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29. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Guizot ne pose la question chrétienne comme elle doit être posée de nos jours. […] Guizot croit pouvoir établir démonstrativement ces trois propositions qui composent toute son apologétique chrétienne : 1° Il y a des problèmes naturels et universels qui se posent nécessairement dans toute âme humaine ; 2° la science ne résout pas ces problèmes ; 3° la religion, c’est-à-dire le christianisme, les résout. […] Quels sont ces problèmes, aussi vieux que l’humanité, aussi répandus quelle sur la surface du globe, problèmes que se pose inévitablement chacun de nous aussitôt qu’il commence à penser ? […] L’école positiviste, par exemple, croit qu’il n’y a pas lieu de les poser, parce que nous n’avons aucun moyen de les résoudre. […] Ainsi tous les systèmes de philosophes mutilent la nature humaine, pas un seul ne résout les problèmes posés par le genre humain.

30. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

C’est l’amour pur de la science qui m’a fait briser les liens de toute croyance révélée, et j’ai senti que, le jour où je me suis proclamé sans autre maître que la raison, j’ai posé la condition de la science et de la philosophie. […] Ses vérités acquises ne sont pas de lourds théorèmes qui viennent poser à plein devant les esprits les plus grossiers. […] Ce n’est ni par Oui, ni par Non, qu’il résout les problèmes délicats qu’il se pose. […] Si l’orthodoxie est immuable, c’est qu’elle se pose en dehors de la nature humaine et de la raison. […] La loi qu’on devrait poser à la nature humaine ne serait plus alors de porter à l’absolu toutes ses puissances ; la civilisation aurait son maximum, atteint par un balancement de contraires, et la sagesse serait de l’y retenir.

31. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

La question ne se posait guère ; nous avions pris l’habitude d’écouter nos parents et nos maîtres. […] Mais poser qu’il en est effectivement ainsi serait fausser la théorie de l’obligation. […] Ceux-là vont tout droit se poser sur un objet qui les attire. […] A vrai dire, aucun philosophe ne peut s’empêcher de poser cette nécessité d’abord ; mais le plus souvent il la pose implicitement, sans le dire. Nous l’avons posée en le disant.

32. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Et c’est pour cela que sur cette question de Voltaire posée hier, posée aujourd’hui, et que, n’en doutez pas ! on posera encore d’ici longtemps, les gens d’esprit, qui voient de plus haut que leur esprit même, doivent se montrer implacables, inexorables, inflexibles.

33. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Aussi, en voyant les derniers faits qui se sont produits et qui semblent avoir posé eux-mêmes les questions à la science désorientée et muette, il a pensé que l’heure était venue d’une mise en demeure solennelle de cette science beaucoup trop… discrète, et il en a pris l’initiative. […] Et cependant il était temps, il était temps pour tout le monde, et pour les hommes religieux, et pour les philosophes, et pour le public, que les questions fussent nettement et carrément posées. […] L’auteur des Esprits et de leurs manifestations fluidiques a fait davantage : il les a implicitement résolues ; mais n’était-ce pas la meilleure manière de les poser ? […] Quoiqu’il en puisse être à cet égard, nous, qui sommes de la religion de l’auteur du mémoire, nous constatons du moins pour le catholicisme cet honneur et cet avantage que c’est lui qui pose les questions.

34. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Certes, Mme Delphine Gay valait mieux avec la spontanéité de sa jeunesse, travaillée déjà, car elle a toujours un peu posé, la Muse de la patrie, mais pas autant que quand elle eut un salon, ce fameux salon vert-de-mer où ce teint de blonde assassinait les brunes, ses amies, idée de femme que je trouve très jolie, et que je ne lui reproche pas, comme je lui reproche d’y avoir trop posé, dans ce salon, en Mme de Staël. Du reste, c’était le temps de la pose. […] C’est cette loi qu’il faut dégager… Née pour faire des choses très-différentes de celles que nous avons à faire dans la vie, — je ne voudrais pas écrire ce mot d’inférieure qui fait cabrer les amours-propres, — mais posée, dans la hiérarchie sociale et dans la famille, à une autre place que nous, la femme est et doit être le plus transitoire, le plus éphémère de tous les poètes, tandis que chez l’homme, au contraire, la poésie s’exalte par la vieillesse et atteint un degré sublime.

35. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Le lyrisme qui nous prend, est celui où transparaît sans cesse l’universel : il trouve au fond des tristesses et des désirs de l’individu, il aperçoit à travers les formes multiples de la nature, il pose et poursuit partout les problèmes de l’être et de la destinée. […] Mais il n’y avait pas d’école romantique : c’étaient deux manifestations isolées du génie poétique, et aucun des deux poètes, à cette heure, pas même Vigny, ne songeait à se poser en théoricien novateur ou révolté. […] Il se pose entre les deux partis, se contentant d’affirmer, après Staël et avec Villemain, que la littérature est l’expression de la société. […] Il se déclare seulement dans sa Préface de 1826, où il fait une sortie contre les limites des genres, revendique le nom de romantique, attaque l’imitation, et, demandant à l’art d’être avant tout inspiration, pose la formule de la liberté dans l’art 724. […] Avec un grand fracas de formules hautaines, et de métaphores ambitieuses, à travers de prodigieuses ignorances et des audaces inouïes d’affirmation arbitraire, faisant défiler magnifiquement tous les âges, et se grisant de la couleur ou du son des noms propres, Hugo posait l’antithèse du beau et du laid, du sublime et du grotesque ; et, en les opposant, il les unissait dans l’art.

36. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Par ce mot attitude, et faute d’un autre, je veux désigner la pose stable et harmonieuse ; composée, certes, de traits subjectifs, elle nie chacun d’eux en leur opposant leur propre unité par la proportion. […] —  Il fallait étudier avec plus de soin la Figure, et pour y parvenir ils l’arrêtèrent glacée en une pose sculpturale, complétant ainsi la Poésie selon le mode exclusif de l’espace. […] Il le faut avouer, elle paraît avoir acquis les mouvements sans en ordonner jusqu’ici l’harmonie avec assez de continuité ou de précision, et trop souvent encore les poètes nouveaux ont oublié la puissance inattendue que peut donner à telle page une grande pose immobile. […] Henri de Régnier établit souvent la pose statique en dominatrice jalouse. […] Vielé-Griffin s’apparentent de près aux autres caractères de leur art : l’élégance, sœur jumelle de la grâce, est plus voisine du mouvement ; la noblesse, de la pose stable.

37. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Sur chacune de ces catégories, dont on pourrait étendre la liste, vous pouvez vous poser un certain nombre de questions. […] La première question qui se pose sur quelque objet que ce soit, est : Qu’est-ce que c’est ? […] Dans les degrés divers et les mille formes dont elle est susceptible, elle oscille entre deux limites : la recherche du caractère général, qui remet l’objet dans une série, dans un genre, et la recherche du trait particulier, qui l’isole et le pose seul, dans son individualité distincte, en face de tous les objets analogues. […] Après avoir fait un grand tour par la rue des Gazettes et la Kislowka, il rentra à l’hôtel, s’assit, posa sa montre devant lui, et attendit que l’aiguille approchât de midi.

38. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Question difficile à résoudre, mais qui se pose de soi dans tout esprit, en le lisant. […] Il se contente de poser, sans le prouver, le fait étrange de cette monarchie tempérée qu’il est assez difficile d’établir quand on a un Henri VIII ou une Élisabeth derrière soi, et il ne commence, à proprement parler, son histoire qu’à la date éclaircie et certaine de la vraie monarchie anglaise : la fin des Stuarts et du droit divin. […] Il est vrai que, sous le dernier des Stuarts, cette théorie, qui saignait encore du coup de hache qui avait fait tomber la tête de Charles Ier, fut définitivement mise en pièces, mais elle n’était pas tombée du ciel comme un bouclier salien, et, pour qu’elle se fût si souverainement posée, il fallait qu’elle répondît à des sentiments publics, à des idées qui avaient cours. […] Les choses en étaient arrivées, entre les Stuarts et l’Angleterre, à cette redoutable extrémité qu’il n’y avait plus entre eux que le choc des deux plus inflexibles et saintes choses qu’il y ait dans le cœur des hommes, — le choc de deux consciences qui, ni l’une ni l’autre, ne pouvaient céder… Lorsque les questions sont posées à cette profondeur d’âme, on n’attend pas longtemps le résultat.

39. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Dans l’introduction qui précède son ouvrage, par exemple, et dans laquelle il trace rapidement le chemin qu’a déjà parcouru la papauté, il glorifie Grégoire VII d’avoir posé avec un si grand caractère et une si longue prévoyance la question des investitures, qui n’était, en définitive, que la question pour laquelle on combattait hier encore, la question, sous une autre forme, de la séparation du spirituel et du temporel, de l’Église et de l’État. […] Un esprit aussi viril que celui de l’abbé Christophe devait moins se préoccuper d’une question toujours petite, comme l’amour-propre qui la pose et qui la discute… Je lui aurais voulu plus de largeur et plus de hauteur dans sa manière de sentir. […] J’admets pourtant une exception à cette règle, que j’ose poser comme absolue : c’est quand la réponse aux critiques, cessant d’être personnelle, implique l’idée du livre même et la creuse ou l’éclaire plus profondément en le défendant. […] Quoiqu’il se pose, comme je l’ai dit plus haut, plus en narrateur qu’en jugeur en narrateur à la manière des anciens et de Quintilien (ses maîtres, dit-il), et qu’il s’enferme, avec un mépris étonnant pour les idées générales, dans la rhétorique d’un païen, après deux mille ans de christianisme, il n’en juge pas moins le xve  siècle avec le bon sens, qui déduit, d’un moderne, et l’orthodoxie d’un prêtre.

40. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

À la page 216 de son second volume, il pose, toujours avec cet air gonflé d’un homme qui vient de découvrir toutes les Amériques de l’avenir… devinez quoi ? […] Malgré deux ou trois tirades de talent posées dans ce fouillis comme des bustes dans des encoignures, qui pourrait achever ce gros livre, s’il n’était un pamphlet ? […] Telle est la question qu’on se pose quand on vient de lire Proudhon. […] Il se trompait sur la science, qu’il croyait dans le progrès infini, comme Condorcet, qui posait que la science pouvait même supprimer la mort. […] Bonald, l’historique Bonald, sait où en poser le fondement, et Proudhon l’ignore.

41. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Un certain manque de littérature libre et générale se fait sentir dans cette suite de chapitres coupés, où il se pose plus de questions encore qu’il n’en résout. […] Combien de fois M. de Tocqueville ne s’est-il point posé cette question au sujet de son ami : Pourquoi n’écrit-il pas ? […] Quand il entreprend vers la fin de sa vie cet ouvrage de L’Ancien Régime et la Révolution, que de difficultés il se pose pour ses lectures dans un sujet si ouvert et si exploité (tome i, page 403) ? […] Il est évident que cet éminent esprit n’a pas fait jusqu’alors comme le commun des martyrs qui lit les ouvrages intéressants au fur et à mesure de leur publication, et que depuis 1825 il n’a pas lu, comme tous les jeunes gens de sa génération, au hasard et à tort et à travers (c’est la bonne méthode), cette quantité de mémoires et de documents qui ont successivement paru ; sans quoi il aurait ses premières couches et son fond de tableau déjà préparé, il ne se poserait pas toutes ces questions· préliminaires, il ne dresserait pas avec tant de peine tous ses appareils comme pour une découverte.

42. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Une fois posée cette notion de la horde ou société à segment unique — qu’elle soit conçue comme une réalité historique ou comme un postulat de la science — on a le point d’appui nécessaire pour construire l’échelle complète des types sociaux. […] Au surplus, nous n’avons pas à entrer dans ces détails, il nous suffit d’avoir posé le principe de la classification qui peut être énoncé ainsi : On commencera par classer les sociétés d’après le degré de composition qu’elles présentent, en prenant pour base la société parfaitement simple ou à segment unique ; à l’intérieur de ces classes, on distinguera des variétés différentes suivant qu’il se produit ou non une coalescence complète des segments initiaux. III Ces règles répondent implicitement à une question que le lecteur s’est peut-être posée en nous voyant parler d’espèces sociales comme s’il y en avait, sans en avoir directement établi l’existence. […] Néanmoins, nous ne nous arrêterons pas à les discuter, car ils ne répondent pas au problème posé dans ce chapitre.

43. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Ce livre d’un prêtre qui pose la nécessité d’une théocratie a été salué par tous les ennemis de la théocratie et des prêtres. […] Car voilà la question qu’un esprit plus méthodique et plus creusant que M. l’abbé Mitraud aurait posée à la première page de son livre, et qui, résolue, aurait éclairé toutes les autres. […] Mitraud pose la nécessité d’une théocratie, et les ennemis jurés de toute théocratie l’acclament ! […] Le même livre s’inscrit en faux contre la souveraineté politique de l’homme et contre la souveraineté philosophique de la Raison, et tous ceux qui veulent et posent dans leurs théories que les gouvernements personnels et hiérarchiques doivent être remplacés par des mécaniques sociales dont ils ont le devis tout fait dans leur poche, et les rationalistes de toute nuance, protestants, hégéliens, sceptiques, l’acceptent comme la dernière et la plus heureuse interprétation de l’Évangile des temps futurs !

44. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

L’idée de liberté étant ainsi définie, deux problèmes se posent pour le psychologue : 1° quelle est la genèse de cette idée ; 2° quels en sont les effets ? […] James pose mal la question, car il est clair qu’à l’objet pensé ou désiré il faut ajouter le sujet pensant et désirant, avec ses dispositions actuelles : il y a là deux termes également nécessaires. […] Voilà, selon nous, comment doit être posé le problème. […] Voilà comment nous concevons et posons le problème, avec la persuasion que toute autre manière de le poser est « simpliste », inexacte et illusoire. […] La question de causalité se pose nécessairement ici : il faut que le moi soit cause pour être libre.

45. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Venir après deux siècles s’interposer entre une maîtresse aussi subtile et aussi coquette d’esprit, aussi versatile de cœur que la sœur des Condé et des Conti, et un amant aussi fin, aussi délié, aussi roué si l’on veut, que M. de La Rochefoucauld ; prétendre sérieusement faire entre les deux la part exacte des raisons ou des torts ; déclarer que tout le mal est uniquement d’un côté, et que de l’autre sont toutes les excuses ; poser en ces termes la question et s’imaginer de bonne foi qu’on l’a résolue, c’est montrer par cela même qu’on porte en ces matières la ferveur d’un néophyte, qu’on est un casuiste de Sorbonne ou de cour d’amour peut-être, mais un moraliste très peu. […] Il avait pour principe « d’éviter surtout de parler de soi, et de se donner pour exemple. » Il savait que « rien n’est plus désagréable qu’un homme qui se cite lui-même à tout propos. » Il ne ressemblait point à ceux qui, en vieillissant, se posent avec vous en Socrates (je sais un savant encore5, et aussi un poète80, qui sont comme cela), vrais Socrates en effet, en ce sens qu’avant que vous ayez ouvert la bouche, ils vous ont déjà prêté de légères sottises qu’ils réfutent, se donnant sans cesse le beau rôle, que, par politesse, on finit souvent par leur laisser. […] Il se pose, il commence sa phrase, il s’arrête. […] Il pose alors ses principes, il établit ses divisions ; il considère, il tranche, il doute même quelquefois, tant il se sent à l’aise et sûr de lui-même. […] Si nous étions à l’hôtel Rambouillet, je poserais cette question : « Le livre de M. 

46. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Sully Prudhomme a cru devoir les faire suivre de quelques réflexions personnelles qui sont d’un grand intérêt à l’heure présente et permettent de poser le problème de la poétique comme il me semble possible de le poser. […] Mes habitudes intellectuelles m’éloignent des problèmes qui ne me semblent pas nettement posés. […] Je ne pourrai pas répondre directement aux questions précises qu’il me pose, et peut-être pourra-t-il croire que je me dérobe. […] Sully Prudhomme, qui a fait des mathématiques, l’obligent à poser les problèmes avec précision. […] Telle est la question décisive et fondamentale qui se pose.

47. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Le roman n’est-il pas advenu aujourd’hui à une élasticité telle que toute forme de projection littéraire s’y puisse poser ? […] Et il y a une incontestable pose dans le goût des femmes qui prétendent n’aimer plus Bourget. […] Est-ce que je pose pour le Goncourt de mon époque ?

48. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Oui vraiment c’est un art et un grand art que de poser le modèle ; il faut voir comme M. le professeur en est fier. Ne craignez pas qu’il s’avise de dire au pauvre diable gagé, Mon ami, pose-toi toi-même, fais ce que tu voudras ; il aime bien mieux lui donner quelque attitude singulière que de lui en laisser prendre une simple et naturelle. […] Mon élève ne reverra plus le modèle académique qu’une fois tous les quinze jours ; et le professeur abandonnera au modèle le soin de se poser lui-même.

49. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Or, c’est précisément la question française que nous voulons une dernière fois lui poser ! […] En vain, quand nous examinâmes son livre de l’Individu et l’État, lui avions-nous indiqué cet ensemble de faits, posés comme un intermédiaire entre l’État, qu’il ne précisait point, et l’individualisme, qu’il traitait à peu près (et avec raison) comme un tourbillon de poussière. […] Or, ici, la question de l’État, qui est toute la question de son livre, vient de nouveau se poser à propos du progrès, et si cette question, qui dévore tout, reste sans solution et sans lumière, elle projette la misère de son indécision sur toutes les idées de l’auteur : « L’État — dit-il — ne crée pas toujours le progrès, mais il peut le créer. » Et voilà que l’éternel embarras recommence !

50. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Que l’on considère, en effet, la pensée comme une simple fonction du cerveau et l’état de conscience comme un épiphénomène de l’état cérébral, ou que l’on tienne les états de la pensée et les états du cerveau pour deux traductions, en deux langues différentes, d’un même original, dans un cas comme dans l’autre on pose en principe que, si nous pouvions pénétrer à l’intérieur d’un cerveau qui travaille et assister au chassé-croisé des atomes dont l’écorce cérébrale est faite, et si, d’autre part, nous possédions la clef de la psychophysiologie, nous saurions tout le détail de ce qui se passe dans la conscience correspondante. […] Sans contester à la psychologie, non plus qu’à la métaphysique, le droit de s’ériger en science indépendante, nous estimons que chacune de ces deux sciences doit poser des problèmes à l’autre et peut, dans une certaine mesure, l’aider à les résoudre. […] Bien des problèmes qui paraissent étrangers les uns aux autres, si l’on s’en tient à la lettre des termes où ces deux sciences les posent, apparaissent comme très voisins et capables de se résoudre les uns par les autres quand on en approfondit ainsi la signification intérieure.

51. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Roussel commence par causer affaires ; puis il s’avance, il s’insinue, il tâtonne ; il n’offre pas Caliste tout d’abord, mais il la montre de loin, dans la perspective, gracieusement posée sur le million qui lui sert de piédestal. […] le bourgeois se risque ; il pose sa fille sur la table, la fait sonner, comme un sac qui vient de la Banque, et l’offre à brûle-pourpoint au jeune gentilhomme, sans lui demander de reçu. […] Aussi, posé comme il l’est en face de ce Mercadet amoindri, M. de Trélan tourne-t-il au don quichottisme et à l’emphase rigoriste. […] Elle commence par se redresser et nier, de haut en bas, le nom qu’il lui donne ; mais un petit signe posé sur l’épaule la trahit. […] Il est charmant, ce premier acte, habilement fait, largement posé, plein d’engagements et de promesses ; il n’a qu’un tort, celui de promettre ce que les actes suivants ne tiendront pas.

52. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Cela est très vrai, mais c’est poser la thèse d’une façon dangereuse.La science a sa valeur en elle-même, etindépendamment de ses résultats avantageux. » Quelle peut bien être cette valeur ? […] Un petit procédé pour se former le bon sens, une façon de se bien poser dans la vie, et d’acquérir d’utiles et curieuses connaissances. […] Elle a posé aussi la borne qui sépare le domaine de la science du domaine de la morale ou de la religion. […] Auguste Comte, en sa qualité de contemporain de ces grands Allemands, s’est posé la même question, et il l’a résolue contre eux. […] Le positivisme a posé les conditions ou les fondemens d’une telle métaphysique, et ce n’est pas Kant, en vérité, mais plutôt Comte, qui, en rédigeant les leçons de son Cours de philosophie positive, a écrit les Prolégomènes de toute métaphysique future.

53. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Montrons simplement comment la théorie de la Relativité est bien conduite par les considérations qui précèdent à poser un Espace-Temps à quatre dimensions. […] Une fois posée d’ailleurs la courbe à trois dimensions, espace et temps tout à la fois, la courbe à deux dimensions apparaîtrait au mathématicien de l’univers plat comme une simple projection de celle-ci sur le plan qu’il habite. […] Enfin ce serait du négatif ; et l’on ne se donnerait pas plus, on se donnerait moins qu’on n’avait, quand on pose une succession, c’est-à-dire une nécessité de feuilleter l’album, alors que tous les feuillets sont là. […] Donc, quoi que vous fassiez, vous éliminez quelque chose, et même l’essentiel, en remplaçant par un bloc une fois posés les états de l’univers qui passent tour à tour 47. […] Peu importe d’ailleurs que vous vous exprimiez d’une manière ou de l’autre : dans les deux cas il y a un plan P — c’est l’Espace —, et un déplacement de ce plan parallèlement à lui-même — c’est le Temps — qui fait que le plan parcourt la totalité du bloc posé une fois pour toutes.

54. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Je ne comprends pas du tout pourquoi certains phénomènes cérébraux s’accompagnent de conscience, c’est-à-dire à quoi sert ou comment se produit la répétition consciente de l’univers matériel qu’on a posé d’abord. — Passerai-je à l’idéalisme ? […] Je ne saurais hésiter : en posant mon corps, j’ai posé une certaine image, mais, par là aussi, la totalité des autres images, puisqu’il n’y a pas d’objet matériel qui ne doive ses qualités, ses déterminations, son existence enfin à la place qu’il occupe dans l’ensemble de l’univers. […] Tandis, en effet, qu’on posait d’un côté une réalité extérieure multiple et divisée, de l’autre des sensations étrangères à l’étendue et sans contact possible avec elle, nous nous apercevons que l’étendue concrète n’est pas divisée réellement, pas plus que la perception immédiate n’est véritablement inextensive. […] Par là on se condamne à n’expliquer ni d’où viennent les éléments de conscience ou sensations, qu’on pose comme autant d’absolus, ni comment, inextensives, ces sensations rejoignent l’espace pour s’y coordonner, ni pourquoi elles y adoptent un ordre plutôt qu’un autre, ni enfin par quel moyen elles réussissent à y constituer une expérience stable, commune à tous les hommes. […] Tantôt, au contraire, la reconnaissance se fait activement, par des images-souvenirs qui se portent au-devant de la perception présente ; mais alors il faut que ces souvenirs, au moment de se poser sur la perception, trouvent moyen d’actionner dans le cerveau les mêmes appareils que la perception met ordinairement en jeu pour agir : sinon, condamnés d’avance à l’impuissance, ils n’auront aucune tendance à s’actualiser.

55. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

On sait la question qu’il se pose, dans son livre sur l’Ancien régime et la Révolution ; Pourquoi la France a-t-elle été le porte-parole de l’égalitarisme ? […] Ainsi les exceptions à la règle que l’histoire de la plupart des nations occidentales nous avait invités à poser se montrent discutables et explicables ; il reste vrai que d’une façon générale, l’unification sociale marche de pair avec l’égalitarisme. […] et par suite l’aider à se poser comme centre du droit ? […] C’est un Zollverein qui a posé la première pierre de l’unité allemande. — Mais cette limitation de la généralisation de Spencer ne saurait nous suffire ici. […] Nous admettons volontiers que Les sociétés « uniques » aient une tendance à absorber les individus qu’elles englobent, à faire d’eux leurs choses et à les empêcher de se poser comme des personnes ; en ce sens on a raison de dire que les groupements primitifs, simples et fermés, tendent non pas à détruire l’individualisme, mais à l’empêcher de naître.

56. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan, après ces deux années d’Issy, vint, pour son cours de théologie, au séminaire de Paris, et c’est là qu’en voyant se dérouler crûment et carrément devant lui la théologie scolastique, cette vieille doctrine de saint Thomas « remaniée et triturée par vingt générations sorboniques », son sens critique, déjà éveillé, se révolta : il n’y put tenir ; tant d’objections imprudemment posées, et qu’une logique robuste ou subtile se flattait à tout coup d’abattre, tant et de si rudes entorses données à la vérité historique le venaient relancer, malgré sa prudence, et le forcèrent enfin à sortir de derrière ses retranchements. […] Et puis, nous dit-il encore : « Si j’étais né pour être chef d’école, j’aurais eu un travers singulier : je n’aurais aimé que ceux de mes disciples qui se seraient détachés de moi. » L’enseignement philosophique, en effet, s’il n’est pas la démonstration obligée d’une sorte de catéchisme philosophique dont les articles, posés à l’avance, sont réputés irréfutables, ne saurait être qu’une provocation et une excitation à une recherche incessante, qui, dès lors, amène avec elle ce qu’elle peut et n’exclut rien de ce qu’elle trouve. […] Cette action, une fois, posée est un fait éternel… ». […] Un tel enseignement n’est bon qu’en tant qu’il produit des contradicteurs : et encore vaudrait-il bien mieux se passer de certaines questions que de les poser.

57. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Nous ne remplaçons plus tout d’abord par un mot le caractère abstrait et général du groupe mis en expérience, car le groupe en question ne peut être mis avec succès en expérience ; trente-six pions, posés ensemble sur une table, ne nous donneraient qu’une impression de masse et d’ensemble, sans distinction énumérative des individus. — Nous allons plus lentement ; nous prenons d’abord un très petit groupe, proportionné à l’amplitude bornée de notre esprit, et capable d’éveiller en nous une tendance et un nom.  […] Nous posons, comme tout à l’heure, cette loi générale que la grandeur en question se continue hors d’elle-même par une autre grandeur toute pareille, celle-ci de même, et ainsi de suite, sans qu’une limite puisse intervenir. […] Nous posons d’un côté le myriagone intelligible et l’idée précise qui lui correspond, de l’autre le myriagone sensible et l’image confuse qui lui correspond. […] Rien, sinon qu’elle est une action ; par l’évanouissement des mots, nous l’avons vidée de ce qui la constitue ; nous la posons à part, pure et simple, ou, comme nous disons, spirituelle ; l’ayant dépouillée, nous la croyons nue ; et, remarquant plus tard que pour la produire nous avons lu des signes, nous croyons que le signe n’est pour elle qu’un aide préalable et un excitateur séparé.

58. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Le mathématicien qui crée lui-même la matière de ses spéculations et considère des objets idéaux, développe les conséquences des principes qu’il a posés, et procède par déduction. […] Ou bien on se presse trop de généraliser ; par légèreté, par impatience, on ne se donne pas la peine de ramasser un grand nombre d’observations, et sur deux ou trois exemples, sur un seul parfois, et qu’on n’étudie pas à fond, on pose une règle générale qui se trouve fausse. […] Elle est toute de convention, et elle n’a assurément pas plus de vérité que celle de l’Allemand naïf, à la tête carrée, aux grands pieds et à la longue pipe, buvant des chopes et dissertant sur l’idéal et l’infini, se gavant de choucroute et volant des pendules, pour être, en fin de compte, roué de coups par un sous-officier imberbe4. » On se tiendra donc en garde contre de pareilles tentations, et avant de faire aucune induction, avant de poser une loi ou une règle, avant de rien généraliser, on s’assurera qu’on travaille bien sur une réalité, et non sur un fantôme, que les faits d’abord existent ; on aura soin ensuite de ne rien négliger dans les faits qu’on aura reconnus, de tenir compte de tous les éléments qui les composent, de n’y rien ajouter ni retrancher arbitrairement. […] Sinon, il n’y aurait pas d’avocat plaidant pour un mur mitoyen qui ne pût descendre aux derniers principes de la métaphysique, et poser l’insondable problème de l’être.

59. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Telle était la question posée. […] De ce point de vue, les rapports que nous avons établis inductivement paraîtront susceptibles d’être retournés, et l’on se croira autorisé à poser l’égalitarisme comme l’antécédent, non comme la conséquence de nos formes sociales. […] Ce sont là des questions qui restent entières ; notre conclusion n’outrepasse pas les limites posées par notre introduction.

60. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXII. L’affichage moderne » pp. 283-287

L’affichage moderne L’affiche illustrée (œuvre imprimée, qu’il faut donc mentionner ici) dont les oisifs regardent la pose toute fraîche et toute humide, admirant comment le mauvais et mince et tortillé chiffon sorti de la blouse grise affecte vite sur le renforcement du mur une allure de tableau et sous la décharge du pinceau un bel air verni, l’affiche illustrée est au juste, à cette heure, une industrie charmante qu’on est en train de gâcher. […] Cela posé, je crois, indubitablement, il faut bien convenir que les artisans, même en vogue, de nos récentes affiches se sont tout fait mépris sur le sens de leur besogne.

61. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre III. Les questions que l’historien doit se poser. » pp. 16-17

Les questions que l’historien doit se poser. […] Le problème qui se pose à lui se ramène ainsi à trois questions : 1° Quels sont, à un moment donné, les caractères de la littérature qu’il étudie ?

62. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Le regard même est d’ordinaire posé, insistant, réfléchi, presque jamais clignotant ni fureteur. […] Mais telle n’est pas l’alternative qui se pose. […] Celui-ci se contentera de poser les masses. […] L’animal ne tient pas la pose. […] Mais les lignes principales ainsi posées, l’artiste s’est joué librement des autres.

63. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Si l’on me demande ce que je pense de la moralité de Lélia, dans le seul sens où cette question soit possible, je dirai que, les angoisses et le désespoir d’une telle situation d’âme ayant été admirablement posés, l’auteur n’a pas mené à bon port ses personnages ni ses lecteurs, et que les crises violentes par où l’on passe n’aboutissent point à une solution moralement heureuse. […] Ainsi dans la confession même de Lélia, lorsqu’elle raconte les mystères de sa solitude, sa retraite au vieux couvent, et tous les détails enchanteurs de sa claustration volontaire : « Je relevai en imagination les enceintes écroulées de l’abbaye ; j’entourai le préau, ouvert à tous les vents, d’une barrière invisible et sacrée ; je posai des limites à mes pas, et je mesurai l’espace où je voulais m’enfermer pour une année entière. […] L’auteur, nous l’espérons, reviendra au roman de la vie réelle, comme Indiana et Valentinel’ont posé ; mais il y reviendra avec toute la force acquise dans une excursion supérieure.

64. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Les Mémoires de Vaublanc posent une centième fois le problème qui agacera longtemps la sagacité de l’histoire. […] Encore une fois, la question n’en est pas une pour moi, mais elle vaut la peine d’être posée et débattue encore. Les Mémoires de Vaublanc la posent bien.

65. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Au milieu de ces enivrements, car la niaiserie a quelquefois aussi son ivresse, l’Académie française, qui n’a pas cependant la réputation de représenter les grandes hardiesses et les fougueuses initiatives, eut la bonne idée de poser devant l’opinion une question dégrisante, une question d’histoire. […] Et, en effet, si l’on veut y réfléchirai ne fallait pas une pénétration bien grande ou des connaissances bien étendues pour savoir que la question posée par l’Académie était, par cela même qu’elle était posée, résolue dans la conscience de l’Académie.

66. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

La véritable utilité de la conscience, dans l’inspiration, c’est de poser, par le désir, le but et l’effet final à atteindre : les moyens se présentent ensuite d’eux-mêmes en vue de la fin. […] Ribot et Maudsley ; non seulement c’est elle qui pose la fin et l’idée principale, mais c’est elle encore qui dirige le cours même des idées secondaires. […] Le souvenir cherché est un souvenir dont on a trouvé le commencement ; le problème posé est un problème dont la solution se prépare. […] Quant à savoir si ce cheval vu existe hors de la conscience dans un monde étendu, c’est une question que l’enfant ne pose pas, puisqu’il lui manque les idées nécessaires pour la poser. […] Nous sommes obligés de poser par induction des faits de plus en plus généraux, pour pouvoir ensuite en déduire logiquement tous les autres comme conséquences.

67. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Avec une ironie bien plus haute encore, Jéhovah aurait pu poser à ce Job de la nature les questions qu’il adresse à l’infirme de l’Idumée : — « Le buffle voudra-t-il te servir ? […]Pose seulement la main sur lui, — Et tu ne songeras pas à recommencer le combat. » Le Feu surgit, et un changement à vue prodigieux s’opère dans le drame de la Création. […] Mais ce point est le sommet culminant du monde, le plateau de la haute Asie où vint se poser l’arche de nos origines, d’où découlèrent toutes les grandes familles de l’espèce humaine. […] Les Grâces posèrent sur ses tempes une couronne d’or, diadème royal et bestial, où le forgeron divin avait ironiquement ciselé « tous les animaux que nourrissent la terre et la mer ». […] C’est Pallas, la Sagesse céleste, qui pose le papillon de l’âme sur la tête de ses créatures.

68. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Renan a oublié de citer l’homme qui, dans un livre intelligible et français, a posé l’idée générale qui domine la critique de détail dont on est si fier aujourd’hui et dont on attend tant de ruines. […] pour nous parler de l’idéal ailleurs que dans un roman), la religion pose par sa base sur le sol mouvant des choses humaines et participe à ce qu’elles ont d’instable et de défectueux » ; et plus bas : « Éternellement sacrées dans leur esprit, les religions ne peuvent l’être également dans leurs formes… » Selon M.  […] Ce n’est pas là seulement le scepticisme dans l’histoire, c’est le plus bel aveu d’impuissance que la Science inconséquente, — car elle se pose en le faisant — ait jamais fait ! […] Ces simples et fortes notions, que le dix-huitième siècle avait troublées, furent reprises au commencement du dix-neuvième, et posées comme bases d’un système auquel le génie de M. de Bonald donna de sa propre solidité. […] Renan, « que le langage de l’homme s’est comme formé d’un seul coup, et est comme sorti instantanément du génie de chaque race », pose donc la diversité de la race à la première ligne de son affirmation.

69. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Junon, sur le devant, à droite, a la main droite posée sur celle de Jupiter assoupi, le bras gauche étendu sur ses propres cuisses, et la tête appuyée contre la poitrine de son époux. […] Elle a sa jambe droite étendue et posée sur le genou gauche de Mercure. […] L’autre représente une femme sérieuse, pensive, en méditation, le coude posé sur un bureau, et la tête appuyée sur sa main. […] J’entens, dit le peintre ; on verra quelques brins de paille sortir de dessous la femelle ; le mâle posé sur la visière fera sentinelle ; et mon tableau sera fait. […] Contre ce pié d’estal, appuyez mon épouse ; qu’elle verse des larmes de joye ; qu’un de ses bras posé sur l’épaule de son enfant, elle lui montre de l’autre notre bienfaitrice commune ; que cependant la tête et la poitrine nues, comme c’est mon usage, l’on me voye portant mes mains vers une vieille lire suspendue à la muraille.

70. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Il se pose à nous sous une forme aiguë, parce que nous distinguons profondément la matière de l’esprit. […] Mais quelles raisons aurions-nous de douter d’une connaissance, l’idée même d’en douter nous viendrait-elle jamais, sans les difficultés et les contradictions que la réflexion signale, sans les problèmes que la philosophie pose ? […] Voici, par exemple, ma main posée au point A. […] L’unique question est de savoir si, le mouvement étant posé comme un fait, il y a une absurdité en quelque sorte rétrospective à ce qu’un nombre infini de points ait été parcouru. […] Il n’est pas le support sur lequel le mouvement réel se pose ; c’est le mouvement réel, au contraire, qui le dépose au-dessous de lui.

71. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Une des questions qu’elle se pose le plus habituellement est celle-ci : Si la mort est le but, pourquoi donc sur les routes Est-il dans les buissons de si charmantes fleurs ; Et, lorsqu’au vent d’automne elles s’envolent toutes, Pourquoi les voir partir d’un œil mouillé de pleurs ? […] Et toi, morne Tranquillité, Sans douleur, mais aussi sans charme, Pose sur ce cœur agité Ta main qui sèche toute larme ! […] » Mais c’est surtout la comparaison suivante qui, pour l’idée du moins et le jet, me semble ressaisir à merveille la grâce homérique : Parfois, quand un ruisseau, courant dans la prairie, Sépare encor d’un champ, où croît l’herbe fleurie, Un troupeau voyageur aux appétits gloutons, Laissant se consulter entre eux les vieux moutons, On voit, pour le franchir, quelque agneau moins timide Choisir en hésitant un caillou qui le ride, S’avancer, reculer, revenir en tremblant, Poser un de ses pieds sur ce pont chancelant, Et s’effrayer d’abord si cette onde bouillonne En frôlant au passage une fleur qui frissonne, Si le buisson au vent dispute un fruit vermeil, Ou si le flot s’empourpre aux adieux du soleil, Puis reprendre courage et gagner l’autre rive ; Alors tout le troupeau sur ses traces arrive ; Dans le gras pâturage il aborde vainqueur, Il s’y roule en bêlant dans les herbes en fleur, Tandis que seul au bord le berger le rappelle, Et trop tard sur ses pas lance son chien fidèle. […] Un jeune homme s’approche et s’informe au vieillard Comment en Méonie on attelait le char ; Tout bas la jeune fille en rougissant demande Ce qui rendait Vénus favorable à l’offrande ; Si l’épouse d’Hector portait de longs manteaux ; Si dans Milet déjà l’on tissait les plus beaux ; Où Briséis posait l’agrafe de son voile, Et si de Pénéloppe il avait vu la toile.

72. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Pour bien entendre, par exemple, ce qu’était Mme de Maintenon auprès de Louis XIV, ou Mme de Sévigné auprès de sa fille, et quel genre de sentiment ou de passion elles y apportaient, il faut s'être posé sur la jeunesse de ces deux femmes plusieurs questions, ou plus simplement il faut s’en être posé une, la première et presque la seule toujours qu’on ait à se faire en parlant d’une femme : A-t-elle aimé ? […] Je poserai donc la question, ou plutôt elle se pose d’elle-même malgré moi pour Mme Récamier ; et pour elle comme pour Mme de Maintenon, comme pour Mme de Sévigné (la Mme de Sévigné non encore mère), je répondrai hardiment : Non.

73. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Dès que cette idée est conçue, elle tend à se poser en face du milieu extérieur, et à se poser intellectuellement par l’assertion ou affirmation de l’individualité. […] Ainsi on peut poser cette loi importante : le moi, le sujet, dès qu’il devient par l’idée un objet de conscience distincte, devient du même coup un motif, et tend à se réaliser par la volonté, par l’intelligence, par la sensibilité. […] Que ce sentiment, après s’être répété un grand nombre de fois, finisse par se détacher de la masse et, grâce à la réflexion, se pose à part, ce sera un commencement de pensée, et ce sera aussi, à son début, l’idée d’union, d’unité, de convergence, de consensus, qui fait le fond de l’idée du moi.

74. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MARIA » pp. 538-542

Sur un front de quinze ans la chevelure est belle, Elle est de l’arbre en fleur la grâce naturelle, Le luxe du printemps et son premier amour : Le sourire la suit et voltige alentour ; La mère en est heureuse, et dans sa chaste joie Seule en sait les trésors et seule les déploie ; Les cœurs des jeunes gens, en passant remués, Sont pris aux frais bandeaux décemment renoués ; Y poser une fleur est la gloire suprême : Qui la pose une fois la détache lui-même.

75. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

La vie seule de Raimond Lulle est un sujet magnifique, où tout ce qui concerne cette question, obscure et brillante tout à la fois, de l’illuminisme, que la science n’a pas encore osé poser, mais qui attire et qui tourmente l’imagination moderne, trouverait aisément sa place. […] … Et notez qu’en parlant ainsi nous ne posons ni ne pressentons même aucune conclusion à l’avance sur ce sujet, d’autant plus actuel que les questions, irrépudiables maintenant, de somnambulisme, d’électricité, de magnétisme, se nouent par plus d’une racine à la question de l’illuminisme.

76. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

… C’est une question qu’on pourrait poser. […] Taine, qui, après avoir été philosophe, se pose en historien, a été, un jour de sa vie, un artiste. […] c’est qu’ayant posé lui-même le principe d’anarchie dont il doit mourir, il soit logiquement lâche devant ce principe qu’il a posé. […] Au milieu des lanternes et des horribles pendaisons sommaires si multipliées dans son histoire, il pose résolument le principe : « qu’il vaut mieux faire tuer cent citoyens honnêtes que de laisser pendre un coupable non jugé ». […] Si l’auteur ne l’a pas tirée des prémisses qu’il a posées avec tant de sûreté et d’étendue, c’est qu’il a voulu que la science primât tout ici et jusqu’à la conscience elle-même, que la science doit pénétrer de sa souveraine et irrésistible clarté.

77. (1923) Paul Valéry

La question qu’avait posée Mallarmé n’était pas une question vaine, puisque la voici reprise par un génie original, par une autre voix et sur un autre registre spirituel. […] » La réalité devient une occasion de poser des problèmes techniques, problèmes d’une action sur la matière, soit matière réelle, soit matière inventée. […] Les problèmes de réalisation qu’il pose sont tout abstraits, et il en écarte cette donnée qu’est l’esprit du public. […] Valéry, comme tout le monde aujourd’hui, rend le caillou au courant, pose l’accent d’existence sur ce courant. […] Mais cette dualité suffît pour que Narcisse, comme la Jeune Parque, se pose un problème d’existence : lequel existe, son corps ou son âme, lui ou son double ?

78. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Mais cette règle ne fait que poser un rapport constant entre certains changements de tel corps et certains états du quelque chose inconnu ; il reste toujours à chercher ce qu’il est ; la question est réservée une dernière fois. — Après avoir constaté son existence, sa permanence, et sa principale relation, il nous faut trouver les qualités qui le déterminent. […] Tous ces mots équivalent à celui de pouvoir ; et, quel que soit le pouvoir, celui d’un chien qui peut courir, celui d’un mathématicien qui peut résoudre une équation, celui d’un roi absolu qui peut faire couper des têtes, ce mot ne fait jamais que poser comme présentes les conditions d’un événement ou d’une classe d’événements. — Rien de plus utile que la connaissance de pareilles conditions ; elle nous permet de prévoir les événements, ceux d’autrui comme les nôtres. […] À ce titre, leur notion s’attache à la notion du moi persistant ; dès lors, ce moi cesse de nous apparaître comme un simple dedans ; il se garnit, se qualifie, se détermine ; nous le définissons par le groupe de ses pouvoirs, et, si nous nous laissons glisser dans l’erreur métaphysique, nous le posons à part comme une chose complète, indépendante, toujours la même sous le flux de ses événements. […] Nous l’admettons et sans grand scrupule, sinon sur une démonstration directe, du moins d’après un cortège de confirmations innombrables et comme une hypothèse que justifie tout l’ensemble de l’expérience, des vérifications et des prévisions humaines. — Cela posé, il nous suffit de l’expliquer, et nous n’avons qu’à regarder le mécanisme décrit pour comprendre la justesse presque infaillible de son jeu. […] Dans tous ces cas, deux anneaux successifs du passé, tout en gardant leur situation réciproque, sont transportés hors de leur emplacement primitif, pour se poser, le premier sur le présent, et le second sur un point de l’avenir, parce que nous constatons ou croyons constater une ressemblance parfaite entre le premier et notre état présent.

79. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

… Question dangereuse, qui était enterrée et qu’on déterre pour la poser à nouveau. […] Il en affecta même la pose. […] Armand Marrast, comme Janin, était de ces talents, jolis et éblouissants, qui s’enferrent sur des bévues et par là ne sont plus comptés pour ce qu’ils valent, tandis que la médiocrité correcte et posée de Carrel était de celles qui font les meilleures affaires d’un homme parmi ses contemporains.

80. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Éternellement et partout, c’est toujours la même vue brouillée, la même oreille qui tinte, la même main incertaine qui se pose aux objets et les dérange. […] Supprimez Goethe et Diderot et leurs contre-coups, et Hoffmann ne sera plus qu’un mince dessinateur et un musicien… Il est vrai que Champfleury pose Hoffmann, qui a beaucoup écrit en musique, comme un musicien très considérable, mais nous n’avons pas à examiner la valeur de cette prétention. […] On y trouve, par exemple, la supériorité posée du romancier sur l’historien, qui procèdent l’un comme l’autre, mais avec cette différence que l’historien compulse et que le romancier crée.

81. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre V. Un livre de Renan et un livre sur Renan » pp. 53-59

Il constate : Renan a posé son bonheur dans la science, comme dans la science toute assurance sociale. — Or la science a fait faillite, comme dit l’autre. […] Le ton et le tour ont le charme d’une éloquence, familière d’abord, et qui s’enflamme aux objections qu’elle-même se pose.

82. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

L’absolu de la théorie une fois posé, la pratique, à son tour, pose ses conditions et elles sont inévitablement relatives, relatives à l’homme, à ses limites, à ses besoins, à ses moyens. […] L’important est que la question soit posée sur un terrain solide. […] Elles posent un jalon sur la piste nouvelle que suivra peut-être demain un art dramatique vraiment français. […] Du Shakespeare français où Watteau a posé son aile. […] Problème délicat sans doute ; mais il se posait tel devant Sophocle comme devant Gréban.

83. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Dans ce cadre charmant, elle posait l’idéal de l’homme complet : le corps souple, robuste, gracieux, amené à la perfection de sa force et de sa forme, non plus instrument vil et méprisé, mais valant par soi, ayant droit à l’entière réalisation de ses fins propres et particulières, droit d’être et de jouir le plus possible ; l’âme parfaite aussi en son développement, enrichie de tous les modes d’existence qu’il lui est donné de posséder, s’épanouissant avec aisance dans sa triple puissance d’agir, de comprendre et de sentir. […] Une première rupture, à laquelle aide l’exemple de Luther, dégage la Réforme de la Renaissance : Calvin se pose en face de Rabelais. […] Sur les fondements qu’il a posés s’élève la littérature du règne de Henri IV : mais tandis que le rationalisme de Montaigne excluait en réalité le christianisme, les Charron, les Duperron, les François de Sales cherchent dans la religion à la fois le couronnement et la condition préalable du rationalisme.

84. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

En premier lieu, le physicien nous pose des problèmes dont il attend de nous la solution. […] Si ce problème ne s’était posé naturellement, on n’aurait jamais osé rendre au discontinu ses droits ; on aurait longtemps encore regardé les fonctions continues comme les seules fonctions véritables. […] Et, à ce propos, une question se pose : comment une démonstration, qui n’est pas assez rigoureuse pour l’analyste, peut-elle suffire au physicien ?

85. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Je croyais avoir assez nettement posé les conditions d’un problème aussi sérieux pour croire avoir évité une telle confusion d’idées, une telle parodie de la Bible. […] Or le problème ainsi posé n’avait pas été résolu par moi, pas plus que par d’autres philosophes ; je ne puis le nier ; mais ce n’était pas là le problème que j’avais l’intention de résoudre, car c’est identiquement celui de l’union de l’âme et du corps : il y a un terme qu’aucune psychologie ne saurait franchir. Tout ce que l’on peut faire, c’est de poser le problème, d’en présenter toutes les conditions ; et je crois l’avoir fait.

86. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

» était posé, non par le grand Diafoirus au petit, — car il y a du docteur Diafoirus, c’est-à-dire du pédant, dans ce majestueux Gœthe, — mais par le petit Diafoirus au grand. […] , Gœthe posait devant Eckermann, qu’il prenait pour la postérité, sachant qu’il en était le sténographe et le photographe de bonne volonté. […] Pour deux ou trois explications qu’il donne à Eckermann sur le loisir de sa pose quand l’Allemagne, levée contre la France qui l’envahissait, était en feu, pour la plainte vulgaire que tout homme attaqué exhale contre ceux qui l’attaquent, M. 

87. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

C’est au nom d’un christianisme meilleur qu’il vient poser la nécessité de corriger ce chétif symbole de Nicée, qui, décemment, ne convient plus à des chrétiens aussi distingués que nous. […] Jean Reynaud est entièrement étranger à la conception de l’éternité ; ou s’il la pose parfois, il l’oublie. […] Si on met l’infini à la place de l’étendue, où pose-t-on l’axe du monde et que devient pour M. 

88. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

C’est que saint Anselme, par cela même qu’il se détournait de la théologie vers la métaphysique, posait au xie  siècle, dans l’innocence et la sécurité de sa foi, les problèmes que la métaphysique agite, depuis qu’elle existe, sans les résoudre ; et que les posant nécessairement comme les métaphysiciens les posent, il était justiciable des métaphysiciens et qu’ils ont eu parfaitement le droit de dire, comme ils l’ont dit, dans quelle mesure ils admettaient sa pensée et dans quelle mesure ils ne l’admettaient pas. […] Quand saint Anselme posait l’argument purement métaphysique, le théologien, le moine inspiré lâchait donc la réalité, pour courir après l’ombre.

89. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — En attendant, posons seulement que, lorsque nous percevons un objet par les sens, lorsque nous voyons un arbre à dix pas, lorsque nous prenons une boule dans la main, notre perception consiste dans la naissance d’un fantôme interne d’arbre ou de boule, qui nous paraît une chose extérieure, indépendante, durable, et située, l’une à dix pas, l’autre dans notre main. […] Ces nécessités, posées à part et considérées isolément, sont ce que nous appelons des forces32. […] Quand nous ne rencontrons plus une sensation sur laquelle nous avions coutume de compter, nous ne pensons pas à nous, mais au corps ; nous disons qu’il a changé de position, de figure, d’étendue, de température, de couleur, de saveur, d’odeur, et, quoique son histoire ne soit pour nous définissable que par la nôtre, nous posons son histoire en face de la nôtre comme une série d’événements en face d’une série d’événements. […] Cela posé, il découvre peu à peu que, dans ses définitions des corps et de leurs propriétés, un mode ou une particularité du mouvement ainsi conçu peut tenir lieu de ses sensations. […] Je pose la main dans l’obscurité sur cette table de marbre, et j’ai une sensation actuelle de contact, de résistance et de froid.

90. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

En histoire, tous les fondements sur lesquels nous construisons aujourd’hui sont posés. […] Reste un second principe à poser pour achever la fondation de l’histoire. […] Ainsi les sensations sont la substance de l’intelligence humaine comme de l’intelligence animale ; mais la première dépasse infiniment la seconde, en ceci que, par la création des signes, elle parvient à isoler, extraire et noter des fragments de ses sensations, c’est-à-dire à former, combiner et manier des notions générales  Cela posé, nous pouvons vérifier toutes nos idées ; car nous pouvons toutes les refaire, et reconstruire avec réflexion ce que sans réflexion nous avions construit. […] J’ai posé les principes et j’ai vu les cas particuliers s’y plier comme d’eux-mêmes, les histoires de toutes les nations n’en être que les suites, et chaque loi particulière liée à une autre loi ou dépendre d’une autre plus générale. » 346.

91. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Le troisième livre, tout nouveau, montrait le progrès de l’âge de l’auteur : il est plus grave (n’entendez pas plus réservé), plus posé, que les deux premiers, les contes y tiennent moins de place, les idées s’y élancent moins en pointes, s’étalent davantage, semblent plus fermes, plus arrêtées. […] Il est curieux qu’au milieu de cette abondance de souvenirs, sa mémoire ne lui représente jamais qu’il a été conseiller au Parlement, robin : il se pose en homme d’épée, en soldat. […] Il posera en principe qu’il faut aimer la forme de gouvernement dans laquelle on est né ; et ainsi, étant Français, il sera pour la royauté, bien que son affection le porte de préférence vers le gouvernement démocratique. […] Et comme au reste, sous la diversité infinie des actes et des formes, il trouve que ces idées-là sont les idées communes de l’humanité, il les pose dès lors avec plus d’assurance. […] En philosophie, en littérature, partout, il pose la souveraineté de la raison, égale en tous les hommes, et qui a charge et pouvoir de reconnaître la vérité.

92. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Tout est également risible, tout porte également sur une appréciation, et s’il y a quelque chose de sérieux, c’est le penseur critique, qui se pose dans l’objectivité des choses : car les choses sont sérieuses. […] Alors viendra un siècle dogmatique par la science ; on recommencera à croire au certain et à poser à deux pieds sur les choses, quand on saura qu’on est sur le solide. […] Changarnier eussent été aussi critiques que moi, ils ne nous eussent pas rendu le service de nous sauver en juin ; car j’avoue que, depuis Février, la question ne s’est jamais posée assez nettement à mes yeux pour que j’eusse voulu me hasarder d’un côté ou de l’autre. […] Mais ce qu’il y a de sûr, c’est que la connaissance et la réalisation du beau auront eu leur prix et que la science, comme la vertu, pose dans le monde des faits d’une indiscutable valeur. […] Ce qu’il y a de sûr, c’est que les bergers et les mages l’apercevront encore les premiers, c’est que le germe est déjà posé et que, si nous savions voir le présent avec les yeux de l’avenir, nous démêlerions dans la complication de l’actuel la fibre imperceptible qui portera la vie à l’avenir.

93. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

S’il en était ainsi, l’objet qu’on veut poser en face de la conscience comme seul réel lui resterait totalement étranger, et, en voulant le poser, on le supprimerait. […] Est-ce à dire que la distinction du sujet et de l’objet ait besoin d’être posée comme consciente d’elle-même dès le début, dans l’être sentant ? […] IV Après avoir établi que le psychologue se pose cette question fondamentale : — Qu’est-ce que le sujet conscient et comment se forme-t-il ? […] Intellectuellement, objet ne se comprend que par le sujet, et le sujet ne se saisit que dans son rapport à un objet ; donc l’intelligence arrive elle-même à poser la dualité sujet-objet, et, ceci fait, elle n’a plus rien à se représenter : l’intelligence proprement dite a atteint sa limite. […] Ainsi, reliée d’un côté à la physiologie, la psychologie des idées-forces peut, d’autre part, poser les bases de la spéculation philosophique, trop dédaignée des purs observateurs et des purs positivistes.

94. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

Il n’en faut pas moins reconnaître que, outre qu’il a posé la loi d’association, Hartley a devancé sur un point important les théories de ses contemporains. En rapprochant, sur la foi d’une hypothèse d’ailleurs, la vibration nerveuse de la sensation, il pose les premières bases d’une explication nouvelle du rapport physique et du moral, qui consiste à tout réduire, en dernière analyse, à l’association d’un état de conscience et d’un mouvement ; nous la verrons se produire dans la deuxième période de notre Ecole.

95. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Nous sommes presque étonnés de les revoir le matin, posés comme le soir, et nous les trouvons heureux de leur immobilité monotone. Nous sommes tentés de nous demander ce qu’ils ont fait la nuit lorsque le silence et l’ombre enveloppaient leurs grandes formes, et que la brume venait poser son voile diaphane sur leurs manteaux. […] Il n’avance la patte qu’avec réflexion ; il ne la pose qu’en essayant le chemin ; il ne hasarde jamais « sa sage et discrète personne. » Il est propret, dédaigneux, méticuleux, et dans tous ses mouvements adroits au miracle. […] Mais il pose si lourdement ses larges pieds sur le sol, il se meut si fort en bloc, il s’étaye si solidement sur ses quatre jambes charnues et massives, qu’il est encore plus paysan que gentilhomme. […] Ses animaux si bien posés restent empaillés sous leurs vernis.

96. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Ici Edgar Poe, ayant posé en principe que la matière n’existe qu’en fonction de répulsion et d’attraction, conçoit, par un magnifique coup de déduction, que ces deux forces satisfaites ou anéanties, cessant d’être, entraînent dans leur disparition la matière qu’elles constituent. […] Ici tout l’art déductif de Poe s’est épuisé ; il prend pour base une solide assise scientifique, pose des axiomes, entrelace des causes, fait jaillir d’une proposition antérieure des conséquences déconcertantes, imprévues et rapides comme un coup de théâtre, se pose d’ascension en ascension à un sommet mystique où reparaît subitement le poète. […] Et le corbeau, jamais n’agitant son aile, encore est posé, encore est posé. […] Il faut donc imaginer que ces penchants grands et moindres, les visions d’horreur, les associations incohérentes, la raison domptant toute émotion, ont été situés entre 1809 et 1849 dans la matière d’un encéphale particulier, pourri depuis et résorbé par le sol du cimetière de Baltimore en Amérique ; que cette cervelle remplissait le crâne d’un homme à cheveux noirs, lustrés et bouclés, à yeux gris, au large front, aux ièvres minces, droites, coupées aux coins de deux incises diagonales, un homme à la tète massive et presque cubique posée sur des épaules rondes, fortes, tombantes, ayant la taille moyenne et les mains musculeuses, l’air impérieux, sûr de lui-même, sarcastique et gracieux.

97. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il a résolu le problème d’art qui posait qu’il faut de certaines proportions pour produire des effets, thèse plus grossière que grandiose. […] Alors la petite ombre blanche s’arrêta au bord d’un fauteuil et resta là, posée, prête à repartir, souriante et haletante, jusqu’à ce que le sommeil la prit, se mît à la bercer, à la balancer doucement sans déranger sa jolie pose, comme une libellule sur une branche de saule, trempant dans l’eau et remuée par le courant… » Certes ! […] Celui qui, dit-on, a posé pour le duc de Mora dans Le Nabab, n’a-t-on pas prétendu, à une autre époque, qu’il avait aussi posé pour le de Marsay de Balzac ? […] Une question grandiose et terrible, que les siècles ont enfin posée !

98. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Durant les saisons qu’il passait à Buriton, résidence de campagne de son père, il dérobait le plus d’heures qu’il pouvait aux devoirs de la société et aux obligations du voisinage : « Je ne touchais jamais un fusil, je montais rarement à cheval ; et mes promenades philosophiques aboutissaient bientôt à un banc à l’ombre, où je m’arrêtais longtemps dans la tranquille occupation de lire ou de méditer. » Le sentiment de la nature champêtre n’est pas étranger à Gibbon ; il y a dans ses Mémoires deux ou trois endroits qui prêtent à la rêverie : le passage que je viens de citer, par exemple, toute cette page qui nous rend un joli tableau de la vie anglaise, posée, réglée, studieuse. […] Un des morceaux enfin dont on se souvient, et qu’on a souvent cité, est celui où Gibbon, venant de terminer à Lausanne dans son jardin les dernières lignes de sa grande Histoire, pose la plume, fait quelques tours dans son berceau d’acacias, se prend à regarder le ciel, la lune alors resplendissante, le beau lac où elle se réfléchit, et à dire un adieu mélancolique à l’ouvrage qui lui a été, durant tant d’années, un si bon et si agréable compagnon. […] Ainsi considéré, Virgile, dans ses Géorgiques, n’est plus seulement un poète, il s’élève à la fonction d’un civilisateur et remonte au rôle primitif d’un Orphée, adoucissant de féroces courages. — Touchant, en passant, les travaux de Pouilly et de Beaufort qui, bien * avant Niebuhr, avaient mis en question les premiers siècles de Rome, Gibbon s’applique à trouver une réponse, une explication plausible qui lève les objections et maintienne la vérité traditionnelle : « J’ai défendu avec plaisir, dit-il, une histoire utile et intéressante. » Celui qui exposera le déclin et la chute de l’Empire romain se retrouve ici, comme par instinct, défendant et maintenant les origines et les débuts de la fondation romaine. — En ce qui est de l’usage que les poètes ont droit de faire des grands personnages historiques (car Gibbon, dans cet Essai, touche à tout), il sait très bien poser les limites du respect dû à la vérité et des libertés permises au génie : selon lui, « les caractères des grands hommes doivent être sacrés ; mais les poètes peuvent écrire leur histoire moins comme elle a été que comme elle eût dû être ». […] Suard, ce portrait en charge, qui est d’ailleurs amusant : L’auteur de la grande et superbe Histoire de l’Empire romain avait à peine quatre pieds sept à huit pouces ; le tronc immense de son corps à gros ventre de Silène était posé sur cette espèce de jambes grêles qu’on appelle flûtes ; ses pieds assez en dedans pour que la pointe du droit pût embarrasser souvent la pointe du gauche, étaient assez longs et assez larges pour servir de socle à une statue de cinq pieds six pouces.

99. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

C’est une remarque qui se vérifie sans cesse et qui peut se poser comme une règle générale : dans l’art aussi, chaque dévot a son saint, et chaque saint trouve ses dévots. […] La femme du forgeron, grande paysanne habillée comme dans le nord de la France, est debout, les mains posées l’une sur l’autre : elle est en face, près de son mari qui est de trois quarts. […] Ces personnages ne posent pas, mais ils vous regardent. […] L’un, une scène d’après souper : — la bonne grand’mère est assise sur le devant, les deux mains posées l’une sur l’autre, regardant le spectateur et lui souriant.

100. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Chez nous, dès le xvie  siècle, Scaliger avait posé nettement le problème, lorsqu’il ne traitait des unités qu’à propos de la vraisemblance. […] Ce n’est pas tout : le Cid pose cette loi, que le héros tragique fait sa destinée par les déterminations de sa volonté : il ne reçoit pas l’impulsion du dehors ; le hasard et l’accident sont exclus (en principe) de l’intrigue tragique. […] La lutte des passions et des volontés, dans une âme agitée, ou dans plusieurs âmes opposées, voilà ce que le Cid pose comme l’essence de la tragédie. Il pose encore cette loi que le héros n’est pas un Espagnol, un Français, mais simplement et plus, un homme.

101. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Le problème historique se posa pour lui comme une résurrection de la vie intégrale, dans ses organismes intérieurs et profonds. […] Thierry posait l’antagonisme des races comme donnée primordiale et comme loi supérieure de l’histoire, en Angleterre, en France : les races étaient pour lui des entités irréductibles, indestructibles ; et il lui semblait, au bout de six ou de dix siècles, retrouver les vainqueurs et les vaincus face à face. […] Lorsqu’il reviendra de là au xvie  siècle, Michelet se posera devant les rois, les prêtres et les nobles comme un justicier : qu’avez-vous fait du peuple ? […] À chaque individu, à chaque époque, il posera la terrible question, ayant déjà prononcé la sentence.

102. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Trois ou quatre signes sensibles de ce détachement : le jour de leur mariage (il y a des années qu’ils sont ensemble), il ne songe pas à la traiter en mariée ; il se laisse entraîner chez Irma Bécot ; il fait poser Christine pour son grand tableau et oublie de l’embrasser après la pose. […] vois-tu, quand on veut poser, il ne faut pas avoir d’enfants. » — Son enfant mort, il n’a rien de plus pressé que de faire le portrait du pauvre petit hydrocéphale, ce qui est bien, et de le présenter au Salon, ce qui est mieux. […] … Et que dites-vous de ce petit morceau : « Hubert avait posé les deux ensubles sur la chanlatte et sur le tréteau, bien en face, de façon à placer de droit fil la soie cramoisie de la chape, qu’Hubertine venait de coudre aux coutisses.

103. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

L’année dernière, pendant un séjour que j’ai fait hors de France dans un pays hospitalier, je me suis posé à loisir cette question par rapport non pas seulement aux Mémoires, mais à M. de Chateaubriand lui-même. […] Partout se révèle et perce un amour-propre presque puéril, qui en toutes choses se préfère naïvement aux autres, qui se donne le beau rôle en le leur refusant, qui se pose en victime et tranche du généreux. […] La vanité d’abord et surtout, inimaginable à ce degré dans un aussi noble esprit, une vanité d’enfant ou de sauvage ; une personnalité qui se pique d’être désabusée et qui se fait centre de toute chose, que l’univers englouti n’assouvirait pas, que tout gêne, que Bonaparte surtout importune ; qui se compare, chemin faisant, atout ce qu’elle rencontre de grand pour s’y mesurer et s’y égaler ; qui se pose à tout moment cette question, qu’il faudrait laisser agiter aux autres : « Mes écrits de moins dans le siècle, qu’aurait-il été sans moi ? » qui se pose aussi cette autre question plus coquette et dont la fatuité fait sourire : « Quelque belle femme avait-elle deviné l’invisible présence de René ? 

104. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

La justesse avec laquelle un homme pose des principes, tire des consequences et chemine de conclusion en conclusion, dépend plus du caractere de son esprit leger ou posé, témeraire ou circonspect, que de la logique qu’il peut avoir apprise. […] Il n’est plus permis aujourd’hui, dit-on, de poser des principes qu’ils ne soient clairs et bien prouvez. […] Ces voïes sont de mal poser les principes de son argument, ou de tirer mal la consequence de ses principes.

105. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

On accorde à l’homme une faculté sui generis de dépasser l’expérience, de se représenter autre chose que ce qui est, en un mot de poser des idéaux. […] Il y aurait donc une manière de penser le réel, et une autre, très différente, pour l’idéal ; et c’est par rapport aux idéaux ainsi posés que serait estimée la valeur des choses. […] Mais l’idéal peut aussi s’incorporer à une chose quelconque : il se pose où il veut. […] Il n’y a pas une manière de penser et de juger pour poser des existences et une autre pour estimer des valeurs.

106. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Vous venez de poser le livre sur le guéridon ; les dernières pages, encore moites de votre haleine, se rabattent peu à peu, les unes après les autres, — comme pour vous dire adieu. […] L’autobiographie est haïssable quand elle est un prétexte : Pour la vanité — à faire la roue en public ; Pour le cynisme — à se poser devant la foule, avec le cortège crotté de ses turpitudes ; Pour la malveillance. — à affubler d’anciens amis de rôles odieux ou ridicules. […] Le mot, qui est de Balzac, accuse fortement la raideur et la pose chez ces Catons de vingt ans dont la tête a tué le cœur. […] Ceci posé — ou plutôt proposé — on conclura facilement que Murger n’est guère un écrivain.

107. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Les livres agissent de deux manières sur les mœurs : ou bien ils posent des modèles à suivre, ils imaginent des types dont l’imitation est conseillée, ce sont les livres des moralisateurs ; ou bien ils décrivent, sans arrière-pensée, des anecdotes et des figures contemporaines, véridiques ou de fiction, c’est-à-dire de combinaison, ce sont les livres des moralistes, qui agissent parce qu’ils font voir clair. […] Paul Adam appartient à l’une et à l’autre des deux catégories que je pose là par un distinguo un peu scolastique. […] (Ce critique dogmatique pourrait poser à l’historien et faire son petit Taine en notant, avec le sourire dont il serait capable, que M. 

108. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Mais enfin il reconnaîtra que, sans le savoir, nous avons posé la condition des progrès futurs et que notre industrialisme a été, quant à ses résultats, une œuvre méritoire et sainte. […] Mais, quand un misé-[145] rable travaille à s’élever au-dessus du besoin, il fait une action vertueuse, car il pose la condition de sa rédemption, il fait ce qu’il doit faire pour le moment. […] Croyez-vous que ce fanatique qui va poser avec joie sa tête sous les roues du char de Jagatnata n’est pas plus heureux et plus beau que vous, insipides marchands ?

109. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

La question touchant le plaisir ou le déplaisir que causait ou méritait de causer telle œuvre, demeurait posée ; mais on s’astreignait à savoir, en outre, quelle était la personne c’est-à-dire l’intelligence qui l’avait produite, et encore quel était l’ensemble des circonstances historiques c’est-à-dire sociales, dont sa production avait été entourée ; pour ces deux sortes de renseignements le critique avait à se doubler d’un historien ou d’un biographe et devait pénétrer dans le domaine des sciences morales. […] Il pose ainsi « une loi de dépendance mutuelle » entre une société donnée et sa littérature. […] Cette critique du déterminisme du « milieu », qui isole le cas singulier de l’artiste, posée ici pour la première fois, sera développée plus loin à propos de la théorie de Taine.

110. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Ils n’ont plus le droit de se poser en grands hommes. […] Comme ils secoueront vivement l’échelle, aussitôt qu’il posera le pied sur le premier échelon ! […] Les candidats de concours, que Toulouse aura sacrifiés aux pieds de Clémence Isaure, se poseront en victimes de la centralisation (toujours !).

111. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Quels sont les problèmes qu’elle est amenée à se poser ? […] S’il est facile de les poser, il est difficile d’y répondre.

112. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Encore ce principe est-il posé par elle, non comme une nécessité rationnelle, mais seulement comme un postulat empirique, produit d’une induction légitime. […] Mais, par cela même qu’ils ne se présentent à elle qu’à ce moment, que, par suite, ils se dégagent des faits et non des passions, on peut prévoir qu’ils doivent se poser pour le sociologue dans de tout autres termes que pour la foule, et que les solutions, d’ailleurs partielles, qu’il y peut apporter ne sauraient coïncider exactement avec aucune de celles auxquelles s’arrêtent les partis.

113. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

me répondit il, on ne trouverait pas à Paris un huissier, qui consentirait à le mettre en faillite ; savez-vous qu’il rapporte à la corporation de 40 à 50 000 francs par an… Il paye, mais il ne paye que saisi… ne commence à verser un acompte, que lorsque le colleur pose une affiche jaune à sa porte. […] Il s’était réveillé à sept heures, elle lui avait posé derrière le cou, les quatre ventouses que lui faisait poser son médecin de là-bas ; mais ce jour, les ventouses avaient mal pris, et le malade était un peu nerveux. […] Dans cette originale pose, elle conte au petit Jacques, assis à côté d’elle, dans un fauteuil de paille, elle conte une de ces histoires merveilleuses, qu’elle imagine si joliment. […] » J’avais eu l’ingénuité de répondre au rédacteur qui me posait ces questions : « C’était une nature gaie, et la gaieté du pauvre garçon avait quelque chose de charmant, quelque chose de la gaieté enjouée et spirituelle d’un personnage de la comédie italienne. » Ce matin, j’ouvre le journal, et je lis que M. de Goncourt regardait de Nittis comme un personnage de la comédie italienne. […] Nous sommes à la porte du caveau provisoire, devant lequel, elle se tient la tête renversée en arrière, les yeux fermés, les lèvres murmurantes de paroles d’adoration, dans une pose d’aveugle, ayant étendues devant elle, et agitées de mouvements convulsifs, ses mains gantées de laine noire : des mains tragiques.

114. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

IV Cela posé, on voit quel peut être l’effet, sur des images ainsi exagérées, de l’image et de la sensation contradictoires. […] Partant il est disposé à considérer cette connaissance comme un acte pur d’attention, acte d’espèce unique, incomparable à tout autre, dont l’essence, toute spirituelle, consiste en cela seulement qu’il nous met en communication avec notre passé. — Mais si cet acte lui paraît spirituel et pur, c’est qu’il est vide ; il l’a vidé lui-même en lui retirant tous ses caractères, pour les poser à part et fabriquer avec eux l’objet. […] En fait, l’une chevauche l’autre ; en apparence, elles sont posées bout à bout ; et cette merveilleuse illusion qui, de deux événements réellement simultanés, fait deux événements en apparence postérieurs ou antérieurs l’un à l’autre, est le mécanisme par lequel notre vue s’étend au-delà du présent, pour atteindre le passé et l’avenir. […] Il n’en est pas moins vrai qu’on ne sait plus où l’on est. » Il ajoute plus loin : « Souvent cette vision se fait lentement, pièce à pièce, comme les diverses parties d’un décor que l’on pose » ; mais, souvent aussi, elle est subite, « fugace comme les hallucinations hypnagogiques. […] Dans ce dédoublement, quand nous avons posé d’un côté le fantôme avec tous ses caractères distinctifs, il ne nous reste plus rien pour constituer de l’autre côté l’acte de connaissance.

115. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Telle est la première question qu’il faut se poser si l’on veut classer les sociétés et déterminer les influences les plus générales auxquelles elles cèdent. […] La réponse à la question posée paraît simple : c’est l’homogénéité, dira-t-on, qui prédispose les sociétés à accepter les idées égalitaires. […] Inversement, dans les sociétés modernes, lorsqu’on voudra déroger à l’égalité des citoyens posée en principe, c’est l’idée de la diversité des types ethniques qu’on invoquera : l’antisémitisme ne déclare-t-il pas que « la question de race prime tout » ? […] Il faut, pour que nous pensions à équilibrer leurs prétentions qui s’opposent, que par leurs différences mêmes les personnalités se soient posées les unes en face des autres. […] À la question que nous posions : « de l’homogénéité et de l’hétérogénéité sociales, laquelle des deux est favorable à l’égalitarisme ? 

116. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Ce parallèle, on le sent, avec ses contrastes, avec ses contacts aussi, serait fécond, mais délicat à poursuivre ; nous le posons seulement, et nous passons. […] Si bien posé qu’il se trouvât au Constitutionnel, en effet, ce cadre déjà formé ne suffisait point à l’activité de M. […] Les philosophes et les méditatifs aiment à se poser ces questions ; l’historien, je le sais, n’y est pas également obligé. […] Thiers ne nous paraîtrait pas devoir soulever toutes ces questions qui, ainsi posées, jurent plutôt avec la forme de cet entraînant récit. […] Comme si ce n’était pas assez clair, la Quotidienne, irritée, posait là-dessus au National plusieurs questions insidieuses, auxquelles M.

117. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Dans sa Pétition pour des villageois, qui est une pièce des plus achevées, il se pose tout à fait en vieux soldat laboureur, devenu bûcheron et vigneron, ami de la vieille gloire nationale ; et, quand ce jeune curé d’Azay ou de Fondettes, sorti du séminaire de Tours où il a été élevé par un frère Picpus, interdit la danse sur la place de l’endroit, Courier s’écrie : Ainsi, l’horreur de ces jeunes gens pour le plus simple amusement, leur vient du triste Picpus, qui lui-même tient d’ailleurs sa morale farouche. […] C’est ainsi qu’il se pose, dans sa défense devant l’avocat général Broé, comme étant du peuple et soldat : « Mais je suis du peuple ; je ne suis pas des hautes classes, quoi que vous en disiez, monsieur le président ; j’ignore leur langage et n’ai pas pu l’apprendre. […] Il le sentait bien au reste ; dans son Pamphlet des pamphlets il a fait sa théorie tout à sa portée et à son usage ; mesurant la carrière à son haleine, il a posé en principe qu’il fallait faire court pour faire bien : La moindre lettre de Pascal, dit-il, était plus malaisée à faire que toute l’Encyclopédie… Il n’y a point de bonne pensée qu’on ne puisse expliquer en une feuille, et développer assez ; qui s’étend davantage, souvent ne s’entend guère, ou manque de loisir, comme dit l’autre, pour méditer et faire court. […] La tentative de Courier a laissé indécise la question qu’il s’était posée.

118. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola à tous les usages, celui-ci polémise, expose, raconte, parle et décrit, énonce l’énorme masse de petits faits qui lui servent à poser ses lieux, ses personnages et ses ensembles. […] Zola pose ses personnages. […] Rien de plus réaliste que, dans Son Excellence, Eugène Rougon disgracié, déménageant de son cabinet au milieu des intéressées condoléances de ses créatures, ni de plus visible que le débraillé lascif de l’hôtel où Clorinde Balbi pose nue la Diane. […] Dans la Faute, les deux prêtres sont antithétiques comme les deux parties du livre, dont l’une pose la haine de la nature et l’autre sa voluptueuse revanche.

119. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Votre ste Geneviève est bien posée, bien dessinée, bien coloriée, bien drapée, bien en l’air, elle ne fatigue point ces nuages qui la soutiennent ; mais je la trouve, moi et beaucoup d’autres, un peu maniérée. à son attitude contournée, à ses bras jettés d’un côté et sa tête de l’autre, elle a l’air de regarder Dieu en arrière et de lui dire par-dessus son épaule : " allons donc, faites finir cela, puisque vous le pouvez. […] Pour ces deux hommes qui le retiennent, je me trompe fort s’ils ne sont d’une telle proportion que si vous les acheviez, leurs pieds descendraient au-dessous du massif sur lequel vous les avez posés ; du reste, ils font bien ce qu’ils font, ils sont sagement drapés, bien coloriés, seulement, je vous le répète, ils semblent moins empêcher un malade de sortir par une porte que de se jetter par une fenêtre. […] Cette grande suivante que je vois par le dos et qui la soutient, est tournée, contournée de la manière la plus déplaisante ; le bras dont elle embrasse sa maîtresse est gourd ; on ne sait sur quoi elle pose. […] Je gage que son effet vous fatiguera ; qu’il n’y a point de plans, mais point ; rien de décidé ; qu’on ne sait toujours où posent les figures du parvis ; que cette grosse suivante à énorme derrière rouge, au lieu d’être large, continue d’être monstrueuse et mal assise ; qu’il n’y a point de repos, que vous y ressentez partout la furia francese ; qu’à juger de la figure qui tient le petit enfant, par le plan qu’on lui suppose, elle est d’une grandeur colossale, etc., etc.

120. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Mais dès qu’un pareil être sort de cet état d’inconscience où on le situe et, brisant son unité, se pose vis-à-vis de lui-même en une infinité d’objets pour une infinité de sujets, il ne semble pas possible de donner à cet acte une autre explication que le désir de prendre conscience de soi-même et de se donner à soi-même en représentation. […] Ces héros ne conquièrent donc le sentiment d’une liberté antérieure que pour voir dans les événements de leur vie les effets incommutables de cette liberté et pour se poser en spectateurs devant l’image de leur destin.

121. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

C’est la tradition tombée à la secousse Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ; Ce qui demeure après que la terre a tremblé ; Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ; C’est la construction des hommes, la masure Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure, L’affreux charnier-palais en ruine, habité Par la mort et bâti par la fatalité, Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent, De la façon dont l’aile et le rayon se posent, La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ; C’est l’incommensurable et tragique monceau, Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères Et les dragons, avant de rentrer aux repaires, Et la nuée avant de remonter au ciel ; Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ; C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice, Fier jadis, dominant les lointains horizons, Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons, Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ; C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée.

122. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Voilà, très exactement le problème que le jeune Breton se pose et propose à sa sœur. […] Cette correspondance pose avec une ingénuité émouvante le problème d’un jeune garçon du peuple, empêché par sa condition précaire et par des complications familiales, qui veut assurer son développement intellectuel.

123. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Dans la langue du temps, le noble est l’homme de guerre, le soldat (miles), et c’est lui qui pose la seconde assise de la société moderne. […] Celui-ci est d’autant plus précieux qu’il peut s’élargir : pour que la petite patrie féodale devienne la grande patrie nationale, il suffit maintenant que toutes les seigneuries se réunissent entre les mains d’un seul seigneur, et que le roi, chef des nobles, pose sur l’œuvre des nobles la troisième assise de la France. […] Hugues Capet pose la première ; avant lui, la royauté ne donnait pas au roi une province, pas même Laon ; c’est lui qui ajoute au titre son domaine.

124. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

III Une première question se pose. […] Ce n’est pas cela que je veux dire ; en devenant rigoureuse, la Science mathématique prend un caractère artificiel qui frappera tout le monde ; elle oublie ses origines historiques ; on voit comment les questions peuvent se résoudre, on ne voit plus comment et pourquoi elles se posent. […] À propos des dernières réflexions que je viens de faire, une question se pose que je n’ai le temps, ni de résoudre, ni même d’énoncer avec les développements qu’elle comporterait.

125. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Quand un grand homme a cessé de vivre, quand il est sorti de la phase historique qu’il a marquée de la double empreinte de son esprit et de son caractère, il laisse souvent après lui, et dans l’histoire même, quelques gouttes de son sang : — une famille, que la curiosité aime à étudier pour y retrouver les influences de sa gloire et de son génie ; car ceux qui croient le plus à la personnalité du mérite posent, malgré eux, la question de race à propos de tout, comme si c’était une fatalité ! […] II On voit, en effet, Mazarin, dans ce livre où il ne pose pas. […] Ils ne posèrent plus nulle part ; en dépit de ses grossesses fréquentes, il la traînait de gouvernement en gouvernement, de ville en ville, de Bretagne en Alsace, sans se faire annoncer nulle part, exposant sa compagne de route à mille fâcheuses aventures, comme d’accoucher en pleine hôtellerie ou dans quelque incommode manoir.

126. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Mais il est à peu près impossible d’arriver à l’hypothèse d’une relativité double sans passer par celle d’une relativité simple, où l’on pose encore un point de repère absolu, un éther immobile. […] Descartes posait que tout ce qui relève de la physique est étalé en mouvement dans l’espace : par là il donnait la formule idéale du mécanisme universel. […] Disons mieux : il aurait tort de se le demander, car la question n’a plus de sens ; elle ne se pose pas en ces termes.

127. (1929) Amiel ou la part du rêve

Mais il ne la possède pas. « Aucune contrainte extérieure, jouissance de tout mon temps, maître de me poser un but quelconque. […] Il hésitait à poser sa candidature. […] Amiel écrivait un jour : « Tu aurais besoin du mariage, d’un attachement, de quelque chose qui te pose, t’enracine et t’alimente. » Précisément voilà ce que dit une femme normale : la virilité c’est de poser, de planter, de déterminer et de nourrir. […] Philine la pose, sans insister encore. Et la conscience, tous les plans de conscience, et psychologique, et morale, d’Amiel, la posent, vont la poser interminablement pendant dix ans, les dix ans qui le séparent de la cinquantaine.

128. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Comment on peut poser le problème de l’existence. — Possibilité de la métaphysique. — Résumé sur la structure de l’intelligence. […] Posez que, dans ces sociétés de molécules qu’on nomme corps, les habitants et les matériaux sont une seule et même chose : la comparaison s’appliquera très exactement. […] Alors se posent les questions d’origine, les plus curieuses, mais les plus difficiles de toutes. […] Pareillement encore, il ne pose aucune donnée comme réelle ; il n’établit qu’un cadre auquel pourront s’adapter les données réelles. […] Cela posé, ne pourrait-on pas chercher ces éléments et ces conditions ?

129. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

— Très bien, monsieur, dit le professeur de pose. […] Quant au jeune Anglais du même âge, il ne pose pas du tout. […] Nous devons toutefois distinguer entre les deux sortes de modèles, ceux qui posent pour la figure et ceux qui posent pour le costume. […] C’est réellement une figure très bien posée. […] Vous ne vous poserez plus sur moi en ce monde.

130. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Sur la question posée en ces termes : « Le maréchal a-t-il commis un attentat à la sûreté de l’État ?  […] S’adressant aux amis du genre classique et à ceux du genre romantique, il posait avec un grand sens et avec une haute impartialité l’antagonisme et la concurrence légitime des deux genres ; il en présentait en quelque sorte la Charte, — hélas ! […] Quand on arrive au terme de ce travail si instructif, et, somme toute, si agréable, peu s’en faut que tout à la fin il ne recommence, tant l’auteur se pose de questions nouvelles en finissant. […] M. de Broglie eut les Affaires étrangères ; les dépêches, aujourd’hui publiées, montrent qu’eu égard aux circonstances d’alors et aux termes dans lesquels le problème était posé, il ne les dirigea point sans fermeté, ni sans un juste sentiment de la dignité de la France.

131. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Il paraît que ses cuisses sont séparées ; elle a le bras gauche dans le lit, et le bras droit sur la couverture, qui se plisse beaucoup à la séparation des deux cuisses, et la main posée où la couverture se plisse. […] C’est une faiblesse de pinceau, un négligé, un manque d’effet qui désespèrent ; c’est dommage, car tout est naturellement ordonné, les personnages, le tartare surtout bien posé, les objets bien distribués ; la femme tartare, en fourrure rouge, a les pieds posés sur un coussin. […] Debout, le coude gauche posé sur l’extrémité du même meuble, une femme.

132. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Ainsi, les uns la posaient à l’avènement de Luther et du protestantisme ; les autres plus loin, avec Jean Huss et Jérôme de Prague ; un troisième parti, plus chimérique encore, à l’invasion de la Gaule par les Barbares ; et enfin les plus fous et les plus coupables, comme Buchez, par exemple, au pied même de la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. […] Le Catholicisme, en posant la liberté de l’homme, — et, chose qui devrait faire réfléchir les partisans de la liberté politique, il n’y a que le Catholicisme qui sache poser philosophiquement cette liberté, — donne la seule vraie philosophie de l’Histoire. […] Le trop célèbre professeur posait en principe qu’on ne devait se préoccuper que des faits glorieux d’une époque, et qu’on pouvait passer, les yeux fermés par un optimisme supérieur, sur les faits criminels et funestes : « Je renvoie — disait-il alors, avec la superbe d’un homme qui prend des effets oratoires pour des raisons philosophiques, — les horreurs et les crimes de la Révolution à qui de droit. » Pour qui voit clair sous les mots, cela signifiait qu’il les renvoyait aux hommes de la Révolution, c’est-à-dire à la Révolution même ; or, précisément, c’était le contraire que voulait dire Cousin. […] Telle est, en résumé, cette mise à nu de la Révolution française, tel est le livre vigoureux, savant et pensé, que Cassagnac a posé, comme une négation qui sera entendue de l’avenir, à l’encontre des publications historiques sur le même sujet.

133. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Qu’il me suffise de dire, pour répondre à la question posée tout à l’heure, que la puissance informatrice des matériaux transmis par les organes des sens, la puissance qui convertit en objets précis et déterminés les vagues impressions venues de l’œil, de l’oreille, de toute la surface et de tout l’intérieur du corps, c’est le souvenir. […] Mais derrière les souvenirs qui viennent se poser ainsi sur notre occupation présente et se révéler au moyen d’elle, il y en a d’autres, des milliers et des milliers d’autres, en bas, au-dessous de la scène illuminée par la conscience. […] À l’état de veille, le souvenir visuel qui nous sert à interpréter la sensation visuelle est obligé de se poser exactement sur elle ; il en suit donc le déroulement, il occupe le même temps ; bref, la perception reconnue des événements extérieurs dure juste autant qu’eux. […] Resterait à chercher pourquoi le rêve préféré tel ou tel souvenir à d’autres, également capables de se poser sur les sensations actuelles.

134. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Elle pose le fait, brut et détaché. […] Ces constats vous semblent poser un problème ? […] Le décor est posé, auquel vous croyez. […] Voilà un des problèmes posés par le livre. […] C’est le problème que le veuvage pose devant la mère de famille.

135. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 23, que la voïe de discussion n’est pas aussi bonne pour connoître le mérite des poëmes et des tableaux, que celle du sentiment » pp. 341-353

Dans les arts, les principes sont en grand nombre, et rien n’est plus facile que de se tromper dans le choix de celui qu’on veut poser comme le plus important. […] Enfin soit que les philosophes physiciens ou critiques posent mal leurs principes, soit qu’ils en tirent mal leurs conclusions, il leur arrive tous les jours de se tromper quoiqu’ils assurent que leur methode conduit infailliblement à la verité.

136. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Il pose l’ongle là où la Critique doit enfoncer son scalpel… Eh bien, la Critique sera tout étonnée un jour de ne trouver dans le Caliban du socialisme, dans cette espèce de mastodonte dont les énormités n’épouvantent déjà plus, qu’un talent incontestable, mais facile à apprécier et qui n’étonnera et ne désespérera personne ! […] Esprit fortement généralisateur, il pose plus pour les idées qu’il ne les développe.

137. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

On se demande ce qui les arrête, pourquoi ils ne sont ni plus féconds, eux si faciles, ni plus certains, eux autrefois si ardents ; on se pose, comme une énigme, ces belles intelligences en partie infructueuses. […] Il est trop question avec lui, au point de vue où il se place, de se croiser les bras et de regarder, — avec lui qui, à l’heure la plus ardente de sa jeunesse, peignant la noble élite dont il faisait partie, écrivait : « L’espérance des nouveaux jours est en eux ; ils en sont les apôtres prédestinés, et c’est dans leurs mains qu’est le salut du monde… Ils ont foi à la vérité et à la vertu, ou plutôt, par une providence conservatrice qu’on appelle aussi la force des choses, ces deux images impérissables de la Divinité, sans lesquelles le monde ne saurait aller longtemps, se sont emparées de leurs cœurs pour revivre par eux et pour rajeunir l’humanité. » Et c’est ici, peut-être, que s’explique un coin de l’énigme que nous nous posions plus haut, au sujet de ces intelligences si supérieures à leur action et à leur œuvre. […] Jouffroy, où le pâtre intervient souvent, datent de cette rencontre ; c’est ce qui lui a fait dire dans son émouvant discours sur la Destinée humaine : « Le pâtre rêve comme nous à cette infinie création dont il n’est qu’un fragment ; il se sent comme nous perdu dans cette chaîne d’êtres dont les extrémités lui échappent ; entre lui et les animaux qu’il garde, il lui arrive aussi de chercher le rapport ; il lui arrive de se demander si, de même qu’il est supérieur à eux, il n’y aurait pas d’autres êtres supérieurs à lui…, et de son propre droit, de l’autorité de son intelligence qu’on qualifie d’infirme et de bornée, il a l’audace de poser au Créateur cette haute et mélancolique question : Pourquoi m’as-tu fait ? […] Dubois, qui jugea que, dans cette simple idée de magasin à l’anglaise, il n’y avait pas assez de chance d’action ; qu’il fallait y implanter une portion de doctrine, y introduire les questions de liberté littéraire, se poser contre la littérature impériale, et, sans songer à la politique puisqu’on était en pleine Censure, fonder du moins une critique nouvelle et philosophique. […] … Nous ne concevons pas que tant de gens de conscience se jettent dans les affaires politiques, et poussent le char de notre fortune dans un sens ou dans un autre, avant d’avoir songé à se poser ces grandes questions….

138. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Je me la rappelle rue d’Isly, dans ce petit appartement au midi, où le soleil courait et se posait comme un oiseau. […] Dans le demi-sommeil qui l’envahit, elle sent son Américain se remuer, s’agiter sourdement, entrer en colère pour les fautes qu’elle a faites, pour son manque d’attention, pour sa cervelle oublieuse de Française ; elle s’endort tout de même, mais au bout d’une demi-heure, d’une heure d’un silence furibond et dans lequel il se dévore, l’Américain la secoue et la réveille pour lui dire : « Si tu avais posé le cinq trois au lieu du deux trois, nous aurions gagné… Et il lui défile tout le jeu. […] » Elle a un petit mouvement de dépit, traverse la rue, pose le front, mordu d’un coup de soleil, contre la grille de l’église, où, dans le moment, monte une noce. […] Dans l’après-midi on trouvait presque toujours, tenant compagnie à Valentin, le peintre Hafner, le naturiste coloriste, le maître des champs de choux violets, l’original artiste à l’aspect de caporal prussien, et déjà ivre depuis le déjeuner, et qui, le menton calé sur sa canne, en la pose que j’ai vue à l’oncle Shandy, dans une vieille illustration du roman de Sterne, regardait vaguement travailler son ami jusqu’à l’heure du dîner. […] Ces trois statues posées sur des piédestaux dans une chambre, tandis que, dans l’ombre d’un corridor qui ne finit pas, se débattent des formes confuses faisant peur.

139. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Il a fini par bien poser, et d’aplomb, son archet sur les cordes de son violon, et il nous a joué cet air horrible de Thérèse Raquin qui fait saigner le cœur et l’oreille, et que nous allons entendre au théâtre pour qu’il les y fasse saigner mieux. […] le charcutier, qui transporte l’art, des sphères élevées et nobles où il devrait rester, dans les charcuteries, et qui pose l’axiome insolent, barbare et crapuleux, « que c’est là qu’il faut chercher le Beau et sa loi désormais !  […] Zola, ce ne sont que détails pareils, subtils et dégoûtants, saillant, avec un raffinement ordurier, même sur le fond de fumier et de fiente où il pose triomphalement sa favorite Désirée, — laquelle, du reste, n’est là que pour justifier ces manières de peindre et peut-être aussi pour lancer le mot de la fin de ce livre immonde, — aussi bien sous les roses de son Paradou que sur le fumier de sa basse-cour… Ce mot de la fin, je me garderai bien de l’oublier, parce qu’il donne en une fois l’idée de l’abjection intégrale du livre de M.  […] Le Réalisme se corse tous les jours davantage, et L’Assommoir le pose comme il n’avait jamais été posé, dans aucun livre et par personne.

140. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Voici comment se pose le problème de la critique. […] Mais il sera plus clair d’exposer séparément en deux séries les questions à se poser. […] On peut donc s’en tenir aux questions déjà posées pour reconnaître la sincérité. […] Pour reconnaître si l’auteur s’est trouvé dans ce cas on a plusieurs questions à poser. […] Mais comment poser les questions dans une science si différente des autres ?

141. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il est même remarquable que Molière a si bien posé les traits caractéristiques des diverses classes de la société française, qu’à travers toutes les révolutions, les grandes lignes de ses études restent vraies : Balzac et Augier nous aideraient à le prouver. […] Dans toute la suite de son œuvre, il a fait de la satire sociale ou morale : il a posé ses ridicules et ses honnêtes gens de façon à ne nous laisser jamais douter qu’il ne blâme cela et n’approuve ceci389. […] Comme toute morale qui pose en principe la bonté de la nature et la légitimité de l’instinct, et qui veut éviter de déchaîner la brutalité des appétits, la morale de Molière aboutit à identifier la vertu ivec l’altruisme. […] Il faut un rapport d’âge : la nature destine les jeunes hommes à épouser les jeunes filles ; les vieillards n’ont que la paternité pour carrière ; Arnolphe est coupable de prétendre à Agnès, Harpagon ridicule de se poser en rival de son fils. […] Son sujet posé, il en tire tout ce qu’il contient de rire, avec une logique extravagance, sans aucun souci de la réalité ni de la vraisemblance.

142. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Celui qui règle les mœurs, pose des prescriptions, propose un idéal de conduite, l’est également. […] On peut entendre par philosophie deux choses fort différentes : celle qui est, celle qui tend à être : la première consistant en un assemblage assez incohérent de quatre ou cinq sciences, la seconde offrant une signification précise, rationnelle, ayant un objet bien déterminé, et des limites posées par l’expérience. […] Posée dès le temps de Démocrite, elle a encore été débattue de nos jours par l’école théologique de de Maistre et de Bonald. […] Ceci posé, nous nous proposons dans ce qui va suivre d’examiner la conception courante de la psychologie particulièrement en France et de voir à quels résultats elle conduit. […] Nous répondons que cette question n’a point de sens et qu’autant vaudrait la poser à propos de la physique expérimentale.

143. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Feydeau est entré dans l’atelier, s’est posé devant une toile et, palette en main, s’est mis à peindre ses deux personnages et leur intérieur, et à leur donner tout l’éclat, tout le relief imaginable. […] C’est une autre question qu’on ne peut s’empêcher de se poser d’abord après avoir lu Fanny, et qui tient surtout à la manière réelle, poignante et saignante, dont toutes choses y sont présentées. — À cette question, les réponses ne sont pas unanimes. […] Il y en a qui, se croyant personnellement intéressés dans ces sortes de récits, en veulent à l’auteur et déclarent que c’est être cruel, que c’est être parfaitement désagréable, de forcer ainsi d’honnêtes gens (c’est-à-dire eux-mêmes) à se poser nettement, désormais, dans leurs intrigues et ce qu’on nomme les bonnes fortunes, une question d’amour-propre et un point d’honneur qu’ils aimaient autant sous-entendre et éluder.

144. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

M. de Tocqueville posait un peu pour l’observation méthodique, profonde et raisonnée… » Il ne posait pas, c’était l’attitude naturelle de son esprit, de toute sa personne ; mais il faisait un peu cet effet aux militaires, à ceux qui ont l’esprit prompt, l’observation facile et nette, et même brusque : ce sont des familles d’esprits différentes et même opposées ; il n’y a rien d’étonnant que quelque antipathie se prononce. […] C’est alors que je me recommande à vos prières ; car alors seulement se posera et se débattra au-dedans de moi cette redoutable question de savoir si je puis, oui ou non, tirer désormais parti de ma vie.

145. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Mais, à tout instant M. de Laprade pose un fait faux, et il édifie là-dessus toute une théorie historique et morale. […] Il se pose gravement cette question : « Examinons, dit-il, cette idée du haut de la morale et de l’histoire. […] » Mais ne pourrait-on pas se poser exactement la même question pour le sermon ?

146. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

De la sorte, surgissent une quantité de questions qu’on doit se poser et auxquelles peut répondre l’examen d’une œuvre littéraire. […] On peut, par la même occasion, se poser quelques questions qui pénètrent plus profondément. […] Aussi quelle série de nouvelles questions à nous poser !

147. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Or, il advint qu’en dépit de sa force et des nombreuses séductions qu’il offrait, l’édifice catholique chancela sur sa base ; cette base dont la première pierre avait été posée par un Dieu, venu des régions célestes pour cela, ne fut plus en état de le soutenir. […] Nous ne tirons pas de conclusions, mais nous posons des principes désormais acquis.‌ […] Nous posons cette question : Est-il possible à un artiste de réaliser une œuvre forte avec des matériaux avariés ?

148. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Rémy de Gourmont avait posé les termes. […] Reste le jour d’Apollon : je le consacre à « Tous-les-autres » morts et vivants, peut-être même surtout à un vivant, mais je me tais, puisque la question n’est pas posée. […] — Il m’est impossible, dans les termes où elle pose, de satisfaire à votre intéressante enquête. […] — Je suis, je l’avoue, très embarrassé de répondre à votre question, que je ne m’étais jamais posée jusqu’à présent. […] Les petites jeunes filles quotidiennes qui nous la posent ne se doutent point qu’on ne peut être vraiment poète si l’on est en état d’y répondre.

149. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

A celui qui ajournait la religion, l’auteur de ces lettres avait à faire sentir et à démontrer que la science est sans vie, l’industrie sans réhabilitation, les beaux-arts sans rôle social, si un lien sacré d’amour ne les enserre pour les féconder ; il avait à révéler l’influence puissante, bien qu’incomplète, du dogme chrétien et de la théologie sur la politique d’alors et sur les progrès de la société ; il avait à prouver qu’aujourd’hui que cette théologie est reconnue arriérée, s’abstenir d’y substituer celle qui seule comprend l’humanité, la nature et Dieu ; rejeter ce travail glorieux et saint à un temps plus ou moins éloigné sous prétexte que le siècle n’est pas mûr ; s’obstiner à demeurer philosophe, quand l’ère religieuse est déjà pressentie, se rapetisser orgueilleusement dans le rôle de disciples d’un Socrate nouveau, quand la mission d’apôtres devrait soulever déjà tous nos désirs ; — que faire ainsi, c’était se barrer du premier pas la carrière, se poser une borne au seuil de l’avenir, s’ôter toute vaste chance de progrès et être véritablement impie. […] On y verra clairement jusqu’où peut aller, en aperçus ingénieux de l’avenir, la philosophie sans la foi, la sagesse sans la religion ; on se demandera quel bonheur il revient au genre humain d’une idée isolée, trouvée une fois lancée dans le monde pour le plus grand plaisir de quelques penseurs, et à laquelle toute une vie d’amour et de dévouement n’a pas été consacrée ; on admirera Lessing ; on saluera en passant, avec bienveillance et respect, la statue de marbre du sage, mais on se jettera en larmes dans les bras de Saint-Simon ; on se hâtera vers l’enceinte infinie où l’humanité nous convie par sa bouche, et où l’on conviera en lui l’humanité ; on courra aux pieds de l’autel aimant et vivant, dont il a posé, et dont il est lui-même la première pierre4.

150. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

On la voit de face, la tête coeffée à la romaine, le regard assuré, le bras droit retourné et le dos de la main appuyé sur la hanche ; l’autre bras posé sur la selle à modeler, l’ébauchoir à la main. […] Celui du cardinal de Choiseul est sage, ressemblant, bien assis, bien de chair, on ne scauroit mieux posé ni mieux habillé.

151. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Ossian, chef, guerrier, poëte et musicien, entend frémir pendant la nuit les arbres qui environnent sa demeure, il se lève, il s’écrie : " âmes de mes amis, je vous entends ; vous me reprochez mon silence. " il prend sa lyre, il chante, et lorsqu’il a chanté, il dit : " âmes de mes amis, vous voilà immortelles, soyez donc satisfaites, et laissez-moi reposer. " dans sa vieillesse, un barde aveugle se fait conduire entre les tombeaux de ses enfans ; il s’assied, il pose ses deux mains sur la pierre froide qui couvre leurs cendres, il les chante. […] Plus sur la gauche et le fond, un valet qui vient de poser à terre deux seaux d’eau pour les chevaux.

152. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Si donc le talent n’explique rien et n’existe pas réellement dans les lettres de la Religieuse portugaise, le piquant problème que nous signalions plus haut à la Critique n’est-il pas le seul qui lui reste aujourd’hui à poser ? […] Et si cela est, si l’intuition de Rousseau est juste, est-il alors bien difficile de comprendre la renommée faite au livre de cette soi-disant religieuse, et le problème que nous avons posé au commencement de ce chapitre ne se résout-il pas tout seul ?

153. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

La plume de l’auteur, au moment où elle se pose sur le papier, lui paraissait avoir pour semblable, ou mieux pour idéal, le bâton, sur un concert, du chef d’orchestre. […] Les allusions ne sont plus chez lui prises et portées par le flot oratoire, mais se posent discontinues et schématiques. […] Et cette question, que l’on ne pose jamais, me semble pourtant intéressante. […] Aussi la préoccupation de l’absolu poétique pose vite chez Mallarmé le problème de la musique. […] Il se posa à ce sujet les problèmes les plus désespérants, les plus insolubles.

154. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Barbier s’était posé comme poète satirique, il devait demeurer à tout jamais ce qu’il avait été d’abord. […] Barbier, en assombrissant les couleurs de sa pensée, a obéi à la nature du modèle qui posait devant lui ; il a été logique dans sa diversité. […] Ce n’est pas à la poésie qu’il appartient de résoudre une pareille question, mais il ne lui est pas défendu de la poser. […] Les acteurs de Fontainebleau ont l’air de poser devant nous dans l’unique dessein de nous initier aux misères et aux souffrances de la grandeur. […] La figure même de Céluta, quoique bien posée d’abord, ne se meut pas librement au milieu des évolutions stratégiques de cette menteuse épopée.

155. (1911) Nos directions

Tel est, Mesdames et Messieurs, le problème vital qui aujourd’hui se pose. […] pas une seule qui ressemble aux autres, bien qu’elles se posent de la même façon : les mêmes traits se combinent différemment en chacune. […] Et cette question se pose. […] Le problème aux trois quarts résolu, on le pose à peine, et l’on retourne bénévolement à la confusion des premiers jours. […] Georges Duhamel et Charles Vildrac font profession de modestie : ils ne se posent pas en théoriciens.

156. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Cette loi pose qu’une sensation nous paraît située à l’endroit où nous avons coutume de rencontrer sa cause ou condition ordinaire, et cet endroit est celui où le toucher explorateur peut, en agissant, interrompre ou modifier la sensation commencée. […] Je viens de poser mon pied à terre, j’éprouve une sensation de pression, et je constate en même temps l’endroit de cette sensation ; elle est dans mon pied gauche, assez forte au milieu, légère au talon, presque nulle aux cinq doigts. […] Cette association, moins fixe que la nôtre, est la même que la nôtre, et comme un second étage peu solide posé sur un premier étage indestructible. […] Un jour, il prit le chat, qu’il connaissait bien par le toucher, le regarda fixement et longtemps, le posa par terre et dit : “À présent, Minet, je te reconnaîtrai une autre fois.” […] ) Quand on rapproche de ces faits les cas d’hyperesthésie si fréquents dans le somnambulisme et l’hypnotisme, on s’aperçoit qu’on ne peut poser une limite à l’acuité innée ou acquise de nos sens.

157. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Et dans les moments de repos, une longue contemplation du profil en bronze de mon frère, posé sur la table de travail, de mon frère si ressemblant, par moment, sous des coups de jour cherchés par moi, et qui me le font revoir dans la vie de son joli et spirituel visage. […] Et, en effet, comme si je l’avais demandé, au moment où je posais le pied sur la dernière marche, un vieux landau s’engageait à reculons devant moi, dans l’allée resserrée entre de hauts murs, et si étroite que je ne pouvais voir l’attelage, — et l’allée, longue, longue, ne finissait pas. […] Tout cela est dit, avec une parole légère sans appuiement, des mouvements d’un dessin élégant, et dans la pose et l’attitude doucement dédaigneuse, qu’elle me donne à peindre. […] L’esquisse, ce serait chez Whistler, une ruée sur la toile : une ou deux heures de fièvre folle, dont sortirait toute construite dans son enveloppe, la chose… Puis alors des séances, des longues séances, où la plupart du temps, le pinceau approche de la toile, le peintre ne posait pas la touche au bout de son pinceau, et le jetait ce pinceau, et en prenait un autre — et quelquefois en trois heures posait une cinquantaine de touches sur la toile — « chaque touche, selon son expression, enlevant un voile à la couverte de l’esquisse ». […] Ce jeune homme qui est un exubérant, dans la chaleur de son exposition, posait la main sur le couvercle d’un sucrier, faisant partie d’un verre d’eau posé sur le bureau du banquier, et emporté par un mouvement oratoire, il l’enlevait en l’air, au bout de sa main.

158. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Tous les temps, depuis le berceau du genre humain, toutes les nations posent devant elle ; et pour savoir ce que sont relativement leurs œuvres, elle n’a qu’à les faire comparaître et répondre tour à tour. […] Aujourd’hui il est permis à peine de poser cette question. […] Ceci est une conséquence parfaitement rigoureuse de la définition posée dès le début. […] V Ainsi, conduit par une exacte analyse des faits, Platon a posé d’abord la distinction de l’âme et du corps et la substantialité de l’âme ; il a posé son immortalité véritable avec le cortège obligé des récompenses et des peines ; il a découvert la loi morale et l’a montrée, dans toute sa puissance et sa pureté, au fond de la conscience humaine. […] Mais Socrate avait posé trente ans devant lui.

159. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Le problème que nous abordons ici est distinct du problème de l’attention, tel que le pose la psychologie contemporaine. […] Telles sont les questions que nous voulons nous poser. […] De quelque manière qu’on résolve la question, on laissera intact, disons-nous, le problème de l’attention tel que les psychologues contemporains le posent. […] Ce que nous voyons de la phrase lue, ce que nous entendons de la phrase prononcée, est tout juste ce qui est nécessaire pour nous placer dans l’ordre d’idées correspondant : alors, partant des idées, c’est-à-dire des relations abstraites, nous les matérialisons imaginativement en mots hypothétiques qui essaient de se poser sur ce que nous voyons et entendons. […] Le problème que nous posons ici ne peut être résolu d’une manière satisfaisante dans l’état actuel de la science psychologique.

160. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Politiquement, il n’avait pas à se faire jour ; c’était par la littérature, objet de sa vocation très-prononcée, qu’il devait se poser avec importance. […] Il s’est si bien créé l’avocat des grands siècles et si fermement posé sur le terrain de la tradition, qu’il vous convie à lui et à ses clients illustres d’un seul et même appel. […] Il oublie que les Mémoires d’Outre-Tombe, ce monument d’ordre composite, où tous les styles se fondent (quand ils ne se heurtent pas), où il y a innovation et rénovation de langage en même temps sans doute que tradition, et dont le titre seul est déjà une audace, donneront un complet démenti à cette théorie qui tend à nous renfermer dans une charte de style légitime, et à échafauder, à partir de M. de Chateaubriand, une barrière infranchissable, comme, avant lui, on en posait après Jean-Jacques et Bernardin. […] Mais ne posez pas les limites, ne criez pas contre l’exception, car de l’exception seule naîtra le talent, le génie.

161. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Un de mes voisins de campagne, homme de joyeuse humeur et philosophe cynique, s’amusait, quand il avait chez lui des étrangers, à poser au fils de son fermier, un enfant de huit ans, les questions suivantes dont il avait dicté les réponses : « — Qu’est-ce que tu veux être, Germain ? […] Il est des questions que les fidèles écartent, qu’ils ne se posent même pas : la foi d’un grand nombre repose sur des malentendus, ou sur beaucoup d’ignorance et d’irréflexion. […] Encore un coup, il est rare que la question se pose avec cette netteté tragique et que l’Église ait l’occasion de revendiquer ses droits sur toute l’âme ; mais la question se pose ainsi pour tout prêtre qui réfléchit dès que certaines circonstances mettent en opposition directe ses sentiments naturels et sa foi.

162. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Aujourd’hui ce sont les principes qui sont en question, et la critique est sans cesse obligée de se poser des problèmes de vérité, de bienfaisance, d’opportunité : elle doit devenir, bon gré mal gré, morale et politique. […] Et cette enquête pose une fois de plus la question de la situation des intellectuels dans la présente société. […] Mais quand ce philosophe ajoute : « Aujourd’hui ce sont les principes qui sont en question, et la critique est sans cesse obligée de se poser des problèmes de vérité, de bienfaisance, d’opportunité : elle doit devenir, bon gré mal gré, morale et politique », plus d’un, sans doute, fronce les sourcils ou lève les bras au ciel. […] L’enquête des Marges aura servi du moins à le poser.

163. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Et il le vide d’un trait, le pose sur sa cuisse, d’un coup de poing l’aplatit, le plie en deux, en quatre, et le fourre dans sa sabretache. […] C’est amusant, l’installation d’un journal à images naissant, avec ses divans qui ne sont encore que des planches, l’essai de ses cornets acoustiques qu’on pose, les épreuves de Gillot voletant sur le bureau, la paperasserie en désordre de la copie des feuilles destinées à faire le premier numéro, les allées et les sorties de messieurs qui s’en vont, après un petit entretien avec le rédacteur en chef dans un coin du bureau. […] Avec ce quelque chose d’appuyé et de ressenti, que les bien malades mettent dans leurs paroles, elle revenait amoureusement sur ces jours où elle servait de modèle à son mari, du matin au soir, sur ces jours tout pleins de ses peurs de l’eau, et où cependant sans rien dire, elle posait dans un remuant bateau, en robe blanche, frissonnante du froid du coucher du soleil et de la terreur de chavirer. […] Jeudi 2 octobre Pendant que je pose pour mon portrait, Bracquemond, tout en crayonnant, me raconte un peu de sa vie.

164. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Le samedi 22 octobre, veille de l’inauguration, une pierre commémorative en marbre noir, avec une inscription en lettres d’or, a été posée au-dessus de la porte d’entrée de la maison où il est né, et qui appartient encore à la famille. […] C’est au premier étage de cette espèce de perron ou balcon de l’hôtel de ville que le buste avait été posé. […] On l’y verrait tel qu’il était, ni plus ni moins, avec ses gaietés familières et ses échappées spirituelles, même en ses moments de retraite et de demi-repentir : car, de tous les hommes célèbres de son temps, il est, avec Lesage, celui qui certainement a le moins songé à poser.

165. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Après la lecture des quatre premiers volumes, et sans préjudice des impressions qu’y ajouteront les volumes suivants, on peut se poser déjà plusieurs questions et se faire les réponses. […] Je m’étonnerais donc (si je ne le savais si absolu dans sa manière de voir) qu’aujourd’hui qu’il examine à loisir ces affaires du passé, il ne se soit point posé un seul moment cette question : Que serait-il arrivé en 1830, si dans les rangs de ce ministère Laffitte, ou à côté, il s’était trouvé à temps un homme véritable, un Casimir Perier du mouvement et d’une politique plus hardie, agressive et non plus défensive ? […] Dès à présent, et comme on n’a pas tout à fait oublié d’ailleurs ce qui s’est passé ensuite, on est en mesure, ce me semble, de répondre à la première question que je me suis posée : Quelle idée peut-on se former, d’après cette seule lecture, du régime politique que l’ouvrage est destiné à justifier ou même à glorifier ?

166. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Les bornes posées par les Alexandre, les Annibal et les César furent atteintes ou même dépassées, et de nouveau l’on put dire : Rien au-delà ! […] il se posait cette question et y répondait32. […] C’était, selon lui, « l’unique moyen de poser le grand problème, de manière à le résoudre. » Son esprit juste, son jugement essentiellement modéré, en rabattront assez plus tard et bientôt, dès après Iéna et à partir d’Eylau, dès qu’il verra poindre et sortir les fautes et les exagérations du système nouveau et du génie qui l’avait conçu ; il dira alors, en rentrant dans la parfaite vérité : « Loin de moi la pensée de décider si le roi légitime de la Prusse, ne voulant que défendre son trône et son pays, pouvait provoquer, dès 1756, cette révolution immense dans l’art militaire qu’un soldat audacieux autant qu’habile introduisit, quarante ans après, par la force des événements qui l’entraînait !

167. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Au centre de la toile, au-dessus d’une estrade d’où l’on peut descendre par quelques degrés, vers le côté gauche de la toile, ste Julitte debout, entre les mains des bourreaux, dont un, plus sur le fond et la gauche, lui tient les mains serrées de liens ; un second placé derrière la sainte, lui bat les épaules d’un faisceau de cordes ; un troisième à ses pieds, se penche vers les degrés pour ramasser d’autres fouets, parmi des instrumens de supplice. à gauche sur les degrés, le cadavre de st Cyr, les pieds vers le fond, la tête sur le devant. à gauche, une espèce de tribune, le préteur ou juge assis, le coude appuyé sur la balustrade et la tête posée sur sa main. […] Au côté opposé de la table, Joseph debout, le corps penché, tenant une grande soupière par les anses, la pose sur le milieu de la table. […] Sa jambe droite est croisée sur la gauche, et sa main droite posée sur sa jambe, il est appuyé du coude sur le sopha ; sa main embrasse son menton et soutient sa tête.

168. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Une fois posé que ces quatre chevaux sont blancs, on peut par abstraction détacher l’idée de quatre, le décomposer par abstraction en 3 + 1 et en 2 x 2, remarquer par abstraction l’égalité nécessaire de ces deux quantités, et dégager ainsi, d’une proposition contingente, une proposition nécessaire. Une fois posé que cette fleur est rose, on peut par abstraction dégager du mot fleur l’idée de substance, et du mot rose l’idée de qualité, comparer ces deux termes, isoler entre eux par abstraction un rapport nécessaire, celui de substance à qualité, et tirer ainsi une vérité nécessaire d’une vérité contingente. […] La substance n’est donc pas quelque chose de réel, distinct et différent de ses qualités ; c’est par illusion qu’on se la représente comme une sorte de siège et d’appui sur lequel les qualités viennent se poser.

169. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

. — C’en est assez, mon cher Béranger, pour vous poser fort incomplètement une question que vous saurez mieux préciser que moi : « Que me reprochez-vous à votre égard ?  […] Ç’a été, parmi les derniers venus, à qui se poserait en défenseur et en avocat d’office.

170. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Avant d’être un livre, cet exposé du xviiie  siècle a été un cours ; dans sa préface, l’écrivain a très habilement posé la différence du style à la parole, les sacrifices que l’un exige, auprès des licences heureuses que l’autre se permet. […] Lerminier dans ce glorieux inventaire ; mais leur vêtement habituel idéalisé, les traits rassemblés de leur physionomie, leur pose, leur allure, se joignent étroitement à l’idée et font revivre, en le rehaussant, le personnage.

171. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Sans poser pour le moraliste, sans avoir de mots amers ni cruels, le bon Labiche nous donne assez souvent l’inquiétante sensation que ces imbéciles, ces ahuris, ces détraqués qui nous réjouissent, ne sont pas loin de nous. […] Poirier (1854), qui met aux prises deux types si vrais de bourgeois enrichi et de noble ruiné ; dans les Lionnes pauvres (1858), où l’honnête Pommeau et sa femme forment un couple digne de Balzac, et nous offrent le tableau des ravages que l’universel appétit de richesse et de luxe peut faire dans un modeste ménage ; dans Maître Guérin (1864), enfin, qui, malgré son sublime colonel, est peut-être l’œuvre la plus forte de l’auteur par le dessin des caractères : ce faux bonhomme de notaire, qui tourne la loi et qui cite Horace, gourmand et polisson après les affaires faites, cette excellente Mme Guérin, vulgaire, effacée, humble, finissant par juger le mari devant qui elle s’est courbée pendant quarante ans, cet inventeur à demi fou et férocement égoïste, qui sacrifie sa fille à sa chimère, ces trois figures sont posées avec une étonnante sûreté ; Guérin surtout est peut-être le caractère le plus original, le plus creusé que la comédie française nous ait présenté depuis Molière : Turcaret même est dépassé.

172. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Les Confidences, qui remontent tout à fait à sa première période de jeunesse, sont un recueil d’élégies violentes, où une grande passion qui n’était pas une fiction ou une pose littéraire disait son secret. […] Il y a un morceau très curieux de lui, sur Pétrarque, où il pose en fait et en doctrine que la passion a un tel besoin de presser et de tordre son expression qu’elle arrive aux concetti les plus inattendus et aux fioritures les plus compliquées.

173. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

— De la question ainsi posée sort la réponse. […] Telle est la seconde méthode ; par elle, on exclut les ressemblances des cas considérés, ce qui pose à part leurs différences. […] L’expérience a été faite, la question a été posée, et toujours la réponse s’est trouvée affirmative. […] Cela posé, nous connaissons le rapport d’une portion quelconque de la ligne droite à une autre portion quelconque de cette même ligne, et, par suite, nous pouvons, au-delà des deux points entre lesquels nous l’avons menée, la suivre jusqu’à l’infini. […] Elle est fondée tout entière sur deux remarques : l’une est que deux portions égales et contiguës de l’espace, comme deux portions égales et successives du temps, sont exactement les mêmes, sauf cette différence que la seconde est après la première ; l’autre est que, si cette différence, posée une première fois, n’a pas eu d’effet sur le mouvement, cette même différence, posée une seconde fois, n’aura pas non plus d’effet sur le mouvement, à condition que la seconde fois elle soit absolument la même, et que nulle autre différence influente et nouvelle ne soit intervenue.

174. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

Elle descendait les quelques marches de son seuil et s’avançait, d’un air digne, les mains posées l’une sur l’autre à la hauteur de son estomac. […] Au second tour du jardin, je risquai une pose : la jambe levée en arrière et les bras déployés. […] Près de la fenêtre, sur une table, était posé un objet, qui me parut admirable. […] Sa levrette Flox, avait l’air d’être en porcelaine ; timide et maniérée, elle retirait ses pattes, aussitôt posées, comme si le parquet l’eût brûlée. […] Siau posait son violon sur sa chaise, accrochait son chapeau, frappait dans ses mains et les exercices commençaient.

175. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Roslin et Valade »

La main qui pose sur la robe est bien coloriée.

176. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Une lumière n’ayant plus de soleil et n’étant plus que du jour mort, laisse paraître, dans des tons froids et dépouillés, la tristesse et la platitude des maisons sales, des façades grises, où un petit triangle d’ombre vient se poser régulièrement en haut de chaque fenêtre. […] L’oppression de la pose de ces petits êtres, leur ramassement, les gestes d’instinct de l’enfance dans son premier lit, les ratatinements frileux, les croisements étroits de bras et de jambes, les attitudes inconscientes de sommeil et de prière, cette ébauche naïve de la vie rudimentaire, cette expression de souffrance d’un corps angéliquement douloureux ! […] Il mange distraitement, et sans pain, un peu de ces pois et de cette salade, posés sur la table de noyer sans nappe, au milieu de ses papiers et de ses bouquins de science, un rien reculés de son assiette. […] On pose des piquets. […] » Il est toujours dans sa maison en construction de la rue de la Brèche-aux-Loups, dans une chambre où il a couché deux mois, avant que les fenêtres fussent posées et au-dessus de la bataille de chevaux de charroyeurs, qu’il entend appeler de ces noms effroyables : Mord-la-nuit et Bon-à-tuer.

177. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chavanne, Alexis (1822-1911 ; médecin) »

Tous les dilemmes y sont posés, toutes les questions y sont nettement abordées, en une forme précise et scientifique.

178. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol, qui se pose cette question et plusieurs autres encore, est ainsi amené de point en point à douter de l’authenticité du discours attribué à l’Empereur, et, rassemblant tous les indices qu’une critique sagace lui fournit, il n’hésite pas à conclure que c’est Eusèbe lui-même qui l’a fabriqué. […] Par exemple, il débutera par se poser et par traiter les trois questions suivantes : 1° Pourquoi les Bucoliques de Virgile ont-elles été si souvent traduites en vers français, et pourquoi ne peuvent-elles pas l’être d’une manière satisfaisante ?

179. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

« Je viens poser devant vous le problème moral de l’homme et chercher à le résoudre, autant que cela m’est possible dans un cours de philosophie. […] « Alors l’homme se pose cette terrible question : D’où viens-je, pourquoi suis-je venu ?

180. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Ceci posé, et après avoir prié de nouveau le lecteur de ne pas attacher un sens trop absolu aux quelques mots qui nous restent à dire, nous reprenons. […] Qu’on nous permette donc de passer, sans nous appesantir autrement sur la transition, des idées générales que nous venons de poser, et qui, selon nous, toutes les conditions de l’idéal étant maintenues du reste, régissent l’art tout entier, à quelques-unes des idées particulières que ce drame, Ruy Blas, peut soulever dans les esprits attentifs.

181. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

C’était donc, avant tout, pour mettre la main fructueusement sur un pareil sujet, un esprit compétent aux choses de la politique qu’il fallait, dominant plus ou moins ce côté de l’esprit humain, et capable, non pas de raconter uniquement les faits et gestes du journalisme, qui furent, par parenthèse, bien plus souvent les Gesta diaboli que les Gesta Dei per Francos, mais aussi d’essayer une solution des grands problèmes que le journalisme a posés et n’a pas encore résolus. […] Il faut donc en revenir à cette question d’autorité qui doit primer toutes les questions de liberté dans les sociétés vivant en commun, mais en organisation cependant, et que le gouvernement de Napoléon III a posée en matière de presse.

182. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

… Après ces paroles et la question ainsi posée, qui ne croirait que M.  […] Ce n’est ni plus ni moins qu’un petit catéchisme cartésien à l’usage des faibles qui ne veulent pas devenir forts, car la force, c’est une témérité pour les prudents, et la force serait sur cette question de Dieu de s’élever plus haut qu’une philosophie qui la pose, l’agite, mais n’a jamais pu la résoudre.

183. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Il n’y a que des Acamies pour poser, avec cette majesté et cette incorrection de cuistres officiels, des questions plus ou moins impertinentes aux esprits assez modestes et assez souples pour les accepter docilement et pour y répondre ; car il y a encore de ces esprits — et même ils sont nombreux — qui se plaisent à ces petits jeux byzantins ! […] Mais l’Académie, qui a retiré de ses programmes futurs la question posée par elle dans ce brumeux français qui la distingue, l’a comblé de compliments par l’organe de son rapporteur, Baudrillart, très compétent, comme on sait, en matière d’analyses morales, pour les avoir étudiées dans le Faste funéraire et les Fêtes publiques sous l’ancienne monarchie.

184. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Seulement, disons-le lui en finissant, il y avait une question plus importante et plus élevée que la question de la langue provençale et du succès actuel de Mirèio qui peut très bien attendre : c’était la question des patois en poésie ou en littérature, question qui n’a jamais été posée carrément et qu’il était hardi et convenable ici de poser.

185. (1881) Le roman expérimental

Tout cela ne pose plus sur rien c’est une construction de langue bâtie en l’air. […] Dès ce jour-là, la question de la vérité était posée. […] Il était beau d’appartenir à un seigneur puissant cela posait dans le monde. […] Voilà la question d’argent posée avec carrure. […] La question a donc toujours été très mal posée.

186. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Çà et là, des demi-clartés roses se posaient sur les pavés ; la rivière luisait doucement dans une brume naissante ; on apercevait de grands bateaux qui se laissaient couler au fil du courant, deux ou trois attelages sur la plage nue, une grue qui profilait son mât oblique sur l’air gris de l’orient. […] Il y a deux moments dans la présence de l’image : l’un affirmatif, l’autre négatif, le second restreignant en partie ce qui a été posé dans le premier. […] Je regardais de temps en temps la figure imaginaire et je me mettais à peindre ; je suspendais mon travail pour examiner la pose, absolument comme si l’original eût été devant moi. […] « Peu à peu, dit-il, je commençai à perdre la distinction de la figure imaginaire et de la figure réelle, et quelquefois je soutenais aux modèles qu’ils avaient déjà posé la veille. […] Il m’est arrivé il y a quelques jours, dans un rêve parfaitement net et bien suivi, de faire une sottise ridicule et énorme ; impossible de l’écrire ; supposez à la place quelque chose de moindre, par exemple ôter gravement ses bottes et les poser sur la cheminée à la place de la pendule.

187. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

De là ses joies et aussi ses terreurs : il se fait un monde fantastique qui l’enchante ou qui l’effraye ; il n’a pas cette distinction qui, dans l’âge de la réflexion, sépare si nettement le moi et le non-moi, et nous pose en froids observateurs vis-à-vis de la réalité. […] C’est sa vie que nous voulons savoir ; or, la vie, c’est le corps et l’âme, non pas posés vis-à-vis l’un de l’autre comme deux horloges qui battent ensemble, non pas soudés comme deux métaux différents, mais unifiés dans un grand phénomène à deux faces, qu’on ne peut scinder sans le détruire. […] À entendre certains rationalistes, on serait tenté de croire que les religions sont venues du ciel se poser en face de la raison pour le plaisir de la contrecarrer ; comme si la nature humaine n’avait pas tout fait par des faces différentes d’elle-même ! Sans doute on peut opposer religion et philosophie, comme on oppose deux systèmes, mais en reconnaissant qu’elles ont la même origine et posent sur le même terrain. […] Ce jour-là naît la scolastique, et ce jour-là est posé le premier germe de l’incrédulité.

188. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Or, l’essentiel de la volonté, c’est de se poser en face des autres choses qui s’opposent à elle, et de s’affirmer en se posant. […] Le principe d’identité pose la volonté en elle-même, le principe d’intelligibilité exprime le rapport uniforme des volontés entre elles. […] Par une analyse et une critique approfondies des lois ou conditions de l’intelligence, on en devait venir à se poser ce problème : tout le réel est-il vraiment intelligible ? […] Nous posons ainsi un principe tout conditionnel. […] Le principe des causes efficientes (bien distinct du principe d’intelligibilité) n’a, selon nous, d’autre objet que de poser ce fondement objectif du réel.

189. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Un de ces escaliers qui font peur aux collégiens allant perdre leur pucelage avec une fille, et une antichambre toute grande ouverte, où il n’y a comme mobilier que des patères à chapeaux ; et dans un coin, sur le carreau, un pain de quatre livres, posé debout. […] L’autre, un chignon de cheveux mordu par un peigne fait de grecques d’or, une nuque ronde comme un fût de colonne ; et de là s’abattant dans une rondeur polie de marbre, les épaules, les omoplates, qui, par la pose un peu renversée de la femme, fuient et s’enfoncent dans la robe, avec des repliements pareils à des courbes d’ailes, des épaules qui donnent vraiment à l’œil la caresse d’une sculpture. […] C’est d’abord dans le lointain, le lointain, le souvenir de l’hôtel de la rue d’Artois, où lors de la guillotinade de son père, il y eut une visite de deux commissaires, pendant laquelle il resta, une demi-journée, emprisonné avec son frère et sa mère, entre les feuilles d’un grand paravent, posé dans l’antichambre. […] Dubois… Alors, voici un paquet qu’on apporte comme un paquet de linge, et qu’on pose sur les matelas : c’était la naine… Ah ! […] Elle n’avait pas l’air de comprendre… Et puis il a tiré de sa poche, deux ou trois morceaux de sucre, qu’il a posés, à côté d’elle, sur le matelas.

190. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Belmontet vient d’annoncer, de poser, comme on dit, sa candidature par une lettre pleine d’un beau feu, où il parle en vétéran de la poésie, en homme qui est entré dans la carrière par une Fête sous Néron, en compagnie de Soumet, et qui n’a cessé de produire et de mériter depuis : Grand Art, j’ai combattu quarante ans pour ta gloire !  […] Je pose à la hâte ces questions que demain il paraîtrait inconvenant à nous de soulever. […] Cela posé, et le principe de l’analogie une fois établi comme règle dans les élections, on n’a, pour remplacer M. 

191. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Il monte aujourd’hui dans la chaire évangélique comme autrefois il montait à la tribune, et devant les centres chrétiens, vacillants et troublés, que peuvent inquiéter en effet des menaces ou des promesses de tant de sortes, il pose de nouveau les principes, écarte d’un geste les difficultés inutiles, les tranche, indique les points de ralliement sûrs, les phares uniques et les seuls lumineux ; il résume, il récapitule, il coupe court aux idées vagues, aux illusions dites positives, aux aspirations vers tout avenir qui n’est pas le sien, et, selon une expression heureuse18, il dit à la critique et à la science, comme autrefois à la démocratie et à la Révolution : « Tu iras jusque-là, tu n’iras pas plus loin. » Ses contradicteurs, cette fois, ne s’appellent plus Thiers, Berryer, Odilon Barrot, Duvergier de Hauranne, Garnier-Pagès, Billault, Émile de Girardin : ce sont les Darwin, les Littré, les Renan, les Scherer, etc. […] Les chapitres principaux de ce livre, qui n’est qu’une première partie, roulent sur les problèmes naturels, c’est-à-dire sur les questions inévitables et troublantes que se posent à eux-mêmes les hommes, à la différence des autres animaux ; questions instinctives, opiniâtres, toujours renaissantes, qu’on ne saurait éluder ni supprimer : la négation n’en est pas possible, quoique l’école positiviste, du moins une certaine branche de cette école, la proclame et l’établisse au point de départ et qu’elle interdise à l’esprit de vaquer inutilement de ce côté. […] Chimiste ou astronome, ou critique polyglotte, aimant à se poser toutes les questions, il agite surtout celle qui est la principale aujourd’hui et sur laquelle l’effort des esprits élevés est le plus grand, la question des origines.

192. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

La figure qu’on fera devant ces autres générations survivantes et toujours assez peu bien disposées, l’idée générale qu’on laissera de soi et la considération définitive qu’on ménagera à ses vieux jours littéraires, dépendent beaucoup de la façon dont on va se comporter et se poser en ces années où tant de féconds emplois sont possibles encore. […] La question est posée ; chacun peut la retourner à son gré, en étendre ou en resserrer les termes. […] Mais, ainsi que je l’ai posé en commençant, depuis trois ou quatre années, les choses politiques s’étant graduellement apaisées ou affaissées en ce qu’elles avaient d’habituellement imminent et absorbant, on a le loisir, on se regarde ; rien ne s’est recomposé littérairement et avec le feu des premières œuvres ; du moins les individus se retrouvent, s’essayent ; il y a une sorte de retour des uns à leurs anciens travaux, il y a persistance et perfectionnement chez d’autres, un peu de désabusement chez tous, mais en somme une disposition assez favorable et qui s’intéresse avec assez de sincérité.

193. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Soit qu’il fit choix d’époques encore neuves à l’étude, soit qu’il se jetât sur des pays à mœurs franches et sauvages, soit même qu’il se tînt à des cas singuliers du cœur, toujours, en tout sujet, il se retranchait, pour ainsi dire, au début ; il mettait une portion de sa vigueur à ne pas sortir du cercle tracé ; il faisait comme le soldat romain qui, à chaque halte, avant toute chose, traçait le fossé et posait le camp. […] Lorsqu’une œuvre puissante, marquée de beautés fortes, poétiques, chargée aussi de bizarrerie et d’excès, se pose devant lui, il peut la méconnaître ; mais dès qu’une production parfaite se présente, il dit du premier coup : C’est cela ! […] Écoutons-la : « — Un jour, un jour de printemps, — une palombe se posa sur un arbre voisin, — et entendit le chant de la jeune fille : — Jeune fille, dit-elle, tu ne pleures pas seule : — un cruel épervier m’a ravi ma compagne… » Qu’on relise le reste de la ballata ; on a précisément l’histoire du rossignol d’Électre.

194. (1886) De la littérature comparée

Le problème n’est point oiseux, car ce n’est pas une question de mots qu’il pose, mais bien une question de méthode. […] Taine peut dire : « La question posée en ce moment est celle-ci : étant donné une littérature, une philosophie, une société, un art, telle classe d’arts, quel est l’état moral qui le produit ? […] Mais nous aurons plus de loisir dans la suite et, pour aujourd’hui, je dois m’en tenir à la question que nous avons posée tout à l’heure.

195. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Rien n’est plus largement présenté, plus clair, plus circonstancié que cette bataille de Froissart, mieux suivi dans les moindres épisodes en même temps que nettement posé dans l’ensemble, et couronné par une scène tout héroïque. […] Il pose les conditions extrêmes, humiliantes pour Louis XI. […] Il pose en principe qu’il n’y a ni roi ni seigneur qui ait pouvoir de mettre un denier sur ses sujets sans octroi et consentement de ceux qui doivent le payer.

196. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Deux cannes posées sur la neige marquèrent la limite des dix pas que chaque adversaire pouvait faire. […] Un enfant vint lui poser des gâteaux de sable sur les pans de sa redingote ; d’autres, enhardis, s’approchèrent avec des audaces de moineaux. […] Il s’était posé à son tour sur la nappe, allumant d’une splendeur la porte du tabernacle, célébrant les fécondités de mai. […] Elle fit sa toilette, l’enveloppa de son linceul, la descendit dans sa bière, lui posa une couronne, étala ses cheveux. […] Elle m’observait certainement de tous ses huit yeux, et se posait ce problème : « Est-ce, n’est-ce pas un ennemi ? 

197. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Ainsi posée, la question n’a guère pu être résolue qu’arbitrairement. […] En continuant maintenant dans cette voie, on aperçoit confusément des conséquences de plus en plus lointaines, de plus en plus importantes aussi, de la loi que nous venons de poser. […] Question embarrassante, semble-t-il, puisque des psychologues tels que Hecker, Kraepelin, Lipps se la posèrent tour à tour et y répondirent diversement. […] Alors le corps deviendra pour l’âme ce que le vêtement était tout à l’heure pour le corps lui-même, une matière inerte posée sur une énergie vivante. […] On lui dira qu’un oiseau est posé sur sa main, et il apercevra l’oiseau, et il le verra s’envoler.

198. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

À cette question, qui s’est déjà posée à nous sous bien des formes, nous ferons toujours la même réponse. […] II. — « Nous rions toutes les fois que notre attention est détournée sur le physique d’une personne, alors que le moral était en cause » : voilà une loi que nous avons posée dans la première partie de notre travail. […] Il nous suffira, après avoir posé la règle, d’en vérifier de loin en loin les principales applications. […] On se rappelle les scènes des Faux Bonshommes et de la Famille Benoiton où le mariage est traité comme une affaire, et où les questions de sentiment se posent en termes strictement commerciaux. […] Mais il n’y a pas d’étang qui ne laisse flotter des feuilles mortes à sa surface, pas d’âme humaine sur laquelle ne se posent des habitudes qui la raidissent contre elle-même en la raidissant contre les autres, pas de langue enfin assez souple, assez vivante, assez présente tout entière à chacune de ses parties pour éliminer le tout fait et pour résister aussi aux opérations mécaniques d’inversion, de transposition, etc., qu’on voudrait exécuter sur elle comme sur une simple chose.

199. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guillaumet, Édouard »

Le poète s’y livre franchement, sans pose.

200. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Il ne se pose pas majestueusement en restaurateur de la science ; il ne déclare pas, comme vos Allemands, que son livre va ouvrir une nouvelle ère au genre humain. […] Ainsi toute la marche de l’esprit humain, quand il raisonne, consiste à reconnaître dans les individus ce qu’il a connu de la classe, à affirmer en détail ce qu’il a établi pour l’ensemble, à poser une seconde fois et pièce à pièce ce qu’il a posé tout d’un coup une première fois. […] Or cela n’a pas lieu dans ces propositions d’expériences ; elles constatent un rapport accidentel, et non un rapport nécessaire ; elles posent que deux faits sont liés et non que les deux faits doivent être liés ; elles établissent que les corps sont pesants, et non que les corps doivent être pesants. […] L’expérience a été faite, la question a été posée, et toujours la réponse s’est trouvée affirmative. […] Une lumière jeune se posait sur les dentelures des murailles, sur les festons des arcades, sur le feuillage éclatant des lierres.

201. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Il ne se pose pas majestueusement en restaurateur de la science ; il ne déclare pas, comme vos Allemands, que son livre va ouvrir une nouvelle ère au genre humain. […] Ainsi toute la marche de l’esprit humain, quand il raisonne, consiste à reconnaître dans les individus ce qu’il a connu de la classe, à affirmer en détail ce qu’il a établi pour l’ensemble, à poser une seconde fois et pièce à pièce ce qu’il a posé tout d’un coup une première fois. […] Or cela n’a pas lieu dans ces propositions d’expérience ; elles constatent un rapport accidentel, et non un rapport nécessaire ; elles posent que deux faits sont liés, et non que les deux faits doivent être liés ; elles établissent que les corps sont pesants, et non que les corps doivent être pesants. […] L’expérience a été faite, la question a été posée, et toujours la réponse s’est trouvée affirmative. […] Une lumière jeune se posait sur les dentelures des murailles, sur les festons des arcades, sur le feuillage éclatant des lierres.

202. (1927) Approximations. Deuxième série

Simples questions que ni l’une ni l’autre ne pensent un seul instant à se poser. […] Vous chicanez, posez des principes… mais retournez les voir, ces toiles que vous critiquez. […] Après quoi, ayant posé les deux solutions les plus profondes, d’un simple paraphe il fixe le résidu de conclusion qu’il retient pour l’heure valable. […] Moments où Maurois pose ces touches, se permet ces discrètes avancées qui a color che sanno rendent son livre cher. […] » — et avec cette saine et sage validité, ne craignons pas d’ajouter avec cette norme du point de vue qui est le sien, il insiste sur le fait que cette question-là est celle précisément que sans cesse se pose à nouveau le génie, — que celui-ci n’est tout à fait génie que s’il se la pose.

203. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Foucaux fait une œuvre plus méritoire pour la philosophie de l’avenir que les trois quarts de ceux qui se posent en philosophes et en penseurs. […] Celui qui nous rapporterait de l’Orient quelques ouvrages zends ou pehlvis, qui ferait connaître à l’Europe les poèmes épiques et toute la civilisation des Radjpoutes, qui pénétrerait dans les bibliothèques des djaïns du Guzarate, ou qui nous ferait connaître exactement les livres de la secte gnostique qui se conserve encore sous le nom de meudéens ou de nazoréens, celui-là serait certain de poser une pierre éternelle dans le grand édifice de la science de l’humanité. […] Critiquer, c’est se poser en spectateur et en juge au milieu de la variété des choses ; or la philologie est l’interprète des choses, le moyen d’entrer en communication avec elles et d’entendre leur langage. […] Auguste Comte est d’avoir un système et de ne pas se poser assez largement dans le plein milieu de l’esprit humain, ouvert à toutes les aires de vents.

204. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Elle est comme cette colonne qui semble s’allonger sur la mer au lever de Sirius, laiteuse traînée de lumière qui se pose immobile sur le frémissement des flots, et qui, à travers l’infini de la mer et des cieux, relie l’étoile à notre globe par un rayon. […] Les conceptions abstraites de la philosophie et de la science moderne ne sont pas faites pour la langue des vers, mais il y a, une partie de la philosophie qui touche à ce qu’il y a de plus concret au monde, de plus capable de passionner : c’est celle qui pose le problème de notre existence même et de notre destinée, soit individuelle, soit sociale. […] On sait de quelle manière, un peu déclamatoire, ce problème est posé dans le Désespoir : Héritiers des douleurs, victimes de la vie, Non, non, n’espérez pas que sa rage assouvie     Endorme le malheur, Jusqu’à ce que la mort, ouvrant son aile immense, Engloutisse à jamais dans l’éternel silence     L’éternelle douleur. […] C’est à l’amour, selon Vigny, et non à la nature qu’il faut demander quelque adoucissement de nos maux : Sur mon cœur déchiré viens poser ta main Ne me laisse pure, jamais seul avec la nature, Car je la connais trop pour n’en pas avoir peur.

205. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Mon titre écrit, j’allais bravement commencer, quand tout à coup je sentis comme un regard animé et mélancolique à la fois qui se posait sur mon épaule : c’était le regard de ce brave Henri, qui est bien l’homme le plus naturellement mécontent qui se soit jamais rencontré en mon chemin. […] Le paravent représente tour à tour le palais et la chaumière ; le grand fauteuil joue le rôle du père qui gronde toujours ; la chaise de paille vous représente la soubrette alerte et vive, le guéridon, posé sur un pied, saluez ! […] Appelez seulement Liszt ou madame Pleyel à poser leurs mains savantes sur ces touches silencieuses, et vous entendrez les douleurs, les lamentations, les délires chantants que peuvent contenir ces quatre morceaux de bois d’ébène. — Vous voyez donc qu’il n’y a pas à se désespérer encore, et que même avec cette chance unique de produire une idée nouvelle, il ne faudrait pas se trop lamenter sur la destinée de ce bel instrument. […] Molière le savait mieux que personne ; et, tantôt, comme s’il eût rougi de s’être oublié un instant, écoutez-le poser les bases de la critique.

206. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

C’est une de ces fortes tendances qui doivent profiter, un jour ou l’autre, au catholicisme ; car le catholicisme, c’est le principe de l’unité et de l’universalité posé dans le monde et réalisé avec une incomparable splendeur. […] En effet, qu’on lise avec attention le fameux traité (One tract more), on verra que l’Église anglo-catholique se pose comme indépendante des temps et des lieux, et qu’elle n’accepte que sous toute réserve les liens flottants des intérêts nationaux ou d’un gouvernement politique. […] Question personnelle posée par respect pour un tel homme, mais dominée par une question plus vaste : la question de tout le parti catholique lui-même. […] C’est la seule gloire et la seule idée juste qui soit restée au protestantisme anglican que de poser une autorité et une règle, et de vouloir que cette autorité soit obéie, que cette règle soit respectée.

207. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Édouard Rod se pose la même question sous cette forme : « Quel est le sens de la vie9 ?  […] Un chagrin le frappe, la vieillesse vient, il se sent homme, et voici s’éveiller en lui un immense besoin d’aller aussi prier obscurément dans les recoins des églises et d’y déposer sa souffrance, et de savoir qu’il est écouté… Mais c’est Dieu maintenant qui le traite ironiquement en égal, qui discute et raisonne et lui renvoie les questions qu’il lui posait, et le promène en raillant par la chaîne des cercles vicieux qu’il avait forgée.

208. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

L’admirable traité « De la maladie sacrée » d’Hippocrate, qui posa, quatre siècles et demi avant Jésus, les vrais principes de la médecine sur ce sujet, n’avait point banni du monde une pareille erreur. […] Le problème, d’ailleurs, se pose de la même manière pour tous les saints et les fondateurs religieux.

209. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Les difficultés que les métaphysiciens accumulent sur cette question viennent de la façon artificielle dont ils posent le problème, en termes abstraits et symboliques. […] En outre, nous avons vu qu’ils assimilent métaphoriquement et géométriquement la conscience à un intérieur, à un dedans, le monde à un extérieur, à un dehors ; ils posent donc le problème en termes d’espace, — ce qui le rend insoluble, puisqu’il faudrait alors sortir hors de soi.

210. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Quant à savoir si cet écrivain ou ces écrivains acquerront jamais la haute aptitude exigée pour résumer une société morte, après l’avoir ressuscitée dans un volume de trois cents pages, c’est là une question qu’il est inutile de poser, car, pour cela, il faut du génie. […] Semblables à tous les amoureux qui voient le profil de leur maîtresse dans les lignes de tous les horizons, ils ne pouvaient pas même se douter qu’elle existait, cette contradiction qu’un historien, sinon grave, au moins sérieux (distinction que ces messieurs ont inventée pour eux dans leur préface), aurait posée d’abord au commencement de son ouvrage pour en éclairer la portée, le but, la marche elles contours.

211. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

il me fait l’effet plutôt d’un homme posé et reposé dans une érudition tranquille comme un chanoine dans sa stalle à vêpres ; d’un de ces calmes amoureux, à trois mentons, qui aime sa parémiographie sans que la tête lui tourne et qui la cultive à ses heures ; enfin d’un de ces esprits savants jusques aux dents, et ronds de la graisse des vieux livres, lesquels, quand ils trottent, trottent menu ! […] La Critique pose donc ici un desideratum, qui est une vraie condamnation.

212. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Tour à tour éclatante et profonde, cette notice sur Carlyle serait véritablement un petit chef-d’œuvre, si l’auteur n’y posait pas abstraitement sa théorie de la critique pour, à trois pas de là, la renverser. […] Taine, au moment où il l’a posée, a été infidèle à sa théorie.

213. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Jules Girard les pose et veut nous les donner. […] Deux mots terribles, qui descendent un peu son historien du socle prodigieux où il l’a posé : rationaliste en philosophie, Thucydide, en politique, fut juste-milieu et modéré (page 283).

214. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Or, si Broussais s’humiliait ainsi, Broussais, le plus superbe esprit qui se soit jamais posé sur des griffes entrecroisées à la guisa di leone , comme dit le poëte, on se demande ce que durent faire les hommes qui vinrent après lui et dont l’audace n’était pas comme la sienne mesurée à la grandeur de l’intelligence. […] Tessier avec la simplicité de la lumière, par conséquent, « toutes les fois qu’une question de nature est posée, elle implique à l’instant même une question d’origine.

215. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Encore une fois, nous le savons, c’était là une pose, la pose d’un esprit qui n’eut qu’un souci dans sa vie, — ce qu’on penserait et surtout ce qu’on dirait de lui.

216. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Il les pose d’abord, dès l’entrée. […] Mais on se garda bien de poser cette alternative. […] Nous la raillons, l’infaillibilité du pape, et il y a, dans les lettres, dans les arts, un certain nombre de vaniteux qui se posent à eux-mêmes la tiare sur la tête et ne souffrent pas qu’on les discute. […] … (Il pose la bouteille sur la table et s’enfuit à l’autre bout de la scène). […] Et tout à coup, un audacieux en pose une nouvelle : L’ivrogne boira-t-il ou ne boira-t-il pas ?

217. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Un coup de théâtre n’intéresse pas quand il n’arrive que pour dénouer une situation : il doit la poser tout au contraire. […] On ne s’explique même point, dans la Chartreuse de Parme, les deux amours sincères qui gouvernent le récit : celui de la tante pour le neveu et celui du neveu pour Clélia ; il les pose comme un géomètre pose un théorème qu’on lui accorde et auquel tous ses raisonnements vont s’enchaîner. […] L’observateur donne les faits tels qu’il les a vus, pose le point de départ, établit le terrain solide sur lequel vont marcher les personnages, se développer les phénomènes avec leurs lois. […] Tels romans, qui semblent faire exception aux lois de composition et de développement posées plus haut, en sont au contraire la confirmation quand on les examine plus attentivement. […] Autre exemple d’attente trompée et d’une mauvaise coordination des idées et images : « Jamais rien que d’ailé n’avait posé le pied là.

218. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Les faits psychologiques les plus simples, en effet, viennent se poser d’eux-mêmes sur des phénomènes physiques bien définis, et la plupart des sensations paraissent liées à certains mouvements moléculaires. […] Quand nos amis les plus sûrs s’accordent à nous conseiller un acte important, les sentiments qu’ils expriment avec tant d’insistance viennent se poser à la surface de notre moi, et s’y solidifier à la manière des idées dont nous parlions tout à l’heure. […] Poser une pareille question, c’est admettre la possibilité de représenter adéquatement le temps par de l’espace, et une succession par une simultanéité. […] C’est là, au fond, la question que vous posiez quand vous faisiez intervenir un philosophe Paul, prédécesseur de Pierre, et chargé de se représenter en imagination les conditions où Pierre agira. […] Par là même on sera ramené à l’idée d’une équivalence entre la durée et son symbole spatial ; et en pressant la définition qu’on aura posée de la liberté, on en fera encore une fois sortir le déterminisme.

219. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Avant-propos »

Quand une traduction illégitime de l’inétendu en étendu, de la qualité en quantité, a installé la contradiction au cœur même de la question posée est-il étonnant que la contradiction se retrouve dans les solutions qu’on en donne ?

220. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

— Mais ceci est de tous les temps : ce qui est plus particulièrement du nôtre, c’est l’application perpétuelle de la science à tout ce qui améliore et perfectionne la vie : l’éclairage, le chauffage de nos maisons, cette eau qui d’elle-même monte à tous les étages, ces jeux de lumière et de soleil où se peignent comme magiquement nos portraits, ces nouvelles rapides que nous recevons d’une santé chérie avec la vitesse de la foudre, cette vapeur furieuse et soumise qui nous emporte presque au gré de la pensée, tout cela nous pose à chaque instant des problèmes que la paresse seule de l’esprit pourrait ne pas agiter et ne pas s’inquiéter de résoudre. […] Grâce à Dieu, l’alternative ne s’est jamais posée dans des termes si impérieux, si pressants ; et ce sera l’honneur du gouvernement actuel et de son impartiale sagesse49, c’est en particulier le service éminent qu’aura rendu M. le ministre de l’Instruction publique, d’avoir arrêté à temps le choc, d’avoir amené la conciliation avant que le duel s’envenimât. […] Car c’est dans la nature, bien plus que dans les livres, qu’il faut chercher des inspirations pour un enseignement qui doit demeurer élémentaire, pratique et toujours approprié aux intelligences moyennes… À mesure que l’enseignement se fortifie, on peut donner aux exercices un caractère plus profitable ; poser aux élèves des problèmes numériques et en faire contrôler la solution de temps en temps… Par quelques exercices de ce genre, les jeunes gens apprennent bientôt à calculer, à peser, à mesurer, et on leur inspire le goût de l’expérience avec la confiance dans ses enseignements.

221. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Je voudrais, en la dégageant de toute vaine fumée et de toute exaltation passagère, bien rétablir la question d’art telle qu’elle se posait en ces années heureuses. […] Parmi les acteurs de cette scène tumultueuse se trouvaient des militaires de tout grade, des artistes, des virtuoses, une chèvre, un chien, un chat, un singe et un superbe cheval… L’un des combattants posa son fleuret, secoua sa pipe et s’avança vers moi : c’était M.  […] Il avait de grand matin, et avant l’invasion des visites, des heures à lui, de travail de secret, des heures non banales et, à leur manière, sacrées ; et ce n’est qu’ensuite qu’arrivaient les amis, les camarades, les brillants colonels ; il continuait avec sa merveilleuse facilité de main à exécuter ce qu’il avait posé auparavant.

222. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Si vous avez hâte de mettre Sa Majesté dans votre galerie, il paraît que Sa Majesté n’est pas moins impatiente de poser. […] Meyer, de la part du prince Albert, invitait Gavarni à venir à Windsor le 2 février : « Vous trouverez, lui disait-il, Son Altesse Royale toute prête à poser pour vous. » Gavarni eut l’audience, et il n’y donna pas suite. […] » Que de grâce et de complaisante lassitude dans la pose, dans tout le geste !

223. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Elles substituent au nom propre de l’objet le mot qui fait ressortir un attribut, une propriété, un caractère, sur lequel le mot propre n’appellerait pas suffisamment l’attention : ainsi lorsqu’Alfred de Musset représente les paysans de la Forêt-Noire qui viennent perdre leur argent à la roulette de Bade, il ne nomme pas l’argent, mais la sueur qu’il leur a coûtée, le pain qu’il leur donnerait : Je les ai vus, debout, sous la lampe enfumée, Avec leur veste rouge et leurs souliers boueux, Tournant leurs grands chapeaux entre leurs doigts calleux, Poser sous les râteaux la sueur d’une année, Et là, muets d’horreur devant la destinée, Suivre des yeux leur pain qui courait devant eux. […] Quand l’enfant de cet homme Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ; Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ; Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble Au peuple émerveillé qu’on puisse tout ensemble           Être si grand et si petit ; Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles, Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles Autour du nouveau-né riant sur son chevet ; Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde, Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde           Selon le songe qu’il rêvait ; Quand tout fut préparé par les mains paternelles Pour doter l’humble enfant des splendeurs éternelles ; Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ; Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire, On eût enraciné bien avant dans la terre           Les pieds de marbre des palais ; Lorsqu’on eut pour sa soif posé devant la France Un vase tout rempli du vin de l’espérance ; Avant qu’il eût goûté de ce poison doré, Avant que de sa lèvre il eût touché la coupe, Un cosaque survint qui prit l’enfant en croupe,           Et l’emporta tout effaré. […] J’ai regret qu’André Chénier ait dit dans ses admirables Iambes : Peut-être avant que l’heure en cercle promenée           Ait posé sur l’émail brillant, Dans les soixante pas où sa course est bornée,           Son pied sonore et vigilant, Le sommeil du tombeau pressera ma paupière.

224. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Il a posé en face l’un de l’autre ces deux êtres destinés à s’aimer, qui se sentent disposés à s’aimer avant de se connaître, et qui font effort pour se connaître avant de s’aimer, qui s’observent, s’étudient, se tendent des pièges, tâchent de forcer le mystère de l’âme par laquelle ils se voient pris irrésistiblement. […] Mais personne encore n’avait posé en principe que le rire peut être absolument éliminé de l’œuvre comique. […] Il pose, dans ces cas émouvants, les thèses morales qu’impose à son attention le conflit actuel des préjugés sociaux et des instincts ou devoirs naturels.

225. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

C’est qu’elle met en scène des classes plutôt que des vices ; ses caractères n’ont ni l’ampleur du type, ni la précision de l’individu, ils affectent le sous-entendu, ils cherchent la réticence, ils posent dans un milieu factice d’allusion et de convention. […] Il réussit pourtant, et avec tapage, ce discours révolutionnaire récité par un député posé, la veille, en Cathelineau de tribune. […] Fernande a assisté, en silence, à ce pénible débat ; elle entend Maxime témoigner loyalement contre lui-même en confessant sa naissance ; elle apprécie le généreux sacrifice qu’il va faire de son amour à son père Au moment où Maxime, qui croit tout perdu, pleure et sanglote, la tête dans ses mains, la jeune fille s’approche de lui et pose sur son front un chaste baiser.

226. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Il les voyait, il causait avec eux, il vous les citait à tout propos comme des personnages de son intimité et de la vôtre ; il les avait si puissamment et si distinctement créés en chair et en os, qu’une fois posés et mis en action, eux et lui ne s’étaient plus quittés : tous ces personnages l’entouraient, et, aux moments d’enthousiasme, se mettaient à faire cercle autour de lui et à l’entraîner dans cette immense ronde de la comédie humaine qui nous donne un peu le vertige, rien qu’à la regarder en passant, qui le donnait à son auteur tout le premier. […] Les caractères, M. de Balzac excelle à les poser ; il les fait vivre, il les creuse d’une façon indélébile. […] Enfin, lui, qui admirait tant Napoléon, et que ce grand exemple, transposé et réfléchi dans la littérature, éblouissait comme il en a ébloui tant d’autres, j’aurais voulu qu’il laissât de côté, une bonne fois, ces comparaisons, ces émulations insensées et à l’usage des enfants, et, s’il lui fallait absolument chercher son idéal de puissance dans les choses militaires, qu’il se posât quelquefois cette question, bien faite pour trouver place dans toute bonne rhétorique française : « Lequel est le plus beau, un conquérant d’Asie entraînant à sa suite des hordes innombrables, ou M. de Turenne défendant le Rhin à la tête de trente mille hommes ? 

227. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

La malade est morte dans son lit, sans avoir été complètement déshabillée, pendant cinq jours, par ses femmes faisant une noce d’enfer avec les domestiques dans le sous-sol ; et des sinapismes ayant été commandés par le médecin, c’est le cocher complètement saoul, qui les lui a posés sur ses bas, oui, sur ses bas, qui n’avaient pas été retirés. […] Puis au milieu de la conversation brisée, et sans suite, elle nous a raconté une visite, qu’elle avait faite dernièrement, pour forcer Flaubert à marcher, une visite à une amie, demeurant de l’autre côté de la Seine, et qui avait, ce jour-là, son dernier-né, posé sur la table du salon, dans une charmante bercelonnette rose : visite qui faisait répéter à Flaubert, tout le long du retour : « Un petit être comme celui-ci dans une maison, il n’y a que cela au monde !  […] Il a élevé une sucrerie près de l’Escurial, il a construit des chemins de fer dans le Maroc, posé des télégraphes dans l’Amérique méridionale.

228. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

» Et elle racontait, que, tout dernièrement, une femme de la meilleure société, ayant deux enfants, au milieu de la pose, s’était couchée sur un divan, et s’était mise à dire de telles choses, que sortant de derrière un rideau, où elle était cachée, elle lui avait dit : « Madame, après la conversation que vous venez d’avoir avec mon mari, vous n’avez qu’à mettre votre chapeau, et à vous en aller. […] Et le voyageur parle de ces populations de Samarcande, de ces populations calomniées par les Persans, de ces populations lettrées, amoureuses de discussions littéraires, et où il a vu un individu soudainement poser une fiche en terre, portant l’annonce d’une thèse philosophique qu’il allait soutenir, et les passants et les vendeurs du marché, abandonnant leurs choses à vendre, pour se mêler à la discussion. […] Vendredi 3 juillet Pose, toute la journée, pour une étude que fait de moi, Carrière. […] Puis, il me demande, si je connais la cour de l’Hôtel Sully, rue Saint-Antoine, et m’apprend qu’il y a de grands bas-reliefs admirables, et que c’est là, ce que personne n’a dit, que Ingres a pris complètement sa Source, oui, et la pose et le mouvement de la figure, et même la forme de la cruche. […] Une salle, où l’on doit jouer samedi, et qui semble demander encore un mois de travail, une salle, où il y a partout des brasero allumés, pour sécher la salle, où l’on commence à poser les rideaux des loges, où Porel, pour qu’on entende les acteurs, est obligé de crier : « Deux minutes sans coups de marteau ! 

229. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVII » pp. 264-265

Lemercier (Népomucène) racontait l’avoir vu, après un dîner chez Bonaparte, et tandis que celui-ci causait, l’arrêter par le bras au moment où il allait boire son café trop chaud, prendre la tasse, la poser sur un guéridon, et de temps en temps, quitter la conversation pour s’assurer du degré de chaleur de la tasse, puis la rapporter au général qui avait continué de causer avec feu sans trop s’apercevoir de ce manége. — La lettre publiée rentre bien dans le sens de cette anecdote.

230. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

La condition de la critique, en ce qu’elle a de journalier, de toujours mobile et nouveau, la fait ressembler un peu, je l’éprouve parfois, à un homme qui voyagerait sans cesse à travers des pays, villes et bourgades où il ne ferait que passer à la hâte, sans jamais se poser ; à une sorte de Bohémien vagabond et presque de Juif errant, en proie à des diversités de spectacles et à des contrastes continuels. […] Que le style poétique soit naturellement fertile en images, qu’il les permette nombreuses et les exige souvent, ce n’est pas ce qui fait doute ; mais la question ne se pose pas dans ces termes avec M.

231. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Il se pose nettement en continuateur de Malherbe, lorsqu’il se propose de perfectionner la langue française, « de la rendre vraiment maîtresse chez elle, et de la nettoyer des ordures qu’elle avait contractées ». […] « Je pose des principes, disait-il, qui n’auront pas moins de durée que notre langue et notre empire. » Il fermait l’âge des révolutions et des coups d’Etat en fait de langage : il retirait aux individus, pour les remettre à la communauté des esprits, la lente élaboration, le renouvellement incessant de la langue.

232. (1889) La critique scientifique. Revue philosophique pp. 83-89

La question posée par M.  […] « C’est de l’examen seul de l’œuvre, déclare-t-il expressément (p. 65), que l’analyste devra tirer les indications nécessaires pour étudier l’esprit de l’auteur ou de l’artiste qu’il veut connaître, et le problème qu’il devra poser est celui-ci : étant donnée l’œuvre d’un artiste, résumée en toutes ses particularités esthétiques, de forme et de contenu, définir en termes de science, c’est-à-dire exacts, les particularités de l’organisation mentale de cet homme. » Je ne mets pas en doute qu’on puisse atteindre à d’excellents résultats par la méthode interrogative de M. 

233. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

J’insiste, parce que c’est une thèse, partout posée par moi, que je ne cesserai de poser que quand il n’y aura plus un seul bas-bleu dans ce monde — et ce ne sera pas demain ! 

234. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

Mais en un tour de plume et dès les premières pages de son livre, il l’a amnistiée, légitimée, posée triomphalement comme la solution d’une question de droit et d’honneur, — après avoir dit, cependant : « qu’avant la déclaration d’indépendance, l’Amérique était aussi libre qu’après cette déclaration ; qu’il n’y avait pas, même pour motiver l’insurrection, le prétexte d’un joug insupportable à secouer ; que l’état de l’Amérique, colonie anglaise, ne lui laissait rien à désirer, rien à envier, rien à prétendre (pages 103 et 111, Ier vol.) », et, enfin, accumulé, par un procédé de logique qui lui est particulier, toutes les raisons de ne pas conclure… comme il a conclu ! […] Moi, je ne cesserai d’appeler cela une question d’orgueil, d’avarice et d’ingratitude, une question que le peuple américain d’alors n’aurait jamais posée sans ses chefs, dit Xavier Eyma, avec une imprudente naïveté (p. 111, Ier vol.) !

235. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Mais, il faut bien le dire, il n’y a pas encore, en ce moment, de pareille œuvre dans la littérature du dix-neuvième siècle, et, quand la Critique se pose cette question-là, elle se fait l’effet de se pencher sur le bord d’un gouffre… Seulement, disons que, quoi qu’il en puisse être et quoi qu’on puisse penser du génie, qui n’a pourtant jamais dit, et qui ne dira jamais le mot de ce fat de Calonne à une femme, et qu’il trompait encore ! […] alors la Critique, qui a commencé par poser un cas littéraire, s’interrompt, ne voulant pas être plus dupe que le simple lecteur, et dit à l’oripeau couleur de sang : — Passe donc !

236. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Nous n’avons pas à discuter contre lui une théorie qui pose, d’ailleurs, un principe vrai : c’est qu’une œuvre d’art incontestablement belle est toujours assez morale comme cela ! […] C’est, d’une part, l’absence complète d’invention dans l’idée de son ou de ses livres, et l’odieuse abjection, l’abjection extra-humaine, d’un personnage déjà odieux dans le livre de madame Sand, où il est brutal, joueur, escroc, ce qui suffit pour poser et montrer le mystère de cet horrible amour sans bandeau, qui se jette, les yeux ouverts, dans des bras infâmes !

237. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

La formation des différents systèmes planétaires et leur conservation, l’apparition des êtres organisés et de la vie, celle de l’homme et de la conscience, les premiers faits de l’humanité ne furent que le développement d’un ensemble de lois physiques et psychologiques posées une fois pour toutes, sans que jamais l’agent supérieur, qui moule son action dans ces lois, ait interposé une volonté spécialement intentionnelle dans le mécanisme des choses. […] La science de l’homme ne sera posée à son véritable jour que lorsqu’on se sera bien persuadé que la conscience se fait, que d’abord faible, vague, non centralisée, chez l’individu comme dans l’humanité, elle arrive à travers des phases diverses à sa plénitude. […] Mais il y a quelque chose de bien plus beau encore, c’est l’impression qui résulte de ces salles, de la pose ordinaire des personnages, du style général des tableaux, du coloris dominant. […] Aucun problème n’est posé ; la grande cause n’est jamais aperçue. […] Posez une carte de l’Europe d’après les traités de 1815 sur une carte de l’Europe au VIe siècle : les fleuves, les mers et les montagnes coïncideront, mais non les divisions ethnographiques et politiques, bien que là encore certains groupes se rappellent.

238. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Les fils  »

Saint-Marc Girardin, que s’il s’agissait de deux hommes de lettres sans nom aristocratique, et à mérite égal, la question même se posât à ses yeux.

239. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Je ne pense pas que sa pose de la solitude ait été artificielle. […] — Mais la question vraiment peut-elle se poser ? […] L’intelligence consiste à se poser ces questions-là au moins une fois dans sa vie. Des spécialistes se les posent toute leur vie. […] La réforme de 1902 nous a obligés à poser à nouveau tout le problème culturel.

240. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXV » pp. 254-255

L'éloquent secrétaire perpétuel, au moment où il posait la couronne sur le front du lauréat, avait tout l’air de s’en laver les mains : « Vous allez entendre, Messieurs, l’éloge de Voltaire, nous ne pouvons nous empêcher de le couronner, mais rendez-nous cette justice, ce n’est pas certes nous qui l’aurions fait. » Tel était le sens et des paroles et du geste, nous assure-t-on, de M.

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