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47. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Daudet était parti, je ne pouvais plus l’arrêter. […] Jean l’arrêta, lui prenant les mains. […] Bien heureux les lecteurs, si les confidences s’arrêtaient là ! […] Arrêtons-nous (sans plaisanterie) sur : La Chair. […] On ne saurait s’arrêter en si beau chemin.

48. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 301-304

Si, dans cette République, on sévit ainsi contre les Auteurs qui déchirent la Religion, comment ose-t-on se plaindre de voir, en France, arrêter le débit de leurs Ouvrages, & défendre l’entrée de ceux qu’on imprime chez l’Etranger ? […] Il est des Ouvrages pestilentiels, dont il est nécessaire d’arrêter les progrès.

49. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

je le confesse avec désir de réparer tôt ou tard : je dois pourtant en venir, sans plus de remise, à quelques noms particuliers auxquels j’ai à cœur de m’arrêter, sous peine de n’être qu’un nomenclateur. […] Exilé de son pays, il vint en France, s’arrêta à Belley d’abord chez un parent, puis à Lyon où il publia l’Homme rouge de concert avec Berthaud, puis à Paris, où il n’avait fait qu’une première visite de quelques jours, et où il s’établit dès le mois d’août 1833. […] Et puis je m’arrêtais avec toi sur les pierres, Pour voir, pour méditer, pour pleurer les poussières Qui furent une fois cités et nations ! […] Je ne me suis arrêté qu’au moment où je ne sais quelle violente douleur vint m’avertir que j’avais pris la route du désespoir, et que j’allais toucher à ses premières limites. […] La feuille volante alla jusque dans ses montagnes ; une femme, une amie d’enfance, presque une sœur qu’il y avait laissée et qui de loin, tant qu’elle avait pu, n’avait cessé de le suivre avec sollicitude, lut cet article et lui écrivit : « Mon ami, il est temps do vous arrêter et de revenir en arrière ; la route que vous avez prise aboutit à un abîme, et vous ne trouverez en chemin que fatigues et douleurs.

50. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Malgré ces secours le feu roi prit Mastrich, et portant ensuite la guerre dans les païs-bas espagnols, il y enlevoit chaque campagne un nombre des plus fortes places, par des conquêtes que la paix seule put arrêter. […] Une femme qui répresente l’Espagne et qui s’annonce suffisamment par son lyon et par ses autres attributs, veut arrêter le char du roi en saisissant les guides. […] Le char qu’elle vouloit arrêter l’entraîne elle-même, et le masque qu’elle portoit tombe par terre dans cet effort inutile. […] L’un s’arrête sur les habits du tems qui ne déplaisent jamais lorsqu’ils sont traitez par un artisan, qui a sçu les accommoder à l’air comme à la taille de ses personnages, et leur donner en les drappant la grace dont leur tournure les rendoit susceptibles. […] Telle est l’expression, qui arrête les yeux de tout le monde sur le visage de Marie De Medicis qui vient d’accoucher.

51. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Bientôt ce feu d’audace et de génie, dont il avait ramassé les charbons éteints, s’éleva contre lui des âpres rivages de la Norwége et de l’Islande ; et les dernières alarmes de l’empereur d’Occident s’arrêtaient sur les légers esquifs et les voiles déployées de quelques rois de mer, pirates et poëtes, assiégeant l’embouchure de la Seine. […] L’altier Glocester s’arrêta troublé sous un frisson muet : Aux armes ! […] Arrête, oh ! arrête ! […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression.

52. (1904) Zangwill pp. 7-90

Dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ; car le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir. […] Deuxièmement, et cette deuxième raison, étant une raison de réalité, recouvre et commande la première, qui était une raison de connaissance ; comment l’histoire s’arrêterait-elle, si l’humanité ne s’arrête pas ; à moins de supposer que l’histoire ne serait pas l’histoire de l’humanité ; et c’est en effet bien là que l’on en était arrivé, c’est bien ce que l’on a supposé, au moins implicitement ; on a tant parlé de l’histoire, de l’histoire seule, de l’histoire en général, de l’histoire en elle-même, de l’histoire tout court, on a tant surélevé l’histoire que l’on a quelque peu oublié que ce mot tout seul ne veut rien dire, qu’il y faut un complément de détermination, que l’histoire n’est rien si elle n’est pas l’histoire de quelque événement, que l’histoire en général n’est rien si elle n’est pas l’histoire du monde et de l’humanité. […] « L’homme ne s’arrête guère à cette pensée qu’un pas, un mouvement de lui écrase des myriades d’animalcules. […] Arrivé là, on doit s’arrêter. […] Qui de nos jours oserait se flatter d’arrêter l’humanité ; fût-ce dans la béatitude ; fût-ce dans la consommation de l’histoire ; qui ferait la sourde oreille aux avertissements que nous recevons de toutes parts.

53. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Victorin Fabre, qui n’avait pas quarante ans en 1822, s’était arrêté dès 1811 ; il ne put jamais reprendre le courant. […] Quand il conversait, ses souvenirs se reportaient involontairement à l’époque brillante à laquelle l’aiguille de sa montre, en quelque sorte, s’était arrêtée ; même en s’adressant au jeune homme d’hier, il lui échappait de dire, comme entrée en matière, avec un clin d’œil d’allusion : « C’était en 1811 ; M. […] Comme, en 1815, après les Cent-Jours, quelques électeurs de l’Ardèche avaient eu l’idée de porter à la députation Victorin Fabre, Auguste s’est échappé à dire, dans une notice biographique écrite après la mort de son frère, que cette nomination, si elle avait eu lieu, aurait pu changer le cours des choses et arrêter sur leur penchant les destinées de la patrie.

54. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre premier. De la stérilité d’esprit et de ses causes »

On tâche donc au contraire de suspendre son activité ; on arrête en soi la vie, comme si de ce calme et de cette langueur allait soudain jaillir la pensée comme l’eau parmi les sables du désert. […] On arrête les battements de son cœur, pour mieux l’écouter, et on s’étonne de ne pas l’entendre.

55. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

De ce qu’on s’arrête, à un certain moment, dans les conséquences que de plus avancés ou de plus aventureux que nous prétendent tirer d’un principe, il ne s’ensuit pas qu’on renonce à ce principe et qu’on le répudie. […] Ici je vous arrête ! […] Je passe sur ce qui me paraît ou trop cherché, ou trop mélangé, pour ne m’arrêter qu’à ce qui est bien. […] C’est le même rythme dont on a dit : « Ce petit vers masculin de quatre syllabes, qui tombe à la fin de chaque stance, produit à la longue une impression mélancolique ; c’est comme un son de cloche funèbre. » Chez M. de Banville, l’impression de cette mélancolie ne va pas jusqu’au funèbre, et elle s’arrête à la douceur regrettée des pures et premières amours ; elle n’est, en quelque sorte, que le son de la cloche du village natal, et elle va rejoindre dans ma pensée l’écho de la romance de M. de Chateaubriand.

56. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Quand je vois le mobile passer en un point, je conçois sans doute qu’il puisse s’y arrêter ; et lors même qu’il ne s’y arrête pas, j’incline à considérer son passage comme un repos infiniment court, parce qu’il me faut au moins le temps d’y penser ; mais c’est mon imagination seule qui se repose ici, et le rôle du mobile est au contraire de se mouvoir. […] En tenant le mouvement pour divisible comme sa trajectoire, le sens commun exprime simplement les deux faits qui seuls importent dans la vie pratique : 1º que tout mouvement décrit un espace ; 2º qu’on chaque point de cet espace le mobile pourrait s’arrêter. […] Elle étudie moins la matière que les corps ; on conçoit donc qu’elle s’arrête à un atome, doué encore des propriétés générales de la matière. […] Les parties de notre durée coïncident avec les moments successifs de l’acte qui la divise ; autant nous y fixons d’instants, autant elle a de parties ; et si notre conscience ne peut démêler dans un intervalle qu’un nombre déterminé d’actes élémentaires, si elle arrête quelque part la division, là s’arrête aussi la divisibilité. […] Notre perception dessine, en quelque sorte, la forme de leur résidu ; elle les termine au point où s’arrête notre action possible sur eux et où ils cessent, par conséquent, d’intéresser nos besoins.

57. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Mais, malgré ces traits à noter et bien d’autres, ce second sermon pour la Toussaint est pénible, je le répète, un peu obscur, et, si l’on veut retrouver Bossuet tout à fait grand orateur, il faut passer au troisième : ou plutôt, dans une lecture bien faite et bien conseillée de cette partie des œuvres de Bossuet, on devra omettre, supprimer et le premier sermon et le quatrième, qui ne sont que des canevas informes, ne pas s’arrêter à ce second, qui est difficultueux, et alors on jouira avec fraîcheur de toute la beauté morale et sereine de cet admirable troisième sermon prêché en 1669 dans la chapelle royale, et où Bossuet réfutant Montaigne, achevant et consommant Platon, démontre et rend presque sensibles aux esprits les moins préparés les conditions du seul vrai, durable et éternel bonheur. […] Ce lieu commun éloquent se retrouve à la fois dans le troisième sermon Sur la Toussaint dont j’ai parlé, dans le Sermon sur l’amour des plaisirs, et dans celui Sur l’ambition avec quelque variante : Ô homme, ne te trompe pas, l’avenir a des événements trop bizarres, et les pertes et les ruines entrent par trop d’endroits dans la fortune des hommes, pour pouvoir être arrêtées de toutes parts. Tu arrêtes cette eau d’un côté, elle pénètre de l’autre, elle bouillonne même par-dessous la terre… Après tout, Bossuet est un orateur ; si peu qu’il cherche son art, il en possède et en connaît toute la pratique comme un Démosthène ; ce beau morceau, qui a l’air d’être brusque et soudain, il sait bien qu’il est beau, il le garde et le met en réserve pour le répéter dans l’occasion. — On remarque aussi, jusque dans ses sermons de la grande époque, des expressions non pas surannées, mais d’une énergie propre et qui n’est pas de l’acception commune : « Notre siècle délicieux, qui ne peut souffrir la dureté de la croix » ; pour notre siècle ami des délices. — « C’est vouloir en quelque sorte déserter la Cour que de combattre l’ambition. » Déserter, c’est-à-dire dévaster, rendre déserte (solitudinem facere). — « Il y a cette différence entre la raison et les sens, que les sens font d’abord leur impression : leur opération est prompte, leur attaque brusque et surprenante. » Surprenante est pris ici au sens propre et physique, et non dans le sens plus réfléchi d’étonner et d’émerveiller. Mais pardon de nous arrêter sur ces détails d’académie avec Bossuet. […] Je ne fais que m’arrêter au seuil avec Bossuet : d’autres publications, je l’espère, me fourniront des occasions nouvelles et m’exciteront aussi à le suivre en quelques-unes de ses autres œuvres.

58. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ramond n’excelle pas moins à donner l’impression des diverses heures du jour, celle du soir et du couchant, — soit qu’il en jouisse à la descente, dans une vallée déjà riante, non loin de Bagnères-de-Luchon, près d’une antique chapelle : Je m’arrêtai un moment devant cette chapelle, frappé de la magnificence du paysage qui l’entoure : le soleil voisin de son coucher y répandait ce charme qui naît de l’approche du soir. […] On ne saisit pas bien l’instant précis où il s’arrêta dans sa confiance en la Révolution, car il ne faisait point partie de l’Assemblée constituante : lorsqu’il entra dans la seconde législature et qu’il devint membre de l’Assemblée législative, il était déjà dans la résistance, dans la ligne constitutionnelle, voulant y rester et s’y tenir. […] Lui qui a si bien senti l’individualité et comme le génie de chaque montagne, n’a-t-il pas dit : « Une fois que le Marboré s’est saisi du spectateur, on n’est plus où l’on est, et il n’y a plus que lui dans tout ce qui mène à lui. » En 1793, arrêté trois fois au milieu de ses paisibles herborisations, recueilli ici, insulté là, il n’avait qu’un pas à faire pour franchir la frontière, il ne songea point à émigrer : il n’aurait voulu compromettre ni son vieux père ni aucun des siens ; et puis il était de ceux (selon sa belle expression) qui respectaient jusque dans son délire la mère qui les frappait. Arrêté et livré enfin, détenu à Tarbes durant plus d’une année, mais oublié heureusement des triumvirs de Paris, il fut rendu à la liberté en novembre 1794, et il reprit à l’instant le cours de ses travaux, de ses explorations à la fois positives et passionnées. […] Personne n’y était monté jusqu’alors ; il en approcha deux fois, il y toucha, et avait toujours été arrêté à une petite distance de la cime.

59. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Le trône écroulé, le roi arrêté et mis en jugement, lui, prince du sang, il se figurait qu’il allait continuer de vivre à Paris à son aise, dans les plaisirs et en riche citoyen ; et son amie Mme de Buffon, femme gracieuse, qui montra plus tard bien du dévouement, écrivait au duc de Biron (un autre intime), alors à la tête de l’armée du Rhin, une lettre curieuse, incroyable34, où elle lui racontait à sa manière et sur un ton badin, les événements du 10 août, les arrestations qui en étaient la suite, les exécutions qui devaient commencer le lendemain au Carrousel : Au milieu de ces arrestations, disait-elle, Paris est calme pour ceux qui ne tripotent point. — J’oubliais de vous dire que Mme d’Ossun est à l’Abbaye. […] Un jour (c’était dans l’après-midi même du 3 ou 4 septembre), revenant à sa maison de Monceaux et passant devant la maison de Mme Elliott dont il vit les portes ouvertes, il demanda si elle était en ville, et s’arrêta pour lui faire visite. […] Le duc répondit : « Elles sont en effet terribles, mais dans toutes les révolutions on a toujours versé beaucoup de sang, et une fois commencées, on ne peut les arrêter quand on veut. » Il me parla, continue madame Elliott, de l’abominable meurtre de Mme de Lamballe, de sa tête qu’on lui avait apportée au Palais-Royal pendant son dîner. […] Les Mémoires s’arrêtent à ce moment voisin du 9 thermidor et sont restés inachevés. […] Il y a même à ce sujet deux ou trois particularités qui seraient piquantes, mais qui n’ont d’autorité pour elles que celle de l’éditeur anglais qui a continué le récit : nous aurions besoin, pour nous y arrêter, que Mme Elliott nous l’eût dit elle-même.

60. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Cette sorte de goût, plutôt efféminé que délicat, qui se blesse d’un essai nouveau, d’un bruit éclatant, d’une expression énergique, arrêtait l’essor des âmes ; le génie ne peut ménager tous ces égards artificiels ; la gloire est orageuse, et les flots tumultueux de son cortège populaire doivent briser ces légères digues. […] Sous ce rapport, il n’est pas dépourvu d’une sorte de philosophie ; mais cet esprit décourageant arrête le mouvement de l’âme qui porte à se dévouer ; il déconcerte jusqu’à l’indignation ; il flétrit l’espérance de la jeunesse. […] Dès qu’on briserait une barrière, on n’en respecterait plus aucune ; les rapports de la société n’auraient pas assez de puissance pour arrêter encore, quand les liens sacrés ne retiendraient plus. […] Les formes varient sans doute suivant les caractères, et la même bienveillance peut s’exprimer avec douceur ou avec brusquerie ; mais pour discuter philosophiquement l’importance de la politesse, c’est dans son acception la plus étendue qu’il faut considérer le sens général de ce mot, sans vouloir s’arrêter à toutes les diversités que peut faire naître chaque caractère. […] Sans doute les premiers citoyens d’un état libre doivent avoir, dans le maintien, plus de gravité que les flatteurs d’un monarque ; mais l’exagération de la froideur serait un moyen d’arrêter l’essor de tous les mouvements généreux.

61. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Je ne puis m’empêcher de m’arrêter au milieu de cet ouvrage, m’étonnant moi-même de la constance avec laquelle j’analyse les affections du cœur, et repousse loin d’elles toute espérance de bonheur durable ; est-ce ma vie que je démens ? […] Les anciens avaient une idée exaltée de l’amitié, qu’ils peignaient sous les traits de Thésée et de Pirithoüs, d’Oreste et de Pilade, de Castor et de Pollux ; mais, sans s’arrêter à ce qu’il y a de mythologique dans ces histoires, c’est à des compagnons d’armes que l’on supposait de tels sentiments, et les dangers que l’on affronte ensemble, en apprenant à braver la mort, rendent plus facile le dévouement de soi-même à un autre. […] Celui qui consacre sa vie au bonheur de ses amis et de sa famille ; celui qui prévenant tous les sacrifices, ignore à jamais où se serait arrêté l’amitié qu’il inspire ; celui qui n’existant que dans les autres, ne peut plus mesurer ce qu’ils feraient pour lui ; celui qui trouve, dans les jouissances qu’il donne, le prix des sentiments qu’il éprouve ; celui dont l’âme est si agissante pour la félicité des objets de sa tendresse, qu’il ne lui reste aucun de ces moments de vague, où la rêverie enfante l’inquiétude et le reproche, celui-là peut, sans crainte, s’exposer à l’amitié.

62. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Qu’on me pardonne de m’être arrêté un moment sur le spectacle d’une amitié si touchante ; il est doux, même en écrivant, de pouvoir se livrer quelquefois aux mouvements de son cœur : et j’aime encore mieux un sentiment qui me console, qu’une vérité qui m’éclaire. […] Ils ne seront pas entraînés, mais ils s’arrêteront partout avec plaisir. […] Cette recherche importune des agréments arrête les mouvements libres et fiers de l’imagination, et l’oblige sans cesse à ralentir sa marche.

63. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Arrêtons-nous ici et terminons cette étude. […] Son grand malheur est d’être toujours restée à quinze ans, ce qui n’est pas l’âge où s’arrête une immortelle. […] Nous nous arrêtons ici un instant pour nous permettre une petite réflexion. […] Arrêtons-nous à Hambourg. […] Mais ce ne sont pas là des difficultés à arrêter l’écrivain de fantaisie.

64. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

Je m’arrête ; car je citerais toute la pièce. […] c’est de l’ironie, du lyrisme qui s’arrête pour sourire de soi, de la tendresse qui hésite, un rire qui se détourne pour ne pas pleurer ; c’est de la sensibilité qui dit : « Tu sais, je blague », pendant qu’elle frissonne, et c’est de la gaîté tout de même — et une gaîté qui chatouille, qui enveloppe, qui emporte ; c’est de la joie, de la joie philosophique.

65. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « Appendice »

On reproche encore à cet Homère parnassien d’avoir dit de l’espion Dolon : « Il s’arrête, plein de crainte, épouvanté, tremblant, pâle et ses dents claquaient. » « Il lui faut, dit-on moqueusement, cinq épithètes !  […] Voici le texte juxtalinéaire, que j’emprunte aux traductions classiques de Hachette : « Et lui, certes, s’arrêta, et trembla, claquant des dents, et un bruit de dents eut lieu dans sa bouche, pâle de frayeur. » Si ce n’est pas encore là « le véritable Homère », où donc peut-il être, et où le doit-on chercher ?

66. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Épilogue »

Épilogue Il faut finir ici cette première série des Bas-bleus au xixe  siècle, qui sera suivie de plusieurs autres, si le mouvement qui emporte les femmes vers la littérature, ne s’arrête pas… Et il ne s’arrêtera pas.

67. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Deux grands bœufs blancs, aussi luisants que le marbre des statues qui brillent sur le quai de Pise, étaient attelés au timon du char : un petit bouvier de quinze ans, avec son aiguillon de roseau à la main, se tenait debout, arrêté devant les gros bœufs ; il leur chassait les mouches du flanc avec une branche feuillue de saule ; leurs cornes luisantes, leur joug poli, de bois d’érable, étaient enlacés de sarments de vigne encore verte dont les pampres et les feuilles balayaient la poussière de la route jusque sur leurs sabots vernis de cire jaune par le jeune bouvier ; ils regardaient à droite et à gauche, d’un œil doux et oblique, comme pour demander pourquoi on les avait arrêtés, et ils poussaient de temps en temps des mugissements profonds, mais joyeux, comme des zampognes vivantes qui auraient joué d’elles-mêmes un air de fête. […] Je fis semblant de manger par reconnaissance et par égard, mais les morceaux s’arrêtaient entre mes dents, et le vin des grappes, en me rafraîchissant les lèvres, ne me réjouissait pas le cœur ; cependant, je faisais comme celui qui a faim et contentement pour ne pas contrister la noce. […] CLIV J’obéis et j’enflai la zampogne, en cherchant sous mes doigts, tout tremblants, les airs de marche au retour des pèlerinages d’été dans les Maremmes, les chants de départ pour les moissonneurs qui vont en Corse par les barques de Livourne, les hymnes pour les processions et les Te Deum à San Stefano, les barcarolles de Venise ou les tarentelles de l’île d’Ischia au clair de la lune, que j’avais si souvent jouées sous les châtaigniers, les dimanches soir, avec Hyeronimo, et qui me paraissaient de nature à réjouir la noce et à faire arrêter les passants ; mais je n’en avais guère besoin. […] Quand nous arrivâmes à la sombre porte à clous de fer du bargello, tout à côté de l’énorme porte de la prison, et que les bœufs s’arrêtèrent, je ressemblais à une Madone de Lorette : on ne voyait plus mes habits à travers les rubans, les couronnes et les bouquets. […] » Les chevreaux en bondissaient de plaisir dans les bruyères ; ils s’arrêtaient de brouter, les pieds de devant contre les rochers et la tête tournée vers nous pour écouter (les pauvres bêtes !).

68. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Quelquefois je m’arrête pour écouter si les vagues de la mer d’Argos ne bruissent pas à leurs pieds. […] Elle avait rompu d’une saccade de tête les tiges de houx auxquelles j’avais enroulé la bride ; elle galopait, allant et revenant sur elle-même dans le chemin creux, arrêtée par les cris et par les gestes épouvantés d’un vieillard qui levait et agitait comme à tâtons, d’une main tremblante, un grand bâton dont il semblait se couvrir contre le danger. […] » lui criai-je en me rapprochant de lui ; « j’ai repris le cheval : il ne fera ni peur à votre âne, ni mal à vous. » Et je m’arrêtai à l’ombre d’un poirier sauvage, devant le pauvre homme. […] Je me dis parfaitement l’heure qu’il est à l’observation des chants d’oiseaux, du bourdonnement des insectes et des bruits de feuilles qui s’élèvent ou qui s’éteignent dans la campagne, selon que le soleil monte, s’arrête ou descend dans le ciel. […] Je fus arrêté sur la première marche par un petit cercueil recouvert d’un drap blanc et de deux bouquets de roses blanches aussi, que portaient quatre jeunes filles d’un hameau des montagnes.

69. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Il s’arrêta à l’instant et fit faire volte-face à ses gens, qui se logèrent au loin dans la campagne. […] Ce conseil plut grandement au roi de France : Lors sonnèrent les trompettes parmi l’armée, et s’armèrent toutes gens et montèrent à cheval, et vinrent sur les champs, là où les bannières du roi ventilloient au vent et étoient arrêtées, et, par espécial, l’oriflamme que messire Geoffroy de Charny portoit. […] Froissart, qui ne perd aucune occasion de nous faire assister au spectacle, nous montre pendant ces heures de répit le roi de France qui fait tendre sur le terrain, dans le lieu même où il s’est arrêté, un pavillon de soie vermeille, très élégant et très riche ; le roi rompt et congédie pour le reste du jour ses divers corps d’armée, sauf les deux troupes du connétable et des maréchaux. […] Le prince, en effet, rencontre là des gens de ce cardinal rangés du côté des Français et qui prennent part à la bataille : il croit, dans le premier moment, que c’est l’effet d’une fourberie du prélat pacificateur, et veut leur faire trancher la tête : Jean Chandos l’arrête à temps. […] » À cette heure, le prince de Galles est assez loin dans la plaine : on dirait qu’en parlant de lui, Froissart s’est ressouvenu et d’Ajax et de Roland : « Le prince de Galles qui durement étoit hardi et courageux, le bassinet en tête, semblable à un lion cruel et furieux, et qui ce jour avoit pris grand’plaisance à combattre et à pourchasser ses ennemis, sur la fin de la bataille étoit durement échauffé… » Jean Chandos, qui ne l’a point quitté de la journée, l’engage donc à s’arrêter un peu, à planter sa bannière sur les buissons pour y rallier son monde et s’y rafraîchir, On dresse là un petit pavillon vermeil ; on apporte à boire au prince et aux seigneurs qui sont près de lui.

70. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

La strophe arrêtée à des limites assez précises reste presque toujours harmonieuse et ses éléments convergent vers un centre d’impression. […] On la désirerait, à certaines places, secouée de plus de nouveauté, vivifiée par des trouvailles ; et, si elle devait ne chercher que sa propre beauté, s’arrêter à la seule splendeur de ses lignes sculpturales, il faudrait (mais je cherche ici par trop la petite bête !) […] De toute la génération qui vient, il est peut-être à ce point de vue celui qui a le plus approché du définitif ; ses vers s’arrêtent lorsqu’il sied, chaque parole comme chaque strophe s’incline vers ses limites naturelles, et le poème s’érige par ses propres forces. […] Il y a en M. de Régnier la noblesse d’une attitude morale face à face avec la noblesse des attitudes arrêtées au clair de ses strophes ; il est cependant bien loin du poète des Cygnes, qui me paraît épris de la Beauté morale au moins autant que de la Beauté plastique ; la joie de l’Acte est belle en soi, pour l’un, et, pour l’autre, presque indifférente si on la sépare de la forme qui l’exprime. […] Ils ne sont pas ceux que l’on aime ou que l’on admire : ils suscitent à la fois l’élan vierge du cœur avec l’assentiment de la hautaine intelligence dont ils agenouillent le respect. — Or nous tous, voyageurs qui gravissons l’âpre montagne, si quelque fierté d’âme convie notre faiblesse à ne point nous trahir, nous ne pourrons nous arrêter à l’aube par crainte des brûlants midis torrentiels.

71. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Sans avoir de plan bien arrêté, voilà M. […] Je suis un vieux constituant de 89, me disais-je, et voilà un jeune girondin qui nous en prépare de rudes ; ou bien je suis un girondin déjà arrêté, et voilà un enragé de dantoniste qui n’y va pas de main morte. […] C’est moins le nu qui m’arrête que le déshabillé vulgaire. […] Que ton esprit tout arrêté Ne murmure ni ne respire. […] Gautier donne, sans le vouloir, raison à Malherbe qui aurait dit certainement à Théophile : « Votre pièce est de plus de moitié trop longue ; vous ne savez pas vous arrêter à temps ni effacer ; rien de trop : réduisez la muse aux règles du devoir. » Il y a plus : M.

72. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Mme Suard, qui lui avait voulu du bien dans un temps, a dit de lui : « Il avait une belle tête et d’une expression aimable ; mais sa taille était petite et sans aucune élégance. » Certaine inégalité d’épaule semblait même indiquer une vague intention première de la nature de pousser plus loin l’irrégularité ; mais cette velléité primitive s’était arrêtée à temps. […] Ce La Harpe du Lycée, dans les années 1786-87-88, et les services sans mélange qu’il rendit alors à la raison littéraire et à la culture publique, doivent être toujours présents à ceux qui le jugent, et arrêter les plaisanteries qu’il est trop aisé de répéter quand il s’agit de lui. […] Cette querelle, dont je ne fais que signaler l’occasion et le prétexte, ne s’arrêta pas sitôt ; elle eut des suites et des ricochets sans nombre. […] Un de ses amis fut arrêté dernièrement en vertu d’un décret des consuls (le Tribunal du commerce). […] Il avait été très avant dans les idées de la Révolution ; il ne s’était guère arrêté qu’en 93, et lorsqu’il s’était vu averti personnellement par la violence et jeté en prison.

73. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

La critique littéraire, avec ses respects et ses réserves, s’arrête étonnée devant de tels élans enthousiastes ; elle y regarde à deux fois avant de les contrarier. […] Honneur à elle, et à tous ces braves et nets esprits que les dogmes scolastico-religieux et la lettre des textes n’ont point arrêtés dans l’examen de la nature, dans l’inspection du ciel, dans la découverte de ses lois ! honneur à tous ceux que les préjugés d’hier n’ont pas arrêtés davantage et n’arrêtent pas chaque jour dans l’interprétation des fouilles terrestres profondes, dans la perscrutation intime et atomistique de la vie, ou dans l’exploration ascendante et le déchiffrement graduel des vieux âges !

74. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Il a sa théologie très arrêtée. […] Ce dessein apparaît en plein dans la seconde moitié de la pièce. — Ce qui nous est montré plus spécialement au troisième acte, c’est l’émulation pour confesser la foi et pour se faire arrêter. […] Tous les esclaves de Pedanius sont, selon l’atroce loi romaine, arrêtés et condamnés. […] … Mais à la lecture, et jusqu’à l’endroit où j’en ai arrêté le compte rendu, cette œuvre intelligente ne semble point particulièrement neuve, et je dirais qu’elle rentre dans l’ordinaire « formule » des tragédies romano-chrétiennes, si, dans sa dernière partie, ne se marquait fort heureusement le dessein par lequel surtout elle vaut.

75. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Une femme seule — mais spéciale, mais organisée tout exprès, — pouvait avoir cette étonnante souplesse qui permet d’aller aussi loin qu’on veut dans les choses… dangereusement vives, et, tout à coup, de s’arrêter net, cambrée sans effort et délicieuse d’équilibre, — comme une danseuse sur un vase étrusque, — à l’extrémité de ce toit ! […] Marcelin, le plus fin des fins, — même sans crayon, — sentait bien que le bijou le plus précieux de son écrin de la Vie Parisienne était cette plume qui donnait, sans inconvénient, de petites palpitations à ses abonnées vertueuses, et arrêtait à temps ces palpitations après avoir mis au front des liseuses une rougeur qui les embellissait… Embellir ses abonnées, quelle bonne fortune pour un directeur de journal ! […] Hélène elle-même, malgré sa réalité, Hélène, avec son mariage vaniteux de fille qui veut être mariée seulement pour être mariée, et sa mesquine jalousie de sœur, finirait peut-être aussi par nous détacher d’elle si son roman, comme celui de tant de jeunes filles, s’arrêtait platement au mariage. […] Il n’y a plus ici de ces risque-tout qui finissent par être, sous une plume qui s’arrête toujours à temps, des victoires !

76. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Cependant le discours, semblable à de l’harmonie sans caractère, s’arrête à la surface des sens ; l’âme n’a aucun des plaisirs qui l’intéressent ; elle n’est ni remuée par des passions, ni attachée par des idées. […] Arrêtez, s’écrie le poète ; que de faibles larmes ne coulent pas pour lui, c’est sur la tombe de la beauté, de la jeunesse et de l’enfance qu’il faut pleurer ; c’est là qu’il faut porter vos chants funèbres ; mais Newton veut d’autres hommages. » Puis tout à coup il s’écrie : « Honneur de la Grande-Bretagne, ô grand homme ! […] C’est ici qu’il s’arrêta après un voyage de cinq cents lieues ; à cette source d’eau, il étancha sa soif ; dans cette plaine, il rangea lui-même son armée en bataille ; dans cette forêt, il marqua avec la hache les chênes qu’il fallait abattre pour construire des vaisseaux. […] Voici les ports que sa main a creusés ; voilà les forteresses qu’il a bâties ; c’est ici qu’il arrêta le sang qui coulait de la blessure d’un de ses sujets.

77. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Racontant un événement, ils s’arrêtent pour délibérer si c’était dimanche ou lundi, si c’était devant Jean ou Pierre, quoique cela n’importe pas à la chose ; ils hésitent, se reprennent, s’interrompent pour corriger un détail qu’ils ont donné un quart d’heure avant, pour en ajouter un qu’ils ont omis. […] Parmi les exemples auxquels on peut recourir, il est une catégorie où il faut s’arrêter un moment : ce sont ceux qu’on tire des actions de l’homme même qu’on veut persuader. […] Vous, qui, de l’Asie embrassant la conquête, Querellez tous les jours le ciel qui vous arrête.

78. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

Tous semblent s’opposer à l’ardeur qui le guide : Il veut armer son bras ; mais le sage Druide Arrête ce transport, & lui parle en ces mots : Apprends que la Vertu forme seule un Héros. […] Mais quel objet t’arrête !

79. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Puis il s’arrêta, fatigué. […] Il s’arrêta. […] Ils s’arrêtèrent à cinq ou six mètres de Pœuf. […] Je m’arrête, le volume y passerait. […] Elle s’arrêta.

80. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Il est temps que je m’arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. […] Maintenant je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être ; qui sait s’il remontera jamais de sa nuit ? […] Car c’est cette densité qui arrête aussi tant de gens et les fait crier à l’ennui, avant même qu’ils aient lu trois pages. […] Nous passions devant une bordure de rosiers du Bengale, quand soudain il se tut et s’arrêta. Je m’arrêtai aussi, mais il se remit alors à marcher, et je fis de même.

81. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Je m’arrête aussi. […] Je m’arrête, je sens que le charme de certains passages m’en ferait écrire plus que je ne veux. […] Je m’arrête. […] J’ai dit plus haut que le voyage de Victor Hugo s’arrêtait à l’île d’Oléron. […] Anatole France est bien, lui aussi, un des disciples de saint Antoine, mais là s’arrête la similitude.

82. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 43, que le plaisir que nous avons au théatre n’est point produit par l’illusion » pp. 429-434

Ainsi quand nous voïons une belle tragédie, ou bien un beau tableau pour la seconde fois, notre esprit est plus capable de s’arrêter sur les parties d’un objet qu’il a découvert et parcouru en entier. […] Un curieux d’architecture n’examine une colonne, et il ne s’arrête sur aucune partie d’un palais, qu’après avoir donné le coup-d’oeil à toute la masse du bâtiment, qu’après avoir bien placé dans son imagination l’idée distincte de ce palais.

83. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Les Carthaginois furent arrêtés de bonne heure dans cette carrière par la subtilité naturelle de l’esprit africain, encore augmentée par les habitudes du commerce maritime. […] Celles du Nord, comme la Suède et le Danemark il y a un siècle et demi, et comme aujourd’hui encore la Pologne et l’Angleterre, semblent soumises à un gouvernement aristocratique ; mais si quelque obstacle extraordinaire n’arrête la marche naturelle des choses, elles deviendront des monarchies pures. — Cette partie du monde plus éclairée a aussi plus d’états populaires que nous n’en voyons dans les trois autres.

84. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Tout me fait espérer qu’à ma vue elle volera vers moi, Je puis sans doute rencontrer sur mon chemin un obstacle imprévu, je puis rencontrer un officier fidèle aux Bourbons qui arrête l’élan des troupes, et alors je succomberai en quelques heures. […] Daunou a voulu écrire l’histoire de la Convention dans un style à la Tacite, et il s’est arrêté au bout de quelques pages ; il ne s’en serait jamais tiré. […] Qui donc nous fait mieux assister que l’historien aux anxiétés, aux agitations contradictoires des chefs envoyés pour arrêter et combattre Napoléon ?

85. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

La strophe, arrêtée à des limites assez précisés, reste presque toujours harmonieuse, et ses éléments convergent vers un centre d’impression. […] On la désirerait, à certaines places, secouée de plus de nouveauté, vivifiée par des trouvailles ; et, si elle devait ne chercher que sa propre beauté, s’arrêter à la seule splendeur de ses lignes sculpturales, il faudrait (mais je cherche ici par trop la petite bête !) […] De toute la génération qui vient, il est peut-être à ce point de vue celui qui a le plus approche du définitif ; ses vers s’arrêtent lorsqu’il sied, chaque parole comme chaque strophe s’incline vers ses limites naturelles, et le poème s’érige par ses propres forces.

86. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Ce n’est pas sans peine et sans effort que cette publication est arrivée au jour et a triomphé de bien des obstacles qui auraient pu l’arrêter. […] Il se fraie sa voie, là où d’autres restent court et s’arrêtent. […] ) J’ai vu avec une grande impatience, sur la frontière de France et de Hainaut, la continuation des magistrats municipaux plus d’une année dans leurs magistratures passer pour une faveur dont il fallait gratifier le public dans les belles occasions, comme l’avènement d’un gouvernement, la naissance d’un prince, la convalescence du roi, etc. ; mais ayant remarqué que cette faveur accordée ne faisait que maltraiter les peuples en enorgueillissant quelques coquins de bourgeois qui faisaient bientôt une tyrannie de leurs magistratures, j’arrêtai cela, y étant intendant, et dans une célèbre occasion, qui fut le sacre de Louis XV à Reims : et je me fis écrire une lettre par le secrétaire d’État de la province, qui marquait que les magistrats seraient renouvelés malgré cette circonstance, et que l’on se proposait de les faire renouveler annuellement, malgré toute remontrance et nonobstant toute occasion quelconque, et cela par les principes des motifs allégués ci-dessus, savoir leur négligence et abus quand on manquait à les renouveler annuellement ; et je fis imprimer et afficher cette lettre dans tous les carrefours de mes villes. […] Pendant que d’Argenson était intendant en Hainaut, Law traversa la province pour fuir à l’étranger ; d’Argenson le fit arrêter et le retint à Valenciennes jusqu’à ce qu’il eût reçu les ordres de la Cour. […] Éconduits sur notre arbitrage de Juliers, effrayés du roi de Prusse, arrêtés dans nos projets du Nord, … que le besoin serait grand ici d’un cardinal de Richelieu ferme et agissant, ou au moins d’un Chauvelin, d’un homme enfin !

87. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Son discours ne bondit jamais ; il va pas à pas d’un objet à l’autre, et tout objet lui semble beau ; il s’arrête, il regarde et se complaît à regarder. […] Deux fois sire Bedivere part pour faire la volonté du roi : deux fois il s’arrête et revient dire faussement au roi qu’il a jeté l’épée ; car ses yeux sont éblouis par la merveilleuse broderie de diamants qui fleuronnent et luisent autour de la poignée. […] Il n’est point entraîné par des théories, engourdi par l’inertie, arrêté par les contradictions. […] Nous revenons à Calais, et nous courons sur Paris, sans nous arrêter en route. […] Cette grande ville est cosmopolite ; toutes les idées peuvent y naître ; nulle barrière n’y arrête les esprits ; le champ immense de la pensée s’ouvre devant eux sans route frayée ou prescrite.

88. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

« L’enfant s’arrêta à côté du buisson, sans voir Jean Valjean, et fit sauter sa poignée de sous, que jusque-là il avait reçue avec assez d’adresse tout entière sur le dos de sa main. […] le navire ne s’arrête pas. […] Monsieur le président, faites-moi arrêter. […] Je m’en vais, puisqu’on ne m’arrête pas. […] Monsieur l’avocat général sait qui je suis, il sait où je vais, il me fera arrêter quand il voudra.

89. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

arrête ! […] Ils se sont éveillés l’un et l’autre : je me suis arrêté les écoutant ; mais ils ont fait leurs prières et se sont remis à dormir. […] Je n’avais jamais eu autant de besoin d’une bénédiction, et amen s’est arrêté dans mon gosier. […] C’est une chose arrêtée. — Banquo, si c’est vers les cieux que ton âme doit prendre son vol, elle les verra ce soir. […] Ne vous arrêtez pas à conserver l’ordre des rangs ; sortez tous ensemble.

90. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Pour moi qui, en qualité de critique, suis de ce lendemain plus que je ne veux, je me demande, après avoir lu Raphaël non pas s’il y a assez de beautés pour nous toucher çà et là et pour ravir les jeunes cœurs avides et qui dévorent tout ; mais je me demande si les esprits devenus avec l’âge plus délicats et plus difficiles, ceux qui portent en eux le sentiment de la perfection, ou qui seulement ont le besoin du naturel jusque dans l’idéal, ne sont pas arrêtés à tout moment et ne trouvent pas, à cette lecture, plus de souffrance de goût que de jouissance de cœur et d’émotion véritable. […] Quand on se met une fois en frais d’idéal, il est plus simple de ne pas s’arrêter à mi-chemin dans ses souhaits d’ambition. […] Du moment que la pensée est obligée de s’arrêter sur des circonstances particulières aussi désagréables, on a droit de s’étonner lorsqu’on entend tout à coup cette femme matérialiste déclamer contre l’abjecte nature des sensations, et faire appel à une pureté surnaturelle : « … Vous trouveriez ce que vous appelez un bonheur, dit-elle à son amant ; mais ce bonheur serait une faute pour vous ! […] Il a essayé de faire une confession entière, et il s’est arrêté à mi-chemin, en songeant que c’était aussi la confession d’une autre.

91. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Grand capitaine quand il le faut, endurci aux fatigues, rapide, agile, inépuisable en combinaisons, il ne se laisse ni entraîner par le vertige des conquêtes ni arrêter par des scrupules d’homme civil et des remords d’humanité sur les champs de bataille : humain et clément le lendemain, charmant à ses amis, conciliant à ses ennemis, attentif à tous, fécond jusqu’à la fin en projets immenses, mais utiles à l’empire, qu’il était à la veille d’exécuter sans nul doute et d’accomplir jusque sous les glaces de l’âge. […] Faibles, indécis sur presque tous les points, indifférents même, ils n’ont qu’une volonté bien arrêtée, c’est d’être Césars.

92. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

C’était certainement plus d’un mois avant le 5 septembre 1661, jour où il fit arrêter Fouquet, puis que celle disgrâce fut attribuée à la témérité du surintendant qui avait tenté de séduire cette jeune favorite58. […] Fouquet fut arrêté le 5 septembre ; la reine accoucha le 1er novembre.

93. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Le jour & l’heure où il viendroit la voir furent arrêtés. […] Elle présenta requête au lieutenant criminel, pour faire arrêter le cours de ce libèle.

94. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Les lois, par la nature, n’ont de prise sur l’homme qu’autant qu’il respire ; elles le suivent jusqu’au bord du tombeau : là elles s’arrêtent, et il leur échappe. […] Il y avait un lac qu’il fallait traverser pour arriver au lieu de la sépulture ; sur les bords de ce lac on arrêtait le mort : « Qui que tu sois, rends compte à la patrie de tes actions.

95. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Il arrêta là sa première leçon. […] Si nous nous arrêtons au milieu de la récitation, notre sentiment de l’« incomplet » nous paraîtra tenir tantôt à ce que le reste de la pièce de vers continue à chanter dans notre mémoire, tantôt à ce que le mouvement d’articulation n’est pas allé jusqu’au bout de son élan et voudrait l’épuiser, tantôt et le plus souvent à l’un et à l’autre tout à la fois. […] L’image dont nous allons nous servir n’est donc pas une image visuelle arrêtée : ce n’est pas une image arrêtée, puisqu’elle variera et se précisera au cours de l’apprentissage qu’elle est chargée de diriger ; et ce n’est pas non plus tout à fait une image visuelle, car si elle se perfectionne au cours de l’apprentissage, c’est-à-dire à mesure que nous acquérons les images motrices appropriées, c’est que ces images motrices, évoquées par elle mais plus précises qu’elle, l’envahissent et tendent même à la supplanter. […] Mais nous nous bornons à indiquer cette vue sans nous y arrêter. […] L’image aux contours arrêtés dessine ce qui a été.

96. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Plus que jamais, en ce sens, l’immortelle Gironde est la limite à laquelle notre pensée se plaît et s’obstine à s’arrêter. […] Absente du foyer principal, éloignée du détail des événements dont le spectacle réel, depuis le 5 octobre, aurait peut-être contribué à user son surcroît de zèle et à dégoûter sa confiance, elle était surtout sensible aux lenteurs, aux incertitudes de l’Assemblée et à ses efforts pour arrêter. […] Regrettant qu’on ait arrêté Louis XVI fugitif à Varennes, elle donne pour raison que, sans cette fâcheuse capture, la guerre civile devenant immanquable, la Nation allait forcément à cette grande école des vertus publiques. […] La Correspondance avec Bancal s’arrête au second ministère de Roland, et est comme interrompue par un double cri d’alarme héroïque à l’approche des Prussiens, et d’horreur, d’exécration, aux massacres de septembre. […] Mlle Phlipon se fit donc un caractère plus mâle et plus simple ; elle eut de bonne heure l’habitude de réprimer sa sensibilité, son imagination, de s’arrêter à des principes raisonnés, et d’y ranger sa conduite.

97. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Laffitte ; puis il était revenu se laisser arrêter par l’agent de police Javert, et condamner à mort. […] Il est donc impossible de s’arrêter à ces prétendues solutions. […] ni idée arrêtée, ni moyens praticables, ni but avoué et avouable, ni gouvernement à fonder ! […] Arrivée là, Éponine, qui s’attend à un baiser, s’arrête. […] On arrête dans son repaire la femme qui a acheté les deux derniers petits enfants de la Thénardier.

98. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Chapitre I :L’histoire de la philosophie I Une ample préface, toute dogmatique, doit nous arrêter d’abord196. […] La méthode subjective s’arrête au second terme : sa fonction c’est l’hypothèse. […] J’enlève le cadran, tout l’extérieur, rien ne change ; j’arrête le pendule, tout s’arrête ; je le remets en mouvement, tout reprend ; je tire un poids avec force, je vois les aiguilles courir, les sons se précipiter. […] Je passe, sans m’y arrêter, les réflexions de l’auteur sur « quelques infirmités de la pensée », comme la croyance aux causes finales, à la distinction de la puissance et de l’acte, au principe vital, etc. : cela nous entraînerait trop loin, ou trouvera mieux sa place ailleurs. […] Passons, sans nous arrêter sur les sophistes, Socrate, Platon et Aristote, et arrivons au demi-scepticisme de la nouvelle Académie qui fournit à M. 

99. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

L’ardeur révolutionnaire de Chamfort ne s’arrêta pas même au 10 août : il écrivait deux jours après à un ami, en lui racontant qu’il était allé faire son pèlerinage à la place Vendôme, à la place des Victoires, à la place Louis-XV, qu’il avait fait le tour des statues renversées de Louis XV, de Louis XIV : Vous voyez, disait-il en finissant, que, sans être gai, je ne suis pas précisément triste. […] » Dans une publication d’alors, à laquelle il prit part (les Tableaux historiques de la Révolution), remarquant que peu d’hommes, parmi ceux qui avaient commencé, avaient été en état de suivre jusqu’au bout le mouvement, il ajoute : « C’est un plaisir qui n’est pas indigne d’un philosophe, d’observer à quelle période de la Révolution chacun d’eux l’a délaissée ou a pris parti contre elle. » Et il note le moment où s’arrêta La Fayette, celui où s’arrêta Barnave : « Que dire, s’écrie-t-il, en voyant La Fayette, après la nuit du 6 octobre, se vouer à Marie-Antoinette, et cette même Marie-Antoinette, arrêtée à Varennes avec son époux, ramenée dans la capitale, et faisant aux Tuileries la partie de whist du jeune Barnave ? » Quant à lui, le ci-devant jeune poète favorisé de la reine, le récent secrétaire de Madame Élisabeth, il ne s’arrêta qu’à la dernière extrémité, et l’on a peine à saisir le moment précis où il s’écria enfin : C’est assez ! […] On sait qu’arrêté une première fois et menacé de l’être une seconde, il essaya de se tuer dans son appartement à la Bibliothèque, qu’il se manqua, se creva un œil, se déchira sans pouvoir se frapper mortellement.

100. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Comme il traversait ainsi la forêt, un homme de mauvaise mine, sans autre vêtement qu’une méchante cotte blanche, se jette tout à coup à la bride du cheval du roi, criant d’une voix terrible : « Arrête, noble roi, ne passe pas outre, tu es trahi !  […] Le duc échappa, mais le roi eut le temps de tuer quatre hommes avant qu’on pût l’arrêter. […] Mais il s’arrête longtemps à ce qui précède l’accès : il nous fait revoir dans la rêverie du roi toutes les déceptions de son triste règne, les désillusions de son simple cœur ; ce sont les antécédents moraux de la folie ; il remet à deux fois sous nos yeux la température torride, les sables ardents, l’atmosphère étouffante, il note l’étrange apparition, quelque insensé sans doute : ce sont les antécédents physiques.

101. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Il arrête le lecteur en un endroit, et vingt fois lui met sous les yeux la même idée, diversement drapée et colorée : puis, d’un brusque saut, il se transporte dans une autre, où il nous arrêtera de même. […] Entre ces deux mouvements, il y a une infinité de degrés, selon qu’on précipitera plus ou moins le passage d’une idée à l’autre, selon qu’on s’arrêtera plus ou moins à considérer et à détailler chaque idée.

102. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Ils valent pourtant la peine qu’on s’y arrête. […] Je m’arrête. […] Il fallut s’arrêter aux premières maisons qui se rencontrèrent : c’était entre Angoulême et Libourne. […] Cherbuliez, dans la littérature de notre temps, est trop important pour que je ne m’arrête pas devant son nom. […] Poliment et avec ses grands airs, il arrêta le médecin.

103. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

La surprise avait arrêté net la discussion et on regardait ce que j’allais faire. […] Pauvre nounou elle dut s’arrêter bientôt pour pleurer. […] Cela finit par devenir un hoquet saccadé et convulsif, que rien ne pouvait arrêter. […] Je m’arrêtais d’abord, en extase devant le vaste tapis vert, devant cet espace qui me semblait sans limites. […] Et comme le cocher s’est arrêté, je veux absolument descendre.

104. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Il s’arrêta à contre-cœur, et en témoigna toujours des regrets depuis. […] Villars, qui connaissait l’électeur de longue main, croyait que le meilleur parti à prendre avec lui était celui de la hauteur pour lui imposer et fixer les incertitudes d’un esprit peu solide, assez beau en paroles, mais qui n’avait nulle résolution arrêtée, surtout en matière de guerre. […] Louis XIV, qui connaît les défauts de Villars, et les penchants sur lesquels il faut l’arrêter, lui répond : « Mettez-vous au-dessus des petites choses pour parvenir aux plus grandes. » Il lui recommande aussi la déférence avant tout et l’insinuation : Il ne convient pas d’avoir de la hauteur avec un homme de sa naissance et de sa dignité ; vous devez avoir de la fermeté pour les choses qui seront importantes, mais lui représenter avec honnêteté ; et vous prendrez plus d’autorité sur lui par cette conduite que vous ne feriez en usant autrement. […] J’en fis arrêter vingt des plus méchantes… Il voit des gens jusque-là réputés fort sages, un maire d’Alais, par exemple, à qui la tête tourne subitement et qui se croit prophète à côté d’une prophétesse, fou d’ailleurs sur ce seul point et sensé sur tous les autres, comme don Quichotte qui ne déraisonnait que quand il était question de chevalerie errante. […] Il rêvait mieux, même dans son état de faiblesse ; il avait conçu cette fois l’idée du siège de Landau, qu’il savait, à un moment, dégarni d’artillerie et qu’il comptait prendre en dix jours, lorsque la nouvelle du désastre de Ramillies vint tout arrêter.

105. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Ainsi ne nous arrêtons point ni aux douze ni aux vingt-quatre heures, mais resserrons l’action du poème dans la moindre durée qu’il nous sera possible, afin que sa représentation ressemble mieux et soit plus parfaite316. » Et pareillement pour le lieu. […] Mais Corneille s’est arrêté avec prédilection à l’histoire romaine, où il n’y a guère d’époque qu’il n’ait représentée ; les rois dans Horace ; la conquête du monde dans Sophonisbe et dans Nicomède ; les guerres civiles dans Serîorius et dans Pompée ; l’empire dans Cinna, Othon, Tite et Bérénice, Pulchérie ; le christianisme et l’empire dans Polyeucte et Théodore : les barbares et l’empire dans Attila, l’empire byzantin dans Héraclius. […] Enfin la volonté, qui ne supprime pas les passions, les arrête, en supprime les signes, ne laisse passer que les actes qu’elle approuve. […] Mais on ne doit pas trop s’arrêter à ces taches. Il ne faut pas non plus s’arrêter trop à ces reproches contradictoires de déclamation et de trivialité que des critiques ont adressés à son style, non plus qu’à celui d’incorrection ou d’impropriété que Voltaire ne lui a pas ménagé.

106. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Marmontel n’a pas ce goût sévère qui avertit de s’arrêter à temps et de s’en tenir à la seule nature. […] Ces dissipations, celles qu’il trouvait à Passy où il était allé loger chez son ami et Mécène M. de La Popelinière, cette vie de soupers et de plaisirs, arrêtèrent les premiers succès de Marmontel et nuisirent à son essor tragique, en supposant qu’il eût été de force à se pousser dans cette voie. […] comment un honnête homme, et de talent et de bon sens, peut-il avoir de pareilles idées et s’y arrêter un moment ? […] C’est assez pour l’honneur de sa mémoire qu’en voyant les hommes devenir tout à coup furieux et méchants, il ait arrêté à temps sa bonhomie, et ne l’ait laissée dégénérer ni en lâcheté ni en sottise. […] Sur sa motion, un arrêté fut pris par l’Assemblée, et il fut dit que « l’Assemblée du tiers état de la Ville de Paris réclamait unanimement contre l’acte du Conseil, etc. ».

107. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Toujours il débutera vivement, brillamment, mêlant l’esprit à l’audace, la repartie à la bravoure ; il se montrera capable, des plus prompts à l’occasion, plein de promesses qu’il ne tient qu’à lui, ce semble, de réaliser : puis tout à coup, à un certain moment, une affaire d’honneur, de vrai ou de faux point d’honneur, l’arrêtera court, le fera sortir de la route tracée et le lancera dans une sphère d’action différente : il a en lui comme une force excentrique secrète qui le déjoue. […] Craignant d’être arrêté dans l’armée, il demanda un congé au duc de Vendôme et voyagea en Italie pendant quelques mois (1705-1706) ; il fut à Venise, où il espérait peut-être que quelques ouvertures lui seraient faites, par lesquelles il pourrait rentrer décemment au service. […] Bonneval, au sortir de la citadelle d’Anvers, et après s’être un peu amusé à La Haye où il fit tout pour empirer ses affaires, se rendait à Vienne où il était mandé, quand il fut arrêté de nouveau. […] Il noua des intrigues avec l’Espagne ; puis, craignant d’être pris et enlevé par ordre de l’empereur, et à bout de finances, ne sachant exactement où donner de la tête, il se dirigea vers la frontière de Bosnie, sans dessein bien arrêté : « Quand je quittai Venise, disait-il plus tard en conversation et de ce ton original qui était le sien, la soupe avait mangé la vaisselle ; et, si la nation juive m’eût offert le commandement de cinquante mille hommes, j’aurais été faire le siège de Jérusalem. » C’est à cette frontière de Bosnie qu’il se trouve arrêté pendant quatorze mois dans une ville où l’empereur le réclamait, en danger d’être livré, et qu’il n’échappe finalement à l’extradition qu’en prenant le turban et faisant profession de mahométisme.

108. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

L’harmonie n’était point encore née ; l’harmonie, qui est la musique du langage, qui, par le mélange heureux des nombres et des sons, exprime le caractère du sentiment et de la pensée, et sait peindre à l’oreille comme les couleurs peignent aux yeux ; l’harmonie qui établit une espèce de balancement et d’équilibre entre les différentes parties du discours, qui les lie ou les enchaîne, les suspend ou les précipite, et flatte continuellement l’oreille, qu’elle entraîne comme un fleuve qui coule sans s’arrêter jamais. […] Il faut avoir longtemps mesuré ses forces ; il faut avoir appris à les gouverner avec souplesse, pour savoir les arrêter au besoin. […] L’orateur républicain use de sa force tout entière ; l’orateur d’une monarchie est toujours occupé d’arrêter la sienne. […] L’homme qui est né avec de la vigueur n’étant plus arrêté par des conventions, marche où le sentiment de sa vigueur l’entraîne ; l’esprit, dans sa marche fière, ose se porter de tous les côtés, ose fixer tous les objets ; l’énergie de l’âme passe aux idées, et il se forme un ensemble d’esprit et de caractère propre à concevoir et à produire un jour de grandes choses ; celui même qui par sa nature est incapable d’avoir un mouvement, s’attache à ceux qui ont une activité dominante et propre à entraîner : alors sa faiblesse même, jointe à une force étrangère, s’élève et devient partie de la force générale. […] Ce n’est pas assez pour elle de sentir et de peindre, il faut qu’elle compare et combine une grande multitude d’idées ; il faut qu’elle leur assigne à toutes l’ordre et le mouvement ; il faut qu’elle en fasse un tout raisonné et sensible ; il faut qu’elle ait parcouru les arts, les lois, les sciences et les mœurs ; qu’enrichie de connaissances, elle les domine et semble planer au-dessus d’elles ; qu’en les jetant, elle n’en paraisse ni prodigue, ni avare ; que tantôt elle les indique et tantôt elle les déploie ; que souvent elle fasse succéder des vérités en foule, que souvent elle s’arrête et se repose sur une vérité.

109. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

Arrête, malheureux ! […] (Il veut sortir ; mais on l’arrête et on l’enchaîne avec les autres.)

110. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Pourquoi le jeune Égyptien, qui apprend avec plus de rapidité que le jeune Européen, est arrêté, à quatorze ans, dans son développement intellectuel ? […] » et bientôt je vois le zouave arrêté et ramené au feu. […] Dans l’encombrement des voitures et des déménagements, une brouette arrêtée, dont le brouetteur reprend haleine. […] Je suis frappé par le regard de ces hommes : le regard du fuyard est diffus, trouble, glauque, il ne s’arrête, ne se fixe sur rien. […] Tout à coup il s’est arrêté, et s’est écrié, comme s’il se réveillait : « Ça va bien mal, nom de Dieu ! 

111. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Puis Serge s’arrêta. Elle s’arrêta en face de lui et tout près. […] Sylvia, au temps de la Révolution, si l’on eût arrêté son mari, eût crié ; « Vive la Gironde !  […] Puis il s’arrêta, attendant la fin qu’il était venu chercher. […] J’ai peur d’être bientôt sommé de tenir parole ; je vais m’arrêter.

112. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Ce qui l’est moins, ce qui m’a le plus, je ne dirai pas étonné, mais choqué, c’est que les hommes considérables qui n’avaient certainement pas voulu pousser à cette résistance devenue du désordre, qui cependant, et très involontairement sans doute, n’y avaient pas nui, ne se soient pas tenus pour avertis, ne se soient pas arrêtés aussitôt après ces manifestations d’un assez mauvais caractère, et qu’ils aient cru devoir continuer publiquement la polémique engagée, en gens non informés et prétextant d’ignorance, comme si de rien n’était. […] Dans les villes mêmes, à peine entrés et sans se donner un instant de repos, on s’égarait çà et là ; évitant de parti pris les élégances modernes, fuyant les larges quais, les grandes rues, on cherchait tout exprès les plus vieux quartiers, les plus étroites ruelles ; on s’arrêtait à chaque vieille pierre ornée et ciselée, à chaque petit hôtel ayant sa marque de fin de xve  siècle ou de Renaissance ; on entrait sans façon dans les cours. […] Je vois encore la place où nous étions arrêtés par la foule. […] Il ne s’arrête pas à ces subtilités ; pourvu que le vêtement soit ample et solide, qu’il soit digne de la chose vêtue, qu’il fasse honneur à celui qui le fait faire, peu lui importe d’ailleurs s’il ne remplit pas les conditions d’art que recherche le Grec ! 

113. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

il en a dit bien d’autres, et, en général, il ne s’arrête pas à si peu. […] C’est ainsi qu’il a conçu de bonne heure sa galerie intitulée : les Oubliés et les Méprisés ou les Dédaignés, comprenant Linguet, Mercier, Dorat-Cubières, Baculard d’Arnaud… et finissant par le célèbre gastronome Grimod de La Reynière, « le plus gourmand des lettrés, le plus lettré des gourmands. » C’est à cette série qu’appartiennent encore, bien que publiés à part, Rétif de La Bretonne, le peintre ou mieux « le charbonnier de mœurs », et Fréron, non pas l’illustre, mais le fameux critique (famosus), sur lequel je veux un peu m’arrêter. […] Dans la Bibliothèque en vacances, la plaisanterie s’arrêtait à temps ; un pas de plus, on est dans la gaminerie : le goût comme la justice conseillait et commandait de rester en deçà. Arrêtons-nous nous-même, de peur d’être bien long sur un auteur court et de paraître pesant à propos d’un esprit léger.

114. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Achille n’est pas seulement la force héroïque : c’est le jeune fils d’une déesse, le plus beau des Grecs, qui, outragé, pleure comme un enfant dans le sein de sa mère ; qui sur la grève solitaire chante avec la lyre en contemplant la mer immense ; qui console son ami affligé avec un accent aussi tendre et aussi ému que celui d’une jeune mère : « Pourquoi pleures-tu, Patrocle, comme une enfant qui ne sait pas encore parler, qui court après sa mère afin qu’on la prenne, la tire par sa robe, et l’arrête, et la regarde en pleurant pour être portée dans ses bras ?  […] Non, les conditions lui manquent, les circonstances l’arrêtent ; il est impuissant à se dégager, et sa force mutilée ne le soulève qu’à demi. […] Nous nous arrêtons à mi-chemin et l’imagination seule pousse jusqu’au bout de la carrière. […] Les unes, lourdes, doctes, sentencieuses, vont, lentement et d’un pas régulier se ranger au bout de la morale d’Aristote, pour y reposer sous la garde d’Esope. — Les autres, enfantines, naïves et traînantes, bégayent et babillent d’un ton monotone dans les conteurs inconnus du moyen âge. — Les autres, enfin, légères, ailées, poétiques, s’envolent, comme cet essaim d’abeilles qui s’arrêta sur la bouche de Platon endormi, et qu’un Grec aurait vu se poser sur les lèvres souriantes de La Fontaine.

115. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Et c’est pour cela que je me suis un peu arrêté sur cette œuvre d’adolescent. […] Alphonse Daudet a beaucoup d’esprit et qu’il est toujours à l’affût, il s’arrête et s’intéresse à des détails qui nous échapperaient ou que nous remarquerions à peine ; il nous fait trouver curieuses par la façon dont il nous les présente des choses tout ordinaires et qui nous auraient sans doute faiblement frappés ; il a, si j’ose dire, un merveilleux flair des petits drames obscurs dont fourmille la réalité. […] Comme tout à l’heure, je m’arrête bien avant d’avoir épuisé l’énumération. […] Je m’arrête : tous les Contes y passeraient ; car il n’en est point qui ne renferme de ces traits inoubliables.

116. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

M. de Lally-Tollendal et ses amis s’étaient arrêtés à un certain jour de l’Assemblée constituante ; la justice et la vérité politique se prolongeaient pour eux jusqu’à ce jour-là, et ne subsistaient pas vingt-quatre heures de plus. […] Combien de montres s’étaient ainsi arrêtées durant la Révolution à tel ou tel jour de secousse violente ! […] Avez-vous jamais réfléchi à ce que c’était que ces hommes de la Chambre de 1815, dont en général les montres s’étaient arrêtées subitement au 18 Brumaire, et qui, après quinze ans d’isolement, de colère ou de bouderie à l’écart, se virent un jour appelés à l’exercice d’un gouvernement nouveau et à remettre en vigueur les formes parlementaires et délibératives ? […] Les graves eux-mêmes tournent à l’ironique et au frivole. » Je l’arrêtai court ; je lui soutins, pour l’honneur de ma génération, qu’il avait tort, que cela ne se passerait point ainsi ; mais je me promis pourtant de pousser le cri d’alarme, d’avertir les intéressés mêmes, et de le faire de la seule manière dont ces sortes d’avis peuvent se donner, c’est-à-dire publiquement, à mes risques et périls.

117. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Notre rôle s’arrête là. […] Le simple bon sens conseillait de ne pas s’arrêter à une étiquette un peu hardie et de ne pas nous supposer gratuitement absurde. […] et qu’il faut les admirer de n’être arrêtés par rien, ni par le labeur, ni par la droiture, ni par la sincérité d’une œuvre ! […] Maurice Barrès, qui s’y connaît, me dit un jour une chose qui m’a frappé : « Plus je réfléchis, plus je suis convaincu que les grands écrivains sont ceux qui ont trouvé leur rythme. » Le rythme serait donc la ligne totale d’une phrase, sa forme arrêtée et définitive, l’ensemble de sa cohésion parfaite.

118. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Je m’arrête à préciser le procédé, parce que là se rencontrent, sur une limite indécise, à la fois l’originalité louable et l’excès inadmissible du talent de M. […] Je ne suis pas devenu, grâce à Dieu, de ceux qui disent qu’une barrière dorénavant ferme l’arène et qu’il faut s’arrêter. […] Que peuvent de vains mots sans dessin arrêté, Et l’épithète creuse, et la rime incolore ?

119. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Quels généraux, quels soldais n’ont jamais fait dans la guerre que ce qu’il fallait faire, et ont su s’arrêter où la raison froide et tranquille aurait désiré qu’ils s’arrêtassent ? […] On arrêta donc sur l’heure Ruhl, Romme, Bourbotte, Goujon, Duroy, Duquesnoy, Soubrany, et huit jours après, par un redoublement de sévérité, on les déféra à une Commission militaire ; il n’y eut d’excepté que le vieux Ruhl, dont plusieurs membres attestèrent la sagesse et les vertus.

120. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

«  ARRÊTÉ. » Et voici ce qu’il avait écrit déjà, en 1832, à propos de la mort de son père, dans un de ces articles, nécrologiques qu’il se plaisait à composer sur lui-même : « Pendant le premier mois qui suivit cette nouvelle, je n’y pensai pas trois fois. […] Il faut être très ignorant de soi pour être vraiment fort, et il faut aussi savoir s’arrêter dans la connaissance ou, du moins, dans l’étude des autres. […] Beyle nous dit lui-même : « Je m’arrêtais trop à jouir de ce que je sentais… Je connais si fort le jeu des passions… que je ne suis jamais sûr de rien, à force de voir tous les possibles ».

121. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Ce volume de près de cinq cents pages ne comprend guères que quatre années (de 1789 à 1792), et encore s’arrête-t-il au mois de juin. […] Il s’arrêterait moins. Pourquoi s’arrêterait-il ?

122. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Charles d’Héricault a enfin abordé l’histoire politique, et ce livre atteste des facultés si sûres d’elles-mêmes, si gouvernées, si réfléchies, que le troublant et passionnant sujet d’histoire qu’il a choisi pour le traiter — La Révolution de Thermidor — ne l’a entraîné ni dominé une seule minute, et qu’il nous a donné l’exemple d’une fermeté d’esprit inconnue à tous les historiens, dans une mesure quelconque, de la Révolution française, — de cette Révolution dont la bouleversante influence ne s’arrête pas à ceux qui l’ont faite, mais va jusqu’à ceux qui l’écrivent… Car elle va jusque-là. […] Le monde romain stupéfié se tut devant Sylla, et il s’en alla mourir tranquille à sa maison de campagne, cet homme qui, malgré ses batailles et son génie de gouvernement, n’avait jamais été fier que d’une chose, qui ne lui appartenait pas, c’est d’avoir été toujours heureux… Robespierre, lui, l’autre proscripteur, ne s’arrêta pas. […] Charles d’Héricault pouvait peindre à grands traits, avec les reliefs du style et de la langue et le frémissement d’un artiste, il l’a dit sans s’y arrêter, avec la sobriété voulue, réfléchie et maintenue résolument, tout le temps de son livre, et que je ne puis m’empêcher d’admirer.

123. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur : Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome III. »

Quand il avait une fois commencé, il s’arrêtait difficilement, et aucun de ses auditeurs n’était tenté de mettre le signet. » Or, comme à chaque séance du Conseil, M. le maréchal de Ségur soumettait à la délibération l’affaire de Hollande et sollicitait une décision prompte, l’archevêque, s’emparant adroitement de la parole, trouvait moyen d’interpeller M. de Malesherbes sur quelque événement passé, analogue aux circonstances présentes ; et celui-ci, selon son usage, commençait à raconter. […] On perdit de la sorte quatre séances, c’est-à-dire quinze jours, et l’on finissait à peine d’arrêter les mesures, lorsqu’on apprit l’invasion du duc de Brunswick, la terreur des Hollandais, la défection du prince de Salm, qui les commandait, la prise de leurs villes et l’achèvement complet d’une révolution qui livrait cette république au stathouder et à l’Angleterre.

124. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Les physiologistes modernes ont montré que l’embryon humain, à travers les formes passagères de son développement, reproduit d’une manière provisoire et fugitive plusieurs formes arrêtées et permanentes dans les espèces inférieures : il traverse à la hâte, en quelque sorte, la nature animale, il la résume en une esquisse rapide, avant d’être homme. […] Sous le dualisme de la volonté et de l’intelligence, auquel s’est arrêté Schopenhauer, il faut chercher l’unité.

125. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

Ma pensée en marche s’arrête soudain et recule meurtrie comme un bataillon décimé dans une embuscade, jusqu’aux retranchements du silence. […] De plus douces émotions reviennent, il est ressaisi par le charme, enlacé par l’illusion, il veut vivre, se redresser, sortir de son suaire, mais il se butte de nouveau, s’arrête, ébauche un geste de renoncement et médite son impassibilité jusqu’à ce que la mort de Céline N.., vienne détruire ce vestige d’amour et résoudre les contradictions de son âme en une longue harmonie de regrets.

126. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

La bataille ne s’arrêta pas, mais elle fut traversée d’un rayon de paix.‌ […] Comme les mages d’Orient, nous avons vu l’étoile s’arrêter au-dessus de l’étable.

127. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

On descend, on s’arrête (ou on est arrêté), on saute (où, et comment), on touche un point qui sera le point d’arrivée définitif et qui pour l’instant est un point de départ momentané, on remonte, on revient au point d’arrêt, on redescend au point d’arrivée définitif. On part, on descend, on s’arrête, on saute, on remonte, on redescend, on arrive. […] Ce que je dis, c’est que justement parce que sa morale était provisoire, justement parce qu’elle n’entrait pas dans son système, parce qu’elle n’était pas arrêtée, parce que pour ainsi dire elle n’était pas officielle, justement parce qu’il s’y est moins défendu, moins observé, c’est elle qui nous livre son secret. […] La révolution cartésienne a consisté à arrêter la descente, à remonter l’habitude de désordre. La révolution bergsonienne a consisté à arrêter toute la descente, à remonter toute l’habitude organique et mentale.

128. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Il est arrêté par le bruit artiste d’un marteau, un marteau qui reprenait, se taisait, avait l’air de causer avec l’homme, le maniant : un marteau qui était comme une intelligence, et qui n’était pas le marteau bête d’un ouvrier européen. […] Et il arrivait que mon indignation d’être arrêté, l’horreur de la société au milieu de laquelle je me trouvais, la perte de mon manuscrit, tout cela disparaissait dans la recherche que je faisais, en ma cervelle en feu, du moyen de me transporter près de ces deux femmes, sans éveiller l’attention d’un garde-chiourme terrible qui fumait un brûle-gueule, adossé au mur, à côté de moi. […] Que vous dire, il a vu Talma, et il s’est arrêté à Talma… Il se couche à huit heures… Son livre de messe particulier et Tacite, voilà tout ce qu’il lit… Vous savez qu’il a 79 ans ? […] Devant tous les embêtements qui n’ont pas tué son énergie, qui n’ont point arrêté la fabrication spirituelle de l’entêté écrivain, je me dis : « Allons, il faut être aussi vaillant que lui !  […] Puis il s’arrête, et il dit : « Il y a dans la Russie méridionale des meules de foin, comme cette maison.

129. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Si tous les hommes, si beaucoup d’hommes pouvaient monter aussi haut que cet homme privilégié, ce n’est pas à l’espèce humaine que la nature se fût arrêtée, car celui-là est en réalité plus qu’homme. […] Elle s’arrête, comme si elle écoutait une voix qui l’appelle. […] Elle montre en effet que l’âme du grand mystique ne s’arrête pas à l’extase comme au terme d’un voyage. […] Déjà dans le mysticisme qui s’arrêtait à l’extase, c’est-à-dire à la contemplation, une certaine action était préformée. […] Que sera-ce si l’on considère que les autres mysticismes, anciens ou modernes, vont plus ou moins loin, s’arrêtent ici ou là, mais marquent tous la même direction ?

130. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Comme si l’humanité n’eût pu rester délaissée, il s’éleva pour elle des voix parmi ceux mêmes qui l’avaient outragée si longtemps ; et tandis que l’insensée frénésie d’Hébert invoquait de nouvelles horreurs, et que la politique froide et louche de Robespierre en méditait silencieusement, un troisième parti s’isola d’eux, leur cria d’arrêter, qu’il était las de meurtre, et que le glaive devait reposer après la victoire. […] Né avec des affections vives et tendres, passionné pour les vers, il eût été probablement poète, si la Révolution n’était pas venue ; l’un des premiers, il s’y jeta ; dès le 12 juillet, il était populaire, et depuis, journaliste et clubiste sans cesse haletant, il se vantait d’avoir toujours eu six mois d’avance sur l’opinion publique ; tour à tour ami de Mirabeau et de Brissot, il les dépassa dès qu’il les jugea trop lents, et ne s’arrêta qu’à Danton.

131. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

Elle s’arrêta à Vienne, pour communiquer le plan de la Campagne projetée par les Russes. […] A peine fut-elle partie, qu’elle se cassa la jambe ; mais ce cruel accident ne l’arrêta point, & son arrivée à Versailles précéda de 36 heures celle du Courrier dépêché par la Cour de Vienne à son Ambassadeur à celle de France.

132. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Les arbres du parc, grands et serrés, arrêtent toute vue de ce côté. […] Lorsqu’il sent enfin sa cime dans l’air libre, il s’arrête content, et puis commence à s’étendre en largeur pour former une couronne. […] Goethe fit arrêter, me pria de descendre et de chercher un peu si je ne trouverais pas quelques pétrifications. […] dit Goethe en faisant arrêter ; voyons encore si un petit déjeuner dans ce bon air nous fera plaisir !  […] Nous passâmes tout à côté l’un de l’autre, si près que nos bras se touchèrent ; je m’arrêtai, nous regardâmes autour de nous : — Est-ce vous ?

133. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Ces esprits se trouvent comme humiliés quand, en physiologie, ils se voient arrêtés à chaque pas dans leur essor imaginaire par la réalité matérielle, par ce qu’on appelle le fait brutal. […] Nous ne nous arrêterons pas à ces réactifs, parce qu’ils n’ont pas d’avantage sur ceux qui précèdent. […] Il faut en outre faire l’opération assez vite, et s’arrêter aussitôt que la décoloration complète du réactif est obtenue, sans attendre davantage. […] Il existe encore une autre manière d’arrêter la fonction glycogénique du foie en agissant sur la peau. […] Il fallait arrêter la fermentation, ou du moins la rendre assez lente pour que nous pussions en saisir les diverses périodes, et c’est ce que nous avons obtenu, soit en exposant les macérations de tissus de fœtus à des températures basses, soit en les traitant par différentes substances, par l’alcool, par exemple, qui arrête la fermentation lactique sans empêcher la fermentation glycosique.

134. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

L’Empereur s’arrête un peu et lui dit : “Vous êtes engraissé. […] Et en parlant ainsi avec un grand air de bonté, il s’arrêta pour attendre ma réponse. […] Après avoir ainsi parlé pendant un temps assez long, et se trouvant près de moi, dans ses allées et venues, il s’arrêta, puis répéta une seconde fois : “Non, si vous étiez resté dans votre poste, les choses ne seraient pas allées aussi loin.” […] Si la famille de l’Empereur, qui doit tant au pape Pie VII et à Votre Éminence, avait conçu le détestable projet de troubler l’Europe, et si elle en avait les moyens, la reconnaissance que nous devons tous au Saint-Siège nous arrêterait évidemment dans cette voie. […] Je suis à chercher une meilleure distribution de ces objets ; mais dans le cas où je viendrais à mourir avant de l’avoir définitivement arrêtée, je maintiens celle-ci, qui, dans le moment, me paraît la plus convenable.

135. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Voilà pourquoi il est toujours très délicat à un critique qui a des procédés et des habitudes marquées de venir se prononcer sur la valeur absolue du procédé d’un autre critique, son contemporain et son confrère, si ce dernier a de son côté, une vue ferme, complexe mais arrêtée, et qui, s’appliquant à chaque point d’un vaste sujet, l’embrasse, le serre, le transpose même au besoin, et prétend à en tirer non seulement une impression et une image, mais une preuve et une conclusion. […] Le dernier volume qui comprend bien des périodes, bien des successions d’écoles et des révolutions de goût, depuis la fin du xviie  siècle jusques et y compris le commencement du xixe , offre un intérêt très vif : la manière seule dont les questions sont posées pique mon attention et m’arrête à chaque pas. […] Il rend surtout témoignage du caractère et du talent de l’auteur, — un caractère ami du bien et jaloux du mieux, un de ces esprits comme il y en a peu, fixés et non arrêtés, défendus par des principes, et qui restent ouverts aux bonnes raisons ; un esprit qui a en soi son moule distinct, et qui imprime à tout ce qu’il traite ou ce qu’il touche un certain composé bien net de sagacité, de savoir, de moralité et de style —, qui y met sa marque enfin.

136. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Le premier jour qui devait être employé si activement, Grouchy, après des tâtonnements infructueux pour s’assurer de la marche des Prussiens, ne fit que deux lieues, s’arrêta à six heures du soir et jugea qu’il serait à temps le lendemain pour suivre l’ennemi, qui se trouvait ainsi avoir gagné sur lui plusieurs heures. […] Que Ney emporte la Haie-Sainte et s’y tienne, s’y arrête pour le moment : quand Bülow aura été reçu comme il convient, qu’il aura été refoulé et retardé pour une heure ou deux, il sera temps de se reporter au plateau du Mont-Saint-Jean et d’y frapper le coup décisif. […] J’aime la vérité assurément et la réalité franche, je le répète assez souvent ; je sais même surmonter un dégoût pour arriver au plus profond des choses, au plus vrai de la nature humaine ; mais je m’arrête là où l’inutilité saute aux yeux et où la puérilité commence.

137. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Où nous arrêterons-nous ? […] Jamais on ne trouvera ces moments d’illusion parfaite, ni à l’instant où un meurtre est commis sur la scène, ni quand des gardes viennent arrêter un personnage pour le conduire en prison. […] Dira-t-on que Catinat ou Luxembourg sont de plus grands capitaines que César, parce qu’ils avaient un parc d’artillerie, et prenaient en trois jours des places qui auraient arrêté les légions Romaines pendant un mois ?

138. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Le voilà enfin qui parle, quand il fait la langue vulgaire, dans les fabliaux, les mystères, les chansons de geste ; mais toute cette littérature s’arrête au milieu de sa poussée ; elle ne s’achève point ; elle n’a point son Dante ou son Boccace ; elle s’enfouit, s’efface de la mémoire des hommes ; les écrivains du dix-septième siècle n’en savent que deux ou trois noms, et les derniers, Villon, Marot, la reine de Navarre ; elle n’a été qu’un babil d’enfants malicieux et gentils. […] Il exagère juste à point, il s’arrête à temps au bord des déclarations, il atténue l’adulation par un sourire. […] Il s’arrête devant un taudis, s’occupe des vieilles poutres enfumées, du bahut luisant, des enfants rougeauds qui se traînent par terre en grignotant des tartines, de la ménagère qui caquette, le poing sur les hanches, et gourmande son homme penaud.

139. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Après quelques-uns de mes devanciers, je me suis longuement arrêté au moyen âge. […] Assez de textes ont été publiés, assez d’éclaircissements fournis, pour qu’il ne soit plus permis au simple lettré d’arrêter sa curiosité au seuil de la Renaissance. […] Je me suis arrêté longuement aux grands noms ; j’ai plutôt diminué qu’accru le nombre des écrivains de second ou troisième ordre.

140. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Les hommes les plus dédaigneux de la théorie y trouvent sans s’en douter un aliment quotidien ; si l’on était privé de cet aliment, le progrès s’arrêterait rapidement et nous nous figerions bientôt dans l’immobilité de la Chine. […] L’analyse nous déroule des perspectives infinies que l’arithmétique ne soupçonne pas ; elle vous montre d’un coup d’œil un ensemble grandiose, dont l’ordonnance est simple et symétrique ; au contraire, dans la théorie des nombres, où règne l’imprévu, la vue est pour ainsi dire arrêtée à chaque pas. […] On conçoit, qu’avec cette liberté, il se joue des difficultés qui arrêtent l’analyste.

141. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Beaucoup de vague restait sans doute dans sa pensée, et un noble sentiment, bien plus qu’un dessein arrêté, le poussait à l’œuvre sublime qui s’est réalisée par lui, bien que d’une manière fort différente de celle qu’il imaginait. […] Républicain austère, patriote zélé, il n’eût pas arrêté le grand courant des affaires de son siècle, tandis qu’en déclarant la politique insignifiante, il a révélé au monde cette vérité que la patrie n’est pas tout, et que l’homme est antérieur et supérieur au citoyen. […] Mais, pour être juste envers les grands créateurs, il ne faut pas s’arrêter aux préjugés qu’ils ont pu partager.

142. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Il hésite, il se trouble, et pour trop approfondir ce grand rôle, il va tantôt trop loin, tantôt il s’arrête en chemin ; c’est véritablement là un grand malaise. […] Sa mémoire s’arrête et aussi son regard. […] Ces beaux jeunes regards s’arrêtaient, tout émus, sur cette femme qu’ils ne devaient plus revoir.

143. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Sans nous arrêter à un parallèle qui nous forcerait à une trop longue digression, et qui se fera de lui-même par la suite, continuons donc de peindre l’âge actuel, celui des ruines. […] Mais je sens tout ce que de pareilles idées peuvent réveiller de souvenirs déchirants, et je m’arrête. […] Des esprits superficiels, qui se sont arrêtés à la surface des choses, ou trop ardents et trop passionnés pour ne pas vouloir devancer le temps, ont cru que la révolution française n’avait acquis de la violence qu’en raison même de la résistance qui lui avait été opposée.

144. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Quand je signalais, l’un des premiers, l’apparition, parmi nous de Mme Henry Gréville, cette Française russifiée, j’avais bien prévu qu’elle ne s’arrêterait pas et qu’elle déborderait. Mes conseils de s’arrêter à temps, de rester la femme d’un ou deux livres, et non pas de devenir le bas-bleu de toute une boutique, mes conseils furent emportés comme une digue démolie. […] Le parti tragique et brûlant que Balzac a tiré de cette méprise, aurait dû épouvanter la mémoire de Mme de Chandeneux et arrêter sa plume dans les tremblements du respect, quand elle ose cette réminiscence.

145. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Les idées qui se sont soulevées, qui ont lutté, qui ont écumé, comme des vagues, dans ce bassin du temps qu’on appelle un siècle, passent — ainsi que les flots matériels — par-dessus la limite de leurs rivages, et vont presque toujours, dans la durée, — comme les autres flots dans l’espace, — plus loin que la barre qui devrait les arrêter et les contenir. […] Elle ne s’arrêtait point à un des effets du mal quand il s’agissait de remonter à toutes les causes, et en inspirant la résignation aux classes dénuées et opprimées, en appuyant à de sublimes espérances la moralité défaillant sous toutes les croix de ses épreuves, elle avait plus fait pour diminuer l’oppression et la misère, et, disons davantage, doubler la richesse sociale, par la modération ou les renoncements de la vertu, que l’Économie politique qui reprend à son tour le problème résolu par l’Église depuis tant de siècles, et qui prétend le résoudre aujourd’hui, avec toutes les convoitises excitées de la nature humaine, aussi aisément et plus complètement que l’Église avec toutes ses abnégations. […] Ainsi, par exemple, un esprit qui aurait voulu voir, dès le début de son travail, jusqu’à quel point il devait aller et s’arrêter, se serait demandé si la Douleur, contre laquelle la sensibilité se révolte avec tant d’énergie, n’a pas sa raison d’être, sa nécessité profonde, et si tout le progrès humain, toute la civilisation du monde, consiste à de plus en plus la diminuer et l’effacer.

146. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

« Vous devez être contente, je vous ai écrit de tous les points de l’Italie où je me suis arrêté. […] À Terni je m’étais arrêté avec une pauvre expirante. […] Je laissai la route libre ; la calèche s’arrêta à la grille en bois de la métairie, et j’en vis descendre, entre les mains tendues des trois jeunes filles du métayer, la charmante Romaine, encore présente à ma mémoire depuis les bals de la rue de la Paix. […] D’abord votre amitié vous aveugle sur ces vœux, et enfin il est très vrai, très arrêté dans mon esprit que je veux avoir complétement à moi, et pour vous, mes dernières années. […] Il crut pouvoir arrêter une révolution avec ce souffle dans sa voile ; la révolution emporta les trois générations de la légitimité et le laissa seul avec quelques phrases de Jérémie et une noble attitude sur la plage.

147. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Il ne fut d’ailleurs jamais prêtre ; son humeur naturellement impétueuse, son tempérament poétique et glorieux qui triompha toujours de ses projets de réforme, l’avertit à temps de son peu de vocation, et, en faisant de lui le plus étrange des religieux, l’arrêta du moins sur le seuil de l’autel. […] Il va par la rue Saint-Jacques chez ses amis les jésuites ; il s’arrête aux environs dans la boutique des libraires Thierry ou Cramoisy, chez qui sont en vente quelques-unes de ses pièces de vers publiées séparément en feuilles volantes avec images et vignettes : il expliquerait volontiers aux passants tout cela. Il s’arrête devant les fontaines où il y a des inscriptions de lui, et les lit tout haut. […] Vite il fit sur cet accident de nouveaux vers : Le fleuve, y disait-il, s’était arrêté sur le pont, avait lu l’inscription, et s’était dit : Voilà un homme qui me méprise, et qui fera avec ses vers un charme qui séduira mes flots et me les dérobera en fontaines.

148. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

On diffère ici sur le plus ou le moins : les uns veulent tout, les autres s’arrêtent à un degré plus ou moins avancé. […] Je ne sais si je fais injure à mes semblables, mais il me semble que les premiers progrès des hommes en société se sont opérés et accomplis de la sorte : je me figure des peuplades, des réunions d’hommes arrêtés à un degré de civilisation dont ils s’accommodaient par paresse, par ignorance, et dont ils ne voulaient pas sortir, et il fallait que l’esprit supérieur et clairvoyant, le civilisateur, les secouât, les tirât à lui, les élevât d’un degré malgré eux, absolument comme dans le Déluge de Poussin, celui qui est sur une terrasse supérieure tire à lui le submergé de la terrasse inférieure : seulement dans le tableau de Poussin, le submergé se prête à être sauvé et tend la main, et, souvent, au contraire, il a fallu, en ces âges d’origine et d’enfance, que le génie, le grand homme, le héros élevât les autres d’un degré de société malgré eux et à leur corps défendant, en les tirant presque par les cheveux : tel et non pas moindre je me figure qu’a dû être son effort. […] A côté de la dignité, n’oublions jamais cet autre sentiment inspirateur, au moins égal en prix, l’humanité, c’est-à-dire le souci de la misère, de la souffrance, de la vie insuffisante et chétive du grand nombre ; revenons en idée au point de départ et aux mille entraves qui arrêtent si souvent à l’entrée du chemin, pour en affranchir peu à peu les autres ; inquiétons-nous de tout ce qu’il y a de précaire dans toutes ces existences qui ne se doutent pas qu’elles s’appellent des destinées. […] Je m’arrête : j’aurais pu entamer avec M. 

149. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Pourquoi l’avait-on arrêté ? demandait-il et demandait-on de toutes parts dans le public : « On l’a arrêté, répondit-on de guerre lasse et pour unique raison, parce que si l’on se fût borné à suspendre ou à supprimer son journal, il eût exécuté ce qu’il avait annoncé ; il eût protesté, ne fût-ce que sur le plus petit carré de papier. On l'a arrêté pour lui fermer la bouche. » M. de Girardin, à qui l'on a quelquefois reproché de l’orgueil, eut tout lieu vraiment d’en concevoir en cette circonstance ; on l’avait jugé un homme. […] Un mot heureux a souvent suffi pour arrêter un armée qui fuyait, changer la défaite en victoire et sauver un empire… « Il y a des mots souverains : tel mot fut plus puissant que tel monarque, plus formidable qu’une armée.

150. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Selon lui, il a toujours été très-difficile ou plutôt impossible à Napoléon, héritier de la Révolution française, son représentant armé en face de la vieille Europe, et le point de mire de toutes les haines du passé, de s’arrêter dans sa progression de lutte croissante et de conquête, et de trouver une station à laquelle il pût se tenir pour y asseoir une paix durable, une paix sincèrement observée et acceptée par les adversaires. […] Cet état de guerre, « qui contient et arrête les autres peuples, ouvrait au contraire au peuple anglais une sphère d’ambition sans limite et ne l’exposait presque à aucun péril. » Aussi il s’y était engagé avec tout le feu de la cupidité et de la passion. […] Il ne lui était pas plus possible de s’arrêter après le traité de Presbourg qu’il ne l’avait été après le traité de Lunéville. […] La défection du général York en décembre 1812 et la part lente et louche, mais certaine (on en a maintenant les preuves authentiques)4, qu’y prit le roi Frédéric-Guillaume ; cette ardente explosion de la Prusse, bientôt suivie de la défection méthodique et oblique, mais non moins arrêtée, de l’Autriche, qui veut seulement paraître avoir la main forcée ; cet armistice jeté au milieu de la campagne de 1813, et ce Congrès de Prague où personne n’est sincère et où M. de Metternich ne veut qu’amuser le tapis et gagner du temps, tous ces points sont traités par M. 

151. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

J’ai pu du moins profiter d’une conversation obligeante de M. de Loménie, en regrettant que ses communications se soient brusquement arrêtées là. […] Forcé de passer condamnation sur cet article, j’avoue avec douleur que rien ne peut me laver du juste reproche que vous me faites d’être le fils de mon père… Mais je m’arrête ; car je le sens derrière moi qui regarde ce que j’écris, et rit en m’embrassant. […] … Il ne s’arrête que devant le premier président Nicolaï, son dernier et imprévu adversaire, après l’avoir désigné et au moment où il va le nommer à la suite de ces tristes acolytes de Goëzman ; cette réticence envers un nom respecté, qui s’est mis si bas, devient un nouveau trait d’éloquence. […] Pendant ce temps-là le Parlement Maupeou croulait ; on jouait Le Barbier de Séville à Paris ; Beaumarchais, relevé de son jugement avec pompe, saisissait tous les à-propos, toutes les occasions de faire bruit et fortune, épousait les causes à la mode, devenait l’approvisionneur et le munitionnaire général des États-Unis insurgés, et entrait, le vent en poupe et toutes voiles dehors, dans cette vogue croissante qui ne s’arrêta plus qu’après Le Mariage de Figaro.

152. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Puis il s’était arrêté. […] Il s’arrêta une seconde. […] Là s’arrêtèrent mes courtes relations avec ce fonctionnaire retraité. […] Je m’arrête ; si justes qu’elles soient, ces représailles me semblent aussi des crimes. […] Soudain, en une minute, cette longue angoisse s’arrêtait.

153. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

Son ouvrage, d’après le cadre qui lui était donné, s’arrête et devait s’arrêter à 1789, avec l’ouverture des états généraux.

154. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Les mots techniques ne servent plus qu’à dérouter le lecteur : ils l’arrêtent, l’épouvantent, font de la lecture un labeur et un ennui. […] Ce sont comme des visages inconnus, indifférents, s’ils ne sont pas étranges, qui arrêtent l’œil un moment par l’étrangeté, mais ne parlent pas à l’âme.

155. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Si tous faisaient ainsi, ils s’arrêteraient presque toujours avant la demi-douzaine, et ce serait un grand profit pour le lecteur et une grande économie de temps pour le critique. […] La marée des romans monte sans s’arrêter jamais. […] Et je n’aurai qu’un regret, c’est de ne pouvoir m’arrêter aussi sur ces deux merveilleuses idylles, l’une tragique et l’autre plaisante : le Chevrier et Barnabé. […] Je ne m’arrête point à l’abbé Mouret ni à la demi-douzaine de prêtres qu’on trouverait chez Flaubert, Zola et les Goncourt, et qui n’y sont que des figures épisodiques. […] Certes, c’étaient toujours les belles lignes sculpturales, pleines de noblesse, qui nous ont arrêté dès le commencement de cette étude… » Cette espèce d’ingénuité s’explique par la vigueur même et la profonde sincérité de la conception.

156. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Elles éveillent encore quelques idées de terreur, mais elles n’ont pas une physionomie arrêtée. […] Tout à coup le cheval de Rousslan s’arrête, hérissant sa crinière. […] Le comte Nouline, revenant de faire son tour d’Europe, s’arrête, par suite d’un accident de voiture, dans le château d’une jeune femme un peu négligée par son mari, qui ne pense qu’à la chasse. […] Elle distingue un nuage, et soudain l’illumine de ses rayons ; mais bientôt elle passe à un autre et ne s’y arrêtera pas longtemps. […] « Arrête, tsarévitch !

157. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Je vais me battre, faire la guerre, la vraie guerre, la guerre sainte, qui a déjà eu depuis dix-sept mois tant de victimes, mes amis, mes camarades, mes compatriotes… Quel que soit le destin qui m’attende, je ne veux pas m’arrêter à interroger l’avenir. […] Mais c’est dans l’action surtout qu’il s’instruira. « J’avais souvent rêvé de cette heure où j’entrerais dans la réalité. » Un jour, dans la tranchée, il songeait à la mort et lui cherchait un remède :‌ Il est infiniment doux, dans des moments comme celui-ci, de sentir qu’il y a d’autres âmes autour de nous, qui, si nous ne pouvons pas le faire, sauront élever bien haut le flambeau que nous venons de porter en avant…‌ Mais soudain il s’arrête, il écarte ce vol des oiseaux de deuil :‌ D’autres ? dit-il… J’ai trop foi dans la vie et dans sa valeur pour m’arrêter à cette hypothèse. […] Je m’arrête, avec quel regret ! […] Comme je souffre de m’arrêter de les citer !

158. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Suivons donc le fil de l’analogie et cherchons jusqu’où la conscience s’étend, en quel point elle s’arrête. […] Telle forme vivante, que nous observons aujourd’hui, se rencontrait dès les temps les plus reculés de l’ère paléozoïque ; elle a persisté, immuable, à travers les âges ; il n’était donc pas impossible à la vie de s’arrêter à une forme définitive. […] Il est visible que l’effort a rencontré des résistances dans la matière qu’il utilisait ; il a dû se diviser en chemin, partager entre des lignes d’évolution différentes les tendances dont il était gros ; il a dévié, il a rétrogradé ; parfois il s’est arrêté net. […] Mais là se fût arrêtée la matière si elle avait été laissée à elle-même ; et là s’arrêtera aussi, sans doute, le travail de fabrication de nos laboratoires.

159. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Quand un homme s’arrête sur le chemin de ses affaires et demande à lire, la librairie lui offre, faute de mieux, le dernier volume qui vient de paraître ; l’homme le prend, remporte et le lit. […] C’est ce que nous disons à ceux qui voudraient arrêter, ne fût-ce que pour une minute, l’essor de la pensée humaine. […] Pour les savants, le Cosmos est insuffisant ; il s’arrête à des descriptions inutiles, il substitue parfois la poésie à la science ; il oublie souvent la formule pour parler un langage humain ; il cherche à intéresser et sort volontiers du tabernacle où seuls les élus peuvent pénétrer ; au lieu de cacher son Dieu, il le montre. […] On a en tort ; elles l’aideront, à moins toutefois qu’il ne soit assez aveugle pour se jeter sur leur route dans l’espoir insensé de les arrêter ; dans ce cas, en effet, osant du droit de légitime défense, elles lui passeront sur le corps et l’écraseront si bien qu’il n’en restera plus rien qu’un glorieux souvenir. […] Les fleuves coulent fatalement de leur source à leur embouchure ; s’ils s’arrêtent, c’est en vertu d’un miracle, et encore cela arrive une fois, pour laisser passer les Hébreux qui expliquent ainsi leur découverte du gué de Rihah !

160. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Nulle science digne de ce nom ne se borne à l’observation, à l’analyse et à la description des faits ; toutes les sciences, quel qu’en soit l’objet, que ce soit la nature, l’homme ou la société, ne s’arrêtent point dans leurs recherches avant qu’elles n’aient découvert et formulé les lois qui régissent les phénomènes. […] Cette réaction psychologique, malgré l’autorité des noms qui la représentaient et le talent littéraire de l’école qui la soutint, n’arrêta point l’ardeur des recherches ni l’essor des ambitions physiologiques dans la question toujours agitée des rapports du physique et du moral. […] Mais la science ne s’arrête point devant un pareil scrupule, pensant avec grande raison, selon nous, que l’expérience ici vaut pour l’homme aussi bien que pour l’animal, en vertu des analogies physiologiques et psychologiques essentielles qui les ramènent tous deux à un type commun. […] Quand on regarde, ainsi que le font nos savants, l’homme moral du dehors et dans les manifestations extérieures de son activité, on s’arrête aux signes physiques et aux caractères physiologiques de ces phénomènes ; on ne pénètre pas jusqu’aux caractères intimes, aux causes véritables de ces divers états. […] Il faut qu’il se les explique d’une manière ou d’une autre ; et, comme expliquer les faits, c’est faire de la métaphysique, il s’ensuit que l’esprit humain a été, est et sera toujours plus ou moins métaphysicien, quoi qu’on fasse pour arrêter son essor et borner le domaine de ses recherches.

161. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Arrêtons-nous devant ces complaisantes explications et espérons que M.  […] Mais lorsqu’après trois jours d’anéantissement, elle retrouva toute sa mémoire pour souffrir, ce fut une crise de larmes, un flot amer que rien ne pouvait arrêter ni tarir. […] J’arrête ici mes extraits, une grande partie du roman y passerait. […] … Mais elle s’arrêta, hérissée, ayant peur de ce qu’elle allait dire, — se cabrant devant ce qu’elle pensait ! […] … je vous en supplie… arrêtez-vous !

162. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Dans l’expression de chaque idée, comme dans l’explication de tout sujet, il y a un point où il faut s’arrêter. […] Les débutants qui ont quelque vivacité d’esprit manquent souvent de précision ; ils écrivent facilement avec prolixité et éteignent la propriété des termes dans une abondance un peu trop fluide de paroles : la phrase n’est pas liée, ni arrêtée ; le dessin en est mou et le contour indécis.

163. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

La foule le méprisait, passait devant sans s’y arrêter. […] Il arrivait qu’on vît, au fort des récitations, se ruer dans la salle un flot d’aèdes en tournée qui s’y arrêtaient le temps d’évacuer quelques truculences dans le goût du jour et qui, chargés d’applaudissements frénétiques, libéralement octroyés pour prix de leur dérangement, repartaient aussitôt vers les cabarets de Montmartre dans le fiacre qui les avait amenés.

164. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Je me souviens de ceci et de cela, et j’avais plaisir à m’arrêter à des riens. […] Je m’arrête devant l’entreprise d’un horticulteur. […] Us passent sans s’arrêter. […] Quand il fut arrivé devant le plus épais de la manifestation, il s’arrêta net. […] Arrête, arrête, sans pénétrer dans ce bois herbeux plein de silence !

165. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il faut s’y arrêter, il faut s’y complaire. […] On sent jusqu’où l’on peut être hardi sans être téméraire ; on s’élève, on s’avance jusqu’où l’on se voit suivi ; si l’élève hésite, le maître s’arrête ; il regarde s’il n’a pas fait un faux pas. […] Pour le fond, Bossuet s’arrête où cesse la lumière. […] Où s’arrêtait ce regard, on pouvait douter qu’il y eût autre chose qu’illusion et ténèbres. […] La plupart des hommes de génie donnent quelque avantage sur eux, même aux plus humbles de leurs lecteurs, soit parce qu’ils s’emportent dans leurs vues particulières, soit par je ne sais quel air de vouloir arrêter la raison humaine où la leur s’est arrêtée.

166. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Et voilà comme nous abrégions les dimanches à nous réjouir dans nos deux enfants, et tous les pèlerins qui passaient en montant aux Camaldules s’arrêtaient pour respirer sous le châtaignier de la montagne et disaient : « Le ciel vous a bien bénis ! […] LXXI Les pèlerins, surpris, s’arrêtèrent à sa vue et firent silence pour ne pas l’effaroucher, comme quand un chasseur voit un chevreuil confiant, seul au bord du torrent, à travers les feuilles. […] reprit Fior d’Aliza toute pâle (à ce que dit sa mère), comme si son cœur s’était arrêté de battre dans sa poitrine. […] Notre cabane était à peu près à moitié chemin de la plaine aux Camaldules ; il avait l’habitude, depuis plus de quarante ans, de s’y arrêter un bon moment pour respirer et pour converser un instant avec les Zampognari ; il avait caressé les enfants, marié les jeunes filles, consolé et vu mourir les vieillards de cette cabane. […] On dit qu’elle éblouissait tous les pèlerins, qui s’arrêtaient exprès pour lui demander une gorgée d’eau dans sa cruche. « Si les anges habitaient encore les hauts lieux, disaient-ils entre eux, en s’éloignant et en se retournant pour la regarder encore, nous dirions que ce n’est pas une fille de l’homme, mais une créature de lumière. » J’étais tout réjoui quand la mère de Hyeronimo, qui l’aimait comme sa fille, me rapportait ce qu’elle avait entendu ainsi de la bouche des passants.

167. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Ni les hommes ni les œuvres ne manquent : mais, si la matière est riche pour l’historien ou pour le philologue, elle est pauvre pour le critique, qui s’arrête seulement aux œuvres littéraires, c’est-à-dire aux idées, sentiments, expériences, rêves que l’art a revêtus d’éternité. […] Il ne s’arrête aux choses que selon qu’elles ont ou pourront prendre couleur d’aventure : ce n’est que par là qu’Artevelde, un bourgeois, l’arrête. […] On conçoit tout ce que cette méthode d’investigation, réduite à ce que le jargon contemporain appelle interviews et reportage, entraîne d’erreurs de chronologie, de topographie, de confusions et d’altérations de noms : ce n’est pas la peine de s’y arrêter. […] Il a le plus inépuisable vocabulaire pour traduire tous les aspects des réalités concrètes : mais son invention verbale s’arrête, comme sa capacité de penser, à la frontière de l’abstraction. […] Il n’y a plus lieu de s’arrêter à la conjecture qui le fait auteur de l’Imitation de J.

168. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

La composition et la publication de son premier recueil n’avaient fait que le mettre en train et en verve ; il sentait que ce n’était qu’en écrivant, et en écrivant des vers, qu’il pouvait échapper complètement à sa mélancolie : Il y a, disait-il vers ce temps, il y a dans la peine et le travail poétique un plaisir que le poète seul connaît : les tours et les détours, les expédients et les inventions de toute sorte auxquels a recours l’esprit, à la poursuite des termes les plus propres, mais qui se cachent et qui ne se laissent point prendre aisément ; — savoir arrêter les fugitives images qui remplissent le miroir de l’âme, les retenir, les serrer de près, et les forcer de se fixer jusqu’à ce que le crayon en ait tiré dans toutes leurs parties une ressemblance fidèle ; alors disposer ses tableaux avec un tel art que chacun soit vu dans son jour le plus propice, et qu’il brille presque autant par la place qui lui est faite, que par le travail et le talent qu’il nous a coûtés : ce sont là des occupations d’un esprit de poète, si chères, si ravissantes pour sa pensée, et de nature à le distraire si adroitement des sujets de tristesse, que, perdu dans ses propres rêveries, heureux homme ! […] À Edmonton, sa femme aimante, qui du haut d’un balcon l’aperçoit, s’étonne, fort de le voir chevaucher de la sorte : « Arrête, Gilpin ; te voilà arrivé ! […] Par malheur le cheval ne songeait guère à s’arrêter déjà, et la raison, c’est que son maître, à dix bons milles de là, avait une maison. […] Que de fois, sur cette éminence que voilà, notre marche s’est ralentie, nous avons fait une pause et nous avons essuyé toute la bouffée du vent sans presque nous en apercevoir, tandis que l’Admiration repaissant sa vue, et toujours insatiable, s’arrêtait sur le paysage !

169. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

On dit partout qu’il était arrêté, mais je me doutais bien que c’était pour sa sûreté, ce qui était vrai, car il a toujours été très parfaitement uni avec le Régent. » Et quelques jours après : « M.  […] Moi, je ne m’en suis pas mêlé, si ce n’est par un certain tour d’esprit qui me montre les choses du bon côté, quand il me serait permis de les regarder autrement. » Ce bonheur ne le quitta pas même tout à fait dans les circonstances les plus contraires : arrêté quand il allait sortir de France, en juillet 1789, il fut sauvé, par le plus grand des hasards, de la fureur populaire ; enfin, acquitté devant le tribunal du Châtelet, et redevenu libre à la veille de la ruine totale de l’ancienne société, il eut l’opportunité d’une mort naturelle et tranquille. […] Par un décret du Sénat de juillet 1778, il fut arrêté « que toute la procédure qu’on avait faite contre lui serait biffée des registres, qu’on lui rendrait son amende » ; et on lui décerna de plus une médaille d’or au nom de la ville, représentant une Justice qui tient une couronne, avec cette légende : De Republica bene merito. — C’est par cette petite historiette républicaine que s’ouvrent les mémoires de cour du baron de Besenval. […] C’est à la première halte de ce voyage qu’ayant paru suspect, il fut arrêté dans un village près de Provins par des paysans en armes.

170. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

C’était lui sans doute qui avait le plus fait dans le principe pour l’asservissement de l’Allemagne, et, ayant préparé par une politique artificieuse l’immense prépondérance de la France sur le continent, il s’était ôté lui-même les moyens d’arrêter l’ambition insatiable de celui qui gouvernait ce colosse de puissance ; néanmoins, au risque même de déplaire au maître, il s’opposa toujours aux projets qui, au milieu de la paix, tendaient à engager la France dans de nouvelles guerres interminables. […] Enfin on trouve encore une lettre de Napoléon à Talleyrand adressée d’Espagne, d’Aranda, du 27 novembre 1808 ; mais ici s’arrête la faveur avec la confiance. […] On sait que M. de Talleyrand fit semblant de vouloir sortir de Paris pour suivre l’impératrice à Blois, et qu’il s’arrangea de manière à se faire arrêter à la barrière. […] Je ne savais pas où il était (l’empereur s’arrête devant moi).

171. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

On marchait lentement, à cause du vieux moine mon confesseur, qui me faisait des exhortations à l’oreille que je n’entendais pas, et qui s’arrêtait de moment en moment pour me faire baiser le crucifix. […] Arrêtez ! arrêtez ! […] J’avais oublié nos malheurs, et quand je jouais dans la rue de la zampogne, l’enfant paraissait goûter la musique, et les jeunes mères s’arrêtaient pour le contempler et pour m’entendre.

172. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Il faut, pour la surprendre en pleine transformation, nous arrêter à Baudelaire883. […] Tout est illusion, écoulement sans fin de phénomènes ; rien ne s’arrête, rien n’est, pas même Dieu. […] Il a un esprit de généralisation, qu’il applique même aux faits de sa sensibilité ; il ne s’arrête qu’aux émotions où transparaît quelque servitude ou quelque aspiration de l’impersonnelle humanité ; mais ces généralités sentimentales ne sont pas des lieux communs, et ces poèmes exquis notent je ne sais combien de fines nuances d’impressions, l’ont apparaître je ne sais combien d’invisibles forces morales. […] Leconte de Lisle (1820-1894), né à la Réunion, s’arrêta un moment dans le Fouriérisme.

173. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Comme elles sont échappées à l’auteur à l’occasion de ce qui arrivait à ses héros et à ses héroïnes, elles ont souvent la vertu de rappeler quelque joie ou quelque douleur de la vie ; et il y en a qui résument si bien une situation dramatique, que malgré soi on se laisse aller à rêver sur la scène de roman qui a dû les inspirer : l’imagination ne s’arrête pas longtemps à ce jeu qui serait bientôt un travail, mais cette excitation n’en a pas moins du charme. […] Qu’il se soit fait un prodigieux changement dans le style depuis la fin du dernier siècle, et que le mouvement qui nous entraîne, loin de s’arrêter ou de se ralentir, augmente tous les jours, personne assurément n’en doute. […] C’est ainsi qu’il a fort bien discerné le caractère ferme et arrêté que les écrivains du Dix-Septième Siècle avaient donné à notre langue, et montré qu’ainsi faite elle répugnait à la poésie du nord. […] Il ne s’arrête pas non plus tout à coup, et, par un trait soudain, il ne se contente pas d’écrire le mot génie sur le piédestal de son symbole.

174. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

La syntaxe de Laurent Tailhade est d’un dessin net et arrêté. […] Mais le parnasse est aristocratique plus que noble ; son impassibilité ordinaire est faite d’élégance, non de stoïcisme et son dédain, qui s’arrête aux extériorités, condamne les manières et ignore les âmes. […] Tu es la faculté de comprendre un peu, toujours assez pour sourire, jamais assez pour t’arrêter. […] Ton esprit s’arrête toujours aux bagatelles de la porte.

175. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Quand il en fut de sa lecture au passage où il dit : « Mais je craindrais, en lisant Rousseau, d’arrêter trop longtemps mes regards sur de coupables faiblesses, qu’il faut toujours tenir loin de soi… » Sieyès l’interrompit en disant : « Mais non, il vaut mieux les laisser approcher de soi, pour pouvoir les étudier de plus près. » Le physiologiste, avant tout curieux, venait ici à la traverse du littérateur qui veut le goût avant tout. […] Mais je l’arrête pourtant, je m’arrête moi-même sur deux points. […] Un autre point sur lequel j’arrête en M. de Balzac le physiologiste et l’anatomiste, c’est qu’en ce genre il a pour le moins autant imaginé qu’observé.

176. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

C’est un caprice auquel je ne comprends rien, dit-il, mais il m’est de toute impossibilité de la chanter jusqu’à la fin sans être arrêté par mes larmes. […] Les mots de polisson, de vaurien, de gueux, de fripon, n’ont rien qui l’arrête, et il semble même qu’ils reviennent avec une certaine complaisance sous sa plume. […] Et il raconte cette scène vive et muette que personne n’a oubliée, cette scène par gestes, arrêtée à temps, toute pleine de rougeur et de jeunes désirs. […] Le pittoresque de Rousseau est sobre, ferme et net, même aux plus suaves instants ; la couleur y porte toujours sur un dessin bien arrêté : ce Genevois est bien de la pure race française en cela.

177. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Ce qui est certain, c’est que la reine, chassant outrageusement Mme des Ursins de son cabinet, fit appeler M. d’Amezaga, lieutenant des gardes du corps, qui commandait son escorte d’honneur, lui ordonnant d’arrêter Mme des Ursins, de la faire monter sur-le-champ dans un carrosse et de la faire conduire aux frontières de France par le chemin le plus court et sans s’arrêter nulle part. […] Mme des Ursins fut donc arrêtée et enlevée à l’instant dans sa toilette d’apparat et emmenée à six chevaux à travers l’Espagne ; on était en plein hiver, et elle avait plus de soixante-douze ans. […] C’est de cette même Élisabeth, née pour le trône, que le grand Frédéric a dit : « La fierté d’un Spartiate, l’opiniâtreté d’un Anglais, la finesse italienne, et la vivacité française formaient le caractère de cette femme singulière ; elle marchait audacieusement à l’accomplissement de ses desseins ; rien ne la surprenait, rien ne pouvait l’arrêter. » Étant de ce caractère, il n’y a rien d’étonnant qu’elle ait profité de la moindre ouverture pour faire place nette dès son arrivée.

178. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Avenel, jusqu’au moment ou s’arrête le premier volume de cette publication, c’est-à-dire à l’époque où il rentre au Conseil pour y être désormais le seul maître (1624). […] Il part d’Avignon ; il est arrêté en chemin par de trop zélés serviteurs du roi qui le croient encore en disgrâce, et qui ont hâte ensuite de s’excuser. […] C’est ainsi qu’au moment où elle semblait tout à fait ruinée, la fortune de Richelieu se répare et qu’elle va insensiblement monter et grandir sans plus s’arrêter. […] On fait sortir de prison le prince de Condé, qu’elle n’avait fait arrêter que dans l’intérêt du roi, et ce prince du sang devient pour elle un ennemi actif qui va servir les mauvaises intentions de Luynes.

179. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Or, le besoin de lire étant une traînée de poudre, une fois allumé il ne s’arrêtera plus, et, ceci combiné avec la simplification du travail matériel par les machines et l’augmentation du loisir de l’homme, le corps moins fatigué laissant l’intelligence plus libre, de vastes appétits de pensée s’éveilleront dans tous les cerveaux ; l’insatiable soif de connaître et de méditer deviendra de plus en plus la préoccupation humaine ; les lieux bas seront désertés pour les lieux hauts, ascension naturelle de toute intelligence grandissante ; on quittera Faublas et on lira l’Orestie ; là on goûtera au grand, et, une fois qu’on y aura goûté, on ne s’en rassasiera plus ; on dévorera le beau, parce que la délicatesse des esprits augmente en proportion de leur force ; et un jour viendra où, le plein de la civilisation se faisant, ces sommets presque déserts pendant des siècles, et hantés seulement par l’élite, Lucrèce, Dante, Shakespeare, seront couverts d’âmes venant chercher leur nourriture sur les cimes. […] On étonnerait fort Solon, fils d’Exécestidas, Zenon le Stoïcien, Antipater, Eudoxe, Lysis de Tarente, Cébès, Ménédème, Platon, Épicure, Aristote et Epiménide, si l’on disait à Solon que Ce n’est pas la lune qui règle l’année ; à Zenon, qu’il n’est point prouvé que l’âme soit divisée en huit parties ; à Antipater, que le ciel n’est point formé de cinq cercles ; à Eudoxe, qu’il n’est pas certain qu’entre les Égyptiens embaumant les morts, les Romains les brûlant et les Pæoniens les jetant dans les étangs, ce soient les Pæoniens qui aient raison ; à Lysis de Tarente, qu’il n’est pas exact que la vue soit une vapeur chaude ; à Cébès, qu’il est faux que le principe des éléments soit le triangle oblong et le triangle isocèle ; à Ménédème, qu’il n’est point vrai que, pour connaître les mauvaises intentions secrètes des hommes, il suffise d’avoir sur la tête un chapeau arcadien portant les douze signes du zodiaque ; à Platon, que l’eau de mer ne guérit pas toutes les maladies ; à Épicure, que la matière est divisible à l’infini ; à Aristote, que le cinquième élément n’a pas de mouvement orbiculaire, par la raison qu’il n’y a pas de cinquième élément ; à Epiménide, qu’on ne détruit pas infailliblement la peste en laissant des brebis noires et blanches aller à l’aventure, et en sacrifiant aux dieux inconnus cachés dans les endroits où elles s’arrêtent. […] Il savait d’innombrables choses, entre autres celles-ci : — La terre est plate. — L’univers est rond et fini. — La meilleure nourriture pour l’homme est la chair humaine. — La communauté des femmes est la base de l’ordre social. — Le père doit épouser sa fille. — Il y a un mot qui tue le serpent, un mot qui apprivoise l’ours, un mot qui arrête court les aigles, et un mot qui chasse les bœufs des champs de fèves. — En prononçant d’heure en heure les trois noms de la trinité égyptienne, Amon-Mouth-Khons, Andron d’Argos a pu traverser les sables de Libye sans boire. — On ne doit point fabriquer les cercueils en cyprès, le sceptre de Jupiter étant fait de ce bois. — Thémistoclée, prêtresse de Delphes, a eu des enfants et est restée vierge. — Les justes ayant seuls l’autorité de jurer, c’est par équité qu’on donne à Jupiter le nom de Jureur. — Le phénix d’Arabie et les tignes vivent dans le feu. — La terre est portée par l’air comme par un char. — Le soleil boit dans l’océan et la lune boit dans les rivières. — Etc. — C’est pourquoi les athéniens lui élevèrent une statue sur la place Céramique, avec cette inscription : À Chrysippe, qui savait tout. […] Je tombai sur ces vers puissants et sereins4 : — « La religion n’est pas de se tourner sans cesse vers la pierre voilée, ni de s’approcher de tous les autels, ni de se jeter à terre prosterné, ni de lever les mains devant les demeures des dieux, ni d’arroser les temples de beaucoup de sang des bêtes, ni d’accumuler les vœux sur les vœux, mais de tout regarder avec une âme tranquille. » — Je m’arrêtai pensif, puis je me remis à lire.

180. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Et voilà qu’ils se sont brusquement arrêtés. […] Votre regard pensif s’arrête vaguement sur le volume ; — il le quitte, puis il revient… Oui, quelque chose ou quelqu’un vous manque. […] Ne vous arrêtez pas aux effets ; remontez aux causes, et vous conclurez que le sens artistique a tout envahi, a pris toute la place. […] Alors le contour de la phrase est ferme et bien arrêté ; nulle épithète vague qui flotte dans l’intérieur ou qui déborde au dehors.

181. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

J’appelle intempérance et témérité tout ce qui ébranle les doctrines spiritualistes ; j’arrête d’avance les séditions de la rue en comprimant l’insurrection des esprits. […] Courons chez les savants, et que votre autorité les arrête sur le bord des funestes doctrines qui, insensiblement, goutte à goutte, vont faire couler la corruption dans le cœur humain. […] Nous arrêtons M.  […] Vous apercevez des pans de ciel lointain au bout des allées, des têtes de biches peureuses, des volées d’oiseaux effarés ; vous entendez des bourdonnements d’insectes, des bruissements de feuilles, les chuchotements du vent arrêté entre les branches.

182. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Je m’arrêterai peu sur les anciens monuments que nous avons dans ce genre. […] Il fut précipité dans l’avilissement et le malheur, et par ses amis et par ses ennemis, et par la force des événements, et par sa propre faiblesse, et parce qu’il ne sut presque jamais s’arrêter ni dans l’abandon, ni dans l’usage de ses droits. […] L’orateur veut que tous les citoyens en passant dans cette rue malheureuse, s’arrêtent pour y verser des larmes ; il veut que la dernière postérité des Français vienne s’attendrir sur le lieu qui a été teint du sang du meilleur des rois. […] Ils s’arrêtent au pied de son cercueil, ils l’examinent, ils l’entourent, ils semblent lui redemander un grand homme, et se livrent avec un mélange d’attendrissement et de terreur à toutes les idées que la vue de ce tombeau leur inspire65.

183. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Son art éclatant, mais non sans faux goût, n’arrêtait pas une décadence que précipitait, dans le cours du dix-huitième siècle, le génie même qui la rendait si piquante et si populaire. […] Le poëte est là tout entier dans ses rêves de liberté sans limites, sa haine de la tyrannie sous toutes les formes, les démentis de son espérance, sa tristesse aussi profonde que sa confiance avait été aveugle et trompée : « Ô vous, nuages, qui, au loin sur ma tête, flottez et vous arrêtez, vous dont nul mortel ne peut régler la marche dans l’espace sans route ; vous, ondes de l’Océan, qui, vers quelque plage que vous rouliez, n’obéissez qu’aux lois éternelles ; vous, forêts, qui écoutez le chant de l’oiseau de nuit penché sur l’écorce d’une branche inclinée, hormis quand vous-mêmes, secouant vos rameaux, vous formez ce majestueux concert des vents devant lequel, comme un inspiré de Dieu, à travers des détours que nul homme des bois n’a jamais foulés, j’ai tant de fois égaré, parmi les herbes sauvages en fleurs, ma course éclairée de la lune, sous l’aspect ou l’écho de chaque image informe qui m’apparaissait, de chaque bruit insaisissable retentissant au désert ! […] Avance encore ; non, arrête-toi. […] Et pourtant, qui de nous s’est arrêté sous les berceaux indiens, et n’a pas aussitôt songé aux vertes forêts de l’Angleterre, et sous l’ombre des palmiers n’a pas béni les noisetiers de la terre natale, sa clairière d’aubépine, et soupiré la prière, tant de fois inutile, de pouvoir encore contempler les chênes de ses bois ?

184. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il ne s’arrête pas à la sublimité de Pindare : de Sophocle il retiendrait surtout les rossignols de Colone. […] Les stances, strophes, couplets s’organisent semblablement par assemblage de couples ou de triades de vers : quatre, six, huit, dix, voilà les nombres qui en déterminent ordinairement la composition ; et dans chaque forme sont ménagés des repos fixes, où le sens s’arrête avec le vers. […] Le 7 mars 1794, il fut arrêté près de la Muette, sans qu’il y eut de mandat contre lui.

185. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Si je m’étais arrêté à faire disparaître d’innombrables incorrections, à modifier une foule de pensées qui me semblent maintenant exprimées d’une façon exagérée, ou qui ont perdu leur justesse 14, j’aurais été amené à composer un nouveau livre ; or le cadre de mon vieil ouvrage n’est nullement celui que je choisirais aujourd’hui. […] Dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ; car le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir. […] M. de Bismarck, qui s’était annoncé comme devant l’arrêter en cinq ans au moyen de ses lois répressives, s’est évidemment trompé, au moins cette fois.

186. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

A la vérité, il n’est pas de la dernière importance, puisqu’il se réduit à faire voir la dureté de l’empire que l’homme exerce sur les animaux et sur toute la nature ; mais c’est quelque chose de l’arrêter un moment sur cette idée ; et La Fontaine a d’ailleurs su répandre tant de beautés de détail sur le fond de cet Apologue, qu’il est presque au niveau des meilleurs et des plus célèbres. […] Il fallait s’arrêter là. […] J’aurais voulu que La Fontaine s’arrêtât après le douzième vers : N’avaient-ils ni père ni mère ?

187. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Caro s’arrête, si un catholique avait pu s’y arrêter, il n’aurait peut-être pas dit mieux. […] Mais sérieusement, et pour qui n’ignore pas la pente des choses, et où la logique pousse l’esprit encore plus qu’elle ne le mène, pour qui nous a prouvé que le mysticisme de Saint-Martin, comme tout mysticisme en dehors de la règle posée par l’Église, traîne l’esprit jusqu’au panthéisme, pour un homme expérimenté en ces matières, qui sait fort bien qu’il n’y a plus maintenant face à face, en philosophie, que le Catholicisme et le Panthéisme, et que toute idée se ramène forcément à l’un ou à l’autre de ces grands systèmes, sans pouvoir jamais en sortir, était-ce bien la peine de s’interrompre et de s’arrêter ?

188. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Quand ils boivent, l’écoulement de la salive parotidienne s’arrête d’une manière complète ; il en est de même chez le chien. […] Toutes les causes qui arrêtent les décompositions arrêtent aussi l’action des ferments : tels sont les acides forts, l’ébullition, etc. […] Le lendemain on trouva la sécrétion du suc pancréatique arrêtée ; rien ne coulait plus par le tube. […] Le charbon animal arrête également la matière organique du suc pancréatique. […] Nous vous demandons la permission de nous arrêter quelque temps sur ce sujet.

189. (1911) Études pp. 9-261

Sur la déclivité du terrain, ce rose pourtant ne dépasse pas sa limite ; il s’arrête en un remous frangé. […] Elle s’arrête le soir et songe, comme ceux qui voyagent sans retour. […] Cependant aucune crainte ne suffit plus à l’arrêter. […] Puis elle s’arrête tout à coup, occupée par l’importance d’une question qu’elle brûle de poser. […] Que ne s’arrête-t-il ?

190. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais. Par ma ceinture noire à la terre arrêtée, Ma mère était partie et tout m’avait quittée : Le monde était trop grand, trop défait, trop désert ; Une voix seule éteinte en changeait le concert !

191. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

Thiers, analysé cette masse confuse de faits, si effrayante à tous égards ; il y pénètre, sans être arrêté par l’horreur ; car son esprit est libre de préoccupation et pur die souvenirs. […] Dès Fors, il se fit séparation entre eux : les uns voulant redoubler de vitesse, les antres continuer simplement, d’autres enfin s’arrêter.

192. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Et cependant pour agir il faut s’arrêter, αναγκη στηναι, comme a dit je ne sais plus quel Grec, Aristote ou un autre. […] Si nous nous arrêtions là, nous trouverions dans ces pages quelques raisons d’avoir confiance dans la valeur de la Science, mais des raisons beaucoup plus nombreuses de nous en défier ; il nous resterait une impression de doute ; il faut maintenant remettre les choses au point.

193. (1915) La philosophie française « II »

Mais les philosophes français semblent avoir eu généralement cette arrière-pensée que systématiser est facile, qu’il est trop aisé d’aller jusqu’au bout d’une idée, que la difficulté est plutôt d’arrêter la déduction où il faut, de l’infléchir comme il faut, grâce à l’approfondissement des sciences particulières et au contact sans cesse maintenu avec la réalité. […] On aura bien là, si l’on veut, une espèce de système ; mais le principe même du système sera flexible, indéfiniment extensible, au lieu d’être un principe arrêté, comme ceux qui ont donné jusqu’ici les constructions métaphysiques proprement dites.

194. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Il s’approche, sombre, terrible comme la nuit, s’arrête loin des vaisseaux et lance un de ses traits. […] Les deux armées s’arrêtent immobiles et heureuses de cette trêve. […] tableaux jetés en passant dans une comparaison ou dans un détail technique qui éblouit l’œil sans le distraire, comme l’écume marque sur la vague qui emporte le vaisseau le sillage du navire sans arrêter le navigateur ! […] Les Troyens, prêts à franchir le retranchement, s’étonnent de se voir arrêter par deux combattants inébranlables sur la muraille. […] Elle s’arrête sur le mur en regardant de toutes parts ; elle voit Hector traîné autour des murs de la ville.

195. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

L’image auditive d’un mot n’est pas un objet aux contours définitivement arrêtés, car le même mot, prononcé par des voix différentes ou par la même voix à différentes hauteurs, donne des sous différents. […] Mais la pensée scientifique, analysant cette série ininterrompue de changements et cédant à un irrésistible besoin de figuration symbolique, arrête et solidifie en choses achevées les principales phases de cette évolution. […] Et c’est en effet à cette solution naturelle que s’arrêtent Bain 78 et Ribot 79. […] Mais nous n’avons pas le droit de nous arrêter là. […] Le malade lit correctement les premiers mots d’une phrase, puis s’arrête brusquement, incapable de continuer, comme si les mouvements d’articulation avaient Inhibé les souvenirs.

196. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Les noms de ceux qui se sont arrêtés en chemin sont innombrables. […] » dit l’autre, « c’est bien vous qui vous êtes arrêté, monseigneur !  […] À ce vaste charnier de la mort s’arrêtent les mémoires de M.  […] que d’esprits égarés il eût arrêtés sur le penchant de leur ruine ! […] que de malheurs il eût arrêtés !

197. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

VIII Nous partîmes pour Turin, où je m’arrêtai quelques jours pour y voir le premier secrétaire d’ambassade, le comte de Virieu, mon ami le plus intime et presque un frère. […] Je quittai Turin comblé de leur accueil et je m’arrêtai peu à Florence. […] L’ombre de ce détachement suffit pour arrêter les révolutionnaires carbonari de Rome et des États du Pape. […] Il s’arrêta quelques mois à Rome avant de rentrer dans son royaume, pour laisser aux Autrichiens et à son fils, son lieutenant général, l’odieux et les embarras de sa restauration. […] Nous nous arrêtâmes quelques jours à Florence.

198. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Ses symboles ne sont pas des dogmes arrêtés ; ce sont des images susceptibles d’interprétations indéfinies. […] Obstacles qui l’arrêtent : Le snobisme et l’intelligence. […] Bourget, mais en ce moment il est encore arrêté par deux obstacles qu’il nous faut expliquer. […] … Qui donc arrêterait la raison une fois qu’on lui a lâché les rênes ? […] Ils se sont arrêtés, ils ont écouté, ils ont compris.

199. (1898) Essai sur Goethe

Que Dieu me pardonne les mauvaises pensées et arrête la volonté ! […] S’arrêteront-ils ? […] Mais là s’arrête la ressemblance. […] Voyez-la s’arrêter avec grâce ! […] qu’on l’arrête ! 

200. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

qu’on les arrête, qu’on les désarme au milieu de leur caverne, eux et toute leur race ! […] « À ma prière, il s’arrêta et me suivit sous un ébène voisin de la route : là, j’ouvris un de ses cahiers, où je trouvai copiés des passages d’Homère, des fables d’Ésope, et sur une feuille détachée, parmi les distiques modernes, cette chanson populaire, les Voleurs, qu’il récita en riant lui-même des plaintes du pauvre berger. […] On les voyait glisser sur les eaux comme des fumées transparentes, puis se condenser au-dessus, et s’arrêter immobiles à la moitié des collines du détroit ; de sorte que par-dessous leur couche épaisse j’apercevais en Asie la base de la montagne du Géant, dont la cime semblait s’unir à l’Europe par un pont de nuages argentés. […] reprit Christopoulos, point de jugement arrêté d’avance. […] — Pour nous mieux pénétrer de la bonté de votre cause, ajoutai-je, ne trouverez-vous pas à propos de prononcer lentement, de vous arrêter de temps à autre, et même de traduire quelquefois en passant, comme si ce que vous lisez ne devait pas toujours parvenir du premier coup à l’intelligence de votre auditoire ?

201. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Une histoire de la philologie serait-elle complète si elle ne parlait d’Apollonius de Rhodes, d’Apollodore, d’Élien, de Diogène Laërce, d’Athénée et des autres polygraphes, dont les œuvres pourtant sont loin d’être philologiques dans le sens le plus restreint  Si, d’un autre côté, on donne à la philologie toute l’extension possible, où s’arrêter ? […] Parcourez nos idées les plus arrêtées en littérature comparée, en linguistique, en ethnographie, en critique, vous les verrez toutes empreintes et modifiées par cette grande et capitale découverte. […] Ils n’étaient pas comme nous en face d’un inventaire arrêté une fois pour toutes des manuscrits faisant autorité. […] Les anciens en effet ne savaient guère que leur propre langue, et de cette langue que la forme classique et arrêtée. […] Polybe consacre un livre de son histoire aux notions les plus élémentaires de géographie et s’arrête à expliquer les points cardinaux, etc. comme des curiosités d’un très grand intérêt.

202. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Mais la pensée peut-elle s’arrêter à des symboles ? […] Socrate n’a pas de système bien arrêté, mais il a des directions pour la pensée. […] c’est à quoi on s’est généralement arrêté. […] Mais il était impossible de s’arrêter là. […] En Angleterre tout est insulaire, tout s’arrête en certaines limites.

203. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et c’est Oliphant qui, après des causeries avec Thiers, le remplaçait, et les 17 articles du traité — fait qu’on ignore absolument — étaient arrêtés entre le correspondant du Times et le comte d’Arnim. […] Elle avait été assez heureuse pour arrêter son saignement de nez, mais Mlle Aimée qui était très jalouse d’elle, lui avait repris l’enfant d’entre les mains, n’avait pas su arrêter le saignement de nez, quand il était revenu, et le pauvre enfant était mort d’anémie, à la suite de la perte de tout son sang. […] Et aussitôt les conversations cessent, l’échange des idées s’arrête, et chacun redevenu silencieux, les yeux sur l’horloge, n’a plus d’attention que pour la marche invisible de l’aiguille sur le cadran, et son troublant rapprochement de la dix-huitième minute. […] Il est arrêté par les hussards du général Charlemagne, et envoyé dans son fiacre à Versailles. […] Je veux encore m’arrêter un moment, sur ce merveilleux récit, sur cette étude apitoyée d’une humble âme de peuple qui a pour titre : Un cœur simple.

204. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

C’est la limite fatale où il s’arrête. […] Ils avaient vingt ans que mademoiselle Mars en avait trente à peine ; il est vrai que, pour ces ingénus de l’univers et pour ces ingénues de l’éternité, le temps s’arrête ; le temps, à leur compte, n’a marché que pour mademoiselle Mars ! […] On est jeune, on est tout ; on est roi, on est reine, hélas jusqu’au jour où s’arrête le privilège, où cesse le charme, où s’envole, en poussant un cri plaintif, le printemps des belles années ; alors, enfin, mon pauvre artiste, il est temps de s’inquiéter du succès et de l’avenir ! […] Ils causaient, on les arrête ; ils dansaient, on les condamne ; ils chantaient, on les tue ! […] » au contraire, elle s’arrête avec respect dans ce sentier de la mort, et elle tâche d’arracher à l’oubli quelques lambeaux de cette renommée, fugitive comme le nuage dans le ciel de l’été.

205. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

La perception d’une facilité à se mouvoir vient donc se fondre ici dans le plaisir d’arrêter en quelque sorte la marche du temps, et de tenir l’avenir dans le présent. […] Même, si elle s’arrête un instant, notre main impatientée ne peut s’empêcher de se mouvoir comme pour la pousser, comme pour la replacer au sein de ce mouvement dont le rythme est devenu toute notre pensée et toute notre volonté. […] Seulement, la sensation qui y était localisée d’abord a envahi votre bras, remonté jusqu’à l’épaule ; finalement, l’autre bras se raidit, les deux jambes l’imitent, la respiration s’arrête ; c’est le corps qui donne tout entier. […] C’est que là où l’émotion se donne libre carrière, la conscience ne s’arrête pas au détail des mouvements concomitants : elle s’y arrête au contraire, elle se concentre sur eux quand elle vise à les dissimuler. […] Il dépend de nous de l’arrêter, mais l’attrait du plaisir n’est point autre chose que ce mouvement commencé, et l’acuité même du plaisir, pendant qu’on le goûte, n’est que l’inertie de l’organisme qui s’y noie, refusant toute autre sensation.

206. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Le canal qui avait quelque temps arrêté l’année ayant été traversé à gué, le comte d’Artois, frère du roi, plein de vaillance, se porta en avant, renversant tout ce qu’il rencontrait ; et, entraînant avec lui par émulation l’élite des chevaliers du Temple et nombre de braves seigneurs, il se lança jusque dans la ville de la Massoure où la résistance l’attendait et où il trouva la mort. […] Cette arrivée du roi est peinte par Joinville avec une vivacité brillante où l’affection et l’admiration se confondent : Là où j’étais à pied avec mes chevaliers, ainsi blessé comme je l’ai dit devant, vint le roi avec toute sa bataille (avec sa troupe) à grand fanfare et à grand bruit de trompes et timbales, et il s’arrêta sur un chemin levé (une chaussée)u : jamais si bel homme armé ne vis, car il paraissait au-dessus de tous ses gens, des épaules jusqu’à la tête, un heaume doré en son chef, une épée d’Allemagne en sa main… Peintres de batailles, que vous en semble ? […] Un vent contraire les obligea de s’arrêter ou même de rebrousser chemin, et de chercher abri dans une anse. […] L’esprit naturel avait ses saillies, ses échappées d’enjouement, ses subtilités et ses hardiesses toujours renaissantes : mais tout cela ne jouait encore que dans le cercle tracé, et venait s’arrêter à temps devant tout objet vénéré et redoutable.

207. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

« Il avait, remarque-t-il finement de ce premier ancêtre des doctrinaires, un orgueil timide, qui se reposait sur ses moyens, sur sa célébrité, et qui lui faisait craindre sans cesse de se compromettre avec l’opinion publique, qu’il ne savait plus gouverner lorsqu’il s’en voyait contrarié. » A la veille des élections, Malouet avait déjà son plan arrêté qu’il communiqua à M.  […] Après cela eût-il suffi d’avoir un plan arrêté, deux mois plus tôt, pour le faire prévaloir et pour éluder les événements ? […] Il s’agit donc de savoir si la monarchie et le monarque survivront à la tempête qui se prépare, ou si les fautes faites, et celles qu’on ne manquera pas de faire encore, nous engloutiront tous. » « Il s’arrêta là, comme pour me laisser le temps de dire quelque chose. […] Mais ce ne sont pas des paroles vagues, c’est un plan arrêté que je demande ; et s’il est bon, je m’y dévoue.

208. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Si on ignore ainsi l’épanouissement varié auquel se livrent les natures heureuses ; si, sous ce vent aride, les couleurs sèchent plus vite dans les jeux de la séve, et bien avant que les combinaisons riantes soient épuisées ; si, par cette oppression qui nous arrête d’abord et nous refoule, quelque portion de nous-même se stérilise dans sa fleur, et si les plus riches ramures de l’arbre ne doivent rien donner ; — quand l’arbre est fort, quand les racines plongent au loin, quand la séve continue de se nourrir et monte ardemment ; — qu’importe ? […] Notre fugitif s’arrêta vers le lac de Genève, et passa plusieurs mois à Charrières, près Saint-Maurice. […] Vieillard austère qui, après un chef-d’œuvre de ta jeunesse, t’es arrêté on ne sait pourquoi, qui t’es heurté à faux depuis ce temps sur d’ingrats labeurs, et qui, sans rien perdre assurément de ta valeur  intrinsèque, n’as plus su aboutir d’une manière récréante, fructueuse et féconde ! […] La distraction, l’apparence, le phénomène, les entraînements littéraires et politiques, le prestige épanoui des arts, l’érudition spéciale et même ingénieusement futile, une succession, un mélange diversifié de passions brûlantes, de manies exquises, de dilettantismes consommés, il a tout traversé, et s’est pris à chaque attrait sans s’arrêter à aucun.

209. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Mais elle n’arrête pas sa puissance à celui qui la fait surgir ; nous aussi, par les yeux, par l’ouïe, par le cœur, nous y participons, et d’avoir communié avec ce mirage, notre rythme intérieur a senti bondir sa force : l’approche de la Beauté nous approche de nous-même. […] Dans le Corbeau, qui a des analogies avec cette pièce, Edgar Poe avait su s’arrêter aux limites du connu. […] C’est comme si, au retour de longues chevauchées parmi des plaines sans limites, on était arrêté tout-à-coup, la face contre un mur. […] Elle ne reporte guère chez lui à la chose présente, car elle n’arrête que rarement à un détail particulier et son apparition est trop rapide et trop intermittente pour faire retomber l’illusion évoquée ; mais, s’alliant avec le rythme personnel et la couleur d’esprit de ce poète, elle donne souvent à la strophe une puissance dont l’énergie inattendue ne permet point de sentir qu’elle rompt la trame de l’harmonie : elle est la sœur et la fille de cette morale de l’action qu’elle accompagne.

210. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Doué d’une taille avantageuse et de qualités physiques auxquelles il mit toujours du prix, il sut, dès ses premiers pas, se faire compter dans le monde par sa tenue, son calme, par une manière d’être qui annonçait déjà un caractère arrêté, par beaucoup d’aperçus dans l’esprit, « d’autant plus originaux que la plupart étaient sans solution » ; il les faisait valoir encore par une tournure d’expression précise et neuve. […] Il fut arrêté à diverses reprises, la première fois en 1793, et bientôt relâché, faute de charges et même de prétextes. […] Le moment où Mme de Senneterre se voit munie de cette lettre de recommandation, son étonnement involontaire en la retournant machinalement entre ses mains, sa préoccupation de l’accueil qui lui sera fait, son inquiétude pour sa toilette qu’il faut proportionner à la modestie de sa condition nouvelle, tout cela est pris dans la nature et devait rappeler à plus d’une lectrice des circonstances trop réelles et trop récentes : Extrêmement fatiguée de ne pouvoir m’arrêter à rien, racontait Mme de Senneterre, je me couchai. […] Il ne lui manqua rien de ce qui constituait alors un royaliste comme il faut, et il s’arrêta à temps pour pouvoir ensuite reparaître un constitutionnel libéral.

211. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

La reine, d’après les conseils énergiques qui lui sont donnés, et voyant les intrigues croissantes du prince de Condé et de ses alliés les Bouillon, les Vendôme et les Nevers, qui, sous prétexte de s’élever contre le maréchal d’Ancre, vont à conspirer contre elle-même et contre son fils, jusqu’à songer à le détrôner peut-être, se décide à faire arrêter le prince de Condé au Louvre. […] Et Richelieu, qui nous démêle toutes ces intrigues et nous les peint avec plus d’un trait de Tacite, ajoute de ce Thémines qui arrêta ce jour-là le prince de Condé que, s’il fit bien, aussi crut-il l’avoir fait ; car depuis ce temps-là il ne fut jamais content, de quelques récompenses que le pût combler la reine : Elle le fit maréchal de France, lui donna comptant cent et tant de mille écus, fit son fils aîné capitaine de ses gardes, donna à Lauzières, son second fils, la charge de premier écuyer de Monsieur ; et, avec tout cela, il criait et se plaignait encore : tant les hommes vendent cher le peu de bien qui est en eux, et font peu d’estime des bienfaits qu’ils reçoivent de leurs maîtres ! […] Aussitôt le prince de Condé arrêté (1er septembre 1616), tout change d’aspect ; la foule des courtisans, qui désertait le Louvre, s’y porte à l’instant ; chacun vient pour se montrer et faire acte de fidélité : Tel le faisait sincèrement, dit Richelieu, tel avec intention et désir tout contraire ; mais il n’y en avait pas un qui n’approuvât ce que Sa Majesté avait fait ; beaucoup même témoignaient envier la fortune du sieur de Thémines, qui avait eu le bonheur d’être employé en cette entreprise ; mais, en effet, la Cour était si corrompue pour lors, qu’à peine s’en fût-il trouvé un autre capable de sauver l’État par sa fidélité et son courage. […] Le prince de Condé à peine arrêté, et pour se racheter de prison, propose de tout révéler et de découvrir tous les secrets de son parti et de sa cabale : « Ce qui ne témoignait pas tant de générosité et de courage, remarque Richelieu, qu’une personne de sa condition devait avoir. » C’est alors que la reine se voit en mesure de former décidément son Conseil des ministres, qu’elle avait déjà changé en partie : à une nouvelle situation il fallait une politique nouvelle.

212. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

La vue des désordres qui naissent de l’indépendance, n’est-elle pas un nouveau motif pour ramener à la soumission & faire comprendre qu’elle captive nos idées, non pour les contraindre, mais pour les arrêter au moment de l’erreur ? […] Et si un véritable amour de l’humanité dirigeoit les plumes philosophiques, les bienfaits continuels de cette Religion ne devroient-ils pas les arrêter ?

213. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

La vieille portière de la rue de Verneuil, une vieille larme de conserve dans son œil de chouette, nous disait : « Messieurs, je lui avais bien dit de ne pas y aller… mais il s’est entêté… on l’a arrêté à la mairie du Xe arrondissement. » Nous voilà à la porte de la caserne d’Orsay, où avaient été enfermés les représentants arrêtés à la mairie.

214. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Une expérience que je proposerais volontiers à l’homme de soixante-cinq ou six ans, qui jugerait les miennes ou trop longues, ou trop fréquentes, ou trop étrangères au sujet10, ce serait d’emporter avec lui, dans la retraite, Tacite, Suétone et Sénèque ; de jeter négligemment sur le papier les choses qui l’intéresseraient, les idées qu’elles réveilleraient dans son esprit, les pensées de ces auteurs qu’il voudrait retenir, les sentiments qu’il éprouverait, n’ayant d’autre dessein que celui de s’instruire sans se fatiguer : et je suis presque sûr que, s’arrêtant aux endroits où je me suis arrêté, comparant son siècle aux siècles passés, et tirant des circonstances et des caractères les mêmes conjectures sur ce que le présent nous annonce, sur ce qu’on peut espérer ou craindre de l’avenir, il referait cet ouvrage à peu près tel qu’il est. […] je m’arrête, et j’en jouis.

215. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Les habitants de Vouziers, en allant à Paris, s’arrêtaient à Rethel : dans le bureau de la voiture publique, tenu par les tantes de Taine, ils admiraient les guéridons délicats, les vieilles poteries, certain gros vase de thériaque tout fleuri, et une foule d’arbustes rares que les dames soignaient tendrement. »‌ M.  […] Le nez était busqué, la voûte du front belle, les tempes bien renflées, encore que serrées aux approches du front, et l’arcade sourcilière nette, vive, arrêtée finement.

216. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

— Mais comment, ajoutai-je, êtes-vous venues de Renève coucher au petit village de Charnay, qui n’est qu’à deux pas d’ici et où personne ne s’arrête à moins de voyager à pied ? […] Nous les remerciâmes bien et nous promîmes de nous arrêter chez eux à notre retour. […] Nous n’eûmes pas la force d’aller jusqu’à la ville et nous nous arrêtâmes avant le faubourg, chez un sabotier, marchand de fromages, dont l’enseigne disait qu’il logeait à pied et à cheval. […] Le soir nous nous arrêtâmes sur la route de Mâcon à Bussières, au village de Charnay, chez la femme d’un scieur de long dont un fagot de buis indiquait la porte. […] Elle s’arrêtait étouffée, sous l’ombre d’un chêne ou d’un poirier sauvage, ou près d’une source entre des pierres noires, sous un large châtaignier.

217. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Il faut nous arrêter un moment pour expliquer cette lutte. […] Ces libertins du monde n’avaient pas de doctrine arrêtée : ils se moquaient des mystères et des dévots, affichaient la tolérance, prétendaient suivre seulement la raison et la nature, et vivaient en gens pour qui c’est raison de satisfaire à leur nature. L’Église essaya d’arrêter par des rigueurs le progrès du mal. […] La foi est un moyen supérieur de connaissance : elle s’exerce au-delà des limites où la raison s’arrête (distinction de la raison et du sentiment ou du cœur). […] Mais si l’on veut prendre rapidement une idée de la profondeur de Pascal et de l’avance qu’il avait sur son siècle, qu’on s’arrête à la question qu’il pose sur la cause de l’amour.

218. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Et si nous le remercions, ce n’est pas seulement à titre d’admirateurs de Wagner, c’est à titre de Français reconnaissants de son œuvre, de son fécond labeur, de l’impulsion qu’il a donnée et que rien désormais n’arrêtera. […] Mais ce qui dépasse tout, c’est le rôle joué par une bande d’agents provocateurs… Par respect pour mes confrères et pour moi, je ne m’arrêterai pas davantage à ces drôles, justiciables, non de l’épée, mais de la botte et du bâton. […] Pendant que les Allemands arrêtent sur notre frontière des fonctionnaires français, certains Français à Paris se préparent à faire à un musicien allemand une apothéose. […] Les meneurs seront immédiatement arrêtés. Quant aux douze personnes qui ont été déjà arrêtées, elles seront traduites devant les tribunaux auxquels il appartiendra de discerner et de se prononcer.

219. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

La France est un pays tellement généreux que l’idée d’exil l’empêche de juger un homme littéraire, que cela l’attendrit, que cela l’arrête, même quand il ne s’agit, comme aujourd’hui, que de se prononcer sur un suicide en littérature ! […] Hugo, nous avons tout loué dans son volume d’Aujourd’hui… Ôtez le livre Pauca meæ, consacré au deuil de sa vie, vous n’avez plus dans les livres qui suivent — En marche — Au bord de l’infini — qu’un horrible fatras incohérent et furieux, et où le sublime prend par le grotesque et s’y arrête… Nous parlions d’invention, celle de M.  […] S’il réfléchissait chaque fois qu’il voit la sienne, laquelle est, comme on vient d’en juger, d’une assez belle épaisseur, ne s’arrêterait-il point dans la construction laborieuse de tous ces abominables non-sens ? […] « Je suis celui que rien n’arrête », a dit M.  […] Je suis celui que rien n’arrête,         Celai qui va, Celui dont l’âme est toujours prête         À Jehova !

220. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Il aurait fallu arrêter le mouvement ou l’infléchir. […] Jamais elle ne s’arrête, jamais elle ne se répète. […] Nous voulons dire que la déduction doit s’arrêter de loin en loin à quelques effets dominateurs, et que ces effets apparaissent chacun comme des modèles autour desquels se disposent, en cercle, de nouveaux effets qui leur ressemblent. […] Du mécanique plaqué sur du vivant, voilà une croix où il faut s’arrêter, image centrale d’où l’imagination rayonne dans des directions divergentes. […] Chacun sait avec quelle facilité la verve comique s’exerce sur les actes sociaux à forme arrêtée, depuis une simple distribution de récompenses jusqu’à une séance de tribunal.

221. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Frochot est dénoncé et décrété d’accusation ; caché chez un ami, il se livre par générosité lui-même ; arrêté et incarcéré à Dijon, où sévit un proconsul et où l’échafaud est dressé, il frise la guillotine. […] Quoique persécuté pendant la Terreur, loin de donner dans la réaction, il a tellement concouru avec ses collègues à en arrêter les effets, qu’elle n’a presque été connue que de nom dans le département de la Côte-d’Or. […] Ils arrêtèrent le duc de Rovigo et le baron Pasquier : le général Hulin reçut un coup de feu dans la figure ; mais, en arrivant à la préfecture de la Seine, les choses se passèrent plus simplement.

222. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

II L’humanité est arrivée, a dit l’éloquent professeur, à une de ces époques où l’inquiétude la saisit, où elle s’agite confusément en proie à un malaise profond ; où, après avoir renversé par une révolte glorieuse les obstacles qui la retenaient dans sa marche, et avoir brisé son antique lien, devenu trop étroit pour elle et trop douloureux, elle s’arrête, tourne un instant sur elle-même, interrogeant chaque point de l’horizon, se demandant et demandant à son histoire passée et à tout ce qui l’entoure où elle va, d’où elle vient, et la raison de de qu’elle a fait, et la règle de ce qui lui reste à faire ; la loi, en un mot, de son progrès et de sa vie. […] Il est une molécule vivante, incessamment excitée et modifiée par l’organisme social dont elle fait partie intégrante ; arrêter la molécule, la monade, au point où on la trouve, la détacher du tout, la soumettre au microscope ou au creuset expérimental, la retourner, la décomposer, la dissoudre, et conclure de là à la nature et à la destinée du tout, c’est absurde ; conclure seulement à la nature et à la destinée de la molécule, c’est encore se méprendre étrangement ; c’est supprimer d’abord, dût-on y revenir plus tard et trop tard, c’est supprimer le mode l’influence que l’individu reçoit du tout, à peu près comme Condillac faisait pour les détails organiques de sa statue, qu’il recomposait ensuite pièce à pièce sans jamais parvenir à l’animer ; c’est, comme lui, par cette suppression arbitraire, rompre l’équilibre dans les facultés du moi et se donner à observer une nature humaine qui n’est plus la véritable et complète nature ; c’est décerner d’emblée à la partie rationnelle de nous-mêmes une supériorité sur les facultés sentimentale et active, une souveraineté de contrôle qu’une vue plus générale de l’humanité dans ses phases successives ne justifierait pas ; c’est immobiliser la monade humaine, lui couper la source intarissable de vie et de perfectibilité ; c’est raisonner comme si elle n’avait jamais été modifiée, transformée et perfectionnée par l’action du tout, ou du moins comme si elle ne pouvait plus l’être ; c’est supposer gratuitement, et le lendemain du jour où l’humanité a acquis la conscience réfléchie de sa perfectibilité, que l’individu de 1830, le chrétien indifférent et sans foi, ne croyant qu’à sa raison personnelle, porte en lui, indépendamment de ce qui pourrait lui venir du dehors, indépendamment de toute conception sociale et de toute interprétation nouvelle de la nature, un avenir facile et paisible qui va découler, pour chacun, des opinions et des habitudes mi-partie chrétiennes, mi-partie philosophiques, mélangées à toutes doses. […] vous cherchez les traces que l’humanité a laissées dans sa marche ; vous voulez saisir la direction et le but du mystérieux voyage ; vous aspirez à en assigner la raison et la loi ; et dès le premier pas que vous faites dans cette recherche, voilà que vous ne tenez aucun compte des points radieux et des sommets où elle s’est posée avec complaisance ; vous ne daignez voir ni l’Himalaya, ni l’Ithome et le Lycée, ni le Sina, ni le Calvaire, ni le Capitole ; mais vous vous inquiétez beaucoup de quelque vallée obscure, de quelques jardins philosophiques, où elle ne s’est pas même arrêtée !

223. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

« Les interruptions, les repos, les sections, dit excellemment Buffon, ne devraient être d’usage que quand on traite des sujets différents, ou lorsque, ayant à parler de choses grandes, épineuses et disparates, la marche du génie se trouve interrompue par la multiplicité des obstacles, et contrainte par la nécessité des circonstances : autrement, le grand nombre de divisions, loin de rendre un ouvrage plus solide, en détruit l’assemblage ; le livre paraît plus clair aux yeux, mais le dessein de l’auteur demeure obscur ; il ne peut faire impression sur l’esprit du lecteur, il ne peut même se faire sentir que par la continuité du fil, par la dépendance harmonique des idées, par un développement successif, une gradation soutenue, un mouvement uniforme, que toute interruption détruit et fait languir. » La constitution essentielle du sujet marque à l’écrivain les reposoirs naturels, où il peut reprendre haleine, et son lecteur avec lui ; elle délimite les portions où le regard peut successivement s’arrêter, quand le champ total est trop vaste et ne se laisse pas embrasser d’une seule vue. […] Une fois qu’on aura arrêté les proportions de l’ouvrage qu’on se propose de faire, on passera à considérer les idées dont on a fait provision, pour mettre à part et retenir définitivement celles qui conviennent le mieux. […] Cela semble facile, puisque vous avez déjà arrêté le dessin général de l’œuvre, puisque vous avez pris votre point de départ et votre point d’arrivée, puisque vous avez compté, mesuré, subordonné les parties principales : et pourtant c’est encore une chose qui demande un soin minutieux.

224. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

., et autres frais… 180 3 À Paysan, pour la poudre, pommade, y compris ses peines, celles de ses garçons, et les frais de leur voyage à Chambord… 210 » Pour toutes les voitures généralement quelconques… 9008 » Pour trois bannes qui ont servi à couvrir les charrettes où étaient les habits… 50 8 Pour tous les Suisses qui ont servi, tant à Chambord qu’à Saint-Germain, à garder les portes du théâtre… 153 » Au sieur de Lulli, pour ses copistes, leur entretien et nourriture, la somme de… 800 » Pour les ports, rapports et entretiens d’instruments… 196 » Pour les dessins et peines du sieur Gissez… 483 » Pour les peines d’avertisseurs, huissiers et autres gens nécessaires… 300 » Aux concierges de Chambord et de Saint-Germain, à raison de 100 liv. chacun… 200 » Pour tous les menus frais imprévus, suivant le mémoire ci-attaché… 403 » Somme totale du contenu au présent état… 49404 18 Nous, Louis-Marie d’Aumont de Rochebaron, duc et pair de France, premier gentilhomme de la chambre du roi, certifions avoir ordonné la dépense contenue au présent état, et l’avoir arrêtée pour Sa Majesté à la somme de quarante-neuf mille quatre cent quatre livres dix-huit sous. […] Mais il s’arrêta, en songeant qu’une telle exécution était indigne de lui ; il le fit arrêter et conduire au château de Konigstein.

225. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Sans nous arrêter à l’étude physiologique du sens de la vision et au mécanisme des muscles qui règlent son adaptation, examinons trois questions controversées : celle de la vision binoculaire, des images renversées et des perceptions complexes de la vue. […] Enfin, on peut dire qu’il y a une loi générale d’harmonie dans tout le système musculaire qui fait que quand nous regardons ou écoutons attentivement, le corps s’arrête, les traits du visage restent fixes, la bouche est ouverte, notre élocution s’accorde avec nos gestes ; une marche rapide avive la pensée, etc. […] La pure spontanéité s’arrête donc en deçà de ce qu’il faudrait faire pour notre propre conservation.

226. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Enfin, je ne vois pas ce que Vigny a fait, dans l’ordre “métrique”, par souci d’harmoniser la forme avec la pensée qu’elle traduisait : une forme, chez un poète, ne traduit jamais une pensée, c’est la critique qui traduit par des pensées les formes indivisibles qu’a créées le poète, — et s’il y a quelques exceptions, si la forme et la pensée parfois se distinguent, se raccordent mal, chevauchent sensiblement, il se trouve que Vigny, plus que personne, nous les fournirait. » Je ne puis signaler tous les détails de ce genre, qui arrêtent et étonnent désagréablement le lecteur. […] Écrire un article sur le symbolisme et la presse était une bonne idée, mais il y fallait autre chose qu’une suite de seize coupures plus ou moins arbitraires, et pourquoi l’arrêter à 1891 ? […] Je ne m’arrêterai pas à ce que dit M. 

227. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

On sent qu’il s’arrête parce qu’il veut s’arrêter, mais que sa brièveté vient de sa volonté et non de son impuissance. […] Et l’entretien s’arrêtait là. […] Boris l’arrêta. […] Mais il s’arrêta quand il vit Étienne tomber sur le divan dans une sorte d’anéantissement. […] Mais, d’un geste, elle les arrêta à la porte.

228. (1923) Paul Valéry

Alternativement l’ingénieur est débordé par la nature et la nature arrêtée par l’ingénieur. […] Les images de Valéry vivent de mouvement, et quand elles se livrent au jeu de l’arrêter, ce n’est pas pour longtemps. […] Il croit que son œuvre poétique s’arrêtera là, et qu’il a à peu près épuisé la matière lyrique départie à sa nature. […] Le Mallarmé d’Hérodiade et de la Prose pour des Esseintes s’était arrêté au fait critique, comme matière de la poésie ; Valéry s’arrête au fait personnel qui lui paraît consubstantiel au fait de l’univers. […] *** Je m’arrête.

229. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Son tour d’esprit est arrêté : un gentilhomme du voisinage, M. de Conzié, qui le vit souvent vers 1738 ou 1739, nous signale en lui un « goût décidé pour la solitude, … un mépris inné pour les hommes, un penchant déterminé à blâmer leurs défauts, leurs faibles, … une défiance constante en leur probité ». […] M. de Luxembourg le fit partir ; et, s’en allant sur les quatre heures du soir, il fut salué dans son cabriolet par les huissiers qui venaient l’arrêter (1762). […] Ainsi son objet ne pouvait être de ramener les peuples nombreux, ni les grands États, à leur première simplicité, mais seulement d’arrêter, s’il était possible, le progrès de ceux dont la petitesse et la situation les ont préservés d’une marche aussi rapide vers la perfection de la société, et vers la détérioration de l’espèce. […] Je ne m’arrête guère à l’objection souvent répétée que les théories de Rousseau n’ont jamais été réalisées et ne sont pas réalisables. […] Mais il ne faut pas s’arrêter à l’aspect du livre.

230. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Sans préméditation mensongère, la fable naît d’elle-même ; aussitôt née, aussitôt acceptée, elle va se grossissant comme la boule de neige ; nulle critique n’est là pour l’arrêter. […] Je préfère aux plus belles disquisitions cartésiennes la théorie de la poésie primitive et de l’épopée nationale, telle que Wolf l’avait entrevue, telle que l’étude comparée des littératures l’a définitivement arrêtée. […] Il ressuscitait les morts, arrêtait les vents, détournait la peste. […] Il arrête les vents étésiens qui désolaient Agrigente, en fermant une ouverture entre deux montagnes ; de là le surnom de [en grec]. […] la Grèce était trop légère pour s’arrêter longtemps à ces croyances et pour les constituer en traditions religieuses ; la divinité d’Empédocle alla échouer contre le scepticisme des rieurs, et la malicieuse légende s’égaya de ses sandales trouvées sur le mont Etna.

231. (1903) La pensée et le mouvant

Si l’on s’arrête, c’est pour échapper au vertige. […] N’est-il pas évident que, si le savant s’arrête en un certain point sur la voie de la généralisation et de la synthèse, là s’arrête ce que l’expérience objective et le raisonnement sûr nous permettent d’avancer ? […] Il y serait s’il s’y arrêtait ; mais, s’il s’y arrêtait, ce n’est plus au même mouvement que nous aurions affaire. […] Ils sont simplement projetés par nous au-dessous du mouvement, comme autant de lieux où serait, s’il s’arrêtait, un mobile qui par hypothèse ne s’arrête pas. […] Ravaisson ne s’arrêta devant aucun obstacle.

232. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

En fait, il y a des espèces qui s’arrêtent, il en est qui rebroussent chemin. […] Un danger les guettait, un obstacle qui faillit sans doute arrêter l’essor de la vie animale. […] La preuve en est que, si l’accomplissement de l’acte est arrêté ou entravé par un obstacle, la conscience peut surgir. […] Mais ce point ne nous arrêtera pas pour le moment. […] Sans doute il vaudrait encore mieux y revenir que de s’arrêter net devant l’instinct, comme devant un insondable mystère.

233. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Arrêté dans ses locutions, dogmatique, sans grâce, sans un rayon, sans rien de ce qui caresse l’esprit, il jetait de la poudre aux yeux par ses défauts mêmes. […] Or, pour cela, quoi de mieux, en présence d’un tableau vivant, intéressant, animé, où tout parle, se comprend, où là foule s’arrête, et qui est signé d’un nom célèbre, que de hocher la tête, de pousser un profond soupir ou de hausser les épaulés de pitié ? […] Cependant j’accepte tout pour être à même de m’arrêter comme bon me semblera sur la route, et même de m’en écarter pour visiter certaines localités intéressantes… » Horace Vernet participait au prestige et aux honneurs qui s’attachent volontiers en France à tout ce qui est militaire : on essaya de le lui faire payer comme artiste. […] Son costume bizarre lui plaît, et, dès le lendemain, il commence un tableau représentant un de ces soldats improvisés, arrêté par le mauvais temps dans la campagne, et saisissant son fusil pour le décharger sur quelqu’un ; on aperçoit dans le lointain un petit corps de troupes et la plaine déserte.

234. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Il venait à peine de prendre possession de ce nouveau poste plus avantageux, lorsque la Porte, rompant avec la France et nous déclarant la guerre, le fit arrêter comme otage. […] Je ne répondrais donc point que Jean-Bon soit allé, par exemple, jusqu’à se demander, au milieu de ces détentions atroces et immondes qu’il nous décrit et qui le révoltent, si la Convention dont il était solidaire avait bien eu le droit elle-même d’infliger, — je ne dis plus à Louis XVI, ni à la reine, — mais à leur malheureux fils, mourant au Temple, une telle peine à mauvaise fin et de lui faire subir une détention également horrible, la plus pourrissante et la plus dégradante de toutes… Je m’arrête, nous sommes ici au seuil le plus secret des consciences. […] Je compterai sur votre indulgence, je la réclamerai souvent, parce que j’en aurai souvent besoin ; mais je me flatte que, dans les erreurs même qui m’échapperont, vous distinguerez facilement un homme dont le caractère n’est peut-être pas indigne de quelque estime, et qui s’applaudira quand vous ne la lui refuserez pas. » Quelques jours après (19 septembre 1802), le ministre Chaptal lui écrivait : « L’exécution de l’arrêté des Consuls du 11 messidor dernier va faire cesser, Citoyen commissaire général, les rapports qu’en cette qualité vous avez entretenus jusqu’ici avec l’administration générale, et je ne laisserai point échapper cette nouvelle occasion de vous faire connaître ma satisfaction de la sagesse qui a dirigé votre surveillance et vos actes dans cette importante partie de la République. […] Il concerta, là où il put, des mesures de vigueur qui réussirent à arrêter les dégâts.

235. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

« Rien ne m’arrêterait, dit-elle, si j’avais à les braver seule (les dangers) pour aller te rejoindre ; mais exposer nos amis et sortir des fers dont la persécution des méchants m’honore, pour en reprendre d’autres que personne ne voit et qui ne peuvent me manquer, cela ne presse nullement. […] ici je l’arrête. […] Mme Champagneux m’y avait autorisé, en se fiant à moi du soin d’expliquer et de présenter sous leur vrai jour, ou même de passer tout à fait sous silence certaines confidences des Mémoires, qu’elle m’avait d’ailleurs à peine indiquées, désirant ou ne trouvant pas mauvais que j’en eusse connaissance, mais évitant elle-même de s’y arrêter. » Il faut le savoir en effet, et c’est un sujet fort digne de réflexion : la fille de Mme Roland, cette Eudora si cultivée par sa mère et dont elle avait soigné l’éducation jusqu’à l’âge de onze ans avec un zèle éclairé et tendre, Eudora était devenue fort religieuse, — disons le mot, fort dévote avec les années. […] À ce cri terrible pour tout autre que pour elle, elle s’arrêta et me dit, en me serrant la main : « Adieu, Monsieur !

236. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Sur la pente des abîmes la vraie force est de s’arrêter. […] Une dictature terrible ou un échafaud solennel étaient les seules images sur lesquelles il pût désormais s’arrêter. […] XIII « Une intention droite au commencement ; un dévouement volontaire au peuple représentant à ses yeux la portion opprimée de l’humanité ; un attrait passionné pour une révolution qui devait rendre la liberté aux opprimés, l’égalité aux humiliés, la fraternité à la famille humaine ; des travaux infatigables consacrés à se rendre digne d’être un des premiers ouvriers de cette régénération ; des humiliations cruelles patiemment subies dans son nom, dans son talent, dans ses idées, dans sa renommée, pour sortir de l’obscurité où le confinaient les noms, les talents, les supériorités des Mirabeau, des Barnave, des La Fayette ; sa popularité conquise pièce à pièce et toujours déchirée par la calomnie ; sa retraite volontaire dans les rangs les plus obscurs du peuple ; sa vie usée dans toutes les privations ; son indigence, qui ne lui laissait partager avec sa famille, plus indigente encore, que le morceau de pain que la nation donnait à ses représentants ; son désintéressement appelé hypocrisie par ceux qui étaient incapables de le comprendre ; son triomphe enfin : un trône écroulé ; le peuple affranchi ; son nom associé à la victoire et aux enthousiasmes de la multitude ; mais l’anarchie déchirant à l’instant le règne du peuple ; d’indignes rivaux, tels que les Hébert et les Marat, lui disputant la direction de la Révolution et la poussant à sa ruine ; une lutte criminelle de vengeances et de cruautés s’établissant entre ces rivaux et lui pour se disputer l’empire de l’opinion ; des sacrifices coupables, faits, pendant trois ans, à cette popularité qui avait voulu être nourrie de sang ; la tête du roi demandée et obtenue ; celle de la reine ; celle de la princesse Élisabeth ; celles de milliers de vaincus immolés après le combat ; les Girondins sacrifiés malgré l’estime qu’il portait à leurs principaux orateurs ; Danton lui-même, son plus fier émule, Camille Desmoulins, son jeune disciple, jetés au peuple sur un soupçon, pour qu’il n’y eût plus d’autre nom que le sien dans la bouche des patriotes ; la toute-puissance enfin obtenue dans l’opinion, mais à la condition de la maintenir sans cesse par de nouveaux crimes ; le peuple ne voulant plus dans son législateur suprême qu’un accusateur ; des aspirations à la clémence refoulées par la prétendue nécessité d’immoler encore ; une tête demandée ou livrée au besoin de chaque jour ; la victoire espérée pour le lendemain, mais rien d’arrêté dans l’esprit pour consolider et utiliser cette victoire ; des idées confuses, contradictoires ; l’horreur de la tyrannie, et la nécessité de la dictature ; des plans imaginaires pleins de l’âme de la Révolution, mais sans organisation pour les contenir, sans appui, sans force pour les faire durer ; des mots pour institutions ; la vertu sur les lèvres et l’arrêt de mort dans la main ; un peuple fiévreux ; une Convention servile ; des comités corrompus ; la république reposant sur une seule tête ; une vie odieuse ; une mort sans fruit ; une mémoire souillée, un nom néfaste ; le cri du sang qu’on n’apaise plus, s’élevant dans la postérité contre lui : toutes ces pensées assaillirent sans doute l’âme de Robespierre pendant cet examen de son ambition. […] Au moment où tout se rapetisse, arrêtons-nous pour contempler ce qui fut si grand.

237. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Madame Guyon et le père Lacombe, qui venait de rentrer à Paris, furent arrêtés. […] Il reçut ce coup avec sa sérénité habituelle. « J’aime mieux, dit-il à l’abbé de Langeron qui accourut pour lui apprendre ce malheur, que le feu ait pris à ma maison plutôt qu’à la chaumière d’une pauvre famille. » Cependant Bossuet fulminait de sévères censures contre le livre de Fénelon, à qui le roi enjoignit de quitter Versailles et de se rendre à Cambrai, sans s’arrêter à Paris. […] Le roi lui défendit non-seulement d’y coucher, mais de s’y arrêter même pour manger ; il lui fut interdit de sortir de sa chaise. […] Ni misères rebutantes, ni maladies infectes ne l’arrêtent.

238. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Il ne faut pas s’arrêter non plus à ce qu’il fut arrêté en 1526, poursuivi en 1532, décrété et obligé de fuir à la fin de 1534 : il y a des exemples de gens persécutés pour des opinions qu’ils n’ont pas ; et c’était peut-être la riposte des théologiens aux épigrammes, des gens de justice à l’Enfer. […] En 1526, il est mis au Châtelet, puis transféré à Chartres (épitre à Lyon Jamet) ; eu 1527, octobre, on l’arrête de nouveau : Epitre au Roy, qui le fait, relâcher. En 1532, il est poursuivi en Parlement pour avoir mangé du lard en carême : la reine de Navarre arrête la procédure.

239. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Ces diverses inexactitudes de détail m’ont mis en doute sur l’ensemble du travail, et, reprenant moi-même l’étude de Condorcet dans les parties qui me sont accessibles ainsi qu’à tout le monde, je suis arrivé à une tout autre appréciation de l’homme et du caractère ; et, comme Condorcet a été un personnage politique des plus considérables, un de ceux qui font les révolutions, qui y poussent, qui en espèrent tout, qui ne s’arrêtent qu’au dernier moment, au bord extrême du précipice, et qui y tombent, j’ai cru utile de dégager mon point de vue avec franchise et hardiesse. […] Turgot ne s’en tient pas, en fait de morale, à une pure impression mobile de sensibilité physique, il a des principes plus fixes : « Je suis en morale, dit-il d’une manière charmante, grand ennemi de l’indifférence et grand ami de l’indulgence, dont j’ai souvent autant besoin qu’un autre. » Condorcet, dans son besoin d’activité et de propagation extérieure, paraît croire qu’on ne peut éviter certains vices peu dangereux sans risquer de perdre de plus grandes vertus : « En général, les gens scrupuleux, pense-t-il, ne sont pas propres aux grandes choses. » Turgot ici l’arrête tout court ; il semble deviner l’homme de parti et de propagande qui perce déjà, et il lui dit : « La morale roule encore plus sur les devoirs que sur les vertus actives… Tous les devoirs sont d’accord entre eux. […] Il avait sur l’ensemble et sur chaque branche, sur chaque point de l’ordre scientifique et du mécanisme social, des idées arrêtées, méditées, ingénieuses parfois ; et, dans cette refonte universelle qui se tentait alors de la société et de l’esprit humain, il pouvait rendre de vrais services à l’instruction publique. […] Condorcet, proscrit avec les Girondins, mourut à Bourg-la-Reine, dans la nuit du 7 au 8 avril 1794 ; il s’empoisonna lui-même en se voyant arrêté.

240. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Le Barbier en prit encore son parti ; l’auteur, au lieu d’une comédie, en donna une autre : Le Barbier n’ayant pas été représenté comme il devait l’être le samedi (12 février), le lendemain dimanche, l’auteur mettait en vente, la nuit même, au bal de l’Opéra, ce fameux quatrième Mémoire dont il se débitait six mille exemplaires et plus, avant que l’autorité eût le temps d’intervenir et de l’arrêter. […] Quand il s’arrête sous les marronniers au dernier acte, et qu’au lieu de songer tout simplement à ne pas être comme Sganarelle, il se met à se tourner vers le parterre, et à lui raconter sa vie en drapant la société et en satirisant toutes choses, il est pédant, il y a un commencement de clubiste en lui ; il n’est pas loin de celui qui montera le premier sur une chaise au jardin du Palais-Royal et qui fera également un discours en plein vent et à tout propos. […] Il fut décidé que Beaumarchais serait immédiatement arrêté et conduit, non à la Bastille (c’eût été trop noble pour lui), mais dans une maison de correction, à Saint-Lazare, où l’on mettait, non pas encore les filles, mais les mauvais prêtres scandaleux, les fils de famille libertins et consorts. […] Il ne fut arrêté et détenu que six jours, après quoi on le relâcha.

241. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

On ne sait ce que deviennent ces eaux qui auraient dû inonder tout le devant de la scène, et vous arrêter dès le premier pas, mais n’importe. […] Si j’allais plus loin, j’entrerais dans un bocage ; mais je suis arrêté par une large mare d’eaux qui me font sortir de la toile. […] On s’arrête donc sur la fille ? […] Tout le charme, tout l’intérêt sera détruit, et l’on daignera à peine s’y arrêter.

242. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Vers la gauche, au-delà des eaux de la cascade, sur une terrasse assez élevée, animaux et pâtre, une vache couchée, une autre vache qui descend dans l’eau, une troisième arrêtée, sur laquelle le pâtre debout et vu par le dos a les bras appuyés. […] Boucher m’arrêta par le bras, et me dit : regardez bien ce morceau ; c’est un homme que cela. […] Si vous voulez bien savoir ce que c’est que papilloter en grand, arrêtez-vous un moment encore devant le combat de mer, et vous sentirez votre œil successivement attiré par différens objets séparément très-lumineux, sans avoir le temps de s’arrêter, de se reposer sur aucun.

243. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Cependant une grande œuvre seule doit nous arrêter, hors de toute proportion avec les autres et par son mérite et par son influence : c’est le Plutarque d’Amyot. […] Il visite l’Italie, et s’arrête longtemps à Rome et à Venise, recherchant les manuscrits des auteurs grecs, et surtout de Plutarque.

244. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Pantalon, qui a justement besoin de faire réparer une serrure, arrête au passage Cintio qui est fort embarrassé, d’autant que Mezzetin le poursuit de ses quolibets. […] Les sbires arrêtent le capitaine, qui est fouillé ; la fureur comique de Bellorofonte se devine aisément : « C’est l’Électeur palatin qui se venge, s’écrie-t-il, parce que je lui ai enlevé ses États ; il me le payera cher ! 

245. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Par exemple, un éclair ou un coup de tonnerre produira en moi un ébranlement très-vif qui, je l’accorde, ne cessera pas tout d’un coup, et je puis passer très-rapidement et à mon insu par des alternatives de bruit et de silence, de lumière et de nuit, avant de m’arrêter au silence complet et à la nuit complète ; mais il n’y a rien là qui m’oblige à repasser par une série de phénomènes antérieurs. […] « Il est bien vrai, dit-il, que les changements organiques du cerveau font quelquefois disparaître la mémoire des faits qui se rapportent à certaines périodes ou à certaines classes de mots, tels que les substantifs, les adjectifs ; mais cette perte ne pourrait être expliquée au point de vue matériel qu’en admettant que les impressions se fixent d’une manière successive dans des portions stratifiées du cerveau, ce à quoi il n’est pas permis de s’arrêter un seul instant… La faculté de conserver ou de reproduire les images ou les idées des objets qui ont frappé les sens ne permet pas d’admettre que les séries d’idées soient fixées dans telles ou telles parties du cerveau, par exemple, dans les corpuscules ganglionnaires de la substance grise, car les idées accumulées dans l’âme s’unissent entre elles de manières très-variées, telles que les relations de succession, de simultanéité, d’analogie, de dissemblance, et ces relations varient à chaque instant. » Müller ajoute : « D’ailleurs, si l’on voulait attribuer la perception et la pensée aux corpuscules ganglionnaires et considérer le travail de l’esprit, — quand il s’élève des notions particulières aux notions générales, ou redescend de celles-ci à celle-là, — comme l’effet d’une exaltation de la partie périphérique des corpuscules ganglionnaires relativement à celle de leurs parties centrales ou de leur noyau relativement à leur périphérie, si l’on prétendait que la réunion des conceptions en une pensée ou en un jugement qui exige à la fois l’idée de l’objet, celle des attributs et celle de la copule, dépend du conflit de ces corpuscules et d’une action des prolongements qui les unissent ensemble ; si l’on prétendait que l’association des idées dépend de l’action soit simultanée, soit successive, de ces corpuscules, — on ne ferait que se perdre au milieu d’hypothèses vagues et dépourvues de tout fondement72. » De tout ce qui précède, je ne crois pas qu’il soit bien téméraire de conclure que nous ne savons rien, absolument rien, des opérations du cerveau, rien des phénomènes dont il est le théâtre lorsque la pensée se produit dans l’esprit.

246. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Si nous rencontrions dans la rue une seule des figures de femmes de Raphael, elle nous arrêterait tout à coup, nous tomberions dans l’admiration la plus profonde, nous nous attacherions à ses pas, et nous la suivrions jusqu’à ce qu’elle nous fût dérobée. Et il y a sur la toile du peintre, deux, trois, quatre figures semblables ; elles y sont environnées d’une foule d’autres figures d’hommes d’un aussi beau caractère, toutes concourent de la manière la plus grande, la plus simple, la plus vraie, à une action extraordinaire, intéressante ; et rien ne m’appelle, rien ne me parle, rien ne m’arrête !

247. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Inepte ou capable, il serait à propos qu’un sujet s’y arrêtât pendant un certain intervalle de temps. […] Elle pense que la crainte des peines à venir a beaucoup d’influence sur les actions des hommes, et que la méchanceté que la vue du gibet n’arrête pas, peut être retenue par la crainte d’un châtiment éloigné.

248. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Tu détruis tout, et le goût et les mœurs ; tu arrêtes la pente la plus douce de la nature. […] Partout où vous verrez une poignée de terre recueillie dans la plaine, portée dans un panier d’osier, aller couvrir la pointe nue d’un rocher, et l’espérance d’un épi l’arrêter là par une claie, soyez sûr que vous verrez peu de grands édifices, peu de statues, que vous trouverez peu d’orphées, que vous entendrez peu de poëmes divins… et que m’importe ces monumens fastueux ?

249. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Sa timidité, sa réserve, cette pensée chez elle arrêtée qu’une femme doit vivre cachée, étendirent sur ses rares qualités un voile que bien peu soulevèrent. […] J’arrête ici le résumé de cette curieuse conversation si significative dans ses appréciations et ses conclusions. […] Sur un visage rose, son épaisse moustache s’arrête net au niveau de la lèvre. […] Pour des raisons qu’il a expliquées, l’auteur a cru en devoir arrêter la publication. […] Je m’arrête sur ce point délicat, renvoyant les hommes de bonne foi, et les autres s’ils y veulent aller, à ouvrage de M. 

250. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Il s’arrêta aux types les plus vulgaires, les adopta de préférence et en fit ses modèles favoris. […] A chaque manifestation progressive du système, l’auteur récoltait des bravos et des profits ; il n’y avait plus de raison pour qu’il s’arrêtât. […] La science s’arrête là où les moyens d’investigation lui manquent. […] L’honnêteté marche un trot régulier qui ne s’arrête guère, mais qui ne donne pas de coups d’éclat. […] C’est sur cette idée, ou cet objet qu’il faut ramener toute l’intensité de lumière, c’est le point culminant qui doit arrêter l’attention.

251. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Ce terrible vagabondage ne s’arrête qu’à l’abîme. […] Non, mais par hasard il passe devant la tombe du Commandeur ; il s’arrête, encore tout chaud du combat qu’il vient de livrer, et très heureux d’avoir un nouveau rendez-vous d’amour pour le soir. […] Pendant que Molière croit à Don Juan, à son impiété, à ses crimes, à son châtiment dans les flammes éternelles, Thomas Corneille joue avec le feu éternel ; il croyait en Molière, et toute sa croyance s’arrêtait là. […] — Je tâcherais de trouver un honnête homme et de m’arrêter chez lui ! […] » Il est sur le point de ramasser un gant de mademoiselle de La Vallière, mais il s’arrête en se disant : — C’est un péché !

252. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Le nom de Farcy est peut-être le seul qui frappe et arrête, et encore combien ce nom sonnait peu haut dans la renommée ! […] Ta confidence est déjà pour lui un mauvais exemple et une excuse. » Et encore : « Ne nous plaignons jamais de notre destinée : qui se fait plaindre se fait mépriser. » Mais nous avons trouvé, dans un journal qu’il écrivait à son usage, quelques détails précieux sur cette année de solitude et d’épreuves : « J’ai quitté Londres le lundi 2 juin 1828 ; le navire George et Mary, sur lequel j’avais arrêté mon passage, était parti le dimanche matin ; il m’a fallu le joindre à Gravesend : c’est de là que j’ai adressé mes derniers adieux à mes amis de France. […] « Il n’a pas encore d’idées arrêtées ; il cherche à connaître et vit avec les livres plus qu’avec les hommes ; il ramène tout, par désir d’unité, par élan de pensée, par ignorance, au point de vue le plus simple et le plus abstrait ; il raisonne au lieu d’observer, il est logicien intraitable ; le droit non-seulement domine, mais opprime le fait. […] Pour nous, tâchons seulement qu’elle soit belle et digne d’arrêter les regards. […] « Cette amitié n’est ni morale ni poétique… » Ici s’arrête la note inachevée.

253. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Personne ne l’arrête pour lui tendre une main banale dans la foule, il parle à peu de passants ; mais quand il en rencontre par hasard un qu’il goûte ou qu’il aime, il revient sur ses pas, et il l’accompagne en sens contraire de sa route, comme quelqu’un à qui il est égal d’aller ici, ou là, et de perdre des pas ou du temps, pourvu qu’il ne perde rien de son cœur, de son esprit et de son goût pour ceux qui lui plaisent. […] VII Les passants s’arrêtent pour saisir au vol quelques phrases tronquées de ce dialogue entre ce jeune homme communicatif de l’enthousiasme qu’il rapporte à la maison avec son livret sous le bras. […] Le premier Napoléon, quand il s’arrêta quelques jours à Mâcon avec sa cour en 1805, en allant se faire couronner à Milan roi d’Italie, le fit appeler comme il avait fait appeler M.  […] » À l’extrémité de cette plaine virgilienne de la Bresse, on rencontre tout à coup, au lieu de l’eau stagnante et fiévreuse des prairies de la Dombe, une rivière bleue comme le firmament de la Suisse italienne, joueuse comme des enfants sur des cailloux, écumante comme l’eau de savon battue par le battoir de la lessiveuse, gazouillante comme une volée de tourterelles bleues et blanches abattues sur un champ de lin en fleurs, jetant ses petits flocons d’écume çà et là sur son cours comme ces oiseaux éparpillant leurs plumes en se peignant du bec sur les touffes du lin ; on s’arrête tout étonné sur la grève des cailloux arrondis par le roulis éternel de cette rivière de montagne, débouchant, tout étonnée elle-même, dans la plaine. […] Ces accidents de construction font les charmes des paysagistes ; le donjon de Saint-Lupicin avec ses terrasses, ses jardins encaissés dans des décombres, ses cours de fermes pleines du vagissement des vaches, du chant des coqs, du roucoulement des pigeons qui blanchissent les rebords du toit des puits rustiques où la corde arrondie repose sur les auges dans des troncs d’arbres creusés pour abreuver les étables, arrête l’œil du passant.

254. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

On employa toutes les pieuses fraudes pour prouver que saint Samson avait été métropolitain ; mais les cadres de l’Église universelle étaient déjà trop arrêtés pour qu’une telle intrusion pût réussir, et les nouveaux évêchés furent obligés de s’agréger à la province gallo-romaine la plus voisine : celle de Tours. […] Ils n’admettent que leur Paris ; je les trouve bornés au fond… Non, on ne peut plus comprendre combien ces vieux nobles de campagne étaient respectés, quoiqu’ils fussent pauvres. » Elle s’arrêta quelque temps, puis reprit III « Te souviens-tu de la petite commune de Trédarzec, dont on voyait le clocher de la tourelle de notre maison ? […] se disait-elle, je ne pourrai arrêter un moment son regard ? […] La folie n’étant pas constatée, le fait d’avoir laissé arrêter la sacristine était impardonnable. […] La malheureuse fut arrêtée et conduite à Saint-Brieuc pour les assises.

255. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Mais cette ressemblance est trompeuse et s’arrête à la surface. […] C’est à cette conclusion générale que nous voulons nous arrêter. […] Son âme marche du même train que le drame et ne peut s’arrêter non plus que lui. […] Nous arrêterons là nos réflexions. […] Lorsqu’il s’arrête, c’est faute de souffle, non de bonne volonté.

256. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

S’il se fût arrêté à ce dernier parti, je suis sûr qu’il eut rencontré la clarté, et que toute la pièce eût été inondée d’une lumière pure et abondante. […] Il n’y a pour elle aucune raison d’être ou de s’arrêter. […] Engagé dans une voie vraie, il n’a pas su s’arrêter à temps. […] Une fois engagé sur cette pente de plus en plus glissante, où s’arrêtera M.  […] Agnès se rend aux conseils de Guillaume, et s’enfuit avec le désir et l’espérance d’être arrêtée dans sa fuite.

257. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Delaunay arrêtait tout. […] Monsieur le rédacteur en chef, Les journaux ont annoncé que les représentations de notre pièce : Henriette Maréchal, étaient arrêtées. […] Thierry que, quand même nous aurions fait le plus grand chef-d’œuvre ou la plus grande turpitude, chef-d’œuvre ou turpitude n’exciteraient pas de telles passions, un tel bruit ; que ce qu’on sifflait n’était point notre pièce ; et que devant cette situation, devant des attaques sans précédent, devant la majorité des applaudissements, devant le courage et la confiance de nos acteurs, décidés à lutter jusqu’au bout, nous ne pouvions ni ne voulions retirer Henriette Maréchal et que nous étions décidés à attendre qu’elle fût arrêtée par l’administration, interdite par l’autorité. […] Thierry après la pièce, nous lui disions qu’il nous semblait bien dur d’être arrêtés après une telle soirée, où le succès semblait enfin conquis : M.  […] Peut-être si l’on ne nous avait pas aussi brutalement arrêtés, à une troisième ou à une quatrième pièce, aurions-nous un peu plus complètement réalisé ce que notre ambition littéraire avait entrevu.

258. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

— Arrête les coursiers », dit le roi à l’écuyer qui murmure. […] Mais gardons-nous de profaner cette sainte retraite ; arrête promptement le char, que je puisse en descendre. […] (Elle s’arrête à le contempler avec admiration.) […] Quand je réfléchis sur la puissance de Brahma et sur les perfections de cette femme incomparable, il me semble que ce n’est qu’après avoir réuni dans sa pensée tous les éléments propres à produire les plus belles formes, et les avoir combinés de mille manières dans ce dessein, qu’il s’est enfin arrêté à l’expression de cette beauté divine, le chef-d’œuvre de la création. […] « Voyez », leur disait-elle en faisant un doux mensonge, « mon pied vient d’être cruellement blessé par cette pointe aiguë de cousa » ; et elle s’arrêta sans sujet.

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