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49. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Fleury, et les abondants extraits qu’il donne des journaux et des pamphlets de Camille Desmoulins depuis 1789 jusqu’en 93, sont peu faits pour l’honorer et le grandir aux yeux de la postérité, j’entends auprès des gens sensés de tous les régimes et de tous les temps. […] Je n’ignore pas que c’est pédanterie aux yeux de bien des gens ; mais j’ai un faible pour les Grecs et les Romains. […] Et il continue durant deux pages sur ce ton de noël et de litanie : Ô nuit désastreuse pour la grand-chambre, les greffiers, les huissiers, les procureurs, les secrétaires, sous-secrétaires, les beautés solliciteuses, portiers, valets de chambre, avocats, gens du roi, pour tous les gens de rapine ! […] Il est très amusant sur certaines gens, mais il en est un trop grand nombre sur lesquels il est odieux et infâme : je ne sais pas un meilleur mot. […] Tous ces gens de la noce (excepté Mercier, qui n’échappa à la mort que par l’incarcération), tous périrent de mort violente, y compris les deux époux, et tous du fait de cet autre convive, ce cher M. de Robespierre.

50. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Les gens nous regardaient de leurs fenêtres et se disaient : « En voilà encore un qui part !  […] dit-elle ; vous êtes donc aussi pour faire massacrer les gens, vous ? […] Les gens venaient à leurs petites fenêtres, ou s’avançaient sur leur porte en disant : « Ce sont des conscrits !  […] Avec notre billet de logement, nous avions le droit de nous asseoir au coin du feu ; mais les gens nous donnaient aussi place à leur table. […] Un trompette sonnait le rappel au coin de la Capougner Strasse ; tout s’agitait : on entendait passer des chevaux, des voitures et des gens.

51. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

L’important, c’est que l’Académie soit libre dans ses choix, qu’elle les fasse aussi balancés, aussi imprévus, aussi étendus que possible, et sans s’interdire même les gens de lettres proprement dits, spéciaux, isolés, célibataires obstinés jusque-là, et qui, à ce titre, ont marqué un peu vivement. […] les gens de lettres par des choix d’une littérature moins spéciale, et par toutes les sortes de variétés que présentent, dans une société comme la nôtre, les applications publiques de la parole : à la bonne heure ! […] Le danger pour l’Académie, si danger il y avait, ne viendrait jamais de quelques hommes distingués et lettrés du monde politique ; il viendrait des gens de lettres médiocres s’attroupant en bloc, se coalisant ou se déchirant. […] Pour les gens de lettres eux-mêmes, s’ils en valent la peine, il n’est pas sans profit d’attendre la fin de l’épreuve et de n’arriver à l’Académie qu’un peu sur le tard. […] Beaucoup de gens aujourd’hui vous parlent à l’oreille de cet ouvrage et l’incriminent sur ouï-dire ; la plupart seraient fort étonnés, s’ils le lisaient, d’y trouver un écrit tout de forme métaphysique et de déduction abstraite, d’un dogmatisme ingénieux, mais assez difficile et obscur.

52. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Une société où la distinction personnelle a peu de prix, où le talent et l’esprit n’ont aucune valeur officielle, où la haute fonction n’ennoblit pas, où la politique devient l’emploi des déclassés et des gens de troisième ordre, où les récompenses de la vie vont de préférence à l’intrigue, à la vulgarité, au charlatanisme qui cultive l’art de la réclame, à la rouerie qui serre habilement les contours du Code pénal, une telle société, dis-je, ne saurait nous plaire. […] Richelieu et Louis XIV regardaient comme un devoir de pensionner les gens de mérite du monde entier ; combien ils eussent mieux fait, si le temps l’eut permis, de laisser les gens de mérite tranquilles, sans les pensionner ni les gêner ! […] Il faut que la raison sache se résigner à être primée par les gens qui ont le verbe tranchant et l’affirmation hautaine. […] En somme, il se peut fort bien que l’état social à l’américaine vers lequel nous marchons, indépendamment de toutes les formes de gouvernement, ne soit pas plus insupportable pour les gens d’esprit que les états sociaux mieux garantis que nous avons traversés. […] Des gens d’esprit vivent cependant en Amérique, à condition de n’être pas trop exigeants.

53. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Le même axiome renferme toutes les idées qu’on s’est formées jusqu’ici du droit naturel des gens ; droit qui, selon l’opinion commune, serait sorti d’une nation pour être transmis aux autres. […] Si les poèmes d’Homère peuvent être considérés comme l’histoire civile des anciennes coutumes grecques, ils sont pour nous deux grands trésors du droit naturel des gens considéré chez les Grecs. […] Les six dernières propositions établissent que la Providence a été la législatrice du droit naturel des gens. […] Le droit naturel des gens a, dans Vico, une signification très entendue. […] Cet axiome placé ici à cause de son rapport particulier avec le droit des gens, s’applique généralement tous les objets dont nous avons à parler.

54. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Voilà comment la république romaine païoit les gens de théatre. […] Comme les romains étoient la plûpart devenus eux-mêmes des déclamateurs et des faiseurs de gestes, on ne doit pas être étonné qu’ils fissent un si grand cas des gens de théatre. […] Quoique les loix romaines eussent exclu la plûpart des gens de théatre de l’état de citoïen, on avoit néanmoins à Rome beaucoup de consideration pour eux, et nous en citerons tantôt de bonnes preuves. […] Nous sçavons par des faits que l’apprentissage des gens de théatre, qu’on choisissoit apparemment avec de la disposition à réussir, étoit un apprentissage très-long. […] De tout temps un peu de vision fut l’appanage des gens de théatre.

55. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Alors, les gens se plaignent et disent : voilà ce qu’ont fait les enfants du roi ! […] La fillette, spécialement, y apparaît à nu, tantôt se laissant mourir de désespoir, tantôt ne disant pas non au cavalier qui passe, pourvu qu’il ait bourse pleine, tantôt victime de sa paresse et de sa mauvaise conduite : Les soldats l’ont laissée Sans chemise et sans pain… Telle chanson, comme la Mal Mariée, révèle le pessimisme résigné de gens qui sentent que la vie est mauvaise, et mauvaise sans remède ; mais telle autre dit bellement la joie héroïque de l’amour, comme la Fille dans la Tour, dont voici une version mutilée : Le roi Louis est sur son pont, Tenant sa fille en son giron. […] Entrant à la maison, Salut, les gens de la noce, Ô beau rossignolet, Entrant à la maison, Salut, les gens de la noce. […] Les gens de la noce disent : Grand Dieu ! […] Ô beau rossignolet, Les gens de la noce disent : Grand Dieu !

56. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 353-355

Après tout, si cette indulgence peut paroître excessive aux yeux des Gens de goût, l'ouvrage n'en fait pas moins d'honneur aux sentimens de M. du Tillet, également estimable par ses vertus sociales, par l'aménité de ses mœurs, la franchise de ses procédés, & par les services multipliés qu'il a rendus aux Gens de Lettres. […] Les autres Gens de Lettres ont été plus reconnoissans.

57. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Construisaient-ils ses vaisseaux, réparaient-ils ses routes, vêtaient-ils ses soldats, ils restaient sans garanties de leurs avances, sans échéances pour le remboursement, réduits à calculer les chances d’un contrat avec les ministres comme celles d’un prêt fait à la grosse aventure. » On ne paye que si l’on peut et quand on peut, même les gens de la maison, les fournisseurs de la table, les serviteurs de la personne. […] Si les nobles s’habillent en bourgeois, c’est qu’ils sont eux-mêmes devenus des bourgeois, je veux dire des oisifs qui, retirés des affaires, causent et s’amusent. — Sans doute ils s’amusent en gens de goût et causent en gens de bonne compagnie. […] Autour de lui, ce ne sont que gens échauffés, exaltés à propos de rien, jusqu’au grotesque606. […] Il semble même qu’il y ait un commencement d’incendie ; car les cheminées ronflent rudement, et une clarté rouge jaillit à travers les vitres. — « Non, disent les gens d’en haut, ils n’auraient garde de mettre le feu à la maison, ils y habitent comme nous. […] Ce qui le prouve évidemment, c’est que ce sont les bourgeois, les gens de lettres, les gens de finances, enfin tous ceux qui jalousaient la noblesse, qui ont soulevé contre elle le petit peuple dans les villes et les paysans dans les campagnes. » (Rivarol, Mémoires.

58. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Voilà d’abord les Magistrats réformés : les Gens de guerre vont commencer par essuyer des anathêmes, avant d’être licenciés. […] Seroit-ce dans l’admiration des Gens de goût, ou dans le suffrage des Littérateurs étrangers ? […] Les gens éclairés ne peuvent en avoir été dupes : à travers les artifices de la malignité, ils savent démêler le mensonge, & repoussent, comme par instinct, les fausses impressions qu’on voudroit leur donner. […] Tout le monde sait avec quel humeur, avec quel mépris les Philosophes du siecle parlent des Grands & des Gens en place. […] Ce tour de Pirate a trompé peu de gens, & la Suite prétendue des Trois Siecles est restée chez le Libraire.

59. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

L’orthographe a causé, parmi les gens de lettres, un véritable schisme. […] Est-il vrai que les gens qui parlent bien prononcent les mots terminés par une consonne articulée, tels que rival, desir, mer, comme s’il y avoit rivale, desire, mere ; en sorte qu’on put ranger ces mots parmi les rives féminines ? Quelque sentiment qu’on embrasse pour ou contre, on ne manquera jamais de partisans & de raisons Le moyen de sçavoir à quoi s’en tenir c’est d’aller à la source, de consulter les gens de cour, & les gens de lettres. […] Il est ridicule que des gens instruits d’ailleurs se fassent un crime de la moindre faute contre la prosodie Grecque & Latine, & qu’ils négligent la prosodie Françoise.

60. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

… La Revue des Deux Mondes, la plus ancienne en date, qui a été pendant vingt-cinq ans la porte cochère de tous les genres d’écrivains, depuis madame Sand jusqu’à Cousin, et depuis Cousin jusqu’à Veuillot, la Revue des Deux Mondes, ce tourne-bride du monde tout entier, dans lequel il s’est trouvé des gens de talent, mais avec d’autres, a vécu dans les grasses et tranquilles conditions d’un établissement d’hospitalité littéraire et de philosophique impartialité. […] … où la voyons-nous dans ces revues où passent les uns après les autres des gens d’esprit, des gens de science, des gens d’infiniment d’agrément, qui viennent tous déballer leurs petites curiosités devant le public, lequel se plaît à ces différents déballages ? […] Les autres, très nombreux, gens d’esprit, de talent, — et il y en a même peut-être un ou deux qui ont plus de talent que Janin, — ont été engendrés et mis au monde par ce Brahma bramant du feuilleton.

61. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Aussi les gens de goût sont-ils les hauts justiciers de la littérature. […] ce ne sont ni les impôts, ni les lettres de cachet, ni tous les autres abus de l’autorité, ce ne sont point les vexations des intendants et les longueurs ruineuses de la justice, qui ont le plus irrité la nation, c’est le préjugé de la noblesse pour lequel elle a manifesté le plus de haine : ce qui prouve évidemment que ce sont les bourgeois, les gens de lettres, les gens de finances, et enfin tous ceux qui jalousaient la noblesse, qui ont soulevé contre elle le petit peuple dans les villes, et les paysans dans les campagnes. Il montre les gens d’esprit, les gens riches trouvant la noblesse insupportable, et si insupportable que la plupart finissaient par l’acheter : « Mais alors commençait pour eux un nouveau genre de supplice, ils étaient des anoblis, des gens nobles, mais ils n’étaient pas gentilshommes… Les rois de France guérissent leurs sujets de la roture à peu près comme des écrouelles, à condition qu’il en restera des traces. » Cette cause morale, la vanité, qui fut si puissante alors dans la haine irréconciliable et l’insurrection de la bourgeoisie excitée par les demi-philosophes, est démêlée et exposée par Rivarol avec une vraie supériorité. […] S’il est vrai que les conjurations soient quelquefois tracées par des gens d’esprit, elles sont toujours exécutées par des bêtes féroces. […] Necker, on avait accusé le rédacteur d’être vendu au ministère : Si cela est, s’écriait Rivarol, nous sommes vendu et non payé, ce qui doit être quand l’acheteur n’existe pas ; et, en effet, il n’y a point de ministère en ce moment… Les cours, à la vérité, ajoute-t-il en se redressant, se recommandent quelquefois aux gens de lettres comme les impies invoquent les saints dans le péril, mais tout aussi inutilement : la sottise mérite toujours ses malheurs.

62. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

J’ai dit qu’à la mort de Montesquieu l’armée des gens de lettres n’était pas encore debout ni enrégimentée : c’est à la mettre sur pied que travaille ardemment Voltaire. […] Le président le rassure du mieux qu’il peut : Nous avons traité en gentilshommes et en gens du monde, non en procureurs ni en gens de chicane. […] Au moment où les gens d’affaires vont commencer cette reconnaissance, Voltaire coupe court et l’élude. […] Il plaide, il chicane, il crie tout d’abord, le tout pour ne point payer aux gens du Domaine le demi-droit de mutation. […] Ce sont, au contraire, ces sortes de gens-là qu’il faut châtier.

63. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

J’ai connu des gens qui s’indignaient de bonne foi de ne pas voir Charlet à l’Institut. […] Je sais que c’est jouer un assez vilain rôle que de venir déclarer au gens qu’ils ont eu tort de s’amuser ou de s’attendrir d’une certaine façon ; il est bien douloureux d’avoir maille à partir avec le suffrage universel. […] Comme l’autre grand homme, il a beaucoup insulté les calotins : cela est mauvais, dis-je, mauvais symptôme, ces gens-là sont inintelligibles au-delà du détroit, au-delà du Rhin et des Pyrénées. […] Il y a des gens superficiels que Grandville divertit ; quant à moi, il m’effraye. […] Beaucoup de gens préfèrent Gavarni à Daumier, et cela n’a rien d’étonnant.

64. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Mais on entend les gens au moins, sans se fâcher. […] Serait-il à propos, et de la bienséance, De dire à mille gens tout ce que d’eux on pense ? […] Elle est à bien prier exacte au dernier point ; Mais elle bat ses gens, et ne les paye point. […] Mais les gens comme nous brûlent d’un feu discret Avec qui, pour toujours, on est sûr du secret. […] Celle-ci a cité des gens de vertu singulière ; celle-là cite des gens d’un très-rare mérite.

65. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

Les piquantes balivernes de Valéran dit le Picard, les plaintes de dame Gigogne, les hardiesses mimiques de Gros-Guillaume, tout méprisés qu’ils étaient des gens doctes et d’un goût difficile, n’en avaient pas moins plus de portée souvent que les lazzi et surtout que les éternels travestissements des Gelosi. […] La tendance qu’avait Gros-Guillaume à singer les travers des gens finit, comme on sait, par le perdre. […] « Sur ces entrefaites, voici arriver un conseiller de la Cour des aides, un commissaire et un sergent, qui viennent demander la taille à ces pauvres gens, et, à faute de payer, veulent exécuter. La femme commence à crier après ; aussi fait le mari, qui leur demande qui ils sont. — Nous sommes gens de justice, disent-ils. — Comment !

66. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Plusieurs gens font monter le nombre de ses habitants à onze cent mille âmes. […] Cependant, comme l’opération avait été faite avec un gros couteau et par des gens acharnés qui ne se souciaient pas de la bien faire, il ne fut jamais bien guéri. […] L’histoire et les gens de son temps assurent qu’il n’y en a jamais eu de si éclairé dans l’exercice de cette charge suprême. […] Chaque sorte d’art et chaque sorte de denrée y a son quartier à part, et les gens du pays savent y trouver chaque chose, comme dans les autres lieux de la ville. […] Pensez-vous que les autres grands veuillent passer pour des gens sans loi et approuvent vos suffrages ?

67. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Les gens me disaient : — Comment, monsieur, vous lisez tous les livres qui paraissent ! […] Les gens me disent : — Alors vous allez à toutes les répétitions générales. […] Mais c’est bien l’opinion unanime des gens qui savent ce que c’est qu’un livre et qu’une œuvre d’art. […] Toutefois, il offre cette indiscutable supériorité : obliger les gens à être sincères. […] Cette « basse curiosité est, aux yeux de beaucoup de gens, le plus grand indice d’une mauvaise santé intellectuelle et morale », déclare M. 

68. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Il ne ressemble pas aux gens préoccupés et frappés qui, mesurant tout à leur horizon visuel, estimant tout d’après leur sensation présente croient toujours que la maladie qu’ils ont est la plus grave que jamais la nature humaine ait éprouvée. […] Ne nous hâtons pas de prendre au mot ces gens de goût qui ont horreur de se surfaire. […] Observons toutefois, pour expliquer à notre tour et justifier cette profession un peu large d’impartialité, que les chefs des partis alors en présence, les trois Henri, étaient gens de renom et considérables à divers titres : Henri, duc de Guise, chef de la Ligue ; Henri, roi de Navarre, chef opposé ; et le roi Henri III, au nom de qui Montaigne était maire, et qui oscillait entre les deux. […] Cette contagion ou peste qui sévissait alors dans le pays, frappait surtout parmi ces pauvres gens, Montaigne apprend d’eux la résignation et la pratique de la philosophie. […] À quoi j’ajouterai encore un de ces conseils qu’il adresse à ceux qui, comme moi et comme bien des gens de ma connaissance, subissent les tourmentes politiques sans les provoquer jamais et sans se croire d’étoffe non plus à les conjurer.

69. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Ici, on voit d’Aubigné se détourner de son chemin et suivre les gens qui savent, pour apprendre d’eux ce qu’il écrira un jour. […] À la mort du second prince de Condé (1588), il exprime en ces termes les regrets du parti : Longtemps après, le parti des réformés sentit cette perte comme d’un prince pieux, de bon naturel, libéral, d’un courage élevé, imployable partisan (inflexible chef de parti), et qui eût été excellent capitaine pour les armées réglées et florissantes ; car ce qui lui manquait aux guerres civiles était qu’estimant les probités de ses gens à la sienne, il pensait les choses faites quand elles étaient commandées, et n’avait pas cette rare partie, principale au roi de Navarre, d’être présent à tout. […] Vous êtes circuit de gens qui grondent et qui craignent, et couvrent leurs craintes de prétextes généraux. Et il lui conseille de ne point se soucier de ceux qui menacent de changer de parti si lui-même il ne change sur l’heure de religion : Gardez-vous bien de juger ces gens-là sectateurs de la royauté pour appui du royaume, ils n’en sont ni fauteurs ni auteurs… Quand votre conscience ne vous dicterait point la réponse qu’il leur faut, respectez les pensées des têtes qui ont gardé la vôtre jusques ici ; appuyez-vous, après Dieu, sur ces épaules fermes, et non sur ces roseaux tremblants à tous vents ; gardez cette partie saine à vous, et dedans le reste perdez ce qui ne se peut conserver. […] Avec infiniment plus de moralité assurément que Bussy-Rabutin ou que Bonneval, il a comme eux une faculté de satire et de riposte dont il abuse ; sa réplique a volontiers un air de défi qu’il vous jette à la tête, en sous-entendant à peine : « Prenez-le comme vous voudrez. » Et puisque j’en suis à rassembler autour de lui les noms qui peuvent servir à le mesurer et à le définir, je dirai encore qu’il participe à cette démangeaison de Henri Estienne et de ces gens d’esprit pétulants qui se donnent avant tout la satisfaction d’imprimer leurs fantaisies, sauf à s’attirer bientôt des affaires sur les bras et à ne trop savoir comment en sortir.

70. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

C’est que les personnes très riches sont privilégiées de plus de façons encore qu’il ne paraît à première vue ; c’est que, en même temps que la charité sous sa forme la plus élémentaire, qui est l’aumône en argent, semble devoir être plus facile aux gens qui en ont beaucoup, ceux-ci, à mérite égal — et en vertu de leur richesse même, qui les signale à l’attention et leur permet des largesses d’un chiffre imposant — sont singulièrement plus assurés de la reconnaissance publique que les gens de condition médiocre ou petite, et, ainsi, ne manquent guère de recevoir, dès ici-bas, la récompense de leur bonne volonté. En sorte qu’on pourrait recommander la charité aux gens exceptionnellement millionnaires comme un « sport » avantageux, au cas où il ne suffirait point de la leur recommander comme un devoir. […] * * * Je prie les gens très riches qui peut-être liront ceci, de ne point se dire : « Voilà une singulière façon, et bien engageante vraiment, de nous prêcher la charité !

71. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Quelqu’un a appelé les gens de lettres estimables, les substituts de la Magistrature. […] Heureux les Gens de Lettres qui ne connoissent point cette déplorable guerre ! […] D’accord ; mais pourquoi le style des gens de Cour est-il simple ? […] Les pauvres gens, dit-on ! […] On ordonna que les gens de Justice ne porteroient plus que des habits couleur de rose.

72. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Tout cela, des blagues grandioses qui mènent, à l’Institut, aux décorations, aux traitements, à la considération des gens sérieux. […] Il faut au public des corps d’ouvrage solides et compacts, où il revoit des gens qu’il a déjà vus, où il entend des choses qu’il sait déjà. […] Sur cent personnes qui liront votre Venise, à peine deux se douteront de ce que vous avez voulu faire. » Ici, Edouard Houssaye et Aubryet sont enragés contre l’article… Et cela tient à une chose, c’est que le sens artiste manque à une infinité de gens, même à des gens d’esprit. Beaucoup de gens ne voient pas. […] Les gens qui se dépensent trop dans la passion ou dans le tressautement d’une existence nerveuse, ne feront pas d’œuvres et auront épuisé leur vie à vivre.

73. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 285-289

Ce n’est pas à son génie, ni à son esprit qui étoit médiocre, qu’il doit sa réputation : quelques Ouvrages utiles sur la Langue Françoise, ses querelles avec des Gens de Lettres de toutes les classes, ont donné à son nom la célébrité dont il jouit encore. […] Les Gens de Lettres, tant Nationaux qu’Etrangers, s’y rendoient avec empressement. […] Colbert, de donner la liste des Gens de Lettres qui pouvoient mériter des récompenses.

74. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

C’est peut-être parce que Verlaine avait souffert réellement, qu’il intéressa moins : l’imagination des gens ordonnés et aisés, qui ont le moyen de s’installer en une loge d’Opéra-Comique ou une baignoire de Comédie-Française pour voir grelotter des poètes pauvres, se satisfait beaucoup plus de ces douleurs théâtrales que de la peu intéressante vérité des iniquités de la vraie vie. […] Et cependant les gens ordonnés rient et se divertissent. […] Cette fin lamentable des gens qui les mystifiaient ou les exaspéraient en leur parlant d’idéal, de dons inaccessibles, de vocation et de beauté intangible à leurs intelligences bornées, cette fin leur donne raison dans toute leur conception de la vie. […] Elle n’est pas inhérente au fait d’être mai nourri et mal vêtu : il y a des gens qui, avec de la fortune, sont bohèmes, parce qu’ils aiment fainéanter, mettre les coudes sur la table, fumer des pipes dans des cabarets, traîner sur des divans d’atelier, dire des farces ou théoriser indéfiniment, arpenter le boulevard, brailler en chœur et mettre à mal les ouvrières. […] Nous l’avons vu expansif, bon garçon, bavard intarissable, racontant au premier venu, devant un bock, ses projets d’art, ses songes, ses émotions, ses amours, galvaudant tout ce que l’homme bien né garde pour lui ou de très rares intimes, étalant son intérieur comme son extérieur : en réalité, sous cette bonhomie ripailleuse, très dénigreur, rongé d’envie, se sachant impuissant, mais retenu dans un monde de ratés par une énorme vanité qui est encore du bourgeoisisme exaspéré, la vanité de serrer des mains célèbres, de figurer parmi les gens de lettres, et de passer pour un martyr de l’idéal.

75. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Ainsi, rien que par le titre de la chose représentée, on savait si l’on allait voir des gens du monde ou des gens du peuple, des bouffons ou des sénateurs, des élégances chastes, ou des satyres pleines de vin et de licences. […] Récemment encore, le roi venait d’écrire le nom de Molière sur cette glorieuse liste de gens de lettres et de savants, honorés des libéralités de Sa Majesté, et le poète s’était empressé de remercier le roi, à la façon d’un poète comique pour qui tout est sujet de comédie et même un compliment. […] J’enrage de voir de ces gens qui se conduisent en ridicules, malgré leur qualité ; de ces gens qui décident toujours et parlent hardiment de toutes choses, sans s’y connaître ; qui dans une comédie se récrieront aux méchants endroits et ne branleront pas à ceux qui sont bons… Eh ! mon Dieu, Messieurs, taisez-vous ; quand Dieu ne vous a pas donné la connaissance d’une chose, n’apprêtez pas à rire à ceux qui vous entendent parler, et songez qu’en ne disant mot, on croira peut-être que vous êtes d’habiles gens !  […] « Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles dont vous embarrassez les ignorants, et nous étourdissez tous les jours !

76. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XI. Des Livres sur la Politique & le Droit Public. » pp. 315-319

Le traducteur de Grotius a mis aussi en françois le Droit de la nature & des gens, par Puffendorff, in-4°. deux volumes. […] On peut, à quelques égards, porter le même jugement des Principes du Droit de la nature & des gens, traduit par M. […] L’ouvrage le plus récent sur le droit de la nature & des gens, est celui de Mr.

77. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Et quant ses gens virent ce, si se commencierent moult à esmaier et à desconfire et à mauvaisement maintenir. […] Et quant ses gens virent que il n’ayoient nulle ayue de lui, si se commencierent à desconfire et lui à laissier. […] Ce que voyant ses gens, ils commencèrent fort à prendre de l’émoi, à se défaire et se mal maintenir. […] Quand ses gens virent qu’ils ne pouvaient plus compter sur lui, ils commencèrent à se débander et à le laisser là. […] Les gens du pays envoyèrent la tête Joannis, et ce lui fut une des plus grandes joies qu’il eut jamais.

78. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

C’est du critique seul que je m’occuperai aujourd’hui, et il le mérite bien par le caractère singulier, neuf, piquant, paradoxal, bien souvent sensé, qu’il nous offre encore, et qui frappa si vivement non pas le public, mais les gens du métier et les esprits attentifs de son temps. […] C’est ainsi, je le répète, qu’il se trouva en mesure dès 1814, à une date où bien peu de gens l’étaient. […] Il commence cette petite guerre qu’il fera au caractère de notre nation, chez qui il veut voir toujours la vanité comme ressort principal et comme trait dominant : « La nature, dit-il, a fait le Français vain et vif plutôt que gai. » Et il ajoute : « La France produit les meilleurs grenadiers du monde pour prendre des redoutes à la baïonnette, et les gens les plus amusants. […] Ainsi, d’après cette vue, Sophocle, Euripide, Corneille et Racine, tous les grands écrivains, en leur temps, auraient été aussi romantiques que Shakespeare l’était à l’heure où il parut : ce n’est que depuis qu’on a prétendu régler sur leur patron les productions dramatiques nouvelles, qu’ils seraient devenus classiques, ou plutôt « ce sont les gens qui les copient au lieu d’ouvrir les yeux et d’imiter la nature, qui sont classiques en réalité ». […] [NdA] Il met minuit et demi, parce qu’il croit avoir observé qu’à minuit sonnant, les ennuyeux ou les gens d’habitude vident régulièrement le salon ; il ne reste plus qu’un choix de gens aimables et de ceux qui se plaisent tout de bon.

79. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Cependant l’existence de ces Mémoires était un épouvantail pour bien des gens qui s’y savaient maltraités, eux et les leurs, et marqués en traits de feu. […] Le grand moraliste La Rochefoucauld a défini la gravité de certaines gens, « un mystère du corps inventé pour cacher les défauts de l’esprit ». […] Mais il y a, pour ces derniers, une autre manière bien autrement vraie de saisir les gens et les personnages en scène, de les fouiller et de les sonder quoi qu’ils en aient, de les mettre à jour et de les démasquer impitoyablement. Demandez ce secret et cet art de déshabiller les gens et de les retourner du dedans au-dehors, bien moins encore aux historiens proprement dits qu’aux moralistes et aux peintres de la nature humaine, sous quelque forme qu’ils en aient donné le tableau, et s’appelassent-ils Molière, Cervantes ou Shakespeare, tout aussi bien que Tacite. […] Des changements de posture, comme des gens peu assis ou mal debout ; un certain soin de s’éviter les uns les autres, même de se rencontrer des yeux ; les accidents momentanés qui arrivaient de ces rencontres ; un je ne sais quoi de plus libre en toute la personne, à travers le soin de se tenir et de se composer ; un vif, une sorte d’étincelant autour d’eux les distinguaient, malgré qu’ils en eussent.

80. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Tous ces braves gens se battent bien, marchent bien, mangent bien, boivent mieux encore. […] Il embrasse les gens que tout à l’heure il voulait assommer. […] Ayant trompé un mari qui refuse de lui demander satisfaction, Peregrine le fait prendre par ses gens et tremper dans un canal. […] Sterne, ainsi que tous les gens dont la machine est surexcitée, a des appétits baroques. […] Nous découvrons que des gens réfléchis n’ont pas besoin d’idées aventurées et piquantes, mais de vérités palpables et profitables.

81. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

Il y a, dans le moment, des gens qui disent ces choses et qui n’y croient guère : ce sont les ci-devant royalistes. Il y a des gens qui en ont peur réellement et qui se gardent bien de les dire autrement qu’à mots couverts. […] Mais c’est ce que ne comprennent pas les hommes de transition, les hommes de restauration mitigée, qui dans les Chambres et dans les Conseils pèsent encore sur nous ; gens qui font les capables et les prudents ; sans physionomie, sans caractère décidé, à courte vue, égoïstes au fond, qui, la main sur le cœur, n’ont de sympathie réelle ni avec la Révolution de 89, ni avec celle de 1830 ; qui ne fléchiraient pas le genou devant nos grands vieillards politiques, et ne céderaient pas non plus un pouce de terrain à notre virile et patriotique jeunesse. A ces gens-là, tous les souvenirs historiques sont tournés en préjugés ; toute leur expérience s’est pétrifiée en fausses analogies ; les intérêts les ont achevés.

82. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Or, les gens qui lisent mal m’ont accusé de ne pas savoir ce que je pense, même quand il s’agit d’un vaudeville. […] Ce charmant Voltaire, à qui il faut beaucoup pardonner, définissait à merveille et chérissait la tolérance : mais il voulait faire mettre à la Bastille les gens qui n’étaient pas de son avis. […] L’important, pour arriver à s’entendre, c’est de penser sincèrement tout cela, de n’être pas des hypocrites, d’être d’abord de braves gens, des hommes de bonne volonté. […] Soyons bons. » S’ils n’ont pas tous le crâne, les braves gens ont tous le cœur fait de même et arrivent, sur l’essentiel, aux mêmes conclusions.

83. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Célèbres, au même titre que la plupart des gens, grâce au hasard qui les fit naître assistés d’une riche écuelle, ils voisinent avec les notabilités de la science, des lettres, des arts, du barreau, de la finance, de la noblesse et des cabinets particuliers. […] La supériorité intellectuelle et morale se résumait à peu près en ceci : « Mépriser la politique et aimer le théâtre. — Connaître au moins de vue et de nom les personnages de “la fête” à Paris. — N’aller déjeuner et dîner que dans les restaurants connus. — Faire semblant d’avoir tout lu. — Savoir tous les potins. — Couper les livres des auteurs qui dînent chez vous. — Dîner beaucoup en ville et aller à la messe. — Retenir d’une exposition les tableaux des gens qu’on rencontre dans le monde. — Éviter le solennel et prendre la vie à la blague. » * *   * Étrange société où connaître les gens qui font « la fête » suffit pour conférer un titre d’excellence. […] Contemporain d’Alphonse Allais, demeuré célèbre au quartier latin, durant trois générations d’étudiants, par ses farces funambulesques et sa manie de mystifier les gens.

84. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Je passe l’été près de Perros, au milieu d’un hameau de très pauvres gens ; notre petite aisance doit leur paraître de la richesse ; mais, comme dit Dante, « cela ne leur abaisse pas le cil ». […] J’ai été un torpilleur à ma manière ; j’ai donné quelques secousses électriques à des gens qui auraient mieux aimé dormir. […] Je jouis de leurs économies de pensée ; je suis reconnaissant à ces pauvres gens qui m’ont procuré, par leur sobriété intellectuelle, de si vives jouissances. […] Nous sommes prêts à vivre, quand tant de gens ne parlent que de mourir.

85. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Comme les théatres des anciens étoient très-vastes et qu’on y entroit sans païer, l’assemblée y dégeneroit en une véritable cohuë pleine de gens sans attention, et par consequent toujours prêts à distraire ceux qui auroient été capables d’en avoir. […] Ainsi les gens du métier peuvent mieux favoriser, ils peuvent mieux rabaisser tous ces poëmes, qui ne se produisent que par la voïe de l’impression. […] Quand il est mauvais, le public ne prend pas un si long délai pour le condamner, quelque effort que la plûpart des gens du métier fassent pour soutenir sa réputation. Quand la pucelle de Chapelain parut, elle avoit pour elle les suffrages des gens de lettre étrangers et françois.

86. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

— Un morceau écrit, paraît-il bien, il y a des gens qui soutiennent que cela tient à ce que l’écrivain a trouvé, le jour où il a jeté ce morceau, la formule unique et absolue qui lui convenait. […] Pour ces gens, les mots ne gardent plus leur particularité, leur qualité unique, à l’exclusion de tout synonyme, d’être l’enveloppe s’adaptant juste à une chose ou à un être. […] * * * — Ne croyez pas aux gens qui disent aimer l’art, et qui, pendant toute la durée de leur chienne de vie, n’ont pas donné dix francs pour une esquisse, pour un dessin, pour n’importe quoi de peint ou de crayonné ! […] Ce soir, à la reprise des dîners du Temps (c’est ainsi que s’appelle l’ancien dîner Magny), Liouville faisait remarquer le nombre d’incomplets, d’estropiés, de gens avec un lobe cérébral trop développé et un membre atrophié, qui avaient joué un rôle dans la Commune. […] Les gens qu’on coudoie, on ne voit pas leurs figures ; le gaz qui commence à s’allumer dans les boutiques y met une lueur diffuse, où l’on ne distingue rien, et la locomotion remue votre cervelle, sans que les yeux soient distraits, au milieu de ces choses endormies, et de ces vivants à l’état d’ombres.

87. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Un duc et pair arrive, nous tire du parterre, nous mène dans les coulisses, nous montre les gens débarrassés du fard que les peintres et les poètes ont à l’envi plaqué sur leurs joues. […] Tous les gens des équipages le virent, et ne s’en turent pas. » C’était la régence avant la régence. […] Sire, un tel a battu mes gens, ordonnez-lui de me faire réparation. […] Le génie suffit à tout et fournit à tout ; la vision de l’artiste est si complète que son œuvre offre des matériaux aux gens de tout métier, de toute vie et de toute science. […] Dans les salles trottent les valets envoyés par les gens de la cabale contraire, qui questionnent d’un œil étincelant et hument dans l’air la bonne nouvelle.

88. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Quand je vois des gens d’esprit se lancer dans la vie active par saillies et se résigner d’ailleurs si bien pour l’ordinaire, et comme pis-aller, à la condition oisive, j’ai toujours un doute sur leur vocation réelle, et, quand ils s’en prennent ensuite aux astres de n’avoir point réussi, j’incline à croire qu’ils sont de moitié pour le moins dans leur étoile. […] Ce que Bernis écrivait de Venise à Pâris-Duverney, Lassay l’écrira presque dans les mêmes termes à Bolingbroke : « J’ai toujours pensé qu’une extrême ambition ou une entière liberté peuvent seules remplir le cœur d’un honnête homme : l’état qui est entre deux n’est fait que pour les gens médiocres. » En attendant, la guerre ayant recommencé en 1688, Lassay fit comme les gentilshommes de cœur, et alla servir en Allemagne et en Flandre sur le pied de volontaire. […] Esclave des gens qui sont en faveur, tyran de ceux qui dépendent de lui, il tremble devant les premiers et persécute sans cesse les autres… Souvent il est agité par une espèce de fureur qui tient fort de la folie : ce ne sont quasi jamais les choses qui en valent la peine, mais les plus petites, qui lui causent cette fureur : cela dépend de la situation où se trouve son esprit ; et cela vient aussi de ce qu’il n’est point louché de ce qui est véritablement mal ; si bien qu’il ne regarde jamais les choses, mais simplement les personnes qui les ont faites ; et, si c’est quelqu’un qui lui déplaise, il grossit des bagatelles et en fait une affaire importante : cependant il est si faible et si léger que tout cela s’évanouit, et il ressemble assez aux enfants qui font des huiles de savon. […] Lassay était de ces esprits tempérés, bien faits et polis, que l’usage du monde a perfectionnés en les usant, qui ont peu d’imagination, qui n’ajoutent rien aux choses, et qui prisent avant tout une observation juste, une pensée nette dans un tour vif et concis : « Un grand sens, disait-il, et quelque chose de bien vrai renfermé en peu de paroles qui l’expriment parfaitement, est ce qui touche le plus mon goût dans les ouvrages d’esprit, soit en vers, soit en prose. » Il n’allait pas pourtant jusqu’à la sécheresse, et il tenait à rester dans le naturel ; il croyait que les choses qu’on dit ont quasi toujours chance de plaire quand elles sont plutôt senties que pensées : « Il y a des gens qui ne pensent qu’à proportion de ce qu’ils sentent, observait-il ; et il semble que leur esprit ne sert qu’à démêler ce qui se passe dans leur cœur : ces gens-là, qui sont toujours vrais, ont quelque chose de naturel qui plaît à tout le monde. » Chamfort, qui prête quelquefois de son âcreté aux autres et qui est homme à la glisser sous leur nom, a écrit dans ses notes : « M. de Lassay, homme très doux, mais qui avait une grande connaissance de la société, disait qu’il faudrait avaler un crapaud tous les matins pour ne trouver plus rien de dégoûtant le reste de la journée quand on devait la passer dans le monde. » On ne voit rien ou presque rien dans ce que dit et dans ce qu’écrit Lassay qui soit en rapport avec une si amère parole54. […] La supériorité blesse trop pour aimer à passer sa vie avec des gens qui en ont beaucoup sur vous ; les vues d’intérêt et d’ambition cessent, et ce sont les seules raisons qui peuvent engager à vivre avec des personnes à la mauvaise humeur et aux fantaisies desquelles on est exposé à tous les moments, qui ont toujours raison quelque tort qu’ils aient, dont la haine est dangereuse, qui ne se soucient de vous qu’autant que vous pouvez contribuer à leur amusement, et qui croient que tout leur est dû et qu’ils ne doivent rien à personne.

89. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

La Halle, mercredi, étant presque révoltée, le pain y manqua dès sept heures du matin… On avait retranché les vivres aux pauvres gens qui sont à Bicêtre, au point que, de trois quarterons de mauvais pain, on n’a plus voulu leur donner que demi-livre. […] Les gens riches se retranchent à proportion comme les pauvres. […] … Je vois les pauvres gens y périr de misère. […] Pauvre Jean-Jacques, me disais-je, qui t’enverrait, toi et ton système, copier de la musique chez ces gens-là aurait bien durement répondu à ton discours. » Avertissement prophétique, prévoyance admirable que l’excès du mal n’aveugle point sur le mal du remède. […] Gaultier de Biauzat, Doléances sur les surcharges que portent les gens du Tiers-état, etc. (1789), 188. — Procès-verbaux de l’assemblée provinciale d’Auvergne (1787), 175.

90. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

» Au fond, c’est curieux qu’une boutade comme celle-là, ait le pouvoir d’inspirer de tels ressentiments dans une classe de gens. […] Gandara tout en étant simple, naturel, est un monsieur distingué, qu’on sent en rapport avec les gens du vrai monde. […] » Daudet soutenait que les locutions des gens sont, la plupart du temps, en rapport avec la nature de leurs facultés. Ainsi les gens qui ont le don de la vision des choses, disent toujours : « Vous voyez bien ça ?  […] Dans les autres siècles, les gens en vedette étaient des créateurs, aujourd’hui ce sont des destructeurs.

91. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il faut bien croire que beaucoup de gens s’en doutaient autour de Buffon ; car dès l’apparition de ses premiers volumes, il se voyait comme investi par l’Europe savante du gouvernement des sciences naturelles. […] S’il oblige les gens, son premier mouvement est de faire montre de son crédit ; faire du bien n’est que le second ; mais le second vient pour corriger le premier. […] Il n’attend pas toujours qu’on le loue, il s’en charge lui-même ou il y aide les gens : le tout avec du tact, de la mesure, de charmants retours de vérité sur lui-même, où il se met à sa place, et rend de très bonne grâce ce qu’il a pris de trop. […] Il est très vrai qu’après l’avoir lu, les gens de bien ont plus de plaisir à rester honnêtes, mais aux malhonnêtes gens il ne fait pas assez honte de ce qui leur manque. […] Il n’eût pas fait cette singulière distinction qui, de nos jours, a paru à tant de gens une nouveauté et un progrès.

92. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Oui, ces pauvres gens seront plus malheureux, quand leurs yeux seront ouverts. […] Comment voulez-vous que de telles gens, s’ils se mêlent de parler à la multitude, n’encourent pas sa disgrâce. […] Le peuple est bien plus indulgent pour les grands que pour les gens de classe moyenne qui sont instruits et éclairés. […] Croyez-vous donc que ce seront ces pauvres gens qui résoudront le problème ? […] n’est-il pas bien probable que ceux qui crient à la liberté violée ne sont pas tant des gens qui, possédés par le vrai, souffrent de ne pouvoir le divulguer, que des gens qui, n’ayant aucune idée, exploitent à leur profit cette liberté qui ne devrait servir que pour le progrès rationnel de l’esprit humain ?

93. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

il y a des gens qui admirent cela : « Comment, s’écrie M.  […] Un jour, que les deux jeûnes gens jouaient ensemble aux échecs, Judas triche, une querelle s’engage ; Judas tue le fils du roi. […] Il connaît Pilate de réputation : « Pilate aime les gens hardis et rusés ; je serai son homme », se dit Judas. […] Il ne s’agit pas de l’émotion actuelle, momentanée, produite sur les gens d’alors par ce colloque émouvant de la mère et du fils. […] Cela semble fait pour des gens qui ne restent pas jusque la fin, qui n’en auront pas le temps, pour des artisans et des gens de métier.

94. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Nous attendions, ainsi que des gens menacés de la justice d’une chambre correctionnelle sous un Empire — nerveux et insomnieux pendant de longues semaines — lorsque dans la fumée de tabac d’une fin de dîner d’amis, tombaient chez nous les assignations. […] Jamais si triomphante voiture ne mena des gens en police correctionnelle. […] Armand Lefebvre : « Je dois vous dire que je suis désolé de la poursuite de ces messieurs… vous savez, les magistrats, c’est si vétilleux, ces gens-là… Au reste, je les crois dans une mauvaise voie littéraire et je crois leur rendre service par cette poursuite. » — La Lorette paraît. […] Les gens de Veules ont choisi un endroit sur la falaise pour causer : ils l’ont appelé le Menteux. […] Trois marches à monter, et derrière la porte un établi hors de service, sur lequel, les coudes posés à plat, une vieille dormichonne, brinqueballant de la tête comme les gens sommeillant en voiture.

95. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Dans le Mémoire de quelques gens de lettres vivants en 1662, dressé par ordre de M.  […] On va souvent voir une dame, parce qu’il y a toujours compagnie chez elle ; que c’est un réduit de gens d’esprit et de qualité ; qu’on y parle toujours de bonnes choses, ou au moins d’indifférentes ; que l’on se fait connaître, et que l’on se met sur un pied à pouvoir se passer de jeu et de comédie, qui sont les plus ordinaires occupations des gens du siècle qui n’ont rien de meilleur à faire. […] Je sais des gens qui voulaient bien en faire l’épreuve. Ces gens-là ne sont autres que lui-même. […] Un gentilhomme me vient de faire plainte qu’un paysan lui ayant dit des insolences, il lui a jeté son chapeau par terre sans le frapper, et que le paysan lui a répondu hardiment qu’il eût à lui relever son chapeau, ou qu’il le mènerait incontinent devant des gens qui lui en feraient nettoyer l’ordure.

96. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Pauvres gens ! […] Au dire de ces gens, la bête est toute telle. […] Et puis, au-dessous de lui, il y a nous ; et puis, au-dessous de nous, il y a les hommes qui sont des imbéciles, « comme entre l’huître et l’homme est tel de nos gens, franche bête de somme ». […] Pour la troisième fois, le maître se souvint De visiter ses blés. « Notre erreur est extrême, Dit-il, de nous attendre à d’autres gens que nous. […] Vous savez que les gens de génie ont quelquefois le flair critique, encore que ce soit assez rare.

97. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Les imprudents se battent, et les gens sages viennent à profiter de l’objet du combat quand on est bien sûr qu’ils ne s’en sont pas mêlés ; et cette aventure de tertius gaudet arrive dans les cours les plus intrigantes tout comme pendant les gouvernements forts et tranquilles… Dans ces intrigues, ajoute-t-il, le moindre risque, selon moi, surpasse les plus hautes espérances ; je crains extrêmement la disgrâce et la Bastille ; j’aime ma liberté et ma tranquillité, et je ne les veux jamais sacrifier qu’au bonheur de mes citoyens ; mais quelle sottise de les sacrifier à ses vues personnelles ! […] Ma vie n’en est qu’un tissu ; je ne dirai pas que j’aie comblé de biens certaines gens, mais j’ai rendu des services gratuits ; je me suis acquis quelques amis par là, mais je n’y ai jamais compté ; je n’ai compté que sur ceux avec qui la sympathie et le cœur m’ont lié, mais non les bienfaits, et de ceux-là il est prodigieux quels mauvais offices j’en ai souvent tirés. […] Il a dit d’une manière piquante, et qui se rapporte bien à sa première timidité et gaucherie naturelle : Je ne veux pas être loué, mais approuvé seulement ; voilà l’aliment de mes succès, et si je vivais tout de suite avec des gens dont je sentisse l’approbation continuelle et pas autre chose ni moins, je ne sais pas jusqu’où j’irais. […] Le fond de sa pensée attaque toujours ses supérieurs, quoique avec l’abord humble, honteux et embarrassé à leur égard, sans se jouer pour cela, mais par habitude ; mais il ne se ravale pas pour cela avec les inférieurs, ce qui est la suite de ce caractère chez les gens véritablement généreux ; au contraire, il y porte un air important et distrait qui en impose aux égaux et qui le fait respecter des inférieurs. […] Cependant voilà le malheur du Français : on prend pour médecins des gens d’imagination (Silva), et pour ministres les robins qui ont le plus fréquenté la Cour, c’est-à-dire ceux qui ont le plus perdu leur temps et qui ont le plus négligé les pauvres et la justice.

98. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

On parlait depuis longtemps d’Homère, et peu de gens le lisaient. […] Sous forme d’apologie, c’était un pamphlet très vif, un manifeste de guerre : Vous exigez de moi, monsieur, disait-il, un compte exact des divers jugements que les gens de lettres ont portés de la nouvelle Iliade ; je vais tâcher de vous satisfaire. […] Je connais bien des gens qui allient comme vous, monsieur, à un goût sûr une raison libre de tout esprit de parti. […] Le divin poète, impénétrable aux autres hommes, revit en lui ; il est juste qu’on le respecte en lui… Voilà la folle illusion qui allume le zèle des homéristes ; mais le plaisant est que le public ait si longtemps servi cette même illusion… Combien peu de gens savent la langue grecque ! […] En ce qui le concernait lui-même, et sur les aménités personnelles dont l’avait gratifié Gacon, il se contentait de dire : Il y a des gens à qui le reproche des défauts naturels est très douloureux.

99. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

Vendre des mots aux gens d’esprit du journalisme ? […] Vous n’êtes pas de ces gens… (Poupardot se rengorge.) […] Il faut se mettre à la place des gens, aussi. […] Vous êtes de braves gens.

100. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

Alcide Dusolier I Nos gens de lettres, leurs caractères et leurs œuvres [I]. […] Le livre très distingué d’Alcide Dusolier : Nos gens de lettres, leur caractère et leurs œuvres 25, promet un critique de plus à cette fin de siècle, dont le caractère intellectuel, qui se précise de plus en plus, tend à devenir éminemment critique. […] J’ai dit ce que je pensais du critique littéraire en Dusolier, qui a débuté par un ouvrage intitulé Nos gens de lettres, un peu trop aimable pour nous tous, mais où l’œil trop bleu de l’auteur et trop noyé de bienveillance avait cependant des justesses et des pénétrations singulières.

101. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Il y eut, vers ce temps, des hommes qui nous représentent et qui réalisent en eux l’idée de l’honnête homme, comme on l’entendait alors, bien mieux que le chevalier de Méré ne le sut faire dans sa personne, et lui-même, parmi les gens de sa connaissance, il nous en cite qu’il propose pour d’accomplis modèles. […] Lorsque Voltaire disait en plaisantant : Nos voleurs sont de très-honnêtes gens, Gens du beau monde…24, il détournait déjà un peu le sens et le parodiait, en lui ôtant l’acception solide qui, au xviie  siècle, n’était pas séparable de l’acception légère. […] Les Saint-Évremond, les Ninon, les Saint-Pavin, les Mitton43, tous gens aimables et de plaisir, avec qui correspond le chevalier, raffolaient du voluptueux Romain. […] Un jour que je n’en pouvois plus, un de mes gens, qui m’avoit suivi, m’avertit que la nuit s’approchoit et qu’il n’y avoit point de lune ; je m’arrêtai dans un village à l’entrée de la forêt, et là, parce que cet homme étoit secret et fidèle, je lui communiquai mon dessein qui l’étonna ; mais il fallut m’obéir. […] Les plus grands de l’esprit, autant que j’en puis juger, c’est la véritable gloire et les belles connoissances, et je prends garde que ces gens-là ne les ont que bien peu, qui s’attachent beaucoup aux plaisirs du corps.

102. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

— Tome Ier, pages 53 et suivantes : « Reçus dans la société des nobles et des riches, à titre de tolérance, les gens de lettres du XVIIIe siècle n’y tenaient pas un rang beaucoup plus élevé que les musiciens ou les artistes dramatiques, parmi lesquels se sont trouvés souvent des hommes de talent et de réputation que les meilleures sociétés attirent à elles, pendant que la profession à laquelle ils appartiennent reste généralement exposée au mépris et à l’humiliation. » A quoi pensaient donc MM. De Montesquieu, de Buffon, de Saint-Lambert, de Vauvenargues, de Tressan, Helvétius, Hénault, de Chastellux, de Boufflers, de Condorcet, de Mirabeau père et fils, etc., etc., en briguant la livrée de gens de lettres ? […] « Les patriciens lisaient ces écrits, et leur accordaient volontiers ce sourire de compassion qu’ils eussent donné aux rêveries d’un poète en délire. » L’heureux temps pour les gens de lettres ! […] Et d’abord, le jour de la première séance, il nous montre « tous les yeux fixés sur les représentants du tiers état, vêtus  d’un habit modeste, conformes à leur humble naissance et à leurs occupations habituelles. » Il nous apprend que, parmi ces représentants, si modestement vêtus, se trouvaient beaucoup de gens de lettres « qu’on a y avait appelés, parce qu’on les savait partisans de  systèmes, la plupart incompatibles avec l’état présent  des choses ; que, dans le principe, ces gens de lettres avaient été tenus à l’écart par les avocats et les  financiers, leurs collègues ; mais qu’à la fin ils avaient  repris le dessus et s’étaient faits républicains décidés » ; — que pourtant ces républicains décidés, lesquels étaient« d’un ordre plus élevé et de sentiments plus honorables » — que les jacobins de club, avaient surnommé ceux-ci « les enragés » ; — que néanmoins il y avait dans l’Assemblée de furieux démagogues, désignés sous le nom de Montagne ; et que, « quand les jacobins de la Montagne s’efforçaient d’interrompre Mirabeau par leurs rugissements, celui ci s’écriait d’une voix de tonnerre : Silence aux trente voix !

103. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

21 Une cour magnifique, des bâtiments somptueux, des académies, un superbe appareil d’armées, de vaisseaux, de routes, une administration toute-puissante, une petite élite de gens parés et polis ; par-dessous, un amas de paysans hâves qui grattent la terre infatigablement, qu’on recrute de force et par des chasses, qui mangent du pain de fougère, qui s’accrochent aux voitures des étrangers pour mendier un morceau de véritable pain ; par-dessous les fêtes et les broderies de Versailles, une populace d’affamés et de déguenillés. Parcourez aujourd’hui la France ; si la Révolution a diminué les différences de fortune, la centralisation a augmenté les différences de culture : une seule cité maîtresse où fourmillent et pullulent les idées engorgées qui s’étouffent et se fécondent infatigablement par le travail et le mélange de toutes les sciences et de toutes les inventions humaines, alentour, des villes de provinces inertes où des employés confinés dans leur bureau et des bourgeois relégués dans leur négoce vont le soir au café pour regarder une partie de billard et remuer des cartes grasses, bâillent sur un vieux journal, songent à dîner et digèrent sur des cancans ; plus bas encore, des paysans qui ont pour bibliothèque un almanach, lequel est de trop bien souvent, puisque la moitié d’entre eux ne sait pas lire, qui votent en moutons, et trouvent que ce vote est une corvée, ignorants, apathiques, incapables d’entendre un mot aux intérêts de l’Etat et de l’Eglise, habitués à laisser leur conscience et leurs affaires aux mains des gens qui ont un habit de drap. […] Voici enfin nos siècles classiques ; les mots familiers s’effacent, la langue s’ennoblit ; le théâtre prend pour public et pour modèles les gens de salon et les seigneurs. […] Vergier conte qu’il raisonne à l’infini, « qu’il parle de paix, de guerre, qu’il change en cent façons l’ordre de l’univers, que sans douter il propose mille doutes. » Voilà que ce bonhomme se trouve un spéculatif, et aussi un observateur. « Il ne faut pas juger les gens sur l’apparence. » Il a l’air distrait, et voit tout, peint tout, jusqu’aux sentiments les plus secrets et les plus particuliers. […] Le même homme persifle en gamin les petites gens qu’on foule, et dans le Paysan du Danube atteint le style d’un Démosthènes, pour invectiver contre les tyrans.

104. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

La démangeaison de se mêler de ce qui se dit et s’écrit, assez semblable aux courages que suscite l’odeur de la poudre, c’est là toute la vocation littéraire de l’amateur, vocation très commune dans un pays où l’on fait fortune par la conversation, et où tant de gens n’apprennent guère que de quoi causer. […] Pour chercher le vrai, il faut deux choses données à peu de gens : douter qu’on le trouve à moins qu’on ne le cherche ; être capable de l’effort qu’il en coûte pour le trouver. […] Autant vaut inviter les gens à contredire, comme si leur premier mouvement était d’approuver ! […] Les gens qui recommandent le nouveau ne sentent pas le vrai et ne haïssent pas le faux. […] Quand Marivaux nous parle d’une femme qui se fait à elle-même des « reproches honoraires dont sa faiblesse s’augmente », ou de gens « qui ont l’haleine courte en demandant des grâces aux puissants du monde, parce qu’ils ont le cœur bien placé », ou d’un « maudit visage qui vient chercher noise à la bonne opinion qu’on a du sien », sont-ce des problèmes à résoudre ou des énigmes à deviner ?

105. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Chez lui des tapis où l’on entrait jusqu’au ventre, car il proclamait que le tapis était le luxe des gens tout à fait distingués, et avec les tapis une merveilleuse collection de pipes turques qu’il fumait indolemment, orientalement. […] * * * — Il y a de gros et lourds hommes d’État, des gens à souliers carrés, à manières rustaudes, tachés de petite vérole, grosse race qu’on pourrait appeler les percherons de la politique. […] Une maison où se donnaient de petites fêtes peuplées d’intrus étranges, de particuliers bizarres, de gens à industries indevinables. […] J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.

106. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

La plume qui écrivait cela est à la vérité une plume italienne, quoique très compétente en français, et elle se servait de l’expression de son pays, où les chanteurs et les gens de théâtre sont regardés comme les premiers des hommes. […] Ils vont en effet aux étoiles, les gens de théâtre, ou plutôt ils n’en descendent plus. […] Tandis que la comédie de société ne paraît guère qu’une occupation innocente, un joli goût de gens bien élevés et d’instincts artistes, un passe-temps charmant pendant lequel on ne médit point du prochain, comme disent les badauds qu’on rencontre au fond de toutes les questions. […] Entre le tabac, qui narcotise l’esprit des modernes dans des proportions que la science et l’histoire constateront plus tard, et le théâtre, cette passion de gens fatigués et de nation en décadence, l’esprit meurt, la conversation s’éteint. […] C’étaient au moins des mercenaires, des affranchis, des gens de bas.

107. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Caro est un esprit très fin et très clair, d’un timbre très pur, d’une sonorité d’harmonica très agréable, mais qui peut faire mal aux nerfs, à force de douceur, aux gens organisés comme moi… C’est un esprit infiniment cultivé, d’une rare aptitude aux choses de la philosophie, qu’il a toujours maniées, ces choses lourdes, avec une grande légèreté, prestesse et même grâce de main. […] quand on les mérite, j’ai la faiblesse de les aimer, et qu’au contraire il y traite les gens, dont bien évidemment il méprise les doctrines ou l’intelligence, avec cette incroyable politesse qui, à la réflexion, fait comprendre, après tout, que ce qui est le plus coupant dans le langage, comme sur les glaives, c’est ce qui est le plus poli ! […] » La boutique de Caro, puisque boutique il y a, est la même que celle des gens qu’il attaque dans son livre… C’est le même débit de philosophie. […] Gratry n’aura guères d’action que sur les gens qui pensent comme lui, et qui, par conséquent, n’ont pas besoin d’être ramenés ou convaincus. […] C’est surtout avec Renan, bien plus qu’avec Taine, qui est le Démocrite de l’athéisme, et Vacherot, qui en est le Zénon, gens très nets et qui dispenseraient volontiers Caro de politesse, que Caro s’est livré à ces tours de force d’amabilité dont je ne parle tant que parce qu’ils donnent un caractère nouveau et presque plaisant à un livre grave, et que ce caractère restera à ce livre sans l’amoindrir.

108. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Songe-t-on qu’il y a des gens condamnés à se nourrir de si peu ? […] Des rangées de gens à la porte garnie de paille des ambulances. […] Les gens, qui sont encore dans les rues, ressemblent aux gens d’hier. […] Aussitôt descendu, je suis avec les gens qui courent. […] Des gens qui boivent dans des cabarets, avec des visages mauvaisement muets.

109. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Ces braves gens s’indignent contre la prétention qu’ont ceux qui font leur fortune de rendre par surcroît un service social. […] Pas un de ces braves gens n’a cherché, comme disaient les Normands, à gaaingner ; aussi restèrent-ils toujours pauvres. […] Le désintéressement, l’incapacité pratique de ces braves gens, dépassaient toute imagination. […] Il les lisait aux gens du peuple et aux gens du port. […] Un temps fut où il avait eu des rapports avec les gens du pays, leur avait dit quelques-unes de ses idées ; personne n’y comprit rien.

110. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Partout on entend, autour de soi, des gens s’abordant avec cette parole : « Ça y est !  […] Les gens, qui dansaient là, dans les temps calmes, y légifèrent aujourd’hui. […] Sur le boulevard Montmorency, des gens regardant debout dans des voitures. […] Il ajoute : « Vous avez créé des types, c’est une puissance que n’ont pas toujours les gens de très grand talent !  […] Chez Brébant, on cause de la misère noire, dans laquelle sont tombés soudainement des gens qui avaient hier l’aisance de la vie.

111. (1910) Rousseau contre Molière

Or ces gens-là existent-ils ? […] Ces gens-là ont aussi un peu de vanité. […] Ce sont de très braves gens. […] Ce sont les gens de Molière. […] Ce sont les gens de Molière.

112. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

La librairie sérieuse en souffre, et les gens de province qui se cotisent pour lire trois ou quatre feuilletons se croient au fait de tout. — Le prince héréditaire de Saxe-Weimar était dernièrement à Paris ; comme il causait avec M. […] Ces derniers livres sont d’une lecture difficile, toute spéciale, toute destinée aux gens du métier ; la France n’a plus rien à envier aux travaux des Allemands en ce genre. […] Louis XVIII exilé y apparaît confit dans la conscience béate de son droit divin, y puisant quelques sentiments de dignité sans doute, mais surtout un contentement superbe qui était fait pour affliger les gens sensés de son parti.

113. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

C’est la politique, secondée par l’esprit du siecle, qui a fait commettre toutes ces noirceurs à des gens, dont, pour me servir de l’expression du temps, toute la religion gisoit dans une écharpe rouge ou dans une blanche. […] D’un autre côté on trouvoit facilement des gens prêts d’affronter les plus grands dangers, et même les travaux les plus longs. […] Les sçavans médiocres et les personnes qui professent les arts liberaux avec un talent chetif, sont même devenus si communs, qu’il est des gens assez bizarres pour penser qu’on devroit aujourd’hui avoir autant d’attention à limiter le nombre de ceux qui pourroient professer les arts liberaux, qu’on en apportoit autrefois à l’augmenter.

114. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur » pp. 389-394

Section 28, du temps où les poëmes et les tableaux sont apprétiez à leur juste valeur Enfin le temps arrive où le public apprétie un ouvrage non plus sur le rapport des gens du métier, mais suivant l’impression que fait cet ouvrage. Les personnes qui en avoient jugé autrement que les gens de l’art, et en s’en rapportant au sentiment, s’entrecommuniquent leurs avis, et l’uniformité de leur opinion change en persuasion l’opinion de chaque particulier. […] Les gens du métier ont été long-temps contre lui.

115. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Dans ce siècle qu’ils aiment de prédilection, ils traiteront incomparablement moins bien les gens de lettres que les peintres. Voici une page que je trouve d’une grande dureté et d’une véritable injustice pour les lettrés philosophes : « Habiles gens, ces philosophes académiques du xviiie  siècle, les Suard, les Morellet, plats, serviles, rentés par les seigneurs, à peu près entretenus de pensions par des grandes dames, avec, aux jambes, les culottes de Mme Geoffrin. […] Elle ne s’adresse, dans sa perfection de détails, qu’aux gens du métier. Pour les autres, pour le grand nombre de lecteurs, instruits même et cultivés, et plus ou moins gens de goût, cette vache toute seule, cette moitié de vache ne dit pas assez. […] Sur tous ces points importants, ils sont bien du xviiie  siècle encore, ils me rappellent des noms de gens d’esprit de ce temps-là par leur manière de juger.

116. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres En second lieu, comme le public n’est pas également éclairé dans tous les païs, il est des lieux où les gens du métier peuvent le tenir plus long-temps dans l’erreur qu’ils ne le peuvent tenir en d’autres contrées. […] Enfin dans une nation industrieuse et capable de prendre toute sorte de peine pour gagner sa vie sans être assujettie à un travail reglé, il s’est formé un peuple entier de gens qui cherchent à faire quelque profit par le moïen du commerce des tableaux. […] Ils sont, si l’on veut, la plûpart des connoisseurs médiocres, mais du moins ils ont un goût de comparaison qui empêche les gens du métier de leur en imposer aussi facilement qu’ils peuvent en imposer ailleurs. […] D’un autre côté les gens du métier deviennent plus circonspects lorsqu’ils sentent qu’ils ont affaire avec des hommes éclairez.

117. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

D’ailleurs une lettre est si bonne en tous lieux, en province surtout ; et il y a si peu de frais à faire entre gens séparés qui s’aiment ! […] C’est ce qui fit que les lettres de Mme de Sévigné furent lues tout d’abord de tant de gens. […] Pourquoi même n’y a-t-il pas plus de gens qui fassent ainsi bonne garde contre tout ce qui n’en a que l’apparence, ou tout ce qui tend à l’altérer ? […] Outre le plaisir qu’elle fait à tous les esprits délicats, il l’aimait à cause du dix-septième siècle dont on a dit qu’il était le dernier représentant et dont ces lettres sont remplies ; il l’aimait pour son aimable langue qu’il pratiquait, et pour son esprit dont il avait le tour, étant lui-même, aux yeux des gens auxquels il s’ouvrait, rare sans être extraordinaire, et donnant du prix à ce qu’on pensait en commun avec lui. […] Il voulait voir les gens pour les connaître et pour en être vu.

118. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Ainsi, dans les sociétés esclavagistes, les maîtres s’interdisent de prendre des esclaves parmi les gens de leur race, ou du moins, s’ils en prennent, ils ne les traitent pas comme les esclaves ordinaires. […] On imite moins de gens en tout, mais plus de gens en quelque chose. […] Les échanges d’imitations, plus rapides et en quelque sorte plus souples que les croisements biologiques, doivent agir, mais encore plus vite, dans le même sens : ils seront les destructeurs désignés des types collectifs ; aux groupes étroits de gens qui se ressemblent sous tous les rapports ils sont faits pour substituer les groupes indéfiniment élargis de gens qui se ressemblent par quelque côté, et en ce sens, — si nos déductions précédentes sont justes, — pour hâter la venue des idées égalitaires. […] Ainsi s’explique le perpétuel devenir et l’instabilité essentielle de la mode144 : les gens qui veulent être : « distingués » s’empressent de la quitter dès qu’elle devient « commune ». — Mais c’est cette variabilité même des modes qui, en même temps que leur multiplicité, limite l’influence anti-égalitaire de la mode. […] L’esprit qui a vu se succéder tant d’assimilations différentes se déshabitue de juger les gens sur l’étiquette qu’ils prennent, et, comme le veut l’égalitarisme, essaie de découvrir, sous l’uniforme momentané des collectivités, la valeur propre à l’individu.

119. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Il est maître chez lui et regarde attentivement les gens qu’il y admet. […] Et les gens qui auraient dû vous aider à lutter contre le sort… Ah bien oui ! […] Les gens avec qui il vivait, gens gais et chantant presque toujours, s’amusaient de la gentillesse folâtre du petit faune. […] Les gens vraiment sont portés pour la tradition. […] Travailler, causer avec les gens, je déteste ça… — M… !

120. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Quant aux gens qui prétendent sentir les beautés de l’un et de l’autre art, ma conviction est qu’ils ne sentent rien, absolument rien. […] Là-dedans, une conversation de gens gênés comme dans du faux monde et qui se traîne. […] Ainsi, il y a des gens pour adorer la place de ses hémorroïdes. […] Son amitié qui n’oublie pas, s’échauffe pourtant avec la présence des gens. […] Il n’y a que ce temps-ci pour faire mourir les gens de vieillesse à 38 ans.

121. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

On ne se propose ici de venger ni ses injures personnelles, ni celles des autres, encore moins d’avilir les gens de lettres. […] Quelqu’un a dit, qu’autrefois les bêtes combattoient dans le cirque, pour amuser les hommes qui avoient le plus d’esprit, & qu’aujourd’hui les gens d’esprit combattent pour divertir les sots. […] M. l’abbé d’Artigni a inséré dans ses mémoires une Chronique scandaleuse des sçavans : mais, outre que cette chronique ne remplit que deux ou trois articles, qu’elle n’est qu’un amas de faits rebattus qui déshonorent, à pure perte, la mémoire de quelques gens de lettres, la plupart obscurs, l’idée de cet auteur n’a rien de commun avec la nôtre.

122. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Il y a une scène se passant dans un cabinet de toilette, qui est un transport au théâtre de la vie intime, comme je n’en vois pas faire par aucun des gens de théâtre de l’heure présente. […] Après la génération des simples, des gens naturels, qui est bien certainement la nôtre, et qui a succédé à la génération des romantiques, qui étaient un peu des cabotins, des gens de théâtre dans la vie privée, voici que recommence chez les décadents une génération de chercheurs d’effets, de poseurs, d’étonneurs de bourgeois. […] Mais le dramatique de l’acte prend à la fin des gens. […] Des gens qui déménagent, des maisons où l’on prend des gardiens pour la nuit. […] Les gens de mon Grenier, dans mon désastre, se sont montrés gentils, affectueux.

123. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Toujours est-il que contre les gens tombés, on les voit se mettre de la partie avec les hommes. […] Les autres ont l’air grave de gens qui commencent à se recueillir. […] Combien de gens mettent de la vanité à se croire les plus à plaindre d’entre les hommes ! […] * Ne nous pressons pas d’admirer les gens nés avec des talents, non plus que les gens nés riches. […] C’est que je n’aime pas à porter de l’eau à la rivière, ni ne me soucie des gens bien portants.

124. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Et ils existent des gens qui, dans leurs feuilletons, font des traités sur le véritable art dramatique, — eux qui admirent à la fois Molière et Scribe, les fabricateurs les plus dissemblables dans la composition d’une pièce. […] Pendant sa consultation, il avait remarqué sur les traits des gens, une interrogation inquiète à son égard, qu’il ne comprenait pas, et qu’il n’a comprise que lorsqu’il est rentré chez lui, en retrouvant dans une glace sa moustache. […] Il s’indigne de la langue horrifique, que parlent à l’heure présente les gens avec lesquels, il prend le train de Vincennes, quand il va à sa petite maison de campagne du parc Saint-Maur, des gens, à propos de la translation d’un cimetière, traitant les morts du vocable de « charognes », et me jette cet éloquent appel : « Est-ce que vous n’avez pas en vous le sentiment de la désespérance, en ce monde de maintenant, dont les uns portent un étron dans la main, les autres un cierge ?  […] » Coppée parlant de Mlle Read, déclare qu’elle n’aime que les affligés, les souffrants, les malheureux, qu’elle hait les chanceux, les heureux, les gens ayant l’argent et la gloire. […] Et depuis quatre heures jusqu’à six heures, ç’a été, chez l’artiste, un jaillissement d’amusantes anecdotes sur les littérateurs, les peintres, et gens de toute sorte, coupées par son grognement habituel.

125. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Cette curiosité instinctive, il se trouve en tous pays des gens habiles à l’exploiter. […] Comme les autres, les gens de lettres subordonnent à des calculs positifs la direction de leur intelligence. […] Mais je sais des gens, autour de moi, qui volontiers s’y attardent. […] Les gens qui se font des rentes à pervertir ainsi la conscience et le jugement du peuple, nous donnent des leçons de patriotisme. […] Nos gens de Lettres, leur vie intérieure, leur rivalités, leur condition. — In-18.

126. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

De quel ton parle-t-elle aux gens ? […] Volontiers on fait cas d’une terre étrangère, Volontiers gens boiteux haïssent le logis. […] Je suis bien bon, dit-il, d’écouter ces gens-là ! […] Rien ne suffit aux gens qui nous viennent de Rome. […]     Les Germains comme eux deviendront     Gens de rapine et d’avarice.

127. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Auparavant les gens de lettres et les doctes, à part de rares exceptions (dont celle d’Étienne Pasquier est la plus notable), s’écrivaient en latin. […] Non, ce n’est point l’émétique, dont il n’a pris que très peu, qui a décidé la guérison, dit-il : « Ce qui a sauvé le roi, ç’a été son innocence, son âge fort et robuste, neuf bonnes saignées, et les prières des gens de bien comme nous, et surtout des courtisans et officiers qui eussent été fort affligés de sa mort, particulièrement le cardinal Mazarin. » La phrase de Gui Patin, commencée avec sérieux, tourne vers la fin en raillerie ; mais ces prières des gens de bien sont sérieuses, et lui-même il a fait la sienne. […] Il prétend leur opposer « la résistance forte et généreuse des gens de bien », absolument comme Pascal opposait les principes d’un christianisme sévère à la morale relâchée des casuistes et directeurs complaisants. […] De telles gens sont parfois des trouble-fête ; il en faut pourtant de cette trempe et de ce ton pour faire contrepoids aux mous, aux doucereux, aux « âmes moutonnières », comme il les appelle, à tous ceux qui suivent la vogue et le succès, aux honnêtes gens prudents qui se ménagent, qui prennent leurs précautions de toutes parts, qui passent leur vie à côté du mal en se gardant bien de le voir et d’y croire, pour ne pas avoir à le dénoncer. […] Il n’est plus dans ce pays-là de gens faits comme Joseph Scaliger, Baudius, Heinsius, Salmasius et Grotius.

128. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

On a cité des exemples naïfs de sa crédulité, et qui montrent qu’en fait de critique il n’est pas supérieur aux gens d’esprit de son temps. […] Il s’arrêta à l’instant et fit faire volte-face à ses gens, qui se logèrent au loin dans la campagne. […] Sur les côtés de la haie, parmi les vignes et les épines où l’on ne peut aller à cheval, sont disposés leurs gens d’armes tous à pied, et ils ont mis devant eux leurs archers « en manière de herse ». […] Le prince, en effet, rencontre là des gens de ce cardinal rangés du côté des Français et qui prennent part à la bataille : il croit, dans le premier moment, que c’est l’effet d’une fourberie du prélat pacificateur, et veut leur faire trancher la tête : Jean Chandos l’arrête à temps. […] Bien avoit sentiment et connoissance le roi de France que ses gens étoient en péril, car il voyoit ses rangs ouvrir et s’ébranler, et bannières et étendards trébucher et reculer, et par la force de l’ennemi reboutés ; mais par fait d’armes il les pensa bien tous recouvrer.

129. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Ce qu’il nous faut, ce sont tout simplement des gens de bonne foi et qui n’aient pas appris à bouder leur plaisir. […] Il y a des gens qui achèteraient très cher une toute petite gifle. […] Ils ajoutèrent bravement deux zéros, et même quelque chose de plus, annoncèrent 3 500 votants et envoyèrent à la presse un palmarès fantaisiste où, à côté de gens très connus et de gens qu’ils avaient intérêt à ménager, ils avaient glissé des noms dont personne, et pour cause, n’a entendu parler. […] Largement comprise, la critique en somme n’est que la philosophie, enlevée aux professionnels et mise à l’usage des gens qui ne se plaisent à lire que ce qui est lisible. […] Bertaut déclare n’avoir de préférence pour aucun genre ; il désire seulement « des gens de bonne foi et qui n’aient pas appris à bouder leur plaisir ».

130. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Ceux qui avaient applaudi sur le passage du parlement marchant de la grand’chambre au Louvre après ce coup d’État, n’étaient pas, disait-on, cette foule qui bat des mêmes mains à ce qui s’élève et à ce qui tombe ; c’étaient les gens de bien, les sages. […] C’est un certain ordre où les gens comme lui ont toutes leurs aises, y compris, j’en conviens, un besoin de justice générale satisfait. […] Tous les deux, supérieurs dans la moquerie, se doutaient bien qu’ils ne s’exceptaient pas l’un l’autre du plaisir de railler les gens, et il ne manqua pas de complaisants intéressés qui en firent leur cour au roi et à l’écrivain. […] Voltaire ne tombe point dans cette philanthropie des gens de son siècle, qui fait douter de leur humanité. […] Quand nous louons les gens, nous aimons qu’ils y fassent quelque défense ; cela nous y entête, et nous redoublons, plus jaloux de les convaincre de notre bon goût que de les persuader de leur mérite.

131. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Il y a là des gens de toute sorte, le vieux Janvier, l’oculiste Magne, la phalange de Médan. […] C’est celui-ci, qui arrive chez Giraud, examine l’effraction, et dit : « Ça, c’est un maçon… et c’est un limousin. » Puis au bout de quelques instants de réflexion : « Et c’est un tel. » C’est celui-là qui arrive chez un autre monsieur volé, lui demande à voir les gens de service, adresse à l’un cette question : — Est-ce que je ne vous ai pas vu à l’estaminet du Helder ? […] Ces gens de bois sont un peu inquiétants. […] Et comme il aurait été amusant, au nom de Raphaël, à propos de tel tableau qu’on admire, d’indiquer ce que les restaurateurs ont laissé juste de peinture, même de dessin du maître, mais c’était un travail immense de recherches, de courses, de conversations avec les gens techniques, et il ne fallait ni erreurs, ni exagérations. […] * * * — Des jours hostiles et de malechance, où l’on voudrait, ainsi que dans un gros temps, fermer les sabords de sa maison, et se dérober aux gens qui frappent à votre porte, aux lettres que le facteur dépose dans votre boîte.

132. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

D’après tout ce qu’on vient de dire, le droit des Quirites ou Curètes dut être le droit naturel des gens ou nations héroïques de l’Italie. […] C’est une loi du droit naturel des gens, que le domaine suit la puissance. […] En faisant naître les républiques sous une forme aristocratique, elle transforma le droit naturel des familles, qui s’était observé dans l’état de nature, en droit naturel des gens, ou des peuples. […] De cette manière, le droit des gens qui s’observe maintenant entre les nations, fut, à l’origine des sociétés, une sorte de privilège pour les puissances souveraines. Aussi le peuple où l’on ne trouve point une puissance souveraine investie de tels droits, n’est point un peuple à proprement parler, et ne peut traiter avec les autres d’après les lois du droit des gens ; une nation supérieure exercera ce droit pour lui.

133. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Marie-Joseph Chénier continuait de tout admirer de Voltaire, et l’épître qu’il lui adressa put devenir le programme brillant du peuple des voltairiens : mais les gens de goût et dont en même temps l’esprit s’ouvrait à des aperçus d’un ordre plus élevé, des hommes tels que M. de Fontanes, par exemple, savaient fort bien concilier ce que méritait en Voltaire l’auteur charmant, et ce qui était dû au satirique indécent, au philosophe imprudent, inexcusable. […] Quant à ce que j’appelle la troisième génération, et dans laquelle je prends la liberté de ranger les gens de mon âge à la suite de ceux qui ont une dizaine d’années de plus, c’est moins d’une admiration excessive qu’ils eurent à revenir que d’un sentiment plus ou moins contraire. […] Voltaire est à Villars ; il s’y oublie un peu ; les gens intéressés à l’affaire le pressent et lui font dire qu’il est urgent qu’il revienne à Paris. […] On voit que dans les affaires comme dans la littérature, comme dans le monde, et partout, il entre la tête haute, sûr qu’il est de son fait, remettant les gens à leur place et prenant la sienne hardiment, en grand seigneur de l’esprit. […] Se moquer est bien amusant ; mais ce n’est qu’un mince plaisir si l’on ne se moque des gens à leur nez et à leur barbe, si les sots ennemis qu’on drape n’en sont pas informés et désolés ; de là mille saillies, mille escarmouches imprudentes qui devenaient entre eux et lui des guerres à mort.

134. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle a les cheveux du plus beau châtain qu’on ait jamais vu, le visage rond, le teint vif, la bouche agréable, les lèvres fort incarnates, une petite fosse au menton, qui lui sied fort bien, les yeux noirs brillants, pleins de feu, souriants, et la physionomie fine, enjouée et fort spirituelle… Pour de l’esprit, Clarice en a sans doute beaucoup, et elle en a même d’une certaine manière dont il y a peu de personnes qui soient capables, car elle l’a enjoué, divertissant, et commode pour toutes sortes de gens, principalement pour des gens du monde. […] Elle avait le sentiment vif du ridicule, et elle saisissait les gens d’un trait et d’une seule image. […] Saint-Évremond, alors en Hollande (1669), paraît s’ennuyer du retard : Sa bonne foi est grande (écrit-il à un M. d’Hervart qu’il avait vu à La Haye et qui était de retour à Paris), mais mon absence est longue, et, après huit années, il n’y a rien de si aisé que de ne point se souvenir des gens, quand un souvenir coûte cent pistoles. […] S’il veut profiter de ce qui nous reste d’honnêtes abbés en l’absence de la Cour, il sera traité comme un homme que vous estimez. » Ces abbés de distinction étaient en effet assez nombreux, vers la fin, dans le cercle de Ninon : c’étaient l’abbé de Châteauneuf, le parrain de Voltaire, l’abbé Regnier-Desmarais, l’abbé Fraguier, l’abbé Gédoyn, et d’autres encore, tous gens de savoir et à la fois gens du monde et de goût. […] Peu de gens résistent aux années.

135. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Il est né heureux, il a une étoile ; mais ce bonheur, on le sait, se compose toujours, chez ceux qui le possèdent, de mille finesses et adresses, de mille précautions imperceptibles dont les gens malencontreux ne se doutent pas. […] Car Gourville est un artiste en intrigue, il aime l’aventure pour l’aventure, puis il aime encore à la raconter à des gens d’esprit qui s’y connaissent. […] C’est le gouverneur en personne, M. de Bachelière, qui se présente chez lui : Il vint pour cela à mon appartement, accompagné de quelques gens ; et, ayant trouvé mon laquais à la porte de ma chambre, il lui demanda si j’étais là, et ce que je faisais. […] La fortune pourtant lui ménageait de plus grands revers : on le choisit entre tous les gens d’affaires de l’entourage de Fouquet pour servir d’exemple mémorable, et il dut songer à la fuite hors du royaume. […] La race des gens d’affaires est immortelle : puisse-t-il s’en trouver beaucoup qui soit aussi habiles, et à la fois aussi honnêtes en définitive, aussi généreux, et doués d’autant de cœur que Gourville !

136. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Il est homme de qualité, il a toujours eu beaucoup d’esprit, et je l’ai vu autrefois en état de pouvoir espérer une haute fortune, à laquelle sont parvenus beaucoup de gens qui lui étaient inférieurs. […] Pour s’être donné le malin plaisir de faire un livre de Régence et de Directoire, qui est bien de la date où le surintendant Fouquet faisait collection de ses billets doux, et dressait une liste de ses bonnes fortunes, il manque le grand siècle, les guerres de Flandre, celle de Franche-Comté qui vient passer presque sous ses fenêtres ; tous ses compagnons d’armes y seront : « Il vient de passer dix mille hommes à ma porte (à la porte de son château de Bussy) : il n’y a pas eu un officier tant soit peu hors du commun qui ne me soit venu voir ; bien des gens de la Cour ont couché céans. » Vite il écrit au roi pour demander à servir cette campagne, et le roi impassible répond : « Qu’il prenne patience ! […] Allant partout, frayant avec les plus qualifiés et lié avec les plus gens d’esprit, aimant à tout écouter, à tout recueillir et à en faire de bons contes, né « anecdotier » comme La Fontaine était « fablier » (le mot est de M.  […] Sur Henri IV, Sully, Richelieu, sur les plus anciens que lui et qui le dépassent par tant de côtés, il n’a ramassé que des miettes (et encore sont-elles tombées de bonne table) ; il n’est à écouter que comme un écho et un assembleur de bruits : mais sur les gens qu’il a vus et qu’il a fréquentés, dont il a mesuré et pressé la taille, il y a mieux de sa part, il compte autant que personne ; il a lu dans les physionomies, et il nous les rend. […] À moins qu’il ne soit persuadé qu’il y va de la vie des gens, il ne leur gardera pas le secret.

137. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Sandeau, son auteur de prédilection ; le premier dîner en tête-à-tête qu’il offre à celui-ci chez Bignon ; le dîner qui lui est rendu à un restaurant plus modeste hors barrière, le père Moulinon, où se réunissaient les gens d’esprit pauvres et un peu bohèmes, les « surnuméraires de l’art et de la littérature » ; puis, au sortir de là, une soirée de lecture dans un salon à la mode où il est présenté et où, pour payer sa bienvenue, il se pique de spirituelle impertinence. […] Delécluze, recueille dans sa vieillesse ses Souvenirs, les publie alors, dépeigne à ses contemporains de ce temps-là les gens avec qui il a dîné trente ou quarante ans auparavant, cherche même à les montrer en laid et à se donner le beau rôle, il n’y aurait rien à cette façon de faire que d’assez simple, d’assez conforme à la loi des amours-propres et d’assez reçu, en effet, dans cette libre et babillarde république des Lettres. […] — « Non, dit le comte après y avoir pensé un moment, je ne trahirai jamais les gens avec qui j’ai dîné. » M. de Pontmartin n’a pas même cette excuse d’être ruiné, puisqu’il a, bon an mal an, il nous le répète assez, de douze à quinze mille livres de revenu et une superbe allée de marronniers. […] Je ne prends pas à la lettre tout ce qu’il fait semblant d’être dans son livre ; il se donne comme le plus désappointé des hommes ; selon lui, il aurait tout manqué dans sa carrière, et il n’aurait recueilli qu’ingratitude et mécomptes : littérateur, on ne lui aurait pas su gré des services qu’il aurait rendus à la société à une certaine heure ; on lui aurait fait mainte promesse qu’on n’aurait pas tenue ; homme de province et propriétaire, il n’aurait eu qu’ennuis dans l’exercice de ses honneurs municipaux ou communaux ; homme de qualité (il ne l’oublie jamais), comme il n’allait qu’en fiacre dans les soirées du noble faubourg, les laquais souriaient d’un certain air en le voyant traverser l’antichambre et lui demandaient à la sortie sous quel nom il fallait appeler ses gens. […] Mais enfin M. de Pontmartin est meilleur juge de sa situation que nous ; il en dit trop pour qu’il n’y ait pas du vrai dans ses doléances, et il se présente dans tout son livre comme si mécontent, si battu de l’oiseau, si en guerre non seulement avec nous autres gens de lettres, mais avec les personnes de sa famille, avec les nobles cousines qui ont hérité d’un oncle riche à son détriment, avec les amis politiques qui lui ont refusé un billet d’Académie pour une séance publique très-recherchée, avec ses paysans mêmes et les gens de sa commune qui ont traversé indûment son parc et à qui il reproche jusqu’aux fêtes et galas qu’il leur a donnés, qu’il est impossible de ne pas voir dans tout cela une disposition morale existante et bien réelle, celle de l’homme vexé, dépité.

138. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Le butor qui racontait aux gens l’histoire de ses puces, qui rotait à table et s’empiffrait à en crever, nous apparaît maintenant comme un homme de bonne éducation, comme un gentilhomme pauvre, et qui, même au temps de sa détresse, a conservé un valet. […] Et puis, n’oubliez pas que les gens du dix-septième siècle ne mangeaient pas fort proprement : ils prenaient la plupart des viandes avec leurs doigts, s’essuyaient les mains à la nappe, jetaient les os par-dessus leur épaule. La Bruyère écrit, par exemple, sans s’étonner : « … Si Troïle dit d’un mets qu’il est insipide, — ceux qui commençaient à le goûter, n’osant avaler le morceau qu’ils ont à la bouche, ils le jettent à terre… » Or, tout se tient ; et j’imagine que ces gens-là étaient moins exacts que nous à se garder de certaines incongruités. […] L’argument de Dorine, c’est l’argument commode qu’on a coutume d’opposer aux gens que scandalisent la lubricité d’un livre ou l’immodestie d’une œuvre d’art ; l’argument dont les chroniqueurs badins et les auteurs de revues accablent l’honorable M.  […] Il y a des gens qui s’admirent et qui se croient l’âme belle, énergique et généreuse parce qu’ils ont sur tout des opinions violentes, insolentes, absolues et instantanées ; comme si la manie affirmative était une présomption de beauté morale !

139. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Ce n’étaient pas des gens de bon ton. […] À part le grand Anatole France — qui est si peu académicien — ces braves gens passent inaperçus et la plupart d’entre eux sont confondus avec les auteurs attitrés de Cluny et de Déjazet et les plus bas producteurs de romans-feuilletons. […] C’est un endroit de bonne compagnie, où on reçoit des gens d’esprit, des amateurs, des savants, des militaires, des gentilshommes, pourvu qu’ils sachent garder le ton de la maison. […] Balzac, Flaubert, Baudelaire, Zola « n’étaient pas des gens de bon ton » dit Fernand Divoire. […] Bien des gens, faute de documentation sans doute, ne se rendent pas un compte exact de l’état d’esprit actuel.

140. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Ces gens-là ne savent pas suivre leur idée : un détail en amène un autre, qui traîne après lui une série. […] Mais pourquoi pour ces gens un intérêt si grand, Vous qui condamneriez ce qu’en eux on reprend ? lui demande Philinte, qui le sait peu indulgent aux défauts des gens. […] C’est une arme facile à l’usage des gens qui sont à bout de raisons ou qui ne savent pas raisonner : que de discussions où l’on voit les adversaires se jeter mutuellement leurs vérités au nez, n’avoir souci que de se noircir réciproquement, sans toucher au sujet qui est en délibération, comme s’il suffisait de déshonorer son contradicteur pour prouver qu’on a raison sur un fait particulier !

141. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Combien y a-t-il de gens qui, réellement, ne font pas dépendre leur plaisir ou leur désir de la mode : et la mode, à qui la demandent-ils ? […] Voici, par exemple, comment, en 1769, la France littéraire établit la liste des journalistes et auteurs d’écrits périodiques » : Gazette de France, MM. l’abbé Arnaud et Suard. — Journal des savants, une société de Gens de lettres. — mercure de France, M. de la Place (addition : pour le Mercure, mettez M. Lacombe, libraire, avec une société de Gens de lettres, au lieu de M. de la Place. […] Bonamy. — Journal économique, une société de Gens de lettres. — Petites Affiches de Paris, M. l’abbé Aubert

142. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Il y a donc, des gens qui comprennent quelque chose dans les textes inintelligibles à savoir ce qu’ils y ont mis et qui ont besoin de textes inintelligibles pour n’être point passifs dans une lecture, pour ne pas subir, pour n’être pas réduits au rôle d’adhérents, et pour n’adhérer, plus ou moins consciemment, plus ou moins inconsciemment, qu’à eux-mêmes. […] — Mais nous, gens du commun et qui ne prétendons qu’à nous instruire et surtout à jouir de nos lectures, devons-nous lire les auteurs difficiles, c’est-à-dire les auteurs auxquels, à une première lecture, nous prévoyons que nous n’entendrons jamais rien ? […] Tous ne sont pas lisibles par des gens comme nous, et il en est qui ne le sont que par gens appartenant à l’une des trois catégories que j’indiquais plus haut.

143. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

De quelle façon nos ouvrages ont fait réfléchir certaines gens, on va nous l’apprendre. […] Il croit que « la science ne peut établir aucune théorie, mais qu’on peut démolir toutes celles qu’on établirait ». « Il faut tâcher, dit-il, de rester toujours à ce stade ; la seule recherche féconde est la recherche du non vrai. » Ce genre de déclaration déconcertera toujours les gens sincères qui, comme nous, cherchent à s’approcher le plus qu’ils peuvent de ce qu’ils croient être le vrai. […] De quelle façon nos ouvrages ont fait réfléchir certaines gens, on va nous l’apprendre. […] Il croit que « la science ne peut établir aucune théorie, mais qu’on peut démolir toutes celles qu’on établirait ». « Il faut tâcher, dit-il, de rester toujours à ce stade ; la seule recherche féconde est la recherche du non vrai. » Ce genre de déclaration déconcertera toujours les gens sincères qui, comme nous, cherchent à s’approcher le plus qu’ils peuvent de ce qu’ils croient être le vrai.

144. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

Sous François Ier, il parodie la royauté, fait d’Arnache roi des Dipsodes pris à la guerre, « gentil crieur de saulce verte » et l’expérience réussit »à souhait : « et fut aussi gentil crieur, qui fût oncques vu en Utopie ; mais l’on m’a dit depuis que sa femme, le bat comme plâtre, et le pauvre sot ne s’ose défendre, tant il est niais. » Ni l’Église, ni les gens de loi, les papimanes, les papegauts, les evegauts, les saintes décrétales, les chats fourrez et chicanous, ne lui inspirent plus de retenue. […] » Il faut jouir de vivre, en gens avisés, distraits, prompts d’intelligence. Et alors viennent les vrais artistes français, La Fontaine, Watteau, les auteurs, les vaudevillistes, les chansonniers, tous gens qui cherchent à égayer, demeurent, écrivant à point nommé pour les « langoureux malades ou autrement faschez et désolez. » *** Aujourd’hui beaucoup de choses ont varié, et la question de Panurge se pose plus inquiétante.

145. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

À ce compte il y a beaucoup de gens qui passent leur vie à se compléter. […] « Voilà ses gens, voilà comme il faut en user !  […] C’est un très grand danger parce que cela peut vous jeter en proie aux mains de certaines gens. […] Et, sans sortir de la Cour, n’a-t-il pas encore vingt caractères de gens où il n’a point touché ? […] Il n’a songé à rien de tout cela et aussi son fils est un joueur, un écornifleur et un voleur, et sa fille, très saine, est du moins insolente. « Grande leçon pour les gens chiches » et du reste pour tous les gens qui ont une passion.

146. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Les gens d’esprit y sont tenus d’y faire des vers et dans un certain style, comme les autres y sont tenus d’y étaler des dentelles et sur certain patron. […] Il donne aux gens des conseils applicables, quelque consigne bien claire, justifiée par les événements d’hier, utile pour la journée de demain. […] Auparavant les gens honnêtes n’étaient point polis, et les gens polis n’étaient point honnêtes ; la piété était fanatique et l’urbanité débauchée ; dans les mœurs, comme dans les lettres, on ne rencontrait que des puritains ou des libertins. […] Des gens qui aiment les sermons démonstratifs longs de trois heures ne sont point difficiles en fait d’amusement. […] Quand il va au théâtre, il munit ses gens de gourdins pour se garder des bandits qui, à son avis, doivent infecter Londres.

147. (1925) La fin de l’art

Casanova, qui avait des recettes pour toutes choses, en avait aussi pour la transmutation, et elles variaient suivant le degré de naïveté des gens. […] Or, je crois qu’il faut enseigner les gens et les jeunes gens selon qu’ils veulent être instruits et non pas selon que la coutume l’a fixé. […] Au milieu de tout cela, les gens, sans se douter un instant de leur incohérence, parlent ferme de la restauration des études latines. […] Mais comment faire comprendre à des magistrats, hommes de la société polie, hommes mesurés, distingués, qu’il y a en France deux langages, celui qu’emploient les gens qui fréquentent les salons et celui qu’emploient les gens qui ne fréquentent que le trottoir et le zinc. […] Guénault et l’antimoine ont fait périr de gens ».

148. (1924) Critiques et romanciers

« voilà les braves gens que je réclamais de M.  […] On y rencontre beaucoup de braves gens, et d’autres. Ne craignez pas les braves gens de Filon : car les braves gens qu’on a su voir avec esprit sont plus amusants que les coquins. […] Bonjour, bonsoir, à des gens qu’on déteste ou qu’on méprise. […] Voilà les bêtes et les gens et, digne d’eux, la vie !

149. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Quand les gens du Sud, les Romains, sont arrivés là pour la première fois, ils ont dû se croire en enfer. […] Lorsqu’on regarde les gens de près, il semble que leurs diverses pièces sont indépendantes, du moins qu’elles ont besoin de temps pour se transmettre les chocs. […] Entrez dans un meeting, considérez ces gens de toute condition, ces dames qui viennent pour la trentième fois entendre la même dissertation, ornée de chiffres, sur l’éducation, sur le coton, sur les salaires. […] Une proclamation de la reine interdit de jouer à aucun jeu ce jour-là, en public ou en particulier ; défense aux tavernes de recevoir les gens pendant le service. […] C’est un homme du siècle, souvent un homme du monde, souvent de bonne famille, ayant les intérêts, les habitudes, les libertés des autres, parfois une voiture, des gens, des mœurs élégantes, ordinairement instruit, qui a lu et qui lit encore.

150. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Comme de juste, toutes ces variétés ont persisté, se sont mêlées et diversifiées, si bien qu’en cette nation, l’une cependant de celles que marquent encore certains caractères saillants, on trouve les types les plus différents, méridionaux et scandinaves, gens à tête d’Ibères et individus mongoloïdes. […] Quant à la France, on sait de reste qu’entre un habitant de Marseille et un habitant de Lille, il y a toutes les différences qui séparent deux nations, sans que pour cela les gens du Midi ou les gens du Nord soient pareils entre eux. […] Même pour les paysages les mieux définis, ou ne sait ce que leur doivent les gens qui y demeurent. […] Il faut donc qu’un roman, pour être cru d’une certaine personne et, par conséquent, pour l’émouvoir, pour lui plaire, reproduise les lieux et les gens sous l’aspect qu’elle leur prête ; et le roman sera goûté, non à cause de la vérité objective qu’il exprime, mais en raison du nombre de gens dont il réalisera la vérité subjective, dont il rend les idées, dont il ne contredit pas l’imaginationds. […] En dehors d’esprits supérieurs qui no sont exclusifs pour personne, on ne rencontre guère de gens aimant également et à un même moment Lamartine et Hugo, Balzac et Dumas, la basse et la haute littérature.

151. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Les Gens de Lettres peuvent les lire avec plaisir, parce qu’ils sont écrits avec aisance, avec méthode, & même avec une sorte d’élégance ; les Gens de Loix peuvent les lire avec fruit, parce que les principes en sont clairs, bien discutés, & presque toujours sûrs.

152. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Renan appartient à la famille des grands penseurs, des contempteurs de beaucoup de conventions humaines, que des esprits plus humbles, des gens comme moi, manquant « d’idées générales » vénèrent encore, et nul n’ignore qu’il y a une tendance chez ces grands penseurs, à voir, en cette heure, dans la religion de la Patrie, une chose presque aussi démodée que la religion du Roi sous l’ancienne monarchie, une tendance à mettre l’Humanité au-dessus de la France : des idées qui ne sont pas encore les miennes, mais qui sont incontestablement dans l’ordre philosophique et humanitaire, des idées supérieures à mes idées bourgeoises. […] Renan, on n’accuse pas les gens de radotage, de brutalité, de perte de sens moral, sur les lectures de cousins et d’amis. À quelque hauteur où vous ait placé l’opinion, on veut bien descendre à lire soi-même, les gens qu’on maltraite ainsi.

153. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Outre le scribe, ils ont avec eux les garnisaires, gens de la plus basse classe, mauvais ouvriers sans ouvrage, qui se sentent haïs et qui agissent en conséquence. « Quelques défenses qu’on leur fasse de rien prendre, de se faire nourrir par les habitants ou d’aller dans les cabarets avec les collecteurs », le pli est pris, « l’abus continuera toujours680 ». […] Il est donc manifeste que la pesanteur de l’impôt est la principale cause de la misère ; de là des haines accumulées et profondes contre le fisc et ses agents, receveurs, officiers des greniers, gens des aides, gens de l’octroi, douaniers et commis  Mais pourquoi l’impôt est-il si pesant ? […] L’intendant de Moulins, arrivant dans sa généralité, trouve que « les gens en crédit ne payent rien et que les malheureux sont surchargés ». […] Les notaires d’Angoulême sont affranchis de la corvée, de la collecte, du logement des gens de guerre, et ni leurs fils, ni leurs premiers clercs ne tirent à la milice. […] Pourquoi les pauvres gens sont-ils seuls astreints à la milice ?

154. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Mais qui oserait faire le moindre reproche à ces braves gens ? […] Les gens qu’il guettait arrivèrent. […] Et puis, les saints sont d’habiles gens. […] Les gens qui écrivent méprisent volontiers les gens qui lisent ; singulière anomalie, car ceux-ci font vivre ceux-là. […] Les gens de la maison entendent remuer les escabeaux.

155. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Mais un article du Quarlerly Review, reproduit par la Revue britannique avec une certaine emphase et des réserves qui sont un peu là pour la forme (car elle-même a souvent exprimé pour son compte des opinions analogues), intente contre toute notre littérature actuelle un procès criminel dans de tels termes, qu’il est impossible aux gens d’humble sens et de goût, dont notre pays n’a pas jusqu’ici manqué, de taire l’impression qu’ils reçoivent de semblables diatribes importées de l’étranger, lorsque toutes les distinctions à faire, toutes les proportions à noter entre les talents et les œuvres, sont bouleversées et confondues dans un flot d’injures que l’encre du traducteur épaissit encore. […] Sa manière de commencer le procès qu’il nous intente par l’examen sérieux et appliqué de Paul de Kock, doit faire sourire les gens de talent qu’il inculpe, et d’un sourire plus fin et plus malicieux que l’auteur ne voudrait assurément, s’il savait sa méprise : mais il faut l’y laisser. […] C’est en France encore (que les reviewers étrangers daignent le croire) que les ouvrages qu’on lui reproche de faire naître, sont le plus promptement, le plus finement critiqués raillés sinon par écrit toujours partout ailleurs, en causant, au coin d’une rue ou d’un salon, dans la moindre rencontre de gens qui à demi mot s’entendent. […] Quand des gens comme ceux-là surviennent en tumulte, il faudrait avant tout, si l’on était sage, se tenir coi dans le plus petit des buissons de l’Hymette, leur abandonnant à discrétion toute la Béotie et même tout le Péloponèse.

156. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

L’un & l’autre, ainsi que tous les rhéteurs anciens & modernes, l’ont définie l’Art de persuader : deux mots que bien des gens traitent aujourd’hui d’absurdités. […] Des gens d’un vrai mérite se trouvèrent mêlés dans cette dispute, avec des gens qui n’en avoient qu’un très-mince. […] Le génie, la lecture, & surtout la société des gens à talent, doivent faire le reste.

157. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Mais bien des gens, ou du moins plus d’un, ont de ces saillies qui partent sur le temps, qui ne durent qu’un éclair, et qui sont suivies d’un long silence, et avec l’abbé Galiani il n’y avait pas de silence : il alimentait presque à lui seul la conversation ; il y répandait les imaginations les plus folles, les plus réjouissantes, et qui portaient souvent leur fin bon sens avec elles. […] Turgot, dont les principes étaient fort intéressés dans la question, s’est expliqué sur le livre de Galiani, et, sans en méconnaître l’agrément, il a écrit quelques mots qui marquent bien l’opposition des vues, des inspirations et des doctrines : Je n’aime pas non plus, dit-il après quelques critiques sur sa méthode sautillante et faite pour dérouter, je n’aime pas à le voir toujours si prudent, si ennemi de l’enthousiasme, si fort d’accord avec tous les Ne quid nimis et avec tous ces gens qui jouissent du présent, et qui sont fort aises qu’on laisse aller le monde comme il va, parce qu’il va fort bien pour eux, gens qui, ayant leur lit bien fait, ne veulent pas qu’on le remue. […] En tout, Galiani croyait à une doctrine secrète, à un fin mot que peu de gens sont appelés à pénétrer, et que de très grands talents eux-mêmes ne soupçonnent pas. […] « Un ministre ne s’attache qu’aux gens qui se dévouent, et moi je ne puis point me dévouer ; je ne saurais pas même me donner au Diable. […] Ajoutez, comme inconvénient, des indécences fréquentes, incroyables, même dans le siècle de Diderot et de Voltaire, et qui n’ont de précédent que chez Rabelais : « Ne donnons pas gain de cause aux gens délicats, répétait Galiani ; je veux être ce que je suis, je veux avoir le ton qui me plaît. » Il a usé et abusé de la licence.

158. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

De la part d’un homme si habile à saisir les ridicules et les défauts des gens qu’il avait sous les yeux, on ne s’explique point une pareille crédulité ; ou plutôt on se l’explique très bien par l’esprit de système, qui sait concilier ces sortes de contradictions. On dénigre, on méprise les gens en détail, et tout à coup on se met à exalter l’humanité en masse et à tout en espérer. […] Jamais il ne s’est vu de délire plus éclairé en apparence et mieux enchaîné, de délire plus raisonneur : « Mais ces gens-là ont beau faire, disait quelqu’un assez gaiement, ils oublient toujours que les sept péchés capitaux subsistent, et que c’est eux, sous un nom ou sous un autre, qui mènent ou agitent le monde. » On était à la veille du 20 juin (1792) et de cette insurrection hideuse à laquelle les Girondins poussaient ou prêtaient les mains, afin de se ressaisir du pouvoir. […] Ils remontent aux causes par les effets… À la manière dont le peuple rend compte des événements que certaines gens voudraient bien présenter encore comme des phénomènes inexplicables, on serait presque tenté de croire qu’il consacre chaque jour quelques heures à l’étude de l’analyse. […]  » Et il déclare ne pas avoir trop bonne idée « de ces gens qui font de grandes choses aux dépens de la justice. » Le point en quoi Condorcet se sépare de Turgot est ici très net et très sensible : nous touchons à l’anneau par lequel devra se briser entre eux la ressemblance et la similitude des âmes.

159. (1929) Dialogues critiques

Rappelez-vous que Barrès a toujours fait toutes les concessions aux gens de droite. […] Aussi y a-t-il à l’Académie encore moins de gens de lettres qu’on ne croit. […] Pierre En ce qu’on y reçoit des gens de lettres. […] Mais que de philistinisme essentiel chez beaucoup de gens de lettres d’aujourd’hui ! […] Ce sont des choses que ces gens comprennent.

160. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Ce sont les articles faits d’avance sur les gens qui sont en train de mourir, et qu’on garde, même quand ils réchappent, pour éviter de payer un autre article dans l’avenir. […] De loin en loin, au milieu des gens assis à terre, un couple debout, où repose sur l’homme un geste de caresse de la femme. […] Mme Daudet fait la remarque de la parfaite ressemblance des noces des gens riches avec les noces des ouvriers, et comme les gens distingués, dans l’attifement de ce jour, deviennent communs, et comme on croirait que ça doit finir, le soir, par une goguette. […] Je ne sais pourquoi, aujourd’hui, ma pensée va à la censure, à son veto, et j’interroge les attitudes des gens, les réponses qu’ils font à des questions quelconques, et malgré moi, j’y cherche des dessous ténébreux, confirmant ma pensée. […] Carnot, et que la plus grande partie des gens qui avaient pris des billets pour ma pièce, ont redemandé leur argent, quand en son lieu et place, on leur a offert : Le Lion amoureux.

161. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Ce qui manquait aux gens du monde et à bien des gens de lettres, c’était de le lire : Mme Dacier leur en donna le moyen. […] Tous deux ont cet avantage de si bien raisonner en gens d’esprit qui décomposent leur sujet et le traitent à faux ou à côté du vrai dans tous les sens, qu’ils vous impatientent, vous irritent et vous forcent, pour peu que vous ayez un esprit franc, à mieux raisonner, ou du moins à conclure mieux qu’eux. […] Ce sont gens, après tout, qui, si aiguisés qu’ils soient à leur manière, manquent d’un sens, et à qui cela donne une sorte d’impudeur et de hardiesse dans leur procédé avec ceux qui en sont doués. […] Ce n’est point là l’esprit d’une assemblée de gens de lettres, et l’Académie ne tend à l’uniformité que par voie d’éclaircissement et non pas par voie de contrainte. […] On ajoute « qu’elle était d’une assiduité opiniâtre au travail et ne sortait pas six fois l’an de chez elle, ou du moins de son quartier : mais, après avoir passé toute la matinée à l’étude, elle recevait le soir des visites de tout ce qu’il y avait de gens de lettres en France ».

162. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

car il me semble que cela serait mieux accommodé de notre main (j’entends du fait de la guerre) que non pas des gens de lettres ; car ils déguisent trop les choses, et cela sent son clerc. » Les discours de Montluc, qui ne sentent pas du tout leur clerc, et qui restent-si appropriés à son caractère et à son allure, ne sont pas pour cela moins bien menés et moins habiles. […] Telles gens que cela ne se défont pas ainsi : ce ne sont pas des apprentis. […] J’oserais dire que si nous avions tous un bras lié, il ne serait encore en la puissance de l’armée ennemie de nous tuer de tout un jour sans perte de la plus grand’part de leurs gens et des meilleurs hommes : pensez donc, quand nous aurons les deux bras libres et le fer en la main, s’il sera aisé et facile de nous battre ! […] mon cousin, il m’a dit de si grandes raisons et m’a représenté si bien le bon cœur de mes gens, que je ne sais que faire. » La partie était gagnée, et Montluc rapporte en toute hâte par-delà les monts la permission si désirée, et qu’il a enfin arrachée de la bouche du roi : « Qu’ils combattent ! […] Tandis que la droite, commandée par M. de Chais, et le centre, là où était Montluc, enfonçaient l’armée ennemie et que le marquis du Guast voyait la partie désespérée, M. d’Enghien, de son côté, voyait sa gauche complètement en déroute par la lâcheté des Gruyens (gens de la vallée de Gruyère), et essayait en vain par deux charges de cavalerie d’arrêter le bataillon des victorieux.

163. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Il avait charge de convertir les gens bon gré, mal-gré, et de justifier ce mot du roi répondant à M. de Croissy qui le proposait vers ce temps pour l’ambassade de Constantinople : « Il sera plus utile à mon service, dans la conjoncture des affaires de la religion, en France qu’à Constantinople. » II. […] Il y est dit, entre autres griefs, que Foucault se servait, pour la conversion du menu peuple, d’un homme de néant nommé Archambaud, que cet Archambaud menait des gens de sa sorte au cabaret et trouvait le moyen de les enivrer ; que le lendemain, lorsqu’ils étaient revenus à eux-mêmes, il leur allait dire, ou qu’ils avaient promis d’aller à la messe, et que s’ils prétendaient s’en dédire, il les ferait traiter comme des relaps ; ou qu’ils avaient mal parlé du gouvernement et des mystères catholiques, et que le seul moyen de se racheter d’une sévère punition était de se ranger à la religion romaine ; que l’affaire, ainsi amorcée et entamée sur des gens du commun, se poursuivit ensuite sur ceux d’une condition supérieure ; qu’en général l’artifice de l’intendant était de faire faire aux réformés, sous quelque prétexte, un premier acte extérieur qui pût être interprété pour une adhésion à la communion romaine, comme d’assister à un sermon, par curiosité ou par intimidation, et qu’ensuite, moyennant la peur d’être déclarés relaps et traités comme tels, il avait raison de son monde ; que, sans avoir eu besoin de demander des troupes, il s’était servi de celles qu’on faisait filer alors sur la frontière de l’Espagne et que commandait le marquis de Boufflers, et qu’il avait été commis par ces troupes, lui les dirigeant et les conduisant de ville en ville, de village en village, de véritables horreurs et cruautés. […] Il y en a eu beaucoup qui, à l’approche des gens de guerre, ont abjuré sans les avoir vus. […] J’y ai envoyé des gens de guerre, qui les ont réduits. […] La bouche et le sourire sont aux gens de lettres : le reste est bien de l’administrateur et de l’intendant, même de celui du Béarn.

164. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

L’abondance paraissait en même temps chez les gens d’affaires, qui d’un côté couvraient toutes leurs malversations par toute sorte d’artifice, et les découvraient de l’autre par un luxe insolent et audacieux, comme s’ils eussent appréhendé de me les laisser ignorer. […] Les gens de lettres surtout y aidèrent puissamment : Fouquet les avait toujours recherchés, distingués et favorisés ; ils se montrèrent reconnaissants, et aujourd’hui le nom de cet illustre malheureux ne se présente à la postérité qu’environné et comme protégé de ces trois noms de Mme de Sévigné, de Pellisson et de La Fontaine. […] On ferait tout un chapitre de cette protection indulgente et libérale que Fouquet accordait aux gens d’esprit et aux gens de lettres, et de la reconnaissance qu’il trouva en eux. […] Les gens de lettres, ceux qui sont vraiment dignes de leur nom et de leur qualité, ont été de tout temps sensibles à certains procédés, à certains actes de prévenance et de délicatesse, à certaines choses faites à temps et d’une manière qui honore. […] Je parle des gens de lettres dans le temps où ils faisaient une classe à part, et de l’élite de cette classe.

165. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

— N’est-il pas plus nouveau de voir les gens par leur beau côté ? […] Ce petit mandarin trotte toujours dans la mémoire, et fera oublier le reste à beaucoup de gens. […] Les gens qui ne savent pas l’italien croiront que cela veut dire Décaméron. […] C’est l’éternelle histoire des gens qui vendraient la réputation qu’ils méritent pour celle qu’ils ne peuvent obtenir. […] Il est à remarquer que les gens qui crient tant haro sur le bourgeois, à propos de M. 

166. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Et il est vrai qu’il y a des gens chez qui la modération des idées se confond avec le désir de conserver leur bien et l’attachement aveugle à un état social qui sert leurs intérêts. […] Petite fille d’un petit village de la frontière, elle a souffert de ce que souffraient de pauvres gens à cent lieues, à deux cents lieues de là ; elle a conçu, entre eux et elle, un lien d’intérêts, de souvenirs, de traditions, de fraternité, de dévouement à un même homme, le roi, représentant de tous. […] Vous êtes d’une si bonne province, et si française, que, rien qu’en étant profondément des gens de chez vous, vous avez des chances de valoir déjà quelque chose.

167. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

Il touchait au monde politique, savait les dessous des gens en place, les faisait transparaître. […] Il n’est plus que les reporters qui vivent dans l’atmosphère d’un journal, aussi en sont-ils les gens importants. […] Chaque jour ils enverront l’éloge de leur produit : ils y joindront pour les gens d’affaires un bulletin des valeurs et des marchandises, pour les hommes de sport les comptes rendus des hippodromes, pour les oisifs la chronique du monde et du théâtre.

168. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Proposez de démolir le grand édifice social pour le rebâtir à neuf sur un plan tout opposé : ordinairement vous n’aurez pour auditeurs que les gens mal logés ou sans gîte, ceux qui vivent dans les soupentes et les caves, ou qui couchent à la belle étoile, dans les terrains vagues, aux alentours de la maison. […] Et quel motif peut réunir des gens d’esprit, sinon le désir d’agiter ensemble les questions majeures   Depuis deux siècles en France la conversation touche à tout cela ; c’est pourquoi elle a tant d’attraits. […] Nos gens de bel air adopteront sans difficulté une théorie qui justifie leur pratique. […] D’abord il comprend presque tout le monde ; ensuite il désigne les gens qui se déclarent ennemis du papisme, mais qui, pour la plupart, ont pour objet le renversement de toute religion. » — Ces savants, je leur demande pardon, ces philosophes sont insupportables, superficiels, arrogants et fanatiques. […] Par exemple, le père de Marmont, gentilhomme, militaire, qui, ayant gagné à 28 ans la croix de Saint-Louis, quitte le service, parce que tout l’avancement est pour les gens de cour. — Retiré dans sa terre, il est libéral et enseigne à lire à son fils dans le Compte rendu de Necker.

169. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Il y aurait un curieux chapitre à écrire sur les rapports des financiers et des gens de lettres. […] Mais ces privilégiés, qui ne sont gens de lettres que par accident ou par une vocation tout à fait désintéressée, ne sont le plus souvent qu’une petite minorité. […] Les écrivains sont devenus eux-mêmes des puissances ; l’avènement des gens de lettres au rang des personnages les plus redoutés est désormais un fait acquis et qui reflète la révolution économique accomplie autour d’eux et à leur profit. […] Non seulement la propriété littéraire a été reconnue par les lois ; mais les gens de lettres, associés pour défendre leurs intérêts, ont su fort habilement l’administrer. […] Voir à ce sujet Frédéric Lolice, Nos gens de lettres, p. 262.

170. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Mais il y a diverses manières d’enterrer les gens, et celle qu’on employa pour les philosophes du dix-huitième siècle est singulière. […] Cette probabilité, d’elle-même, deviendra certitude, et les pauvres gens, tout honteux de leur réputation nouvelle, baisseront le dos, laisseront passer l’orage et se tiendront cois, silencieux dans leur cachette, espérant que, dans cinquante ans peut-être, la doctrine des esprits les plus lucides, les plus méthodiques et les plus français qui aient honoré la France, cessera de passer pour une philosophie de niais ou d’hommes suspects. » Voilà le raisonnement que se fit mon vieux sensualiste. […] À mon sens, elle était mal faite ; ce n’est pas ainsi qu’on se débarrasse des gens ; il y faut d’autres procédés et plus d’efforts. […] Au milieu de ces analyses se glissaient de petites phrases un peu malicieuses, railleries à peine indiquées et aussitôt réprimées, si légères que les gens qu’elles effleuraient devaient eux-mêmes sourire, et lui savoir bon gré de les avoir repris. […] Il les ramène à leur origine, et note les légères différences qui les séparent ; il marque soigneusement le sens des mots et les nuances des expressions ; il enseigne aux gens le français qu’ils croient avoir appris, et la logique qu’ils pensent savoir de naissance.

171. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Que ces gens-là aient l’honneur d’être sages, et qu’ils laissent à d’autres l’espérance d’être grands. […] « Après avoir réglé, dit l’orateur, les objets les plus importants de l’administration et de l’empire, il jeta les yeux sur l’intérieur du palais ; il aperçut une multitude innombrable de gens inutiles, esclaves et instruments du luxe, cuisiniers, échansons, eunuques, entassés par milliers, semblables aux essaims dévorants de frelons, ou à ces mouches innombrables que la chaleur du printemps rassemble sous les toits des pasteurs ; cette classe d’hommes dont l’oisiveté s’engraissait aux dépens du prince, ne lui parut qu’onéreuse sans être utile, et fut aussitôt chassée du palais ; il chassa en même temps une foule énorme de gens de plume, tyrans domestiques qui, abusant du crédit de leur place, prétendaient s’asservir les premières dignités de l’État : on ne pouvait plus ni habiter près d’eux, ni leur parler impunément. […] qu’il fut beaucoup plus philosophe dans son gouvernement, et sa conduite que dans ses idées ; que son imagination fut extrême, et que cette imagination égara souvent ses lumières ; qu’ayant renoncé à croire une révélation générale et unique, il cherchait à chaque instant une foule de petites révélations de détail ; que, fixé sur la morale par ses principes, il avait, sur tout le reste, l’inquiétude d’un homme qui manque d’un point d’appui ; qu’il porta, sans y penser, dans le paganisme même, une teinte de l’austérité chrétienne où il avait été élevé ; qu’il fut chrétien par les mœurs, platonicien par les idées, superstitieux par l’imagination, païen par le culte, grand sur le trône et à la tête des armées, faible et petit dans ses temples et dans ses mystères ; qu’il eut, en un mot, le courage d’agir, de penser, de gouverner et de combattre, mais qu’il lui manqua le courage d’ignorer ; que, malgré ses défauts, car il en eut plusieurs, les païens durent l’admirer, les chrétiens durent le plaindre ; et que, dans tout pays où la religion, cette grande base de la société et de la paix publique, sera affermie ; ses talents et ses vertus se trouvant séparés de ses erreurs, les peuples et les gens de guerre feront des vœux pour avoir à leur tête un prince qui lui ressemble. […] L’âme n’est heureuse que lorsqu’elle redevient libre ; et pour les gens de bien, souvent la mort est une récompense.

172. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

* * * — Le consommateur fait les gens qui le servent à son image. […] Gautier. — Des gens qui ont de quinze à vingt mille livres de rente, et qui sont oisifs. […] tout ce que j’ai fait, c’est lui qui me l’a fait faire… En dix ans, les gens du Globe ne m’avaient rien appris. […] Il y a des gens naissant armés de cette force du corps sans défaillance, qui fait la volonté à toute heure. […] Gavarni voit les gens qu’il dessine, ils lui réapparaissent.

173. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

À peine entré, marchant d’un bout à l’autre du Grenier, avec ces petits rires à la fois pouffants et étouffés qui lui sont particuliers, il s’est mis à railler spirituellement l’erreur des gens, des gens qui veulent voir dans les Rothschild et les banquiers de l’heure présente, des réactionnaires, des conservateurs à outrance, établissant très nettement que tous, y compris les Rothschild, ne détestent pas du tout la République, se trouvant en l’absence d’Empereurs et de Rois dans un pays, les vrais souverains, et rencontrant dans les ministres actuels, ainsi que les Rothschild l’ont rencontré chez un tel et un tel, par le seul fait de la vénération du capital, chez des hommes à la jeunesse besogneuse, — rencontrant des condescendances qu’ils n’ont jamais obtenues des gens faits au prestige de la pièce de cent sous. […] Samedi 7 juin C’est particulier, comme la mort fait le ressouvenir pardonnant à l’égard des gens qu’on enterre. […] Il y a tant de gens auxquels la littérature ne fait que rapporter des caresses pour leurs nerfs. […] Renan appartient à la famille des grands penseurs, des contempteurs de beaucoup de convictions humaines, que des esprits plus humbles, des gens comme moi, vénèrent encore un peu, estomaqués, quand ils entendent un penseur de la même famille proclamer que la religion de la patrie, à l’heure présente, est une religion aussi vieille que la religion du Roi sous l’ancienne monarchie. […] » Et voici que, ce matin, d’un interview avec Berthelot, l’ami intime de Renan, il résulte pour les gens qui savent lire entre les lignes, que je n’ai pas menti tant que cela.

174. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Les gens de bien ne lui ont pas plus su de gré de son travail, que les gens de goût. […] L’Enéide passe auprès des gens de goût pour le plus parfait des poëmes épiques. […] Des gens d’esprit même, Racine, par exemple, s’en sont quelquefois amusés. […] Tous les gens de goût en ont dit du mal. […] C’est un censeur incorruptible, mais qui en dévoilant avec trop d’emportement le vice, allarme quelquefois la pudeur des gens de bien.

175. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Les gens que vous voyez sont des comédiens qui partagent la recette. […] … — Non, ce n’est pas cela, me répondaient les gens de l’art. […] L’originalité d’un écrivain, c’est le costume qui fait retourner les gens dans la rue. […] Combien de gens voient dans chaque écrivain un ennemi ! […] Les Impassibles, gens logiques, professent le culte de la période roide, figée.

176. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Je me retourne vers mes hommes qui étaient un peu en arrière, et leur dis : « Foutez-moi des coups de fusil dans ce paquet de gens… » Ma foi, ils les ont manqués !  […] Drumont arrive nerveux, surexcité, drolatiquement guilleret : « Aujourd’hui, s’écrie-t-il, cinquante-cinq personnes… la sonnette ne cesse pas… on commence à s’arrêter dans la rue, devant la maison, en voyant tous ces gens qui entrent… des gens qui viennent me dire : « Ah ! […] Ribot assure qu’au fond Grévy doit être très content, qu’il détestait les d’Orléans, et que la dernière fois qu’il l’avait vu, il lui avait dit : « Les d’Orléans ressemblent à des gens qu’on a invités à dîner et qui font des choses pas convenables, qui se conduisent à table, comme des gens mal élevés. » Mardi 29 juin Dépêche de Daudet qui m’annonce la naissance d’une petite Edmée. […] On ne veut pas de faiseurs de livres au théâtre, et il y a une espèce de colère froide chez les journalistes, affiliés aux gens de théâtre, de voir des romanciers prendre possession de l’Odéon… Et cette pauvre Renée je la crois décidément assassinée ! […] Grande antichambre, où donnent les portes d’un tas de pièces entrebâillées, dans lesquelles l’on sent des gens qui attendent, un appartement ressemblant à un appartement de dentiste pour mâchoires impériales.

177. (1925) Dissociations

Les gens pressés la confondent souvent avec l’une ou l’autre de ses voisines. […] Les gens qui avaient besoin d’air pouvaient toujours monter en haut, et les gens qui s’en passent très bien pouvaient généralement se confiner dans leur boîte. […] Il y a des gens pour cela, comme il y en a pour se promener : ils se promènent. […] Comment atteindre ces gens-là et comment les attendrir ? […] Des gens ont horreur d’être plaints.

178. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

C’est un fait fâcheux, mais un fait certain que les pauvres gens sont complètement inconscient de leur qualité de pittoresque. […] Néanmoins, nous ne devons pas accuser les gens qui posent, des défauts des artistes. Les modèles anglais sont une classe de gens corrects, de gens laborieux, et s’ils s’intéressent aux artistes plus qu’à l’art, une forte proportion du public est dans le même cas, et nos expositions modernes paraissent justifier leur concours. […] Son défaut principal est la tendance au bas comique, mais il est des gens qui goûtent le bas comique dans la fiction. […] On ne jasait pas à propos de gens malins, on n’avait point d’éloges pour des gens honnêtes.

179. (1898) La cité antique

La gens à Rome et en Grèce. […] Tous les trois appartiennent à une même gens, la gens Claudia. […] La gens Marcia paraît n’avoir jamais eu qu’une seule lignée ; on n’en voit qu’une aussi dans la gens Lucrétia, et dans la gens Quintilia pendant longtemps. […] Il en est de même de la gens Claudia. […] Les Lakiades formaient un γένος ; comme les Cornelii une gens.

180. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Né en 1644 d’une noble famille du Vivarais, fils d’un père homme de mérite et qui avait laissé de bons souvenirs, il entra dans le monde à dix-huit ans (1662), l’année même où Louis XIV, affranchi de la tutelle de Mazarin, préludait à sa royauté sérieuse : « Ma figure, dit-il, qui n’était pas déplaisante, quoique je ne fusse pas du premier ordre des gens bien faits, mes manières, mon humeur et mon esprit qui étaient doux, faisaient un tout qui plaisait à tout le monde, et peu de gens en y entrant ont été mieux reçus. » Mme de Montausier, cette personne de considération, lui témoignait de l’amitié en souvenir de son père, et l’appuyait de son crédit. […] Selon lui, si les hommes pris en détail dans leur conduite et leur caractère diffèrent entre eux, les siècles pris dans leur ensemble ne diffèrent pas moins les uns des autres ; la plupart des hommes qui y vivent, qui y sont plongés et qui en respirent l’air général, y contractent certaines habitudes, certaine trempe ou teinte à laquelle échappent seuls quelques philosophes, gens plus propres à la contemplation qu’à l’action et à critiquer le monde qu’à le corriger : Il serait à souhaiter cependant que dans chaque siècle il y eût des observateurs désintéressés des manières de faire de leur temps, de leurs changements et de leurs causes ; car on aurait par la une expérience de tous les siècles, dont les hommes d’un esprit supérieur pourraient profiter. […] Mais comme on ne va point d’une extrémité à l’autre sans passer par un milieu, il commença seulement par ne leur donner plus de part au gouvernement ni à sa confiance, et choisit des gens qu’il crut fidèles et de peu d’élévation. […] La Fare rend pourtant cette justice au cardinal de Richelieu « qu’avec cette jalousie qu’il avait de l’autorité royale et de la sienne qu’il en croyait inséparable, il aima et récompensa la vertu partout où elle ne lui fut pas contraire, et employa volontiers les gens de mérite ». […] Il se fit là tout d’un coup comme un réveil de la licence, des intrigues et de l’émancipation en tous sens qui s’était vue au xvie  siècle ; toutes les imaginations, toutes les ambitions étaient en campagne : Il est aisé de comprendre, nous dit La Fare, comme quoi chacun alors par son industrie pouvait contribuer à sa fortune et à celle des autres : aussi les gens que j’ai connus, restés de ce temps-là, étaient la plupart d’une ambition qui se montrait à leur première vue, ardents à entrer dans les intrigues, artificieux dans leurs discours, et tout cela avec de l’esprit et du courage.

181. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Voltaire, dans ce fameux séjour, ne se brouilla finalement avec Frédéric que parce qu’il avait commencé par avoir à Berlin procès sur procès, qu’il s’était brouillé auparavant avec ses autres confrères les gens de lettres, et qu’il avait introduit la guerre civile dans l’Académie : L’affaire de Voltaire (un procès avec le juif Hirschel) n’est pas encore finie, écrivait Frédéric à sa sœur (2 février 1751). […] C’est la première fois que j’entends faire ce reproche à Voltaire causeur, de dogmatiser toujours ; je ne m’étonne pas que peu de gens le lui aient fait : c’est que bien peu étaient en mesure de le lui faire. […] Ces gens n’ont d’esprit que dans la société ; ils sont sévères sur leurs ouvrages pour ne point être critiqués par d’autres, et indulgents sur leur conduite, qui d’ordinaire est ridicule, et qu’ils croient ne point passer à la postérité. Vous me voyez encore effarouché (16 juin 1753) de mes aventures avec messieurs les beaux esprits ; mais j’ai essuyé quelques éclaboussures en passant, comme il arrive qu’on reçoit des coups en voulant séparer des gens qui se battent. […] Ces jeunes Français sont trop peu philosophes pour s’accommoder de la vie solitaire que je mène : ce n’est le fait que de gens qui se sont dévoués aux lettres.

182. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

L’attitude de Mme de Choiseul était d’accord avec la vérité : elle resta bien sincèrement, bien tendrement éprise de l’homme dont elle était glorieuse, dont elle disait que ce n’était pas seulement le meilleur des hommes, que « c’était le plus grand que le siècle eût produit », et de qui elle écrivait un jour avec une ingénuité charmante : « Il me semble qu’il commence à n’être plus honteux de moi, et c’est déjà un grand point de ne plus blesser l’amour-propre des gens dont on veut être aimé. » Elle eut fort à s’applaudir de l’exil de Chanteloup et fut seule peut-être à en savourer pleinement les brillantes douceurs ; elle y voyait surtout le moyen de garder plus près d’elle l’objet de son culte, et, sinon de le reconquérir tout entier, du moins de le posséder, de le tenir sous sa main, de ne le plus perdre de vue un seul jour. […] — Mme du Deffand, dans une lettre, lui avait parlé de gens de Versailles qu’elle voyait à Paris ; elle lui promettait de la faire souper avec eux à son prochain voyage ; voici la réponse : Faites-moi grâce, ma chère enfant, des gens de Versailles ; il y a, comme vous dites fort bien, cinq mois que j’y suis ; j’y croirais être encore… Plus vous aurez de monde, plus je serai distraite du plaisir de vous voir ; on me distrait à présent du plaisir de vous écrire, et l’on me désespère. […] Puis, l’animadversion des gens de lettres me paraît la plus dangereuse des pestes. […] Ainsi Mme de Choiseul et Mme du Deffand confondaient leurs sentiments de prudence et de bienséance à cet égard, ne faisant d’exception, entre les gens de Lettres, que pour leur sage et doux Anacharsis. […] Soupez peu, ouvrez vos fenêtres, promenez-vous en carrosse, et appréciez les choses et les gens.

183. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Mais voilà que de vrais amis se mettent encore entre l’homme et nous ; gens d’esprit mais de système, ils s’appliquent depuis sa mort à refaire la légende, à composer un Béranger tout d’une pièce, tout en perfection, en vertu ; en qui l’on croie aveuglément ; un saint bon pour des dévots et tout taillé pour un calendrier futur. — « Otez-nous, m’écrit à ce sujet quelqu’un qui l’a bien connu et qu’indigne cette prétention d’orthodoxie singulière en pareil cas, ôtez-nous ce Béranger cafard à sa manière, triste et bête, ennuyeux comme Grandisson ; rendez-nous ce malin, ce taquin, qui emportait la pièce et offensait tous ses amis, et se les attachait toutefois et leur restait fidèle ; cet homme capricieux, compliqué et faible aussi, plein des passions de la vie, timide par instants, ambitieux par éclairs, souvent redoutable, charmant presque toujours. Aux gens qui le croient trop fin, dites qu’il était sérieusement bon, élevé, fier, indépendant : aux gens qui le prennent sur l’écorce et le croient vulgaire, dites combien il était fin, délicat. […] Il y a nombre de gens qui savent le goûter et l’admirer de la bonne manière et qui souffraient de la fausse ; ils étouffaient d’impatience, ils avaient besoin d’être vengés. […] C’est ainsi qu’il l’entend, et il le confesse : « Je suis beaucoup plus chrétien qu’on ne le suppose, écrivait-il un jour à l’abbé de Pradt (un prélat très coulant, il est vrai) ; on ne me traiterait pas d’antichrétien, si on ne faisait du christianisme un moyen politique. » — « Pour douter de ce que beaucoup de gens croient, disait-il encore, il n’en résulte pas que je ne croie à rien. » A vingt ans, il faisait maigre le vendredi saint, quoique le maigre l’incommodât ; non pas qu’il s’en tînt à la conclusion un peu vague du Vicaire savoyard, qui laisse la porte entr’ouverte à l’idée de révélation, mais il rendait hommage à la mort la plus touchante du meilleur d’entre les fils des hommes. […] Mais je n’ose me fier à mon jugement, car je trouve des longueurs : à tout, — même à la vie, je crois. » Ainsi encore, à Latouche, auquel il reprochait sa paresse à publier : « Mon cher ami, il ne vous a manqué que de mourir de faim : cela a manqué à plus de gens qu’on ne pense. » Mais toutes ces jolies façons cachaient quelque incertitude ; et aussi l’amitié, la politesse le retenaient.

184. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

En même temps que des romans qui ne choquent personne, des romans dont les vieilles revues proclament l’élégance, il fait de la critique, de cette bonne critique « courtoise » qui conquiert successivement les éloges des gens influents, la légion d’honneur, les prix à l’Académie et, un beau jour, l’Académie elle-même. […] Il atteint toute la perfection vulgaire dont il sera jamais capable et peu de gens sont plus habiles à mettre en œuvre les idées d’autrui. […] Et les gens fidèles à leur village sont aussi délicieusement vertueux ici que dans le salon d’Octave Feuillet, ma chère. […] Les cerveaux de ces gens-là apparaissent d’abord comme des lieux d’asile et on voit tout de suite qu’il n’y a pas en ces pays falots de population indigène. […] Souhaitez la conversation de gens comme le docteur Romain « dont la spécialité était une fine ironie ».

185. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Mercredi 14 janvier Aujourd’hui, je reste toute la journée triste de la visite d’un cousin dans le malheur, qui a le teint des gens qui ne mangent qu’incomplètement, et qui est par là-dessus entouré de je ne sais quoi de piteux des gens, sans chance — et cela avec une espèce de satisfaction de son sort, qui m’agace. […] Et comme je lui dis que ces colloques doivent l’ennuyer il me répond que non, et que c’est très curieux, ce que l’on tire parfois de ces gens sans instruction, et dont la tête sans cesse travaille dans la solitude et le recueillement. […] C’est exaspérant dans ces enterrements, la présence de tout ce monde du reportage, avec ses petits papiers dans le creux de la main, où il jette des noms de gens et de localités, qu’il entend de travers. […] Aujourd’hui il est entré chez moi, en disant : « C’est curieux maintenant, quand une affaire est faite avec un banquier, ce n’est pas fait avec son argent, mais avec l’argent d’un autre, qu’il se met à chercher… » Et le voilà, sauf le temps d’un rapide dîner, jusqu’à onze heures, toujours en marche, parlant de la puissance intelligentielle des gens qui ne savent ni lire ni écrire ; parlant de la virtualité des révolutionnaires espagnols, complètement détruite par les cabinets des restaurants de Paris, et qu’il compare aux sauvages, ne prenant des civilisés que l’eau-de-vie ; parlant du travail idéologiste des socialistes, complètement arrêté en 1848, par la bêtise des radicaux, dont toute la politique est rapetissée à manger du prêtre, etc., etc. […] * * * — Un terrible mot pour peindre la marche des gens, attaqués d’une maladie de la moelle épinière : « Oui il commence à stepper ! 

186. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Son nom de nyama est donné en sobriquet au gens de petite taille. […] D’autres au contraire ont un secret penchant pour les gens malhonnêtes et les aident de tout leur pouvoir (v. […] Les faro rongent certaines parties du corps des gens qu’elles ont entraînés au fond de l’eau. […] L’onguent qui contraint les gens à ramasser de l’herbe jusqu’à épuisement (Bilâli). […] Le fusil qui tue quantité de gens d’un seul coup (A.

187. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

Un critique est toujours tenu à de certaines réserves, quand il parle de gens qu’il connaît, — avec lesquels il peut se rencontrer tous les jours dans le monde ; il y a des convenances obligées. […] Les gens de Lettres pensent de même sur la critique littéraire ; ils n’osent pas proposer de la proscrire entièrement, mais leur délicatesse sur cet article est si grande, que, si l’on y avait tout l’égard qu’ils désirent, on réduirait la critique à rien. » — Il paraît que les auteurs du temps de Malesherbes avaient recours à la censure, quand ils voulaient se venger d’un critique. […] Pourtant, comme il est toujours très-délicat de démontrer aux gens comme quoi l’on est ou l’on n’est pas impuissant, passons. » (Causeries du Lundi, tome II, article sur Balzac.

188. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Mais à voir comme des gens réputés d’esprit et même de goût y sont pris, je désespère de la finesse de l’art et je rentre plus que jamais dans ma coque pour n’en plus sortir. […] Mais depuis trois ans environ, l’audace leur est venue comme à beaucoup de gens en soutane ; ils ont fait un établissement plus considérable et publient ce journal qui a des journaux correspondants dans d’autres pays (par exemple un à Naples, probablement aussi en Allemagne). […] Nos catholiques sont comme des gens qui font remeubler à neuf leur salon au premier étage ; mais ce n’est pas du tapissier qu’on aurait besoin, c’est du maçon, pour réparer le rez-de-chaussée dont les murs croulent. — Ils n’ont ni le peuple, ni la classe moyenne.

189. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

La compagnie était nombreuse et de tout état, gens de cour, gens de robe, gens de lettres, académiciens ; on avait fait grand’chère comme de coutume.

190. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

Pour donner au monde un roman naturaliste de plus, et, notamment, pour décrire les sensations d’un infirme qui regarde passer les gens à travers une lucarne. […] répondit Jouveroy, je ne me plais qu’avec les gens qui s’embêtent. » La Bruyère dit en parlant de certains financiers : « De telles gens ne sont ni parents, ni amis, ni citoyens, ni chrétiens, ni peut-être des hommes : ils ont de l’argent. » Je dirais volontiers des pareils de Servaise : « Ils ne sont ni chrétiens, ni citoyens, ni amis, ni parents, ni peut-être des hommes : ce sont des littérateurs  chacun d’une religion littéraire distincte à laquelle il est seul à croire, et qu’il est seul à comprendre  quand il la comprend ».

191. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Si sa mère objecte que la littérature est « mal vue », et constituera peut-être à son « établissement » futur un empêchement rédhibitoire, le père réplique qu’il faut savoir vivre avec son siècle, que la plume est un riche instrument quand on est malin comme le petit, que les histoires de littérateurs de brasserie sont des contes à dormir debout, que la Société des Gens de lettres est le plus beau des syndicats « parce qu’il est intellectuel », et que son garçon, doué certes du talent de M.  […] J’ai dit la Société des Gens de lettres. […] Il est des gens bêtes, mais méchants, — des mots inutiles et en même temps dangereux.

192. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

II Figurez-vous donc qu’au lieu du précieux, compendieux et sérieux Armand Baschet, qui ne rirait pas pour un empire, nous eussions ici affaire à quelque génie plein d’abandon et de sincérité, à quelque grand caricaturiste historique, — car un caricaturiste peut être un historien, puisque la caricature n’est qu’une certaine manière de regarder la vérité, — figurez-vous donc, par exemple, un esprit comme Thomas Carlyle, que je regarde comme l’Hogarth de l’Histoire, tombant sur l’histoire de Baschet, le Dangeau posthume de Louis XIII, et demandez-vous quels effets grotesques et charmants et quelle conclusion de savoureuse moralité humaine il aurait tirés de ce conte de La Fontaine historique, qui fut une réalité, et, pour les gens intéressés à l’achèvement de ce mariage resté en l’air, la plus plaisante des mélancolies ! […] Jourdain quand il fait de la prose, il atteint, non pour le gros public qui veut un gros comique, mais pour le public raffiné, un genre de comique que les connaisseurs sauront apprécier… On a dit que pour les duchesses de l’ancien régime il n’y avait pas d’indécences, qu’elles pouvaient, sans embarras, se mettre toutes nues devant leurs gens, parce que leurs gens n’étaient personne.

193. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Il a distingué d’abord : « l’ignoble petit bourgeois prudhomme, important et tracassier des villes du Centre. » Voici comment il définit les fonctionnaires : « beaucoup de petites gens, mécontents, avares, désespérés, économes, mais point de désespoirs éclatants. […] Taine les examine de l’œil dont Henry Monnier collectionnait les traits de Joseph Prudhomme, avec la sympathie d’un Flaubert faisant parler les gens de Rouen pour orner son Homais, son Bouvard et son Pécuchet, avec l’accablement que le « bourgeois » donnait à Gautier.‌ […] Seulement, voici qui est particulier et par où le philosophe se distingue du pur artiste : si Taine considère que tous ces gens qu’il croise dans ses tournées sont asservis à une telle conception de la vie qu’il ne peut collaborer avec eux, il ne peut pourtant pas en prendre son parti et, comme un Gautier, un Flaubert, un Leconte de Lisle, déclarer : « Je ne connais pas ces bourgeois ; je me désintéresse de tout ce qui les préoccupe » ; en tant que sociologue, il faut bien qu’il envisage les destinées de son pays, et dans cet esprit doué si merveilleusement d’imagination philosophique et historique, cette horreur du « bourgeois », du « philistin », aboutira à cette déclaration que le type du fonctionnaire français, que l’esprit fonctionnaire (qui ne se trouve pas seulement dans les administrations, mais qui a peu à peu pénétré même les professions libres) doit déterminer la mort de l’énergie française et, par conséquent, la décadence de notre patrie.‌

194. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

C’est aussi une généreuse action, dont peu de gens seraient capables. […] Tous ces précurseurs, acharnés contre Henri IV, contre Richelieu, contre Mazarin, n’ont pas empêché le triomphe final des gens d’esprit et des gens de cœur. […] Beaucoup de gens se lamentaient. […] Les gens se souviennent à peine. […] C’est pourquoi des gens s’y opposent.

195. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Tous les gens de lettres étoient en mouvement, en défiance. […] Peu de gens ont autant ressenti la haine. […] Mais, peu de gens doutent à présent des véritables motifs de sa conversion. […] Il est des gens que tout cela ne persuade point, & qui s’obstinent à justifier Rousseau.

196. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Elle faisait comme le moraliste raisonnable qui demande aux hommes d’être, non des héros, mais des gens de bien. […] Le bon usage, selon lui, c’était l’accord, sur le sens d’un mot, de la partie saine de la cour, des bons auteurs et des gens savants en la langue. […] Il y avait pourtant, parmi les solitaires, pour ne parler que des gens de plume, de grandes diversités de caractères. […] Les gens du monde, les gens d’épée, les beaux esprits, les femmes, n’en furent guère moins occupés que les théologiens. […] Il avait été témoin du ravage que fait la dispute parmi les hommes, des violences de parole et de plume, des excès où s’emportent les plus gens de bien, dans la chaleur des querelles.

197. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

« Moi, dit-elle, j’ai cent amis… oui, il me faut ce compte-là… Je suis reconnaissante aux gens qui me font occuper d’eux… c’est ma vie… mon activité a besoin d’obliger… ça tient peut-être à ce que je suis Picarde… la femme de cette province est une femme qui porte les culottes… l’homme n’y est rien ». […] » * * * — Il y a dans Paris, un étranger bizarre, à la moralité entamée, dont la profession est de prêter de l’argent aux gens très en vue, et qui leur impose, pour leur prêter cet argent, de venir lui faire une visite dans sa loge, aux Italiens, le jour du grand monde de ce théâtre. […] * * * — En littérature, il n’y a plus que les choses et les drames de l’âme qui m’intéressent : les faits divers les plus curieux de l’existence des gens, me semblent du domaine des romans des cabinets de lecture. […] * * * — Dans toute les sociétés, qui se s’ont succédé depuis le commencement du monde, il y a un athéisme des classes supérieures, mais je ne connais pas encore de société, ayant subsisté avec l’athéisme des gens d’en bas, des besoigneux, des nécessiteux. […] * * * — Il est peut-être possible que quelques honnêtes gens n’aiment pas le vrai en littérature, mais on peut être certain que tous les malhonnêtes gens l’abominent.

198. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Et à Duclos lui-même Voltaire, quelque temps après, écrivait : « Il est triste que les gens de lettres soient désunis ; c’est diviser des rayons de lumière pour qu’ils aient moins de force. » Mais Duclos n’était pas homme à obéir à un mot d’ordre : voilà son honneur et son coin de probité comme écrivain et homme public. […] Il en revenait encore de temps en temps à ses regrets et à son projet de ligue philosophique universelle : « Si les véritables gens de lettres étaient unis, ils donneraient des lois à tous les êtres qui veulent penser. » Mais il sentait bien qu’il n’avait pas de prise et qu’il ne l’entraînerait pas. […] Je n’entrerai pas ici dans la discussion du genre de torts intimes que Mme d’Épinay a reprochés à Duclos, et qui sont trop voisins de l’alcôve : en réduisant ces torts à ce qui en rejaillit sur le caractère général de l’homme, il paraît certain que Duclos dans son habitude journalière, sorti de chez lui dès le matin et passant sa vie dans le monde, aimait à s’installer chez les gens, et qu’une fois implanté dans une maison, il y prenait racine, y dominait bientôt, s’y comportait comme chez lui, donnant du coude à qui le gênait, et y portait enfin, avec les saillies et les éclats de son esprit, tous les inconvénients de son impétuosité et de son humeur. […] Paris ou le village, pourrait être le vœu de bien des gens raisonnables. […] J’ai assez fait ressortir ce qui lui manquait pour atteindre au grand et à l’excellent ; il serait encore à souhaiter, malgré tout, qu’il y eût beaucoup de gens d’esprit aussi sensés, de caractères hardis aussi prudents et aussi positifs dans l’application, de facilités rapides aussi fermes et précises, aussi aptes à quantité d’emplois justes et sûrs.

199. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Tout gentilhomme qu’il est, Montluc sent l’importance croissante de l’infanterie, et, dès qu’il le peut, il se jette parmi les gens de pied. […] Il se hasarde de propos délibéré, à la tête d’une centaine de gens de pied, pour protéger la retraite de la cavalerie qui s’était imprudemment engagée, et à force d’audace, de ténacité, de ruse, de tours et de retours, il parvient non seulement à sauver les autres, mais à se sauver lui-même le dernier. […] Montluc, qui nous a conservé ses paroles, sentit là ce premier et poignant aiguillon de la louange qui, parti de haut, fait faire ensuite l’impossible aux gens de cœur. […] Bientôt, la guerre recommençant après la délivrance de François Ier, il reprit les armes, et, sur l’invitation de M. de Lautrec, il leva en Guyenne une compagnie de gens de pied avec une plus forte proportion d’arquebusiers qu’il n’y en entrait d’ordinaire. […] Il est content quand il peut dire dans une de ces marches hardies : « C’était une belle petite troupe que la nôtre. » Dans les guerres de Piémont, sous le maréchal de Brissac, il avait extrait de sa compagnie, qui était dans une garnison, trente-quatre soldats qui avaient des morions ou casques jaunes (car il avait éprouvé le bon effet, sur le moral, de ces marques distinctives), et qui étaient renommés sous ce nom : « Tant qu’il y aura mémoire d’homme qui fut alors en vie, écrivait-il vingt ans après avec orgueil, il se parlera en Piémont des braves morions jaunes de Montluc : car, à la vérité, ces trente quatre en valaient cinq cents, et me suis cent fois étonné de ce que ces gens firent lors : je pouvais bien dire que c’était petit et bon11. » Je ne voudrais pas avoir l’air de restreindre les mérites et la portée de Montluc.

200. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Demandez aux plus grands de ceux qui ont gouverné les hommes et qui ont le plus fait avancer leur nation ou leur race, à quelques croyances religieuses et métaphysiques qu’ils appartiennent, — Mahomet, Cromwell, Richelieu —, ils se sont tous conduits en vertu de l’expérience pure et simple, comme gens qui connaissent à fond l’homme pour ce qu’il esth, et qui, s’ils n’avaient pas été les plus habiles des gouvernants, auraient été les moralistes perspicaces les plus sévères. […] L’armée du ministère dans les élections ne se compose pas seulement de gens qui relèvent de lui et lui doivent leur existence ; elle se compose surtout d’hommes pensant comme lui et croyant bon pour le pays qu’il se maintienne et qu’il l’emporte contre ses adversaires. […] Dans une des lettres si aisées et si spirituelles du maréchal (alors colonel) de Saint-Arnaud, je lis ce passage : « Je suis parti mardi (25 novembre 1846) pour aller chercher le maréchal (Bugeaud) à l’Oued-Fodda avec un escadron… Il avait avec lui MM. de Tocqueville, de Lavergne, Béchamel et Plichon, députés, et Broët et Bussière, gens de lettres. […] Je suis comme ces pauvres gens qui, s’étant réduits à ne vivre que de pommes de terre, meurent de faim sans miséricorde dans les mauvaises années. […] [1re éd.] comme gens qui connaissaient à fond l’homme pour ce qu’il est i.

201. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

» Il est difficile d’intéresser la postérité à des plaisirs passés, qui ont pu paraître charmants à leur minute ; mais elle-même aurait tort aussi de trop chicaner des gens qui ont pris où ils l’ont voulu un divertissement à leur usage. […] Il avait pour lui, comme on disait, « tous les gens qui aiment le bien. » Le parti philosophique, qui le comptait pour adversaire, n’était pas fâché de lui couper l’herbe sous le pied. […] La même année qu’il prétendait à un siège à l’Académie et qu’il ambitionnait d’appeler confrères les gens de lettres, il méconnaissait ce qu’il y a de sérieux dans les Lettres mêmes et ce qui leur confère le seul caractère sans lequel elles resteraient à jamais futiles. Et ici c’est d’Argenson qui nous renseigne : « Avril 1753. — Jean-Jacques Rousseau, de Genève, auteur agréable, mais se piquant de philosophie, a dit que les gens de lettres doivent faire trois vœux : pauvreté, liberté, vérité. […] Il en résulte bien nettement que ce prétendu académicien n’était que frivole ; qu’il ne concevait les gens de lettres que comme des amuseurs, tout au plus comme des professeurs d’élégance, et que, dès qu’il leur arrivait de penser un peu ferme, il ne les avouait plus.

202. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Aujourd’hui, c’est un autre portrait que je voudrais montrer en regard, et d’une nature toute différente, d’un caractère non moins enviable et cher aux gens de bien. […] Il montre une foule de gens irréfléchis, passionnés, obéissant à leur fougue, à leurs intérêts de parti, au mot d’ordre des habiles ; semant des rumeurs vagues ou des imputations atroces ; inquiétant l’opinion, la fatiguant dans une « stagnante anarchie », et troublant les législateurs eux-mêmes dans l’œuvre des « nouveaux établissements » politiques. […] S’ils triomphent, ce sont gens par qui il vaut mieux être pendu que regardé comme ami. […] Les témoins et les gens de parti tirent de leur mieux pour envenimer cette dissidence des deux frères, laquelle, du reste, n’eut jamais le caractère qu’on a voulu lui prêter. […] Il est évident qu’ils ont là-dessus des idées de gens de commerce et de petit commerce, des idées de détaillants, et ils vont prendre pour des défaites tout ce que ce galant homme leur répondra à ce sujet.

203. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Le bruit des paroles et des gens qui m’entourent me blesse et m’agace. […] Comme c’est l’interprétation parlante de la tragédie, telle qu’elle fut conçue dans le cerveau d’un Racine, déclamée, chantée, dansée par une Champmeslé, applaudie par les gens bien nés d’alors et les seigneurs sur les banquettes. […] * * * — Si j’étais tout à fait riche, j’aurais aimé à faire une collection de toutes les saletés des gens célèbres sans talent, payant au poids de l’or le plus mauvais tableau, la plus mauvaise statue de celui-ci et de celui-là. […] Et nous passons toute la soirée, à regarder le roi Louis XV passer la revue de sa maison militaire, son livret à la main, et les soldats microscopiques et les curieux refoulés à coups de crosse de fusil, et les chambrières montées sur le haut des carrosses, et dont un coup de vent fait envoler les jupes. — Notre plaisir mêlé d’un petit remords, d’avoir pu si peu donner d’argent, pour un si beau dessin, à de si pauvres gens ! […] Dans la demi-nuit de la scène, nous nous heurtons à Fournier, qui se promène comme un fantôme, en cravate blanche, en habit noir, demandant nerveusement aux gens, si c’est un succès et qu’il n’a rien vu. — Cela dit du ton d’un homme qui interroge si ça va être sa faillite.

204. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Braz, Anatole (1859-1926) »

Anatole Le Braz, fut entendue à Paris, malgré le brouhaha de nos cohues, je sais des gens qui ont dit : Enfin ! […] L’auteur doit être, comme son livre et son éditeur, un brave homme de provincial ; ses manières doivent être simples et ses mœurs pures… Est-il besoin d’ajouter qu’il n’appartient à aucune école, à aucune coterie de gens de lettres ?

205. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Les routes d’Andalousie étaient couvertes de gens venus de toutes parts. […] Ces gens étaient accoutrés de façon fort pittoresque. […] Braves gens ! […] On devrait défendre aux gens de compromettre ainsi la vertu. […] Ces gens-là ne savent pas seulement vivre, ils savent mourir.

206. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

La bonne compagnie qui s’amuse impose aux gens en place l’obligation de l’amuser. […] À quoi bon des gens, si l’on doit prendre ce soin ? […] L’amour-propre humain étant infini, des gens d’esprit peuvent toujours inventer quelque raffinement d’égards qui le satisfasse. […] Certainement, aux gens scrupuleux l’obligeant prélat eût répondu avec Voltaire « qu’il n’est jamais de mal en bonne compagnie ». […] Les gens bornés comme vous voient toujours en mal.

207. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

La grandeur de l’esprit de Bossuet a caché à beaucoup de gens sa sensibilité, comme la douceur des vers de Racine leur cache sa vigueur et sa force. […] J’entends pourtant vanter les logiciens, mais je cherche quelles gens ils ont su convaincre. […] Il y a des beautés qui se sentent et d’autres qui se voient, et il se trouve beaucoup plus de gens pour les secondes que pour les premières. […] Les gens qui aiment bien Racine l’aiment de cœur, et c’est au cœur qu’on les touche quand on dit du mal de leur poète. […] S’il aima les louanges de tout le monde, il sut aimer aussi les critiques des gens qui lui voulaient du bien.

208. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Il y a des gens, presque aussi inconnus de nous que du public, qui disent nous admirer. […] Il y a toutefois pour ces gens qui ne connaissent la Révolution que d’après Ponsard, une certaine stupeur devant cette Révolution de vérité et d’histoire sur le vif. […] Et tous deux jusque-là avaient causé de choses et d’autres, avec ces propos brisés et sans suite, de gens qui s’accrochent une ou deux fois par an. […] C’est le grand moment de la causerie, la digestion du peu qu’elle a mangé, semble faire jaillir de la princesse, une expansion vivace de récits, de souvenirs, de portraits des gens à l’emporte-pièce, des débâcles de phrases à la Saint-Simon. […] Il y a un recul qui remet les petites choses et les petites gens de la vie littéraire à leur place.

209. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 63-64

Il faut être d'une extrême indulgence ou peu attentif à observer le mérite d'un Ouvrage, pour assurer, comme l'a fait l'Auteur du Nouveau Dictionnaire historique, que cette Histoire de Louis XIV mérite en général de satisfaire les Gens de goût. […] Il est aussi peu sensé au Lexicographe de dire, en se contrariant, que ce même Ouvrage seroit plus digne des Gens de goût, si quelque homme instruit vouloit le corriger sur l'Histoire du Siecle de Louis XIV de M. de Voltaire.

210. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il y a des gens qui savent tout prévoir. […] Voilà des gens qui agissent sans bruit, sans éclat, d’une façon timide, en gens qui doivent réussir. […] Voilà justement ce que j’ai fait toute ma vie, oubliant les pauvres gens qui ne méritaient que des critiques et les laissant mourir de leur belle mort. […] La critique abandonne — et elle fait bien — toutes ces bonnes petites gens tragiques ou comiques à leur propre génie. […] Il s’étonne, lui, Molière, valet de chambre du roi, de ces gens qui ont gagé de parler à la cour il ne sait comment ; il se demande de quel droit ces gens-là s’introduisent dans tous les entretiens ?

211. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Pourquoi y a-t-il des gens qu’on déteste ? […] Oui, les gens aux sentiments vulgaires. […] Mais pourquoi désillusionner les gens ? […] On me dira que ces gens-là n’ont pas ces idées-là. […] On perdrait sa vie à convaincre les gens.

212. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Plein de bonne foi, il soutenoit des gens qu’on accusoit d’en manquer. […] Les gens à talent lui en imposoient. […] povres gens, de sçavoir tous éthiques. […] Tous les gens de lettres s’intéressèrent pour Naudé. […] Il eut part aux libéralités de Louis XIV pour les gens de lettres.

213. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Mais comment nous figurer aujourd’hui des gens pour qui la vie était un opéra ? […] Lorsqu’il s’agit de former une maison à Madame Royale, âgée d’un mois, « la reine, écrit l’ambassadeur d’Autriche, veut supprimer une mollesse nuisible, une affluence inutile de gens de service, et tout usage propre à faire naître des sentiments d’orgueil. […] J’ai décrit la situation des évêques : si opulents, possesseurs de pareils droits féodaux, héritiers et successeurs des anciens souverains de la contrée, outre cela, gens à la mode et habitués de Versailles, comment n’auraient-ils pas une cour ? […] Elle est un salon et je n’y vois que des gens de salon. […] Mme d’Oberkirch, I, 395. — Le baron et la baronne de Sotenville, dans Molière, sont des gens bien élevés, quoique provinciaux et pédants.

214. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Leurs fadeurs cachent une restriction mentale ; en observant bien, vous verriez qu’ils regardent une jolie femme parée et coquette comme une poupée rose, bonne pour amuser les gens une demi-heure par son clinquant. […] En cette cour on égorge les gens pour les égratigner ; les innocents manient le couteau comme les autres. […] Les gens du Nord, gros mangeurs, ont toujours aimé les kermesses. […] Les gens de ce pays ont toujours été plus féodaux et campagnards que nous. […] La vie mondaine, tout artificielle, telle que Louis XIV l’avait mise à la mode, commençait à excéder les gens en Europe.

215. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Il s’y entendait en effet, et dans ce temps de polémiques virulentes et d’aigres personnalités, parmi ces gens de lettres hargneux et querelleurs comme des mâtins, nul n’emportait mieux la pièce. […] De tempéraments très divers, et de talents très inégaux, tous ces nouveaux amis du satirique sont des gens que la littérature à la mode, emphatique ou précieuse, romanesque ou burlesque, ne satisfait plus. […] Ces cabarets sont ce que furent plus tard les cafés : les beaux esprits, amateurs et gens de lettres, s’y réunissent. […] Tous les lundis, le Premier Président réunissait à sa table vingt-six personnes, magistrats, érudits, poètes, gens d’Église. […] Racine appelait la maison d’Auteuil une « hôtellerie », tant il y passait de gens.

216. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Ces commentateurs sont tellement inférieurs même aux pauvres gens qu’ils commentent. […] La société des filles et des gens de lettres, c’est dégoûtant et rarement amusant. […] Parmi les jurés, je rencontrerai de braves gens. […] Leur plume généreuse accorde du talent à tous les imbéciles, un peu plus de talent tout de même aux gens de mérite. […] On a tant de gens à contenter, n’est-ce pas ?

217. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Nous autres gens d’esprit, nous ne sommes pas obligés de penser comme les autres ; mais pourtant il faut de la circonspection pour découvrir la vérité à la multitude. […] Rien d’abord ne paraît plus simple ; on se met en campagne ; on trouve bien des chemises de gens qui l’offrent d’eux-mêmes, et qui se piquent de parfait bonheur : aucune n’opère. […] C’est l’éternel refrain de la chanson : Les gueux, les gueux, sont des gens heureux, etc. […] On y distingue pourtant une Visite chez un grand homme, c’est-à-dire chez le poète Le Brun-Pindare qui habitait alors au Louvre un de ces logements si peu dignes du lieu, et qu’on accordait aux peintres, aux gens de lettres. […] [NdA] On dit presque toujours dans les biographies que les gens de lettres ont fait de bonnes études ; on l’a dit également de Picard.

218. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Serré de près dans ses retranchements, Vauvenargues répond et ne peut dissimuler quelques-unes des idées que nous lui savons sur et contre la littérature : Je n’ignore pas les avantages que donnent les bons commerces ; je les ai toujours fort souhaités, et je ne m’en cache point ; mais j’accorde moins que vous aux gens de lettres : je ne juge que sur leurs ouvrages, car j’avoue que je n’en connais point ; mais je vous dirai franchement, qu’ôtez quelques grands génies et quelques hommes originaux dont je respecte les noms, le reste ne m’impose pas. […] Il faut cependant, pour vivre avec tous ces gens-là, un grand fonds de connaissances qui ne satisfont ni le cœur ni l’esprit, et qui prennent tout le temps de la jeunesse. […] Je ne sème point ici de louanges, c’est la vérité qui parle ; des gens du meilleur goût, ayant vu vos premières lettres, m’obligent à leur envoyer toutes celles que je reçois de vous, et je les ai entendus s’écrier, quand je leur ai dit que vous n’aviez pas vingt-cinq ans : Ah ! […] Ducs manants d’un côté, robins décrassés de l’autre, tout empiète sur l’homme de qualité : faites comme tout le monde avec ces gens-là, vous les avez toujours sur les épaules ; sachez vous annoncer et vous redresser, vous les voyez arriver plus bas que terre. […] Vous dites qu’il y a beaucoup de gens d’esprit, des gens de lettres, etc. : je le crois, mais pensez-vous qu’à Paris il n’y en ait pas davantage, et que cette grande ville ne rassemble pas des hommes excellents dans tous les genres, ce qu’on ne trouve dans aucune province ?

219. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Dans cette société de petites gens et dans cette habitude des détails vulgaires, le poëte a pris un ton familier qu’il garde partout. […] Le peuple s’étonna comme il se pouvait faire     Qu’un homme seul eût plus de sens     Qu’une multitude de gens. […] Il est alerte, comme les gens de sa nation, ennuyé quand on le maintient longtemps dans le même ton, prompt à regarder l’envers des choses, disposé à terminer un acte d’admiration par un bon mot. […] Beaucoup de gens disent quand on leur offre un volume de vers : « Ce sont des vers, je n’en lis pas, à la bonne heure, si le livre était en prose. » Ils font bien, car presque toujours l’ouvrage n’est que de la prose gênée par les vers. […] Son chant soutenu rassemble les impressions que ses accents imitatifs ont produites, et de toutes les sensations notées une à une elle compose un air. — Les gens d’esprit et savants s’y sont trompés.

220. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Celle-ci, bien que pure royaliste, se composait en grande partie de gens d’esprit, très libres de convictions et très désabusés. […] En un endroit du récit, on trouve un chapitre intitulé « Les Poètes » : c’est un dîner supposé entre gens de lettres et beaux esprits du temps de Louis XIII ; le fameux poète Théophile y préside. L’auteur met en tête une note qui le peint lui-même par un de ses travers : « Il nous a semblé convenable, dit-il, d’avertir le lecteur qu’il va se trouver avec des gens de lettres. […] Il avait le goût et un peu la prétention de ne lire et de ne pratiquer que les gens de ce temps-là. […] C’est ainsi du moins que ceux qui viendront après seront à même de prendre une idée de lui et de le reconnaître entre tant de gens également distingués, qu’on loue d’une manière uniforme et monotone.

221. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

L’air français ne va pas aux gens d’outre-Manche. […] Tous ces viveurs veulent être gens d’esprit et du monde. […] Les gens de cette race sont par nature et par habitude des hommes intérieurs. […] Congreve, Farquhar, Vanbrugh ne sont que des gens d’esprit et non des penseurs. […] ici les gens de milady Aimwell !

222. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

En agir de la forte, accuser & ne vouloir pas qu’on se justifiât, c’étoit abuser de sa place pour ôter la liberté aux gens de lettres, & pour persécuter un honnête homme, qui n’avoit d’autre crime que celui de n’être pas de son avis. […] M. de Voltaire, qui s’intéressoit à la gloire de l’académie, crut qu’elle alloit directement contre ses droits, qu’elle s’avilissoit & oublioit le plus beau partage des gens de lettres, la liberté & l’égalité. […] Il se récria sur ce qu’on interprêtoit mal ses pensées, & sur ce qu’on empoisonnoit la réflexion suivante : « Le roi de Prusse a comblé de bienfaits les gens de lettres, par les mêmes principes que les princes Allemands comblent de bienfaits un bouffon & un nain. » Toutes ces tracasseries étoient faites & tous ces pièges tendus, sans que M. de Voltaire se doutât de rien. […] C’est ainsi que M. de Voltaire, dans son séjour à Léipsig, malgré tous ses maux, & malgré les menaces du géomètre, soutenoit le ton qu’il avoit pris : mais il fut saisi de douleur & d’étonnement, lorsqu’il lut ces paroles rapportées dans une gazette d’Utrecht, & qu’on disoit faussement lui avoir été adressées par le roi de Prusse : « Il n’étoit pas besoin de faire le malade pour obtenir votre congé… Je hais les gens à cabale. » Etant encore à Léipsig, il fut invité, par la plupart des princes d’Allemagne, à venir à leur cour.

223. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

C’est après avoir parlé du ciel, qu’il ferme sa porte a ces pauvres gens. […] Quelques gens de goût ont blâmé, avec raison, ce me semble, la femme en danger d’être battue ; le récit qui en fut fait en une farce ; tout cela est froid ; mais La Fontaine, après cette petite chute, se relève bien vite. […] Pauvres gens ! […] Mais dans cette fable-ci, il y a un des deux amis qui est un avare ou un ambitieux ; et ces gens-là sont aimés froidement et aiment encore moins.

224. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Il y a un Roman plus ancien que ceux du prolixe la Calprenede ; & qui quoique plus négligé pour le style, fait encore les délices de plusieurs gens de goût. […] Les gens de bien auroient désiré qu’il eût plus respecté la vertu dans son Sopha, dans son Tanzaï ; & les gens de goût voudroient plus d’action & de variété dans ses Romans. […] Il est le modèle des gens de lettres qui vivent dans le monde par son caractère de droiture & de franchise, par sa noble liberté avec les Grands, par sa douce familiarité avec les petits, par sa sensibilité pour ses amis, & par toutes les qualités du galant homme, de l’honnête homme.

225. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Mais les autres danses des anciens, où l’on imitoit l’action des gens qui ne sautent pas, et, pour parler à notre maniere, qui ne dansent point, n’étoit qu’une imitation des démarches, des attitudes du corps, des gestes, en un mot de toutes les démonstrations dont les hommes accompagnent ordinairement leurs discours, où dont ils se servent quelquefois pour donner leurs sentimens à comprendre sans parler. […] Suetone dit en parlant de Caligula, qui aimoit la saltation avec fureur. " ce prince aïant mandé au palais plusieurs personnes des plus considerables de l’état, il entra brusquement vétu d’un habit à la grecque, et qui lui venoit jusques sur les talons, dans le lieu où ses gens les avoient fait entrer, et là il fit devant eux, au bruit des instrumens les gestes d’un monologue, après quoi il se retira sans leur avoir dit un mot. " ce que dit Quintilien en parlant de la necessité d’envoïer les enfans dans les écoles où l’on enseignoit l’art de la saltation, suffiroit seul pour persuader que l’art du geste en étoit la principale partie. […] Ciceron veut bien qu’un homme qui se destine à parler en public tâche d’acquerir la grace et l’air aisé de Roscius, mais il ne veut pas qu’il moule son geste sur le geste qu’on enseignoit aux gens de théatre. […] Cependant les gens de bon goût désapprouvoient cette pratique.

226. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

* *  * Vous avez bien souvent entendu dire — avec un étonnement plein d’amertume — par les gens qui viennent d’éprouver un cataclysme dans leurs affections : « On n’est jamais trahi que par ses amis. » L’étonnement de ces gens-là m’étonne. […] Les mauvaises habitudes Il y a des gens qui passent leur vie à pester contre les mauvaises habitudes ; Vous préférez le havane au cigare d’un sou, — mauvaise habitude. […] La municipalité de Poitiers avait espéré qu’en plaçant… — C’est bien : j’y songerai, dit l’Empereur, qui n’avait cependant pas un faible pour les gens d’imagination.

227. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Mais les gens qui reviennent du Schopenhauer sont comme les gens qui reviennent des Grandes-Indes, et qui se mettent à les raconter… Or, comme on disait autrefois, parmi les romantiques, quand les classiques racontaient les choses les plus intéressantes de leurs tragédies, — par exemple, la mort d’Hippolyte ou les empoisonnements, de Locuste : — on aimerait mieux voir. […] Son plus grand poète, Goethe, est ennuyeux à faire périr d’étisie les gens obèses. — L’aigle noir de Russie a deux têtes. […] On a vu Jean-Paul et Henri Heine, Henri Heine surtout, qui eût peloté avec Voltaire, et qui vaut, à lui seul, toute une génération de gens d’esprit !

228. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Point d’entassement, point de figures, point de pathos, point d’émotion empruntée, disoit-il ; ou, si l’on y a recours, c’est se rendre indigne de sa profession, c’est gâter sa propre cause & supposer les juges malhonnêtes gens. […] Mais Guéret, persuadé qu’il avoit raison, enthousiaste comme le sont tous les gens à systême, n’abandonna pas le sien : il alla toujours en avant. […] Quantité de gens, qui s’étoient appliqués d’abord à la littérature, & qui ont voulu ensuite suivre le barreau, ont été forcés de renoncer à leur entreprise.

229. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Tout le monde sent qu’il y aurait un parfait ridicule à venir dire aux gens : Voilà un livre que je vous offre : vous pouvez le lire et non le juger. […] Oter aux jeunes gens la permission de s’inspirer, c’est refuser au génie la plus belle feuille de sa couronne, l’enthousiasme ; c’est ôter à la chanson du pâtre des montagnes le plus doux charme de son refrain, l’écho de la vallée… « Il m’a toujours semblé qu’il y avait autant de noblesse à encourager un jeune homme, qu’il y a quelquefois de lâcheté et de bassesse à étouffer l’herbe qui pousse, surtout quand les attaques partent de gens à qui la conscience de leur talent devrait, du moins, inspirer quelque dignité et le mépris de la jalousie. » Nous avons tenu à donner ces fragments dont la finesse et la vérité sont aujourd’hui trop oubliés des critiques et des auteurs. […] Les véritables gens de lettres gémissent envoyant cette nuée de jeunes auteurs qui auraient peut-être du talent s’ils avaient quelques études.

230. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Lépicié veut placer ces trois tableaux en enseigne à sa porte, je lui garantis la pratique de tous ces gens qui chantent dans les rues, montés sur des escabeaux, la baguette à la main, à côté d’une longue pancarte attachée à un grand bâton, et montrant comment le diable lui apparut pendant la nuit, comment il se leva et s’en alla dans la chambre de sa femme qui dormait. […] Si vous en exceptez le clair de lune de Vernet que beaucoup de gens ont admiré sur parole, il n’y en a peut-être pas un autre qui ait arrêté autant de monde et qu’on ait plus regardé que celui-ci. […] Le mérite d’une esquisse, d’une étude, d’une ébauche, ne peut être senti que par ceux qui ont un tact très-délicat, très-fin, très-délié, soit naturel, soit dévelopé ou perfectionné par la vue habituelle de différentes images du beau en ce genre, ou par les gens mêmes de l’art.

231. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

On va voir en foule un spectacle des plus affreux que les hommes puissent regarder, je veux dire le supplice d’un autre homme qui subit la rigueur des loix sur un échaffaut, et qu’on conduit à la mort par des tourmens effroïables : on devroit prévoir néanmoins, supposé qu’on ne le sçut pas déja par son experience, que les circonstances du supplice, que les gemissemens de son semblable feront sur lui, malgré lui-même, une impression durable qui le tourmentera long-tems avant que d’être pleinement effacée ; mais l’attrait de l’émotion est plus fort pour bien des gens que les reflexions et que les conseils de l’experience. […] Les hommes riches et ruinez par le jeu passent en nombre les gens robustes que les medecins ont rendus infirmes. […] Bien des gens croïent que lui seul il empêche plus de mauvaises actions que toutes les vertus.

232. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Ils sont de ces gens dont Ciceron dit : quorum opera non quorum artes emuntur. […] Voilà pourquoi tant de gens, qui raisonnent si bien sur la guerre dans leur cabinet, la font si mal en campagne. Voilà pourquoi tant de gens vont à la guerre toute leur vie sans se rendre capables d’y commander.

233. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

… … J’ai ri ; me voilà désarmé… Voilà de vos arrêts, messieurs les gens de goût ! […] Si vous voyez comme les gens de votre robe ont l’air édifiant ! comme les gens de Cour Pont important ! […] Rousseau, fâché comme tout94, l’a mandé à nombre de gens à Paris […] Une justice que les gens du métier lui doivent, c’est que, s’il ne craint pas d’être rude comme versificateur, il n’est jamais banal ; il sort du cercle usé ; il aborde de front les rimes quelconques et soutient hardiment la gageure.

234. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sardou, Victorien (1831-1908) »

. — Les Gens nerveux (1859). — Les Pattes de mouche (1860). — Piccolino (1861). — La Perle noire (1862). — Les Ganaches (1862). — Les Femmes fortes (1862) […] Il semble qu’il soit sorti meurtri de sa lutte avec cette pieuvre énorme et horrible appelée le Travail littéraire, et ses beaux cheveux sont de ceux qui consolent les gens chauves d’être chauves, car on voit que cette noire, lourde, charmante et fabuleuse chevelure le dévore !

235. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 180-182

Par-là ce Roman est lu encore aujourd’hui avec un plaisir égal par les Gens sensés & par les Esprits frivoles. […] Comme il ne pouvoit entendre qu’à la faveur d’un cornet : « Voilà mon bienfaiteur , dit-il un jour à M. l’Abbé de Voisenon en le lui montrant ; je vais dans une maison, j’y trouve des visages nouveaux ; persuadé qu’il s’y rencontre des gens d’esprit, je fais usage de mon cornet ; je vois que ce ne sont que des sots, aussi-tôt je le resserre en disant, je te défie de m’ennuyer ».

236. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

C’est en gens d’esprit qu’il fallait les faire parler. […] Les caractères ne valent même pas ceux de Térence ; ils ne parlent ni selon la nature, ni en gens d’esprit. […] Lamotte put montrer des lettres signées de Fénelon, où celui-ci louait son entreprise, accusait notre versification, blâmait les gens de goût qui se moquaient de Lamotte, et toutefois se taisait sur ses vers. […] Aussi, bon nombre de gens s’y laissèrent-ils prendre. […] De là la vanité de gens qui se jugent moins par leur conscience que par le bruit qu’ils font, et les jalousies d’écrivains qui se disputent les bénéfices de ce bruit.

237. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Je n’ai écrit, ni pour les furieux, ni pour les sors, ni pour les gens de mauvaise foi ; je n’ai ambitionné que le suffrage des Ames honnêtes, & j’ai eu le bonheur de l’obtenir. […] Je me suis toujours douté que les Gens à intrigues ne me pardonneroient pas un Ami tel que vous : c'est pourquoi j'ai eu la discrétion de ne parler ni de notre liaison, ni des Livres que vous avez eu la bonté de me prêter. […] M. d'Alembert, que vous m'avez appris vous-même à apprécier, ne se seroit-il reconcilié avec vous, que pour avoir le droit d'éloigner de votre Société les Gens de Lettres qui ne fléchissent pas sous son despotisme ? […] Ces heureuses épithetes voltigent sur le bec acéré des Philosophes ; les perroquets de la Secte les répetent dans les sociétés, & les bonnes Gens croient tout cela. […] Si je le tenois, disoit derniérement un Marquis Bel-Esprit-Philosophe, qui n’est brave que contre les gens d’Eglise, & qui figure dans la derniere édition ; si je le tenois, comme je…..

238. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

J’avais à ce qu’il paraît hier, chez moi, au milieu du tout-Paris, des gens dûment brouillés, et qui ne consentiraient à aucun prix à se rencontrer dans le même salon. […] Je me sens le besoin de vivre jusqu’à l’heure du spectacle, avec des gens qui m’aiment. […] Vraiment, il y a une imbécillité dans l’exaspération de ces gens, tout à fait incompréhensible. […] Et c’est le peuple et la jeunesse qui, à l’encontre des gens éclairés, intelligents, devinent les gouvernements et les grands hommes de l’avenir. […] Et l’épatant, c’est que l’on voit là, les gens y manger avec le respect pour les choses des murs, qu’ils auraient, si on les faisait dîner dans la galerie d’Apollon.

239. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 115-117

Déja il s’apprêtoit à battre ces pauvres gens, il ne se pouvoit plus retenir ; on vient au secours, & l’affaire n’alla pas plus loin. […] Nous ignorons s’il est vraiment un des parens de cet Auteur ingénieux & ordurier ; mais nous pouvons assurer qu’il n’a rien de commun avec lui que la licence scandaleuse de ses Vers, plus pitoyables encore que sa Prose ; ce qui a fait dire à bien des gens, qu’il eût mieux valu, pour sa gloire, qu’il se fût uniquement attaché à la Médecine, où il auroit pu cacher plus facilement ses fautes.

240. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Les productions nouvelles sont d’abord apprétiées par des juges d’un caractere bien different, les gens du métier et le public. […] Le public demeure indécis sur la question, s’il est bon ou mauvais à tout prendre, et il en croit même quelquefois les gens du métier qui le trompent, mais il ne les croit que durant un temps assez court.

241. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

En Bretagne, près de Tréguier et de Lannion, dit le bailli de Mirabeau50, « tout l’état-major de la garde-côte est composé de gens de qualité et de races de mille ans. […] Des commis, des gens « de plume et de robe », des roturiers sans consistance font la besogne ; nul moyen de la leur disputer. […] Entre Strasbourg et Besançon, pas une gazette ; « à Besançon, il n’y a que la Gazette de France, pour laquelle un homme qui a le sens commun ne donnerait pas un sou dans le moment actuel, et le Courrier militaire, vieux de quinze jours ; des gens bien mis parlent des choses qui sont arrivées il y a deux ou trois semaines, et leurs discours démontrent qu’ils ne savent rien de ce qui se passe aujourd’hui ». À Clermont, « je dînai ou soupai cinq fois à table d’hôte avec vingt ou trente négociants, marchands, officiers, etc. ; à peine un mot de politique dans un moment où tous les cœurs devraient battre de sensations politiques ; l’ignorance ou la stupidité de ces gens-là est incroyable. […] par allusion aux ravages que ces animaux faisaient dans leurs terres. » Ainsi, aux yeux de leurs sujets, ils sont des bêtes fauves. — Voilà où conduit le privilège détaché du service ; c’est ainsi qu’un devoir de protection dégénère en un droit de dévastation, et que des gens humains et raisonnables agissent, sans y penser, en gens déraisonnables et inhumains.

242. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Quand il parlait pour son compte dans ses missions, dans ses instructions pastorales, dans ses homélies de diocèse, je ne fais nul doute que Fénelon ne fût arrivé à une sorte de perfection, délicieuse pour les gens d’esprit qui l’écoutaient, en même temps que salutaire et persuasive pour tous. […] Ce pourrait bien être de lui et de son exemple que Mme de Grammont était préoccupée en 1686, et Fénelon lui répondait : Ce qui me fâche le plus dans ces affaires malheureuses, c’est que le monde, qui n’est que trop accoutumé à juger mal des gens de bien, conclut qu’il n’y en a point sur la terre. […] Ne savait-on pas que les hommes sont fragiles, que le monde est contagieux, que les gens faibles ne peuvent se conserver qu’en fuyant les occasions ? […] Souvenez-vous-en bien, et n’allez plus gronder contre les gens qui me gardent comme une relique. » Fénelon n’entra donc jamais très avant ni d’une manière parfaitement suivie dans la direction de Mme de Grammont ; ses conseils tournent dans un même cercle et ne se renouvellent que par l’agrément d’expression qu’il y met : « Surtout, madame, sauvez votre matin, et défendez-le comme on défend une place assiégée. […] Si peu qu’il reste de désirs et de sensibilité d’amour-propre, on a toujours ici de quoi vieillir : on n’a pas ce qu’on veut, on a ce qu’on ne voudrait pas ; on est peiné de ses malheurs, et quelquefois du bonheur d’autrui ; on méprise les gens avec lesquels on passe sa vie, et on court après leur estime.

243. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

D’autres se sont intitulés bourgeois de Paris, et je ne prétends pas disputer à ces gens d’esprit et de haute notoriété leur qualification, leur personnalité saillante et reconnaissable ; il y a place pour plus d’un dans la grande ville. Mais, en fait de gens qui raisonnent d’art et qui écrivent, M.  […] Delécluze, connu des gens de lettres et des artistes ne l’est guère du public ; car, bien qu’il écrive depuis tant d’années, il n’est pas, je le répète, un de ces écrivains qu’il suffit de nommer ; il n’a jamais eu de ces rencontres brillantes de plume qui éclatent aux yeux de tous sous forme de talent. […] a exercé et exerce encore cette sorte de magistrature au Journal des Débats ; qui y a défendu les traditions de l’École de David contre toutes les tentatives d’innovation et tous les assauts du romantisme ; qui est un ennemi déclaré du gothique qui est très-consciencieux, assez bienveillant pour les personnes, sans quartier sur les principes ; qui a beaucoup causé de toutes choses autres encore que beaux-arts ; qui a eu de bonne heure l’habitude d’écrire les conversations des gens d’esprit qui venaient chez lui ou qu’il rencontrait dans le monde ; qui a des masses de ces procès-verbaux et de ces minutes d’entretiens qui seront, un jour plus intéressants pour nos neveux que les plus élégants rapports académiques, et où les pauvres d’idées en quête d’érudition facile iront puiser comme dans les papiers de Conrart. — M.  […] Puis, lorsqu’en avançant dans sa lecture il en fut à l’autre passage sur Mme de Noailles et son joli cou qu’il supposait soumis à la guillotine, je laisse à penser si cela ne répandit pas un nuage sur le front de gens dont les proches y avaient en effet passé et avaient eu le cou coupé tout de bon.

244. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Cet établissement illustré par le souvenir de Jules Vallès et de Séverine qui l’avaient fréquenté, était demeuré, par tradition, hospitalier aux étudiants et aux gens de lettres. […] Là, ils avaient licence de s’isoler de la clientèle ordinaire, clientèle assez mêlée et aussi peu experte en bonnes façons qu’en beau langage, à l’exception toutefois d’un cocher de fiacre, le père Moore, qui, piqué de la tarentule des vers, usait de la complicité de la poste, sans discrétion, pour bombarder de ses élucubrations les gens célèbres. […] Il s’amuse à faire bondir les gens sous ses coups de cravache. […] Quand après avoir semé l’or sur son passage, il quittait les gens en déclarant : « Je pense les avoir bien démoralisés », il ne faut pas voir dans cet aveu cynique le plaisir diabolique de corrompre. La véritable signification en est : « J’ai donné à ces gens infatués d’orgueil et d’eux-mêmes, une leçon d’humilité.

245. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

ces gens-là, tout le monde vous les abandonne ; fustigez les paillasses du Romantisme tant que vous voudrez, personne ne s’y oppose ; mais ne concluez pas de leurs pantalonnades de style au principe mauvais et à l’abolition urgente du Romantisme ! […] Il y a des gens qui se bouchent les oreilles, de parti-pris. […] Tu déclares, en te jouant, d’un air guillery, que tu t’es fait journaliste uniquement pour servir tes petites rancunes et frapper à tour de bras sur les gens qui ne t’apportent qu’une admiration contenue ! […] Les gens qu’on y voit n’ont rien volé à personne — pas même leur talent. […] Les provinciaux de Quévilly, gens timides, seraient capables de s’en formaliser. — Prie ton rédacteur en chef de se charger de cette besogne, ça vaudra mieux.

246. (1886) Le naturalisme

Notre temps n’est pas aussi positif que l’assurent des gens qui le regardent de haut. […] Nombre de gens même le préfèrent à Daudet. […] Je sais que beaucoup de gens demandent de leur prêter un roman d’Alarcon de préférence à ceux des autres auteurs. […] Il se compose de gens qui demandent au roman un honnête délassement et les clames en forment la majeure partie. […] Enfin, n’y a-t-il pas eu des gens qui m’ont demandé de leur prêter mes romans !

247. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Il semble vraiment qu’il n’y ait que faire d’encourager des gens qui déploient une si grande fécondité. […] On est heureux qu’il se trouve des gens de tant d’esprit pour la proclamer. […] Il n’y a pas grand mal à cela, disent certaines gens. […] Voilà des gens qui, Dieu merci ! […] Bien peu de gens disent tout simplement que M. 

248. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Ce n’est point là l’esprit d’une assemblée de gens de lettres, et l’academie ne tend à l’uniformité que par voye d’éclaircissement, et non pas par voye de contrainte. […] Bien des gens s’embarrassent du fonds de la question. […] Où avez-vous vû, me demande-t-elle, qu’il y ait eû des gens assez fous pour croire Homere pere du paganisme ? […] Nous discernons ce qui n’est que du peuple, d’avec ce qui appartient aux gens plus polis ! […] La plûpart des gens n’en ont que des idées confuses, et leur principe n’étant pas stable, ils n’en raisonnent que d’une maniere chancelante.

249. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Plusieurs amis, gens de choix, les attendaient à la taverne ; on se mit à table et la bonne humeur s’associa bientôt à la bonne chère. […] Les gens très sévères ne goûtent ni le style, ni la composition, ni les principes des feuilletons de M. Janin, les gens un peu frivoles raffolent du style, de la composition et des principes. […] Jules Janin ne fait pas de la critique comme les gens qui examinent, il en fait comme ceux qui, ayant grande envie de parler, ont besoin d’un prétexte. […] Il a beaucoup aimé André Chénier, et certes, il a eu raison ; mais ce poète charmant trompe aujourd’hui plus de gens qu’il n’en éclaire.

250. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Je dis là un grand mot, et qui sera cru de peu de gens ; il est ainsi néanmoins. […] Le mal ne va jamais plus outre, on n’en est point pis pour cela ; je parle de ceux qui ont cet honneur de pouvoir et devoir parler à lui… Quoi que ce soit, il sera loisible aux gens de bien, sous ce roi-ci, de penser librement ce qu’ils voudront, et de dire librement ce qu’ils auront pensé. […] Non, la conscience publique ne s’est point trompée, la reconnaissance nationale et populaire n’a point salué à faux le roi longtemps guerrier qui devint celui des laboureurs et des gens du plat pays, qui les releva de la ruine, réprima les brigandages, permit à tout gentilhomme ou paysan « de demeurer en sûreté publique sous son figuier, cultivant sa terre ». […] Le bétail était mené sûrement aux champs, et les laboureurs versaient les guérets pour y jeter les blés que les leveurs de taille et les gens de guerre n’avaient pas ravagés. […] On ne se plaignait point des impositions excessives ; chacun payait sa taxe avec gaieté, et je n’ai point de mémoire d’avoir ouï dire qu’alors un passage de gens de guerre eût pillé une paroisse, bien loin d’avoir désolé des provinces entières, comme il ne s’est vu que trop souvent depuis, par la violence des ennemis.

251. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Il n’était plus de mise chez les gens d’esprit, ni à la Renaissance ni au XVIIe siècle. En ce siècle de Louis XIV pourtant, Charles Perrault, chez nous, fit une chose considérable et neuve en réunissant dans une même publication les portraits des Hommes illustres dans les divers genres et en n’accordant pas plus de place dans ses notices aux grands de la terre, « aux hommes de la plus haute élévation », qu’aux gens de lettres, et à ceux-ci qu’aux artisans : c’est ainsi qu’on appelait encore ceux qui avaient excellé dans les beaux-arts. […] Il tenta en 1834 une entreprise qui ne réussit pas et ne. pouvait réussir, étant plus d’un artiste que d’un homme d’affaires, et qui, de si courte durée qu’elle ait été, eut pour effet de grever longtemps sa vie ; il voulut fonder un journal, une publication où il fût maître et chez lui, « et il commença le Journal des Gens du monde, recueil hebdomadaire, dans le genre de l’Artiste, et dont il ne parut qu’une vingtaine de numéros. […] Je lui ai entendu faire sur Balzac cette observation fine et juste : « Il va des gens qui ont peu d’esprit en leur nom ; — ainsi…, ; — ainsi Balzac lui-même : ils ont besoin, pour avoir tout leur esprit et toute leur valeur, d’être dans la peau d’un autre, d’être un autre31. […] En un mot, Gavarni résumant sa philosophie morale répéterait volontiers, pour son compte, avec ces deux bons vieux qui descendent de quelque barrière : « Vois-tu, Sophie, il n’y a que deux espèces de monde, les braves gens et puis les autres.

252. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Et sachez qu’il n’y eût si hardi à qui la chair ne frémit ; et ce ne fut une merveille ; car jamais si grande affaire ne fui entreprise de nulles gens, depuis que le monde fut créé. » Ne sent-on pas ici la joie de l’imagination que l’« aventure » ravit, avec cette excitation particulière qu’y ajoute la vanité d’avoir vu et fait ce qui n’a été vu ni fait de personne ? […] Déserteurs, traîtres, lâches, voilà ce qu’ils sont : des gens sans honneur enfin. […] Faits passés, depuis le commencement du monde, faits contemporains, jusqu’aux extrémités de la terre alors connue, on veut tout savoir, il se rencontre des gens pour tout écrire. […] Ayant une fois tâté de la croisade, il en a assez, et quand saint Louis reprend la croix et l’engage à faire de même, il répond, avec plus de sens que de zèle, que le meilleur moyen de servir Dieu, pour un seigneur, c’est de rester sur ses terres, et de protéger ses gens. […] En 1315, à quatre-vingt-onze ans, il écrivit à Louis X une lettre qu’on a conservée ; il promet de rejoindre bientôt avec ses gens le roi qui marche contre les Flamands.

253. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Il faut que M. de La Harpe ait un secret particulier pour se faire plus d’ennemis qu’un autre. » En tête de sa seconde tragédie, Timoléon, lorsqu’il l’imprima, La Harpe se crut obligé de mettre une justification expresse sur les couplets de collège qui lui étaient imputés à crime, et il ajouta quelques réflexions sensées qui nous peignent très bien le moment où il parut : La mode dominante, disait-il, est aujourd’hui d’avoir de l’esprit… Tandis qu’un petit nombre d’écrivains illustres honore et éclaire la nation, un bien plus grand nombre d’écrivains obscurs, possédés de la manie d’être littérateurs, sans titres et sans études, ont fait une espèce de ligue pour se venger du public qui les oublie, et des véritables gens de lettres qui ne les connaissent pas. […] J’en dirai ce que j’ai dit des vers de Gilbert et de Le Brun contre La Harpe : il est fâcheux à lui d’y avoir prêté, et jamais un grand critique ni un esprit judicieux du premier ordre ne s’arrangera de telle sorte d’avoir ainsi les rieurs, gens d’esprit, contre soi. […] Bons et commodes encore à consulter pour les gens du métier, le sel en est évaporé il y a longtemps. […] La compagnie était nombreuse et de tout état, gens de cour, gens de robe, gens de lettres, académiciens, etc.

254. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Ces gens qui se battaient, était-ce par vengeance, par jalousie, par point d’honneur ? […] L’état honnête du mariage mérite-t-il qu’on le livre à la moquerie des gens sensés ? […] « C’est un vilain abus, et les gens de police « Nous devraient bien régler une telle injustice. […] Trop de gens sont intéressés à la trouver belle. […] Nombre de gens zélés en feraient autant s’ils comptaient ainsi sur la valeur du droit et de l’équité.

255. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

Il est des gens qui remuent toujours, qui ne savent pas se tenir tranquilles, qui gâtent, en se mêlant d’agir, toutes les bonnes grâces de la fortune, amoureuse parfois des endormis ! Un peu de modestie sauverait ces gens-là ; mais, enfants gâtés, ils ont l’aisance, l’importune aisance qui touche à tout. […] Les gens qu’on ne voit pas toussent un peu pour avertir de leur présence.

256. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Elle avait une cour de jeunes artistes à sa suite et les gens célèbres se rangeaient pour la saluer avec empressement. […] Luchet annonce divers ouvrages qui tardent à paraître ; il passe pour paresseux comme le sont, parmi les hommes de talent, beaucoup de gens de lettres. […] Il leur fait en croquant les gens beaucoup d’honneur. […] Planche n’a même pas de manières ; il tutoie tous les gens avec lesquels il a dîné une fois. […] Ce que j’ai dit, c’est ce que j’ai vu le plus souvent, c’est ce que j’ai entendu, c’est ce qui m’a été rapporté avec les gens sous les yeux.

257. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Je répugne à croire que tout ce que Rabelais a donné durant sa vie aux devoirs de sa profession religieuse ait été de pure comédie, et que le bon curé de Meudon, qui, dans sa vieillesse bienfaisante, dit-on, et honorée, apprenait le plain-chant aux enfants de sa paroisse et la lecture aux pauvres gens, n’ait été qu’un incrédule enseignant une superstition. […] Il parle quelque part des gens qui, de son temps, notaient des offenses à Dieu et au roi dans ses follastries joyeuses, et qui « interprètent, dit-il, ce que, à poine (sous peine) de mille foys mourir, si autant possible estoyt ne vouldroys avoir pensé comme qui · pain interprète pierre ; poisson, serpent ; oeuf, scorpion. » Nul doute que Rabelais n’ait eu en vue les hommes et les abus de son temps, et que, s’il a songé à son amusement, ses contemporains n’en aient fait les frais mais qu’il y a loin de là à faire la guerre à outrance à son siècle, comme l’a dit je ne sais lequel de ses Œdipe ! […] Or, c’est proprement la part de la Renaissance dans l’ouvrage de Rabelais ; ce sont toutes ces vérités générales sur l’homme, sur la société, et, comme dit Rabelais, sur l’état politique et sur la vie économique ; ce sont mille traits de lumière sur notre nature, qui jaillissent du milieu de cette ivresse, comme ce bon sens de hasard qui échappe aux gens pris de vin ; ce sont mille perles semées dans ce fumier, et dont trois siècles n’ont pas encore terni l’éclat. […] … Il ayme gens lettrés En grec, latin et françois bien estrez A deviser d’histoire ou theologie, Dont tu es l’ung, car en toute clergie Tu es expert… 44. […] Cette abbaye, flanquée aux quatre angles de quatre grosses tours bâtie en forme de forteresse avec chambres surbaissées, comme dans les donjons, qu’il fait habiter par des gens de goût et de savoir, qu’il orne d’une bibliothèque, de galeries de peintures, où il établit des lices à l’antique, un hippodrome, un théâtre, des jeux de paume et de grosse balle, c’est une naïve image du temps où vivait Rabelais.

258. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Pour des nobles, gens de salons, une belette, un rat, ne sont que des êtres roturiers et malpropres. […] En effet, c’est le sentiment qui l’attache à ses pauvres héros à quatre pattes, petites gens qu’on dédaigne et qu’on rebute. […] Il s’était amusé à suivre l’enterrement d’une fourmi jusqu’à la sépulture, puis il avait reconduit les gens du cortège jusqu’à leur trou. […] S’il friponne les gens et leur débite des contes, c’est par naturel, pour son plaisir, par besoin d’imagination, plutôt qu’avec calcul et pour son profit. […] Est-ce ainsi que l’on traite Les gens faits comme moi ?

259. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Je suis allé trouver mon vieil ami de Lucques, le fameux docteur Bernabo, qui, quoique retiré de ses fonctions d’avocat du duc, donne encore des consultations gratuites aux pauvres gens de Lucques et des villes voisines. […] La meilleure charité à faire aux braves gens, c’est de démasquer un coquin comme ce Nicolas del Calamayo avant de mourir, et de lui arracher des ongles ses victimes. Allez, frère Hilario, et mettez-vous seulement un sceau de silence sur votre barbe ; qui sait si, en sauvant le patrimoine de ces pauvres gens, nous ne parviendrons pas aussi à découvrir quelque embûche tendue à la vie du criminel, peut-être innocent, qu’on va juger sur de si vilaines apparences ! […] pourra peut-être intéresser pour toi les braves gens ; et qui sait encore s’il ne pourra pas arriver jusqu’à monseigneur le duc et t’obtenir la grâce de la vie ? […] Ce fut si fort et si long, monsieur, que le bargello me dit le lendemain : — Tu as donc bien peu de cœur, Antonio (c’est ainsi qu’il m’appelait), tu as donc bien peu de cœur de jouer des airs si gais aux oreilles de ces pauvres gens des loges qui pleurent leurs larmes devant Dieu, et surtout aux oreilles de l’homicide qui compte ses dernières heures sur la paille de son cachot !

260. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

En ce temps-ci, les ministères me semblent avoir quelque chose des grands appartements d’hôtel garni, où l’on sent que les gens passent et ne demeurent pas. […] Les domestiques tristes, ennuyés, compassés, apportent dans leur service un certain dédain des gens qu’ils servent : dédain qui me fait plaisir, comme une manifestation réactionnaire. […] … Oui quand il ne pourra plus cracher, il sera nettoyé. » Il est question d’une espèce de maladrerie de banlieue, où demeurent tous ces estropiés, et où, un vieux père Romain vient faire, pour un sou, les lits des gens qui ne peuvent se lever. Il était aussi question de travaux, je ne sais lesquels par exemple, de travaux que pouvaient faire des gens n’ayant presque plus l’usage de leurs membres. […] * * * — Aujourd’hui, au dîner Brébant, devenu une espèce d’antichambre de ministère, c’est autour de moi un susurrement à voix basse de gens qui se demandent et se promettent des places pour les amis.

261. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

. — « Mais, nous dit-on, n’y a-t-il point parmi les rangs des Romantiques des gens à idées extravagantes, à imagination déréglée, dont les compositions ne ressemblent à rien et dont le style est alternativement barbare et ridicule ?  […] n’avez-vous pas vous-mêmes dans vos rangs classiques, des gens dont le style et les compositions ressemblent à tout, qui ont des idées… et une imagination… c’est-à-dire, qui n’ont point d’idées ni d’imagination ? […] Beaucoup de gens s’en sont contentés ; on se contenterait à moins. […] C’est aux gens de l’art à éclairer et à guider le public. […] Du reste, il n’est pas question de vouloir détrôner nos grands poètes au profit d’un usurpateur, comme quelques gens de lettres feignent de le craindre.

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