C’était le temps enfin du Grenier, des amis joyeux, de la reprise au revers du vieil habit ; l’aurore du règne de Lisette, de cette Lisette infidèle et tendre comme Manon, et dont il est dit dans un fragment de lettre qu’on me pardonnera de citer : « Si vous m’aviez donné à deviner quel vers vous avait choquée dans le Grenier (J’ai su depuis qui payait sa toilette), je vous l’aurais dit. […] je dois même dire si tendre ! […] À partir du Dieu des Bonnes Gens, toutes ses facultés, toutes ses passions tendres ou généreuses, se versèrent dans ce genre unique, qui ne lui avait semblé d’abord qu’une diversion et presque une dérogation à son talent.
Voici les premiers vers que j’ai retenus d’un de ces chants de tout à l’heure : Quel est ce roi sublime et tendre Qui vers nos déserts attiédis, Les yeux en pleurs, paraît descendre Les bleus coteaux du paradis ? […] Mais avant ces divers travaux de littérature ou de religion qui tendent toujours sans bruit à être des actions utiles, M. […] La mienne s’en retourne auprès de vous, fidèle ; Mais bientôt un remords la surprend en chemin ; Et, jeune mendiante, implorant votre main, Elle vous tend la sienne… en se voilant d’une aile !
Dante, en lui conférant cet honneur, pensait assurément à ce vers si tendre, si pieux pour leur guide commun, Virgile. […] Il oublie que les Mémoires d’Outre-Tombe, ce monument d’ordre composite, où tous les styles se fondent (quand ils ne se heurtent pas), où il y a innovation et rénovation de langage en même temps sans doute que tradition, et dont le titre seul est déjà une audace, donneront un complet démenti à cette théorie qui tend à nous renfermer dans une charte de style légitime, et à échafauder, à partir de M. de Chateaubriand, une barrière infranchissable, comme, avant lui, on en posait après Jean-Jacques et Bernardin. […] Nisard une incohérence par trop glorieuse, qui tendait à cumuler, en quelque sorte, les avantages des admirations les plus disparates et les plus affichées, une manière peu discrète de louer qui manquait de convenance envers tous ceux qu’elle associait si bruyamment, mais qui, dans le cas cité, en manquait surtout envers le plus pointilleux et le seul exclusif des trois.
Cousin, d’une plume incisive et comme d’une épée de feu, avait, du premier coup, élargi le débat ; les points choisis par lui tendaient à montrer Pascal bien autrement sceptique qu’on ne s’était habitué à le considérer ; il semblait résulter que les rectifications et les restitutions du texte primitif étaient toutes dans ce sens de scepticisme absolu ou de christianisme outré, et contraire aux idées saines d’un apologiste vraiment respectable. […] Faugère était mieux prédisposé que personne à mener à bien cette œuvre de restauration et de piété dans laquelle son esprit exact et délicat allait s’aiguiser d’une sensibilité tendre et scrupuleuse pour porter sur chaque point une investigation pénétrante. […] Voir surtout au tome II, page 341, le passage inédit où l’auteur, ravi dans une tendre contemplation, voit Jésus-Christ présent, converse avec lui, entend sa parole et lui répond : « On croirait lire, dit M augère, un chapitre de l’Imitation : Je pensois à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. — Veux-tu qu’il me coûte toujours du sang de mon humanité, sans que tu donnes des larmes ?
Mais tout s’organise, l’esprit classique mûrit, prend conscience de lui-même, les influences fâcheuses sont repoussées, les éléments disparates sont éliminés : les forces qui tendent au vrai, au simple, à la raison enfin, prévalent ; et les résultats apparaissent autour de 1660. […] Spirituelle, ironique, maligne, elle n’est point tendre, sentimentale ni mélancolique. […] Peut-être tend-elle trop à développer les vertus actives qui rapportent : on sent dans cette morale un peu terre à terre une femme que la vie a battue et rapetissée.
Pour peu qu'on lise ces Articles avec réflexion, il est évident qu'ils tendent à favoriser le matérialisme, & qu'ils combattent l'existence de Dieu. […] Fût-elle plus austere que nos Philosophes le prétendent, son joug n'est-il pas infiniment avantageux, puisqu'elle ne tend qu'à diminuer le nombre des vices, qu'à multiplier les vertus, qu'à établir le bonheur général, en mortifiant les intérêts particuliers ? […] Ces Enfans, que les soins paternels pourroient à peine défendre contre les dangers d'un âge si tendre, sont remis sans précautions, & dans toutes les saisons, à des Voituriers publics, distraits par d'autres intérêts ; de maniere que ces malheureuses victimes de l'insensibilité de leurs parens, souffrent tellement d'un pareil transport, que près de neuf dixiemes périssent avant l'âge de trois mois.
Elle s’avance bizarrement accoutrée et la tête haute, dans ce salon bruyamment hostile, le fend d’un long sillage, va droit à la duchesse stupéfaite, boit d’un trait la tasse que celle-ci lui tend d’un geste méprisant, lui remet, en échange, un chèque de vingt-cinq-mille francs, et lui dit qu’elle espère bien, à son tour, avoir sa visite. « Nous parlerons de M. […] Sachez donc que mistress Clarkson, quoique plus blanche que la blanche hermine, est une femme de couleur, fille d’une esclave qu’a remarquée son maître, « née de cette remarque », et vendue par son tendre père au marché de la Nouvelle-Orléans. […] Rien de tendre, mais rien non plus de perfide.
Par nature, par instinct et par vocation il n’était nullement un homme politique : il aimait avant tout la retraite, l’étude, la méditation, une société d’amis intimes, une tendre et amoureuse rêverie. […] Il se fait leur dénonciateur déclaré et commence contre eux sa guerre à mort : Comme la plupart des hommes, dit-il, ont des passions fortes et un jugement faible, dans ce moment tumultueux, toutes les passions étant en mouvement, ils veulent tous agir et ne savent point ce qu’il faut faire, ce qui les met bientôt à la merci des scélérats habiles : alors, l’homme sage les suit des yeux ; il regarde où ils tendent ; il observe leurs démarches et leurs préceptes ; il finit peut-être par démêler quels intérêts les animent, et il les déclare ennemis publics, s’il est vrai qu’ils prêchent une doctrine propre à égarer, reculer, détériorer l’esprit public. […] Mais, tout à coup, devant les yeux lui repasse l’image des horreurs publiques, et alors le sentiment vertueux et stoïque revient dominer le sentiment poétique et tendre.
Personne aujourd’hui ne frappe plus et n’est plus frappé au nom de Dieu ; personne ne prétend plus à usurper les droits et à devancer les arrêts du souverain juge. » Il est enfin une troisième liberté qui tend à grandir de plus en plus : c’est la liberté industrielle. […] En outre, dans un pays industriel, l’État lui-même se fait industriel et tend à devenir le chef de toutes les industries. […] Je crois volontiers que l’égalité, dans les premiers moments de la jouissance, et lorsque la grandeur de la lutte a cessé, tend à répandre un certain esprit de médiocrité parmi les hommes ; mais je ne désespère pas qu’avec le temps, et si elles échappent à l’anarchie et au despotisme, les sociétés démocratiques ne finissent par découvrir pour l’individu un nouveau genre de grandeur, égale ou supérieure même à celle de l’aristocratie.
Il existe (on ne le dit pas assez) une vaste confédération qui n’est pas faite de main d’homme, dont le caractère même est de ne rien exclure, qui embrasse toutes les autres dans son sein, et qui tend à pacifier toutes leurs discordes. […] Le monde tend à s’unir par la vie de la pensée. […] S’il est bon, sincère, affectueux, il trouvera, chez les gens de lettres qui lui ressemblent, de tendres et délicieuses amitiés.
Mais comme, à toute époque, le cercle formé par ces deux genres d’intelligences n’est jamais excessivement étendu, et comme, chaque jour, il tend à se rétrécir davantage dans notre société bourgeoise, occupée de grosses choses et se complaisant dans sa propre vulgarité, l’effet de la publication, risquée par la Revue des Deux-Mondes, n’alla pas plus loin. […] Malvina égarée, aux yeux blancs, perdus dans la nue, elle a tendu une main hagarde à la bague d’alliance… Mlle Eugénie de Guérin n’a eu ni mari ni enfant qui l’ait distraite de son frère, ou qui l’en ait consolée. […] » La servante de Jésus-Christ s’embaumait de la douceur et de la pitié de son Maître, quand il adressait presque le même adieu voilé et tendre à ceux qui l’avaient suivi sur la terre.
Figurez-vous un homme aux formes athlétiques, au visage splendide, rempli de séduction et de bonté, se promenant dans les rues, vêtu comme un ouvrier, causant familièrement avec tous, riant, interrogeant ou consolant, aimé de tous pour sa douce majesté, sa cordialité et son humeur joyeuse ; qui se baigne et ensuite se promène nu dans l’herbe humide au soleil, déclarant que « peut-être celui ou celle à qui la libre et exaltante extase de la nudité en pleine nature n’a pas été révélée, n’a-t-il jamais connu le sentiment de la pureté, ni ce que la foi, l’art ou la santé sont dans leur essence » ; parcourant la campagne ou soignant les blessés de la guerre civile ; prêchant l’exaltation de toutes les forces vives de l’individu, et allant vers tous, homme ou femme, les mains tendues, un cordial sourire aux lèvres ; en un mot, réalisant dans sa complète acception, encore insoupçonnée, l’homme de la Démocratie américaine, ou plutôt de la Démocratie universelle. […] A cela je répondrai : Vous pensez que pour atteindre cette vérité sublime vers laquelle vous tendez, il faut vivre en maîtres et en isolés, qu’il faut vous dépouiller soigneusement de tout ce que vous pouvez avoir de commun avec la foule. […] La force n’est pas, en effet, dans l’arme qui tranche : elle est dans la main qui se tend.
Au milieu de tout ce qu’elles renferment de gracieux, d’aimable, de tendre même au point de vue de la famille, il fait remarquer qu’on n’y rencontre jamais l’expression d’un sentiment religieux, pieux, jamais une larme de tendresse ou de tristesse, une parole d’humilité ou de compassion. […] Ce style n’est point inférieur en ressources à celui de Chateaubriand, et il tend moins au pur effet littéraire.
Je ne sais pas m’emparer d’eux Sans effacer leur éclat tendre, Ni, sans les tuer, les étendre, Une épingle au cœur, deux à deux. […] Sully Prudhomme soient fiers de lui, et que l’un d’eux nous écrive à son sujet : « Ou je me trompe fort et l’amitié m’égare, ou vous serez frappé de ce volume ; il révèle, si je ne m’abuse, un nouveau mouvement dans la poésie et comme le frémissement d’une aurore encore incertaine. » Je m’explique aussi que l’auteur, à la fin comme au début de son recueil, s’excuse de n’avoir su tout exprimer et tout rendre de ce qu’il voulait étreindre et de ce qu’il sentait : Je me croyais poëte, et j’ai pu me méprendre ; D’autres ont fait la lyre et je subis leur loi ; Mais si mon âme est juste, impétueuse et tendre, Qui le sait mieux que moi ?
Il s’était surpassé dans les derniers jours par ses tendres soins autour de l’agonie du malade. […] C’est par amitié pour ses collègues qu’il est resté à l’administration, parce qu’il tend naturellement au repos et à la solitude.
Il tend à rendre au Corps législatif quelques-unes des attributions vitales qui lui manquaient. […] Puisqu’on se donnait le temps de discuter si au long et de remanier sur quelques points le sénatus-consulte, j’aurais aimé qu’on tînt plus compte de l’amendement de M. de Sartiges et de la première partie du plan proposé par M. le président Bonjean, qui, l’un et l’autre, tendaient à ménager et à résoudre les conflits possibles entre le Corps législatif et le Sénat.
Lyon, dans notre histoire littéraire, a eu des destinées particulières : l’Allemagne, l’Italie, la France y mêlent leurs génies ; l’activité pratique, l’industrie, le commerce, les intérêts et les richesses qu’ils créent n’y étouffent pas les ardeurs mystiques, les exaltations âpres ou tendres, les vibrations profondes ou sonores de la sensibilité tumultueuse : c’est la ville de Valdo et de Ballanche, de Laprade et de Jules Favre. […] Même le sonnet était infiniment au-dessus du rondeau, dépouillé de la gentillesse puérile du refrain, tour à tour ample, ou mâle, ou tendre, ou passionné, et selon le mot de Burckhardt, précieux condensateur de l’émotion lyrique.
On la dit capricieuse ; ce n’est pas vrai : elle est au contraire régulière, « très soumise aux puissances de la nature. » Sur l’adultère, le grand poète semble peu complet, soit insuffisance d’information, soit indulgence et tendre partialité. […] L’amour mène à l’amour universel. « L’amour, dit l’auteur de l’Imitation, tend toujours en haut. » — C’est quand tous deux se rencontrent dans une idée de charité, « s’attendrissent dans la surprise d’avoir tellement le même cœur », que s’opère entre l’homme et la femme « l’échange absolu de l’être » et que se consomme leur « unité ».
Il n’en dit pas le côté noyé, voilé et tendre. […] Être accusé de manquer de cœur est le sort commun de tous les artistes non effrontés, qui ne font pas de leur cœur métier et marchandise, et qui ne l’accommodent pas en mélodie pour piano ; peut-être faut-il qu’on soit resté simple et instinctif pour deviner l’être aimant et divinement tendre, en lisant le Triomphe de Pétrarque et l’héroïque Thermodon ; mais il me semble difficile que le premier venu puisse lire sans pleurer les strophes émues et déchirantes inspirées à Théophile Gautier par la mort de sa mère.
Les vertus & les talens ne germent point dans des ames basses & rampantes, & quiconque a pû tendre les mains aux fers de la servitude, a dégradé son être & s’est avili d’avance aux yeux de la postérité (a). […] Quel plus doux emploi pour une mere que de verser dans les ames neuves & tendres de ses enfans les premieres impressions du beau & du vrai.
Nul doute, en effet, que l’amour tendre dont le cœur de Jésus était rempli pour la petite église qui l’entourait n’ait débordé à ce moment 1075. […] Deux d’entre eux, Jean et Pierre, surtout, furent l’objet de tendres marques d’attachement.