Jeudi 6 mai Il n’y a que Paris pour ces tragédies bourgeoises.
Aussi la jalousie tragique semble-t-elle assez rare, si l’on en croit les contes, car je n’en vois qu’un seul où le désir exaspéré amène une tragédie domestique (V.
On connaît de lui ce mot employé dans une de nos plus belles tragédies : « Ta religion t’a ordonné de m’assassiner ; la mienne m’ordonne de te pardonner et de te plaindre. » Ce mot, dont on se souvient, est fort au-dessus d’une oraison funèbre qu’on oublie.
Les rudes imitations ou les élans patriotiques des vieux poëtes de la tragédie romaine ne retentiront plus au théâtre, ne plairont plus aux esprits élégants et seront comptés parmi les admirations surannées qu’on reprochait à Cicéron en fait de poésie.
On ne s’étonne pas, en les méditant, qu’une si noble création ait enfanté la pathétique tragédie de notre Racine aussi profondément sensible que le poète latin. […] Or la condition de l’exorde influe sur toutes les parties de la fable épique, ainsi que l’exposition dans la tragédie sur la texture entière des actes qui la composent. […] Une épopée ne commence pas, comme une tragédie : le poème débute par un exorde qui annonce nettement le sujet, et le drame par une exposition de faits et de caractères qui le font seulement pressentir. Dans le premier genre, l’auteur promet ; dans le second, il ne s’engage point : mais vous savez que le but de la tragédie est de vous faire frémir ou pleurer ; et votre attente est déçue en ce point, si la catastrophe n’est pas terrible ou pathétique ; par cette raison, on estime les tragédies qui vont au malheur du héros meilleures que celles qui finissent heureusement pour lui. […] Le style spécial de l’épopée comporte celui de la haute tragédie dans le dialogue, mais il le surpasse en richesse dans la description, et descend au-dessous de lui dans la naïveté des détails narratifs ; ce n’est donc pas le style tragique.
Les trois amis s’amusent à écrire une tragédie burlesque : Jenner ou la Découverte de la Vaccine. […] Comparant instinctivement Racine et Shakespeare, il lui semble que le théâtre de Racine rapetisse les grands sujets, que la tragédie classique fait du mesquin là où nous attendons et souhaitons du grand. […] De sorte que la technique de Madame Bovary est presque devenue, pour le roman, un modèle et un type analogue à ce qu’est Andromaque dans la tragédie. […] Dans le monde bourgeois (et aussi dans l’autre), l’amour ne s’isole pas plus de l’argent que dans la tragédie classique il ne s’isolait de l’ambition, de la gloire, des affaires des rois. […] Chez tous trois, il y a un élément de tragédie.
Rien de plus ; donc la comédie, laissant seulement à la tragédie les empereurs, les rois et les princes, les hommes publics et qui sont mêlés aux intérêts publics, peindra les mœurs, toutes les mœurs, ridicules ou odieuses, comiques ou tragiques, des bourgeois et des hommes du peuple ; c’est le drame. […] C’est, comme on le sait bien, la différence de la comédie et de la tragédie. La tragédie peignant l’extraordinaire et même, comme n’a pas hésité à le dire, et avec raison, Corneille, peignant l’invraisemblable, est forcée d’être historique, parce qu’au reproche d’invraisemblance elle répond : « c’est vrai ; cela a eu lieu », ce qui ferme la bouche aux contradicteurs. […] On a fait la même chose dans la tragédie pour suppléer aux situations prises dans les intérêts d’état qu’on ne connaît plus et aux sentiments naturels et simples qui ne touchent plus personne. […] Ceux-ci sont des anomalies nuisibles et redoutables ; ce sont personnages de tragédie.
Ceci nous promet une farce, une satire ou une tragédie. […] C’est la tragédie de Roland et de sa mort à Roncevaux. […] Est-ce que ses tragédies bibliques ne comptent donc pas ? […] Cette tragédie-là est bourrée de crises intérieures et la vie de Hamlet est une succession d’aventures. […] Ici la vie en miniature, la tragédie du minuscule ; là, dans le monde des gueux, la recherche de l’extraordinaire, la terreur du monstre dans l’homme.
Mais si l’on cherche cette trace dans notre littérature, pas plus dans le roman que dans la tragédie, on ne saurait, contrairement à ce qui eut lieu en Angleterre, discerner clairement cette influence. […] Les genres nobles sont ceux qu’ont illustré les anciens : la tragédie, l’épopée, l’histoire envisagée d’une certaine manière, avec « portraits » et discours… C’est peut-être même parce que les portraits existent dans les historiens antiques et dans Plutarque, qu’on en fit tant au cours du xvie et du xviie siècle, et que nos historiens académiques en font encore. Mais la vie de société y a introduit la psychologie, et ainsi a renouvelé le genre — comme d’ailleurs cette psychologie a renouvelé la tragédie, en a fait quelque chose de tout différent des chefs-d’œuvre grecs. […] La littérature, pour lui, demeurait toujours la tragédie, la comédie, ou l’histoire : ce sera non pas l’Essai sur les mœurs, qui nous apparaît maintenant comme un de ses plus grands titres de gloire, mais Charles XII et le siècle de Louis XIV. […] Viennet, membre de l’Académie française, ancien lieutenant-colonel d’artillerie, très brave soldat, ses états de service en font foi, excellent académicien, je suppose, auteur d’une tragédie d’Arbogaste que personne ne lit plus, et de Promenades au Père Lachaise également tombées dans l’oubli, malgré l’allécherie de ce titre macabre, bien étonnant sous la plume de ce furieux adversaire du romantisme.
Dans la Duchesse de Langeais, pour ne citer qu’un cas, mais significatif, une poignante tragédie d’amour commence par une dissertation sur le faubourg Saint-Germain et son rôle sous Louis XVIII et Charles X. […] Puis, continuant la lecture, vous constatez que ce chapitre de psychologie politique rend plus poignante encore cette tragédie. […] Tel est le cas, pour ne citer que des noms illustres, des tragédies de Voltaire, du René et de l’Atala de Chateaubriand, chez nous, et en Angleterre des romans de Walter Scott et des poèmes de Byron. […] En dehors des quatre écrivains que j’ai nommés, ses goûts allaient aux tragédies de Racine, à la Princesse de Clèves, à Manon Lescaut, et, plus près de nous, à Flaubert, auquel il reprochait pourtant ses surcharges, son coloris plaqué, ses cynismes, — ainsi la dernière visite de Mme Arnoux à Frédéric dans l’Éducation, — à Baudelaire. […] Dans cette tragédie privée quelle figure se détache avec le relief le plus puissant ?
malheureux que je suis, dit-il dans cette lettre à Scipion Gonzague ; moi qui ai été assez prédestiné pour écrire, outre deux poèmes épiques du ton le plus héroïque, quatre tragédies, et tant d’ouvrages en prose pour le charme ou pour l’utilité du genre humain ; moi qui me flattais de terminer ma vie dans une nuée de gloire, j’ai perdu toute perspective d’honneur et de renommée ! […] Cependant », poursuit-il, « je suis encore poursuivi et obsédé, malgré les soins des médecins, par mes imaginations et mes fantômes. » Il y acheva, à la requête de la princesse Léonora de Médicis, sa tragédie commencée, de Torrismond ; il y repolit les derniers chants de la Jérusalem.
Ses tragédies sont de belles déclamations en vers très imparfaits, dont la scène française n’a gardé que le nom. […] N’est-ce pas là un vrai trait de tragédie ?
Ou plutôt le problème est de faire que les « feuilletons » de la démocratie soient les épopées d’Homère, les tragédies de Shakespeare, les tragédies de Corneille, les romans de Hugo, les poèmes de Lamartine !
Il provient des mythes populaires et du vieux roman ; puis naît la tragédie classique française, traduction à contre-sens de théories grecques. Comme Weber, pour l’opéra, Goethe, pour la tragédie, revient aux vraies sources : les traditions populaires, dans Goetz, et l’art grec, dans Iphigénie ; et, de nouveau, avec Faust, comme avec le drame de Schiller, le romantisme historique envahit le théâtre.
« Je vois, dit Ulysse dans une tragédie de Sophocle, que nous ne sommes que des images vaines ou des ombres légères. » C’est dans ce sens que disait La Bruyère : « Il n’y a point d’année où les folies des hommes ne puissent fournir un volume de caractères. » Ajoutez : et de Comédies. […] , pour plaire à leurs maîtres qui étaient des soldats, ont laissé la comédie, et la tragédie, et le carmen saltare, et même le carmen seculare, pour raconter uniquement les sièges, les batailles, les villes prises et renversées, les traités violés et rompus.
Il composa le plan et les premiers chants d’un poème épique intitulé Clovis ; puis il écrivit dans les intervalles des Méditations poétiques ; enfin il pensa à chercher dans la tragédie une de ces renommées soudaines et éclatantes qui grandissent comme l’aloès en un soir, aux rayons du lustre, sur une scène à dix mille échos. Chose singulière et cependant exacte, moi-même, quinze ans plus tard, je composais le plan et les premiers chants d’un poème épique de Clovis ; j’écrivais, sous le titre de Méditations poétiques, des vers qui ne trouvaient pas à exprimer leur nature sous un autre titre ; enfin j’ébauchais cinq ou six tragédies avortées pour une scène où ma destinée n’était pas de monter au rang des Sophocle, des Shakespeare, des Corneille, ou de leurs rivaux d’aujourd’hui !
Après avoir étudié d’un peu près les personnages de cette sinistre tragédie, la vérité m’est apparue peu à peu jusqu’à devenir éclatante. […] Pour une Saint-Barthélemy, vous avez la longue, l’immense révolution religieuse qu’on appelle Révocation de l’édit de Nantes, cette cruelle comédie de la conversion forcée, puis la tragédie inouïe d’une proscription organisée par tous les moyens bureaucratiques et militaires d’un gouvernement moderne !
Pour ce beau trait suprême, Maynard s’est souvenu d’un chœur de Sénèque dans la tragédie d’Hercule sur le mont Œta (acte III).
Daru (et avec lui les projets étaient bientôt mis à exécution), il y avait une tragédie de Néron : « Je n’ai rien à dire contre votre plan, lui écrivait le père Lefebvre, mais vous referez, je l’imagine, le récit de la mort d’Agrippine que vous avez volé à Suétone ; c’était Tacite qu’il fallait piller : un voleur honnête ne s’adresse qu’aux riches. » On voit que le goût du père Lefebvre, comme celui des Oratoriens en général, était quelque peu orné et fleuri ; c’était un compromis avec le goût du siècle92.
Mirabeau faisait alors des vers, des tragédies ou des comédies ; il cultivait, comme il dit, Melpomène ; il commençait à s’occuper d’économie politique et rurale ; il avait des maîtresses, des passions de rechange, toutes les sortes d’ambition ; enfin il était (ce qu’il sera souvent) dans un état volcanique.
La Beaumelle se souvient qu’Auguste a fait une tragédie d’Ajax, et vite il fait dire à Frédéric : « J’ai lu qu’Auguste (p. 397) avait fait quelques poèmes dramatiques, entre autres un Ajax.