les pages à choisir ne nous manqueront pas… » (Suivaient les citations.

241. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Il reçut tous les soins affectueux et l’éducation de famille ; son père était négociant ; un oncle, frère de son père, qui logeait sous le même toit, donna à l’enfant les premières notions de latin, et on l’envoya bientôt suivre les classes au collège. […] Il vint à Paris âgé de quinze ou seize ans, et suivit en 1795 le cours de belles-lettres professé à l’École centrale des Quatre-Nations par M.  […] Dans un fort bon discours sur l’Élégie, qu’il a ajouté en tête, Millevoye, qui se plaît à suivre l’histoire de cette veine de poésie en notre littérature, marque assez sa prédilection et la trace où il a essayé de se placer. […] Millevoye ignorait que ce morceau, par lui signalé, d’un poëte inconnu, et les autres reliques qui allaient suivre, effaceraient bientôt toutes ses propres tentatives d’élégie grecque, et, s’il l’avait su, il n’aurait pas moins cité dans sa candeur : toute jalousie, même celle de l’art, était loin de lui. […] Son souvenir est resté intéressant et cher ; ce qui a suivi de brillant ne l’a pas effacé.

242. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Cette concordance continue du physique et du moral produit cette conséquence, que Descartes ne considère pas les passions du point de vue sentimental, mais du point de vue pratique : elles ne valent pour lui que par l’action qui les suit ; il ne songe pas à en composer la vie de l’âme, abstraction faite du reste. […] « Les âmes les plus faibles de toutes sont celles dont la volonté ne se détermine point à suivre certains jugements, mais se laisse continuellement emporter aux passions présentes, lesquelles étant souvent contraires les unes aux autres, la tirent tour à tour à leur parti, et l’employant à combattre contre elle-même, mettent l’âme au plus déplorable état qu’elle puisse être… Il est vrai qu’il y a fort peu d’hommes si faibles et irrésolus qu’ils ne veulent rien que ce que leur passion leur dicte. La plupart ont des jugements déterminés suivant lesquels ils règlent une partie de leurs actions ; et, bien que souvent leurs jugements soient faux, et même fondés sur quelques passions par lesquelles la volonté s’est auparavant laissé vaincre et séduire, toutefois… on peut… penser que les âmes sont plus fortes ou plus faibles à raison de ce qu’elles peuvent plus ou moins suivre ces jugements, et résister aux passions présentes qui leur sont contraires. Mais il y a pourtant grande différence entre les résolutions qui procèdent de quelque fausse opinion et celles qui ne sont appuyées que sur la connaissance de la vérité : d’autant que, si on suit ces dernières, on est assuré de n’en avoir jamais de regret ni de repentir, au lieu qu’on en a toujours d’avoir suivi les premières lorsqu’on en découvre l’erreur295. » En un mot, « la volonté est tellement libre qu’elle ne peut jamais être contrainte… ; et ceux même qui ont les plus faibles âmes pourraient acquérir un empire très absolu sur leurs passions, si l’on employait assez d’industrie à les dresser et à les conduire ».

243. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Barthélemy, dans sa vue de la Grèce, n’a rien d’un Montesquieu : « Il faut que chaque auteur suive son plan, a-t-il dit ; il n’entrait pas dans le mien d’envoyer un voyageur chez les Grecs pour leur porter mes pensées, mais pour m’apporter les leurs autant qu’il lui serait possible. » Il reste à savoir pourtant si les pensées des Grecs, exprimées par eux et traduites sous nos yeux sans explication préalable, sont suffisamment à notre usage. […] Il s’est plu, pour amener et encadrer ce discours, à décrire une tempête suivie d’un retour à la sérénité. […] Nous le suivîmes des yeux, nous l’entendîmes mugir dans le lointain ; le ciel brilla d’une clarté plus pure ; et cette mer, dont les vagues écumantes s’étaient élevées jusqu’aux cieux, traînait à peine ses flots jusque sur le rivage. […] Au xvie  siècle, au lendemain de la Renaissance et, dans l’ivresse qui la suivit, nos poètes français imitèrent les Grecs sans sobriété et sans goût ; ils manquèrent les grandes parties par l’excès de leur imitation même ; ils ne réussirent à bien rendre que les petits auteurs, les odes gracieuses, anacréontiques, quelques idylles tombées du trésor de l’Anthologie. […] Dans une des séances de la Convention qui suivirent la mort de Barthélemy, Dusaulx, l’ancien ami de Jean-Jacques et le traducteur de Juvénal, monta à la tribune, et prononça de lui un éloge, dans lequel il recommandait les neveux du défunt à la sollicitude de la patrie.

244. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Hugo trouva certainement dans son cœur les paroles qui devaient suivre un semblable aveu, mais Sainte-Beuve disparut de sa maison. […] Georges Rodenbach, dont j’ai pu suivre, depuis ses débuts, toutes les étapes littéraires. […] Suivent les historiettes de la vie galante. […] Suivre comme un insensé la voiture où l’on a cru l’apercevoir ! […] Un éclair, suivi d’une forte détonation, annonce à la population du bourg que la jeune fille n’est plus vierge.

245. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

N’eût-il pas mieux fait de se rappeler que, dans la carriere du Théatre, il avoit suivi la route que son génie lui permettoit de suivre, & que M. de Crébillon, en se livrant au sien, étoit digne d’un genre de gloire, auquel il ne pouvoit prétendre lui-même, malgré ses efforts ?

246. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre III. La Phèdre de Racine. »

du crime affreux dont la honte me suit, Jamais mon triste cœur n’a recueilli le fruit. […] du crime affreux dont la honte me suit, Jamais mon triste cœur n’a recueilli le fruit.

247. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Parlant des siens et de sa race : On ne peut, dans ma famille, nous définir autrement que ce qui suit : Le cœur excellent, l’esprit moins bon que le cœur, et la langue plus mauvaise que tout cela. […] De tout cela il lui a résulté peu de soif de la justice, et comme il ne se commande rien à lui-même, par facilité de vivre et par habitude de suivre ses penchants, il ne s’est formé aucuns principes de morale, de justice, ni de droit public ; il ne voit ces règles qu’à mesure des occurrences et de l’offre de chaque espèce, ce qui rend nécessairement cette conduite fautive et peu profonde, n’étant conduite que par l’esprit. […] Il faut de la suite, du bon sens, un sens suivi, une méditation approfondie pour trouver du neuf échappé aux autres, et ce fond demande des négligences sur les choses extérieures. […] On suit bien chez d’Argenson la maladie qui précéda cette venue de Rousseau, le persiflage par bel air ou l’affectation fausse de sensibilité de la part de ceux qui en manquaient le plus : « On ne voit, dit-il énergiquement, que de ces gens aujourd’hui dont le cœur est bête comme un cochon, car ce siècle est tourné à cette paralysie du cœur ; cependant ils entendent dire qu’il est beau d’être sensible à l’amitié, à la vertu, au malheur ; ils jouent la sensibilité presque comme s’ils la sentaient. » Le grand mérite de Rousseau fut de sentir avec vérité ce qu’il exprima avec force et quelquefois avec emphase : car par lui on passa brusquement de la presque paralysie du cœur à une sorte d’anévrisme soudain et de gonflement impétueux. […] Sur cet article et tout ce qui s’y rapporte, on n’a avec lui que le choix entre les belles paroles et les plus expressives : Les hommes d’aujourd’hui devenant polis de plus en plus, je remarque qu’ils n’ont plus de passions, mais seulement des desseins qu’ils suivent comme des passions.

248. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Et ce n’est pas seulement l’architecture religieuse, qui prenait son essor vers ce temps d’une merveilleuse et franche renaissance, aux premières années du XIIIe siècle : « l’architecture civile et militaire suit pas à pas la marche de l’architecture religieuse, et dans la ville où l’on construit une cathédrale gothique, on élève en même temps des édifices civils, des maisons et des remparts qui se dépouillent entièrement des traditions romanes ». […] S’il est vrai, comme on le redit souvent et comme il nous est doux de le penser, que la France suive la grande ligne de la civilisation, pourquoi faut-il que ce ne soit trop souvent qu’à travers un zigzag d’injustices et, pour tout dire, d’ingratitudes envers soi et les siens ? […] Nous n’avons pas à le suivre avec la même attention dans ce qui est au-delà. […] Ce qui suit est tiré d’un roman-poème du XIIIe siècle, Partonopeus de Blois, œuvre de Denis Pyram, un poète des plus polis. […] Sa doctrine bien simple, et si peu suivie aujourd’hui, est de faire des édifices pour leur destination, et non pour la seule apparence extérieure.

249. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

En accueillant ces images qui étaient de mise à cette date dans les genres réputés nobles et que paraissait réclamer en particulier la dignité de l’histoire, Jomini ne faisait que suivre le courant public et les exemples d’alentour : il eût fallu de sa part un grand effort d’artiste pour atteindre, en 1820, à la simplicité d’Augustin Thierry ; il lui suffisait, quand il tâchait, d’écrire comme Lacretelle. […] Il n’a cessé, en la retraçant, et pour ses divers points de vue, de se placer au quartier général de celui qu’il suivait neuf ans auparavant à Eylau ; c’est là qu’il se suppose en idée, et non dans le camp de ses adversaires. […] Jomini était d’avis de concentrer la défense sur un seul point intérieur ; mais là encore on ne suivit qu’à moitié son avis : il eût préféré le choix de Bruxelles comme point central et siège du gouvernement et de l’administration. […] Malgré son âge et ses infirmités, il suivait avec une vive attention tous les faits contemporains. […] Habitant volontiers dans ses souvenirs, en même temps qu’il suivait toujours de son regard le plus attentif les progrès de la science militaire et l’application des principes qu’il avait posés, ses dernières œuvres furent un Précis inédit des campagnes de 1812, 1813, 1814, et quelques brochures sur des questions militaires spéciales.

250. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Nous hâtons de tous nos vœux cette publication. » C’est ce travail, fruit de plusieurs années d’une recherche suivie et d’un culte patient, qui paraît aujourd’hui et qui justifie amplement notre promesse. […] On la suit dès le berceau, on assiste à ses jeux, à ses rêveries d’enfance, à son mariage, à sa première vie diplomatique, à ce premier débordement d’imagination qui cherchait un objet idéal, même dans son sage mari ; on la voit, à Venise (1784-1786), laissant s’exalter près d’elle la passion d’Alexandre de Stakieff, le jeune secrétaire d’ambassade, dont elle fera plus tard le Gustave de Valérie, ne favorisant pas ouvertement cette passion, ne la partageant pas au fond, mais en jouissant déjà et certainement reconnaissante. […] Durant ces années et toutes celles qui suivent, M.  […] Sa charité me touche, sa facilité et parfois sa puissance de parole mystique m’étonne et me séduit ; mais, tout en me prêtant à la circonstance et en ayant l’air de suivre le torrent, je me réserve le sourire. […] Un spirituel et sage moraliste, Saint-Évremond, qui avait vu en son temps bien des conversions de femmes du grand monde, a écrit d’agréables pages pour expliquer et démêler les secrets motifs et les ressorts qu’il continuait de suivre sous ces changements193.

251. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Le valet le suit. […] Tout à coup une lampe est apportée par Tebaldo suivi de Pandolfo et de Ricciardo. […] Depuis longtemps, les acteurs français, du moins les acteurs comiques, s’efforçaient de suivre, sur ce terrain difficile pour eux, les artistes italiens. […] Il fut peut-être un peu plus redevable à ses devanciers pour l’œuvre qui suivit : Sganarelle, ou le Cocu imaginaire, joué le 28 mai 1660. […] Continuons à suivre ses premiers pas dans la route où il marche rapidement.

252. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

La Bruyère, moins sublime, en effet, que Pascal, et moins profond que La Rochefoucauld, songe plus à s’approprier au public, et s’accoutume à ne regarder les choses que jusqu’où la vue des autres peut le suivre. […] Les vices des grands l’indisposent ; leur ingratitude envers les serviteurs qui se sont crevés à les suivre, leur goût pour les intrigants, l’incommodité où les met un honnête homme, leur superbe, leur vanité, tout cela le choque. […] Beaucoup de ses traits sont à la fois si frappants et si rapides, que la réflexion qui suit l’impression n’ajouterait pas beaucoup à l’effet produit. […] Suivez-le, fût-ce du plus loin, et surtout ne me donnez pas « à choisir » ; car vous risquez fort que je n’en veuille pas prendre la peine et que, pour n’avoir pas à faire de choix, je ne rejette le tout. […] Je ne parle pas de ceux qui n’y voyaient un ouvrage « que parce qu’il a une couverture et qu’il est relié comme les autres livres110 », mais de ceux qui n’y trouvaient pas les qualités d’un ouvrage suivi, et qui y notaient de l’affectation.

253. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

On peut suivre de siècle en siècle cette série d’actions et de réactions. […] Si l’on voulait suivre durant ces quatre siècles les influences diverses de la religion sur la littérature, c’est un livre entier qu’il faudrait écrire. […] Elles ont de superbes élans en avant, suivis non seulement de piétinements sur place, mais de longs retours en arrière. […] La littérature, sans être aussi redoutable pour les dogmes que la science l’a toujours été par sa ferme volonté de ne rien admettre qui ne soit prouvé, est devenue, elle aussi, dangereuse pour eux, à mesure qu’elle a été pénétrée de l’esprit scientifique ; l’histoire, la philologie, la philosophie, armées de méthodes sévères, ont critiqué les faits, les textes, les conceptions qui s’offraient à leurs regards aigus dans les livres dits sacrés, et nul n’ignore l’abatis qui s’en est suivi de légendes et d’erreurs données comme des vérités révélées. […] Il faut suivre en chaque époque l’histoire de l’Église, noter si son influence allait croissant ou décroissant, dans quelles limites elle était contenue, et si elle a rencontré un de ces points d’arrêt qui se trouvent d’ordinaire pour toute puissance au lendemain d’un triomphe et d’un excès de prétentions.

254. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Membre de l’Assemblée constituante, il suivit la Révolution assez loin et la servit tant qu’elle resta dans les voies et les limites de la première Constitution. […] Il eut un gouverneur et suivit les cours des Écoles centrales ; mais surtout il s’appliqua ensuite à refaire de lui-même ses études, et à les étendre, à les fortifier en tous sens par le travail et la réflexion. […] Il a l’esprit naturellement tourné au droit, à la jurisprudence ; en même temps qu’il aime à remonter aux principes, il excelle à suivre et à distinguer les applications et les conséquences, à raisonner sur les cas divers et les espèces, à y pourvoir en détail ; il a le goût du droit. […] Mais j’ai à le suivre rapidement dans sa marche, et ce qui m’apparaît de plus saillant, je le relève. […] Le célèbre Johnson l’employait d’ordinaire dans le siècle dernier, et il le rédigeait comme il suit : La loi de primogéniture, disait-il, a cela de bon, que du moins elle ne fait qu’un sot par famille.

255. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Ayant vu à Fontainebleau une cérémonie dans laquelle on dégrada deux chevaliers de l’Ordre (le duc d’Elbeuf et le marquis de La Vieuville), elle en demanda la raison : on lui dit que c’était à cause qu’ils avaient suivi le parti de Monsieur. […] Il adressa une lettre à Mademoiselle pour la remercier et la féliciter de sa prouesse : « C’est un coup qui n’appartient qu’à vous, lui écrivait-il, et qui est de la dernière importance. » Comme on lui rendait compte d’un conseil de guerre auquel elle avait assisté et où elle avait donné son avis : M. le Prince dit que les résolutions prises dans un conseil où j’avais bien voulu être devaient être suivies, quand elles ne seraient pas bonnes, mais que celles que l’on avait prises étaient telles que le roi de Suède (Gustave-Adolphe !) […] On appellera cela comme on voudra ; pour moi, j’appelle cela suivre mon inclination et aller mon chemin ; je suis née à n’en pas prendre d’autres. […] Dans les années qui suivirent, elle eut à se faire pardonner du roi, et à la longue elle y réussit. […] Je ne la suivrai pas dans ses diverses compositions et rapsodies littéraires (portraits, romans de société), et j’arrive au grand événement de sa vie pour achever de la saisir.

256. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Elles trouvent sous leur plume des tours et des expressions qui souvent en nous ne sont l’effet que d’un long travail et d’une pénible recherche ; elles sont heureuses dans le choix des termes, qu’elles placent si juste, que tout connus qu’ils sont, ils ont le charme de la nouveauté, semblent être faits seulement pour l’usage où elles les mettent ; il n’appartient qu’à elles de faire lire dans un seul mot tout un sentiment, et de rendre délicatement une pensée qui est délicate ; elles ont un enchaînement de discours inimitable, qui se suit naturellement, et qui n’est lié que par le sens. […] Il est étonnant que les ouvrages de Marot, si naturels et si faciles, n’aient su faire de Ronsard, d’ailleurs plein de verve et d’enthousiasme, un plus grand poète que Ronsard et que Marot ; et, au contraire, que Belleau, Jodelle, et du Bartas, aient été sitôt suivis d’un Racan et d’un Malherbe, et que notre langue, à peine corrompue, se soit vue réparée. […] Ce n’est donc pas un tissu de jolis sentiments, de déclarations tendres, d’entretiens galants, de portraits agréables, de mots doucereux, ou quelquefois assez plaisants pour faire rire, suivi à la vérité d’une dernière scène où les3 mutins n’entendent aucune raison, et où, pour la bienséance, il y a enfin du sang répandu, et quelque malheureux à qui il en coûte la vie. […] Il semble qu’il y ait plus de ressemblance dans ceux de Racine, et qui tendent un peu plus à une même chose ; mais il est égal, soutenu, toujours le même partout, soit pour le dessein et la conduite de ses pièces, qui sont justes, régulières, prises dans le bon sens et dans la nature, soit pour la versification, qui est correcte, riche dans ses rimes, élégante, nombreuse, harmonieuse : exact imitateur des anciens, dont il a suivi scrupuleusement la netteté et la simplicité de l’action ; à qui le grand et le merveilleux n’ont pas même manqué, ainsi qu’à Corneille, ni le touchant ni le pathétique. […] Il doit au contraire éviter comme un écueil de vouloir imiter ceux qui écrivent par humeur, que le cœur fait parler, à qui il inspire les termes et les figures, et qui tirent, pour ainsi dire, de leurs entrailles tout ce qu’ils expriment sur le papier ; dangereux modèles et tout propres à faire tomber dans le froid, dans le bas, et dans le ridicule ceux qui s’ingèrent de les suivre : en effet, je rirais d’un homme qui voudrait sérieusement parler mon ton de voix, ou me ressembler de visage.

257. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Ernest-Charles et à ceux qui le suivirent, que la foule (?) […] Mais, comme il est clairvoyant et soucieux de beauté, il comprendra sans doute en quelle maritorne mafflue, il risquerait de couronner la déesse immortelle qu’il a suivie d’abord. […] Son exemple fut suivi par M.  […] Léon Bailby, l’ancien directeur de la Presse, qui s’est fait suivre à l’Intransigeant par MM.  […] Tout l’art du critique doit tendre à distinguer ce qui est conforme au génie d’une langue et non à suivre le goût public ou la mode.

258. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

On sait que les langues anciennes avaient une foule de mots qui exprimaient, non point des idées, mais le rapport des idées qui précédaient avec celles qui devaient suivre ; des mots qui serpentaient à travers la marche du discours pour en rapprocher toutes les parties et en faire la liaison et le ciment, rappelaient par un signe la phrase qui était écoulée, appelaient celle qui devait naître, remplissaient les intervalles, animaient, vivifiaient, enchaînaient tout, et donnaient à la fois, au corps du discours, de l’unité, du mouvement et de la souplesse. […] Le style se débarrassa de ses entraves ; la pensée fut libre, la marche rapide, et le langage put se prêter avec souplesse à suivre tous les mouvements de l’âme, comme un danseur qui accompagne la mesure et suit l’instrument sans que rien le gêne, au gré de son oreille ralentit ou précipite ses pas. […] Surtout leur sensibilité inquiète doit redouter une sorte d’éloquence impétueuse et vive, qui, dans sa marche, suivrait l’impulsion trop rapide de la vérité. […] On peut demander pourquoi les peuples sauvages, dans la sorte d’éloquence qu’on leur remarque quelquefois, n’ont jamais de mauvais goût, tandis que les peuples civilisés y sont sujets ; c’est sans doute parce que les premiers ne suivent que les mouvements impétueux de leur âme, et qu’aucune convention étrangère ne se mêle chez eux aux cris de la nature. […] Les uns, entraînés par le cours des affaires, prennent part au destin des nations ; ils négocient, ils combattent, ils ont de ces grandes pensées qui changent, bouleversent ou affermissent le sort des peuples ; les autres observent et suivent ces mouvements ; ils contemplent les succès et les malheurs, le génie qui se mêle avec les fautes, le hasard qui domine impérieusement le génie, et les passions humaines qui, partout terribles et actives, entraînent la marche des États.

259. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Mais encore un coup, tout ce que nous disons à l’avantage de M. de Bernard n’est pas pour dégager son talent de l’obligation qu’il a contractée envers celui de M. de Balzac ; quand l’auteur d’Eugénie Grandet et de la Femme de trente ans finirait comme il a commencé, c’est-à-dire quand ses volumes heureux se trouveraient suivis d’autant d’œuvres illusoires qu’ils ont été précédés d’œuvres insignifiantes, quand lui-même, l’auteur de la Femme de quarante ans et de Gerfaut, serait devenu, par bien d’autres productions dont il est capable, le romancier régnant, il ne devrait pas, en avançant, séparer tout bas son progrès de son point de départ, car en littérature il est un peu comme un fils de famille ; il entre de plain-pied dans un genre ouvert, il arrive le lendemain d’un héritage riche, qu’il n’a qu’à grossir après l’avoir débrouillé. […] L’observation y est parfaite dans sa finesse et sa subtilité ; chacun a connu et connaît quelque madame de Flamareil, toujours belle, toujours sensible, toujours décente, qui a graduellement changé d’étoile du pôle au couchant, qui en peut compter jusqu’à trois dans sa vie, dont le cœur aimant enfin a suivi assez bien les révolutions inclinées et l’orbite élargi du talent de Lamartine, des premières Méditations jusqu’à Jocelyn. […] C’est ce que tout le monde ira chercher au plus vite dans l’intéressant roman, si l’on suit notre conseil.

260. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Il nous est impossible de le suivre ici dans ses ingénieuses déductions. […] Bain a publié un livre : On the study of character including an estimate of phrenology, 1861, dans le but de raviver les études analytiques sur le caractère humain, a qui semblent avoir suivi le déclin de la phrénologie. » Après avoir passé en revue les très rares travaux consacrés à la science du caractère avant Gall (Théophraste, la Bruyère, Fourier), et après avoir consacré une moitié de l’ouvrage à la critique détaillée et impartiale des classifications phrénologiques, M.  […] Nous ne suivrons pas M. 

261. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Le lait ne va pas aux bilieux comme moi, et le miel m’affadit… dépouillez-vous donc ; suivez le conseil de Jean-Jacques, et faites-vous sauvage… ce serait bien le mieux. […] Applaudissez aux poëmes divins de Virgile ; promenez-vous dans une ville immense, où les chefs-d’œuvre de la peinture, de la sculpture et de l’architecture suspendront à chaque pas vos regards d’admiration ; assistez aux jeux du cirque ; suivez la marche des triomphes ; voyez des rois enchaînés ; jouissez du doux spectacle de l’univers qui gémit sous la tyrannie, et partagez tous les crimes, tous les désordres de son opulent oppresseur. […] Le financier donna le ton, que le reste suivit.

262. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Plusieurs de ces principes sont si vagues, qu’on peut soutenir également que le poëte les a suivis ou qu’il ne les a point suivis dans son ouvrage. […] Il est donc comme impossible d’évaluer au juste ce qui doit resulter des irrégularitez heureuses d’un poëte, de son attention à se conformer à certains principes, et de sa négligence à en suivre d’autres.

/ 2928