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412. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

C’était, disait-il, le coquet surplis avec lequel il servait la messe, l’élégante calotte qu’il avait sur ses cheveux bouclés, les compliments sur sa charmante petite personne, les louanges sur sa jolie voix de ténorino, qui lui donnaient l’air d’un enfant confit en dévotion. […] Ainsi je sens parfaitement, au son de la voix de mes amis, les choses dites pour m’annoncer de vraies et positives bonnes nouvelles, et les choses dites pour m’être agréable, pour panser des blessures, les choses de gentille amabilité qui sont des compliments à côté de la vérité. […] » On passe à table, avec de la nervosité montée dans les voix, et le souffle de la contradiction dans les paroles. […] C’est un Ramsès, le fils de celui dont le nom a fait le tour du monde par les exploits de son bras , dont les victoires sculptées ornent les murs d’Ibsamboul, de Louqsor, du Ramasseum, et pendant que mon esprit est à sa glorieuse campagne contre les peuples de l’Asie occidentale, où, séparé de son armée, et attaqué par un corps de 2 500 chars, il n’échappe à la mort que par des prodiges de valeur, une voix de ventriloque, une voix comique de Bridoux, parlant avec un gardien de la permutation d’un camarade dans une brigade du Nord, me tire de ma rêvasserie, presque colère, et me chasse plus loin. […] Une tête, où court sur la tempe une mèche grise, semblable à une aile d’oiseau repliée, une conversation intelligente, substantielle, savante, aimant le mot abstrait, une conversation qu’on pourrait qualifier de mystico-philosophique, servie par une petite voix flûtée, qui a parfois les sons mystérieusement enroués d’une voix d’adolescent entrain de muer.

413. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Les voix de la nature « ne sont qu’un bégaiement immense », L’homme seul peut parler, et l’homme ignore, hélas ! […] Les plus ineffables accents de la voix féminine employés à vous bercer, et suppléant pour vous à l’univers évanoui. […] (des Voix). […] Religions et religion (des Voix), p.112. […] Les Quatre Vents de l’esprit (Deux voix dans le ciel), p. 170.

414. (1813) Réflexions sur le suicide

Tout à coup on entendit la voix d’un Ange, qui sous la forme d’un Ministre de l’Église lui disait ; —  Fils de Saint-Louis, montez au Ciel ! […] L’un d’eux a pu défigurer les traits dans lesquels il avait lu de généreuses pensées, l’autre a souhaité de ne plus entendre la voix qui les avait excitées dans son âme ? […] L’air était d’une douceur inexprimable : il me semblait que j’entendais la voix de Dieu dans le souffle invisible et tout-puissant qui me redonnait à chaque instant la vie ; la vie ! […] — — Quoi, dit encore d’une voix ébranlée cet ami que j’avais vu si calme dans d’autres temps, savez-vous que ce supplice peut être douloureux, qu’il peut se prolonger, qu’une main mal assurée… ? […] Pardonnez ma faiblesse, ô mon père en religion, vous qui m’avez tendrement chérie ; nous serons réunis dans le ciel, mais entendrai-je encore cette voix si touchante qui m’annonçait un Dieu de bonté ?

415. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

dans huit jours vous n’y penserez plus, reprit-il avec sa voix enrouée ; c’est quelque chose que d’être seul, allez, dans des temps comme ceux où nous vivons. […] Je l’entends encore d’ici avec sa petite voix : À gauche ! […] « Elle disait tout ça d’une voix si douce qu’on aurait cru que c’était une musique. […] « Je ne demande rien, capitaine, dit-il avec une voix aussi douce que de coutume ; je serais désolé de vous faire manquer à vos devoirs. […] … * * * « Et la voix du commandant s’éteignit peu à peu et devint aussi incertaine que ses paroles ; et il marcha en se mordant les lèvres et en fronçant le sourcil dans une distraction terrible et farouche.

416. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Nous restâmes impatients et attentifs, assis sur l’herbe à portée de la voix. […] Il voit comme un dieu tout ce qu’il veut regarder à la fois ou tour à tour. » Alors elle nous lut d’une voix lente, grave et cadencée, le premier chant. […] Mais ici notre mère, retrouvant toutes les naïvetés du ménage antique restées les usages du ménage moderne dans notre vie rurale, redoubla d’intérêt dans sa voix et redoubla notre attention par la sienne. […] « À l’instant les chiens à la voix retentissante aperçoivent Ulysse ; ils s’élancent en aboyant avec fureur contre lui. […] … Nous aurions écouté sans fin et sans lassitude pendant dix étés de suite un si délicieux poème, si Homère, par la voix de notre jeune mère, avait continué à raconter ainsi ; mais le poème finit avec les beaux jours.

417. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

généreux, dévoués, se chargeant eux-mêmes, s’accusant de tout : Bories le premier, Bories, jeune martyr au front calme, au cœur résigné, plein de vertu et de génie, confondant ses juges, consolant et relevant ses compagnons ; les soutenant sur la charrette du supplice contre l’horreur d’une mort méconnue ; les faisant monter avant lui sur l’échafaud pour les affermir jusqu’au bout de son regard et de sa voix ; Bories, figure mélancolique et sans tache, luttant contre l’oubli ; nom sublime à inscrire dans la mémoire publique à côté des Roland, des Vergniaud, des Oudet, des Hoche et des Manuel !  […] C’était la voix vibrante, même en causant, d’un apôtre : on l’écoutait avec respect, quand même on ne partageait pas sa croyance. […] Je ne puis oublier la voix de M.  […] … Mais pas une voix qui réponde, Que le flot grondant sur l’écueil. […] Poitrine large et forte, constitution qu’on eût dite des plus robustes, épaules carrées (il avait une grosse veine bleue sur la poitrine à droite, près du sein, qui frappait tout d’abord le regard), la voix toujours ferme et haute sans fatigue, l’appétit solide même durant ses souffrances, sans répugnance pour aucun mets, pas de délicatesse maladive, un organisme des plus sains, de lésion nulle part, sauf celle produite par la maladie dont il est mort, et qui n’était peut-être pas incurable.

418. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Mais, Richard Wagner, d’abord, fut, non seulement, comme Hugo, un théoricien de ses créations, mais le théoricien, philosophe, qui, à jamais, indestructiblement, comprit, et proclama la loi intime de l’Art ; puis, il fut l’artiste, l’accomplisseur de la tâche nécessaire ; il fit l’œuvre complète d’art complet, la synthétique révélation où Racine et Bach, Hugo et Berlioz, et, le précurseur, Beethoven, ont apporté leurs spéciaux efforts, leur vision, et leur voix, — où se viendra instruire l’Art, toujours. […] Qu’il unisse intimement la poésie et la musique, non pour les faire briller l’une par l’autre, mais en vue du drame seul ; qu’il repousse sans faiblesse, poète, tous les agréments littéraires, musicien, toutes les beautés vocales et symphoniques qui seraient de nature à interrompre l’émotion tragique ; qu’il renonce au récitatif, aux ariettes, aux strettes, aux ensembles même, à moins que le drame, à qui tout doit être sacrifié, n’exige l’union des voix diverses ; qu’il rompe le cadre de l’antique mélodie carrée ; que sa mélodie, sans se germaniser, se prolonge infiniment selon le rythme poétique ; que sa musique, en un mot, devienne la parole, mais une parole qui soit la musique pourtant ; et surtout, que l’orchestre mêlant, développant, par toutes les ressources de l’inspiration et de la science, les thèmes représentatifs des passions et des caractères, soit comme une grande cuve où l’on entendra bouillir tous les éléments du drame en fusion, pendant qu’enveloppée de l’atmosphère tragique qui en émane, l’action héroïque et hautaine, complexe, mais logiquement issue d’une seule idée, se hâtera parmi les passions violentes et les incidents inattendus, et les sourires, et les pleurs, vers quelque noble émotion finale ! […] Et nous voyons encore le Maître, avec la Volonté ordonnatrice déjà indiquée, trouver cette mélodie sans sortir de la musique, comme de l’Idée du monde ; car, en vérité, ce n’est point le sens des paroles qui nous émeut lorsqu’apparaissent les voix humaines, mais seulement le caractère même de ces voix humaines. […] Cette mélodie est, maintenant, le Cantus firmus, le Choral de la nouvelle communion, autour duquel, comme autour du Choral religieux de Bach, les voix harmoniques ultérieures se groupent en contrepoint. Rien n’est comparable à la ferveur pieuse avec laquelle chaque voix nouvellement arrivante redit ce motif premier, de la plus pure innocence, jusque ce que toutes les nuances et toutes les splendeurs de l’expression se fondent en elle, comme le Monde des Vivants autour d’un dogme, — enfin révélé — de pur Amour.

419. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Pour Victor Hugo, ce génie lyrique par essence, à l’inspiration large toujours, sinon toujours mesurée, les choses prenaient vie et âme : il croyait les entendre tour à tour, ou mieux encore toutes ensemble, et il a fait de son œuvre un chœur immense, puissant parfois jusqu’à assourdir, duquel se dégage, comme une voix d’airain retentissante et prophétique, la voix même de la nature, telle qu’elle a résonné au cœur du poète. […] La note musicale n’est que le prolongement des vibrations de la voix émue et ne trouve sa raison que dans l’émotion même. […] Quand les trois Nornes, assises sur les racines du frêne Yggrasill, symbole du monde, élèvent leurs voix tour à tour, la première chante le passé, car elle est la vieille Urda, « l’éternel souvenir », la seconde chante le présent solennel, le jour heureux et fécond où le juste est né : Ce fruit sacré, désir des siècles, vient d’éclore. […] Sur ces lèvres sans voix éclate un rire amer, Ils m’entraînent, parmi la ronce et les décombres, Très loin, par un ciel lourd et terne de l’hiver. […] Puis le poète entre dans une église, au mois de Marie, et il entend le sermon d’un prêtre : Je l’entendis longtemps parler d’une voix dure, Mêlant son dogme trouble à la morale pure Et, dans son rêve noir et respirant l’effroi, Jetant les mots d’amour, d’espérance et de foi, Pareil à l’orateur qui, sous le drapeau rouge, Parlait aux malheureux réunis dans le bouge De progrès, de bonheur et de fraternité.

420. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Quand nous dévorions ses plaintes, et quand des voix vagues voulaient nous révéler cette mystérieuse histoire, nous nous refusions à entendre, et aujourd’hui même nous ne voulons rien savoir et rien répéter de ce qu’on a murmuré. […] Marietta, tu nous restais encore ; Lorsque sur le sillon l’oiseau chante l’aurore, Le laboureur s’arrête, et, le front en sueur, Aspire dans l’air pur un souffle de bonheur : Ainsi nous consolait ta voix fraîche et sonore, Et tes chants dans les airs emportaient la douleur ! […] Nous avons entrevu dans tous les climats bien des femmes dont les traits éblouissaient les yeux, dont le timbre de l’âme dans la voix ébranlait le cœur, dont les regards répandaient plus de lueurs qu’il n’y en a dans l’aube et dans les étoiles d’un ciel d’Orient ; mais nous n’avons jamais vu et nous craignons qu’on ne revoie jamais (car la nature s’égale mais ne se répète pas) une créature innomée comparable à cette bayadère du ciel ici-bas. Nous disons bayadère dans le sens pur et pieux du mot, une cariatide vivante des temples de la divinité dans les Indes, l’ivresse de l’oreille et des yeux dévoilée aux hommes pour enlever l’âme au ciel par les regards et par la voix ! […] Il me semblait que j’entendais la voix ricaneuse de don Juan, ou la voix plus grinçante de Heine le poète réprouvé de cette école, nous dire, en se faisant une joie de notre horreur : Tenez, regardez votre idéal : Ici la jeunesse, ici la beauté, ici l’innocence, ici l’amour, ici la pudeur, ici la vertu, ici la piété, ici la poésie, cette fleur de l’âme !

421. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

À cette heure, où la moyenne thermométrique est comprise entre 33 et 34 degrés centigrades, la voix des mammifères et des oiseaux se tait. […] Ce sont des voix nouvelles qui entrent une à une dans le cantique du Cosmos, dans l’hosanna de la création. […] C’est le coup sourd des vagues qui s’amoncellent et qui viennent de minute en minute heurter les flancs du vaisseau ; ce sont les plaintes des madriers et des solives qui, dans cet immense chantier flottant, tendent à se détacher les uns des autres pour reprendre leur liberté ; ce sont les sifflements des ailes du vent à travers les voilures, dont cinq cents matelots intrépides prennent les ris ; le tumulte des hommes sur le pont tremblant, la voix et le sifflet du commandant, les voiles qui se déchirent et qui emportent dans les airs la force échappée de leurs plis, les mâts surchargés qui se rompent et qui tombent avec leurs vergues et leurs cordages sur les bastingages, le pas précipité des matelots courant où le signal les appelle, les coups de haches qui précipitent à la mer ces débris pour que leur poids ajouté au roulis du navire ne l’entraîne pas dans l’abîme ; le tangage colossal de ces débris mesuré par six cents pieds de quille, tantôt semble gravir jusqu’aux nuages la lame écumeuse et la diriger en plein firmament, tantôt, arrivé au sommet de la vague, se précipiter la tête la première, les bras des vergues tendus en avant dans l’abîme où il glisse, le gouvernail touchant au fond de l’océan ; les matelots suspendus aux câbles décrivent des oscillations gigantesques sur l’arc des cieux ; les canons détachés de leurs embouchures roulent çà et là sur les trois ponts avec des éclats de foudre ; à chaque effondrement du vaisseau entre des montagnes d’écumes qui semblent l’engloutir, un cri perçant monte de la prison des condamnés, puis des voix de femmes et d’enfants qui croient toucher à leur dernière heure. […] Quand la lune sereine de la campagne romaine se lève dans le ciel et laisse filtrer sa blanche lueur à travers les brèches du Colisée sur l’arène du Cirque, quelques humbles voix de solitaires s’élèvent et demandent grâce pour les forfaits et pour les orgueils de l’humanité.

422. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

» — L’Ombre gourmande d’une voix de chasseuse cette meute négligente, elle la relance furieusement sur la piste du parricide échappé. — « Tu poursuis la bête en dormant, et tu hurles, te croyant encore sur sa trace ! […] Des bords du Scamandre elle a entendu l’appel de son suppliant, et elle accourt à sa voix. […] Entre le père et la mère, Pallas n’hérite pas : — « Certes, ma voix est à Oreste : je n’ai pas de mère qui m’ait enfantée. […] La souillure mortelle aura tout détruit. » Pallas entreprend de les apaiser, et la « Persuasion aux douces lèvres » parle par sa voix. […] À sa voix, la main de Jéhovah sort une seconde fois de la nue, et rature la Table de ses lois aux endroits iniques.

423. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Nous plaignons madame du Barry, tordant ses beaux bras nus sur la charrette du supplice, et criant à Samson, de sa voix d’enfant : « Monsieur le bourreau, ne me faites pas de mal !  […] Le nom de Des Grieux traverse sa pensée et couvre ses joues de loyales rougeurs ; mais Marguerite supplie et tente, d’une voix si câline, si tendre, si mourante, qu’il succombe. […] Quand la somme est splendide, il appelle la foule d’une de ces voix qui sonnent le scandale. […] A sa vue, la voix lui manque, les mains lui tremblent, ses yeux jettent la flamme ; elle va pousser, l’un après l’autre, tous les verrous de ces portes banales, et les transports recommencent, et les promesses, et les serments, et toutes les divagations enivrés des joies illicites qui prennent leur bien où elles le trouvent et le dévorent n’importe où. […] Mais le comte n’accepte pas cette chance inégale ; seulement, et de sa voix la plus nette et la plus concise, il avertit M. 

424. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Pendant qu’il se disait ces choses assez haut, une voix intérieure lui parlait plus bas, et cette voix avait un nom pour lui. Heureux ceux d’alors pour qui cette voix conservait le nom efficace et distinct, s’appelant simplement la grâce de Jésus-Christ ! […] « L’illustre vieillard, s’enfonçant dans ses années, cesse d’être en rapport, excepté par la gloire, avec les générations qui s’élèvent ; il leur parle encore du désert de Ferney, mais il n’a plus que sa voix au milieu d’elles.

425. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Par sa naissance, par son éducation et sa première vie dans une province la plus fidèle de toutes à la tradition et à l’ordre ancien, par le genre de ses relations ecclésiastiques et royalistes dans le monde lorsqu’il s’y lança, par la nature de son scepticisme lorsqu’il fut atteint de ce mal, par la forme soumise et régulière de son retour à la foi, par tout ce qui constitue enfin les mœurs, l’habitude pratique, l’union de la personne et de la pensée, l’allure intérieure ou apparente, la qualité saine du langage et l’accent même de la voix, M. de La Mennais, à aucune époque, n’a trempé dans le siècle récent, ne s’y est fondu en aucun point ; il a demeuré jusqu’en ses écarts sur des portions plus éloignées du centre et moins entamées ; dans toute sa période de formation et de jeunesse pieuse ou rebelle, il a fait le grand tour, pour ainsi dire, de notre Babylone éphémère, et si plus tard il est entré dans l’enceinte, ç’a été avec un cri d’assaut, muni d’armes sacrées, se hâtant aux régions d’avenir et perçant ce qui s’offrait à l’encontre au fil de son inflexible esprit. […] Pendant que lisait l’auteur, bien souvent distrait des paroles, n’écoutant que sa voix, occupé à son accent insolite et à sa face qui s’éclairait du dedans, j’ai subi sur l’intimité de son être des révélations d’âme à âme qui m’ont fait voir clair en une bien pure essence. […] « Ils ont aussi passé sur cette terre, ils ont descendu le fleuve du Temps ; on entendit leurs voix sur ses bords, et puis l’on n’entendit plus rien. […] « Des lieux inconnus où le fleuve se perd, deux voix s’élèvent incessamment. 

426. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

« Voix nombreuses . […] Quant à moi, en laissant à chacun la liberté d’apprécier à son point de vue le livre de cet écrivain, je proteste formellement contre les doctrines qui y sont émises, et je suis persuadé que ma voix aura ici beaucoup d’échos. […] « Voix diverses. […] «  Sainte-Beuve. »   Je ne me crois pas en droit de produire la réponse textuelle de M. le Président du Sénat : qu’il me suffise de dire qu’elle était non-seulement extrêmement polie, mais bienveillante, et que M. le Président Troplong m’assurait que, lorsque ces questions de doctrine se représenteraient par leur côté légal et politique, je serais autorisé à faire entendre ma voix à mon tour et à mon rang de parole.

427. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

De même la race des humains naît et s’écoule. » — Dans une de ces odes de Pindare, hérissées de lauriers et drapées de pourpre, retentissantes du chant des clairons, qui ressemblent à des processions triomphales, apparaît l’image et rapide et voilée d’une jeune femme blessée par une douleur mystérieuse : — « Elle n’avait plus le courage de s’asseoir à une table nuptiale ni de mêler sa voix aux chants d’hyménée. […] Le bruit d’une révolution étouffa sa voix ; mais il n’en est pas moins resté le chef-d’œuvre de M.  […] La passion ose à peine élever la voix devant elle, et son amour ne fait pas plus de bruit, sous la pudeur rigide et taciturne dont elle le couvre, que le battement d’un cœur à travers une armure. […] Une voix sinistre tombe, comme un glas funèbre, sur ces effusions et sur ces tendresses : c’est celle de M. de Laffemas, lieutenant criminel, qui enfonce la porte, au nom du roi ; à peine Paul a-t-il le temps de rentrer dans son mur.

428. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Ici il ne mange plus, — car nous dînions, — sa voix devient amoureuse, son œil, plus vif, prend de la fixité, et avec sa haute parole, il nous emporte comme dans un monde de rêves et d’idées, où il fait jaillir, sous des mots, des éclairs qui nous montrent des sommets. […] Quand la feuille est venue, que nos personnages paraissent vivants, que notre dialogue nous semble une voix, nous sortons de ce papier, échappé de nos entrailles et que nous corrigeons avant de nous coucher, — nous sortons avec une vraie fièvre qui nous retourne deux ou trois heures, sans sommeil, dans notre lit. […] » Et la voix de mon dentiste était devenue une voix d’apôtre. — Dieu ne peut pas être homme, il est essence.

429. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

En vain, de toute ma piété, je chercherais à recueillir leur accent, le son de leur âme ; soudain, avec déplaisir, c’est ma voix qu’on entendrait. […] Je suis fier d’être soldat, d’être jeune, de me sentir brave et plein d’entrain ; je suis fier de rendre service à mon pays, à la France… La fidélité au drapeau, l’amour de la patrie, le respect de la parole donnée, le sentiment de l’honneur ne sont pas pour moi des mots creux et vides de sens ; ils résonnent comme un appel de clairon dans mon cœur de dix-huit ans, et c’est pour eux, s’il le devient nécessaire, que je saurai aller jusqu’au bout du sacrifice… (Lettres communiquées‌ Des milliers de voix, toutes pareilles, s’élèvent des classes 14, 15, 16, 17 à mesure que la patrie les appelle. […] … » Une autre nuit, dans un vallon perdu, j’ai entendu un rossignol chanter si merveilleusement que sa voix nous a fait taire longtemps… La nature me console ; elle est mon amie, je suis dans son intimité ; j’ai épié tous les moments de la nuit et du jour. […] Les mères françaises, les plus tendres, les plus craintives qui soient au monde, ont dit à leurs garçons en 1914 : « Je t’encouragerais de la voix, si je te voyais t’élancer au-devant de l’ennemi ».

430. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Leur voix n’a trouvé que peu d’échos dans le monde, parce que le monde n’a pas encore frissonné du même désir qu’eux. […] Leur simple voix fera la lumière dans ce chaos. […] Écoutez cette voix prophétique ; « Élargissons Dieu !  […] Elle obéit certes (et dans ce cas l’ordre est aisé à accomplir, il est rempli presque machinalement) ; mais croyez-vous qu’elle adhère intimement et réellement à l’ordre donné d’une voix brève, sans commentaire, qu’elle ressente personnellement la nécessité et l’intérêt de l’acte accompli, qu’elle le vive pour ainsi dire comme s’il émanait de sa propre personne ?

431. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

dit Renart, comme maintenant est claire et comme est pure votre voix ! […] Renart, insistant sur le cousinage : « Souviens-toi de Chanteclin, lui dit-il, le bon père qui t’engendra : Jamais Coq si bien ne chanta ; Telle voix eut et si clair ton Que d’une lieue l’entendait-on, Et chantait fort à longue haleine Les deux yeux clos et la voix saine ; D’une grand lieue on l’entendait Quand il chantait et refrainait. » Ce que Renart veut obtenir cette fois, c’est que le Coq ferme les deux yeux en chantant ; c’est, selon lui, la seule bonne méthode.

432. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

La première pièce est adressée à Barthélémy, dont Veyrat avait fait de loin, faute de le connaître, son oracle et son dieu : Je ne t’ai jamais vu ; mais ta voix de poëte A retenti longtemps au fond de ma retraite ; Mais dans mon cœur froissé par un maître inhumain, Je nourris un serpent échappé de ta main : J’ai voué les tyrans à toutes les furies ! […] ta voix m’était connue ! […] N’allez pas plus loin, je vous en conjure ; sur la route où vous êtes ; écoutez une voix qui vous fut chère un jour.

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